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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#24 - Hélène Tonetti - Chargée de développement Bureaux du Coeur - Bassin lyonnais & Alpes

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28min |28/08/2025|

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Description

Exceptionnellement, ce nouvel épisode donne la parole à une association qui n'a pas participé aux parcours CEC, mais une partenaire impliquée.

Hélène Tonetti présente l’action des Bureaux du Cœur, une initiative simple et puissante : ouvrir les bureaux d’entreprises inoccupés la nuit à des personnes en grande précarité. Portée par un réseau de partenaires sociaux, d’entreprises engagées et de bénévoles, l’association recrée du lien entre deux mondes qui s’ignorent souvent. Un dispositif humain, sécurisé, basé sur la confiance et qui transforme des vies… tout en redonnant du sens aux organisations.

L'association oeuvre aussi en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. Au total, depuis sa création il y a 5 ans, ce sont 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir et 700 invités accueillis.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de celles et de ceux qui œuvrent pour transformer nos modèles économiques, sociaux et environnementaux. Et aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir une invitée, qui même si elle n'a pas fait la CEC, incarne parfaitement les valeurs de l'économie du soin, du lien et du sens. Elle s'appelle Hélène Tonetti. Elle est chargée de développement au sein de l'association Les Bureaux du Coeur. Une initiative à la fois simple et puissante, puisque l'idée, c'est d'ouvrir les portes des entreprises la nuit à des personnes en grande précarité pour leur offrir un peu de répit, de chaleur et d'humanité. Les Bureaux du Coeur, c'est vraiment un pont entre deux mondes qui souvent s'ignorent, soyons honnêtes, celui des vulnérabilités sociales et celui des entreprises. Un pont tissé avec délicatesse, engagement et conviction. Hélène, bonjour.

  • HT

    Bonjour.

  • SG

    Ce que je te propose, c'est déjà de nous présenter les Bureaux du Cœur.

  • HT

    Tu l'as déjà fait très bien, mais je résumerai notre action d'une petite phrase. C'est la possibilité de créer un accueil individuel d'urgence pour une personne en insertion qui est accompagnée par un partenaire social dans des locaux professionnels qui sont vides la nuit et le week-end.

  • SG

    D'accord. Alors, d'où naît cette histoire ?

  • HT

    L'idée est née il y a cinq ans à Nantes du constat d'un entrepreneur du CJD qui avait ses propres bureaux, qu'il fermait le soir quand il rentrait chez lui. Il éteignait la lumière. En hiver, il n'éteignait pas forcément le chauffage. Et en même temps, il pouvait croiser des personnes qui dormaient dans la rue. Donc finalement, de ce constat de gâchis est née l'idée des Bureaux du Cœur.

  • SG

    D'accord. La mission, on parlera après des invités, mais la mission, elle a évolué dans le temps ou elle est toujours la même ?

  • HT

    Alors, on a testé quand même pas mal de choses parce que c'est une idée un peu folle quand même. Il fallait y penser, même si, comme tu l'as dit, elle est très simple à mettre en place. Donc voilà, différents tests ont été faits jusqu'à arriver à quelque chose de très structuré, très encadré, très rassurant aussi pour les entreprises qui s'engagent. On reviendra dessus, j'imagine.

  • SG

    Et tu parles de Nantes, mais aujourd'hui, là, on est à Lyon. Donc, en fait, toi, tu es chargée de la partie sud-est. Ça veut dire que vous êtes combien ? C'est quoi cette association ? Elle est grosse quand même.

  • HT

    Oui, alors en cinq ans, on est présent maintenant dans 34 villes en France. On est aussi présent en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. On a 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir. Et on a déjà accueilli plus de 700 invités depuis le début de l'aventure.

  • SG

    D'accord, ok. On pourrait se réjouir parce que voilà, mais en même temps, ça veut dire qu'il y a toujours plus de demandes ?

  • HT

    Oui, bien sûr. La part de nos partenaires que j'ai cités tout à l'heure, qui sont ceux qui vont nous orienter des invités, on a des demandes au quotidien, ça c'est sûr. En ce moment, en été, on a aussi pas mal de demandes parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a plus de morts dans la rue en été qu'en hiver à cause de la chaleur. Et c'est vrai qu'en ce moment, par exemple, on a moins d'entreprises qui viennent vers nous parce qu'elles n'ont pas cette idée en tête et parce qu'il va peut-être y avoir la pause estivale, un peu moins de temps pour préparer un accueil.

  • SG

    OK. Alors quand même, un petit mot sur toi. Comment tu arrives aux Bureaux du Coeur ?

  • HT

    Alors, moi, j'ai plusieurs vies avant les Bureaux du Coeur. J'ai fait il y a très longtemps une école de commerce avec l'idée déjà à l'origine de plutôt travailler dans des ONG, plutôt dans le monde humanitaire. Donc, j'ai fait quelques stages dans ce domaine-là. Ça n'a pas pu se concrétiser au niveau professionnel puisque je me suis installée en Espagne en 2000. Et à l'époque, il n'y avait pas de grosses associations dans les villes où j'habitais. Donc, j'ai plutôt travaillé dans l'export, dans des grosses boîtes américaines, dans l'industrie automobile. Voilà, donc pas trop de sens à un moment donné. Et du coup, quand je suis rentrée en France au bout de 18 ans, donc ça, c'était il y a 8 ans maintenant, j'ai eu envie de retourner un petit peu à mes premiers amours, on va dire, et de pouvoir vraiment retoucher du doigt des missions avec plus de sens. Et c'est là que j'ai rejoint le domaine associatif, et les Bureaux du Cœur, c'était il y a trois ans maintenant, dans un premier temps comme bénévole, puisque j'étais entre deux jobs, j'avais du temps. Donc, j'ai découvert ce projet grâce à l'un de mes frères qui était le premier hôte lyonnais. Donc, voilà, on en avait parlé et je me suis engagée bénévolement. Et puis, petit à petit, le poste a été créé. On est une équipe qui grandit. Maintenant, on est une petite dizaine de personnes, mais quand je suis arrivée, on devait être trois ou quatre, quelque chose comme ça. Donc voilà, vraiment l'envie de faire quelque chose de concret, d'avoir un vrai impact dans mon job.

  • SG

    Ok, alors ce qui nous permet d'aborder l'écosystème, parce que tu vas nous expliquer un petit peu comment ça marche, certes il y a des bénévoles, mais il y a aussi des prescripteurs, comment ça fonctionne ?

  • HT

    Tout à fait. Donc nous, on va vraiment s'appuyer sur des partenaires pour pouvoir identifier nos invités. On ne peut pas accueillir une personne qu'on croise dans la rue comme ça et à qui on dirait, vas-y, je te donne les clefs de mon entreprise. Là, pour le coup, les entreprises ne seraient pas très rassurées. Donc on va vraiment s'appuyer sur des partenaires de l'insertion. Il y a différentes typologies de partenaires. Ça peut être des associations de solidarité comme ATD Quart Monde, le Secours Catholique, Habitat & humanisme, Les apprentis d'Auteuil, le Wake Up Café. Je les cite tous comme ça pour que tu vois un petit peu les profils différents des invités. On va travailler aussi avec des CCAS ou des missions locales, et aussi avec des structures de l'insertion par l'activité économique, donc là plus pour des salariés précaires. Donc ça peut être des hommes, des femmes, des étudiants en précarité, des personnes proches de la retraite, des personnes qui travaillent ou pas, des personnes migrantes ou pas. Il n'y a pas de limite au profil, juste quelques critères que nos partenaires doivent avoir en tête. Nous, on va accueillir seulement des personnes majeures, des personnes seules, sans addiction avérée. Et dans le cas d'une personne migrante, une personne qui a au moins un récipicé de la préfecture, donc en situation légale sur le territoire. Donc là, on fait vraiment 100% confiance aux partenaires pour identifier parmi les personnes qu'ils accompagnent, une personne qui rentre dans ces critères, qui a besoin d'un logement. Puisque ces personnes sont dans un vrai projet d'insertion, elles sont soit en train de se préparer à retourner vers l'emploi, soit elles vont commencer une formation, soit elles sont en train d'apprendre le français, ou tout simplement mettre à jour leurs papiers. Mais en tout cas, il y a vraiment une activité au quotidien et un besoin d'énergie pour avancer dans un projet. Donc avec les Bureaux du Cœur, on leur propose quelques mois de répit pour déjà enlever la charge mentale chaque matin. où est-ce que je vais dormir ce soir ? Et d'être vraiment dans un cadre stable, toujours au même endroit, pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. On leur propose un cadre d'intimité, puisqu'ils vont avoir un lieu pour se poser et se reposer. Et puis un cadre de sécurité, bien évidemment. Ils vont pouvoir laisser leurs affaires sans avoir peur de se les faire voler. Ils vont pouvoir dormir sereinement sans avoir peur de se faire agresser. Donc ça change tout, et ça permet d'avancer dans son projet. Donc ça c'est vraiment la partie en amont de nos partenaires et en face de ce besoin, on a les entreprises qui ouvrent leurs portes la nuit et le week-end pour accueillir ses invités dans un endroit aménagé tout simplement en fait. Il suffit de rajouter un couchage dans un coin d'un bureau ou d'une salle de réunion. Donc ça peut être un clic-clac si la pièce est assez grande, ça peut être un fauteuil convertible, une place, un lit pliant qui est rangé ailleurs en journée. Et l'idée, c'est vraiment qu'en journée, ce bureau ou cette salle de réunion soit utilisée par les salariés et qu'à partir de 18h, 18h30, l'invité puisse s'installer et occuper cette pièce pour se reposer, tout simplement. Il aura accès aussi à une kitchenette, donc là aussi, la même que les salariés, des sanitaires, idéalement des douches, mais si on n'a pas au moins un lavabo avec de l'eau chaude. Et voilà, c'est tout. Au niveau aménagement, il n'y a pas plus simple.

  • SG

    D'accord. Et après, comment vous connectez ? Comment vous allez chercher les entreprises ? C'est intéressant.

  • HT

    Alors, on a beaucoup d'entreprises qui nous contactent par le bouche à oreille. Donc, nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs. Ça, il n'y a pas de doute là-dessus. Ensuite, on va intervenir auprès de clubs d'entreprises. On intervient à la CEC avec des propositions de solutions simples à mettre en place, donc, en général, les entreprises sont plutôt favorables, puisqu'on les rassure aussi sur le cadre, sur l'accompagnement aussi, sur la sélection des invités. On vient d'en parler. Donc voilà, c'est beaucoup comme ça que ça se passe. Et puis après, ce genre de podcast, des interviews dans des magazines, à la télé, la communication aide aussi quand même pas mal.

  • SG

    Ok, tu nous as parlé de bénévoles. C'est quoi le rôle des bénévoles ?

  • HT

    Alors, la mission clé de nos bénévoles, c'est de suivre un accueil. Donc c'est ça aussi qui est assez rassurant dans le dispositif. C'est que pour chaque nouvel accueil qui commence, donc un invité, une structure qui l'accompagne et une entreprise qui accueille, il va y avoir un bénévole qui coordonne tout ça, qui va faire le lien entre tous pour réajuster si besoin, s'il y a des petits grains de sable dans l'engrenage au fur et à mesure de l'accueil. Pour aussi organiser des réunions mensuelles, donc des points de suivi sur l'accueil, mais aussi sur le projet de l'invité, savoir comment il avance dans sa recherche d'emploi, dans ses démarches, etc. Donc le bénévole, il va vraiment être le facilitateur entre tous ces mondes, vraiment pouvoir réajuster si besoin. Et puis on va avoir aussi des bénévoles qui vont pouvoir nous aider sur plus la prospection, sur le lien avec les partenaires, sur la communication. Des petites missions transverses aussi sont proposées.

  • SG

    J'imagine qu'il y a plein de rencontres, ça doit être très riche humainement. Tu n'aurais pas deux, trois rencontres comme ça ou de choses qui se sont passées ?

  • HT

    Alors, je disais tout à l'heure qu'on a eu déjà 700 invités. Donc, on a 700 rencontres, 700 histoires différentes. Moi, je pourrais raconter ma première fois, on va dire. Donc, j'étais bénévole à ce moment-là. C'était mon premier accueil. C'était à Lyon, voilà. C'était à Lyon. Et du coup, j'avais ce rôle de mettre en lien l'invité qui avait été identifié par un de nos partenaires avec l'entreprise qui allait l'accueillir. Et du coup, c'était une personne qui était assez âgée, mais qui était dans une démarche d'insertion pour finir de cumuler quelques trimestres avant de pouvoir prendre sa retraite. Et c'est vrai que la première rencontre, on a côtoyé une personne qui était assez fermée, qui était assez même voûtée, je dirais. Et le mois d'après, en fait, quand on s'est tous revus pour faire un petit point justement sur l'accueil, en fait, cette personne, elle avait vraiment changé, ne serait-ce que physiquement, en fait. Elle s'était redressée, elle avait eu l'opportunité pendant un mois de mieux dormir, de pouvoir prendre soin d'elle, de pouvoir économiser un petit peu son salaire pour s'acheter de nouveaux habits. Enfin, voilà, c'était un changement assez radical. Et c'est vrai qu'on se dit que rien qu'en un mois déjà, ce que ça a pu faire, c'est incroyable. Donc, la moyenne de nos accueils sur le territoire français, c'est quatre mois et demi. Ça veut dire qu'en général, en moins de cinq mois, les invités trouvent une solution de logement. Et en gros, ça change vraiment leur vie. Donc, c'est impressionnant.

  • SG

    Et par rapport aux entreprises, ça se trouve, il y a des entreprises qui veulent les garder, non ? Ils ne veulent plus qu'ils partent. Il y a des liens qui se créent ou pas ?

  • HT

    Alors, il y a des liens qui se créent. De là à les garder, non, parce qu'on a toujours envie que l'invité ait une solution meilleure. Nous, ce qu'on propose, c'est quand même...

  • SG

    On s'attache. Ça se trouve, ils reviennent après dans l'entreprise.

  • HT

    Tout à fait. Là, en l'occurrence, cette entreprise, ils ont déjà accueilli au moins huit ou neuf invités. C'était parmi les premiers à Lyon. Et ils nous racontent souvent, effectivement, qu'avec certains, ils ont gardé du lien, qu'ils connaissent les enfants. Ils s'invitent à Noël. Il y a vraiment des choses chouettes qui se créent. Mais ce n'est pas tout le temps comme ça. On respecte aussi l'intimité de la personne. Il y a des invités qui vont être très réservés, qui vont arriver le plus tard possible, partir le matin très tôt pour croiser personne. Et des fois, c'est juste quelques mois de mise à l'abri et puis il n'y a pas de lien qui se crée. Ça dépend vraiment des personnes.

  • SG

    Ça dépend des personnes. Souvent, c'est le dirigeant, finalement, qui prend la décision.

  • HT

    Alors, qui prend la décision, évidemment, mais qui ne nous contacte pas forcément. On a des salariés qui viennent prendre des infos, qui nous demandent de les aider à construire un petit dossier pour ensuite aller convaincre leur direction. Donc, dans tous les cas, bien sûr, à la fin, la décision est prise par les dirigeants. Mais on a quand même pas mal de chouettes ambassadeurs au niveau des salariés qui portent le projet et qui ont vraiment envie de faire vivre ça à leurs collègues et qui se renseignent en amont pour rassurer leurs dirigeants et pouvoir accueillir.

  • SG

    Moi, je suis curieux parce que je connais beaucoup de dirigeants sur ce territoire. C'est quoi les types d'entreprises ? Qui sont les entrepreneurs, les dirigeants ?

  • HT

    Alors c'est vraiment possible partout, il n'y a pas de limite. On va avoir des personnes qui gèrent des espèces de co-working, on va avoir des entreprises plutôt dans l'industrie, on a une entreprise qui fabrique du muesli, on a une entreprise qui fait de l'import de fleurs, on a des agences immobilières, on touche maintenant le nucléaire même. Donc vraiment il n'y a pas de limite. Toute taille d'entreprise aussi, des cabinets médicaux par exemple partagés avec quatre associés. Et puis derrière, on peut avoir aussi des boîtes avec 500 personnes. C'est vraiment possible partout.

  • SG

    J'imagine que ces gens-là sont très enthousiastes, ils sont faciles à mobiliser quand il faut faire passer un message.

  • HT

    C'est sûr que nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs, donc on les sollicite pas mal pour pouvoir témoigner. Ils répondent toujours à l'appel parce qu'effectivement, une fois qu'ils ont rencontré leur premier invité, qu'ils voient que ça se passe bien, qu'il y a du lien potentiellement qui se crée. Ils voient que c'est tellement simple qu'ils nous disent « mais pourquoi je n'y avais pas pensé avant ? » Ces bureaux étaient vides, ils ne servaient à rien. Et là, je ne peux pas rentrer chez moi en fermant la porte et me dire qu'il n'y a personne qui dort dedans. Donc en général, ils ont un invité qui rebondit, qui trouve une solution de logement. Et puis, dès que l'invité part, on est tous contents, on célèbre. Mais voilà, il y a un autre invité qui arrive et qui prend la suite.

  • SG

    Et du coup, ce n'est pas la difficulté, ce n'est pas aussi de trouver des invités finalement ?

  • HT

    Alors, avec nos 60 partenaires sur Lyon, on n'a pas trop de difficultés à trouver des invités. Il y a beaucoup de personnes en précarité. Sur Lyon, il y a 25 000 personnes qui sont en précarité de logement. Alors, d'après les critères que j'ai un peu énoncés tout à l'heure, on ne peut pas toucher ces 25 000 personnes. Mais dans tous les cas, on peut en toucher plus que 50, qui est le nombre d'entreprises qu'on a actuellement sur Lyon. Donc, dans tous les cas, on a de la marge pour progresser et accueillir de nouvelles personnes.

  • SG

    Et aujourd'hui, si on prend sur le bassin lyonnais, vous êtes plutôt sur Lyon ou vous arrivez à aller en périphérie ? Est-ce qu'il y a des freins aussi au développement ?

  • HT

    Alors, sur Lyon, on a 50 entreprises qui accueillent, essentiellement, en ville, on va dire, on commence à avoir quelques entreprises un petit peu plus à l'extérieur. On est maintenant sur Décines, Bron, Saint-Priest. On est aussi à Anse et à Brignais. Mais effectivement, c'est un petit peu des limites parce que déjà, pour les bénévoles, c'est peut-être plus dur aussi à suivre parce que c'est des gens qui travaillent, qui ont des contraintes personnelles, etc. Donc, c'est vrai que de rajouter des déplacements pour faire les suivis, c'est un petit peu embêtant. Donc là, je pense qu'on va commencer à se poser la question d'aller chercher des bénévoles justement aussi en périphérie pour être plus ancrés localement. Et après, par contre, pour les invités, ce n'est pas trop un problème. On a quelques invités qui vont pouvoir avoir des véhicules, donc ça, ce n'est pas grave. Et puis, on a des partenaires qui sont aussi situés en périphérie, donc ils pourraient avoir des bénéficiaires qui iraient jusqu'à Brignais parce qu'ils se trouvent, je ne sais pas moi, à Craponne.

  • SG

    Et aujourd'hui, justement, qu'est-ce que vous avez besoin pour qu'il y ait toujours plus d'entreprises qui reçoivent des invités ?

  • HT

    Alors, nos besoins, ça serait de se faire plus connaître. Voilà, c'est ce que je disais tout à l'heure. C'est vraiment ce qui marche le mieux, en fait, de pouvoir témoigner à la fois de la simplicité du dispositif, de l'accompagnement qu'on propose et vraiment aussi du soutien qu'on a de nos partenaires associatifs qui font vraiment le job de l'accompagnement, qui font tout le suivi. Une fois qu'on a ces éléments, a priori, il n'y a pas de raison pour ne pas se lancer. Mais voilà, il faut y croire, il faut faire confiance. C'est vrai que c'est des accueils qui sont vraiment basés sur la confiance. L'invité, il a les clés, le code de l'alarme, le badge. Donc, voilà, il faut juste dépasser sa première peur de l'autre, de l'inconnu. Et puis, après, en général, ça se passe plutôt pas mal.

  • SG

    Est-ce que tu crois, justement, que dans les stratégies RSE, finalement, c'est aussi un bon levier pour accélérer la situation ?

  • HT

    Alors, c'est effectivement par ricochet un bon levier, mais on se rend compte que les entreprises, pour l'instant, qui nous rejoignent, ne le font pas dans cette démarche-là. C'est vraiment une démarche du cœur. Ce n'est vraiment pas un jeu de mots. Il faut vraiment ouvrir son cœur, ouvrir sa porte, faire confiance. Et c'est après qu'on se rend compte de l'impact que ça a pour l'entreprise sur les salariés, sur la marque employeur, sur la cohésion de l'équipe. C'est vraiment une conséquence on va dire. On a un entrepreneur une fois qui nous a dit qu'il était en train de recruter, qu'il avait fait un post LinkedIn sur les Bureaux du Cœur quelques semaines avant et qu'il avait eu des candidats qu'il avait contactés en lui disant « moi je travaille avec vous parce que vous êtes Bureau du Cœur » . Il nous a dit « grâce à vous j'ai économisé 10 000 euros de cabinet de recrutement » . Donc il n'avait pas du tout fait ça pour ça, mais c'était très positif pour son entreprise.

  • SG

    Ce qui permet de rappeler que faire de la RSE, c'est d'abord avoir du cœur. Tout à fait. Si on ne le fait pas avec le cœur, après, finalement, ça n'emmène personne, ça n'a pas de sens. Mais c'est pour ça que j'en parlais aussi. Alors justement, on parle de RSE. Tiens, j'ai envie de te mettre une petite colle. Alors, puisque CEC, régénératif, en quoi vous êtes régénératif, vous ?

  • HT

    Alors, nous, on optimise l'usage des locaux. Donc déjà, c'est quelque chose d'assez innovant. Pour moi, le régénératif, c'est vraiment ça, c'est l'innovation et c'est aussi la collaboration. Donc, en fait, on en a déjà parlé, mais on met en lien des mondes qui, d'habitude, ne se côtoient pas. Et en ça, on change un peu la donne, je pense, des modèles existants. Donc, les Bureaux du Cœur régénératifs, oui, je n'ai pas trop de doute.

  • SG

    Oui, puis le régénératif, c'est le vivant. Alors nous, on est aussi dans le vivant. Donc, vous travaillez avec du vivant.

  • HT

    Exactement. On est sur de l'humain. C'est clair.

  • SG

    De quoi tu es le plus fière, toi, dans ce projet ?

  • HT

    Eh bien, on vient de célébrer nos 100 000 nuits. Donc, c'était une grosse, grosse célébration, grosse fête. Ça fait vraiment plaisir de dépasser ce cap-là. Donc là, on est prêts pour le million. Carrément.

  • SG

    Carrément, carrément. J'ai envie de me positionner du coup maintenant du côté de l'entreprise. Encore une fois, parce que l'idée, c'est d'accueillir. Tu donnerais quoi comme conseil, toi, à un dirigeant ? ou à une entreprise plus largement qui a envie de s'engager dans ce projet ?

  • HT

    Alors nous déjà, on organise des webinaires toutes les semaines. On a trois créneaux où on est vraiment là pour répondre à toutes les questions, toutes les objections, toutes les peurs, tous les freins du service sécurité, de l'aménagement. Enfin voilà, on parle de l'assurance, c'est un sujet qu'on n'a pas encore abordé, mais on cadre vraiment. À ce niveau-là, au niveau de l'assurance, on a des partenariats avec des grosses compagnies qui permettent de prendre en compte cet accueil dans une clause spécifique du contrat d'assurance multirisque. Donc voilà, l'entreprise est vraiment assurée s'il y a un incendie, un dégât des eaux, des choses comme ça. Donc ces webinaires, ils sont là vraiment pour déjà rassurer, pour expliquer vraiment comment ça se passe. Et ensuite, on a nos équipes de bénévoles. plus de 260 bénévoles sur tout le territoire, qui vont faire aussi un accompagnement très fin de l'entreprise pour qu'en fonction de ses particularités, de sa configuration, de locaux, etc., ils puissent accueillir et on va tout mettre en œuvre pour tout checker, depuis l'aménagement jusqu'à l'assurance, le lien avec le propriétaire si jamais l'entreprise est locataire. intervenir auprès de l'équipe salariée si jamais il y a encore quelques petites réticences. On peut faire témoigner une entreprise qui accueille déjà, par exemple. Donc voilà, si vraiment on a envie de se lancer, nous on est là pour expliquer tout le dispositif, pour accompagner pas à pas. Et une fois que l'accueil est lancé, je l'ai déjà dit, mais on est vraiment là aussi tout au long de l'accueil pour faire le suivi avec notre partenaire, s'assurer que tout se passe bien, réajuster s'il y a besoin. Donc voilà, il n'y a pas de raison que ça se passe mal.

  • SG

    Alors l'idée, ce n'est pas ça, mais l'entreprise, elle ne choisit pas son invité.

  • HT

    Elle ne le choisit pas, mais elle a quand même le droit de dire non quand elle le rencontre la première fois. Donc en fait, on organise un premier rendez-vous dans les bureaux de l'entreprise avec l'invité, une personne de la structure qui l'accompagne, un ou deux salariés de l'entreprise, et puis le fameux bénévole. qui va être référent de cet accueil. Et cette rencontre, elle a vraiment pour but de faire connaissance, de se présenter, de répondre aux questions des uns des autres, de se projeter aussi un petit peu dans la cohabitation finalement. Pour l'inviter, c'est aussi l'occasion de visualiser un petit peu comment ça va se passer, parce que quand on lui dit « vous allez dormir dans un bureau » , bon, c'est un petit peu difficile à imaginer. Et puis, c'est un peu comme quand on visite une coloc aussi, tout simplement, sentir si le feeling passe bien. Donc, suite à cette première rencontre, en fait, on va laisser 24 heures de réflexion, aussi bien à l'invité que à l'entreprise pour nous donner une réponse. Donc, voilà, l'entreprise a le droit de refuser et l'invité a le droit de dire aussi « Ah non, cette hauteur sous plafond, c'est trop impressionnant, j'aurais trop peur, je préfère dormir dans la rue. » C'est arrivé. Donc, voilà, c'est vraiment dans les deux sens. C'est pour que la confiance marche. De toute façon, il faut que ça soit dans les deux sens. Donc, on laisse cette possibilité-là. Et suite à cette rencontre, il y a une signature de convention où là, on va encore tout bien encadrer avec les dates de début, les dates de fin. On part sur trois mois renouvelables deux ou trois fois suivant les villes. On va y mettre les horaires pour arriver le soir, les horaires pour repartir le matin. Il y aura un petit état des lieux de l'espace mis à disposition, un règlement intérieur. Enfin voilà, les engagements des uns, des autres, les situations pour lesquelles on pourrait mettre fin à l'accueil aussi.

  • SG

    Alors, question quand même, puisque nous sommes quand même dans l'économie. C'est quoi votre modèle économique ? On sait que l'économie sociale et solidaire, elle est un petit peu fragilisée au jour d'aujourd'hui. Vous en faites partie. Comment vous fonctionnez ?

  • HT

    Alors, initialement, on a eu beaucoup de soutien de fondations, notamment la Fondation de France avec un fonds d'amorçage pour les trois premières années, qui a aussi été renouvelé. Donc, ils aiment bien nos actions et on leur montre l'impact aussi que ça a. On a beaucoup d'autres fondations, comme des fondations de banques, par exemple. On est aussi lauréat de "La France s'engage". Nos entreprises, également, nous soutiennent financièrement. Donc, il y a une adhésion qui est demandée à l'entreprise hôte sur un modèle libre et conscient. Donc, en fait, chaque entreprise peut donner absolument ce qu'elle veut depuis un euro symbolique jusqu'à pas de limite.

  • SG

    C'est assez marrant parce qu'elle reçoit, mais en même temps, elle paye.

  • HT

    Tout à fait. Voilà, elle soutient l'action. Elle permet qu'il y ait des salariés qui coordonnent tout ça et qui continuent de développer. Donc, les entreprises, elles soutiennent aussi. Elles soutiennent entre elles, finalement, puisqu'on va avoir des entreprises qui peuvent donner plus et qui vont permettre à des plus petites entreprises d'accueillir quand même, mais de donner moins. Donc nous, on a bien aimé aussi ce système-là de vastes communicants entre les entreprises. On commence à avoir des grands groupes aussi, donc eux, le sujet ne se pose même pas, en fait. Et puis dans notre modèle économique aussi, on avait participé l'année dernière aux Z-Events et on a eu du coup une belle rentrée d'argent qui permet justement de passer à l'échelle cette année. de grandir, de recruter et d'être encore plus présent sur d'autres villes.

  • SG

    Du coup, vous faites un peu ce que l'État pourrait faire. J'exagère, je suis provocateur.

  • HT

    Oui, alors c'est vrai qu'on a quelques subventions publiques. Initialement, ce n'était pas notre cheval de bataille parce qu'effectivement, on se dit qu'on fait une mission d'intérêt public. On met des gens à l'abri, donc on va se débrouiller tout seul. Mais c'est vrai que ce n'est pas logique. C'est vrai qu'on a beaucoup d'associations amies autour de nous qui, en ce moment, sont vraiment en galère financièrement. Ce n'est pas notre cas, heureusement. Mais c'est vrai que ce n'est pas juste de devoir licencier des salariés d'asso qui font un super job auprès de gens en précarité. C'est un peu rageant, oui.

  • SG

    Du coup, ça devance ma question, c'était si tu avais une baguette magique, si tu pouvais changer les règles du jeu économique, ça serait peut-être ça ?

  • HT

    Ça serait, oui, faire disparaître tous ces appels à projets qui sont très chronophages, qu'on doit remplir, justifier, pour avoir des sous de l'État et faire le job.

  • SG

    Pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante pour la suite, malgré tous ces défis sociaux et environnementaux ?

  • HT

    Eh bien, déjà de travailler dans ce monde-là, de côtoyer au quotidien des chefs d'entreprise qui ouvrent leur cœur, qui font confiance à l'autre. C'est juste hallucinant de travailler avec des structures partenaires qui sont très, très engagées. Ça change vraiment de tout ce qu'on peut entendre au quotidien à la radio ou à la télé. Donc moi, je me dis qu'on est quand même dans un monde pas si horrible que ça et qu'on peut rencontrer de très belles personnes et faire de chouettes actions. Et que du coup, on va y arriver.

  • SG

    Je t'invite à faire le pas de côté, d'ouvrir sa porte.

  • HT

    Tout à fait.

  • SG

    Il suffit, mais ce n'est pas si simple. En tout cas, merci Alain pour ce témoignage qui était vraiment inspirant. Du coup, les bureaux du cœur, quand même, si je raccroche à l'économie régénérative, c'est aussi remettre l'humain au cœur des organisations. Et du coup, je finis toujours par une citation. Citation d'Angela Davis qui a dit « La lutte pour l'inclusion, ce n'est pas seulement ouvrir une porte, c'est aussi changer la pièce dans laquelle on entre. » Allez, tu as 4 heures. Merci en tout cas, salut.

Description

Exceptionnellement, ce nouvel épisode donne la parole à une association qui n'a pas participé aux parcours CEC, mais une partenaire impliquée.

Hélène Tonetti présente l’action des Bureaux du Cœur, une initiative simple et puissante : ouvrir les bureaux d’entreprises inoccupés la nuit à des personnes en grande précarité. Portée par un réseau de partenaires sociaux, d’entreprises engagées et de bénévoles, l’association recrée du lien entre deux mondes qui s’ignorent souvent. Un dispositif humain, sécurisé, basé sur la confiance et qui transforme des vies… tout en redonnant du sens aux organisations.

L'association oeuvre aussi en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. Au total, depuis sa création il y a 5 ans, ce sont 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir et 700 invités accueillis.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de celles et de ceux qui œuvrent pour transformer nos modèles économiques, sociaux et environnementaux. Et aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir une invitée, qui même si elle n'a pas fait la CEC, incarne parfaitement les valeurs de l'économie du soin, du lien et du sens. Elle s'appelle Hélène Tonetti. Elle est chargée de développement au sein de l'association Les Bureaux du Coeur. Une initiative à la fois simple et puissante, puisque l'idée, c'est d'ouvrir les portes des entreprises la nuit à des personnes en grande précarité pour leur offrir un peu de répit, de chaleur et d'humanité. Les Bureaux du Coeur, c'est vraiment un pont entre deux mondes qui souvent s'ignorent, soyons honnêtes, celui des vulnérabilités sociales et celui des entreprises. Un pont tissé avec délicatesse, engagement et conviction. Hélène, bonjour.

  • HT

    Bonjour.

  • SG

    Ce que je te propose, c'est déjà de nous présenter les Bureaux du Cœur.

  • HT

    Tu l'as déjà fait très bien, mais je résumerai notre action d'une petite phrase. C'est la possibilité de créer un accueil individuel d'urgence pour une personne en insertion qui est accompagnée par un partenaire social dans des locaux professionnels qui sont vides la nuit et le week-end.

  • SG

    D'accord. Alors, d'où naît cette histoire ?

  • HT

    L'idée est née il y a cinq ans à Nantes du constat d'un entrepreneur du CJD qui avait ses propres bureaux, qu'il fermait le soir quand il rentrait chez lui. Il éteignait la lumière. En hiver, il n'éteignait pas forcément le chauffage. Et en même temps, il pouvait croiser des personnes qui dormaient dans la rue. Donc finalement, de ce constat de gâchis est née l'idée des Bureaux du Cœur.

  • SG

    D'accord. La mission, on parlera après des invités, mais la mission, elle a évolué dans le temps ou elle est toujours la même ?

  • HT

    Alors, on a testé quand même pas mal de choses parce que c'est une idée un peu folle quand même. Il fallait y penser, même si, comme tu l'as dit, elle est très simple à mettre en place. Donc voilà, différents tests ont été faits jusqu'à arriver à quelque chose de très structuré, très encadré, très rassurant aussi pour les entreprises qui s'engagent. On reviendra dessus, j'imagine.

  • SG

    Et tu parles de Nantes, mais aujourd'hui, là, on est à Lyon. Donc, en fait, toi, tu es chargée de la partie sud-est. Ça veut dire que vous êtes combien ? C'est quoi cette association ? Elle est grosse quand même.

  • HT

    Oui, alors en cinq ans, on est présent maintenant dans 34 villes en France. On est aussi présent en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. On a 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir. Et on a déjà accueilli plus de 700 invités depuis le début de l'aventure.

  • SG

    D'accord, ok. On pourrait se réjouir parce que voilà, mais en même temps, ça veut dire qu'il y a toujours plus de demandes ?

  • HT

    Oui, bien sûr. La part de nos partenaires que j'ai cités tout à l'heure, qui sont ceux qui vont nous orienter des invités, on a des demandes au quotidien, ça c'est sûr. En ce moment, en été, on a aussi pas mal de demandes parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a plus de morts dans la rue en été qu'en hiver à cause de la chaleur. Et c'est vrai qu'en ce moment, par exemple, on a moins d'entreprises qui viennent vers nous parce qu'elles n'ont pas cette idée en tête et parce qu'il va peut-être y avoir la pause estivale, un peu moins de temps pour préparer un accueil.

  • SG

    OK. Alors quand même, un petit mot sur toi. Comment tu arrives aux Bureaux du Coeur ?

  • HT

    Alors, moi, j'ai plusieurs vies avant les Bureaux du Coeur. J'ai fait il y a très longtemps une école de commerce avec l'idée déjà à l'origine de plutôt travailler dans des ONG, plutôt dans le monde humanitaire. Donc, j'ai fait quelques stages dans ce domaine-là. Ça n'a pas pu se concrétiser au niveau professionnel puisque je me suis installée en Espagne en 2000. Et à l'époque, il n'y avait pas de grosses associations dans les villes où j'habitais. Donc, j'ai plutôt travaillé dans l'export, dans des grosses boîtes américaines, dans l'industrie automobile. Voilà, donc pas trop de sens à un moment donné. Et du coup, quand je suis rentrée en France au bout de 18 ans, donc ça, c'était il y a 8 ans maintenant, j'ai eu envie de retourner un petit peu à mes premiers amours, on va dire, et de pouvoir vraiment retoucher du doigt des missions avec plus de sens. Et c'est là que j'ai rejoint le domaine associatif, et les Bureaux du Cœur, c'était il y a trois ans maintenant, dans un premier temps comme bénévole, puisque j'étais entre deux jobs, j'avais du temps. Donc, j'ai découvert ce projet grâce à l'un de mes frères qui était le premier hôte lyonnais. Donc, voilà, on en avait parlé et je me suis engagée bénévolement. Et puis, petit à petit, le poste a été créé. On est une équipe qui grandit. Maintenant, on est une petite dizaine de personnes, mais quand je suis arrivée, on devait être trois ou quatre, quelque chose comme ça. Donc voilà, vraiment l'envie de faire quelque chose de concret, d'avoir un vrai impact dans mon job.

  • SG

    Ok, alors ce qui nous permet d'aborder l'écosystème, parce que tu vas nous expliquer un petit peu comment ça marche, certes il y a des bénévoles, mais il y a aussi des prescripteurs, comment ça fonctionne ?

  • HT

    Tout à fait. Donc nous, on va vraiment s'appuyer sur des partenaires pour pouvoir identifier nos invités. On ne peut pas accueillir une personne qu'on croise dans la rue comme ça et à qui on dirait, vas-y, je te donne les clefs de mon entreprise. Là, pour le coup, les entreprises ne seraient pas très rassurées. Donc on va vraiment s'appuyer sur des partenaires de l'insertion. Il y a différentes typologies de partenaires. Ça peut être des associations de solidarité comme ATD Quart Monde, le Secours Catholique, Habitat & humanisme, Les apprentis d'Auteuil, le Wake Up Café. Je les cite tous comme ça pour que tu vois un petit peu les profils différents des invités. On va travailler aussi avec des CCAS ou des missions locales, et aussi avec des structures de l'insertion par l'activité économique, donc là plus pour des salariés précaires. Donc ça peut être des hommes, des femmes, des étudiants en précarité, des personnes proches de la retraite, des personnes qui travaillent ou pas, des personnes migrantes ou pas. Il n'y a pas de limite au profil, juste quelques critères que nos partenaires doivent avoir en tête. Nous, on va accueillir seulement des personnes majeures, des personnes seules, sans addiction avérée. Et dans le cas d'une personne migrante, une personne qui a au moins un récipicé de la préfecture, donc en situation légale sur le territoire. Donc là, on fait vraiment 100% confiance aux partenaires pour identifier parmi les personnes qu'ils accompagnent, une personne qui rentre dans ces critères, qui a besoin d'un logement. Puisque ces personnes sont dans un vrai projet d'insertion, elles sont soit en train de se préparer à retourner vers l'emploi, soit elles vont commencer une formation, soit elles sont en train d'apprendre le français, ou tout simplement mettre à jour leurs papiers. Mais en tout cas, il y a vraiment une activité au quotidien et un besoin d'énergie pour avancer dans un projet. Donc avec les Bureaux du Cœur, on leur propose quelques mois de répit pour déjà enlever la charge mentale chaque matin. où est-ce que je vais dormir ce soir ? Et d'être vraiment dans un cadre stable, toujours au même endroit, pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. On leur propose un cadre d'intimité, puisqu'ils vont avoir un lieu pour se poser et se reposer. Et puis un cadre de sécurité, bien évidemment. Ils vont pouvoir laisser leurs affaires sans avoir peur de se les faire voler. Ils vont pouvoir dormir sereinement sans avoir peur de se faire agresser. Donc ça change tout, et ça permet d'avancer dans son projet. Donc ça c'est vraiment la partie en amont de nos partenaires et en face de ce besoin, on a les entreprises qui ouvrent leurs portes la nuit et le week-end pour accueillir ses invités dans un endroit aménagé tout simplement en fait. Il suffit de rajouter un couchage dans un coin d'un bureau ou d'une salle de réunion. Donc ça peut être un clic-clac si la pièce est assez grande, ça peut être un fauteuil convertible, une place, un lit pliant qui est rangé ailleurs en journée. Et l'idée, c'est vraiment qu'en journée, ce bureau ou cette salle de réunion soit utilisée par les salariés et qu'à partir de 18h, 18h30, l'invité puisse s'installer et occuper cette pièce pour se reposer, tout simplement. Il aura accès aussi à une kitchenette, donc là aussi, la même que les salariés, des sanitaires, idéalement des douches, mais si on n'a pas au moins un lavabo avec de l'eau chaude. Et voilà, c'est tout. Au niveau aménagement, il n'y a pas plus simple.

  • SG

    D'accord. Et après, comment vous connectez ? Comment vous allez chercher les entreprises ? C'est intéressant.

  • HT

    Alors, on a beaucoup d'entreprises qui nous contactent par le bouche à oreille. Donc, nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs. Ça, il n'y a pas de doute là-dessus. Ensuite, on va intervenir auprès de clubs d'entreprises. On intervient à la CEC avec des propositions de solutions simples à mettre en place, donc, en général, les entreprises sont plutôt favorables, puisqu'on les rassure aussi sur le cadre, sur l'accompagnement aussi, sur la sélection des invités. On vient d'en parler. Donc voilà, c'est beaucoup comme ça que ça se passe. Et puis après, ce genre de podcast, des interviews dans des magazines, à la télé, la communication aide aussi quand même pas mal.

  • SG

    Ok, tu nous as parlé de bénévoles. C'est quoi le rôle des bénévoles ?

  • HT

    Alors, la mission clé de nos bénévoles, c'est de suivre un accueil. Donc c'est ça aussi qui est assez rassurant dans le dispositif. C'est que pour chaque nouvel accueil qui commence, donc un invité, une structure qui l'accompagne et une entreprise qui accueille, il va y avoir un bénévole qui coordonne tout ça, qui va faire le lien entre tous pour réajuster si besoin, s'il y a des petits grains de sable dans l'engrenage au fur et à mesure de l'accueil. Pour aussi organiser des réunions mensuelles, donc des points de suivi sur l'accueil, mais aussi sur le projet de l'invité, savoir comment il avance dans sa recherche d'emploi, dans ses démarches, etc. Donc le bénévole, il va vraiment être le facilitateur entre tous ces mondes, vraiment pouvoir réajuster si besoin. Et puis on va avoir aussi des bénévoles qui vont pouvoir nous aider sur plus la prospection, sur le lien avec les partenaires, sur la communication. Des petites missions transverses aussi sont proposées.

  • SG

    J'imagine qu'il y a plein de rencontres, ça doit être très riche humainement. Tu n'aurais pas deux, trois rencontres comme ça ou de choses qui se sont passées ?

  • HT

    Alors, je disais tout à l'heure qu'on a eu déjà 700 invités. Donc, on a 700 rencontres, 700 histoires différentes. Moi, je pourrais raconter ma première fois, on va dire. Donc, j'étais bénévole à ce moment-là. C'était mon premier accueil. C'était à Lyon, voilà. C'était à Lyon. Et du coup, j'avais ce rôle de mettre en lien l'invité qui avait été identifié par un de nos partenaires avec l'entreprise qui allait l'accueillir. Et du coup, c'était une personne qui était assez âgée, mais qui était dans une démarche d'insertion pour finir de cumuler quelques trimestres avant de pouvoir prendre sa retraite. Et c'est vrai que la première rencontre, on a côtoyé une personne qui était assez fermée, qui était assez même voûtée, je dirais. Et le mois d'après, en fait, quand on s'est tous revus pour faire un petit point justement sur l'accueil, en fait, cette personne, elle avait vraiment changé, ne serait-ce que physiquement, en fait. Elle s'était redressée, elle avait eu l'opportunité pendant un mois de mieux dormir, de pouvoir prendre soin d'elle, de pouvoir économiser un petit peu son salaire pour s'acheter de nouveaux habits. Enfin, voilà, c'était un changement assez radical. Et c'est vrai qu'on se dit que rien qu'en un mois déjà, ce que ça a pu faire, c'est incroyable. Donc, la moyenne de nos accueils sur le territoire français, c'est quatre mois et demi. Ça veut dire qu'en général, en moins de cinq mois, les invités trouvent une solution de logement. Et en gros, ça change vraiment leur vie. Donc, c'est impressionnant.

  • SG

    Et par rapport aux entreprises, ça se trouve, il y a des entreprises qui veulent les garder, non ? Ils ne veulent plus qu'ils partent. Il y a des liens qui se créent ou pas ?

  • HT

    Alors, il y a des liens qui se créent. De là à les garder, non, parce qu'on a toujours envie que l'invité ait une solution meilleure. Nous, ce qu'on propose, c'est quand même...

  • SG

    On s'attache. Ça se trouve, ils reviennent après dans l'entreprise.

  • HT

    Tout à fait. Là, en l'occurrence, cette entreprise, ils ont déjà accueilli au moins huit ou neuf invités. C'était parmi les premiers à Lyon. Et ils nous racontent souvent, effectivement, qu'avec certains, ils ont gardé du lien, qu'ils connaissent les enfants. Ils s'invitent à Noël. Il y a vraiment des choses chouettes qui se créent. Mais ce n'est pas tout le temps comme ça. On respecte aussi l'intimité de la personne. Il y a des invités qui vont être très réservés, qui vont arriver le plus tard possible, partir le matin très tôt pour croiser personne. Et des fois, c'est juste quelques mois de mise à l'abri et puis il n'y a pas de lien qui se crée. Ça dépend vraiment des personnes.

  • SG

    Ça dépend des personnes. Souvent, c'est le dirigeant, finalement, qui prend la décision.

  • HT

    Alors, qui prend la décision, évidemment, mais qui ne nous contacte pas forcément. On a des salariés qui viennent prendre des infos, qui nous demandent de les aider à construire un petit dossier pour ensuite aller convaincre leur direction. Donc, dans tous les cas, bien sûr, à la fin, la décision est prise par les dirigeants. Mais on a quand même pas mal de chouettes ambassadeurs au niveau des salariés qui portent le projet et qui ont vraiment envie de faire vivre ça à leurs collègues et qui se renseignent en amont pour rassurer leurs dirigeants et pouvoir accueillir.

  • SG

    Moi, je suis curieux parce que je connais beaucoup de dirigeants sur ce territoire. C'est quoi les types d'entreprises ? Qui sont les entrepreneurs, les dirigeants ?

  • HT

    Alors c'est vraiment possible partout, il n'y a pas de limite. On va avoir des personnes qui gèrent des espèces de co-working, on va avoir des entreprises plutôt dans l'industrie, on a une entreprise qui fabrique du muesli, on a une entreprise qui fait de l'import de fleurs, on a des agences immobilières, on touche maintenant le nucléaire même. Donc vraiment il n'y a pas de limite. Toute taille d'entreprise aussi, des cabinets médicaux par exemple partagés avec quatre associés. Et puis derrière, on peut avoir aussi des boîtes avec 500 personnes. C'est vraiment possible partout.

  • SG

    J'imagine que ces gens-là sont très enthousiastes, ils sont faciles à mobiliser quand il faut faire passer un message.

  • HT

    C'est sûr que nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs, donc on les sollicite pas mal pour pouvoir témoigner. Ils répondent toujours à l'appel parce qu'effectivement, une fois qu'ils ont rencontré leur premier invité, qu'ils voient que ça se passe bien, qu'il y a du lien potentiellement qui se crée. Ils voient que c'est tellement simple qu'ils nous disent « mais pourquoi je n'y avais pas pensé avant ? » Ces bureaux étaient vides, ils ne servaient à rien. Et là, je ne peux pas rentrer chez moi en fermant la porte et me dire qu'il n'y a personne qui dort dedans. Donc en général, ils ont un invité qui rebondit, qui trouve une solution de logement. Et puis, dès que l'invité part, on est tous contents, on célèbre. Mais voilà, il y a un autre invité qui arrive et qui prend la suite.

  • SG

    Et du coup, ce n'est pas la difficulté, ce n'est pas aussi de trouver des invités finalement ?

  • HT

    Alors, avec nos 60 partenaires sur Lyon, on n'a pas trop de difficultés à trouver des invités. Il y a beaucoup de personnes en précarité. Sur Lyon, il y a 25 000 personnes qui sont en précarité de logement. Alors, d'après les critères que j'ai un peu énoncés tout à l'heure, on ne peut pas toucher ces 25 000 personnes. Mais dans tous les cas, on peut en toucher plus que 50, qui est le nombre d'entreprises qu'on a actuellement sur Lyon. Donc, dans tous les cas, on a de la marge pour progresser et accueillir de nouvelles personnes.

  • SG

    Et aujourd'hui, si on prend sur le bassin lyonnais, vous êtes plutôt sur Lyon ou vous arrivez à aller en périphérie ? Est-ce qu'il y a des freins aussi au développement ?

  • HT

    Alors, sur Lyon, on a 50 entreprises qui accueillent, essentiellement, en ville, on va dire, on commence à avoir quelques entreprises un petit peu plus à l'extérieur. On est maintenant sur Décines, Bron, Saint-Priest. On est aussi à Anse et à Brignais. Mais effectivement, c'est un petit peu des limites parce que déjà, pour les bénévoles, c'est peut-être plus dur aussi à suivre parce que c'est des gens qui travaillent, qui ont des contraintes personnelles, etc. Donc, c'est vrai que de rajouter des déplacements pour faire les suivis, c'est un petit peu embêtant. Donc là, je pense qu'on va commencer à se poser la question d'aller chercher des bénévoles justement aussi en périphérie pour être plus ancrés localement. Et après, par contre, pour les invités, ce n'est pas trop un problème. On a quelques invités qui vont pouvoir avoir des véhicules, donc ça, ce n'est pas grave. Et puis, on a des partenaires qui sont aussi situés en périphérie, donc ils pourraient avoir des bénéficiaires qui iraient jusqu'à Brignais parce qu'ils se trouvent, je ne sais pas moi, à Craponne.

  • SG

    Et aujourd'hui, justement, qu'est-ce que vous avez besoin pour qu'il y ait toujours plus d'entreprises qui reçoivent des invités ?

  • HT

    Alors, nos besoins, ça serait de se faire plus connaître. Voilà, c'est ce que je disais tout à l'heure. C'est vraiment ce qui marche le mieux, en fait, de pouvoir témoigner à la fois de la simplicité du dispositif, de l'accompagnement qu'on propose et vraiment aussi du soutien qu'on a de nos partenaires associatifs qui font vraiment le job de l'accompagnement, qui font tout le suivi. Une fois qu'on a ces éléments, a priori, il n'y a pas de raison pour ne pas se lancer. Mais voilà, il faut y croire, il faut faire confiance. C'est vrai que c'est des accueils qui sont vraiment basés sur la confiance. L'invité, il a les clés, le code de l'alarme, le badge. Donc, voilà, il faut juste dépasser sa première peur de l'autre, de l'inconnu. Et puis, après, en général, ça se passe plutôt pas mal.

  • SG

    Est-ce que tu crois, justement, que dans les stratégies RSE, finalement, c'est aussi un bon levier pour accélérer la situation ?

  • HT

    Alors, c'est effectivement par ricochet un bon levier, mais on se rend compte que les entreprises, pour l'instant, qui nous rejoignent, ne le font pas dans cette démarche-là. C'est vraiment une démarche du cœur. Ce n'est vraiment pas un jeu de mots. Il faut vraiment ouvrir son cœur, ouvrir sa porte, faire confiance. Et c'est après qu'on se rend compte de l'impact que ça a pour l'entreprise sur les salariés, sur la marque employeur, sur la cohésion de l'équipe. C'est vraiment une conséquence on va dire. On a un entrepreneur une fois qui nous a dit qu'il était en train de recruter, qu'il avait fait un post LinkedIn sur les Bureaux du Cœur quelques semaines avant et qu'il avait eu des candidats qu'il avait contactés en lui disant « moi je travaille avec vous parce que vous êtes Bureau du Cœur » . Il nous a dit « grâce à vous j'ai économisé 10 000 euros de cabinet de recrutement » . Donc il n'avait pas du tout fait ça pour ça, mais c'était très positif pour son entreprise.

  • SG

    Ce qui permet de rappeler que faire de la RSE, c'est d'abord avoir du cœur. Tout à fait. Si on ne le fait pas avec le cœur, après, finalement, ça n'emmène personne, ça n'a pas de sens. Mais c'est pour ça que j'en parlais aussi. Alors justement, on parle de RSE. Tiens, j'ai envie de te mettre une petite colle. Alors, puisque CEC, régénératif, en quoi vous êtes régénératif, vous ?

  • HT

    Alors, nous, on optimise l'usage des locaux. Donc déjà, c'est quelque chose d'assez innovant. Pour moi, le régénératif, c'est vraiment ça, c'est l'innovation et c'est aussi la collaboration. Donc, en fait, on en a déjà parlé, mais on met en lien des mondes qui, d'habitude, ne se côtoient pas. Et en ça, on change un peu la donne, je pense, des modèles existants. Donc, les Bureaux du Cœur régénératifs, oui, je n'ai pas trop de doute.

  • SG

    Oui, puis le régénératif, c'est le vivant. Alors nous, on est aussi dans le vivant. Donc, vous travaillez avec du vivant.

  • HT

    Exactement. On est sur de l'humain. C'est clair.

  • SG

    De quoi tu es le plus fière, toi, dans ce projet ?

  • HT

    Eh bien, on vient de célébrer nos 100 000 nuits. Donc, c'était une grosse, grosse célébration, grosse fête. Ça fait vraiment plaisir de dépasser ce cap-là. Donc là, on est prêts pour le million. Carrément.

  • SG

    Carrément, carrément. J'ai envie de me positionner du coup maintenant du côté de l'entreprise. Encore une fois, parce que l'idée, c'est d'accueillir. Tu donnerais quoi comme conseil, toi, à un dirigeant ? ou à une entreprise plus largement qui a envie de s'engager dans ce projet ?

  • HT

    Alors nous déjà, on organise des webinaires toutes les semaines. On a trois créneaux où on est vraiment là pour répondre à toutes les questions, toutes les objections, toutes les peurs, tous les freins du service sécurité, de l'aménagement. Enfin voilà, on parle de l'assurance, c'est un sujet qu'on n'a pas encore abordé, mais on cadre vraiment. À ce niveau-là, au niveau de l'assurance, on a des partenariats avec des grosses compagnies qui permettent de prendre en compte cet accueil dans une clause spécifique du contrat d'assurance multirisque. Donc voilà, l'entreprise est vraiment assurée s'il y a un incendie, un dégât des eaux, des choses comme ça. Donc ces webinaires, ils sont là vraiment pour déjà rassurer, pour expliquer vraiment comment ça se passe. Et ensuite, on a nos équipes de bénévoles. plus de 260 bénévoles sur tout le territoire, qui vont faire aussi un accompagnement très fin de l'entreprise pour qu'en fonction de ses particularités, de sa configuration, de locaux, etc., ils puissent accueillir et on va tout mettre en œuvre pour tout checker, depuis l'aménagement jusqu'à l'assurance, le lien avec le propriétaire si jamais l'entreprise est locataire. intervenir auprès de l'équipe salariée si jamais il y a encore quelques petites réticences. On peut faire témoigner une entreprise qui accueille déjà, par exemple. Donc voilà, si vraiment on a envie de se lancer, nous on est là pour expliquer tout le dispositif, pour accompagner pas à pas. Et une fois que l'accueil est lancé, je l'ai déjà dit, mais on est vraiment là aussi tout au long de l'accueil pour faire le suivi avec notre partenaire, s'assurer que tout se passe bien, réajuster s'il y a besoin. Donc voilà, il n'y a pas de raison que ça se passe mal.

  • SG

    Alors l'idée, ce n'est pas ça, mais l'entreprise, elle ne choisit pas son invité.

  • HT

    Elle ne le choisit pas, mais elle a quand même le droit de dire non quand elle le rencontre la première fois. Donc en fait, on organise un premier rendez-vous dans les bureaux de l'entreprise avec l'invité, une personne de la structure qui l'accompagne, un ou deux salariés de l'entreprise, et puis le fameux bénévole. qui va être référent de cet accueil. Et cette rencontre, elle a vraiment pour but de faire connaissance, de se présenter, de répondre aux questions des uns des autres, de se projeter aussi un petit peu dans la cohabitation finalement. Pour l'inviter, c'est aussi l'occasion de visualiser un petit peu comment ça va se passer, parce que quand on lui dit « vous allez dormir dans un bureau » , bon, c'est un petit peu difficile à imaginer. Et puis, c'est un peu comme quand on visite une coloc aussi, tout simplement, sentir si le feeling passe bien. Donc, suite à cette première rencontre, en fait, on va laisser 24 heures de réflexion, aussi bien à l'invité que à l'entreprise pour nous donner une réponse. Donc, voilà, l'entreprise a le droit de refuser et l'invité a le droit de dire aussi « Ah non, cette hauteur sous plafond, c'est trop impressionnant, j'aurais trop peur, je préfère dormir dans la rue. » C'est arrivé. Donc, voilà, c'est vraiment dans les deux sens. C'est pour que la confiance marche. De toute façon, il faut que ça soit dans les deux sens. Donc, on laisse cette possibilité-là. Et suite à cette rencontre, il y a une signature de convention où là, on va encore tout bien encadrer avec les dates de début, les dates de fin. On part sur trois mois renouvelables deux ou trois fois suivant les villes. On va y mettre les horaires pour arriver le soir, les horaires pour repartir le matin. Il y aura un petit état des lieux de l'espace mis à disposition, un règlement intérieur. Enfin voilà, les engagements des uns, des autres, les situations pour lesquelles on pourrait mettre fin à l'accueil aussi.

  • SG

    Alors, question quand même, puisque nous sommes quand même dans l'économie. C'est quoi votre modèle économique ? On sait que l'économie sociale et solidaire, elle est un petit peu fragilisée au jour d'aujourd'hui. Vous en faites partie. Comment vous fonctionnez ?

  • HT

    Alors, initialement, on a eu beaucoup de soutien de fondations, notamment la Fondation de France avec un fonds d'amorçage pour les trois premières années, qui a aussi été renouvelé. Donc, ils aiment bien nos actions et on leur montre l'impact aussi que ça a. On a beaucoup d'autres fondations, comme des fondations de banques, par exemple. On est aussi lauréat de "La France s'engage". Nos entreprises, également, nous soutiennent financièrement. Donc, il y a une adhésion qui est demandée à l'entreprise hôte sur un modèle libre et conscient. Donc, en fait, chaque entreprise peut donner absolument ce qu'elle veut depuis un euro symbolique jusqu'à pas de limite.

  • SG

    C'est assez marrant parce qu'elle reçoit, mais en même temps, elle paye.

  • HT

    Tout à fait. Voilà, elle soutient l'action. Elle permet qu'il y ait des salariés qui coordonnent tout ça et qui continuent de développer. Donc, les entreprises, elles soutiennent aussi. Elles soutiennent entre elles, finalement, puisqu'on va avoir des entreprises qui peuvent donner plus et qui vont permettre à des plus petites entreprises d'accueillir quand même, mais de donner moins. Donc nous, on a bien aimé aussi ce système-là de vastes communicants entre les entreprises. On commence à avoir des grands groupes aussi, donc eux, le sujet ne se pose même pas, en fait. Et puis dans notre modèle économique aussi, on avait participé l'année dernière aux Z-Events et on a eu du coup une belle rentrée d'argent qui permet justement de passer à l'échelle cette année. de grandir, de recruter et d'être encore plus présent sur d'autres villes.

  • SG

    Du coup, vous faites un peu ce que l'État pourrait faire. J'exagère, je suis provocateur.

  • HT

    Oui, alors c'est vrai qu'on a quelques subventions publiques. Initialement, ce n'était pas notre cheval de bataille parce qu'effectivement, on se dit qu'on fait une mission d'intérêt public. On met des gens à l'abri, donc on va se débrouiller tout seul. Mais c'est vrai que ce n'est pas logique. C'est vrai qu'on a beaucoup d'associations amies autour de nous qui, en ce moment, sont vraiment en galère financièrement. Ce n'est pas notre cas, heureusement. Mais c'est vrai que ce n'est pas juste de devoir licencier des salariés d'asso qui font un super job auprès de gens en précarité. C'est un peu rageant, oui.

  • SG

    Du coup, ça devance ma question, c'était si tu avais une baguette magique, si tu pouvais changer les règles du jeu économique, ça serait peut-être ça ?

  • HT

    Ça serait, oui, faire disparaître tous ces appels à projets qui sont très chronophages, qu'on doit remplir, justifier, pour avoir des sous de l'État et faire le job.

  • SG

    Pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante pour la suite, malgré tous ces défis sociaux et environnementaux ?

  • HT

    Eh bien, déjà de travailler dans ce monde-là, de côtoyer au quotidien des chefs d'entreprise qui ouvrent leur cœur, qui font confiance à l'autre. C'est juste hallucinant de travailler avec des structures partenaires qui sont très, très engagées. Ça change vraiment de tout ce qu'on peut entendre au quotidien à la radio ou à la télé. Donc moi, je me dis qu'on est quand même dans un monde pas si horrible que ça et qu'on peut rencontrer de très belles personnes et faire de chouettes actions. Et que du coup, on va y arriver.

  • SG

    Je t'invite à faire le pas de côté, d'ouvrir sa porte.

  • HT

    Tout à fait.

  • SG

    Il suffit, mais ce n'est pas si simple. En tout cas, merci Alain pour ce témoignage qui était vraiment inspirant. Du coup, les bureaux du cœur, quand même, si je raccroche à l'économie régénérative, c'est aussi remettre l'humain au cœur des organisations. Et du coup, je finis toujours par une citation. Citation d'Angela Davis qui a dit « La lutte pour l'inclusion, ce n'est pas seulement ouvrir une porte, c'est aussi changer la pièce dans laquelle on entre. » Allez, tu as 4 heures. Merci en tout cas, salut.

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Description

Exceptionnellement, ce nouvel épisode donne la parole à une association qui n'a pas participé aux parcours CEC, mais une partenaire impliquée.

Hélène Tonetti présente l’action des Bureaux du Cœur, une initiative simple et puissante : ouvrir les bureaux d’entreprises inoccupés la nuit à des personnes en grande précarité. Portée par un réseau de partenaires sociaux, d’entreprises engagées et de bénévoles, l’association recrée du lien entre deux mondes qui s’ignorent souvent. Un dispositif humain, sécurisé, basé sur la confiance et qui transforme des vies… tout en redonnant du sens aux organisations.

L'association oeuvre aussi en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. Au total, depuis sa création il y a 5 ans, ce sont 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir et 700 invités accueillis.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de celles et de ceux qui œuvrent pour transformer nos modèles économiques, sociaux et environnementaux. Et aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir une invitée, qui même si elle n'a pas fait la CEC, incarne parfaitement les valeurs de l'économie du soin, du lien et du sens. Elle s'appelle Hélène Tonetti. Elle est chargée de développement au sein de l'association Les Bureaux du Coeur. Une initiative à la fois simple et puissante, puisque l'idée, c'est d'ouvrir les portes des entreprises la nuit à des personnes en grande précarité pour leur offrir un peu de répit, de chaleur et d'humanité. Les Bureaux du Coeur, c'est vraiment un pont entre deux mondes qui souvent s'ignorent, soyons honnêtes, celui des vulnérabilités sociales et celui des entreprises. Un pont tissé avec délicatesse, engagement et conviction. Hélène, bonjour.

  • HT

    Bonjour.

  • SG

    Ce que je te propose, c'est déjà de nous présenter les Bureaux du Cœur.

  • HT

    Tu l'as déjà fait très bien, mais je résumerai notre action d'une petite phrase. C'est la possibilité de créer un accueil individuel d'urgence pour une personne en insertion qui est accompagnée par un partenaire social dans des locaux professionnels qui sont vides la nuit et le week-end.

  • SG

    D'accord. Alors, d'où naît cette histoire ?

  • HT

    L'idée est née il y a cinq ans à Nantes du constat d'un entrepreneur du CJD qui avait ses propres bureaux, qu'il fermait le soir quand il rentrait chez lui. Il éteignait la lumière. En hiver, il n'éteignait pas forcément le chauffage. Et en même temps, il pouvait croiser des personnes qui dormaient dans la rue. Donc finalement, de ce constat de gâchis est née l'idée des Bureaux du Cœur.

  • SG

    D'accord. La mission, on parlera après des invités, mais la mission, elle a évolué dans le temps ou elle est toujours la même ?

  • HT

    Alors, on a testé quand même pas mal de choses parce que c'est une idée un peu folle quand même. Il fallait y penser, même si, comme tu l'as dit, elle est très simple à mettre en place. Donc voilà, différents tests ont été faits jusqu'à arriver à quelque chose de très structuré, très encadré, très rassurant aussi pour les entreprises qui s'engagent. On reviendra dessus, j'imagine.

  • SG

    Et tu parles de Nantes, mais aujourd'hui, là, on est à Lyon. Donc, en fait, toi, tu es chargée de la partie sud-est. Ça veut dire que vous êtes combien ? C'est quoi cette association ? Elle est grosse quand même.

  • HT

    Oui, alors en cinq ans, on est présent maintenant dans 34 villes en France. On est aussi présent en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. On a 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir. Et on a déjà accueilli plus de 700 invités depuis le début de l'aventure.

  • SG

    D'accord, ok. On pourrait se réjouir parce que voilà, mais en même temps, ça veut dire qu'il y a toujours plus de demandes ?

  • HT

    Oui, bien sûr. La part de nos partenaires que j'ai cités tout à l'heure, qui sont ceux qui vont nous orienter des invités, on a des demandes au quotidien, ça c'est sûr. En ce moment, en été, on a aussi pas mal de demandes parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a plus de morts dans la rue en été qu'en hiver à cause de la chaleur. Et c'est vrai qu'en ce moment, par exemple, on a moins d'entreprises qui viennent vers nous parce qu'elles n'ont pas cette idée en tête et parce qu'il va peut-être y avoir la pause estivale, un peu moins de temps pour préparer un accueil.

  • SG

    OK. Alors quand même, un petit mot sur toi. Comment tu arrives aux Bureaux du Coeur ?

  • HT

    Alors, moi, j'ai plusieurs vies avant les Bureaux du Coeur. J'ai fait il y a très longtemps une école de commerce avec l'idée déjà à l'origine de plutôt travailler dans des ONG, plutôt dans le monde humanitaire. Donc, j'ai fait quelques stages dans ce domaine-là. Ça n'a pas pu se concrétiser au niveau professionnel puisque je me suis installée en Espagne en 2000. Et à l'époque, il n'y avait pas de grosses associations dans les villes où j'habitais. Donc, j'ai plutôt travaillé dans l'export, dans des grosses boîtes américaines, dans l'industrie automobile. Voilà, donc pas trop de sens à un moment donné. Et du coup, quand je suis rentrée en France au bout de 18 ans, donc ça, c'était il y a 8 ans maintenant, j'ai eu envie de retourner un petit peu à mes premiers amours, on va dire, et de pouvoir vraiment retoucher du doigt des missions avec plus de sens. Et c'est là que j'ai rejoint le domaine associatif, et les Bureaux du Cœur, c'était il y a trois ans maintenant, dans un premier temps comme bénévole, puisque j'étais entre deux jobs, j'avais du temps. Donc, j'ai découvert ce projet grâce à l'un de mes frères qui était le premier hôte lyonnais. Donc, voilà, on en avait parlé et je me suis engagée bénévolement. Et puis, petit à petit, le poste a été créé. On est une équipe qui grandit. Maintenant, on est une petite dizaine de personnes, mais quand je suis arrivée, on devait être trois ou quatre, quelque chose comme ça. Donc voilà, vraiment l'envie de faire quelque chose de concret, d'avoir un vrai impact dans mon job.

  • SG

    Ok, alors ce qui nous permet d'aborder l'écosystème, parce que tu vas nous expliquer un petit peu comment ça marche, certes il y a des bénévoles, mais il y a aussi des prescripteurs, comment ça fonctionne ?

  • HT

    Tout à fait. Donc nous, on va vraiment s'appuyer sur des partenaires pour pouvoir identifier nos invités. On ne peut pas accueillir une personne qu'on croise dans la rue comme ça et à qui on dirait, vas-y, je te donne les clefs de mon entreprise. Là, pour le coup, les entreprises ne seraient pas très rassurées. Donc on va vraiment s'appuyer sur des partenaires de l'insertion. Il y a différentes typologies de partenaires. Ça peut être des associations de solidarité comme ATD Quart Monde, le Secours Catholique, Habitat & humanisme, Les apprentis d'Auteuil, le Wake Up Café. Je les cite tous comme ça pour que tu vois un petit peu les profils différents des invités. On va travailler aussi avec des CCAS ou des missions locales, et aussi avec des structures de l'insertion par l'activité économique, donc là plus pour des salariés précaires. Donc ça peut être des hommes, des femmes, des étudiants en précarité, des personnes proches de la retraite, des personnes qui travaillent ou pas, des personnes migrantes ou pas. Il n'y a pas de limite au profil, juste quelques critères que nos partenaires doivent avoir en tête. Nous, on va accueillir seulement des personnes majeures, des personnes seules, sans addiction avérée. Et dans le cas d'une personne migrante, une personne qui a au moins un récipicé de la préfecture, donc en situation légale sur le territoire. Donc là, on fait vraiment 100% confiance aux partenaires pour identifier parmi les personnes qu'ils accompagnent, une personne qui rentre dans ces critères, qui a besoin d'un logement. Puisque ces personnes sont dans un vrai projet d'insertion, elles sont soit en train de se préparer à retourner vers l'emploi, soit elles vont commencer une formation, soit elles sont en train d'apprendre le français, ou tout simplement mettre à jour leurs papiers. Mais en tout cas, il y a vraiment une activité au quotidien et un besoin d'énergie pour avancer dans un projet. Donc avec les Bureaux du Cœur, on leur propose quelques mois de répit pour déjà enlever la charge mentale chaque matin. où est-ce que je vais dormir ce soir ? Et d'être vraiment dans un cadre stable, toujours au même endroit, pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. On leur propose un cadre d'intimité, puisqu'ils vont avoir un lieu pour se poser et se reposer. Et puis un cadre de sécurité, bien évidemment. Ils vont pouvoir laisser leurs affaires sans avoir peur de se les faire voler. Ils vont pouvoir dormir sereinement sans avoir peur de se faire agresser. Donc ça change tout, et ça permet d'avancer dans son projet. Donc ça c'est vraiment la partie en amont de nos partenaires et en face de ce besoin, on a les entreprises qui ouvrent leurs portes la nuit et le week-end pour accueillir ses invités dans un endroit aménagé tout simplement en fait. Il suffit de rajouter un couchage dans un coin d'un bureau ou d'une salle de réunion. Donc ça peut être un clic-clac si la pièce est assez grande, ça peut être un fauteuil convertible, une place, un lit pliant qui est rangé ailleurs en journée. Et l'idée, c'est vraiment qu'en journée, ce bureau ou cette salle de réunion soit utilisée par les salariés et qu'à partir de 18h, 18h30, l'invité puisse s'installer et occuper cette pièce pour se reposer, tout simplement. Il aura accès aussi à une kitchenette, donc là aussi, la même que les salariés, des sanitaires, idéalement des douches, mais si on n'a pas au moins un lavabo avec de l'eau chaude. Et voilà, c'est tout. Au niveau aménagement, il n'y a pas plus simple.

  • SG

    D'accord. Et après, comment vous connectez ? Comment vous allez chercher les entreprises ? C'est intéressant.

  • HT

    Alors, on a beaucoup d'entreprises qui nous contactent par le bouche à oreille. Donc, nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs. Ça, il n'y a pas de doute là-dessus. Ensuite, on va intervenir auprès de clubs d'entreprises. On intervient à la CEC avec des propositions de solutions simples à mettre en place, donc, en général, les entreprises sont plutôt favorables, puisqu'on les rassure aussi sur le cadre, sur l'accompagnement aussi, sur la sélection des invités. On vient d'en parler. Donc voilà, c'est beaucoup comme ça que ça se passe. Et puis après, ce genre de podcast, des interviews dans des magazines, à la télé, la communication aide aussi quand même pas mal.

  • SG

    Ok, tu nous as parlé de bénévoles. C'est quoi le rôle des bénévoles ?

  • HT

    Alors, la mission clé de nos bénévoles, c'est de suivre un accueil. Donc c'est ça aussi qui est assez rassurant dans le dispositif. C'est que pour chaque nouvel accueil qui commence, donc un invité, une structure qui l'accompagne et une entreprise qui accueille, il va y avoir un bénévole qui coordonne tout ça, qui va faire le lien entre tous pour réajuster si besoin, s'il y a des petits grains de sable dans l'engrenage au fur et à mesure de l'accueil. Pour aussi organiser des réunions mensuelles, donc des points de suivi sur l'accueil, mais aussi sur le projet de l'invité, savoir comment il avance dans sa recherche d'emploi, dans ses démarches, etc. Donc le bénévole, il va vraiment être le facilitateur entre tous ces mondes, vraiment pouvoir réajuster si besoin. Et puis on va avoir aussi des bénévoles qui vont pouvoir nous aider sur plus la prospection, sur le lien avec les partenaires, sur la communication. Des petites missions transverses aussi sont proposées.

  • SG

    J'imagine qu'il y a plein de rencontres, ça doit être très riche humainement. Tu n'aurais pas deux, trois rencontres comme ça ou de choses qui se sont passées ?

  • HT

    Alors, je disais tout à l'heure qu'on a eu déjà 700 invités. Donc, on a 700 rencontres, 700 histoires différentes. Moi, je pourrais raconter ma première fois, on va dire. Donc, j'étais bénévole à ce moment-là. C'était mon premier accueil. C'était à Lyon, voilà. C'était à Lyon. Et du coup, j'avais ce rôle de mettre en lien l'invité qui avait été identifié par un de nos partenaires avec l'entreprise qui allait l'accueillir. Et du coup, c'était une personne qui était assez âgée, mais qui était dans une démarche d'insertion pour finir de cumuler quelques trimestres avant de pouvoir prendre sa retraite. Et c'est vrai que la première rencontre, on a côtoyé une personne qui était assez fermée, qui était assez même voûtée, je dirais. Et le mois d'après, en fait, quand on s'est tous revus pour faire un petit point justement sur l'accueil, en fait, cette personne, elle avait vraiment changé, ne serait-ce que physiquement, en fait. Elle s'était redressée, elle avait eu l'opportunité pendant un mois de mieux dormir, de pouvoir prendre soin d'elle, de pouvoir économiser un petit peu son salaire pour s'acheter de nouveaux habits. Enfin, voilà, c'était un changement assez radical. Et c'est vrai qu'on se dit que rien qu'en un mois déjà, ce que ça a pu faire, c'est incroyable. Donc, la moyenne de nos accueils sur le territoire français, c'est quatre mois et demi. Ça veut dire qu'en général, en moins de cinq mois, les invités trouvent une solution de logement. Et en gros, ça change vraiment leur vie. Donc, c'est impressionnant.

  • SG

    Et par rapport aux entreprises, ça se trouve, il y a des entreprises qui veulent les garder, non ? Ils ne veulent plus qu'ils partent. Il y a des liens qui se créent ou pas ?

  • HT

    Alors, il y a des liens qui se créent. De là à les garder, non, parce qu'on a toujours envie que l'invité ait une solution meilleure. Nous, ce qu'on propose, c'est quand même...

  • SG

    On s'attache. Ça se trouve, ils reviennent après dans l'entreprise.

  • HT

    Tout à fait. Là, en l'occurrence, cette entreprise, ils ont déjà accueilli au moins huit ou neuf invités. C'était parmi les premiers à Lyon. Et ils nous racontent souvent, effectivement, qu'avec certains, ils ont gardé du lien, qu'ils connaissent les enfants. Ils s'invitent à Noël. Il y a vraiment des choses chouettes qui se créent. Mais ce n'est pas tout le temps comme ça. On respecte aussi l'intimité de la personne. Il y a des invités qui vont être très réservés, qui vont arriver le plus tard possible, partir le matin très tôt pour croiser personne. Et des fois, c'est juste quelques mois de mise à l'abri et puis il n'y a pas de lien qui se crée. Ça dépend vraiment des personnes.

  • SG

    Ça dépend des personnes. Souvent, c'est le dirigeant, finalement, qui prend la décision.

  • HT

    Alors, qui prend la décision, évidemment, mais qui ne nous contacte pas forcément. On a des salariés qui viennent prendre des infos, qui nous demandent de les aider à construire un petit dossier pour ensuite aller convaincre leur direction. Donc, dans tous les cas, bien sûr, à la fin, la décision est prise par les dirigeants. Mais on a quand même pas mal de chouettes ambassadeurs au niveau des salariés qui portent le projet et qui ont vraiment envie de faire vivre ça à leurs collègues et qui se renseignent en amont pour rassurer leurs dirigeants et pouvoir accueillir.

  • SG

    Moi, je suis curieux parce que je connais beaucoup de dirigeants sur ce territoire. C'est quoi les types d'entreprises ? Qui sont les entrepreneurs, les dirigeants ?

  • HT

    Alors c'est vraiment possible partout, il n'y a pas de limite. On va avoir des personnes qui gèrent des espèces de co-working, on va avoir des entreprises plutôt dans l'industrie, on a une entreprise qui fabrique du muesli, on a une entreprise qui fait de l'import de fleurs, on a des agences immobilières, on touche maintenant le nucléaire même. Donc vraiment il n'y a pas de limite. Toute taille d'entreprise aussi, des cabinets médicaux par exemple partagés avec quatre associés. Et puis derrière, on peut avoir aussi des boîtes avec 500 personnes. C'est vraiment possible partout.

  • SG

    J'imagine que ces gens-là sont très enthousiastes, ils sont faciles à mobiliser quand il faut faire passer un message.

  • HT

    C'est sûr que nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs, donc on les sollicite pas mal pour pouvoir témoigner. Ils répondent toujours à l'appel parce qu'effectivement, une fois qu'ils ont rencontré leur premier invité, qu'ils voient que ça se passe bien, qu'il y a du lien potentiellement qui se crée. Ils voient que c'est tellement simple qu'ils nous disent « mais pourquoi je n'y avais pas pensé avant ? » Ces bureaux étaient vides, ils ne servaient à rien. Et là, je ne peux pas rentrer chez moi en fermant la porte et me dire qu'il n'y a personne qui dort dedans. Donc en général, ils ont un invité qui rebondit, qui trouve une solution de logement. Et puis, dès que l'invité part, on est tous contents, on célèbre. Mais voilà, il y a un autre invité qui arrive et qui prend la suite.

  • SG

    Et du coup, ce n'est pas la difficulté, ce n'est pas aussi de trouver des invités finalement ?

  • HT

    Alors, avec nos 60 partenaires sur Lyon, on n'a pas trop de difficultés à trouver des invités. Il y a beaucoup de personnes en précarité. Sur Lyon, il y a 25 000 personnes qui sont en précarité de logement. Alors, d'après les critères que j'ai un peu énoncés tout à l'heure, on ne peut pas toucher ces 25 000 personnes. Mais dans tous les cas, on peut en toucher plus que 50, qui est le nombre d'entreprises qu'on a actuellement sur Lyon. Donc, dans tous les cas, on a de la marge pour progresser et accueillir de nouvelles personnes.

  • SG

    Et aujourd'hui, si on prend sur le bassin lyonnais, vous êtes plutôt sur Lyon ou vous arrivez à aller en périphérie ? Est-ce qu'il y a des freins aussi au développement ?

  • HT

    Alors, sur Lyon, on a 50 entreprises qui accueillent, essentiellement, en ville, on va dire, on commence à avoir quelques entreprises un petit peu plus à l'extérieur. On est maintenant sur Décines, Bron, Saint-Priest. On est aussi à Anse et à Brignais. Mais effectivement, c'est un petit peu des limites parce que déjà, pour les bénévoles, c'est peut-être plus dur aussi à suivre parce que c'est des gens qui travaillent, qui ont des contraintes personnelles, etc. Donc, c'est vrai que de rajouter des déplacements pour faire les suivis, c'est un petit peu embêtant. Donc là, je pense qu'on va commencer à se poser la question d'aller chercher des bénévoles justement aussi en périphérie pour être plus ancrés localement. Et après, par contre, pour les invités, ce n'est pas trop un problème. On a quelques invités qui vont pouvoir avoir des véhicules, donc ça, ce n'est pas grave. Et puis, on a des partenaires qui sont aussi situés en périphérie, donc ils pourraient avoir des bénéficiaires qui iraient jusqu'à Brignais parce qu'ils se trouvent, je ne sais pas moi, à Craponne.

  • SG

    Et aujourd'hui, justement, qu'est-ce que vous avez besoin pour qu'il y ait toujours plus d'entreprises qui reçoivent des invités ?

  • HT

    Alors, nos besoins, ça serait de se faire plus connaître. Voilà, c'est ce que je disais tout à l'heure. C'est vraiment ce qui marche le mieux, en fait, de pouvoir témoigner à la fois de la simplicité du dispositif, de l'accompagnement qu'on propose et vraiment aussi du soutien qu'on a de nos partenaires associatifs qui font vraiment le job de l'accompagnement, qui font tout le suivi. Une fois qu'on a ces éléments, a priori, il n'y a pas de raison pour ne pas se lancer. Mais voilà, il faut y croire, il faut faire confiance. C'est vrai que c'est des accueils qui sont vraiment basés sur la confiance. L'invité, il a les clés, le code de l'alarme, le badge. Donc, voilà, il faut juste dépasser sa première peur de l'autre, de l'inconnu. Et puis, après, en général, ça se passe plutôt pas mal.

  • SG

    Est-ce que tu crois, justement, que dans les stratégies RSE, finalement, c'est aussi un bon levier pour accélérer la situation ?

  • HT

    Alors, c'est effectivement par ricochet un bon levier, mais on se rend compte que les entreprises, pour l'instant, qui nous rejoignent, ne le font pas dans cette démarche-là. C'est vraiment une démarche du cœur. Ce n'est vraiment pas un jeu de mots. Il faut vraiment ouvrir son cœur, ouvrir sa porte, faire confiance. Et c'est après qu'on se rend compte de l'impact que ça a pour l'entreprise sur les salariés, sur la marque employeur, sur la cohésion de l'équipe. C'est vraiment une conséquence on va dire. On a un entrepreneur une fois qui nous a dit qu'il était en train de recruter, qu'il avait fait un post LinkedIn sur les Bureaux du Cœur quelques semaines avant et qu'il avait eu des candidats qu'il avait contactés en lui disant « moi je travaille avec vous parce que vous êtes Bureau du Cœur » . Il nous a dit « grâce à vous j'ai économisé 10 000 euros de cabinet de recrutement » . Donc il n'avait pas du tout fait ça pour ça, mais c'était très positif pour son entreprise.

  • SG

    Ce qui permet de rappeler que faire de la RSE, c'est d'abord avoir du cœur. Tout à fait. Si on ne le fait pas avec le cœur, après, finalement, ça n'emmène personne, ça n'a pas de sens. Mais c'est pour ça que j'en parlais aussi. Alors justement, on parle de RSE. Tiens, j'ai envie de te mettre une petite colle. Alors, puisque CEC, régénératif, en quoi vous êtes régénératif, vous ?

  • HT

    Alors, nous, on optimise l'usage des locaux. Donc déjà, c'est quelque chose d'assez innovant. Pour moi, le régénératif, c'est vraiment ça, c'est l'innovation et c'est aussi la collaboration. Donc, en fait, on en a déjà parlé, mais on met en lien des mondes qui, d'habitude, ne se côtoient pas. Et en ça, on change un peu la donne, je pense, des modèles existants. Donc, les Bureaux du Cœur régénératifs, oui, je n'ai pas trop de doute.

  • SG

    Oui, puis le régénératif, c'est le vivant. Alors nous, on est aussi dans le vivant. Donc, vous travaillez avec du vivant.

  • HT

    Exactement. On est sur de l'humain. C'est clair.

  • SG

    De quoi tu es le plus fière, toi, dans ce projet ?

  • HT

    Eh bien, on vient de célébrer nos 100 000 nuits. Donc, c'était une grosse, grosse célébration, grosse fête. Ça fait vraiment plaisir de dépasser ce cap-là. Donc là, on est prêts pour le million. Carrément.

  • SG

    Carrément, carrément. J'ai envie de me positionner du coup maintenant du côté de l'entreprise. Encore une fois, parce que l'idée, c'est d'accueillir. Tu donnerais quoi comme conseil, toi, à un dirigeant ? ou à une entreprise plus largement qui a envie de s'engager dans ce projet ?

  • HT

    Alors nous déjà, on organise des webinaires toutes les semaines. On a trois créneaux où on est vraiment là pour répondre à toutes les questions, toutes les objections, toutes les peurs, tous les freins du service sécurité, de l'aménagement. Enfin voilà, on parle de l'assurance, c'est un sujet qu'on n'a pas encore abordé, mais on cadre vraiment. À ce niveau-là, au niveau de l'assurance, on a des partenariats avec des grosses compagnies qui permettent de prendre en compte cet accueil dans une clause spécifique du contrat d'assurance multirisque. Donc voilà, l'entreprise est vraiment assurée s'il y a un incendie, un dégât des eaux, des choses comme ça. Donc ces webinaires, ils sont là vraiment pour déjà rassurer, pour expliquer vraiment comment ça se passe. Et ensuite, on a nos équipes de bénévoles. plus de 260 bénévoles sur tout le territoire, qui vont faire aussi un accompagnement très fin de l'entreprise pour qu'en fonction de ses particularités, de sa configuration, de locaux, etc., ils puissent accueillir et on va tout mettre en œuvre pour tout checker, depuis l'aménagement jusqu'à l'assurance, le lien avec le propriétaire si jamais l'entreprise est locataire. intervenir auprès de l'équipe salariée si jamais il y a encore quelques petites réticences. On peut faire témoigner une entreprise qui accueille déjà, par exemple. Donc voilà, si vraiment on a envie de se lancer, nous on est là pour expliquer tout le dispositif, pour accompagner pas à pas. Et une fois que l'accueil est lancé, je l'ai déjà dit, mais on est vraiment là aussi tout au long de l'accueil pour faire le suivi avec notre partenaire, s'assurer que tout se passe bien, réajuster s'il y a besoin. Donc voilà, il n'y a pas de raison que ça se passe mal.

  • SG

    Alors l'idée, ce n'est pas ça, mais l'entreprise, elle ne choisit pas son invité.

  • HT

    Elle ne le choisit pas, mais elle a quand même le droit de dire non quand elle le rencontre la première fois. Donc en fait, on organise un premier rendez-vous dans les bureaux de l'entreprise avec l'invité, une personne de la structure qui l'accompagne, un ou deux salariés de l'entreprise, et puis le fameux bénévole. qui va être référent de cet accueil. Et cette rencontre, elle a vraiment pour but de faire connaissance, de se présenter, de répondre aux questions des uns des autres, de se projeter aussi un petit peu dans la cohabitation finalement. Pour l'inviter, c'est aussi l'occasion de visualiser un petit peu comment ça va se passer, parce que quand on lui dit « vous allez dormir dans un bureau » , bon, c'est un petit peu difficile à imaginer. Et puis, c'est un peu comme quand on visite une coloc aussi, tout simplement, sentir si le feeling passe bien. Donc, suite à cette première rencontre, en fait, on va laisser 24 heures de réflexion, aussi bien à l'invité que à l'entreprise pour nous donner une réponse. Donc, voilà, l'entreprise a le droit de refuser et l'invité a le droit de dire aussi « Ah non, cette hauteur sous plafond, c'est trop impressionnant, j'aurais trop peur, je préfère dormir dans la rue. » C'est arrivé. Donc, voilà, c'est vraiment dans les deux sens. C'est pour que la confiance marche. De toute façon, il faut que ça soit dans les deux sens. Donc, on laisse cette possibilité-là. Et suite à cette rencontre, il y a une signature de convention où là, on va encore tout bien encadrer avec les dates de début, les dates de fin. On part sur trois mois renouvelables deux ou trois fois suivant les villes. On va y mettre les horaires pour arriver le soir, les horaires pour repartir le matin. Il y aura un petit état des lieux de l'espace mis à disposition, un règlement intérieur. Enfin voilà, les engagements des uns, des autres, les situations pour lesquelles on pourrait mettre fin à l'accueil aussi.

  • SG

    Alors, question quand même, puisque nous sommes quand même dans l'économie. C'est quoi votre modèle économique ? On sait que l'économie sociale et solidaire, elle est un petit peu fragilisée au jour d'aujourd'hui. Vous en faites partie. Comment vous fonctionnez ?

  • HT

    Alors, initialement, on a eu beaucoup de soutien de fondations, notamment la Fondation de France avec un fonds d'amorçage pour les trois premières années, qui a aussi été renouvelé. Donc, ils aiment bien nos actions et on leur montre l'impact aussi que ça a. On a beaucoup d'autres fondations, comme des fondations de banques, par exemple. On est aussi lauréat de "La France s'engage". Nos entreprises, également, nous soutiennent financièrement. Donc, il y a une adhésion qui est demandée à l'entreprise hôte sur un modèle libre et conscient. Donc, en fait, chaque entreprise peut donner absolument ce qu'elle veut depuis un euro symbolique jusqu'à pas de limite.

  • SG

    C'est assez marrant parce qu'elle reçoit, mais en même temps, elle paye.

  • HT

    Tout à fait. Voilà, elle soutient l'action. Elle permet qu'il y ait des salariés qui coordonnent tout ça et qui continuent de développer. Donc, les entreprises, elles soutiennent aussi. Elles soutiennent entre elles, finalement, puisqu'on va avoir des entreprises qui peuvent donner plus et qui vont permettre à des plus petites entreprises d'accueillir quand même, mais de donner moins. Donc nous, on a bien aimé aussi ce système-là de vastes communicants entre les entreprises. On commence à avoir des grands groupes aussi, donc eux, le sujet ne se pose même pas, en fait. Et puis dans notre modèle économique aussi, on avait participé l'année dernière aux Z-Events et on a eu du coup une belle rentrée d'argent qui permet justement de passer à l'échelle cette année. de grandir, de recruter et d'être encore plus présent sur d'autres villes.

  • SG

    Du coup, vous faites un peu ce que l'État pourrait faire. J'exagère, je suis provocateur.

  • HT

    Oui, alors c'est vrai qu'on a quelques subventions publiques. Initialement, ce n'était pas notre cheval de bataille parce qu'effectivement, on se dit qu'on fait une mission d'intérêt public. On met des gens à l'abri, donc on va se débrouiller tout seul. Mais c'est vrai que ce n'est pas logique. C'est vrai qu'on a beaucoup d'associations amies autour de nous qui, en ce moment, sont vraiment en galère financièrement. Ce n'est pas notre cas, heureusement. Mais c'est vrai que ce n'est pas juste de devoir licencier des salariés d'asso qui font un super job auprès de gens en précarité. C'est un peu rageant, oui.

  • SG

    Du coup, ça devance ma question, c'était si tu avais une baguette magique, si tu pouvais changer les règles du jeu économique, ça serait peut-être ça ?

  • HT

    Ça serait, oui, faire disparaître tous ces appels à projets qui sont très chronophages, qu'on doit remplir, justifier, pour avoir des sous de l'État et faire le job.

  • SG

    Pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante pour la suite, malgré tous ces défis sociaux et environnementaux ?

  • HT

    Eh bien, déjà de travailler dans ce monde-là, de côtoyer au quotidien des chefs d'entreprise qui ouvrent leur cœur, qui font confiance à l'autre. C'est juste hallucinant de travailler avec des structures partenaires qui sont très, très engagées. Ça change vraiment de tout ce qu'on peut entendre au quotidien à la radio ou à la télé. Donc moi, je me dis qu'on est quand même dans un monde pas si horrible que ça et qu'on peut rencontrer de très belles personnes et faire de chouettes actions. Et que du coup, on va y arriver.

  • SG

    Je t'invite à faire le pas de côté, d'ouvrir sa porte.

  • HT

    Tout à fait.

  • SG

    Il suffit, mais ce n'est pas si simple. En tout cas, merci Alain pour ce témoignage qui était vraiment inspirant. Du coup, les bureaux du cœur, quand même, si je raccroche à l'économie régénérative, c'est aussi remettre l'humain au cœur des organisations. Et du coup, je finis toujours par une citation. Citation d'Angela Davis qui a dit « La lutte pour l'inclusion, ce n'est pas seulement ouvrir une porte, c'est aussi changer la pièce dans laquelle on entre. » Allez, tu as 4 heures. Merci en tout cas, salut.

Description

Exceptionnellement, ce nouvel épisode donne la parole à une association qui n'a pas participé aux parcours CEC, mais une partenaire impliquée.

Hélène Tonetti présente l’action des Bureaux du Cœur, une initiative simple et puissante : ouvrir les bureaux d’entreprises inoccupés la nuit à des personnes en grande précarité. Portée par un réseau de partenaires sociaux, d’entreprises engagées et de bénévoles, l’association recrée du lien entre deux mondes qui s’ignorent souvent. Un dispositif humain, sécurisé, basé sur la confiance et qui transforme des vies… tout en redonnant du sens aux organisations.

L'association oeuvre aussi en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. Au total, depuis sa création il y a 5 ans, ce sont 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir et 700 invités accueillis.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de celles et de ceux qui œuvrent pour transformer nos modèles économiques, sociaux et environnementaux. Et aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir une invitée, qui même si elle n'a pas fait la CEC, incarne parfaitement les valeurs de l'économie du soin, du lien et du sens. Elle s'appelle Hélène Tonetti. Elle est chargée de développement au sein de l'association Les Bureaux du Coeur. Une initiative à la fois simple et puissante, puisque l'idée, c'est d'ouvrir les portes des entreprises la nuit à des personnes en grande précarité pour leur offrir un peu de répit, de chaleur et d'humanité. Les Bureaux du Coeur, c'est vraiment un pont entre deux mondes qui souvent s'ignorent, soyons honnêtes, celui des vulnérabilités sociales et celui des entreprises. Un pont tissé avec délicatesse, engagement et conviction. Hélène, bonjour.

  • HT

    Bonjour.

  • SG

    Ce que je te propose, c'est déjà de nous présenter les Bureaux du Cœur.

  • HT

    Tu l'as déjà fait très bien, mais je résumerai notre action d'une petite phrase. C'est la possibilité de créer un accueil individuel d'urgence pour une personne en insertion qui est accompagnée par un partenaire social dans des locaux professionnels qui sont vides la nuit et le week-end.

  • SG

    D'accord. Alors, d'où naît cette histoire ?

  • HT

    L'idée est née il y a cinq ans à Nantes du constat d'un entrepreneur du CJD qui avait ses propres bureaux, qu'il fermait le soir quand il rentrait chez lui. Il éteignait la lumière. En hiver, il n'éteignait pas forcément le chauffage. Et en même temps, il pouvait croiser des personnes qui dormaient dans la rue. Donc finalement, de ce constat de gâchis est née l'idée des Bureaux du Cœur.

  • SG

    D'accord. La mission, on parlera après des invités, mais la mission, elle a évolué dans le temps ou elle est toujours la même ?

  • HT

    Alors, on a testé quand même pas mal de choses parce que c'est une idée un peu folle quand même. Il fallait y penser, même si, comme tu l'as dit, elle est très simple à mettre en place. Donc voilà, différents tests ont été faits jusqu'à arriver à quelque chose de très structuré, très encadré, très rassurant aussi pour les entreprises qui s'engagent. On reviendra dessus, j'imagine.

  • SG

    Et tu parles de Nantes, mais aujourd'hui, là, on est à Lyon. Donc, en fait, toi, tu es chargée de la partie sud-est. Ça veut dire que vous êtes combien ? C'est quoi cette association ? Elle est grosse quand même.

  • HT

    Oui, alors en cinq ans, on est présent maintenant dans 34 villes en France. On est aussi présent en Europe à Barcelone, Lisbonne, Bruxelles et Lausanne. On a 300 entreprises qui ouvrent leurs bureaux chaque soir. Et on a déjà accueilli plus de 700 invités depuis le début de l'aventure.

  • SG

    D'accord, ok. On pourrait se réjouir parce que voilà, mais en même temps, ça veut dire qu'il y a toujours plus de demandes ?

  • HT

    Oui, bien sûr. La part de nos partenaires que j'ai cités tout à l'heure, qui sont ceux qui vont nous orienter des invités, on a des demandes au quotidien, ça c'est sûr. En ce moment, en été, on a aussi pas mal de demandes parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a plus de morts dans la rue en été qu'en hiver à cause de la chaleur. Et c'est vrai qu'en ce moment, par exemple, on a moins d'entreprises qui viennent vers nous parce qu'elles n'ont pas cette idée en tête et parce qu'il va peut-être y avoir la pause estivale, un peu moins de temps pour préparer un accueil.

  • SG

    OK. Alors quand même, un petit mot sur toi. Comment tu arrives aux Bureaux du Coeur ?

  • HT

    Alors, moi, j'ai plusieurs vies avant les Bureaux du Coeur. J'ai fait il y a très longtemps une école de commerce avec l'idée déjà à l'origine de plutôt travailler dans des ONG, plutôt dans le monde humanitaire. Donc, j'ai fait quelques stages dans ce domaine-là. Ça n'a pas pu se concrétiser au niveau professionnel puisque je me suis installée en Espagne en 2000. Et à l'époque, il n'y avait pas de grosses associations dans les villes où j'habitais. Donc, j'ai plutôt travaillé dans l'export, dans des grosses boîtes américaines, dans l'industrie automobile. Voilà, donc pas trop de sens à un moment donné. Et du coup, quand je suis rentrée en France au bout de 18 ans, donc ça, c'était il y a 8 ans maintenant, j'ai eu envie de retourner un petit peu à mes premiers amours, on va dire, et de pouvoir vraiment retoucher du doigt des missions avec plus de sens. Et c'est là que j'ai rejoint le domaine associatif, et les Bureaux du Cœur, c'était il y a trois ans maintenant, dans un premier temps comme bénévole, puisque j'étais entre deux jobs, j'avais du temps. Donc, j'ai découvert ce projet grâce à l'un de mes frères qui était le premier hôte lyonnais. Donc, voilà, on en avait parlé et je me suis engagée bénévolement. Et puis, petit à petit, le poste a été créé. On est une équipe qui grandit. Maintenant, on est une petite dizaine de personnes, mais quand je suis arrivée, on devait être trois ou quatre, quelque chose comme ça. Donc voilà, vraiment l'envie de faire quelque chose de concret, d'avoir un vrai impact dans mon job.

  • SG

    Ok, alors ce qui nous permet d'aborder l'écosystème, parce que tu vas nous expliquer un petit peu comment ça marche, certes il y a des bénévoles, mais il y a aussi des prescripteurs, comment ça fonctionne ?

  • HT

    Tout à fait. Donc nous, on va vraiment s'appuyer sur des partenaires pour pouvoir identifier nos invités. On ne peut pas accueillir une personne qu'on croise dans la rue comme ça et à qui on dirait, vas-y, je te donne les clefs de mon entreprise. Là, pour le coup, les entreprises ne seraient pas très rassurées. Donc on va vraiment s'appuyer sur des partenaires de l'insertion. Il y a différentes typologies de partenaires. Ça peut être des associations de solidarité comme ATD Quart Monde, le Secours Catholique, Habitat & humanisme, Les apprentis d'Auteuil, le Wake Up Café. Je les cite tous comme ça pour que tu vois un petit peu les profils différents des invités. On va travailler aussi avec des CCAS ou des missions locales, et aussi avec des structures de l'insertion par l'activité économique, donc là plus pour des salariés précaires. Donc ça peut être des hommes, des femmes, des étudiants en précarité, des personnes proches de la retraite, des personnes qui travaillent ou pas, des personnes migrantes ou pas. Il n'y a pas de limite au profil, juste quelques critères que nos partenaires doivent avoir en tête. Nous, on va accueillir seulement des personnes majeures, des personnes seules, sans addiction avérée. Et dans le cas d'une personne migrante, une personne qui a au moins un récipicé de la préfecture, donc en situation légale sur le territoire. Donc là, on fait vraiment 100% confiance aux partenaires pour identifier parmi les personnes qu'ils accompagnent, une personne qui rentre dans ces critères, qui a besoin d'un logement. Puisque ces personnes sont dans un vrai projet d'insertion, elles sont soit en train de se préparer à retourner vers l'emploi, soit elles vont commencer une formation, soit elles sont en train d'apprendre le français, ou tout simplement mettre à jour leurs papiers. Mais en tout cas, il y a vraiment une activité au quotidien et un besoin d'énergie pour avancer dans un projet. Donc avec les Bureaux du Cœur, on leur propose quelques mois de répit pour déjà enlever la charge mentale chaque matin. où est-ce que je vais dormir ce soir ? Et d'être vraiment dans un cadre stable, toujours au même endroit, pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. On leur propose un cadre d'intimité, puisqu'ils vont avoir un lieu pour se poser et se reposer. Et puis un cadre de sécurité, bien évidemment. Ils vont pouvoir laisser leurs affaires sans avoir peur de se les faire voler. Ils vont pouvoir dormir sereinement sans avoir peur de se faire agresser. Donc ça change tout, et ça permet d'avancer dans son projet. Donc ça c'est vraiment la partie en amont de nos partenaires et en face de ce besoin, on a les entreprises qui ouvrent leurs portes la nuit et le week-end pour accueillir ses invités dans un endroit aménagé tout simplement en fait. Il suffit de rajouter un couchage dans un coin d'un bureau ou d'une salle de réunion. Donc ça peut être un clic-clac si la pièce est assez grande, ça peut être un fauteuil convertible, une place, un lit pliant qui est rangé ailleurs en journée. Et l'idée, c'est vraiment qu'en journée, ce bureau ou cette salle de réunion soit utilisée par les salariés et qu'à partir de 18h, 18h30, l'invité puisse s'installer et occuper cette pièce pour se reposer, tout simplement. Il aura accès aussi à une kitchenette, donc là aussi, la même que les salariés, des sanitaires, idéalement des douches, mais si on n'a pas au moins un lavabo avec de l'eau chaude. Et voilà, c'est tout. Au niveau aménagement, il n'y a pas plus simple.

  • SG

    D'accord. Et après, comment vous connectez ? Comment vous allez chercher les entreprises ? C'est intéressant.

  • HT

    Alors, on a beaucoup d'entreprises qui nous contactent par le bouche à oreille. Donc, nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs. Ça, il n'y a pas de doute là-dessus. Ensuite, on va intervenir auprès de clubs d'entreprises. On intervient à la CEC avec des propositions de solutions simples à mettre en place, donc, en général, les entreprises sont plutôt favorables, puisqu'on les rassure aussi sur le cadre, sur l'accompagnement aussi, sur la sélection des invités. On vient d'en parler. Donc voilà, c'est beaucoup comme ça que ça se passe. Et puis après, ce genre de podcast, des interviews dans des magazines, à la télé, la communication aide aussi quand même pas mal.

  • SG

    Ok, tu nous as parlé de bénévoles. C'est quoi le rôle des bénévoles ?

  • HT

    Alors, la mission clé de nos bénévoles, c'est de suivre un accueil. Donc c'est ça aussi qui est assez rassurant dans le dispositif. C'est que pour chaque nouvel accueil qui commence, donc un invité, une structure qui l'accompagne et une entreprise qui accueille, il va y avoir un bénévole qui coordonne tout ça, qui va faire le lien entre tous pour réajuster si besoin, s'il y a des petits grains de sable dans l'engrenage au fur et à mesure de l'accueil. Pour aussi organiser des réunions mensuelles, donc des points de suivi sur l'accueil, mais aussi sur le projet de l'invité, savoir comment il avance dans sa recherche d'emploi, dans ses démarches, etc. Donc le bénévole, il va vraiment être le facilitateur entre tous ces mondes, vraiment pouvoir réajuster si besoin. Et puis on va avoir aussi des bénévoles qui vont pouvoir nous aider sur plus la prospection, sur le lien avec les partenaires, sur la communication. Des petites missions transverses aussi sont proposées.

  • SG

    J'imagine qu'il y a plein de rencontres, ça doit être très riche humainement. Tu n'aurais pas deux, trois rencontres comme ça ou de choses qui se sont passées ?

  • HT

    Alors, je disais tout à l'heure qu'on a eu déjà 700 invités. Donc, on a 700 rencontres, 700 histoires différentes. Moi, je pourrais raconter ma première fois, on va dire. Donc, j'étais bénévole à ce moment-là. C'était mon premier accueil. C'était à Lyon, voilà. C'était à Lyon. Et du coup, j'avais ce rôle de mettre en lien l'invité qui avait été identifié par un de nos partenaires avec l'entreprise qui allait l'accueillir. Et du coup, c'était une personne qui était assez âgée, mais qui était dans une démarche d'insertion pour finir de cumuler quelques trimestres avant de pouvoir prendre sa retraite. Et c'est vrai que la première rencontre, on a côtoyé une personne qui était assez fermée, qui était assez même voûtée, je dirais. Et le mois d'après, en fait, quand on s'est tous revus pour faire un petit point justement sur l'accueil, en fait, cette personne, elle avait vraiment changé, ne serait-ce que physiquement, en fait. Elle s'était redressée, elle avait eu l'opportunité pendant un mois de mieux dormir, de pouvoir prendre soin d'elle, de pouvoir économiser un petit peu son salaire pour s'acheter de nouveaux habits. Enfin, voilà, c'était un changement assez radical. Et c'est vrai qu'on se dit que rien qu'en un mois déjà, ce que ça a pu faire, c'est incroyable. Donc, la moyenne de nos accueils sur le territoire français, c'est quatre mois et demi. Ça veut dire qu'en général, en moins de cinq mois, les invités trouvent une solution de logement. Et en gros, ça change vraiment leur vie. Donc, c'est impressionnant.

  • SG

    Et par rapport aux entreprises, ça se trouve, il y a des entreprises qui veulent les garder, non ? Ils ne veulent plus qu'ils partent. Il y a des liens qui se créent ou pas ?

  • HT

    Alors, il y a des liens qui se créent. De là à les garder, non, parce qu'on a toujours envie que l'invité ait une solution meilleure. Nous, ce qu'on propose, c'est quand même...

  • SG

    On s'attache. Ça se trouve, ils reviennent après dans l'entreprise.

  • HT

    Tout à fait. Là, en l'occurrence, cette entreprise, ils ont déjà accueilli au moins huit ou neuf invités. C'était parmi les premiers à Lyon. Et ils nous racontent souvent, effectivement, qu'avec certains, ils ont gardé du lien, qu'ils connaissent les enfants. Ils s'invitent à Noël. Il y a vraiment des choses chouettes qui se créent. Mais ce n'est pas tout le temps comme ça. On respecte aussi l'intimité de la personne. Il y a des invités qui vont être très réservés, qui vont arriver le plus tard possible, partir le matin très tôt pour croiser personne. Et des fois, c'est juste quelques mois de mise à l'abri et puis il n'y a pas de lien qui se crée. Ça dépend vraiment des personnes.

  • SG

    Ça dépend des personnes. Souvent, c'est le dirigeant, finalement, qui prend la décision.

  • HT

    Alors, qui prend la décision, évidemment, mais qui ne nous contacte pas forcément. On a des salariés qui viennent prendre des infos, qui nous demandent de les aider à construire un petit dossier pour ensuite aller convaincre leur direction. Donc, dans tous les cas, bien sûr, à la fin, la décision est prise par les dirigeants. Mais on a quand même pas mal de chouettes ambassadeurs au niveau des salariés qui portent le projet et qui ont vraiment envie de faire vivre ça à leurs collègues et qui se renseignent en amont pour rassurer leurs dirigeants et pouvoir accueillir.

  • SG

    Moi, je suis curieux parce que je connais beaucoup de dirigeants sur ce territoire. C'est quoi les types d'entreprises ? Qui sont les entrepreneurs, les dirigeants ?

  • HT

    Alors c'est vraiment possible partout, il n'y a pas de limite. On va avoir des personnes qui gèrent des espèces de co-working, on va avoir des entreprises plutôt dans l'industrie, on a une entreprise qui fabrique du muesli, on a une entreprise qui fait de l'import de fleurs, on a des agences immobilières, on touche maintenant le nucléaire même. Donc vraiment il n'y a pas de limite. Toute taille d'entreprise aussi, des cabinets médicaux par exemple partagés avec quatre associés. Et puis derrière, on peut avoir aussi des boîtes avec 500 personnes. C'est vraiment possible partout.

  • SG

    J'imagine que ces gens-là sont très enthousiastes, ils sont faciles à mobiliser quand il faut faire passer un message.

  • HT

    C'est sûr que nos hôtes sont nos meilleurs ambassadeurs, donc on les sollicite pas mal pour pouvoir témoigner. Ils répondent toujours à l'appel parce qu'effectivement, une fois qu'ils ont rencontré leur premier invité, qu'ils voient que ça se passe bien, qu'il y a du lien potentiellement qui se crée. Ils voient que c'est tellement simple qu'ils nous disent « mais pourquoi je n'y avais pas pensé avant ? » Ces bureaux étaient vides, ils ne servaient à rien. Et là, je ne peux pas rentrer chez moi en fermant la porte et me dire qu'il n'y a personne qui dort dedans. Donc en général, ils ont un invité qui rebondit, qui trouve une solution de logement. Et puis, dès que l'invité part, on est tous contents, on célèbre. Mais voilà, il y a un autre invité qui arrive et qui prend la suite.

  • SG

    Et du coup, ce n'est pas la difficulté, ce n'est pas aussi de trouver des invités finalement ?

  • HT

    Alors, avec nos 60 partenaires sur Lyon, on n'a pas trop de difficultés à trouver des invités. Il y a beaucoup de personnes en précarité. Sur Lyon, il y a 25 000 personnes qui sont en précarité de logement. Alors, d'après les critères que j'ai un peu énoncés tout à l'heure, on ne peut pas toucher ces 25 000 personnes. Mais dans tous les cas, on peut en toucher plus que 50, qui est le nombre d'entreprises qu'on a actuellement sur Lyon. Donc, dans tous les cas, on a de la marge pour progresser et accueillir de nouvelles personnes.

  • SG

    Et aujourd'hui, si on prend sur le bassin lyonnais, vous êtes plutôt sur Lyon ou vous arrivez à aller en périphérie ? Est-ce qu'il y a des freins aussi au développement ?

  • HT

    Alors, sur Lyon, on a 50 entreprises qui accueillent, essentiellement, en ville, on va dire, on commence à avoir quelques entreprises un petit peu plus à l'extérieur. On est maintenant sur Décines, Bron, Saint-Priest. On est aussi à Anse et à Brignais. Mais effectivement, c'est un petit peu des limites parce que déjà, pour les bénévoles, c'est peut-être plus dur aussi à suivre parce que c'est des gens qui travaillent, qui ont des contraintes personnelles, etc. Donc, c'est vrai que de rajouter des déplacements pour faire les suivis, c'est un petit peu embêtant. Donc là, je pense qu'on va commencer à se poser la question d'aller chercher des bénévoles justement aussi en périphérie pour être plus ancrés localement. Et après, par contre, pour les invités, ce n'est pas trop un problème. On a quelques invités qui vont pouvoir avoir des véhicules, donc ça, ce n'est pas grave. Et puis, on a des partenaires qui sont aussi situés en périphérie, donc ils pourraient avoir des bénéficiaires qui iraient jusqu'à Brignais parce qu'ils se trouvent, je ne sais pas moi, à Craponne.

  • SG

    Et aujourd'hui, justement, qu'est-ce que vous avez besoin pour qu'il y ait toujours plus d'entreprises qui reçoivent des invités ?

  • HT

    Alors, nos besoins, ça serait de se faire plus connaître. Voilà, c'est ce que je disais tout à l'heure. C'est vraiment ce qui marche le mieux, en fait, de pouvoir témoigner à la fois de la simplicité du dispositif, de l'accompagnement qu'on propose et vraiment aussi du soutien qu'on a de nos partenaires associatifs qui font vraiment le job de l'accompagnement, qui font tout le suivi. Une fois qu'on a ces éléments, a priori, il n'y a pas de raison pour ne pas se lancer. Mais voilà, il faut y croire, il faut faire confiance. C'est vrai que c'est des accueils qui sont vraiment basés sur la confiance. L'invité, il a les clés, le code de l'alarme, le badge. Donc, voilà, il faut juste dépasser sa première peur de l'autre, de l'inconnu. Et puis, après, en général, ça se passe plutôt pas mal.

  • SG

    Est-ce que tu crois, justement, que dans les stratégies RSE, finalement, c'est aussi un bon levier pour accélérer la situation ?

  • HT

    Alors, c'est effectivement par ricochet un bon levier, mais on se rend compte que les entreprises, pour l'instant, qui nous rejoignent, ne le font pas dans cette démarche-là. C'est vraiment une démarche du cœur. Ce n'est vraiment pas un jeu de mots. Il faut vraiment ouvrir son cœur, ouvrir sa porte, faire confiance. Et c'est après qu'on se rend compte de l'impact que ça a pour l'entreprise sur les salariés, sur la marque employeur, sur la cohésion de l'équipe. C'est vraiment une conséquence on va dire. On a un entrepreneur une fois qui nous a dit qu'il était en train de recruter, qu'il avait fait un post LinkedIn sur les Bureaux du Cœur quelques semaines avant et qu'il avait eu des candidats qu'il avait contactés en lui disant « moi je travaille avec vous parce que vous êtes Bureau du Cœur » . Il nous a dit « grâce à vous j'ai économisé 10 000 euros de cabinet de recrutement » . Donc il n'avait pas du tout fait ça pour ça, mais c'était très positif pour son entreprise.

  • SG

    Ce qui permet de rappeler que faire de la RSE, c'est d'abord avoir du cœur. Tout à fait. Si on ne le fait pas avec le cœur, après, finalement, ça n'emmène personne, ça n'a pas de sens. Mais c'est pour ça que j'en parlais aussi. Alors justement, on parle de RSE. Tiens, j'ai envie de te mettre une petite colle. Alors, puisque CEC, régénératif, en quoi vous êtes régénératif, vous ?

  • HT

    Alors, nous, on optimise l'usage des locaux. Donc déjà, c'est quelque chose d'assez innovant. Pour moi, le régénératif, c'est vraiment ça, c'est l'innovation et c'est aussi la collaboration. Donc, en fait, on en a déjà parlé, mais on met en lien des mondes qui, d'habitude, ne se côtoient pas. Et en ça, on change un peu la donne, je pense, des modèles existants. Donc, les Bureaux du Cœur régénératifs, oui, je n'ai pas trop de doute.

  • SG

    Oui, puis le régénératif, c'est le vivant. Alors nous, on est aussi dans le vivant. Donc, vous travaillez avec du vivant.

  • HT

    Exactement. On est sur de l'humain. C'est clair.

  • SG

    De quoi tu es le plus fière, toi, dans ce projet ?

  • HT

    Eh bien, on vient de célébrer nos 100 000 nuits. Donc, c'était une grosse, grosse célébration, grosse fête. Ça fait vraiment plaisir de dépasser ce cap-là. Donc là, on est prêts pour le million. Carrément.

  • SG

    Carrément, carrément. J'ai envie de me positionner du coup maintenant du côté de l'entreprise. Encore une fois, parce que l'idée, c'est d'accueillir. Tu donnerais quoi comme conseil, toi, à un dirigeant ? ou à une entreprise plus largement qui a envie de s'engager dans ce projet ?

  • HT

    Alors nous déjà, on organise des webinaires toutes les semaines. On a trois créneaux où on est vraiment là pour répondre à toutes les questions, toutes les objections, toutes les peurs, tous les freins du service sécurité, de l'aménagement. Enfin voilà, on parle de l'assurance, c'est un sujet qu'on n'a pas encore abordé, mais on cadre vraiment. À ce niveau-là, au niveau de l'assurance, on a des partenariats avec des grosses compagnies qui permettent de prendre en compte cet accueil dans une clause spécifique du contrat d'assurance multirisque. Donc voilà, l'entreprise est vraiment assurée s'il y a un incendie, un dégât des eaux, des choses comme ça. Donc ces webinaires, ils sont là vraiment pour déjà rassurer, pour expliquer vraiment comment ça se passe. Et ensuite, on a nos équipes de bénévoles. plus de 260 bénévoles sur tout le territoire, qui vont faire aussi un accompagnement très fin de l'entreprise pour qu'en fonction de ses particularités, de sa configuration, de locaux, etc., ils puissent accueillir et on va tout mettre en œuvre pour tout checker, depuis l'aménagement jusqu'à l'assurance, le lien avec le propriétaire si jamais l'entreprise est locataire. intervenir auprès de l'équipe salariée si jamais il y a encore quelques petites réticences. On peut faire témoigner une entreprise qui accueille déjà, par exemple. Donc voilà, si vraiment on a envie de se lancer, nous on est là pour expliquer tout le dispositif, pour accompagner pas à pas. Et une fois que l'accueil est lancé, je l'ai déjà dit, mais on est vraiment là aussi tout au long de l'accueil pour faire le suivi avec notre partenaire, s'assurer que tout se passe bien, réajuster s'il y a besoin. Donc voilà, il n'y a pas de raison que ça se passe mal.

  • SG

    Alors l'idée, ce n'est pas ça, mais l'entreprise, elle ne choisit pas son invité.

  • HT

    Elle ne le choisit pas, mais elle a quand même le droit de dire non quand elle le rencontre la première fois. Donc en fait, on organise un premier rendez-vous dans les bureaux de l'entreprise avec l'invité, une personne de la structure qui l'accompagne, un ou deux salariés de l'entreprise, et puis le fameux bénévole. qui va être référent de cet accueil. Et cette rencontre, elle a vraiment pour but de faire connaissance, de se présenter, de répondre aux questions des uns des autres, de se projeter aussi un petit peu dans la cohabitation finalement. Pour l'inviter, c'est aussi l'occasion de visualiser un petit peu comment ça va se passer, parce que quand on lui dit « vous allez dormir dans un bureau » , bon, c'est un petit peu difficile à imaginer. Et puis, c'est un peu comme quand on visite une coloc aussi, tout simplement, sentir si le feeling passe bien. Donc, suite à cette première rencontre, en fait, on va laisser 24 heures de réflexion, aussi bien à l'invité que à l'entreprise pour nous donner une réponse. Donc, voilà, l'entreprise a le droit de refuser et l'invité a le droit de dire aussi « Ah non, cette hauteur sous plafond, c'est trop impressionnant, j'aurais trop peur, je préfère dormir dans la rue. » C'est arrivé. Donc, voilà, c'est vraiment dans les deux sens. C'est pour que la confiance marche. De toute façon, il faut que ça soit dans les deux sens. Donc, on laisse cette possibilité-là. Et suite à cette rencontre, il y a une signature de convention où là, on va encore tout bien encadrer avec les dates de début, les dates de fin. On part sur trois mois renouvelables deux ou trois fois suivant les villes. On va y mettre les horaires pour arriver le soir, les horaires pour repartir le matin. Il y aura un petit état des lieux de l'espace mis à disposition, un règlement intérieur. Enfin voilà, les engagements des uns, des autres, les situations pour lesquelles on pourrait mettre fin à l'accueil aussi.

  • SG

    Alors, question quand même, puisque nous sommes quand même dans l'économie. C'est quoi votre modèle économique ? On sait que l'économie sociale et solidaire, elle est un petit peu fragilisée au jour d'aujourd'hui. Vous en faites partie. Comment vous fonctionnez ?

  • HT

    Alors, initialement, on a eu beaucoup de soutien de fondations, notamment la Fondation de France avec un fonds d'amorçage pour les trois premières années, qui a aussi été renouvelé. Donc, ils aiment bien nos actions et on leur montre l'impact aussi que ça a. On a beaucoup d'autres fondations, comme des fondations de banques, par exemple. On est aussi lauréat de "La France s'engage". Nos entreprises, également, nous soutiennent financièrement. Donc, il y a une adhésion qui est demandée à l'entreprise hôte sur un modèle libre et conscient. Donc, en fait, chaque entreprise peut donner absolument ce qu'elle veut depuis un euro symbolique jusqu'à pas de limite.

  • SG

    C'est assez marrant parce qu'elle reçoit, mais en même temps, elle paye.

  • HT

    Tout à fait. Voilà, elle soutient l'action. Elle permet qu'il y ait des salariés qui coordonnent tout ça et qui continuent de développer. Donc, les entreprises, elles soutiennent aussi. Elles soutiennent entre elles, finalement, puisqu'on va avoir des entreprises qui peuvent donner plus et qui vont permettre à des plus petites entreprises d'accueillir quand même, mais de donner moins. Donc nous, on a bien aimé aussi ce système-là de vastes communicants entre les entreprises. On commence à avoir des grands groupes aussi, donc eux, le sujet ne se pose même pas, en fait. Et puis dans notre modèle économique aussi, on avait participé l'année dernière aux Z-Events et on a eu du coup une belle rentrée d'argent qui permet justement de passer à l'échelle cette année. de grandir, de recruter et d'être encore plus présent sur d'autres villes.

  • SG

    Du coup, vous faites un peu ce que l'État pourrait faire. J'exagère, je suis provocateur.

  • HT

    Oui, alors c'est vrai qu'on a quelques subventions publiques. Initialement, ce n'était pas notre cheval de bataille parce qu'effectivement, on se dit qu'on fait une mission d'intérêt public. On met des gens à l'abri, donc on va se débrouiller tout seul. Mais c'est vrai que ce n'est pas logique. C'est vrai qu'on a beaucoup d'associations amies autour de nous qui, en ce moment, sont vraiment en galère financièrement. Ce n'est pas notre cas, heureusement. Mais c'est vrai que ce n'est pas juste de devoir licencier des salariés d'asso qui font un super job auprès de gens en précarité. C'est un peu rageant, oui.

  • SG

    Du coup, ça devance ma question, c'était si tu avais une baguette magique, si tu pouvais changer les règles du jeu économique, ça serait peut-être ça ?

  • HT

    Ça serait, oui, faire disparaître tous ces appels à projets qui sont très chronophages, qu'on doit remplir, justifier, pour avoir des sous de l'État et faire le job.

  • SG

    Pour terminer, qu'est-ce qui te rend confiante pour la suite, malgré tous ces défis sociaux et environnementaux ?

  • HT

    Eh bien, déjà de travailler dans ce monde-là, de côtoyer au quotidien des chefs d'entreprise qui ouvrent leur cœur, qui font confiance à l'autre. C'est juste hallucinant de travailler avec des structures partenaires qui sont très, très engagées. Ça change vraiment de tout ce qu'on peut entendre au quotidien à la radio ou à la télé. Donc moi, je me dis qu'on est quand même dans un monde pas si horrible que ça et qu'on peut rencontrer de très belles personnes et faire de chouettes actions. Et que du coup, on va y arriver.

  • SG

    Je t'invite à faire le pas de côté, d'ouvrir sa porte.

  • HT

    Tout à fait.

  • SG

    Il suffit, mais ce n'est pas si simple. En tout cas, merci Alain pour ce témoignage qui était vraiment inspirant. Du coup, les bureaux du cœur, quand même, si je raccroche à l'économie régénérative, c'est aussi remettre l'humain au cœur des organisations. Et du coup, je finis toujours par une citation. Citation d'Angela Davis qui a dit « La lutte pour l'inclusion, ce n'est pas seulement ouvrir une porte, c'est aussi changer la pièce dans laquelle on entre. » Allez, tu as 4 heures. Merci en tout cas, salut.

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