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#22 - Coralie Gueydon - King Jouet cover
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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#22 - Coralie Gueydon - King Jouet

#22 - Coralie Gueydon - King Jouet

25min |19/06/2025|

13

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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#22 - Coralie Gueydon - King Jouet

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Description

Coralie Gueydon, responsable RSE et dernière génération de l’entreprise familiale King Jouet, raconte comment elle impulse, avec Pascale Théry, une transformation profonde de l'enseigne vers un modèle économique régénératif. Elle dévoile une feuille de route ambitieuse autour de trois piliers : ancrer les magasins dans leur territoire et y ramener de la nature, repenser l’offre avec des jouets plus durables, réparables et locaux, et embarquer les collaborateurs dans une gouvernance plus inclusive. Coralie revient aussi sur son expérience marquante à la CEC, qui a renforcé sa conviction qu’un avenir désirable est possible – à condition d’oser changer de récit.


Un témoignage inspirant, concret, et profondément humain.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de Territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage de la responsable RSE d'une belle aventure entrepreneuriale familiale iséroise qui s'appelle King Jouet et cette responsable, c'est Coralie Gueydon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Coralie, bonjour.

  • CG

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • CG

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors moi, je suis vraiment ravi de t'accueillir dans ce podcast parce que j'ai découvert plein de choses en fait. Déjà, j'ai découvert une aventure familiale qui démarre quand même en 1875 à Voiron. Donc voilà, avec la naissance de ce qui deviendra King Jouet. Au départ, c'est un magasin. Et puis aujourd'hui, c'est un groupe de 1000 personnes. C'est juste une aventure incroyable, une aventure que finalement peu de gens connaissent, je pense. En fait, en plus, quand on entend King Jouet, on pense américain, soyons honnêtes. Et toi, aujourd'hui, tu portes cette dimension RSE, tu fais partie de la famille. Ce qui va être intéressant, c'est que tu nous parles un peu de cette transformation que vous avez déjà démarrée et que vous continuez à travers ta feuille de route. Une feuille de route dont la question régénérative, c'est : "Et si le jouet dans nos magasins devenait l'allié de la planète et de ses habitants ?" Tout un programme ! On va parler à la fois de la famille, on va parler des choix et on va essayer d'apporter des réponses concrètes. Donc moi, je suis impatient de cet échange. Donc ce que je te propose pour démarrer, déjà, c'est que tu nous présentes King Jouet.

  • CG

    Alors, comme tu disais, King Jouet, c'est une entreprise familiale avant tout. J'en suis la sixième génération. Ça a commencé avec l'arrière-grand-père de mon grand-père. Je n'arrive même pas à le positionner par rapport à moi. Et en effet, qui avait une activité, un petit commerce sur Voiron, de bazar, qui s'est spécialisé dans le jouet. Et mon grand-père, après, a développé une activité de grossiste, puis des magasins en propre. L'ancienne King Jouet est arrivée à la fin des années 80. Donc, années 80, on aime bien les anglicismes, on aime bien parler en anglais. D'où le nom King Jouet. On m'a déjà posé la question, est-ce qu'on va changer le nom King Jouet ? Je pense qu'on y est trop attachés aujourd'hui. Le symbole du lion, voilà, on est beaucoup attachés. Aujourd'hui, c'est mon père qui en est à la tête, qui s'approche doucement de l'âge de la retraite. Et donc, je serai amenée à prendre la direction de l'entreprise d'ici deux, trois ans avec mon beau-frère Noam. Et voilà, c'était important pour nous de porter un nouveau projet pour l'entreprise. Donc voilà pour la photo un peu globale et historique en tout cas de King Jouet. Mais aujourd'hui, c'est environ 400 magasins en France, Belgique, Luxembourg, Suisse. La majorité en propre, en succursale. On a une petite centaine de franchisés. Donc on vend des jouets pour les enfants, mais aussi pour ceux qui sont des grands enfants et qui aiment encore ça. Et c'est 2000 collaborateurs.

  • SG

    D'accord. Comment tu reviens dans l'aventure ? Tu l'as quittée ? Tu n'y étais peut-être pas ? C'est toujours une question qu'on se pose ?

  • CG

    C'est anecdotique, mais je suis la fille aînée. D'accord. Dans ma fratrie, j'ai deux sœurs. Donc, automatiquement, la logique voudrait que je sois celle qui était destinée dès le début. Du coup, j'ai eu besoin de voir autre chose, d'être sûre que c'est bien là que je dois aller. J'ai fait des études de droit à la base, de droit public international. Et on pourra en reparler parce que ma sensibilité, du coup, à ces enjeux vient aussi de là. J'ai testé plusieurs choses, plusieurs domaines. Je suis partie en Espagne, notamment. Je suis partie en Australie. Mon mari est australien. Donc, vraiment, je suis allée très loin pour être sûre que ma place, elle était là. Je suis arrivée d'abord chez KingJu en 2017 sur la partie e-commerce, donc assez éloignée de mon activité aujourd'hui. Et assez rapidement, au bout de quelques années, je me suis un petit peu essoufflée et j'ai un peu perdu de sens dans mon activité, où on était toujours dans cette logique de plus, plus, plus, il faut faire plus de chiffres d'affaires. J'ai passé l'époque du Covid avec mon équipe et voilà, on était vraiment dans ce boom de l'économie digitale. Et du coup, j'ai eu besoin d'aller voir ailleurs, de m'éloigner de l'activité pour revenir et revenir avec cette promesse portée par mon père à l'époque. Je pourrais aussi apporter ma patte sur la responsabilité, la durabilité, le modèle de l'entreprise, donc à travers des enjeux autour de la RSE, pour la transformer un peu comme moi je l'imagine plus tard.

  • SG

    D'accord. Et alors, du coup, souvent, quand il y a des transmissions comme ça, c'est sûr que le sujet RSE, c'est aussi l'écologie, la biodiversité. Du coup, si on rentre dans le vif du sujet, comment ton père, il appréhende ces choses-là ?

  • CG

    Il avait bien conscience que pour moi, c'était très important. Je suis un peu le caillou dans la chaussure dans ma famille. Je suis végétarienne depuis sept ans, donc je suis déjà celle qui fait changer les menus à Noël pour tout le monde. Et il l'avait bien en tête.

  • SG

    La "chiante" du repas de famille, c'est ça ?

  • CG

    Un petit peu, un petit peu. Mais petit à petit, je vois aussi les comportements changer. Donc, il savait que c'était important pour moi. Et je pense que du coup, le fait que ce soit important pour moi, il me faisait suffisamment confiance pour savoir que ce serait aussi important pour l'entreprise, pour son modèle futur. Donc, il était assez sensible et c'était facile pour lui de passer ce pas, de se dire, OK, je donne les manettes à la nouvelle génération d'ici quelques années et le modèle qu'ils vont porter, ce sera le bon. Et il va s'inscrire dans cette démarche-là. Et du coup, je supporte ça aussi.

  • SG

    D'accord. Alors, quel déclic te fait rentrer, j'allais dire tomber dans la CEC ?

  • CG

    C'est un peu un concours de circonstances, c'est un peu des synchronicités. C'était l'époque quand, en fait, ils ont d'abord approché mon père. Pour lui dire, ce serait bien que King Jouet participe. Quand même, le bassin alpin est plutôt bien représenté dans ce parcours-là, ce serait dommage de ne pas avoir King Jouet. Et du coup, il me passe un peu ce bébé en me disant ça, ça va te parler. Et en effet, ça me parle. Et en fait, au même moment, on parle beaucoup de Mustela, qui arrête les lingettes. On parle beaucoup de Chartreuse, qui réduit sa production, et en étant voironaises, voilà, ça parle tout de suite. On se dit mince, pourquoi ? Comment est-ce qu'ils arrivent à cette conclusion ? Et voilà, je fais la rencontre du coup de Anne-Fleur, Anne-Fleur Barret. Et voilà, et qui nous présente ça, ce parcours de la CEC. Et je me dis, waouh, un tel parcours existe pour les entreprises. Il faut qu'on y aille, c'est sûr.

  • SG

    Et toi, je te coupe, mais le régénératif, ça te parlait ou pas ?

  • CG

    À l'époque, de loin, ou en tout cas, pas à appliquer un modèle économique et un modèle d'entreprise. Ça, c'est sûr et certain. Pour moi, une entreprise, il fallait avant tout qu'elle limite son impact, qu'elle arrive à limiter au minimum. Mais quand, dans le parcours de la CEC, on te parle d'un modèle économique régénératif et un impact positif, tu te dis « Waouh ! » En fait, on n'a même pas fait la moitié du chemin, là. Limiter son impact, c'est bien, mais on peut aller au-delà de ça. Je trouve que, du coup, tu as une matrice un peu de référentiel qui est complètement différente. Et tu approches, du coup, ta stratégie complètement différemment.

  • SG

    C'est vrai qu'on se rend compte que les gens qui ont fait la CEC étaient quand même assez convaincus. Mais alors, comment tu prends, justement, ces premières journées qui sont quand même assez violentes ?

  • CG

    Très dures. Moi, j'étais déjà assez consciente, entre guillemets, qu'il y avait un problème et il y avait des enjeux. Et déjà un peu éco-anxieuse à la base. D'accord. Spoiler alert, ça ne s'est pas beaucoup amélioré ! Je travaille dessus. Et du coup, ces premières journées, à la fois très dures. Je me vois vraiment rentrer chez moi et dire à mon mari : c'est la fin, il faut qu'on fasse quelque chose, il faut qu'on ait un potager, il faut qu'on soit autonome. Ce qui n'est pas la bonne réponse non plus. Mais voilà, il faut qu'on fasse quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Donc un peu démunie. Et en même temps, très vite. Tu as cette force du collectif, tu as cette beauté des relations que tu noues au sein de la CEC qui te portent et qui te donnent énormément d'énergie et qui te font voir qu'ensemble, on va peut-être arriver à quelque chose.

  • SG

    Et toi, la CEC, tu es la planète champion ?

  • CG

    J'étais la planète champion,

  • SG

    oui. D'accord. Et donc, tu l'as fait avec ta PDG ?

  • CG

    Avec Pascale Théry, qui est la directrice générale adjointe.

  • SG

    Et alors, elle, comment elle prend cette...

  • CG

    Pareil, elle était un niveau de sensibilité un peu en dessous. et elle se l'est vraiment pris en pleine face. Et ça a été une vraie remise en question pour elle, un vrai changement d'état d'esprit, et je sais que ça l'a profondément, profondément marquée. Et toutes les deux, ça nous a aussi créé ce lien entre nous, très très fort, qu'on continue de porter au quotidien. Très marquant.

  • SG

    C'est d'ailleurs ça la difficulté, c'est qu'on crée quelque chose d'assez incroyable entre les participants, et quand on ressort de là... parfois, on a du mal à expliquer les choses. On les explique souvent moins bien, d'ailleurs, que les experts qui viennent. Et c'est vrai qu'on est un peu en ébullition, alors que les autres ne le sont pas forcément.

  • CG

    C'est ça qui est un peu frustrant. C'est vrai qu'à la fin des premières, deuxièmes sessions, tu as envie de tout partager, tu as envie de sensibiliser tout le monde, de leur dire, mais regardez Arthur Keller, mais regardez. Et en fait, tu ne peux pas, parce qu'on ne parle pas la même langue à ce moment-là. On n'est pas sur les mêmes niveaux. Donc, il faut y aller vraiment petit à petit, pas brusquer, entre guillemets, et en même temps, t'as envie de les secouer. Donc, c'est vrai que sur ce travail d'embarquement, nous, on a fait le choix d'avoir un peu dans cette logique d'itération. On y est allé régulièrement auprès de notre Codir, tous les mois, en diluant un petit peu les informations, et on y revient, et on répète les mêmes choses. Et je pense que ça a plutôt bien marché, qu'on a réussi quand même à les embarquer là-dessus. Et après, on a fait participer du coup Philippe, mon père, avec Noam, mon beau-frère et deux autres personnes de l'équipe, à l'embarquement en septembre. Et on les a vraiment vus revenir en mode « Ok, maintenant on comprend ce que vous êtes en train de vivre, il n'y a pas de question, on y va » . Et ça a vraiment été aussi un élément supplémentaire de déclenchement pour eux de pouvoir vivre aussi cette méthodologie.

  • SG

    Et après, plus largement par rapport aux collaborateurs, vous avez déjà fait des choses, comment vous avez appréhendé ?

  • CG

    Pour l'instant, on communique en effet beaucoup. On prend chaque opportunité pour les embarquer avec nous. Là, par exemple, début juin, on a notre salon annuel où on a l'entièreté des équipes magasins qui viennent nous voir sur Lyon à Eurexpo avec les fournisseurs. On a aussi la majorité de nos fournisseurs. Et on va leur présenter justement les grands piliers de notre feuille de route. On va les embarquer avec nous sur ce voyage en 2035 : King Jouet, où est-ce qu'on va être, à quoi ça va ressembler et quels vont être les grands piliers de cette transformation. Et c'est un message qu'on va porter aussi auprès de nos fournisseurs.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être qu'on peut parler des piliers, puis après on parlera de la suite. Alors c'est quoi votre feuille de route finalement ?

  • CG

    Alors, elle s'organise auprès de trois piliers. Le premier, c'est vraiment notre modèle social, sociétal, humain. Comment est-ce qu'on l'intègre dans ce modèle-là ? Donc, les enjeux autour de la gouvernance, partage de la valeur, comment on s'organise et comment est-ce qu'on va former aussi nos équipiers, comment s'assurer que nos humains vont arriver à suivre ce modèle de transformation et eux aussi vont être transformés. Donc, être ambassadeur de ce modèle et prêt à ces nouveaux métiers. Le deuxième pilier, c'est le magasin, parce qu'on est quand même convaincus que ça va rester au cœur de notre activité. Il est dans notre question régénérative, ce magasin, ce lieu physique. Et sur le magasin, on a deux gros enjeux qu'on veut adresser. Le premier, c'est s'assurer que les magasins soient vraiment ancrés dans leur tissu local. Qu'ils ne soient pas juste un îlot, mais qu'ils puissent partager avec les autres acteurs économiques, bien sûr, partager des ressources, mais aussi intégrer avec les écoles, les maisons de retraite, des associations, tout cet écosystème qu'il y a autour et qui ont un besoin, une demande auprès du jouet, qui peut être directe ou indirecte. Mais les écoles ont besoin aussi de supports pédagogiques, elles ont besoin de jouets pour éduquer les enfants. Nous, on les a en magasin, donc on peut échanger autour de ça. Et le deuxième, et c'est celui qui fait souvent un peu sourire, et notamment en interne, parce qu'on a du mal à l'imaginer, c'est de ramener de la nature dans nos magasins.

  • SG

    Celui qui m'a fait sourire, je te le dis.

  • CG

    Ça paraît dingue, et pour nous, ça a vraiment été, quand je reviens à une des premières questions, mais sur la question du régénératif. On dit qu'il faut ramener de la nature et à un moment, on a vraiment eu ce déclic avec Pascale de dire « Mais attends, nous on a 400 points physiques à travers la France et l'Europe. » C'est là en fait, c'est là qu'il faut qu'on ramène de la nature. C'est là qu'il faut qu'on vienne apporter ce plus, ce régénératif. Parce qu'aujourd'hui, nos magasins sont majoritairement en périphérie, donc sur les zones commerciales, avec des grands beaux parkings de béton, dans des bâtiments en tôle, tu n'as pas un brin d'herbe qui dépasse. ça, on peut le challenger, on peut le remettre en question, on peut apporter de la nature. On peut débétoniser, on peut mettre des toits végétaux. Il y a plein de choses qui sont à faire, mais qui n'ont pas encore été abordées. Il y a un vrai périmètre de croissance là-dessus.

  • SG

    Quelque part, c'est d'être un peu pionnier pour inspirer les autres, parce que j'imagine qu'autour, c'est compliqué d'appréhender et de comprendre peut-être ça.

  • CG

    Exactement, on se voit vraiment pionnier sur ce sujet-là, parce que ce n'est pas encore du tout fait. Et surtout, on a la problématique qu'aujourd'hui, nous, on n'est pas propriétaires de nos bâtiments, on fait des bailleurs. Donc, il faut arriver à les embarquer avec nous et s'assurer qu'eux aussi voient ce côté bénéfique parce qu'ils vont sûrement faire des économies en termes de clim, de chauffage, parce qu'avec la végétation, on arrivera à mieux isoler, à créer des îlots de fraîcheur. Aussi parce qu'un sol débétonisé, il absorbe mieux l'eau, donc il y a moins de risques d'inondations, de dégâts des eaux. Donc, arriver à mettre tous ces bénéfices en face, et qu'ils voient aussi qu'on participe à la pérennité de leur zone commerciale.

  • SG

    C'est ça qui est intéressant, parce qu'un grand groupe avec des dirigeants alignés, je ne suis pas sûr que ça soit si fréquent. Et du coup, c'est ça qui est inspirant aussi. Parce qu'en fait, d'abord, tu sais de quoi tu parles. Et du coup, finalement, on peut se dire, si eux pensent à ça, s'ils estiment que c'est... Nous aussi, on peut peut-être y aller.

  • CG

    Et c'est pour ça que c'est important, en tout cas, de prendre la parole et de le dire et de partager et d'échanger avec d'autres dirigeants, petits ou grands, pour qu'ils voient aussi que c'est possible.

  • SG

    Voilà, c'est possible. Après, on peut aussi se dire, et je me fais l'avocat du diable en disant, vos produits, ils viennent tous d'Asie. Voilà, et vous nous dites ça, mais d'un autre côté, voilà. Et ça ne doit pas être simple, ça, ce chemin-là.

  • CG

    Exactement, et c'est pour ça que c'est notre troisième pilier, l'offre, le jouet. Parce que c'est bien beau, on vend des jouets dans nos magasins, on fait rêver les enfants, c'est notre mission, faire rêver les enfants, accompagner les parents. Mais les jouets aujourd'hui en France c'est 100 000 tonnes de déchets par an, c 'est l'ADEME qui le dit, c'est juste énorme. Un jouet, c'est huit mois en moyenne de temps d'utilisation, donc ce n'est pas très long. Donc il y a un vrai sujet autour de ça. On a fait notre bilan carbone il n'y a pas très longtemps : 70% de notre impact, c'est l'offre. C'est le jouet entre sa fabrication, son transport, son utilisation après. Donc, c'est vraiment majeur. Donc, si on n'adresse pas ce point-là, on n'adresse rien du tout. C'est pour ça qu'on a des gros enjeux dessus. Déjà, ce jouet, pour l'adresser, il faut qu'on embarque la filière avec nous. On ne peut pas y aller tout seul. Il faut qu'on embarque les fournisseurs avec nous. Il y en a qui sont déjà très avancés sur ce sujet, qui lancent de très belles initiatives en France. Il faut qu'on embarque aussi maintenant ceux qui ont un peu plus de réticence et leur prouver que c'est le modèle de demain qu'il faut aller là-dessus. Ensuite, il faut que notre offre qu'on propose elle soit plus durable. Et durable, ça veut dire qu'en termes de matériaux, on privilégie des matériaux qui soient durables, comme le bois par exemple, comme les plastiques recyclés justement, on a déjà beaucoup de déchets, qu'on puisse les réutiliser, qu'ils soient réparables. Ça, c'est des notions qu'on n'a pas encore du tout dans le jouet. Le jouet, il est cassé, je le jette et puis je rajoute autre chose. Non, parfois, on peut le réparer. Et pour ça, on a aussi besoin des fournisseurs, pour s'assurer que les jouets soient réparables. Et surtout, qu'il soit une offre qui soit le plus locale possible. On ne pourra pas tout fabriquer en France. Mais déjà, si on arrive à rapatrier certaines des productions en France, ou en Europe, on va déjà arriver à recréer un peu ce tissu économique européen, local, et être plus pérenne, plus durable. Je ne veux pas rentrer dans la géopolitique, mais on voit aujourd'hui les droits de douane entre la Chine et les États-Unis. Si ça nous arrive demain en France, dans notre activité, aujourd'hui c'est 80 % des jouets qui sont fabriqués en Chine. Donc ça aura aussi un gros impact sur l'approvisionnement.

  • SG

    Justement, par rapport à l'international, en fait, parfois on se dit, nous, les Français, on veut faire des choses, les autres ne font rien, ne faisons rien.

  • CG

    Oui, ce serait un peu la solution de facilité. Mais je pense qu'on a la chance d'être dans un pays où il y a des initiatives qui émergent. Et du coup, il ne faut pas lâcher, il faut capitaliser dessus et travailler sur cette robustesse au niveau local.

  • SG

    Et c'est quoi les freins en fait ? Parce qu'on a parlé des collaborateurs, mais je ne suis pas certain que les collaborateurs voient ça d'un bon oeil.

  • CG

    Tant qu'on les embarque, tant qu'on leur donne cette photo, on va les embarquer. On a la chance d'être une entreprise familiale. Je pense que ça aide beaucoup. Nous, quand on parle d'un plan de transformation à 10 ans, moi dans 10 ans, je serai toujours là. Il n'y a vraiment pas de question là-dessus. Donc, on a cette chance de pouvoir se projeter sur le long terme. Et je pense que du coup, ça leur parle beaucoup et ça les aide beaucoup. Les freins, à la limite, viennent plus des parties prenantes externes qui sont plus difficiles à adresser directement. On a parlé des bailleurs, des fournisseurs, bien évidemment, où c'est plus difficile. Ils ont un modèle économique qui ne répond pas du tout à ces attentes. Donc, il faut les accompagner, leur montrer un peu quels enseignements on a eus. On le voit, ça fait deux ans et demi qu'on a développé l'occasion, les jouets d'occasion dans certains de nos magasins. Et aujourd'hui, pour un fournisseur qui a un modèle économique qui repose sur du jouet neuf, C'est un peu antinomique et ils peuvent voir ça avec un peu d'appréhension. Donc, charge à nous de leur démontrer que non, il y a un vrai modèle économique derrière, qu'ils peuvent nous accompagner aussi là-dessus. Et c'est pour ça qu'on continue aussi de développer ce modèle de King Occas sur le jouet d'occasion. Donc, ces freins, on les connaît, on les a en tête et on les fait tomber petit à petit, on espère.

  • SG

    Alors justement, si dans dix ans, je t'interviewe, Coralie, tu es encore là, moi je suis peut-être encore là. Tu me racontes quoi alors ? C'est quoi dans dix ans King Jouet ?

  • CG

    J'espère que dans 10 ans, King Jouet, en tout cas, on est encore là. On a encore des magasins et on continue de faire rêver les enfants. Si on arrive à continuer notre activité et à profiter pleinement aux générations futures, le pari sera réussi. Et je pense qu'on aura vraiment une activité qui sera transformée. On aura toujours des magasins, en effet, mais magasins, on ne fera au final pas tant de ventes de jouets neufs. On proposera aussi de la location. On proposera de la réparation, faire des ateliers de réparation, montrer aux enfants comment prendre soin de leurs jouets pour qu'ils durent le plus longtemps possible et qu'après, ils puissent nous les ramener et qu'on leur achète ou on leur échange un jouet et qu'on le propose à d'autres enfants plus jeunes. On le voit vraiment comme un lieu vivant d'échange, de partage. Pendant ce temps-là, les parents sont en train de jouer à un jeu de société à côté qu'ils viennent de découvrir avec les voisins du coin qui viennent d'emménager. On a vraiment une vision dans la coopération, dans le partage de nos magasins.

  • SG

    C'est travailler la proximité et le digital alors, parce que c'est aussi dans vos ventes, j'imagine, dans le chiffre d'affaires, c'est important.

  • CG

    Exactement, et on se dit que le magasin, malheureusement, tout le monde n'habite pas à côté d'un King Jouet. Je vous le souhaite, mais c'est pas réaccessible. Et du coup, le digital doit continuer à arriver à combler aussi ces trous, à pouvoir répondre aux besoins de personnes qui ne peuvent pas forcément se rendre en magasin et rendre du coup cette offre qui sera plus durable, accessible à tous. Donc, le digital va rester partie de nos activités.

  • SG

    D'accord. Je pense que j'ai à peu près bien compris. C'est très clair, franchement. Et toi, sur ton engagement personnel, est-ce que finalement, ça t'a beaucoup changé, la CEC ?

  • CG

    Comme je disais, ayant fait des études de droit international public, ça parle peut-être pas à tout le monde, mais on se parle beaucoup, du coup, de droit de l'homme, de droits en tout cas de ces minorités. Donc très tôt, j'ai eu un peu cette conscience de : on n'est pas tous logés à la même enseigne. Et que quand on parle de flux migratoires, généralement, ce n'est pas qui était de cœur et qu'il y a ces enjeux écologiques qui font que des personnes ne sont pas dans des endroits qui soient favorisés comme le nôtre. Donc j'ai attaqué la CEC avec déjà un peu en tête qu'il fallait qu'on fasse quelque chose, qu'il y avait un peu un problème sur notre modèle. Ce que la CEC m'a apporté, au-delà de beaucoup de connaissances sur les enjeux, des données scientifiques sur lesquelles on peut s'appuyer, c'est aussi cette vision positive du futur, ce futur désirable, qui me manquait profondément. Au lieu de me dire, oui, en effet, on est un peu dans la merde, de dire, non, en fait, il y a un futur possible, et ce futur, il va être beau, il va être chouette, parce qu'on va y aller tous ensemble. Et ça, j'en avais profondément besoin. Et c'est ce qui me donne de l'énergie aujourd'hui. Avant, je manquais d'énergie, j'avais du mal à me mettre en action parce que je n'avais pas cette photo de fin, de dire que c'est possible d'avoir un futur qui est différent et il va être désirable, il va être super chouette parce qu'il va y avoir la coopération. On va créer du lien, du partage. Tout le monde aura sa place dans ce futur. Donc, ça m'a beaucoup aidée.

  • SG

    D'accord. En fait, vous travaillez sur le récit, finalement.

  • CG

    Ça en fait partie. Ça en fait partie. C'est vraiment une composante majeure que je pense, je n'avais pas conscience à quel point le récit était important. Et pour ça, l'intervention de Côme dans le parcours nous a beaucoup aidé.

  • SG

    Alors, qu'est-ce que tu dirais, toi, à un dirigeant, alors même d'une TPA, du PME plus petite, qu'est-ce que tu lui dirais pour, quelque part, le convaincre de se lancer dans une démarche RSE, mais régénérative, disons-le ?

  • CG

    Je pense que, malheureusement, on n'a pas trop le choix. Si on veut être encore là demain et dans des bonnes conditions, Il faut se lancer et que surtout c'est vraiment une belle démarche parce que pour faire cette démarche d'essayer de trouver son modèle régénératif, il faut prendre du temps, il faut s'accorder ce temps et c'est pour ça que le parcours de la CEC c'est un vrai cadeau pour les dirigeants qui participent, parce qu'on nous donne cet espace de temps. Donc il faut arriver à se faire ce cadeau-là aussi, de prendre du temps pour repenser ses activités et arriver à revoir ce modèle. Parce que passer par un modèle régénératif très souvent c'est des renoncements. Et pour faire des renoncements, ça prend du temps. Il faut vraiment se pencher dessus. Ce n'est pas du business as usual. Non, on vient couper des lignes. Donc, il faut se donner ce temps. Et c'est aussi une belle expérience de se donner du temps en tant que chef d'entreprise.

  • SG

    D'accord. Donc, si tu avais un conseil à donner, c'est prenez le temps. On prend un peu de la hauteur. et ne vous inquiétez pas, votre chiffre d'affaires ne va pas s'effondrer, bien au contraire, il va peut-être... progresser, mais autrement.

  • CG

    Exactement. Et ça ne fera peut-être pas le chiffre d'affaires. Et peut-être que le chiffre d'affaires, on s'en foutra, entre guillemets. Mais en tout cas, on aura un impact positif.

  • SG

    Faut quand même qu'on reste rentable.

  • CG

    Il y a un minimum.

  • SG

    Alors, si justement, question un peu piège, parce qu'on va terminer ce podcast. Si tu pouvais me définir en trois mots l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • CG

    Alors, elle est challengeante.

  • SG

    Oui.

  • CG

    Pour y arriver, c'est quand même un gros challenge. Mais je pense que c'est important d'avoir de l'ouverture. Elle oblige à s'ouvrir. Et puis, elle est désirable, évidemment.

  • SG

    Oui, c'est bien. Et si tu avais une baguette magique au jour d'aujourd'hui, tu changerais quoi dans les règles du jeu économique ?

  • CG

    Je pense que je changerais un peu les enjeux géopolitiques, qui est un peu cette nécessité aujourd'hui de passer par des acteurs qui sont très, très loin, alors qu'eux aussi pourraient se concentrer sur leur niveau. au niveau local et apporter au niveau local et que du coup, on se perd un peu à vouloir transporter la marchandise très très loin et à dépendre justement d'acteurs qui sont très très loin, alors qu'on a des acteurs locaux qui auraient besoin de plus de nous. Donc je pense que ce serait un peu rebattre les cartes de ce commerce international pour nous donner plus d'énergie, de place, d'espace pour se concentrer sur le local.

  • SG

    Ça veut dire quoi ? Parce que là, tu es une dirigeante, tu mettrais des contraintes pour...

  • CG

    Ou j'enlèverai des contraintes. J'enlèverai des contraintes pour justement relibérer en local.

  • SG

    D'accord. Et alors, pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante dans l'avenir ?

  • CG

    Ce qui me rend confiante dans l'avenir, c'est de voir que de plus en plus, il y a des discours qui émergent et de dirigeants, et de dirigeants souvent d'une autre génération que moi, même plus âgés, qui portent ces discours. Je suis de plus en plus invitée à... Il y a des tables rondes, des clubs de dirigeants où la majorité des personnes autour de la table sont plutôt des hommes blancs,

  • SG

    de ce que je vais dire.

  • CG

    Et on parle de biodiversité. Et on parle de régénératif. Et je trouve ça dingue. Et ça me donne vraiment confiance, du coup, en l'avenir.

  • SG

    Et alors, conclusion, la prochaine génération, alors ?

  • CG

    J'ai deux enfants en bas âge, deux et quatre ans.

  • SG

    Oui,

  • CG

    ça va. Je vais leur en parler. Je crois qu'ils ont déjà quelques idées.

  • SG

    Écoute, merci Coralie. En tous les cas, c'était sincère et joyeux. Et je termine toujours par une citation. C'est une citation d'Albert Jacquard qui, je pense, fait écho à ce qu'on s'est dit. C'est « Transmettre, ce n'est pas répéter, c'est faire vivre » . Donc, encore merci. A bientôt. Merci beaucoup.

Description

Coralie Gueydon, responsable RSE et dernière génération de l’entreprise familiale King Jouet, raconte comment elle impulse, avec Pascale Théry, une transformation profonde de l'enseigne vers un modèle économique régénératif. Elle dévoile une feuille de route ambitieuse autour de trois piliers : ancrer les magasins dans leur territoire et y ramener de la nature, repenser l’offre avec des jouets plus durables, réparables et locaux, et embarquer les collaborateurs dans une gouvernance plus inclusive. Coralie revient aussi sur son expérience marquante à la CEC, qui a renforcé sa conviction qu’un avenir désirable est possible – à condition d’oser changer de récit.


Un témoignage inspirant, concret, et profondément humain.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de Territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage de la responsable RSE d'une belle aventure entrepreneuriale familiale iséroise qui s'appelle King Jouet et cette responsable, c'est Coralie Gueydon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Coralie, bonjour.

  • CG

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • CG

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors moi, je suis vraiment ravi de t'accueillir dans ce podcast parce que j'ai découvert plein de choses en fait. Déjà, j'ai découvert une aventure familiale qui démarre quand même en 1875 à Voiron. Donc voilà, avec la naissance de ce qui deviendra King Jouet. Au départ, c'est un magasin. Et puis aujourd'hui, c'est un groupe de 1000 personnes. C'est juste une aventure incroyable, une aventure que finalement peu de gens connaissent, je pense. En fait, en plus, quand on entend King Jouet, on pense américain, soyons honnêtes. Et toi, aujourd'hui, tu portes cette dimension RSE, tu fais partie de la famille. Ce qui va être intéressant, c'est que tu nous parles un peu de cette transformation que vous avez déjà démarrée et que vous continuez à travers ta feuille de route. Une feuille de route dont la question régénérative, c'est : "Et si le jouet dans nos magasins devenait l'allié de la planète et de ses habitants ?" Tout un programme ! On va parler à la fois de la famille, on va parler des choix et on va essayer d'apporter des réponses concrètes. Donc moi, je suis impatient de cet échange. Donc ce que je te propose pour démarrer, déjà, c'est que tu nous présentes King Jouet.

  • CG

    Alors, comme tu disais, King Jouet, c'est une entreprise familiale avant tout. J'en suis la sixième génération. Ça a commencé avec l'arrière-grand-père de mon grand-père. Je n'arrive même pas à le positionner par rapport à moi. Et en effet, qui avait une activité, un petit commerce sur Voiron, de bazar, qui s'est spécialisé dans le jouet. Et mon grand-père, après, a développé une activité de grossiste, puis des magasins en propre. L'ancienne King Jouet est arrivée à la fin des années 80. Donc, années 80, on aime bien les anglicismes, on aime bien parler en anglais. D'où le nom King Jouet. On m'a déjà posé la question, est-ce qu'on va changer le nom King Jouet ? Je pense qu'on y est trop attachés aujourd'hui. Le symbole du lion, voilà, on est beaucoup attachés. Aujourd'hui, c'est mon père qui en est à la tête, qui s'approche doucement de l'âge de la retraite. Et donc, je serai amenée à prendre la direction de l'entreprise d'ici deux, trois ans avec mon beau-frère Noam. Et voilà, c'était important pour nous de porter un nouveau projet pour l'entreprise. Donc voilà pour la photo un peu globale et historique en tout cas de King Jouet. Mais aujourd'hui, c'est environ 400 magasins en France, Belgique, Luxembourg, Suisse. La majorité en propre, en succursale. On a une petite centaine de franchisés. Donc on vend des jouets pour les enfants, mais aussi pour ceux qui sont des grands enfants et qui aiment encore ça. Et c'est 2000 collaborateurs.

  • SG

    D'accord. Comment tu reviens dans l'aventure ? Tu l'as quittée ? Tu n'y étais peut-être pas ? C'est toujours une question qu'on se pose ?

  • CG

    C'est anecdotique, mais je suis la fille aînée. D'accord. Dans ma fratrie, j'ai deux sœurs. Donc, automatiquement, la logique voudrait que je sois celle qui était destinée dès le début. Du coup, j'ai eu besoin de voir autre chose, d'être sûre que c'est bien là que je dois aller. J'ai fait des études de droit à la base, de droit public international. Et on pourra en reparler parce que ma sensibilité, du coup, à ces enjeux vient aussi de là. J'ai testé plusieurs choses, plusieurs domaines. Je suis partie en Espagne, notamment. Je suis partie en Australie. Mon mari est australien. Donc, vraiment, je suis allée très loin pour être sûre que ma place, elle était là. Je suis arrivée d'abord chez KingJu en 2017 sur la partie e-commerce, donc assez éloignée de mon activité aujourd'hui. Et assez rapidement, au bout de quelques années, je me suis un petit peu essoufflée et j'ai un peu perdu de sens dans mon activité, où on était toujours dans cette logique de plus, plus, plus, il faut faire plus de chiffres d'affaires. J'ai passé l'époque du Covid avec mon équipe et voilà, on était vraiment dans ce boom de l'économie digitale. Et du coup, j'ai eu besoin d'aller voir ailleurs, de m'éloigner de l'activité pour revenir et revenir avec cette promesse portée par mon père à l'époque. Je pourrais aussi apporter ma patte sur la responsabilité, la durabilité, le modèle de l'entreprise, donc à travers des enjeux autour de la RSE, pour la transformer un peu comme moi je l'imagine plus tard.

  • SG

    D'accord. Et alors, du coup, souvent, quand il y a des transmissions comme ça, c'est sûr que le sujet RSE, c'est aussi l'écologie, la biodiversité. Du coup, si on rentre dans le vif du sujet, comment ton père, il appréhende ces choses-là ?

  • CG

    Il avait bien conscience que pour moi, c'était très important. Je suis un peu le caillou dans la chaussure dans ma famille. Je suis végétarienne depuis sept ans, donc je suis déjà celle qui fait changer les menus à Noël pour tout le monde. Et il l'avait bien en tête.

  • SG

    La "chiante" du repas de famille, c'est ça ?

  • CG

    Un petit peu, un petit peu. Mais petit à petit, je vois aussi les comportements changer. Donc, il savait que c'était important pour moi. Et je pense que du coup, le fait que ce soit important pour moi, il me faisait suffisamment confiance pour savoir que ce serait aussi important pour l'entreprise, pour son modèle futur. Donc, il était assez sensible et c'était facile pour lui de passer ce pas, de se dire, OK, je donne les manettes à la nouvelle génération d'ici quelques années et le modèle qu'ils vont porter, ce sera le bon. Et il va s'inscrire dans cette démarche-là. Et du coup, je supporte ça aussi.

  • SG

    D'accord. Alors, quel déclic te fait rentrer, j'allais dire tomber dans la CEC ?

  • CG

    C'est un peu un concours de circonstances, c'est un peu des synchronicités. C'était l'époque quand, en fait, ils ont d'abord approché mon père. Pour lui dire, ce serait bien que King Jouet participe. Quand même, le bassin alpin est plutôt bien représenté dans ce parcours-là, ce serait dommage de ne pas avoir King Jouet. Et du coup, il me passe un peu ce bébé en me disant ça, ça va te parler. Et en effet, ça me parle. Et en fait, au même moment, on parle beaucoup de Mustela, qui arrête les lingettes. On parle beaucoup de Chartreuse, qui réduit sa production, et en étant voironaises, voilà, ça parle tout de suite. On se dit mince, pourquoi ? Comment est-ce qu'ils arrivent à cette conclusion ? Et voilà, je fais la rencontre du coup de Anne-Fleur, Anne-Fleur Barret. Et voilà, et qui nous présente ça, ce parcours de la CEC. Et je me dis, waouh, un tel parcours existe pour les entreprises. Il faut qu'on y aille, c'est sûr.

  • SG

    Et toi, je te coupe, mais le régénératif, ça te parlait ou pas ?

  • CG

    À l'époque, de loin, ou en tout cas, pas à appliquer un modèle économique et un modèle d'entreprise. Ça, c'est sûr et certain. Pour moi, une entreprise, il fallait avant tout qu'elle limite son impact, qu'elle arrive à limiter au minimum. Mais quand, dans le parcours de la CEC, on te parle d'un modèle économique régénératif et un impact positif, tu te dis « Waouh ! » En fait, on n'a même pas fait la moitié du chemin, là. Limiter son impact, c'est bien, mais on peut aller au-delà de ça. Je trouve que, du coup, tu as une matrice un peu de référentiel qui est complètement différente. Et tu approches, du coup, ta stratégie complètement différemment.

  • SG

    C'est vrai qu'on se rend compte que les gens qui ont fait la CEC étaient quand même assez convaincus. Mais alors, comment tu prends, justement, ces premières journées qui sont quand même assez violentes ?

  • CG

    Très dures. Moi, j'étais déjà assez consciente, entre guillemets, qu'il y avait un problème et il y avait des enjeux. Et déjà un peu éco-anxieuse à la base. D'accord. Spoiler alert, ça ne s'est pas beaucoup amélioré ! Je travaille dessus. Et du coup, ces premières journées, à la fois très dures. Je me vois vraiment rentrer chez moi et dire à mon mari : c'est la fin, il faut qu'on fasse quelque chose, il faut qu'on ait un potager, il faut qu'on soit autonome. Ce qui n'est pas la bonne réponse non plus. Mais voilà, il faut qu'on fasse quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Donc un peu démunie. Et en même temps, très vite. Tu as cette force du collectif, tu as cette beauté des relations que tu noues au sein de la CEC qui te portent et qui te donnent énormément d'énergie et qui te font voir qu'ensemble, on va peut-être arriver à quelque chose.

  • SG

    Et toi, la CEC, tu es la planète champion ?

  • CG

    J'étais la planète champion,

  • SG

    oui. D'accord. Et donc, tu l'as fait avec ta PDG ?

  • CG

    Avec Pascale Théry, qui est la directrice générale adjointe.

  • SG

    Et alors, elle, comment elle prend cette...

  • CG

    Pareil, elle était un niveau de sensibilité un peu en dessous. et elle se l'est vraiment pris en pleine face. Et ça a été une vraie remise en question pour elle, un vrai changement d'état d'esprit, et je sais que ça l'a profondément, profondément marquée. Et toutes les deux, ça nous a aussi créé ce lien entre nous, très très fort, qu'on continue de porter au quotidien. Très marquant.

  • SG

    C'est d'ailleurs ça la difficulté, c'est qu'on crée quelque chose d'assez incroyable entre les participants, et quand on ressort de là... parfois, on a du mal à expliquer les choses. On les explique souvent moins bien, d'ailleurs, que les experts qui viennent. Et c'est vrai qu'on est un peu en ébullition, alors que les autres ne le sont pas forcément.

  • CG

    C'est ça qui est un peu frustrant. C'est vrai qu'à la fin des premières, deuxièmes sessions, tu as envie de tout partager, tu as envie de sensibiliser tout le monde, de leur dire, mais regardez Arthur Keller, mais regardez. Et en fait, tu ne peux pas, parce qu'on ne parle pas la même langue à ce moment-là. On n'est pas sur les mêmes niveaux. Donc, il faut y aller vraiment petit à petit, pas brusquer, entre guillemets, et en même temps, t'as envie de les secouer. Donc, c'est vrai que sur ce travail d'embarquement, nous, on a fait le choix d'avoir un peu dans cette logique d'itération. On y est allé régulièrement auprès de notre Codir, tous les mois, en diluant un petit peu les informations, et on y revient, et on répète les mêmes choses. Et je pense que ça a plutôt bien marché, qu'on a réussi quand même à les embarquer là-dessus. Et après, on a fait participer du coup Philippe, mon père, avec Noam, mon beau-frère et deux autres personnes de l'équipe, à l'embarquement en septembre. Et on les a vraiment vus revenir en mode « Ok, maintenant on comprend ce que vous êtes en train de vivre, il n'y a pas de question, on y va » . Et ça a vraiment été aussi un élément supplémentaire de déclenchement pour eux de pouvoir vivre aussi cette méthodologie.

  • SG

    Et après, plus largement par rapport aux collaborateurs, vous avez déjà fait des choses, comment vous avez appréhendé ?

  • CG

    Pour l'instant, on communique en effet beaucoup. On prend chaque opportunité pour les embarquer avec nous. Là, par exemple, début juin, on a notre salon annuel où on a l'entièreté des équipes magasins qui viennent nous voir sur Lyon à Eurexpo avec les fournisseurs. On a aussi la majorité de nos fournisseurs. Et on va leur présenter justement les grands piliers de notre feuille de route. On va les embarquer avec nous sur ce voyage en 2035 : King Jouet, où est-ce qu'on va être, à quoi ça va ressembler et quels vont être les grands piliers de cette transformation. Et c'est un message qu'on va porter aussi auprès de nos fournisseurs.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être qu'on peut parler des piliers, puis après on parlera de la suite. Alors c'est quoi votre feuille de route finalement ?

  • CG

    Alors, elle s'organise auprès de trois piliers. Le premier, c'est vraiment notre modèle social, sociétal, humain. Comment est-ce qu'on l'intègre dans ce modèle-là ? Donc, les enjeux autour de la gouvernance, partage de la valeur, comment on s'organise et comment est-ce qu'on va former aussi nos équipiers, comment s'assurer que nos humains vont arriver à suivre ce modèle de transformation et eux aussi vont être transformés. Donc, être ambassadeur de ce modèle et prêt à ces nouveaux métiers. Le deuxième pilier, c'est le magasin, parce qu'on est quand même convaincus que ça va rester au cœur de notre activité. Il est dans notre question régénérative, ce magasin, ce lieu physique. Et sur le magasin, on a deux gros enjeux qu'on veut adresser. Le premier, c'est s'assurer que les magasins soient vraiment ancrés dans leur tissu local. Qu'ils ne soient pas juste un îlot, mais qu'ils puissent partager avec les autres acteurs économiques, bien sûr, partager des ressources, mais aussi intégrer avec les écoles, les maisons de retraite, des associations, tout cet écosystème qu'il y a autour et qui ont un besoin, une demande auprès du jouet, qui peut être directe ou indirecte. Mais les écoles ont besoin aussi de supports pédagogiques, elles ont besoin de jouets pour éduquer les enfants. Nous, on les a en magasin, donc on peut échanger autour de ça. Et le deuxième, et c'est celui qui fait souvent un peu sourire, et notamment en interne, parce qu'on a du mal à l'imaginer, c'est de ramener de la nature dans nos magasins.

  • SG

    Celui qui m'a fait sourire, je te le dis.

  • CG

    Ça paraît dingue, et pour nous, ça a vraiment été, quand je reviens à une des premières questions, mais sur la question du régénératif. On dit qu'il faut ramener de la nature et à un moment, on a vraiment eu ce déclic avec Pascale de dire « Mais attends, nous on a 400 points physiques à travers la France et l'Europe. » C'est là en fait, c'est là qu'il faut qu'on ramène de la nature. C'est là qu'il faut qu'on vienne apporter ce plus, ce régénératif. Parce qu'aujourd'hui, nos magasins sont majoritairement en périphérie, donc sur les zones commerciales, avec des grands beaux parkings de béton, dans des bâtiments en tôle, tu n'as pas un brin d'herbe qui dépasse. ça, on peut le challenger, on peut le remettre en question, on peut apporter de la nature. On peut débétoniser, on peut mettre des toits végétaux. Il y a plein de choses qui sont à faire, mais qui n'ont pas encore été abordées. Il y a un vrai périmètre de croissance là-dessus.

  • SG

    Quelque part, c'est d'être un peu pionnier pour inspirer les autres, parce que j'imagine qu'autour, c'est compliqué d'appréhender et de comprendre peut-être ça.

  • CG

    Exactement, on se voit vraiment pionnier sur ce sujet-là, parce que ce n'est pas encore du tout fait. Et surtout, on a la problématique qu'aujourd'hui, nous, on n'est pas propriétaires de nos bâtiments, on fait des bailleurs. Donc, il faut arriver à les embarquer avec nous et s'assurer qu'eux aussi voient ce côté bénéfique parce qu'ils vont sûrement faire des économies en termes de clim, de chauffage, parce qu'avec la végétation, on arrivera à mieux isoler, à créer des îlots de fraîcheur. Aussi parce qu'un sol débétonisé, il absorbe mieux l'eau, donc il y a moins de risques d'inondations, de dégâts des eaux. Donc, arriver à mettre tous ces bénéfices en face, et qu'ils voient aussi qu'on participe à la pérennité de leur zone commerciale.

  • SG

    C'est ça qui est intéressant, parce qu'un grand groupe avec des dirigeants alignés, je ne suis pas sûr que ça soit si fréquent. Et du coup, c'est ça qui est inspirant aussi. Parce qu'en fait, d'abord, tu sais de quoi tu parles. Et du coup, finalement, on peut se dire, si eux pensent à ça, s'ils estiment que c'est... Nous aussi, on peut peut-être y aller.

  • CG

    Et c'est pour ça que c'est important, en tout cas, de prendre la parole et de le dire et de partager et d'échanger avec d'autres dirigeants, petits ou grands, pour qu'ils voient aussi que c'est possible.

  • SG

    Voilà, c'est possible. Après, on peut aussi se dire, et je me fais l'avocat du diable en disant, vos produits, ils viennent tous d'Asie. Voilà, et vous nous dites ça, mais d'un autre côté, voilà. Et ça ne doit pas être simple, ça, ce chemin-là.

  • CG

    Exactement, et c'est pour ça que c'est notre troisième pilier, l'offre, le jouet. Parce que c'est bien beau, on vend des jouets dans nos magasins, on fait rêver les enfants, c'est notre mission, faire rêver les enfants, accompagner les parents. Mais les jouets aujourd'hui en France c'est 100 000 tonnes de déchets par an, c 'est l'ADEME qui le dit, c'est juste énorme. Un jouet, c'est huit mois en moyenne de temps d'utilisation, donc ce n'est pas très long. Donc il y a un vrai sujet autour de ça. On a fait notre bilan carbone il n'y a pas très longtemps : 70% de notre impact, c'est l'offre. C'est le jouet entre sa fabrication, son transport, son utilisation après. Donc, c'est vraiment majeur. Donc, si on n'adresse pas ce point-là, on n'adresse rien du tout. C'est pour ça qu'on a des gros enjeux dessus. Déjà, ce jouet, pour l'adresser, il faut qu'on embarque la filière avec nous. On ne peut pas y aller tout seul. Il faut qu'on embarque les fournisseurs avec nous. Il y en a qui sont déjà très avancés sur ce sujet, qui lancent de très belles initiatives en France. Il faut qu'on embarque aussi maintenant ceux qui ont un peu plus de réticence et leur prouver que c'est le modèle de demain qu'il faut aller là-dessus. Ensuite, il faut que notre offre qu'on propose elle soit plus durable. Et durable, ça veut dire qu'en termes de matériaux, on privilégie des matériaux qui soient durables, comme le bois par exemple, comme les plastiques recyclés justement, on a déjà beaucoup de déchets, qu'on puisse les réutiliser, qu'ils soient réparables. Ça, c'est des notions qu'on n'a pas encore du tout dans le jouet. Le jouet, il est cassé, je le jette et puis je rajoute autre chose. Non, parfois, on peut le réparer. Et pour ça, on a aussi besoin des fournisseurs, pour s'assurer que les jouets soient réparables. Et surtout, qu'il soit une offre qui soit le plus locale possible. On ne pourra pas tout fabriquer en France. Mais déjà, si on arrive à rapatrier certaines des productions en France, ou en Europe, on va déjà arriver à recréer un peu ce tissu économique européen, local, et être plus pérenne, plus durable. Je ne veux pas rentrer dans la géopolitique, mais on voit aujourd'hui les droits de douane entre la Chine et les États-Unis. Si ça nous arrive demain en France, dans notre activité, aujourd'hui c'est 80 % des jouets qui sont fabriqués en Chine. Donc ça aura aussi un gros impact sur l'approvisionnement.

  • SG

    Justement, par rapport à l'international, en fait, parfois on se dit, nous, les Français, on veut faire des choses, les autres ne font rien, ne faisons rien.

  • CG

    Oui, ce serait un peu la solution de facilité. Mais je pense qu'on a la chance d'être dans un pays où il y a des initiatives qui émergent. Et du coup, il ne faut pas lâcher, il faut capitaliser dessus et travailler sur cette robustesse au niveau local.

  • SG

    Et c'est quoi les freins en fait ? Parce qu'on a parlé des collaborateurs, mais je ne suis pas certain que les collaborateurs voient ça d'un bon oeil.

  • CG

    Tant qu'on les embarque, tant qu'on leur donne cette photo, on va les embarquer. On a la chance d'être une entreprise familiale. Je pense que ça aide beaucoup. Nous, quand on parle d'un plan de transformation à 10 ans, moi dans 10 ans, je serai toujours là. Il n'y a vraiment pas de question là-dessus. Donc, on a cette chance de pouvoir se projeter sur le long terme. Et je pense que du coup, ça leur parle beaucoup et ça les aide beaucoup. Les freins, à la limite, viennent plus des parties prenantes externes qui sont plus difficiles à adresser directement. On a parlé des bailleurs, des fournisseurs, bien évidemment, où c'est plus difficile. Ils ont un modèle économique qui ne répond pas du tout à ces attentes. Donc, il faut les accompagner, leur montrer un peu quels enseignements on a eus. On le voit, ça fait deux ans et demi qu'on a développé l'occasion, les jouets d'occasion dans certains de nos magasins. Et aujourd'hui, pour un fournisseur qui a un modèle économique qui repose sur du jouet neuf, C'est un peu antinomique et ils peuvent voir ça avec un peu d'appréhension. Donc, charge à nous de leur démontrer que non, il y a un vrai modèle économique derrière, qu'ils peuvent nous accompagner aussi là-dessus. Et c'est pour ça qu'on continue aussi de développer ce modèle de King Occas sur le jouet d'occasion. Donc, ces freins, on les connaît, on les a en tête et on les fait tomber petit à petit, on espère.

  • SG

    Alors justement, si dans dix ans, je t'interviewe, Coralie, tu es encore là, moi je suis peut-être encore là. Tu me racontes quoi alors ? C'est quoi dans dix ans King Jouet ?

  • CG

    J'espère que dans 10 ans, King Jouet, en tout cas, on est encore là. On a encore des magasins et on continue de faire rêver les enfants. Si on arrive à continuer notre activité et à profiter pleinement aux générations futures, le pari sera réussi. Et je pense qu'on aura vraiment une activité qui sera transformée. On aura toujours des magasins, en effet, mais magasins, on ne fera au final pas tant de ventes de jouets neufs. On proposera aussi de la location. On proposera de la réparation, faire des ateliers de réparation, montrer aux enfants comment prendre soin de leurs jouets pour qu'ils durent le plus longtemps possible et qu'après, ils puissent nous les ramener et qu'on leur achète ou on leur échange un jouet et qu'on le propose à d'autres enfants plus jeunes. On le voit vraiment comme un lieu vivant d'échange, de partage. Pendant ce temps-là, les parents sont en train de jouer à un jeu de société à côté qu'ils viennent de découvrir avec les voisins du coin qui viennent d'emménager. On a vraiment une vision dans la coopération, dans le partage de nos magasins.

  • SG

    C'est travailler la proximité et le digital alors, parce que c'est aussi dans vos ventes, j'imagine, dans le chiffre d'affaires, c'est important.

  • CG

    Exactement, et on se dit que le magasin, malheureusement, tout le monde n'habite pas à côté d'un King Jouet. Je vous le souhaite, mais c'est pas réaccessible. Et du coup, le digital doit continuer à arriver à combler aussi ces trous, à pouvoir répondre aux besoins de personnes qui ne peuvent pas forcément se rendre en magasin et rendre du coup cette offre qui sera plus durable, accessible à tous. Donc, le digital va rester partie de nos activités.

  • SG

    D'accord. Je pense que j'ai à peu près bien compris. C'est très clair, franchement. Et toi, sur ton engagement personnel, est-ce que finalement, ça t'a beaucoup changé, la CEC ?

  • CG

    Comme je disais, ayant fait des études de droit international public, ça parle peut-être pas à tout le monde, mais on se parle beaucoup, du coup, de droit de l'homme, de droits en tout cas de ces minorités. Donc très tôt, j'ai eu un peu cette conscience de : on n'est pas tous logés à la même enseigne. Et que quand on parle de flux migratoires, généralement, ce n'est pas qui était de cœur et qu'il y a ces enjeux écologiques qui font que des personnes ne sont pas dans des endroits qui soient favorisés comme le nôtre. Donc j'ai attaqué la CEC avec déjà un peu en tête qu'il fallait qu'on fasse quelque chose, qu'il y avait un peu un problème sur notre modèle. Ce que la CEC m'a apporté, au-delà de beaucoup de connaissances sur les enjeux, des données scientifiques sur lesquelles on peut s'appuyer, c'est aussi cette vision positive du futur, ce futur désirable, qui me manquait profondément. Au lieu de me dire, oui, en effet, on est un peu dans la merde, de dire, non, en fait, il y a un futur possible, et ce futur, il va être beau, il va être chouette, parce qu'on va y aller tous ensemble. Et ça, j'en avais profondément besoin. Et c'est ce qui me donne de l'énergie aujourd'hui. Avant, je manquais d'énergie, j'avais du mal à me mettre en action parce que je n'avais pas cette photo de fin, de dire que c'est possible d'avoir un futur qui est différent et il va être désirable, il va être super chouette parce qu'il va y avoir la coopération. On va créer du lien, du partage. Tout le monde aura sa place dans ce futur. Donc, ça m'a beaucoup aidée.

  • SG

    D'accord. En fait, vous travaillez sur le récit, finalement.

  • CG

    Ça en fait partie. Ça en fait partie. C'est vraiment une composante majeure que je pense, je n'avais pas conscience à quel point le récit était important. Et pour ça, l'intervention de Côme dans le parcours nous a beaucoup aidé.

  • SG

    Alors, qu'est-ce que tu dirais, toi, à un dirigeant, alors même d'une TPA, du PME plus petite, qu'est-ce que tu lui dirais pour, quelque part, le convaincre de se lancer dans une démarche RSE, mais régénérative, disons-le ?

  • CG

    Je pense que, malheureusement, on n'a pas trop le choix. Si on veut être encore là demain et dans des bonnes conditions, Il faut se lancer et que surtout c'est vraiment une belle démarche parce que pour faire cette démarche d'essayer de trouver son modèle régénératif, il faut prendre du temps, il faut s'accorder ce temps et c'est pour ça que le parcours de la CEC c'est un vrai cadeau pour les dirigeants qui participent, parce qu'on nous donne cet espace de temps. Donc il faut arriver à se faire ce cadeau-là aussi, de prendre du temps pour repenser ses activités et arriver à revoir ce modèle. Parce que passer par un modèle régénératif très souvent c'est des renoncements. Et pour faire des renoncements, ça prend du temps. Il faut vraiment se pencher dessus. Ce n'est pas du business as usual. Non, on vient couper des lignes. Donc, il faut se donner ce temps. Et c'est aussi une belle expérience de se donner du temps en tant que chef d'entreprise.

  • SG

    D'accord. Donc, si tu avais un conseil à donner, c'est prenez le temps. On prend un peu de la hauteur. et ne vous inquiétez pas, votre chiffre d'affaires ne va pas s'effondrer, bien au contraire, il va peut-être... progresser, mais autrement.

  • CG

    Exactement. Et ça ne fera peut-être pas le chiffre d'affaires. Et peut-être que le chiffre d'affaires, on s'en foutra, entre guillemets. Mais en tout cas, on aura un impact positif.

  • SG

    Faut quand même qu'on reste rentable.

  • CG

    Il y a un minimum.

  • SG

    Alors, si justement, question un peu piège, parce qu'on va terminer ce podcast. Si tu pouvais me définir en trois mots l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • CG

    Alors, elle est challengeante.

  • SG

    Oui.

  • CG

    Pour y arriver, c'est quand même un gros challenge. Mais je pense que c'est important d'avoir de l'ouverture. Elle oblige à s'ouvrir. Et puis, elle est désirable, évidemment.

  • SG

    Oui, c'est bien. Et si tu avais une baguette magique au jour d'aujourd'hui, tu changerais quoi dans les règles du jeu économique ?

  • CG

    Je pense que je changerais un peu les enjeux géopolitiques, qui est un peu cette nécessité aujourd'hui de passer par des acteurs qui sont très, très loin, alors qu'eux aussi pourraient se concentrer sur leur niveau. au niveau local et apporter au niveau local et que du coup, on se perd un peu à vouloir transporter la marchandise très très loin et à dépendre justement d'acteurs qui sont très très loin, alors qu'on a des acteurs locaux qui auraient besoin de plus de nous. Donc je pense que ce serait un peu rebattre les cartes de ce commerce international pour nous donner plus d'énergie, de place, d'espace pour se concentrer sur le local.

  • SG

    Ça veut dire quoi ? Parce que là, tu es une dirigeante, tu mettrais des contraintes pour...

  • CG

    Ou j'enlèverai des contraintes. J'enlèverai des contraintes pour justement relibérer en local.

  • SG

    D'accord. Et alors, pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante dans l'avenir ?

  • CG

    Ce qui me rend confiante dans l'avenir, c'est de voir que de plus en plus, il y a des discours qui émergent et de dirigeants, et de dirigeants souvent d'une autre génération que moi, même plus âgés, qui portent ces discours. Je suis de plus en plus invitée à... Il y a des tables rondes, des clubs de dirigeants où la majorité des personnes autour de la table sont plutôt des hommes blancs,

  • SG

    de ce que je vais dire.

  • CG

    Et on parle de biodiversité. Et on parle de régénératif. Et je trouve ça dingue. Et ça me donne vraiment confiance, du coup, en l'avenir.

  • SG

    Et alors, conclusion, la prochaine génération, alors ?

  • CG

    J'ai deux enfants en bas âge, deux et quatre ans.

  • SG

    Oui,

  • CG

    ça va. Je vais leur en parler. Je crois qu'ils ont déjà quelques idées.

  • SG

    Écoute, merci Coralie. En tous les cas, c'était sincère et joyeux. Et je termine toujours par une citation. C'est une citation d'Albert Jacquard qui, je pense, fait écho à ce qu'on s'est dit. C'est « Transmettre, ce n'est pas répéter, c'est faire vivre » . Donc, encore merci. A bientôt. Merci beaucoup.

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Description

Coralie Gueydon, responsable RSE et dernière génération de l’entreprise familiale King Jouet, raconte comment elle impulse, avec Pascale Théry, une transformation profonde de l'enseigne vers un modèle économique régénératif. Elle dévoile une feuille de route ambitieuse autour de trois piliers : ancrer les magasins dans leur territoire et y ramener de la nature, repenser l’offre avec des jouets plus durables, réparables et locaux, et embarquer les collaborateurs dans une gouvernance plus inclusive. Coralie revient aussi sur son expérience marquante à la CEC, qui a renforcé sa conviction qu’un avenir désirable est possible – à condition d’oser changer de récit.


Un témoignage inspirant, concret, et profondément humain.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de Territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage de la responsable RSE d'une belle aventure entrepreneuriale familiale iséroise qui s'appelle King Jouet et cette responsable, c'est Coralie Gueydon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Coralie, bonjour.

  • CG

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • CG

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors moi, je suis vraiment ravi de t'accueillir dans ce podcast parce que j'ai découvert plein de choses en fait. Déjà, j'ai découvert une aventure familiale qui démarre quand même en 1875 à Voiron. Donc voilà, avec la naissance de ce qui deviendra King Jouet. Au départ, c'est un magasin. Et puis aujourd'hui, c'est un groupe de 1000 personnes. C'est juste une aventure incroyable, une aventure que finalement peu de gens connaissent, je pense. En fait, en plus, quand on entend King Jouet, on pense américain, soyons honnêtes. Et toi, aujourd'hui, tu portes cette dimension RSE, tu fais partie de la famille. Ce qui va être intéressant, c'est que tu nous parles un peu de cette transformation que vous avez déjà démarrée et que vous continuez à travers ta feuille de route. Une feuille de route dont la question régénérative, c'est : "Et si le jouet dans nos magasins devenait l'allié de la planète et de ses habitants ?" Tout un programme ! On va parler à la fois de la famille, on va parler des choix et on va essayer d'apporter des réponses concrètes. Donc moi, je suis impatient de cet échange. Donc ce que je te propose pour démarrer, déjà, c'est que tu nous présentes King Jouet.

  • CG

    Alors, comme tu disais, King Jouet, c'est une entreprise familiale avant tout. J'en suis la sixième génération. Ça a commencé avec l'arrière-grand-père de mon grand-père. Je n'arrive même pas à le positionner par rapport à moi. Et en effet, qui avait une activité, un petit commerce sur Voiron, de bazar, qui s'est spécialisé dans le jouet. Et mon grand-père, après, a développé une activité de grossiste, puis des magasins en propre. L'ancienne King Jouet est arrivée à la fin des années 80. Donc, années 80, on aime bien les anglicismes, on aime bien parler en anglais. D'où le nom King Jouet. On m'a déjà posé la question, est-ce qu'on va changer le nom King Jouet ? Je pense qu'on y est trop attachés aujourd'hui. Le symbole du lion, voilà, on est beaucoup attachés. Aujourd'hui, c'est mon père qui en est à la tête, qui s'approche doucement de l'âge de la retraite. Et donc, je serai amenée à prendre la direction de l'entreprise d'ici deux, trois ans avec mon beau-frère Noam. Et voilà, c'était important pour nous de porter un nouveau projet pour l'entreprise. Donc voilà pour la photo un peu globale et historique en tout cas de King Jouet. Mais aujourd'hui, c'est environ 400 magasins en France, Belgique, Luxembourg, Suisse. La majorité en propre, en succursale. On a une petite centaine de franchisés. Donc on vend des jouets pour les enfants, mais aussi pour ceux qui sont des grands enfants et qui aiment encore ça. Et c'est 2000 collaborateurs.

  • SG

    D'accord. Comment tu reviens dans l'aventure ? Tu l'as quittée ? Tu n'y étais peut-être pas ? C'est toujours une question qu'on se pose ?

  • CG

    C'est anecdotique, mais je suis la fille aînée. D'accord. Dans ma fratrie, j'ai deux sœurs. Donc, automatiquement, la logique voudrait que je sois celle qui était destinée dès le début. Du coup, j'ai eu besoin de voir autre chose, d'être sûre que c'est bien là que je dois aller. J'ai fait des études de droit à la base, de droit public international. Et on pourra en reparler parce que ma sensibilité, du coup, à ces enjeux vient aussi de là. J'ai testé plusieurs choses, plusieurs domaines. Je suis partie en Espagne, notamment. Je suis partie en Australie. Mon mari est australien. Donc, vraiment, je suis allée très loin pour être sûre que ma place, elle était là. Je suis arrivée d'abord chez KingJu en 2017 sur la partie e-commerce, donc assez éloignée de mon activité aujourd'hui. Et assez rapidement, au bout de quelques années, je me suis un petit peu essoufflée et j'ai un peu perdu de sens dans mon activité, où on était toujours dans cette logique de plus, plus, plus, il faut faire plus de chiffres d'affaires. J'ai passé l'époque du Covid avec mon équipe et voilà, on était vraiment dans ce boom de l'économie digitale. Et du coup, j'ai eu besoin d'aller voir ailleurs, de m'éloigner de l'activité pour revenir et revenir avec cette promesse portée par mon père à l'époque. Je pourrais aussi apporter ma patte sur la responsabilité, la durabilité, le modèle de l'entreprise, donc à travers des enjeux autour de la RSE, pour la transformer un peu comme moi je l'imagine plus tard.

  • SG

    D'accord. Et alors, du coup, souvent, quand il y a des transmissions comme ça, c'est sûr que le sujet RSE, c'est aussi l'écologie, la biodiversité. Du coup, si on rentre dans le vif du sujet, comment ton père, il appréhende ces choses-là ?

  • CG

    Il avait bien conscience que pour moi, c'était très important. Je suis un peu le caillou dans la chaussure dans ma famille. Je suis végétarienne depuis sept ans, donc je suis déjà celle qui fait changer les menus à Noël pour tout le monde. Et il l'avait bien en tête.

  • SG

    La "chiante" du repas de famille, c'est ça ?

  • CG

    Un petit peu, un petit peu. Mais petit à petit, je vois aussi les comportements changer. Donc, il savait que c'était important pour moi. Et je pense que du coup, le fait que ce soit important pour moi, il me faisait suffisamment confiance pour savoir que ce serait aussi important pour l'entreprise, pour son modèle futur. Donc, il était assez sensible et c'était facile pour lui de passer ce pas, de se dire, OK, je donne les manettes à la nouvelle génération d'ici quelques années et le modèle qu'ils vont porter, ce sera le bon. Et il va s'inscrire dans cette démarche-là. Et du coup, je supporte ça aussi.

  • SG

    D'accord. Alors, quel déclic te fait rentrer, j'allais dire tomber dans la CEC ?

  • CG

    C'est un peu un concours de circonstances, c'est un peu des synchronicités. C'était l'époque quand, en fait, ils ont d'abord approché mon père. Pour lui dire, ce serait bien que King Jouet participe. Quand même, le bassin alpin est plutôt bien représenté dans ce parcours-là, ce serait dommage de ne pas avoir King Jouet. Et du coup, il me passe un peu ce bébé en me disant ça, ça va te parler. Et en effet, ça me parle. Et en fait, au même moment, on parle beaucoup de Mustela, qui arrête les lingettes. On parle beaucoup de Chartreuse, qui réduit sa production, et en étant voironaises, voilà, ça parle tout de suite. On se dit mince, pourquoi ? Comment est-ce qu'ils arrivent à cette conclusion ? Et voilà, je fais la rencontre du coup de Anne-Fleur, Anne-Fleur Barret. Et voilà, et qui nous présente ça, ce parcours de la CEC. Et je me dis, waouh, un tel parcours existe pour les entreprises. Il faut qu'on y aille, c'est sûr.

  • SG

    Et toi, je te coupe, mais le régénératif, ça te parlait ou pas ?

  • CG

    À l'époque, de loin, ou en tout cas, pas à appliquer un modèle économique et un modèle d'entreprise. Ça, c'est sûr et certain. Pour moi, une entreprise, il fallait avant tout qu'elle limite son impact, qu'elle arrive à limiter au minimum. Mais quand, dans le parcours de la CEC, on te parle d'un modèle économique régénératif et un impact positif, tu te dis « Waouh ! » En fait, on n'a même pas fait la moitié du chemin, là. Limiter son impact, c'est bien, mais on peut aller au-delà de ça. Je trouve que, du coup, tu as une matrice un peu de référentiel qui est complètement différente. Et tu approches, du coup, ta stratégie complètement différemment.

  • SG

    C'est vrai qu'on se rend compte que les gens qui ont fait la CEC étaient quand même assez convaincus. Mais alors, comment tu prends, justement, ces premières journées qui sont quand même assez violentes ?

  • CG

    Très dures. Moi, j'étais déjà assez consciente, entre guillemets, qu'il y avait un problème et il y avait des enjeux. Et déjà un peu éco-anxieuse à la base. D'accord. Spoiler alert, ça ne s'est pas beaucoup amélioré ! Je travaille dessus. Et du coup, ces premières journées, à la fois très dures. Je me vois vraiment rentrer chez moi et dire à mon mari : c'est la fin, il faut qu'on fasse quelque chose, il faut qu'on ait un potager, il faut qu'on soit autonome. Ce qui n'est pas la bonne réponse non plus. Mais voilà, il faut qu'on fasse quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Donc un peu démunie. Et en même temps, très vite. Tu as cette force du collectif, tu as cette beauté des relations que tu noues au sein de la CEC qui te portent et qui te donnent énormément d'énergie et qui te font voir qu'ensemble, on va peut-être arriver à quelque chose.

  • SG

    Et toi, la CEC, tu es la planète champion ?

  • CG

    J'étais la planète champion,

  • SG

    oui. D'accord. Et donc, tu l'as fait avec ta PDG ?

  • CG

    Avec Pascale Théry, qui est la directrice générale adjointe.

  • SG

    Et alors, elle, comment elle prend cette...

  • CG

    Pareil, elle était un niveau de sensibilité un peu en dessous. et elle se l'est vraiment pris en pleine face. Et ça a été une vraie remise en question pour elle, un vrai changement d'état d'esprit, et je sais que ça l'a profondément, profondément marquée. Et toutes les deux, ça nous a aussi créé ce lien entre nous, très très fort, qu'on continue de porter au quotidien. Très marquant.

  • SG

    C'est d'ailleurs ça la difficulté, c'est qu'on crée quelque chose d'assez incroyable entre les participants, et quand on ressort de là... parfois, on a du mal à expliquer les choses. On les explique souvent moins bien, d'ailleurs, que les experts qui viennent. Et c'est vrai qu'on est un peu en ébullition, alors que les autres ne le sont pas forcément.

  • CG

    C'est ça qui est un peu frustrant. C'est vrai qu'à la fin des premières, deuxièmes sessions, tu as envie de tout partager, tu as envie de sensibiliser tout le monde, de leur dire, mais regardez Arthur Keller, mais regardez. Et en fait, tu ne peux pas, parce qu'on ne parle pas la même langue à ce moment-là. On n'est pas sur les mêmes niveaux. Donc, il faut y aller vraiment petit à petit, pas brusquer, entre guillemets, et en même temps, t'as envie de les secouer. Donc, c'est vrai que sur ce travail d'embarquement, nous, on a fait le choix d'avoir un peu dans cette logique d'itération. On y est allé régulièrement auprès de notre Codir, tous les mois, en diluant un petit peu les informations, et on y revient, et on répète les mêmes choses. Et je pense que ça a plutôt bien marché, qu'on a réussi quand même à les embarquer là-dessus. Et après, on a fait participer du coup Philippe, mon père, avec Noam, mon beau-frère et deux autres personnes de l'équipe, à l'embarquement en septembre. Et on les a vraiment vus revenir en mode « Ok, maintenant on comprend ce que vous êtes en train de vivre, il n'y a pas de question, on y va » . Et ça a vraiment été aussi un élément supplémentaire de déclenchement pour eux de pouvoir vivre aussi cette méthodologie.

  • SG

    Et après, plus largement par rapport aux collaborateurs, vous avez déjà fait des choses, comment vous avez appréhendé ?

  • CG

    Pour l'instant, on communique en effet beaucoup. On prend chaque opportunité pour les embarquer avec nous. Là, par exemple, début juin, on a notre salon annuel où on a l'entièreté des équipes magasins qui viennent nous voir sur Lyon à Eurexpo avec les fournisseurs. On a aussi la majorité de nos fournisseurs. Et on va leur présenter justement les grands piliers de notre feuille de route. On va les embarquer avec nous sur ce voyage en 2035 : King Jouet, où est-ce qu'on va être, à quoi ça va ressembler et quels vont être les grands piliers de cette transformation. Et c'est un message qu'on va porter aussi auprès de nos fournisseurs.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être qu'on peut parler des piliers, puis après on parlera de la suite. Alors c'est quoi votre feuille de route finalement ?

  • CG

    Alors, elle s'organise auprès de trois piliers. Le premier, c'est vraiment notre modèle social, sociétal, humain. Comment est-ce qu'on l'intègre dans ce modèle-là ? Donc, les enjeux autour de la gouvernance, partage de la valeur, comment on s'organise et comment est-ce qu'on va former aussi nos équipiers, comment s'assurer que nos humains vont arriver à suivre ce modèle de transformation et eux aussi vont être transformés. Donc, être ambassadeur de ce modèle et prêt à ces nouveaux métiers. Le deuxième pilier, c'est le magasin, parce qu'on est quand même convaincus que ça va rester au cœur de notre activité. Il est dans notre question régénérative, ce magasin, ce lieu physique. Et sur le magasin, on a deux gros enjeux qu'on veut adresser. Le premier, c'est s'assurer que les magasins soient vraiment ancrés dans leur tissu local. Qu'ils ne soient pas juste un îlot, mais qu'ils puissent partager avec les autres acteurs économiques, bien sûr, partager des ressources, mais aussi intégrer avec les écoles, les maisons de retraite, des associations, tout cet écosystème qu'il y a autour et qui ont un besoin, une demande auprès du jouet, qui peut être directe ou indirecte. Mais les écoles ont besoin aussi de supports pédagogiques, elles ont besoin de jouets pour éduquer les enfants. Nous, on les a en magasin, donc on peut échanger autour de ça. Et le deuxième, et c'est celui qui fait souvent un peu sourire, et notamment en interne, parce qu'on a du mal à l'imaginer, c'est de ramener de la nature dans nos magasins.

  • SG

    Celui qui m'a fait sourire, je te le dis.

  • CG

    Ça paraît dingue, et pour nous, ça a vraiment été, quand je reviens à une des premières questions, mais sur la question du régénératif. On dit qu'il faut ramener de la nature et à un moment, on a vraiment eu ce déclic avec Pascale de dire « Mais attends, nous on a 400 points physiques à travers la France et l'Europe. » C'est là en fait, c'est là qu'il faut qu'on ramène de la nature. C'est là qu'il faut qu'on vienne apporter ce plus, ce régénératif. Parce qu'aujourd'hui, nos magasins sont majoritairement en périphérie, donc sur les zones commerciales, avec des grands beaux parkings de béton, dans des bâtiments en tôle, tu n'as pas un brin d'herbe qui dépasse. ça, on peut le challenger, on peut le remettre en question, on peut apporter de la nature. On peut débétoniser, on peut mettre des toits végétaux. Il y a plein de choses qui sont à faire, mais qui n'ont pas encore été abordées. Il y a un vrai périmètre de croissance là-dessus.

  • SG

    Quelque part, c'est d'être un peu pionnier pour inspirer les autres, parce que j'imagine qu'autour, c'est compliqué d'appréhender et de comprendre peut-être ça.

  • CG

    Exactement, on se voit vraiment pionnier sur ce sujet-là, parce que ce n'est pas encore du tout fait. Et surtout, on a la problématique qu'aujourd'hui, nous, on n'est pas propriétaires de nos bâtiments, on fait des bailleurs. Donc, il faut arriver à les embarquer avec nous et s'assurer qu'eux aussi voient ce côté bénéfique parce qu'ils vont sûrement faire des économies en termes de clim, de chauffage, parce qu'avec la végétation, on arrivera à mieux isoler, à créer des îlots de fraîcheur. Aussi parce qu'un sol débétonisé, il absorbe mieux l'eau, donc il y a moins de risques d'inondations, de dégâts des eaux. Donc, arriver à mettre tous ces bénéfices en face, et qu'ils voient aussi qu'on participe à la pérennité de leur zone commerciale.

  • SG

    C'est ça qui est intéressant, parce qu'un grand groupe avec des dirigeants alignés, je ne suis pas sûr que ça soit si fréquent. Et du coup, c'est ça qui est inspirant aussi. Parce qu'en fait, d'abord, tu sais de quoi tu parles. Et du coup, finalement, on peut se dire, si eux pensent à ça, s'ils estiment que c'est... Nous aussi, on peut peut-être y aller.

  • CG

    Et c'est pour ça que c'est important, en tout cas, de prendre la parole et de le dire et de partager et d'échanger avec d'autres dirigeants, petits ou grands, pour qu'ils voient aussi que c'est possible.

  • SG

    Voilà, c'est possible. Après, on peut aussi se dire, et je me fais l'avocat du diable en disant, vos produits, ils viennent tous d'Asie. Voilà, et vous nous dites ça, mais d'un autre côté, voilà. Et ça ne doit pas être simple, ça, ce chemin-là.

  • CG

    Exactement, et c'est pour ça que c'est notre troisième pilier, l'offre, le jouet. Parce que c'est bien beau, on vend des jouets dans nos magasins, on fait rêver les enfants, c'est notre mission, faire rêver les enfants, accompagner les parents. Mais les jouets aujourd'hui en France c'est 100 000 tonnes de déchets par an, c 'est l'ADEME qui le dit, c'est juste énorme. Un jouet, c'est huit mois en moyenne de temps d'utilisation, donc ce n'est pas très long. Donc il y a un vrai sujet autour de ça. On a fait notre bilan carbone il n'y a pas très longtemps : 70% de notre impact, c'est l'offre. C'est le jouet entre sa fabrication, son transport, son utilisation après. Donc, c'est vraiment majeur. Donc, si on n'adresse pas ce point-là, on n'adresse rien du tout. C'est pour ça qu'on a des gros enjeux dessus. Déjà, ce jouet, pour l'adresser, il faut qu'on embarque la filière avec nous. On ne peut pas y aller tout seul. Il faut qu'on embarque les fournisseurs avec nous. Il y en a qui sont déjà très avancés sur ce sujet, qui lancent de très belles initiatives en France. Il faut qu'on embarque aussi maintenant ceux qui ont un peu plus de réticence et leur prouver que c'est le modèle de demain qu'il faut aller là-dessus. Ensuite, il faut que notre offre qu'on propose elle soit plus durable. Et durable, ça veut dire qu'en termes de matériaux, on privilégie des matériaux qui soient durables, comme le bois par exemple, comme les plastiques recyclés justement, on a déjà beaucoup de déchets, qu'on puisse les réutiliser, qu'ils soient réparables. Ça, c'est des notions qu'on n'a pas encore du tout dans le jouet. Le jouet, il est cassé, je le jette et puis je rajoute autre chose. Non, parfois, on peut le réparer. Et pour ça, on a aussi besoin des fournisseurs, pour s'assurer que les jouets soient réparables. Et surtout, qu'il soit une offre qui soit le plus locale possible. On ne pourra pas tout fabriquer en France. Mais déjà, si on arrive à rapatrier certaines des productions en France, ou en Europe, on va déjà arriver à recréer un peu ce tissu économique européen, local, et être plus pérenne, plus durable. Je ne veux pas rentrer dans la géopolitique, mais on voit aujourd'hui les droits de douane entre la Chine et les États-Unis. Si ça nous arrive demain en France, dans notre activité, aujourd'hui c'est 80 % des jouets qui sont fabriqués en Chine. Donc ça aura aussi un gros impact sur l'approvisionnement.

  • SG

    Justement, par rapport à l'international, en fait, parfois on se dit, nous, les Français, on veut faire des choses, les autres ne font rien, ne faisons rien.

  • CG

    Oui, ce serait un peu la solution de facilité. Mais je pense qu'on a la chance d'être dans un pays où il y a des initiatives qui émergent. Et du coup, il ne faut pas lâcher, il faut capitaliser dessus et travailler sur cette robustesse au niveau local.

  • SG

    Et c'est quoi les freins en fait ? Parce qu'on a parlé des collaborateurs, mais je ne suis pas certain que les collaborateurs voient ça d'un bon oeil.

  • CG

    Tant qu'on les embarque, tant qu'on leur donne cette photo, on va les embarquer. On a la chance d'être une entreprise familiale. Je pense que ça aide beaucoup. Nous, quand on parle d'un plan de transformation à 10 ans, moi dans 10 ans, je serai toujours là. Il n'y a vraiment pas de question là-dessus. Donc, on a cette chance de pouvoir se projeter sur le long terme. Et je pense que du coup, ça leur parle beaucoup et ça les aide beaucoup. Les freins, à la limite, viennent plus des parties prenantes externes qui sont plus difficiles à adresser directement. On a parlé des bailleurs, des fournisseurs, bien évidemment, où c'est plus difficile. Ils ont un modèle économique qui ne répond pas du tout à ces attentes. Donc, il faut les accompagner, leur montrer un peu quels enseignements on a eus. On le voit, ça fait deux ans et demi qu'on a développé l'occasion, les jouets d'occasion dans certains de nos magasins. Et aujourd'hui, pour un fournisseur qui a un modèle économique qui repose sur du jouet neuf, C'est un peu antinomique et ils peuvent voir ça avec un peu d'appréhension. Donc, charge à nous de leur démontrer que non, il y a un vrai modèle économique derrière, qu'ils peuvent nous accompagner aussi là-dessus. Et c'est pour ça qu'on continue aussi de développer ce modèle de King Occas sur le jouet d'occasion. Donc, ces freins, on les connaît, on les a en tête et on les fait tomber petit à petit, on espère.

  • SG

    Alors justement, si dans dix ans, je t'interviewe, Coralie, tu es encore là, moi je suis peut-être encore là. Tu me racontes quoi alors ? C'est quoi dans dix ans King Jouet ?

  • CG

    J'espère que dans 10 ans, King Jouet, en tout cas, on est encore là. On a encore des magasins et on continue de faire rêver les enfants. Si on arrive à continuer notre activité et à profiter pleinement aux générations futures, le pari sera réussi. Et je pense qu'on aura vraiment une activité qui sera transformée. On aura toujours des magasins, en effet, mais magasins, on ne fera au final pas tant de ventes de jouets neufs. On proposera aussi de la location. On proposera de la réparation, faire des ateliers de réparation, montrer aux enfants comment prendre soin de leurs jouets pour qu'ils durent le plus longtemps possible et qu'après, ils puissent nous les ramener et qu'on leur achète ou on leur échange un jouet et qu'on le propose à d'autres enfants plus jeunes. On le voit vraiment comme un lieu vivant d'échange, de partage. Pendant ce temps-là, les parents sont en train de jouer à un jeu de société à côté qu'ils viennent de découvrir avec les voisins du coin qui viennent d'emménager. On a vraiment une vision dans la coopération, dans le partage de nos magasins.

  • SG

    C'est travailler la proximité et le digital alors, parce que c'est aussi dans vos ventes, j'imagine, dans le chiffre d'affaires, c'est important.

  • CG

    Exactement, et on se dit que le magasin, malheureusement, tout le monde n'habite pas à côté d'un King Jouet. Je vous le souhaite, mais c'est pas réaccessible. Et du coup, le digital doit continuer à arriver à combler aussi ces trous, à pouvoir répondre aux besoins de personnes qui ne peuvent pas forcément se rendre en magasin et rendre du coup cette offre qui sera plus durable, accessible à tous. Donc, le digital va rester partie de nos activités.

  • SG

    D'accord. Je pense que j'ai à peu près bien compris. C'est très clair, franchement. Et toi, sur ton engagement personnel, est-ce que finalement, ça t'a beaucoup changé, la CEC ?

  • CG

    Comme je disais, ayant fait des études de droit international public, ça parle peut-être pas à tout le monde, mais on se parle beaucoup, du coup, de droit de l'homme, de droits en tout cas de ces minorités. Donc très tôt, j'ai eu un peu cette conscience de : on n'est pas tous logés à la même enseigne. Et que quand on parle de flux migratoires, généralement, ce n'est pas qui était de cœur et qu'il y a ces enjeux écologiques qui font que des personnes ne sont pas dans des endroits qui soient favorisés comme le nôtre. Donc j'ai attaqué la CEC avec déjà un peu en tête qu'il fallait qu'on fasse quelque chose, qu'il y avait un peu un problème sur notre modèle. Ce que la CEC m'a apporté, au-delà de beaucoup de connaissances sur les enjeux, des données scientifiques sur lesquelles on peut s'appuyer, c'est aussi cette vision positive du futur, ce futur désirable, qui me manquait profondément. Au lieu de me dire, oui, en effet, on est un peu dans la merde, de dire, non, en fait, il y a un futur possible, et ce futur, il va être beau, il va être chouette, parce qu'on va y aller tous ensemble. Et ça, j'en avais profondément besoin. Et c'est ce qui me donne de l'énergie aujourd'hui. Avant, je manquais d'énergie, j'avais du mal à me mettre en action parce que je n'avais pas cette photo de fin, de dire que c'est possible d'avoir un futur qui est différent et il va être désirable, il va être super chouette parce qu'il va y avoir la coopération. On va créer du lien, du partage. Tout le monde aura sa place dans ce futur. Donc, ça m'a beaucoup aidée.

  • SG

    D'accord. En fait, vous travaillez sur le récit, finalement.

  • CG

    Ça en fait partie. Ça en fait partie. C'est vraiment une composante majeure que je pense, je n'avais pas conscience à quel point le récit était important. Et pour ça, l'intervention de Côme dans le parcours nous a beaucoup aidé.

  • SG

    Alors, qu'est-ce que tu dirais, toi, à un dirigeant, alors même d'une TPA, du PME plus petite, qu'est-ce que tu lui dirais pour, quelque part, le convaincre de se lancer dans une démarche RSE, mais régénérative, disons-le ?

  • CG

    Je pense que, malheureusement, on n'a pas trop le choix. Si on veut être encore là demain et dans des bonnes conditions, Il faut se lancer et que surtout c'est vraiment une belle démarche parce que pour faire cette démarche d'essayer de trouver son modèle régénératif, il faut prendre du temps, il faut s'accorder ce temps et c'est pour ça que le parcours de la CEC c'est un vrai cadeau pour les dirigeants qui participent, parce qu'on nous donne cet espace de temps. Donc il faut arriver à se faire ce cadeau-là aussi, de prendre du temps pour repenser ses activités et arriver à revoir ce modèle. Parce que passer par un modèle régénératif très souvent c'est des renoncements. Et pour faire des renoncements, ça prend du temps. Il faut vraiment se pencher dessus. Ce n'est pas du business as usual. Non, on vient couper des lignes. Donc, il faut se donner ce temps. Et c'est aussi une belle expérience de se donner du temps en tant que chef d'entreprise.

  • SG

    D'accord. Donc, si tu avais un conseil à donner, c'est prenez le temps. On prend un peu de la hauteur. et ne vous inquiétez pas, votre chiffre d'affaires ne va pas s'effondrer, bien au contraire, il va peut-être... progresser, mais autrement.

  • CG

    Exactement. Et ça ne fera peut-être pas le chiffre d'affaires. Et peut-être que le chiffre d'affaires, on s'en foutra, entre guillemets. Mais en tout cas, on aura un impact positif.

  • SG

    Faut quand même qu'on reste rentable.

  • CG

    Il y a un minimum.

  • SG

    Alors, si justement, question un peu piège, parce qu'on va terminer ce podcast. Si tu pouvais me définir en trois mots l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • CG

    Alors, elle est challengeante.

  • SG

    Oui.

  • CG

    Pour y arriver, c'est quand même un gros challenge. Mais je pense que c'est important d'avoir de l'ouverture. Elle oblige à s'ouvrir. Et puis, elle est désirable, évidemment.

  • SG

    Oui, c'est bien. Et si tu avais une baguette magique au jour d'aujourd'hui, tu changerais quoi dans les règles du jeu économique ?

  • CG

    Je pense que je changerais un peu les enjeux géopolitiques, qui est un peu cette nécessité aujourd'hui de passer par des acteurs qui sont très, très loin, alors qu'eux aussi pourraient se concentrer sur leur niveau. au niveau local et apporter au niveau local et que du coup, on se perd un peu à vouloir transporter la marchandise très très loin et à dépendre justement d'acteurs qui sont très très loin, alors qu'on a des acteurs locaux qui auraient besoin de plus de nous. Donc je pense que ce serait un peu rebattre les cartes de ce commerce international pour nous donner plus d'énergie, de place, d'espace pour se concentrer sur le local.

  • SG

    Ça veut dire quoi ? Parce que là, tu es une dirigeante, tu mettrais des contraintes pour...

  • CG

    Ou j'enlèverai des contraintes. J'enlèverai des contraintes pour justement relibérer en local.

  • SG

    D'accord. Et alors, pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante dans l'avenir ?

  • CG

    Ce qui me rend confiante dans l'avenir, c'est de voir que de plus en plus, il y a des discours qui émergent et de dirigeants, et de dirigeants souvent d'une autre génération que moi, même plus âgés, qui portent ces discours. Je suis de plus en plus invitée à... Il y a des tables rondes, des clubs de dirigeants où la majorité des personnes autour de la table sont plutôt des hommes blancs,

  • SG

    de ce que je vais dire.

  • CG

    Et on parle de biodiversité. Et on parle de régénératif. Et je trouve ça dingue. Et ça me donne vraiment confiance, du coup, en l'avenir.

  • SG

    Et alors, conclusion, la prochaine génération, alors ?

  • CG

    J'ai deux enfants en bas âge, deux et quatre ans.

  • SG

    Oui,

  • CG

    ça va. Je vais leur en parler. Je crois qu'ils ont déjà quelques idées.

  • SG

    Écoute, merci Coralie. En tous les cas, c'était sincère et joyeux. Et je termine toujours par une citation. C'est une citation d'Albert Jacquard qui, je pense, fait écho à ce qu'on s'est dit. C'est « Transmettre, ce n'est pas répéter, c'est faire vivre » . Donc, encore merci. A bientôt. Merci beaucoup.

Description

Coralie Gueydon, responsable RSE et dernière génération de l’entreprise familiale King Jouet, raconte comment elle impulse, avec Pascale Théry, une transformation profonde de l'enseigne vers un modèle économique régénératif. Elle dévoile une feuille de route ambitieuse autour de trois piliers : ancrer les magasins dans leur territoire et y ramener de la nature, repenser l’offre avec des jouets plus durables, réparables et locaux, et embarquer les collaborateurs dans une gouvernance plus inclusive. Coralie revient aussi sur son expérience marquante à la CEC, qui a renforcé sa conviction qu’un avenir désirable est possible – à condition d’oser changer de récit.


Un témoignage inspirant, concret, et profondément humain.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de Territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage de la responsable RSE d'une belle aventure entrepreneuriale familiale iséroise qui s'appelle King Jouet et cette responsable, c'est Coralie Gueydon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Coralie, bonjour.

  • CG

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • CG

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors moi, je suis vraiment ravi de t'accueillir dans ce podcast parce que j'ai découvert plein de choses en fait. Déjà, j'ai découvert une aventure familiale qui démarre quand même en 1875 à Voiron. Donc voilà, avec la naissance de ce qui deviendra King Jouet. Au départ, c'est un magasin. Et puis aujourd'hui, c'est un groupe de 1000 personnes. C'est juste une aventure incroyable, une aventure que finalement peu de gens connaissent, je pense. En fait, en plus, quand on entend King Jouet, on pense américain, soyons honnêtes. Et toi, aujourd'hui, tu portes cette dimension RSE, tu fais partie de la famille. Ce qui va être intéressant, c'est que tu nous parles un peu de cette transformation que vous avez déjà démarrée et que vous continuez à travers ta feuille de route. Une feuille de route dont la question régénérative, c'est : "Et si le jouet dans nos magasins devenait l'allié de la planète et de ses habitants ?" Tout un programme ! On va parler à la fois de la famille, on va parler des choix et on va essayer d'apporter des réponses concrètes. Donc moi, je suis impatient de cet échange. Donc ce que je te propose pour démarrer, déjà, c'est que tu nous présentes King Jouet.

  • CG

    Alors, comme tu disais, King Jouet, c'est une entreprise familiale avant tout. J'en suis la sixième génération. Ça a commencé avec l'arrière-grand-père de mon grand-père. Je n'arrive même pas à le positionner par rapport à moi. Et en effet, qui avait une activité, un petit commerce sur Voiron, de bazar, qui s'est spécialisé dans le jouet. Et mon grand-père, après, a développé une activité de grossiste, puis des magasins en propre. L'ancienne King Jouet est arrivée à la fin des années 80. Donc, années 80, on aime bien les anglicismes, on aime bien parler en anglais. D'où le nom King Jouet. On m'a déjà posé la question, est-ce qu'on va changer le nom King Jouet ? Je pense qu'on y est trop attachés aujourd'hui. Le symbole du lion, voilà, on est beaucoup attachés. Aujourd'hui, c'est mon père qui en est à la tête, qui s'approche doucement de l'âge de la retraite. Et donc, je serai amenée à prendre la direction de l'entreprise d'ici deux, trois ans avec mon beau-frère Noam. Et voilà, c'était important pour nous de porter un nouveau projet pour l'entreprise. Donc voilà pour la photo un peu globale et historique en tout cas de King Jouet. Mais aujourd'hui, c'est environ 400 magasins en France, Belgique, Luxembourg, Suisse. La majorité en propre, en succursale. On a une petite centaine de franchisés. Donc on vend des jouets pour les enfants, mais aussi pour ceux qui sont des grands enfants et qui aiment encore ça. Et c'est 2000 collaborateurs.

  • SG

    D'accord. Comment tu reviens dans l'aventure ? Tu l'as quittée ? Tu n'y étais peut-être pas ? C'est toujours une question qu'on se pose ?

  • CG

    C'est anecdotique, mais je suis la fille aînée. D'accord. Dans ma fratrie, j'ai deux sœurs. Donc, automatiquement, la logique voudrait que je sois celle qui était destinée dès le début. Du coup, j'ai eu besoin de voir autre chose, d'être sûre que c'est bien là que je dois aller. J'ai fait des études de droit à la base, de droit public international. Et on pourra en reparler parce que ma sensibilité, du coup, à ces enjeux vient aussi de là. J'ai testé plusieurs choses, plusieurs domaines. Je suis partie en Espagne, notamment. Je suis partie en Australie. Mon mari est australien. Donc, vraiment, je suis allée très loin pour être sûre que ma place, elle était là. Je suis arrivée d'abord chez KingJu en 2017 sur la partie e-commerce, donc assez éloignée de mon activité aujourd'hui. Et assez rapidement, au bout de quelques années, je me suis un petit peu essoufflée et j'ai un peu perdu de sens dans mon activité, où on était toujours dans cette logique de plus, plus, plus, il faut faire plus de chiffres d'affaires. J'ai passé l'époque du Covid avec mon équipe et voilà, on était vraiment dans ce boom de l'économie digitale. Et du coup, j'ai eu besoin d'aller voir ailleurs, de m'éloigner de l'activité pour revenir et revenir avec cette promesse portée par mon père à l'époque. Je pourrais aussi apporter ma patte sur la responsabilité, la durabilité, le modèle de l'entreprise, donc à travers des enjeux autour de la RSE, pour la transformer un peu comme moi je l'imagine plus tard.

  • SG

    D'accord. Et alors, du coup, souvent, quand il y a des transmissions comme ça, c'est sûr que le sujet RSE, c'est aussi l'écologie, la biodiversité. Du coup, si on rentre dans le vif du sujet, comment ton père, il appréhende ces choses-là ?

  • CG

    Il avait bien conscience que pour moi, c'était très important. Je suis un peu le caillou dans la chaussure dans ma famille. Je suis végétarienne depuis sept ans, donc je suis déjà celle qui fait changer les menus à Noël pour tout le monde. Et il l'avait bien en tête.

  • SG

    La "chiante" du repas de famille, c'est ça ?

  • CG

    Un petit peu, un petit peu. Mais petit à petit, je vois aussi les comportements changer. Donc, il savait que c'était important pour moi. Et je pense que du coup, le fait que ce soit important pour moi, il me faisait suffisamment confiance pour savoir que ce serait aussi important pour l'entreprise, pour son modèle futur. Donc, il était assez sensible et c'était facile pour lui de passer ce pas, de se dire, OK, je donne les manettes à la nouvelle génération d'ici quelques années et le modèle qu'ils vont porter, ce sera le bon. Et il va s'inscrire dans cette démarche-là. Et du coup, je supporte ça aussi.

  • SG

    D'accord. Alors, quel déclic te fait rentrer, j'allais dire tomber dans la CEC ?

  • CG

    C'est un peu un concours de circonstances, c'est un peu des synchronicités. C'était l'époque quand, en fait, ils ont d'abord approché mon père. Pour lui dire, ce serait bien que King Jouet participe. Quand même, le bassin alpin est plutôt bien représenté dans ce parcours-là, ce serait dommage de ne pas avoir King Jouet. Et du coup, il me passe un peu ce bébé en me disant ça, ça va te parler. Et en effet, ça me parle. Et en fait, au même moment, on parle beaucoup de Mustela, qui arrête les lingettes. On parle beaucoup de Chartreuse, qui réduit sa production, et en étant voironaises, voilà, ça parle tout de suite. On se dit mince, pourquoi ? Comment est-ce qu'ils arrivent à cette conclusion ? Et voilà, je fais la rencontre du coup de Anne-Fleur, Anne-Fleur Barret. Et voilà, et qui nous présente ça, ce parcours de la CEC. Et je me dis, waouh, un tel parcours existe pour les entreprises. Il faut qu'on y aille, c'est sûr.

  • SG

    Et toi, je te coupe, mais le régénératif, ça te parlait ou pas ?

  • CG

    À l'époque, de loin, ou en tout cas, pas à appliquer un modèle économique et un modèle d'entreprise. Ça, c'est sûr et certain. Pour moi, une entreprise, il fallait avant tout qu'elle limite son impact, qu'elle arrive à limiter au minimum. Mais quand, dans le parcours de la CEC, on te parle d'un modèle économique régénératif et un impact positif, tu te dis « Waouh ! » En fait, on n'a même pas fait la moitié du chemin, là. Limiter son impact, c'est bien, mais on peut aller au-delà de ça. Je trouve que, du coup, tu as une matrice un peu de référentiel qui est complètement différente. Et tu approches, du coup, ta stratégie complètement différemment.

  • SG

    C'est vrai qu'on se rend compte que les gens qui ont fait la CEC étaient quand même assez convaincus. Mais alors, comment tu prends, justement, ces premières journées qui sont quand même assez violentes ?

  • CG

    Très dures. Moi, j'étais déjà assez consciente, entre guillemets, qu'il y avait un problème et il y avait des enjeux. Et déjà un peu éco-anxieuse à la base. D'accord. Spoiler alert, ça ne s'est pas beaucoup amélioré ! Je travaille dessus. Et du coup, ces premières journées, à la fois très dures. Je me vois vraiment rentrer chez moi et dire à mon mari : c'est la fin, il faut qu'on fasse quelque chose, il faut qu'on ait un potager, il faut qu'on soit autonome. Ce qui n'est pas la bonne réponse non plus. Mais voilà, il faut qu'on fasse quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Donc un peu démunie. Et en même temps, très vite. Tu as cette force du collectif, tu as cette beauté des relations que tu noues au sein de la CEC qui te portent et qui te donnent énormément d'énergie et qui te font voir qu'ensemble, on va peut-être arriver à quelque chose.

  • SG

    Et toi, la CEC, tu es la planète champion ?

  • CG

    J'étais la planète champion,

  • SG

    oui. D'accord. Et donc, tu l'as fait avec ta PDG ?

  • CG

    Avec Pascale Théry, qui est la directrice générale adjointe.

  • SG

    Et alors, elle, comment elle prend cette...

  • CG

    Pareil, elle était un niveau de sensibilité un peu en dessous. et elle se l'est vraiment pris en pleine face. Et ça a été une vraie remise en question pour elle, un vrai changement d'état d'esprit, et je sais que ça l'a profondément, profondément marquée. Et toutes les deux, ça nous a aussi créé ce lien entre nous, très très fort, qu'on continue de porter au quotidien. Très marquant.

  • SG

    C'est d'ailleurs ça la difficulté, c'est qu'on crée quelque chose d'assez incroyable entre les participants, et quand on ressort de là... parfois, on a du mal à expliquer les choses. On les explique souvent moins bien, d'ailleurs, que les experts qui viennent. Et c'est vrai qu'on est un peu en ébullition, alors que les autres ne le sont pas forcément.

  • CG

    C'est ça qui est un peu frustrant. C'est vrai qu'à la fin des premières, deuxièmes sessions, tu as envie de tout partager, tu as envie de sensibiliser tout le monde, de leur dire, mais regardez Arthur Keller, mais regardez. Et en fait, tu ne peux pas, parce qu'on ne parle pas la même langue à ce moment-là. On n'est pas sur les mêmes niveaux. Donc, il faut y aller vraiment petit à petit, pas brusquer, entre guillemets, et en même temps, t'as envie de les secouer. Donc, c'est vrai que sur ce travail d'embarquement, nous, on a fait le choix d'avoir un peu dans cette logique d'itération. On y est allé régulièrement auprès de notre Codir, tous les mois, en diluant un petit peu les informations, et on y revient, et on répète les mêmes choses. Et je pense que ça a plutôt bien marché, qu'on a réussi quand même à les embarquer là-dessus. Et après, on a fait participer du coup Philippe, mon père, avec Noam, mon beau-frère et deux autres personnes de l'équipe, à l'embarquement en septembre. Et on les a vraiment vus revenir en mode « Ok, maintenant on comprend ce que vous êtes en train de vivre, il n'y a pas de question, on y va » . Et ça a vraiment été aussi un élément supplémentaire de déclenchement pour eux de pouvoir vivre aussi cette méthodologie.

  • SG

    Et après, plus largement par rapport aux collaborateurs, vous avez déjà fait des choses, comment vous avez appréhendé ?

  • CG

    Pour l'instant, on communique en effet beaucoup. On prend chaque opportunité pour les embarquer avec nous. Là, par exemple, début juin, on a notre salon annuel où on a l'entièreté des équipes magasins qui viennent nous voir sur Lyon à Eurexpo avec les fournisseurs. On a aussi la majorité de nos fournisseurs. Et on va leur présenter justement les grands piliers de notre feuille de route. On va les embarquer avec nous sur ce voyage en 2035 : King Jouet, où est-ce qu'on va être, à quoi ça va ressembler et quels vont être les grands piliers de cette transformation. Et c'est un message qu'on va porter aussi auprès de nos fournisseurs.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être qu'on peut parler des piliers, puis après on parlera de la suite. Alors c'est quoi votre feuille de route finalement ?

  • CG

    Alors, elle s'organise auprès de trois piliers. Le premier, c'est vraiment notre modèle social, sociétal, humain. Comment est-ce qu'on l'intègre dans ce modèle-là ? Donc, les enjeux autour de la gouvernance, partage de la valeur, comment on s'organise et comment est-ce qu'on va former aussi nos équipiers, comment s'assurer que nos humains vont arriver à suivre ce modèle de transformation et eux aussi vont être transformés. Donc, être ambassadeur de ce modèle et prêt à ces nouveaux métiers. Le deuxième pilier, c'est le magasin, parce qu'on est quand même convaincus que ça va rester au cœur de notre activité. Il est dans notre question régénérative, ce magasin, ce lieu physique. Et sur le magasin, on a deux gros enjeux qu'on veut adresser. Le premier, c'est s'assurer que les magasins soient vraiment ancrés dans leur tissu local. Qu'ils ne soient pas juste un îlot, mais qu'ils puissent partager avec les autres acteurs économiques, bien sûr, partager des ressources, mais aussi intégrer avec les écoles, les maisons de retraite, des associations, tout cet écosystème qu'il y a autour et qui ont un besoin, une demande auprès du jouet, qui peut être directe ou indirecte. Mais les écoles ont besoin aussi de supports pédagogiques, elles ont besoin de jouets pour éduquer les enfants. Nous, on les a en magasin, donc on peut échanger autour de ça. Et le deuxième, et c'est celui qui fait souvent un peu sourire, et notamment en interne, parce qu'on a du mal à l'imaginer, c'est de ramener de la nature dans nos magasins.

  • SG

    Celui qui m'a fait sourire, je te le dis.

  • CG

    Ça paraît dingue, et pour nous, ça a vraiment été, quand je reviens à une des premières questions, mais sur la question du régénératif. On dit qu'il faut ramener de la nature et à un moment, on a vraiment eu ce déclic avec Pascale de dire « Mais attends, nous on a 400 points physiques à travers la France et l'Europe. » C'est là en fait, c'est là qu'il faut qu'on ramène de la nature. C'est là qu'il faut qu'on vienne apporter ce plus, ce régénératif. Parce qu'aujourd'hui, nos magasins sont majoritairement en périphérie, donc sur les zones commerciales, avec des grands beaux parkings de béton, dans des bâtiments en tôle, tu n'as pas un brin d'herbe qui dépasse. ça, on peut le challenger, on peut le remettre en question, on peut apporter de la nature. On peut débétoniser, on peut mettre des toits végétaux. Il y a plein de choses qui sont à faire, mais qui n'ont pas encore été abordées. Il y a un vrai périmètre de croissance là-dessus.

  • SG

    Quelque part, c'est d'être un peu pionnier pour inspirer les autres, parce que j'imagine qu'autour, c'est compliqué d'appréhender et de comprendre peut-être ça.

  • CG

    Exactement, on se voit vraiment pionnier sur ce sujet-là, parce que ce n'est pas encore du tout fait. Et surtout, on a la problématique qu'aujourd'hui, nous, on n'est pas propriétaires de nos bâtiments, on fait des bailleurs. Donc, il faut arriver à les embarquer avec nous et s'assurer qu'eux aussi voient ce côté bénéfique parce qu'ils vont sûrement faire des économies en termes de clim, de chauffage, parce qu'avec la végétation, on arrivera à mieux isoler, à créer des îlots de fraîcheur. Aussi parce qu'un sol débétonisé, il absorbe mieux l'eau, donc il y a moins de risques d'inondations, de dégâts des eaux. Donc, arriver à mettre tous ces bénéfices en face, et qu'ils voient aussi qu'on participe à la pérennité de leur zone commerciale.

  • SG

    C'est ça qui est intéressant, parce qu'un grand groupe avec des dirigeants alignés, je ne suis pas sûr que ça soit si fréquent. Et du coup, c'est ça qui est inspirant aussi. Parce qu'en fait, d'abord, tu sais de quoi tu parles. Et du coup, finalement, on peut se dire, si eux pensent à ça, s'ils estiment que c'est... Nous aussi, on peut peut-être y aller.

  • CG

    Et c'est pour ça que c'est important, en tout cas, de prendre la parole et de le dire et de partager et d'échanger avec d'autres dirigeants, petits ou grands, pour qu'ils voient aussi que c'est possible.

  • SG

    Voilà, c'est possible. Après, on peut aussi se dire, et je me fais l'avocat du diable en disant, vos produits, ils viennent tous d'Asie. Voilà, et vous nous dites ça, mais d'un autre côté, voilà. Et ça ne doit pas être simple, ça, ce chemin-là.

  • CG

    Exactement, et c'est pour ça que c'est notre troisième pilier, l'offre, le jouet. Parce que c'est bien beau, on vend des jouets dans nos magasins, on fait rêver les enfants, c'est notre mission, faire rêver les enfants, accompagner les parents. Mais les jouets aujourd'hui en France c'est 100 000 tonnes de déchets par an, c 'est l'ADEME qui le dit, c'est juste énorme. Un jouet, c'est huit mois en moyenne de temps d'utilisation, donc ce n'est pas très long. Donc il y a un vrai sujet autour de ça. On a fait notre bilan carbone il n'y a pas très longtemps : 70% de notre impact, c'est l'offre. C'est le jouet entre sa fabrication, son transport, son utilisation après. Donc, c'est vraiment majeur. Donc, si on n'adresse pas ce point-là, on n'adresse rien du tout. C'est pour ça qu'on a des gros enjeux dessus. Déjà, ce jouet, pour l'adresser, il faut qu'on embarque la filière avec nous. On ne peut pas y aller tout seul. Il faut qu'on embarque les fournisseurs avec nous. Il y en a qui sont déjà très avancés sur ce sujet, qui lancent de très belles initiatives en France. Il faut qu'on embarque aussi maintenant ceux qui ont un peu plus de réticence et leur prouver que c'est le modèle de demain qu'il faut aller là-dessus. Ensuite, il faut que notre offre qu'on propose elle soit plus durable. Et durable, ça veut dire qu'en termes de matériaux, on privilégie des matériaux qui soient durables, comme le bois par exemple, comme les plastiques recyclés justement, on a déjà beaucoup de déchets, qu'on puisse les réutiliser, qu'ils soient réparables. Ça, c'est des notions qu'on n'a pas encore du tout dans le jouet. Le jouet, il est cassé, je le jette et puis je rajoute autre chose. Non, parfois, on peut le réparer. Et pour ça, on a aussi besoin des fournisseurs, pour s'assurer que les jouets soient réparables. Et surtout, qu'il soit une offre qui soit le plus locale possible. On ne pourra pas tout fabriquer en France. Mais déjà, si on arrive à rapatrier certaines des productions en France, ou en Europe, on va déjà arriver à recréer un peu ce tissu économique européen, local, et être plus pérenne, plus durable. Je ne veux pas rentrer dans la géopolitique, mais on voit aujourd'hui les droits de douane entre la Chine et les États-Unis. Si ça nous arrive demain en France, dans notre activité, aujourd'hui c'est 80 % des jouets qui sont fabriqués en Chine. Donc ça aura aussi un gros impact sur l'approvisionnement.

  • SG

    Justement, par rapport à l'international, en fait, parfois on se dit, nous, les Français, on veut faire des choses, les autres ne font rien, ne faisons rien.

  • CG

    Oui, ce serait un peu la solution de facilité. Mais je pense qu'on a la chance d'être dans un pays où il y a des initiatives qui émergent. Et du coup, il ne faut pas lâcher, il faut capitaliser dessus et travailler sur cette robustesse au niveau local.

  • SG

    Et c'est quoi les freins en fait ? Parce qu'on a parlé des collaborateurs, mais je ne suis pas certain que les collaborateurs voient ça d'un bon oeil.

  • CG

    Tant qu'on les embarque, tant qu'on leur donne cette photo, on va les embarquer. On a la chance d'être une entreprise familiale. Je pense que ça aide beaucoup. Nous, quand on parle d'un plan de transformation à 10 ans, moi dans 10 ans, je serai toujours là. Il n'y a vraiment pas de question là-dessus. Donc, on a cette chance de pouvoir se projeter sur le long terme. Et je pense que du coup, ça leur parle beaucoup et ça les aide beaucoup. Les freins, à la limite, viennent plus des parties prenantes externes qui sont plus difficiles à adresser directement. On a parlé des bailleurs, des fournisseurs, bien évidemment, où c'est plus difficile. Ils ont un modèle économique qui ne répond pas du tout à ces attentes. Donc, il faut les accompagner, leur montrer un peu quels enseignements on a eus. On le voit, ça fait deux ans et demi qu'on a développé l'occasion, les jouets d'occasion dans certains de nos magasins. Et aujourd'hui, pour un fournisseur qui a un modèle économique qui repose sur du jouet neuf, C'est un peu antinomique et ils peuvent voir ça avec un peu d'appréhension. Donc, charge à nous de leur démontrer que non, il y a un vrai modèle économique derrière, qu'ils peuvent nous accompagner aussi là-dessus. Et c'est pour ça qu'on continue aussi de développer ce modèle de King Occas sur le jouet d'occasion. Donc, ces freins, on les connaît, on les a en tête et on les fait tomber petit à petit, on espère.

  • SG

    Alors justement, si dans dix ans, je t'interviewe, Coralie, tu es encore là, moi je suis peut-être encore là. Tu me racontes quoi alors ? C'est quoi dans dix ans King Jouet ?

  • CG

    J'espère que dans 10 ans, King Jouet, en tout cas, on est encore là. On a encore des magasins et on continue de faire rêver les enfants. Si on arrive à continuer notre activité et à profiter pleinement aux générations futures, le pari sera réussi. Et je pense qu'on aura vraiment une activité qui sera transformée. On aura toujours des magasins, en effet, mais magasins, on ne fera au final pas tant de ventes de jouets neufs. On proposera aussi de la location. On proposera de la réparation, faire des ateliers de réparation, montrer aux enfants comment prendre soin de leurs jouets pour qu'ils durent le plus longtemps possible et qu'après, ils puissent nous les ramener et qu'on leur achète ou on leur échange un jouet et qu'on le propose à d'autres enfants plus jeunes. On le voit vraiment comme un lieu vivant d'échange, de partage. Pendant ce temps-là, les parents sont en train de jouer à un jeu de société à côté qu'ils viennent de découvrir avec les voisins du coin qui viennent d'emménager. On a vraiment une vision dans la coopération, dans le partage de nos magasins.

  • SG

    C'est travailler la proximité et le digital alors, parce que c'est aussi dans vos ventes, j'imagine, dans le chiffre d'affaires, c'est important.

  • CG

    Exactement, et on se dit que le magasin, malheureusement, tout le monde n'habite pas à côté d'un King Jouet. Je vous le souhaite, mais c'est pas réaccessible. Et du coup, le digital doit continuer à arriver à combler aussi ces trous, à pouvoir répondre aux besoins de personnes qui ne peuvent pas forcément se rendre en magasin et rendre du coup cette offre qui sera plus durable, accessible à tous. Donc, le digital va rester partie de nos activités.

  • SG

    D'accord. Je pense que j'ai à peu près bien compris. C'est très clair, franchement. Et toi, sur ton engagement personnel, est-ce que finalement, ça t'a beaucoup changé, la CEC ?

  • CG

    Comme je disais, ayant fait des études de droit international public, ça parle peut-être pas à tout le monde, mais on se parle beaucoup, du coup, de droit de l'homme, de droits en tout cas de ces minorités. Donc très tôt, j'ai eu un peu cette conscience de : on n'est pas tous logés à la même enseigne. Et que quand on parle de flux migratoires, généralement, ce n'est pas qui était de cœur et qu'il y a ces enjeux écologiques qui font que des personnes ne sont pas dans des endroits qui soient favorisés comme le nôtre. Donc j'ai attaqué la CEC avec déjà un peu en tête qu'il fallait qu'on fasse quelque chose, qu'il y avait un peu un problème sur notre modèle. Ce que la CEC m'a apporté, au-delà de beaucoup de connaissances sur les enjeux, des données scientifiques sur lesquelles on peut s'appuyer, c'est aussi cette vision positive du futur, ce futur désirable, qui me manquait profondément. Au lieu de me dire, oui, en effet, on est un peu dans la merde, de dire, non, en fait, il y a un futur possible, et ce futur, il va être beau, il va être chouette, parce qu'on va y aller tous ensemble. Et ça, j'en avais profondément besoin. Et c'est ce qui me donne de l'énergie aujourd'hui. Avant, je manquais d'énergie, j'avais du mal à me mettre en action parce que je n'avais pas cette photo de fin, de dire que c'est possible d'avoir un futur qui est différent et il va être désirable, il va être super chouette parce qu'il va y avoir la coopération. On va créer du lien, du partage. Tout le monde aura sa place dans ce futur. Donc, ça m'a beaucoup aidée.

  • SG

    D'accord. En fait, vous travaillez sur le récit, finalement.

  • CG

    Ça en fait partie. Ça en fait partie. C'est vraiment une composante majeure que je pense, je n'avais pas conscience à quel point le récit était important. Et pour ça, l'intervention de Côme dans le parcours nous a beaucoup aidé.

  • SG

    Alors, qu'est-ce que tu dirais, toi, à un dirigeant, alors même d'une TPA, du PME plus petite, qu'est-ce que tu lui dirais pour, quelque part, le convaincre de se lancer dans une démarche RSE, mais régénérative, disons-le ?

  • CG

    Je pense que, malheureusement, on n'a pas trop le choix. Si on veut être encore là demain et dans des bonnes conditions, Il faut se lancer et que surtout c'est vraiment une belle démarche parce que pour faire cette démarche d'essayer de trouver son modèle régénératif, il faut prendre du temps, il faut s'accorder ce temps et c'est pour ça que le parcours de la CEC c'est un vrai cadeau pour les dirigeants qui participent, parce qu'on nous donne cet espace de temps. Donc il faut arriver à se faire ce cadeau-là aussi, de prendre du temps pour repenser ses activités et arriver à revoir ce modèle. Parce que passer par un modèle régénératif très souvent c'est des renoncements. Et pour faire des renoncements, ça prend du temps. Il faut vraiment se pencher dessus. Ce n'est pas du business as usual. Non, on vient couper des lignes. Donc, il faut se donner ce temps. Et c'est aussi une belle expérience de se donner du temps en tant que chef d'entreprise.

  • SG

    D'accord. Donc, si tu avais un conseil à donner, c'est prenez le temps. On prend un peu de la hauteur. et ne vous inquiétez pas, votre chiffre d'affaires ne va pas s'effondrer, bien au contraire, il va peut-être... progresser, mais autrement.

  • CG

    Exactement. Et ça ne fera peut-être pas le chiffre d'affaires. Et peut-être que le chiffre d'affaires, on s'en foutra, entre guillemets. Mais en tout cas, on aura un impact positif.

  • SG

    Faut quand même qu'on reste rentable.

  • CG

    Il y a un minimum.

  • SG

    Alors, si justement, question un peu piège, parce qu'on va terminer ce podcast. Si tu pouvais me définir en trois mots l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • CG

    Alors, elle est challengeante.

  • SG

    Oui.

  • CG

    Pour y arriver, c'est quand même un gros challenge. Mais je pense que c'est important d'avoir de l'ouverture. Elle oblige à s'ouvrir. Et puis, elle est désirable, évidemment.

  • SG

    Oui, c'est bien. Et si tu avais une baguette magique au jour d'aujourd'hui, tu changerais quoi dans les règles du jeu économique ?

  • CG

    Je pense que je changerais un peu les enjeux géopolitiques, qui est un peu cette nécessité aujourd'hui de passer par des acteurs qui sont très, très loin, alors qu'eux aussi pourraient se concentrer sur leur niveau. au niveau local et apporter au niveau local et que du coup, on se perd un peu à vouloir transporter la marchandise très très loin et à dépendre justement d'acteurs qui sont très très loin, alors qu'on a des acteurs locaux qui auraient besoin de plus de nous. Donc je pense que ce serait un peu rebattre les cartes de ce commerce international pour nous donner plus d'énergie, de place, d'espace pour se concentrer sur le local.

  • SG

    Ça veut dire quoi ? Parce que là, tu es une dirigeante, tu mettrais des contraintes pour...

  • CG

    Ou j'enlèverai des contraintes. J'enlèverai des contraintes pour justement relibérer en local.

  • SG

    D'accord. Et alors, pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante dans l'avenir ?

  • CG

    Ce qui me rend confiante dans l'avenir, c'est de voir que de plus en plus, il y a des discours qui émergent et de dirigeants, et de dirigeants souvent d'une autre génération que moi, même plus âgés, qui portent ces discours. Je suis de plus en plus invitée à... Il y a des tables rondes, des clubs de dirigeants où la majorité des personnes autour de la table sont plutôt des hommes blancs,

  • SG

    de ce que je vais dire.

  • CG

    Et on parle de biodiversité. Et on parle de régénératif. Et je trouve ça dingue. Et ça me donne vraiment confiance, du coup, en l'avenir.

  • SG

    Et alors, conclusion, la prochaine génération, alors ?

  • CG

    J'ai deux enfants en bas âge, deux et quatre ans.

  • SG

    Oui,

  • CG

    ça va. Je vais leur en parler. Je crois qu'ils ont déjà quelques idées.

  • SG

    Écoute, merci Coralie. En tous les cas, c'était sincère et joyeux. Et je termine toujours par une citation. C'est une citation d'Albert Jacquard qui, je pense, fait écho à ce qu'on s'est dit. C'est « Transmettre, ce n'est pas répéter, c'est faire vivre » . Donc, encore merci. A bientôt. Merci beaucoup.

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