Speaker #0Bienvenue dans « Élégance et ambition » . Je m'appelle Thalia, et après plusieurs années à décrypter les codes de la classe aisée, j'aide désormais les personnes ambitieuses à gravir l'échelle sociale tout en restant fidèles à elles-mêmes. Ici, on parle d'élégance, de savoir-être et de conseils pratiques pour naviguer dans les cercles les plus prestigieux. Dans ce podcast, je vous partage tout pour transformer vos ambitions en actions concrètes et vous accompagner pas à pas dans votre quête de réussite sociale. Alors installez-vous confortablement et laissez-vous inspirer.
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode, le septième, dans lequel nous allons parler d'un sentiment bien particulier qui s'appelle la honte. Et plus particulièrement, la honte de ses origines sociales. Et donc dans cet épisode, nous allons parler de ce sentiment, dans quel contexte il se déclenche et comment passer outre pour trouver sa place avec élégance. J'ai choisi de vous enregistrer cet épisode parce que je me suis rendu compte que la honte était un sentiment très récurrent parmi mes abonnés avec qui j'échange. D'ailleurs, ce sujet m'a été inspiré par l'une d'elles que je salue, qui se reconnaîtra. Et j'ai le sentiment que la honte, ça reste quand même un sentiment universellement éprouvé par... toutes celles et ceux qui ont connu une trajectoire d'ascension sociale. Donc cet épisode, il va plutôt s'adresser à celles et ceux qui sont plutôt avancés dans leur parcours, qui fréquentent déjà des milieux aisés, malgré le fait qu'ils viennent de milieux modestes. Et ce sentiment de honte, il vient principalement du fait d'avoir changé de classe sociale, de ressentir un malaise parce qu'on a du mal à parler de son passé, de son milieu d'origine. Et parmi les abonnés qui m'en font part, les personnes avec qui je discute dans mon entourage qui ont aussi connu une trajectoire de progression sociale, il y a ce sentiment d'avoir une peur qu'un décalage trop fort soit visible avec son entourage actuel, avec son milieu social actuel. Et je pense que c'est important de faire cet épisode parce que la honte sociale, elle est silencieuse, elle a du mal à s'exprimer, pour autant elle est bien présente. parce qu'elle empêche justement de s'exprimer, de se sentir légitime et de profiter de sa réussite, de profiter des opportunités, de profiter de sa vie. Et donc dans cet épisode, vous allez comprendre d'où vient ce sentiment de honte sociale, comment se réconcilier avec son histoire, même si elle est douloureuse ou hors normes, et quelles attitudes adopter pour se sentir à sa place sans avoir à camoufler ou à gommer qui on est. Et à la fin de cet épisode, vous aurez un regard neuf sur le sentiment de honte et sur vos origines sociales. Vous aurez des outils pour affirmer votre parcours avec élégance dans les sphères sociales où vous ressentez cette honte, où vous vous ressentez différent ou différente. Et vous aurez une meilleure confiance dans votre capacité à créer du lien au sein de votre milieu social sans avoir à vous cacher.
Alors pour commencer, je tenais quand même à revenir sur la définition de la honte, parce que la honte on l'a tous ressentie, mais c'est quand même un sentiment qui est très difficile à décrire, à définir. Dans le dictionnaire, les définitions qu'on en trouve sont les suivantes. C'est un sentiment d'abaissement, d'humiliation qui résulte d'une atteinte à l'honneur, à la dignité. J'ai encore pu lire que la honte c'était le sentiment d'avoir commis une action indigne de soi, ou la crainte d'avoir à subir le jugement défavorable d'autrui, ou encore le sentiment pénible d'infériorité ou d'humiliation devant autrui. Et avec toutes ces définitions, on voit bien que la honte, c'est un sentiment éminemment social. On n'a jamais honte tout seul, on a toujours honte face aux autres, ou du moins face aux suppositions qu'on peut faire du regard des autres. Et donc rapporté à la question de l'ascension sociale, si je devais tenter une définition de la honte à travers ce que moi j'en ai connu, je dirais que c'est une sorte de malaise diffus qu'on a du mal à nommer et qu'on ressent quand on entre dans un environnement où on ne connaît aucun code familier. Et par conséquent, ce sentiment de honte, il est indissociable de cette idée de choc culturel dont j'ai parlé dans le premier épisode de ce podcast. dans lequel j'expliquais ce sentiment de choc culturel. Vraiment, cette honte, si vous l'avez déjà vécue, c'est une impression de ne pas avoir les bons mots, de ne pas connaître les bons sujets ou les bonnes manières qui génèrent un sentiment d'être en trop, de déranger dans la conversation et d'avoir l'impression d'avoir tous les regards sur soi, des regards qui jugent et qui doivent se dire « Mais qu'est-ce qu'elle fait là, celle-là ? Elle n'est pas de notre monde. » C'est une anecdote dont je n'ai pas parlé dans le précédent épisode, dans l'épisode 6 sur la culture, mais j'aurais tout à fait pu la raconter dans cet épisode pendant mon premier poste en ambassade. J'avais une collègue qui venait de Sciences Po comme moi, à ceci près qu'elle avait grandi dans un milieu favorisé. Et un jour, elle s'est mise à avoir une conversation avec notre N plus 1, qui était un polytechnicien. Ils se sont mis à avoir une conversation sur la musique classique et le piano. La scène s'est déroulée dans notre bureau et je les écoutais parler de toutes ces références musicales. J'étais fascinée, j'étais très intéressée par ce qu'ils se racontaient, mais j'étais incapable de participer à la conversation. J'avais ce sentiment d'être en trop et j'ai éprouvé ce sentiment d'infériorité à me dire mais je veux niquer connais rien, je suis vraiment nulle, je n'appartiens pas à ce monde, je suis un culte. Ce sentiment de honte, il peut aussi se manifester quand on nous demande d'où on vient, nos origines, où est-ce qu'on a grandi, dans quelle école on a été, ce qu'on a fait comme études et souvent dans des milieux où la norme c'est d'avoir grandi à Paris ou dans des grandes villes. d'avoir fait des études dans des écoles prestigieuses, dès qu'on doit raconter son passé ou mentionner le métier de ses parents et que nos parents n'ont pas eu des carrières prestigieuses, on a ce sentiment de honte qui fait qu'on a du mal à raconter d'où l'on vient et ce que l'on peut avoir vécu plus jeune. Et ce n'est pas forcément lié à l'argent. on peut très bien voir réussit sa vie sur le plan financier par exemple, très bien gagner sa vie parce qu'on a fait une carrière dans un secteur qui est très rémunérateur mais au final on se retrouve propulsé dans un milieu social qui n'était pas le nôtre à la base et on finit par se rendre compte qu'en termes de langage, d'attitude, de référence on se sent parfois un peu différent parce que toutes ces choses Tous ces éléments nous sont presque étrangers, on a dû les découvrir comme on apprendrait une nouvelle langue. Et donc cette idée de honte, elle fait appel à un concept sociologique qui a été, alors pas créé, mais popularisé plutôt par Pierre Bourdieu dans son ouvrage La Distinction, qui s'appelle l'habitus. Et l'habitus, c'est un ensemble de dispositions, de réflexes, de goûts. et d'attitudes acquises dès l'enfance dans un certain milieu social. C'est, en d'autres termes un peu plus recherchés, la manifestation d'une intériorisation mentale des structures sociales. Je ne l'invente pas. C'est, pour le dire de manière un peu plus explicite et plus simple, c'est la manière dont vos comportements se traduisent à travers tout ce que vous avez appris dans votre... environnement social d'origine. Et ça influence tous les domaines de la vie, que ce soit les loisirs, l'alimentation, la culture, le travail, l'éducation, les modes de consommation. L'habitude, c'est ce qui littéralement façonne notre rapport au monde. Ça façonne ce qu'on trouve intéressant. Donc je vous rappelle encore à l'épisode 6 sur la culture. Si on a certains goûts culturels, c'est... parce que ce sont ceux de notre milieu social et pas forcément ceux qu'on trouve foncièrement intéressants. L'habitus, ça façonne aussi la manière dont on parle. Est-ce qu'on parle un langage plutôt familier ? Est-ce qu'on parle un langage plutôt soutenu ? Cela façonne la manière dont on mange, dont on se tient à table, notamment de tenir ses couverts, ou ce qu'on pense être important ou valable. Et donc quand on change de classe sociale, il y a un décalage entre l'habitus acquis dans notre classe sociale d'origine est l'habitus de la classe supérieure ou l'habitus bourgeois. Et ça... C'est ce qui crée une forme de dissonance comportementale et identitaire. Et cela a pour conséquence qu'on ne se sent pas à la hauteur. Non pas parce qu'on est moins à la hauteur objectivement, mais parce que notre cadre de référence a changé. Et ce cadre de référence, c'est celui de la hiérarchie des classes. Parce que dans notre société, il est communément admis qu'il y a une hiérarchie entre les classes sociales. On parle bien de... classe supérieure, de classe moyenne. Alors on ne parle plus de classe inférieure, mais on parle de classe populaire, mais vous avez compris l'idée. On parle aussi de métiers subalternes. Ce n'est pas pour rien. Ça connote une certaine hiérarchie des classes. Et la question de la honte sociale, elle est centrale et elle doit être rattachée à ce concept d'habitus et de hiérarchie de classe sociale, parce que le sentiment de honte, il est lié justement à cette position subalterne de certains groupes sociaux de par leur culture, de par leur métier et de par la conception qu'on en a dans notre société. Quand on se retrouve au sein de la classe supérieure alors qu'on vient de la classe moyenne ou de la classe populaire, c'est ça qui crée ce sentiment de honte. Et à l'inverse, si vous mettiez un patron au milieu d'un groupe d'ouvriers, lui aussi va se sentir mal à l'aise parce qu'il n'a pas le même habitus. il va se sentir en décalage. Pour autant, il ne va pas se sentir inférieur. Pourquoi ? Parce que dans la hiérarchie, le patron est au-dessus de l'ouvrier, que ce soit dans la hiérarchie de l'entreprise ou dans la hiérarchie sociale. Et donc le sentiment d'infériorité qui naît, il vient précisément du fait qu'on croit que notre milieu d'origine, il vaut moins que celui des autres, qu'il est honteux ou qu'il est gênant. Et c'est ça qui donne lieu concrètement à ce sentiment, quand on se retrouve dans un dîner ou un cocktail, n'importe quel événement mondain, avec des personnes CSP+, c'est ce phénomène qui fait qu'on a tendance à se taire par peur de dire quelque chose de bête ou par peur de paraître stupide ou inculte, parce qu'on a peur. que nos références, que quand on parle, ce soit nos références d'origine qui se manifestent, qui s'expriment, que ce soit notre manière de parler issue de notre milieu d'origine. Et on a peur que ça nous fasse passer pour moins qu'eux. Pour ma part, j'ai grandi dans une famille où on ne parlait pas de littérature, d'art ou d'actualité économique à table. Et j'ai assez peu de doutes. que si vous avez grandi dans la classe moyenne ou dans la classe populaire, vous soyez dans ce cas aussi. Donc forcément, quand on parle de ces sujets en contexte social, si on n'a pas l'habitude d'avoir parlé de ces sujets, d'avoir discuté de ces sujets avec notre famille depuis la plus tendre enfance, forcément, la suite logique, c'est qu'on se sente démuni face à ces sujets quand ils apparaissent. Quand bien même on en est parfaitement capable, mais c'est une question d'habitude. Alors je vous rassure, si vous avez déjà ressenti cette honte, ce complexe d'infériorité, sachez que vous n'êtes pas seul. C'est un sentiment qui est largement répandu et documenté, notamment dans la littérature, dans les ouvrages d'auteurs qui ont connu une ascension sociale comme Annie Ernaux, dans La Place, où elle raconte la trahison qui est celle de ses origines quand elle quitte le milieu ouvrier. et qu'elle cache ses origines à son nouvel environnement, qu'elle épouse, je crois, un haut fonctionnaire. Même phénomène décrit par Didier Ribond dans Retour à Reims, ou encore Édouard Louis dans Changer méthode, où il raconte sa transformation et donc cet effacement de son habitus d'origine pour adopter celui de la classe bourgeoise. En tout cas, retenez que vous n'êtes pas foncièrement moins bien que les autres, ou moins que les autres. C'est simplement le cadre social dans lequel vous vous trouvez qui vous fait croire que vous ne cochez pas les bonnes cases. Et ce que vous ressentez n'est pas une preuve d'échec personnel, c'est juste la preuve d'un choc culturel entre deux systèmes de codes, entre deux habitus différents.
Ce qui m'amène à mon deuxième point, à savoir le rapport qu'on entretient avec son passé et son histoire sociale. Ce point, il est essentiel parce que chez les transfuges de classe, il y a cette tendance à rejeter son passé. Sauf que tant qu'on rejette son parcours, ou du moins une partie de son parcours, c'est comme si on avançait avec un frein invisible. Beaucoup de personnes issues de milieux modestes ont intériorisé cette honte sociale. Et ça a été mon cas pendant longtemps. On a honte de son passé familial, de sa scolarité, de ses études, de ses premières expériences professionnelles. À ce sujet, j'ai remarqué que souvent, chez les transfuges de classe qui ont dû travailler pendant leurs études pour financer leurs études, il y avait une certaine fierté à avoir justement cumulé études et emplois étudiants. Et on se rend compte en arrivant dans la classe supérieure... que les personnes de ce milieu ne travaillent pas pendant leurs études. Et donc, on finit par avoir honte de ces premières expériences professionnelles dans des métiers subalternes, parce que c'est le signe qu'on vient d'un milieu défavorisé. Alors, cette honte, elle se manifeste par des petits comportements d'autocensure. On évite certains sujets, on ment par omission, on lisse son histoire, on noie le poisson, en quelque sorte. pour ma part j'étais devenue experte dans l'art de détourner la conversation de ma personne. J'avais développé ce, je ne sais pas si on peut appeler ça un talent, mais cette faculté à, dès qu'on me posait une question, répondre par une pirouette et rétorquer avec une autre question sur un sujet totalement différent ou sur la personne de mon interlocuteur. on a beau utiliser toutes les pirouettes de la Terre, la honte elle reste et elle vient en grande partie d'un conflit. Il faut le comprendre, ça elle vient du rejet de son passé, un conflit intérieur. Et alors pendant mes recherches pour constituer cet épisode, j'ai remarqué que le changement de milieu social faisait appel aux étapes du deuil en psychologie. du deuil, pas forcément du deuil lié à la mort, mais du deuil lié à un changement dans la vie d'importe quelle personne. Et donc en psychologie, il y a plusieurs étapes consécutives à un deuil ou à une perte, qui sont successivement le déni, la colère, la peur. Donc ça, c'est la phase de descente. Et ensuite, on a une phase de remontée qui est constituée par l'acceptation, le pardon, le cadeau caché et la sérénité. Donc je vais développer. On a d'abord la phase de descente, avec le fameux déni. C'est une phase où on rejette son passé en bloc, comme si on refusait sa propre histoire, comme si elle n'avait jamais existé. Ensuite, il y a la colère. La colère, on ne sait pas trop contre qui, ou trop contre quoi, mais en tout cas, c'est une sorte de colère, dans le cas du transfuge de classe, de ne pas être né dans la bonne famille. On éprouve des ruminations, du ressassement. Des pensées du style, il a eu de la chance de naître dans ce milieu, moi je n'ai pas eu ça, je n'ai jamais été autant gâtée, on ne m'a pas offert cette opportunité de ne pas travailler pendant mes études par exemple. Ensuite il y a la peur, peur d'être inadaptée à son nouveau milieu social, peur de ne pas trouver sa place, peur de ne pas être acceptée dans le clan. Et donc cette phase de descente avec ces trois... trois étapes successives, le déni, la colère, la peur, c'est une phase qui peut durer plusieurs années. Plusieurs années pendant lesquelles on fait le deuil de son changement de classe sociale. Et pendant lesquelles, souvent, je trouve que cette phase de descente, elle est précisément associée à ces moments où on a honte, où on ressent ce complexe d'infériorité. Mais on ne peut pas s'arrêter là parce que si on s'arrête à ça, si on reste coincé dans cette phase, On reste coincé dans la honte. Et à mon sens, la clé, c'est justement de reconnaître ce passé, de reconnaître notre histoire, donc à la fois celle de notre milieu d'origine et le fait d'en être parti, socialement parlant, comme une part de soi et de lui redonner sa juste place. Parce que tant qu'on reste dans le déni ou dans la honte, on reste dans une position d'infériorité. On est dans l'ajustement, la justification ou la dissimulation constante. au lieu d'être dans une présence assumée. Le problème, c'est que vous aurez beau utiliser tous les stratagèmes que vous voulez, vous ne pourrez pas réécrire votre histoire. Votre histoire, elle est telle qu'elle est et vous devez l'accepter. Et c'est à partir de ce moment-là que vous pourrez passer à l'étape suivante du deuil, qui est la remontée. Avec plusieurs sous-étapes, notamment en premier lieu l'acceptation, qui n'est pas la négation de son passé, mais plutôt la décision de continuer sa route dans la situation telle qu'elle est, sans la minimiser, ni sans l'exagérer. Et dans cette acceptation, c'est vous-même qui repassez au premier plan, et non pas votre classe ou votre statut social. Et c'est là que vous allez pouvoir vous occuper de vous, de construire votre identité au présent et plus au passé. C'est là que vous allez pouvoir dire « j'exerce tel métier, j'appartiens à la classe supérieure, j'appartiens au monde des privilégiés » . Ensuite, il y a le pardon. D'une part, le pardon à soi-même d'avoir quitté sa classe sociale d'origine, d'avoir rompu avec son milieu initial. Le pardon, c'est aussi renoncer à la pensée magique et à l'illusion de toute puissance sur le fait qu'on peut contrôler son récit, sur le fait qu'on peut réécrire son passé. Le pardon, c'est aussi vis-à-vis de son entourage d'origine. Vous vous souvenez quand je vous disais qu'on rumine, on ressasse ? Eh bien là, le pardon, c'est le fait de pardonner à la vie, au monde, de ne pas avoir grandi dans un milieu assez bien, parce qu'on réalise que ce n'est pas de la faute de nos parents. Ensuite, il y a le cadeau caché. Le cadeau caché, c'est reconnaître que le deuil, le changement, a permis de faire des choses qu'on n'aurait pas pu faire autrement. Si vous étiez né dans la classe favorisée, vous n'auriez pas pu connaître ce parcours, vous n'auriez pas pu développer tous ces trésors d'ingéniosité que vous avez développé pour en arriver là. Si vous étiez né dans un milieu favorisé, vous n'auriez pas développé certaines qualités, vous n'auriez pas vécu certaines expériences uniques, vous n'auriez pas appris certaines choses. Et enfin, la dernière étape de la remontée, c'est la sérénité. C'est quand vous faites la... paix avec votre ancien milieu social et avec votre trajectoire de progression sociale, quand bien même elle a été douloureuse. Et c'est quand vous pouvez évoquer tout cela, votre parcours, vos origines, sans excès d'émotions, que vous vivez dans l'ici et maintenant, avec votre nouveau statut social, avec l'habitus que vous avez acquis ou que vous êtes en train de vous approprier. Vos origines, en quelque sorte, c'est comme les fondations d'une maison. Ce n'est pas ce qu'on voit en premier, mais c'est ce qui permet de vous élever dans les étages de manière franche et solide. Sauf que si vous n'allez pas regarder ce qui se passe en bas dans la cave, dans les fondations, et qu'il y a une fissure, vous risquez de vivre dans un édifice qui est fragilisé. Donc il faut que vous alliez explorer votre histoire et que vous fassiez le deuil de ce changement, de cette perte de classe sociale, parce que si vous avez fait ce parcours, au final c'est peut-être ce que... ce que vous vouliez. Pour aller dans un registre plus concret, voici quelques pistes, quelques outils pour vous réconcilier, pour effectuer ce travail de réconciliation intérieure. La première chose, c'est de revisiter votre propre récit. Prenez une feuille, un carnet et notez vos étapes charnières. Quelles sont les étapes charnières de votre vie ? En général, c'est les études, le premier emploi. Alors le premier emploi pas étudiant, mais le premier emploi prestigieux qu'on a occupé. ou la rencontre avec un partenaire de rang social plus élevé. Et qu'est-ce que ces expériences vous ont appris ? Et quelle qualité vous avez développé pendant ce processus ? C'est un travail qui va vous aider à transformer votre perception de choses que vous voyez comme des faiblesses, alors qu'en fait ces éléments étaient de véritables leviers, de véritables forces. Par exemple, quand vous dites « je ne connais pas les codes » ou « j'ai du mal à comprendre les codes » , Le fait que vous ayez... acquis ce niveau social montre que quelque part vous avez appris les codes et que donc vous êtes capable d'adaptation. Et vous pouvez faire cet exercice avec plein d'expériences que vous avez vécues et vous verrez que souvent les qualités qui ressortent, ce sont en général l'ingéniosité, la persévérance, la résilience et plein d'autres que vous trouverez, je suis sûre. Ensuite, il faut regarder son parcours avec des yeux d'adulte. Ce que vous avez vécu, ce n'est pas honteux. sortir d'une condition sociale qui n'est pas la plus confortable, ce n'est pas une honte, c'est la preuve d'une grande force et d'une grande résilience. Parce que quand on a grandi dans un contexte difficile, je vous assure que c'est vraiment ça qui forge des qualités humaines rares. Et la troisième clé, c'est de changer d'angle. Je m'explique. Au lieu de vous dire, je viens d'un quartier populaire, donc je vaux moins, apprenez à voir la chose différemment et à vous dire, je viens d'un quartier populaire et pourtant, malgré ça, j'ai réussi à en arriver là. Ça veut dire qu'ajouter toutes les qualités que cela a nécessité pour votre parcours. Vous voyez la différence ? D'une part, vous vous dites, bon, mon parcours... cours, il est tel qu'elle est, et donc ça veut dire que je suis inférieur. Et si vous changez votre perspective, il suffit de faire un pas de côté, et vous verrez qu'en changeant de perception, avec la même histoire, on peut avoir un récit différent. Plein de personnes ont réussi à faire ça, notamment des personnalités publiques, des artistes, des intellectuels qui viennent des milieux défavorisés, qui aujourd'hui parlent avec fierté, je ne sais pas. mais qui en tout cas parlent de leurs origines modestes parce qu'elles savent que c'est ce contraste qui donne du relief à leur parcours. On peut citer, alors je les ai déjà cités, Annie Ernaux, Édouard Louis, Didier Eribon, mais en tout cas, ce sont des personnes qui ont réussi à parler sans détour de leur ascension sociale douloureuse. Je trouve que c'est toujours douloureux. Si vous avez des récits d'ascension sociale qui n'ont pas cette dimension, je suis preneuse. Mais en tout cas, comme ces personnes, vous pouvez arriver à transformer votre honte, ces sentiments désagréables, ces sentiments douloureux en matière à réflexion et en armes, quelque part. En l'occurrence, Annie Ernaux, elle a sublimé son parcours pour en faire un chef-d'œuvre littéraire. Et donc au fond, ce n'est pas... Votre origine qui compte vos origines, c'est plutôt ce que vous en faites et comment vous les mettez en récit. Et plus vous serez à l'aise avec votre histoire, plus vous pourrez évoluer dans n'importe quel milieu, dans n'importe quel cercle, sans vous sentir en porte-à-faux. La clé, c'est vraiment cette acceptation de soi qui passe par l'acceptation de son histoire et donc du changement. Parce que ce n'est pas en gommant votre passé que vous gagnerez en légitimité. Au contraire, c'est en apprenant à le raconter avec justesse, avec force et avec dignité.
Mais alors, une fois qu'on a fait ce travail, qui est un travail quand même assez introspectif, tout seul dans sa chambre, à son bureau, avec son carnet, comment on fait concrètement en situation sociale pour dépasser la honte avec grâce, épanache et élégance ? Parce que même après avoir fait ce travail, au final, la honte, elle peut ressurgir dans certains contextes concrets. Et c'est une chose d'être à l'aise avec soi-même, avec son petit carnet d'introspection, mais c'en est une autre d'être serein face aux questions des autres. Et les questions, elles peuvent apparaître dans plein de contextes. Dans un dîner mondain, lorsqu'on nous pose des questions sur nos parents, notre enfance, nos études, dans une conversation avec des collègues. Et donc l'enjeu ici, ce n'est pas de gommer votre histoire, mais encore une fois de vous l'approprier, de la posséder pleinement. L'enjeu du travail pour vous, ça va être d'être capable de parler de cette histoire avec calme, fierté, avec détachement presque, éventuellement avec humour, mais en tout cas sans ce malaise, sans cette honte et aussi sans avoir à minimiser ou à surjouer. surjouer. Parce que ce qui nous gêne vraiment... en tant que tel, ce n'est pas ce qu'on a vécu. C'est plus le regard qu'on imagine que les autres vont porter dessus. La honte, c'est vraiment un objet social. On a toujours honte par rapport au regard des autres. Si on habitait tout seul sur une île déserte, on n'aurait pas honte. C'est vraiment ce regard des autres qui est central, ou plutôt la perception de ce regard des autres. Et donc concrètement, comment on fait pour gérer ces situations où on nous dit « Ah, et tes parents, ils font quoi ? » Alors le plus simple... c'est de préparer à l'avance vos répliques. Pour ne pas avoir à être mis devant le fait accompli et face à une question qui pour vous est gênante, de vous retrouver à faire « Ah, euh, bah, euh, euh... » Vous voyez l'idée ? Donc préparez vos réponses aux questions qui vous gênent le plus. Si c'est sur la profession de vos parents, eh bien, préparez. Une réponse toute faite, prête à l'emploi, sur la profession de vos parents. Si c'est votre ville, la ville où vous avez grandi, qui vous gêne, parce que vous avez vécu dans une ville qui a une connotation populaire, comme Trappes, Mantes-la-Jolie, Nanterre, eh bien, préparez votre réponse. Si c'est la question de vos études, préparez votre réponse. Le but, c'est de reprendre contrôle de votre récit personnel. et d'éviter d'avoir à improviser sous le stress. Et si vous avez déjà fait du théâtre d'improvisation, vous savez qu'une bonne improvisation, ça se prépare. Et oui. Ce qui vous permettra également de savoir rebondir avec tact si une remarque vous met mal à l'aise. Ça peut arriver, alors c'est pas forcément volontaire, souvent ça ne l'est pas, mais quand quelqu'un vous fait une remarque un peu maladroite parce qu'elle a un ton condescendant. Par exemple, on vous demande où est-ce que vous avez grandi, et la personne vous répond « Ah bon, vous venez de là-bas ? Ça se voit pas du tout ! » Sous-entendu, vous avez grandi chez les sauvages ? pas de notre monde, mais vous avez quand même bien réussi à masquer, à cacher votre jeu. Face à ce type de réponse, vous pouvez par exemple répondre « Merci, je prends ça pour un compliment » . Voilà, ça peut être des petites réponses préparées. Et puis si jamais vous n'arrivez pas à trouver de réponse, ce n'est pas grave, ça arrive à tout le monde. Vous savez ces fameux moments où dans l'ascenseur vous vous dites « Ah, j'aurais dû dire ça » . Alors une autre posture mentale que je vous conseille d'adopter, ou plutôt une compétence que je vous suggère de développer, c'est d'apprendre à observer et à guider une conversation. Dans les milieux élitistes, les conversations suivent souvent des codes assez implicites. On parle de certains sujets, en particulier notamment la culture, l'actualité ou les voyages. Et c'est une excellente compétence, trop peu souvent mise en valeur, que de savoir diriger une conversation vers des sujets qu'on maîtrise ou qu'on a envie d'entendre. au lieu de s'effacer dans une conversation. Par exemple, vous vous retrouvez complètement perdu. Reprenons un exemple, quand j'étais face à ma collègue et notre chef qui parlait de musique classique. Dans ce cas, on peut prendre part à la conversation en disant « Il se trouve que je ne connais pas très bien ce sujet, mais ça me fascine depuis longtemps et je n'ai jamais osé m'y plonger. Est-ce que vous pourriez m'en dire plus ? est-ce que vous pourriez ? me donner des pistes ou des recommandations. Vous avez la technique du changement de conversation par association. Donc par exemple, quelqu'un parle d'un sujet et il se trouve que ça vous rappelle un livre que vous avez lu et vous pouvez dire « Ah, et bien ce que vous dites, ça me fait penser à une lecture que je fais récemment. » Voilà, et vous détournez le sujet sur un sujet culturel. Ou alors, il y a la technique du coq à l'âne où vous dites simplement Je change totalement de sujet, mais... Et vous parlez d'un autre sujet, culturel, d'actualité, peu importe. Mais en tout cas, le but, c'est de vous sentir acteur ou actrice dans l'échange, au lieu de vous mettre en retrait. Vous pouvez très bien rester acteur en observant, et ensuite en intervenant d'une manière ou d'une autre, de manière à soit rebondir sur le sujet pour faire... parler votre interlocuteur, ça peut être aussi une technique pour guider la conversation, vous faites en sorte que la personne à qui vous parlez continue de s'exprimer, et vous vous l'écoutez bien évidemment. Le dernier conseil que j'aurais à vous donner, c'est intérieurement de vous placer dans une posture d'égalité et pas d'infériorité. Je m'explique. Souvent, quand on est face à des personnes qui sont plus diplômées que nous, ou Merci. manifestement plus riches ou plus connus, on a tendance à se dévaloriser et à se dire « moi je vaux moins que telle personne » , surtout quand on vient de milieux modestes. L'idée c'est de se dire « non, je ne suis pas moins, je suis autant, je vaux autant » . Alors ça c'est bien de se le dire dans sa tête, mais cette attitude elle va se voir aussi dans votre posture. Donc quel que soit le contexte social dans lequel vous êtes, c'est de toujours... d'être toujours guidé par une posture digne et droite. Quand je parle de posture, c'est de posture corporelle. Donc garder le buste droit, le regard droit, franc et affirmé, une voix posée, des gestes maîtrisés, ça va vous aider à vous sentir en confiance, parce que le corps a aussi un impact sur la manière dont on se sent intérieurement. Et ensuite, ce qui va faire que vous arriverez à vous approprier cette posture d'égal à égal, c'est d'une part de ne pas faire en sorte de tout faire pour prouver sa valeur. Vous n'avez pas besoin de montrer que vous savez des choses sur tel sujet. Vous n'avez pas besoin d'étaler votre culture. C'est totalement inutile, voire contre-productif. Dans tous les cas, même si vous ressentez de la honte ou de l'inconfort, apprenez à être à l'aise dans cette honte et dans cet inconfort. Parce que même si on est à l'aise avec son récit, avec son histoire personnelle, ces sentiments peuvent toujours ressurgir. Et souvent, quand ces sentiments y remontent, on a tendance à s'effondrer intérieurement et ça se transcrit dans le corps. On a tendance, quand on est mal à l'aise dans une conversation parce qu'on a ce complexe d'infériorité qui ressort, on a tendance à s'effondrer, on a les épaules qui s'affaissent, on se rabougrit comme si on voulait disparaître. Vous, vous ne le voyez pas forcément, mais c'est ce qui se passe physiquement. Et donc la première étape pour retrouver de l'aisance dans cet inconfort, c'est d'une part prendre une grande inspiration, redresser le buste pour vous redonner un peu de consistance. Et ensuite, la gymnastique mentale à adopter, c'est la suivante. C'est d'identifier premièrement le sentiment qui vous traverse, d'identifier la honte, de dire « Ah, je ressens de la honte » ou « Je ressens de l'anxiété, je ressens de la gêne » . Et attribuer une étiquette à ce que vous ressentez. Est-ce que c'est de l'autocritique ? Est-ce que c'est de la colère ? Est-ce que c'est de l'anxiété ? Parce que le simple fait d'arriver à nommer ce que vous pensez peut vous permettre de désamorcer le pouvoir de ces émotions négatives. Ensuite, neutraliser ces émotions négatives en dépersonnalisant l'expérience. Et pour cela, utilisez une formulation neutre. Donc juste avant, je vous ai dit, identifiez le sentiment « je ressens de la honte » , et bien là, vous allez dépersonnaliser en disant non pas j'ai honte ou je ressens de la honte, mais il y a de la honte qui est ressentie. Vous voyez la différence ? Vous tournez à la forme impersonnelle. Comme si vous étiez un scientifique qui observe un phénomène. Dites, oh tiens, il y a de la honte qui passe dans mon esprit. Faites un pas de côté, prenez un peu de distance vis-à-vis de vos émotions. Alors ça peut paraître un peu long et fastidieux, mais vous verrez qu'à force de pratiquer cette gymnastique intérieure, elle deviendra automatique. Et une fois qu'on a fait ça, reconnectez-vous au moment présent. Écoutez la conversation qui se passe devant vous quand bien même vous avez l'impression d'être à côté de la plaque. Souvent ce sentiment d'être à côté de la plaque vient du fait qu'on se déconnecte du moment présent parce qu'on se concentre sur son monde intérieur et sur toutes les pensées négatives qui commencent à surgir. Donc faites ce travail, identifiez le sentiment, neutralisez-le et ensuite reconnectez-vous au moment présent. écouter la conversation sans chercher une réponse ou une réplique. Dites-vous que c'est une opportunité d'apprendre de nouvelles choses. Par exemple, si la conversation tourne sur de la littérature et que vous entendez des noms d'auteurs ou sur de la musique et que vous entendez des noms de compositeurs ou des noms de spectacles, eh bien, notez dans votre tête tout ce qui se dit. Et éventuellement, dès que vous allez aux sanitaires, vous sortez votre téléphone, vous notez ça dans une... dans une note pour ne pas oublier et revenir plus tard. Et faire votre petit travail de recherche pour développer votre culture dans ce domaine. Dernière chose, si vous assumez votre passé, il se peut que vous finissiez par rencontrer des alliés, d'autres transfuges de classe dans ces milieux, et il y en a bien plus que vous ne le pensez. Ça va vous permettre de créer de la connivence avec des personnes qui ont eu une trajectoire similaire. Donc plutôt que de dissimuler, soyez fiers de votre parcours et vous verrez que vous n'êtes pas tout seul dans ce cas. Donc retenez bien que ce n'est pas votre passé qui vous freine en tant que tel, c'est plutôt la honte que vous en avez. Et cette honte, on peut très bien la transformer en une force.
J'en viens à la fin de cet épisode et j'aimerais que vous reteniez trois éléments. Le premier, c'est que cette honte, elle est construite et intériorisée, mais surtout, elle est normale. Je ne connais pas de transfuge de classe qui n'a jamais ressenti de honte. La deuxième chose, c'est que votre histoire, quelle qu'elle soit, vous ne pourrez pas la changer. Donc votre seule issue, c'est de l'accepter. Et pour ça, il faudra en passer par ces étapes du deuil, le déni, la colère, la peur. Et puis remonter par l'acceptation, le pardon, le cadeau caché pour finalement atteindre la sérénité. La dernière clé, c'est d'assumer pleinement votre histoire. Voyez votre passé comme une force et pas comme un boulet. C'est justement parce que vous venez d'un autre milieu, d'un autre monde, que vous avez quelque chose de précieux à apporter, que vous avez développé des forces et des qualités qui seront des atouts. précieux et indispensables dans le milieu que vous avez rejoint. Et pour finir, si vous vous êtes reconnus dans cet épisode, s'il vous arrive d'encore ressentir cette gêne, cette peur de ne pas vous fondre dans le décor, je veux que vous reteniez bien cette chose. Si vous en êtes arrivés là, c'est que vous l'avez mérité. On n'arrive jamais là-haut par hasard.
Si cet épisode vous a plu, s'il vous a inspiré, si vous vous êtes reconnu, je vous invite à laisser une note et un commentaire 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute, c'est vraiment ce qui aidera à faire connaître ce podcast, notamment auprès de celles et ceux qui se sentent seuls ou honteux dans leur parcours d'ascension sociale. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode jusqu'au bout. et quant à moi il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une excellente journée ou une excellente soirée où que vous soyez et je vous dis à très bientôt pour un prochain épisode d'élégance et ambition.