- SG
Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage de Cédric Levras.
- CL
Bonjour Stéphane,
- SG
salut Cédric, qui est dirigeant de Racine, une entreprise familiale, historique, qui est ancrée dans le Rhône et qui est le leader régional de la transformation des déchets organiques en compost, terreau, substrat, paillage et bois énergie. Tu vas nous expliquer un peu tout ça et sa mission, j'allais dire que c'est presque facile par rapport au régénératif, mais je ne suis pas sûr que ce soit si simple, c'est : régénérer les sols et nourrir la biodiversité tout en valorisant les déchets pour créer des espaces de vie durables et résilients. Alors Cédric, moi je suis assez content, j'ai regardé un peu votre feuille de route, je me suis dit mais qu'est-ce qu'ils vont proposer, parce que finalement ils sont au cœur du régénératif. Alors j'ai vu décarboner les activités, viser l'autonomie énergétique, optimiser l'offre-produit, mobiliser l'écosystème territorial, et puis après on parlera peut-être de l'écopole, de Décines. L'idée c'est d'en faire un démonstrateur d'économie circulaire, enfin tu vas nous en parler. Moi ce que je te propose pour démarrer, c'est déjà de nous présenter Racine.
- CL
OK, avec plaisir. C'est une entreprise familiale qui a démarré en 1999 avec mon frère, Christian. Et sous l'impulsion de la vision de notre père, qui lui était paysagiste depuis 1963 avec Tarvel, qui avait en fait cette thématique, cette problématique de générer beaucoup de déchets verts, puisque l'entreprise était axée sur l'entretien plutôt que la création. Et c'est lors d'une visite en 89 à Baden-Baden en Allemagne, où là il a vu la première plateforme européenne de compostage. Il est revenu à Lyon et il a dit ok c'est ça l'avenir. Donc on va arrêter de brûler et d'enfouir, on va créer le recyclage. Donc, c'est d'abord pour une problématique d'une des filiales du groupe, puis on l'a proposé en faisant un métier finalement aux confrères paysagistes, aux collectivités. Et moi, j'ai repris l'entreprise en 2013, quand mon frère avait à ce moment-là d'autres projets personnels. Et ça marche bien, ça marche bien. L'entreprise se développe bien depuis.
- SG
D'accord. Alors toi, le régénératif, tu étais déjà dedans. Est-ce que c'est un mot d'ailleurs qui te parlait ? Tu as connu avant la CEC ?
- CL
Non. La première fois que je l'ai entendu, je l'ai plutôt lu lors d'un post LinkedIn de Terideal, justement, un client, ex Tarvel. Et du coup, je me suis dit, waouh, ils ont un coup d'avance parce qu'effectivement, cette notion un peu barbare au premier abord est puissante. Donc, je le pratique parce que je vais expliquer un peu ce que je fais, mais j'essaye, mon activité est naturellement tournée vers une visée régénérative. Mais je ne mettais pas un mot dessus. Et en fait, mettre un mot fait en s'y intéressant, on comprend vraiment la profondeur de la logique, et ça permet d'avoir un mouvement de fond très intéressant, que la CEC m'a appris, clairement.
- SG
Avant la CEC, le climat, c'était ton sujet ?
- CL
Alors, j'étais naturellement proche de la nature, j'ai toujours aimé les espaces verts, la nature. Je ne suis pas sûr que je sois un modèle de consommation exubérante. J'ai aujourd'hui une voiture de fonction, j'ai une 208 électrique. Je pense que j'ai toujours eu cette plutôt sobriété, mais je n'avais pas la conscience que j'ai acquis lors de la CEC. Clairement, je paraphrase un de nos confrères, mais il y a eu une sorte de surconscience, et quelque chose qui me quitte plus depuis, clairement, qu'il faut entretenir pour ne pas se laisser rattraper par le quotidien. Mais clairement, ça m'a changé profondément. Et après, l'idée, c'est que je capitalise et que je transforme l'entreprise avec mes collaborateurs.
- SG
Oui, c'est ça. Il faut rester tolérant aussi, quand on a compris. C'est vrai que quand on a pris les deux premières journées, là, en général, on ressort un peu essoré.
- CL
Oui, clairement. J'arrêtais pas d'en parler, moi, autour de moi, pendant un mois ou deux. Mon entourage me voyait plutôt perturbé. Un peu illuminé. Presque pessimiste au début. Parce qu'on était dans le bas de la courbe du U. Mais rapidement, j'ai compris que de toute façon, il fallait être dans l'action pour ne pas regretter. Notamment pour nos enfants. C'est dingue le reflet et le miroir vis-à-vis de la génération future qui fait effet miroir et qui nous oblige à agir. En fait, il n'y a pas le choix. Et donc ça, ça rend positif, parce que l'action pousse à être optimiste, parce qu'il faut réfléchir, être créatif, emmener les gens. Et c'est ça l'espoir. Il y en a, il y en a de l'espoir. Il faut agir, c'est tout.
- SG
Et du coup, quand on parle d'action, votre feuille de route, tu peux nous en parler un peu ? Oui,
- CL
Alors il faut comprendre un peu ce qu'on fait. Donc là, on recycle les déchets organiques, c'est-à-dire les déchets verts qui sont issus des paysagistes et des collectivités, et aussi des déchets alimentaires. On fait par compostage une valorisation pour créer du compost, du terreau, du paillage, qui sont des fournitures pour aménager, refroidir la ville, quelque part. Je le fais avec mes clients. Et ça, c'est déjà à visée régénérative voire régénératif. Donc c'est chouette, on peut se dire, c'est bon, j'ai rien à faire, merci. Bon, sauf que nous sommes l'industriel du compostage, on est plutôt le numéro 1 en Rhône-Alpes, et on a des grosses machines, on a 10 broyeurs qui broient 50 tonnes de végétaux à l'heure. En fait, on brasse et on traite 250 000 tonnes de déchets organiques, donc ça commence à faire. Et en fait, tous ces matériels, ils fonctionnent au GNR, gasoil non routier. Donc en fait, on est une industrie polluante. Et ça, c'est un peu gênant. J'ai un indicateur très précis : 35 litres de carburant tous les 1000 euros de chiffre d'affaires. Et on fait 18 millions de chiffre d'affaires. Donc ça fait un bilan carbone qui est un peu tout relatif. Alors oui, j'ai un impact positif dans le recyclage, dans les produits que je propose, dans ce que font mes clients. Mais il faut que je fasse reset ou que j'accélère sur la transition pour être une industrie plus propre. Donc j'ai des actions très fortes pour sortir de cette énergie fossile avec un projet, j'allais dire, pharaonique, il est très ambitieux. Sur Ecopole, notre site principal, qui fait 20 hectares, l'idée c'est de faire une couverture photovoltaïque de 150 000 m², 15 hectares. c'est rare. Donc ça, ça prend du temps. C'est enclenché, ça a démarré en 2025 et ça c'est un projet incroyable et qui j'espère va voir le jour, on va dire à horizon 2030. Je pourrais dire 2028-2029 si j'avais envie, mais en fait il faut être réaliste, ça prend du temps. Il y a aussi des parties prenantes. On va faire les choses bien et en grand, donc c'est 2030.
- SG
Ok, c'est un premier projet, j'imagine qu'il y en a d'autres. Il y en a un autre qui m'intéresse, c'est comment tu embarques tes parties prenantes ? Parce qu'en fait, déjà, comment tu as embarqué tes collaborateurs dans ta feuille de route ? Et après, comment tu embarques les clients, on va dire ?
- CL
C'est sûr, c'est tout le sujet. Parce qu'il faut, je pense, un leadership fort pour initier et donner le cap. Mais si on est tout seul, c'est mort. Donc il faut effectivement emmener son Codir, qui est pour moi ma garde rapprochée. On est 5-6. J'ai fait participer à la mini CEC de deux jours mon Codir première chose. Mes collaborateurs, on est 60, vont participer à The Week, qui est une façon aussi de sensibiliser au sujet, en fin d'année. Il y a la journée de printemps, la journée d'automne. En fait, ce qui est aussi important, c'est qu'il faut initier par un avant et un après avec les fondamentaux que la CEC propose, en tout cas c'est vraiment mon référent. Et après, entretenir un peu la flamme par des événements qui rappellent toujours le sujet, parce qu'on est vite rattrapé par le quotidien, on veut vendre et parfois, non, attend, on a dit quand même qu'il fallait renoncer à certains trucs. Attention.
- SG
Renoncer, c'est pas simple quand même.
- CL
C'est pas simple. C'est pas simple.
- SG
Et les clients alors ?
- CL
Alors les clients...
- SG
J'imagine que les clients, quand même, les paysagistes et tout, ils sont quand même assez sensibles au sujet.
- CL
On est dans un écosystème qui forcément... Ça leur parle. Mes clients principaux, c'est soit effectivement les aménageurs urbains, les paysagistes, et in fine, soit directement ou indirectement, les collectivités. Ils ont tous compris, argent pas argent, que de toute façon, il fallait mettre du budget dans la résilience et l'adaptation des villes. Et ça, ça nous porte. Forcément, ils sont convaincus. C'est eux, parfois, c'est nos clients qui nous emmènent. C'est dans l'autre sens, parfois. Clairement, la Métropole de Lyon, désormais, exige que dans les aménagements, la terre pour les plantations soit issue d'une refertilisation de terres à la base plutôt inertes et infertiles, et plus de terres végétales décapées des zones agricoles.
- SG
Justement, c'est intéressant parce qu'il y a beaucoup d'élus, en fait, on voit bien, qui revégétalisent les cours d'école, qui remettent des arbres et tout, mais en fait, mettre des arbres, c'est bien, mais si la terre est pourrie, ça n'a pas d'intérêt.
- CL
Mais après, c'est pour ça, c'est un vrai métier et un vrai savoir-faire de refertiliser, de réamender, mais c'est en réalité un très très bon exemple d'économie circulaire et de démontrer que ça marche, et pas forcément pour plus cher. Parce qu'avant, tout ce qui étaient limons très infertiles, excavés des chantiers, était emmené dans des charges de classe 3 payantes à la collectivité, donc avec du transport, et il finit pour enfouir un truc payant. Et là, avec un process maîtrisé et professionnel et abouti, on récupère ces déchets intramuros, on les refertilise, ça existe, c'est possible, pour créer de la terre végétale de substitution. On ne met plus en décharge payante, on fait moins de transports et on appauvrit moins les zones agricoles. Donc c'est vertueux, c'est efficace et c'est plus économique. Alors comment j'embarque mon écosystème ? C'est aussi mon écosystème qui m'embarque. Quand la Métropole de Lyon donne le « La » sur ce sujet-là. Après, comment je m'embarque ? Par exemple, le 8 novembre prochain, je fais une matinée fournisseurs. Donc, j'ai sélectionné mes principaux fournisseurs. J'en invite sept et ils sont ravis et ils viennent. Les sept viennent, c'est cool. Et l'idée, c'est de leur montrer le cap et la vision et l'engagement de Racine, et d'échanger également sur les bonnes pratiques qu'ils peuvent avoir. Donc c'est créer des rendez-vous à la fois en amont, en aval, clients, fournisseurs, de tout ça. Quelque chose de plus ambitieux et qui raccroche au gros projet d'Ecopole sur le destin de Vauls en Velin, à 5 ans, c'est de créer un tiers-lieu, oui et non, parce que ça sera chez nous, mais un lieu... Demain, on imagine faire le siège social sur cette plateforme et à ce moment-là un lieu pour la profession, à la fois du recyclage, du paysage, qui soit un lieu inspirant de conférences et de technologies pour justement nous aider tous à embarquer et aller plus vite, plus fort, plus loin ensemble.
- SG
Parce que le régénératif, c'est ce dont tu parles là, c'est quand même la coopération finalement. C'est aussi de voir Le business, entre guillemets, différemment, puisque là tu invites quelque part des gens qui sont aussi concurrents.
- CL
Oui, tout à fait. Par exemple, sur la terre enrichie, aujourd'hui, je n'hésite pas, en tant que producteur de compost, à vendre du compost à des concurrents qui font de la terre enrichie. D'accord. Donc c'est de la coopération un peu étonnante, mais en fait, voilà, c'est que je ne suis pas stressé avec ça, quelque part, d'aider la profession en général et ce produit qui est nécessaire, je pourrais garder le compost pour moi et couper l'herbe sous le pied, même si d'autres trouveront du compost ailleurs. Mais l'idée c'est du compost issu du recyclage local, du déchet local, ça plaît à mes clients, ça entretient aussi un lien qui n'est pas concurrent du coup. C'est des confrères, c'est coopération, on peut s'aider. Donc c'est aussi comme ça qu'on a... on embarque tous dans le même bateau, c'est qu'on arrive à échanger sur nos innovations assez facilement.
- SG
Est-ce qu'il y a d'autres leviers ?
- CL
Alors, je vais passer au scan tous mes produits, faire les ACV, c'est parti, avec la BPI et Copocorma, on a commencé, et on va essayer de comprendre comment un produit est plus ou moins impactant sur l'environnement. On va le scorer, on va créer une note ou des étoiles, on va voir, pour faire comprendre après à nos clients que tel ou tel produit est plus vertueux. Donc encourager nos clients à prendre les plus vertueux, petit à petit délaisser ceux qui le sont moins, parce que parfois, oui, on a du paillage minéral en négoce, issu de l'extraction, on n'est pas parfait. Donc l'idée c'est de délaisser petit à petit ceux qui sont les plus impactants. Encourager ceux qui sont les plus vertueux. Et ça va nous aider aussi parce qu'on va être formés à concevoir la formulation de produits à base de matières premières qui sont moins impactantes pour aussi revoir la formulation. Il y a un sujet chez nous, enfin dans le monde du terreau, c'est de ne plus mettre de tourbe dans les supports de culture. Donc nous d'ailleurs, on n'y arrive déjà pas trop mal parce qu'en moyenne, on met 1 à 2 % de tourbe dans nos terreaux, ce qui est quand même très faible. Il y a beaucoup de produits où il n'y en a pas. Mais il y en a encore toujours trop. Ça fait quelques centaines de mètres cubes quand même au total. Et là, il faut arriver à les enlever totalement, parce qu'il n'y a rien de pire que ça : la tourbe. Ça vient de très loin, des pays baltes, et en plus, c'est un lieu humide de biodiversité incroyable. Donc, je crois qu'il n'y a rien de pire que d'utiliser la tourbe dans nos supports de culture. Mais c'est dur. C'est dur, c'est aussi un témoignage. Tout n'est pas parfait et c'est dur parce qu'en fait, il n'y a pas mieux aussi que la tourbe pour faire pousser une plante. Donc, c'est compliqué de trouver une substitution naturelle, renouvelable, à partir de déchets idéalement, de la tourbe. Ça, c'est un exemple où c'est dur.
- SG
Si je digresse un peu, ça ne va pas être simple quand on reprend une entreprise familiale, justement pour ces messages. Parce qu'en fait, il faut quand même garder une rentabilité, il y a des gens à payer. Ce n'est pas si simple que ça a portER quand même.
- CL
Non, ce n'est pas si simple. Mais on y arrive parce que finalement, avoir une marge d'avance par rapport au marché, par rapport à ce qui est de toute façon va arriver ça fait partie de la seule façon de durer avec robustesse pour prendre un terme cher à la CEC. Donc à un moment donné on n'a pas le choix que de s'adapter autant s'adapter le plus vite possible ça coûte un peu, mais au final sur le long terme c'est parce que finalement c'est ça je reboucle au contraire la boîte familiale c'est le bon modèle justement, parce que c'est une vision long terme, patrimoniale et pas financière de court terme avec des résultats. J'ai une rentabilité, certes, c'est normal, mais d'ailleurs, elle est moyenne, parce que je suis tout le temps en train d'investir. C'est un truc de fou. On a doublé le chiffre d'affaires en 5 ans et triplé en 10 ans. Parce que j'investis comme un malade. Mais c'est au service de la pérennité de la boîte.
- SG
Et tu parlais des collaborateurs, est-ce que tout le monde comprend ça ?
- CL
Il y a quelques freins, parce qu'il y a des longueurs qu'ils ont parfois du mal à comprendre. Le projet Solaris à Écopôle, la couverture photovoltaïque, ça fait déjà quelques années que j'ai cette vision-là. Avec la CEC, on met les jalons, on accélère, mais c'est très long. C'est très long, il y a des points réglementaires incroyables. Donc là, il y a des freins administratifs et réglementaires qui sont parfois mal compris. Il y a des freins parce que c'est le quotidien qui revient au galop. Il y a des freins quand même parce que parfois, ça coûte plus cher. Alors, ce n'est pas pour me contredire, mais il y a certains points, on veut être vertueux. Et puis, non, parfois, ça coûte vraiment trop cher. Alors, il faut quand même faire la part des choses. Par exemple, moi, j'ai voulu être irréprochable sur le tri de certains déchets. Je suis passé par une société qui me proposait des choses. À la fin, au bout d'un an, je fais le bilan, ça me coûtait 1 200 euros la tonne. Ce n'est pas possible. C'est 5 à 6 fois le coût du DIB qui, aujourd'hui, coûte très peu le plus cher. Non mais à un moment donné... il y a des freins parfois économiques sur certains sujets. Sur d'autres, comme je l'ai dit tout à l'heure, ça peut s'avérer cocher à la fois l'économie et l'environnement. Mais sur certains points, il faut quand même faire attention à ce qu'on fait.
- SG
Mais il faut garder le cap sur une vision à long terme. Et justement, vous êtes où dans 10 ans ?
- CL
Dans 10 ans, on va... Non, ce n'est pas simple. Alors, tenir notre position de leadership sur le recyclage de déchets organiques par compostage, tenir ce cap est un travail de longue haleine. Parce que finalement quand on n'a pas de parts de marché c'est plutôt sympa parce qu'il y en a tout à conquérir. Là, il faut maintenir. C'est déjà tout un travail. Se développer en dehors de Lyon deviendra je pense une nécessité. L'axe Paris, l'axe Genève sont des cibles de développement pour dupliquer potentiellement ce qu'on fait sur l'Inde. un déchet, faire une ressource. adapter la ville, donc en périurbain. Donc dans 10 ans, je vois potentiellement dupliquer le modèle lyonnais. Mais après, sur Lyon, puisque c'est quand même la priorité, on va passer tout de suite ses parpilliers, c'est dans 10 ans, j'arrive, j'ouvre le portail d'Ecopôle, et là, je vois... Je vois 150 000 m² de hangars incroyables qui, en autonomie, alimentent les broyeurs. Il y a moins de bruit, il n'y a plus de pollution et on a un impact net positif. D'accord.
- SG
Parce que vous faites du compost, mais vous faites aussi du bois de chauffage.
- CL
Oui, on a... Donc les chaufferies bois,
- SG
c'est aussi quelque chose qui est un marché intéressant.
- CL
Alors pourquoi on fait du bois de chauffage ? Parce que quand on crible la maturation... Oui. qui est donc le déchet vert qui d'abord est broyé, qui fermente et qui mature. Quand on passe l'étape de criblage et qu'on obtient du compost qui est la partie fine, on génère un déchet qui est un déchet de bois, la fraction ligneuse du déchet vert. Ce déchet devient une matière première secondaire quand on la retravaille. On y associe de la palette qui n'a pas été réemployée, de la souche, du gros bois. On fait un mélange biomasse et qu'on va proposer aux chaudières pour les réseaux de chaleur des habitants (Gerland, Rillieux, Satonnay, Vénissieux, Vaulx en velin, La Duchère...). Donc oui, on fait du bois énergie parce qu'on s'est retrouvé avec un déchet au moment de faire du compost. Et ce qui est... Je boucle le truc parce que c'est vraiment le modèle de Racine. En fait, quand on fait du bois énergie, on sort la fine de biomasse, le 0,10 mm, qui apporte de l'humidité qui n'est pas forcément souhaitée dans le bois énergie. Ça, c'est un déchet aussi à ce moment-là. Un déchet qui devient là aussi matière première secondaire, pour une matière première de nos terreaux. La boucle est bouclée en général avec la synergie des trois activités : compostage, bois énergie, terreaux, je n'ai pas de déchets. C'est ce modèle-là que j'aimerais dupliquer potentiellement avec des compostières un peu plus classiques, il y en a 900 en France quand même, et qui ne demandent qu'à se transformer avec ce modèle-là, pour aider à être disponible pour les paysagistes, pour apporter des fournitures et transformer la ville.
- SG
Bon, là, c'est le discours du dirigeant et de l'offre. Et toi, est-ce que ça t'a changé dans ton leadership de faire la CEC ?
- CL
Alors, j'ai réalisé que je ne pouvais pas y aller tout seul et qu'il fallait embarquer. Parce qu'à un moment donné, si je n'apporte pas un changement de regard ou une conviction, par exemple, auprès de mon directeur commercial, il va vendre, vendre, vendre. Et ça sera son premier objectif. Non, là, quelque part, maintenant, Racine fait attention, Racine va renoncer à certaines choses. Le développement de marché qui consomme de la tourbe est un exemple. Donc, en fait, mais cela dit, je ne peux pas uniquement, je ne peux pas l'imposer. Donc mon leadership, c'est oui d'avoir la vision, le cap, sans avoir une personne qui impulse, ce n'est pas possible. Donc c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. Et là il faut embarquer. Et puis pour que ça fasse effet de boule de neige parce que mon directeur commercial il a quatre commerciaux qui travaillent avec l'exploitation etc. Donc il faut faire effet boule de neige, mon leadership c'est emmener, il y a plein d'idées encore pour emmener tout le monde, et c'est en cours et il y a encore plein de choses.
- SG
On sait que la plus grosse difficulté c'est quand même d'embarquer, c'est bien le problème d'un dirigeant c'est que parfois il va trop vite, il faut qu'il emmène tout le monde. Qu'est-ce que tu dirais à ton dirigeant qui écoute et qui se dit bah moi tiens j'aimerais bien me lancer dans ce côté régénératif, mais je sais pas par quoi commencer.
- CL
Alors je lui dirais quand même que la volonté d'aller sur le... d'adapter son modèle et d'aller vers le régénératif c'est une bonne idée parce que je lui dirais même vas-y fonce parce que de toute façon si tu n'y vas pas, tu vas te faire rattraper et tu seras plus résistant sur le long terme. Après... On retourne sur l'emmener ses collaborateurs. Et c'est les petits pas. Alors par exemple, The Week, il y avait deux options pour le proposer aux salariés. Soit je l'imposais, en disant les gars, il y a un truc qui est super, allez-y. Je n'ai pas fait comme ça. J'ai proposé, j'ai expliqué ce que c'était et j'ai laissé la main aux volontaires. Je pense que... Il faut y aller vraiment petit à petit, ça peut prendre plusieurs années, mais je préfère que ça passe par ceux qui sont déjà convaincus ou ceux qui sont ouverts pour le devenir. Et à ce moment-là, ça va germer, faire des graines de toit. Parce que si on commence à braquer par obligation des gens qui nous regardent comme des extraterrestres, ça va tout bloquer. Donc il faut y aller. Donc c'est frustrant parce qu'on veut aller vite, effectivement. Je pense que... Mais attention, je ne donne pas de leçons.
- SG
Non, non, mais justement, ce n'est pas l'objectif.
- CL
Mais je pense, là par exemple, le pratiquer avec The Week, en laissant plutôt la main à ceux qui sont volontaires pour espérer l'effet boule de neige. Mais qui aura lieu si moi je veille à entretenir ce fil conducteur et ce sujet-là. C'est-à-dire que maintenant, quand je fais des points d'activité, aux vœux, aux séminaires, j'essaye qu'on y retrouve tout ça. Là, on a refondu le site internet. Il n'a rien à voir.
- SG
Oui, d'ailleurs, vous êtes bien engagé sur votre site internet.
- CL
On essaie de l'expliquer, oui.
- SG
Et alors toi, tu es sur la terre. Entre guillemets, c'est plus facile. Mais qu'est-ce que, en trois mots, c'est une petite colle pour finir, si tu avais un patron d'une boîte d'informatique, par exemple, qu'est-ce que tu lui dirais ? C'est quoi le régénératif, en trois mots ?
- CL
L'expression « par et pour le vivant » , qui colle plutôt bien à Racine, c'est-à-dire qu'on part de déchets issus du vivant et on le transforme pour apporter des ressources au service du vivant. Par et pour le vivant. En fait, le régénératif, c'est le vivant qui l'emmène. Donc c'est ça, c'est apporter du vivant dans son modèle. Alors après, punaise, c'est vrai qu'une boîte d'informatique, c'est pas simple.
- SG
t'as dit coopération aussi régénératif c'est aussi tout ça, c'est amener du positif. Bon je t'embête pas plus c'est une bonne colle ! c'est intéressant parce que souvent les gens se posent la question c'est un concept ce truc là donc le régénératif parfois c'est pas évident on peut l'expliquer et le vivant je pense que c'est une bonne c'est aussi une bonne définition quelque chose...
- CL
Oui oui le vivant pareil pour le vivant... Moi, la dernière fois que j'ai entendu régénératif, ça n'avait rien à voir. Pour le coup, aussi, c'était pour l'automobile. Bon, on parlait de freins régénératifs, le système régénératif des freins. Alors bon, je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de vivants dans le frein d'une voiture. Même si demain, là aussi, il y a un sujet de bilan carbone et que certains composants seront peut-être d'origine organique. Je reboucle. Non, ça veut dire qu'il y a une certaine autonomie, une auto-alimentation. Donc trouver un système équilibré qui ne dépend pas d'une extraction et qui puise méchamment la nature.
- SG
Et si tu avais une baguette magique, que tu pouvais changer les règles. Vas-y, on a besoin de ça en ce moment.
- CL
On a besoin de ça. Que tout d'un coup, demain, on se lève et puis tous les produits qu'on achète soient identifiés dans leur bilan carbone. On sait précisément, voilà, vert, orange, rouge, pas carboné, moyennement carboné, très carboné, et que, par magie, du jour au lendemain, tous les produits verts sont détaxés. Ça, ça serait pas mal. C'est une petite solution qui serait quand même plutôt efficace parce qu'avec la marge dégagée, type l'économie de la taxe, d'avoir des marges de manœuvre pour réinvestir dans le régénératif, dans le développement respectueux de l'environnement. Ça permettrait aussi de faire de la bascule au niveau des consommateurs parce que celui qui achète un produit détaxé, peut-être quand même que l'entreprise, au passage, va aussi faire un prix plus sympa sur le marché. Donc, c'est hyper vertueux.
- SG
Voilà, on a fait un appel. Et pour terminer ce podcast, qu'est-ce qui te rend confiant, toi, dans l'avenir ?
- CL
Alors, on est dans un point de bascule assez général. On parle souvent d'une prise de conscience, où la mondialisation heureuse est finie, l'environnement est attaqué. Alors, tout ça, ce n'est pas terrible, mais justement, c'est à ce moment-là qu'il faut un sursaut, un éveil. Et en fait, ce qui me rend confiant, c'est qu'il y a tellement de choses à faire. Il faut tout refaire, en fait. Il faut tout refaire, tout recréer, tout repenser, tout réimaginer. Donc il y a un boulevard pour ceux qui veulent changer le monde. Et je pense qu'il y a de l'énergie à revendre de partout.
- SG
Merci, on va terminer sur ces bons mots parce que nous sommes un vendredi, donc ça va nous donner de la joie. Pour terminer, en tout cas Cédric, merci parce que c'était vraiment inspirant. Et puis c'était joyeux parce qu'on n'est pas là pour pleurer, on est là pour avancer.
- CL
Et merci à toi Stéphane de faire ça et de mettre en avant les entrepreneurs pour leur témoignage. Voilà, c'est du temps que tu passes et merci à toi.
- SG
Bah écoute, moi ça me fait toujours plaisir de mettre en avant aussi des dirigeants de PME, TPE, en plus familiales, tu l'as dit, qui s'inscrivent dans un temps beaucoup plus long que le monde parfois économique voudrait. Et ça, ça fait du bien. Et du coup, je finis toujours par une citation. Alors là, c'est une citation d'un japonais, d'un agriculteur japonais, qui s'appelle Masanobu Fukuoka, ça ne s'invente pas, et qui a dit, « La fertilité d'un sol est le plus grand trésor d'une nation. » Voilà, je pense que ça colle bien avec ce que tu nous as dit. Encore merci.
- CL
Tout à fait. A l'humanité même. Allez, à bientôt.