Speaker #0Bonjour, je m'appelle Grégoire Cochoir et je suis cardiologue. Je vous propose à travers ces podcasts de vous partager mon univers professionnel et de vous faire découvrir une étonnante machine, votre cœur. A travers des conseils pratiques, des interviews de soignants ou des récits, des témoignages poignants de héros du quotidien, ce podcast a pour but de vous toucher en plein cœur. Bienvenue dans cet épisode consacré au sport. Avant de commencer, si vous ne voulez pas rater un épisode et recevoir une notification, je vous invite à vous abonner à l'émission, cela fera aussi grandir la communauté. 2h00, 0 minute, 35 secondes. C'est le record du monde du marathon établi par Kevin Kiptham lors du marathon de Chicago le 8 octobre 2023. Doit-on s'en réjouir ? Cette question est évidemment rhétorique à l'heure des Jeux Olympiques de Paris qui arrivent très bientôt. Si je vous dis maintenant, Martine, 65 ans, sort d'une séance d'une heure d'aquagym avec ses copines et son petit coach préféré, Alejandro, et plus tard dans la journée, elle ira marcher en forêt avec son chien une petite heure, car après tout, ça lui fait du bien. Selon vous, qui de ces deux personnes sont des sportifs ? A travers ce podcast aujourd'hui, je voudrais vous partager sous un angle médical mais aussi personnel deux choses. En premier lieu, dédiaboliser ce mot sport. Ensuite, vous vous amenez à la finalité suivante. Bouger n'est pas qu'important pour votre santé, c'est aussi une source de plaisir. Et le plaisir, soyons honnêtes, nous y sommes tous accros. Et c'est ce que nous cherchons finalement tous pendant notre passage sur Terre, les sources en sont évidemment infinies, mais vous verrez que l'activité physique peut nous y amener facilement. Petit disclaimer, entendez dans mes propos que je ne prétends pas détenir LA vérité, et j'aime bien dire en matière de point de vue quelque chose emprunté à la programmation neurolinguistique. La carte n'est pas le territoire. Alors, si vous aussi vous souhaitez en savoir un peu plus sur ce que j'aimerais vous partager, je vous invite à mettre vos plus belles chaussures de running à paillettes, mais pas à talons, et on y va. Allez, on y va ! Je sais pas vous, mais le sport, c'est un mot qui résonne mal. Quand je parle à mes patients de faire du sport, j'ai l'impression d'avoir dit quelque chose de tabou. Les réactions sont assez épidermiques, sinon viscérales. En soi, le mot sport ne fait pas l'unanimité. Mais pourquoi ? Car faire du sport résonne comme un ordre, et ce mot est malheureusement trop teinté du poids de l'évaluation, et je suis même à peu près sûr que vous y voyez déjà la note de sport au lycée, sinon la médaille trop durement obtenue. Alors, on utilise des mots plus nuancés, on ne fait pas du sport, mais de l'activité physique. Et en fin de compte, c'est cette richesse de la langue française qui nous fait écrire le monde avec une plume un peu plus inclusive, et c'est bien tant que les mots servent la cause. Pour certains, le sport c'est la performance, le dépassement de soi. Pour d'autres, le sport c'est la convivialité, le bien-être. Demandez à un golfeur son moment préféré. Il est fort à parier que certains vous diront le clubhouse à boire une petite mousse entre potes, quand d'autres vous diront le magnifique eagle sur un par 3 au fair 7 sans même toucher le titre. Pour les non-initiés, c'est faire un trou en un seul coup, là où on s'attend à le faire en 3 habituellement. Bon, je ne polémiquerai pas si le golf est un sport, car oui, c'en est un. Alors, c'est peut-être pas le plus dynamique ni le plus en résistance, mais en tout cas, quand je vois mon frère et ma sœur qui sont excellents joueurs de golf, j'ai clairement pas l'impression qu'ils traînent la patte. J'aurai le plaisir de vous expliquer les différents types de sports et pourquoi les cardiologues l'utilisent pour guider vos efforts notamment en cas de maladie cardiovasculaire dans d'autres émissions. Bon, je sens déjà en vous que je touche à un point sensible. Quand on parle de sport, de quoi parle-t-on ? Le sport, au sens de la santé, c'est juste le mouvement. Et c'est tout. Il n'y a pas à chercher plus loin. Et c'est pour ça que ce n'est pas sexy pour la plupart des personnes. Bouger nous coûte, pas juste en énergie calorique, mais en pénibilité. Bouger, ça fait mal, mais bouger nous rend plus fort. Par exemple, allez chez le kiné et vous verrez que les massages ne sont qu'une petite partie du traitement, car le traitement, vous l'avez en vous. Et il s'agit presque simplement de redonner du mouvement là où il n'y en avait pas. Et c'est tout un art, ils font un travail incroyable sans même des fois vous en rendre compte. Nous sommes donc des êtres faits pour nous mouvoir, et il y a une dimension encore plus sacrée en nous qui ne demande qu'à s'éveiller, celle du jeu. C'est ainsi que dès notre plus jeune âge, nos parents nous stimulaient pour nous éveiller, et que faisions-nous ? Nous suivions du regard d'abord, puis de la main, Puis nous allions chercher les objets, car cela activait notre curiosité, sinon la promesse d'un plaisir éphémère. Et ajoutez le sourire en prime, tout le monde est aux anges. En fin de compte, c'est la dopamine qui nous stimule. C'est cette hormone du plaisir immédiat produite par notre cerveau quand sa petite soeur, la sérotonine, est celle du bonheur plus durable. Elles vont nous pousser à l'action et leur manque à l'inaction, ou plutôt dans notre cas à l'inactivité physique. Je vois mes patients qui souffrent de dépression. A un stade ultime, ils ne sortent même plus de leur lit et on appelle ça la clinophilie. Bon, la clinophilie, ça n'a rien à voir avec le fait d'aimer certains plaisirs discutables. Mais bon, vous savez quoi ? Un des traitements qu'il aurait proposé tout simplement, c'est le sport. Enfin pardon, je dois plutôt dire de l'activité physique. En fin de compte, à travers mes quelques mots ici, je cherche juste à réveiller certains processus qui sont enfouis en nous tous et qui ne veulent appuyer qu'une fonction vitale indispensable, le mouvement. Maintenant, si je voulais vous sensibiliser à un sujet, je n'aurais qu'une question à vous poser, et la question serait, pourquoi ? Pourquoi ? C'est la question essentielle qui mène à chaque action. Et c'est beaucoup plus subtil et puissant que de se donner des raisons à faire des choses ou parfois des excuses à ne pas les faire. Je m'explique. Si je vous dis, je fais du sport parce que ça me permet de manger plus. Et je vais vous avouer quelque chose, c'est une des raisons personnellement qui me pousse à faire du sport. Brûler des calories pour pouvoir en savourer d'autres. Alors, j'ai pris le temps de réfléchir à ce qui me permettra de maintenir mes efforts. J'ai ainsi défini un objectif. Je mange ce qui me plaît, je garde la ligne, je me fais du bien et je préserve ma santé. Mais, regardez bien, la préservation de la santé n'arrive qu'à la fin de ma motivation initiale. En d'autres termes, je fais du sport pour pouvoir manger et me plaire. Mais j'aurais pu aussi vous dire que je fais du sport pour voir mes amis ou pour augmenter ma confiance en moi en ayant une silhouette dessinée. Si je vous dis maintenant, le sport me permet de me maintenir en bonne santé. Alors c'est vrai, mais avouons-le, c'est sûrement moins durable, sauf à ce que votre vie en dépende. En tout cas, faire du sport ne vous rendra pas immortel. J'ai quelques patients qui le font uniquement dans un pur but de préserver leur santé, mais ça n'est quand même pas la majorité, ni leur motivation primaire, car en creusant, on a aussi le droit de dire qu'on fait quelque chose par crainte du nôtre. Et ça peut aussi être la peur de la maladie. Bon, c'est peut-être une vision à mon sens trop teintée de crainte, et éloignée du jeu, et là, je vous sens un peu crispé. En tout cas, c'est peut-être ce qui explique que lorsque vous demandez à une personne qui a eu un infarctus d'aller suivre un programme de réadaptation cardiaque, que les statistiques de participation à ces programmes sont assez mauvaises. et il y a ce double enjeu d'être convaincu, mais aussi de se convaincre. La réadaptation cardiaque, j'aurai le plaisir de vous en reparler dans d'autres épisodes, mais pour faire simple, ce sont des structures, souvent à l'hôpital, qui proposent aux patients de suivre un programme de soins autour de l'activité physique, de l'alimentation, de la maladie qui les amène à suivre ce programme, leur traitement, etc. Tout ça dans le but d'améliorer la qualité de vie et l'espérance de vie des patients qui auraient eu une maladie comme un infarctus ou dans les suites d'une chirurgie cardiaque par exemple. Un peu comme on s'est cassé une jambe, on va en fait réapprendre au cœur à mieux fonctionner. Pourtant, aller suivre ces programmes essentiels et qui sont de véritables traitements ne séduit pas. Peut-être aussi parce que pour beaucoup de patients, cela leur rappelle la maladie. C'est difficile d'accepter que du jour au lendemain, notre santé a basculé. Et à nous soignants de relever ce défi, encore une fois, j'aurai le plaisir d'aborder ces sujets dans d'autres émissions avec vous. C'est donc tout autant de la responsabilité des patients que des soignants d'encourager l'activité physique. Et pour une grande partie, nous ne nous convainquons pas assez nous-mêmes en tant que soignants des bienfaits de l'activité physique, et c'est un tort. Je dirais même que l'inactivité physique est une catastrophe sanitaire en devenir, sinon une urgence sociétale que nous ne voyons pas déjà venir. Pour revenir au pourquoi, à l'issue de ma réflexion, j'aimerais vous présenter une dernière phrase que mes patients disent souvent. Docteur, j'aimerais bien faire du sport, mais inutile d'aller plus loin. Car la personne n'a pas défini une raison, mais une excuse. Et les phrases qui commencent par oui mais sont d'ailleurs à mon sens les plus négatives qui existent. car elle tue le poussin dans l'œuf et elle repousse la raison sur des éléments extérieurs, alors que nous restons tous libres de nos actions et surtout d'adapter nos décisions. On passe notre vie à faire des concessions, vers ce qui nous rend pas nécessairement plus heureux, mais ce qui nous procure plus de plaisir dans l'instant. Et le plaisir est éphémère, mais bon, pour rappel, on est accro à la dopamine. Alors, au risque de vous décevoir, le je n'ai pas le temps se transforme en je ne prends pas le temps car j'ai des sources de plaisir plus immédiates qui me satisfont plus facilement dans l'instant. Par exemple, pour ceux qui aiment les bonbons, vous connaissez sûrement ce sentiment d'en manger sans même en avoir envie, ni même savoir vous arrêter au point d'en avoir la nausée. Eh bien, la source de plaisir trop éphémère, c'est celle qui ne vous nourrit pas. Regardez aussi, le téléphone, c'est un bon exemple. On va scroller pendant des heures à la recherche de cette dernière goutte de dopamine qui nous rendrait encore plus heureux. Et pourtant. Alors, est-ce que vous me croiriez si je vous disais qu'une bonne source de dopamine, le sport en procurait énormément ? Vous ne me croyez évidemment que sur parole, mais malheureusement, il n'y a pas de meilleur plaisir que celui que l'on mérite. Il y a le plaisir, mais aussi la satisfaction. Et ça, ça vaut de l'or, croyez-moi. Parce que nous pouvons contrôler nos instincts primaires, nos sources motrices de plaisir se sont évidemment détournées vers des choses plus élaborées. Et encore, comme la nourriture, les drogues, le sexe, les jeux d'argent, l'usage sain d'un produit ou d'une situation peut vite se transformer en mésusage puis en addiction. Et le sport n'échappe malheureusement pas à la règle. Parce que Sénèque le disait si bien et mon fameux ami pour me le marteler, l'excès est mauvais en tout et je... Je n'aborderai pas la notion de surentraînement dans cet épisode, mais retenez encore une fois cette courbe en U dont je vous ai déjà parlé concernant la consommation de café. On pourrait dire que ne pas faire de sport est mauvais pour la santé, mais trop en faire, ça n'est pas spécialement bon non plus. Jusque là, j'ai beaucoup parlé, mais quand même, je vais étayer mon propos sur ce que peut vous procurer l'activité physique sur votre santé cardiovasculaire. Je ne vous ferai pas l'affront de vous donner quelques chiffres clés sur les bienfaits du sport tellement ils sont nombreux, mais en voici quelques-uns. Si vous faites 15 minutes d'activité physique par jour, à faible intensité, vous allez pouvoir espérer gagner 3 années de vie et réduire de 14% votre risque de décéder, quelle qu'en soit la cause, par rapport à un groupe qui n'aurait pas d'activité physique du tout. Et le plus incroyable, c'est que vous réduisez de 4% la mortalité toute cause confondue et de 1% la mortalité par cancer par tranche de 15 minutes d'activité physique additionnelle. Et ça, c'est vrai quel que soit l'âge, le sexe, et même chez ceux qui ont déjà eu des maladies cardiovasculaires. Ces résultats sont très encourageants, car contrairement à beaucoup d'idées reçues, il n'y a pas de réel seuil à partir duquel vous n'auriez aucun bénéfice de faire de l'activité physique. Autrement dit, chaque mouvement compte. Ça peut être prendre les escaliers plutôt que les ascenseurs, garer votre voiture un peu plus loin et finir à pied, aller vous promener pendant que vous passez un coup de fil. En fin de compte, il n'y a pas de plus grand sportif car il n'y a pas de petite sédentarité. Et je regrette d'entendre, et même un corps de soignant, qu'en dessous de 20 minutes d'activité physique, ça ne sert à rien. C'est complètement faux et c'est une croyance assez dommageable je trouve. Au final, je pense qu'il y a autant de raisons de faire du sport qu'il n'en existe. Et peut-être même le sport se crée à mesure des outils qui nous sont donnés pour en faire un jeu. Je pourrais même vous proposer de dire donnez-moi une raquette et je vous construis un terrain de tennis Car c'est de ça dont il s'agit. Avant le sport, il y a le jeu, et ne l'oublions pas. Car en matière de sport justement, on a trop vite tendance à voir la performance sans voir le processus qui a mené le joueur à gagner, et donc à oublier initialement que ce joueur s'amusait avant même les règles et la compétition. Parce que le sport c'est aussi plus vendeur sur le papier, on élève facilement l'homme sportif au rang de héros. voire de dieu dans certaines disciplines, et un peu par procuration, on va s'approprier en tant que spectateur les gloires de résultats. On va y emprunter même le champ lexical de la guerre. Vous entendrez la Ligue des champions, la coupe, le trophée. Mais dans le sport, on parle aussi de joueurs. Et c'est assez amusant de se pencher finalement sur le champ lexical qui y est. Et peut-être aussi à l'heure des Jeux Olympiques, on pourrait essayer de redonner un peu de noblesse au mot sport, puisque ce mot, étymologiquement, il provient du vieux français de sport, qui signifiait amusement. Alors oui, le sport est devenu un outil politique et de puissance des nations, mais en tout cas, il doit se dissocier des bienfaits réels de l'activité physique à l'échelle individuelle. Peut-être que l'excitation de voir le jeu sportif est bien réelle, mais en tout cas, on n'a pas encore réussi à reporter les effets de regarder le Tour de France à la télé sur la santé. Mais ça a au moins le mérite de rendre visible l'activité physique, quel qu'en soit le format. N'oubliez pas une chose, les héroïnes et les héros du quotidien, c'est vous. Alors passez à l'action, car chaque mouvement est une victoire. Pour vous-même, pour votre santé, et surtout pour votre plaisir. Mais bon, arrêtons les gros mots, sport ou activité physique, amusez-vous. La santé suivra. Voilà, c'est la fin de ce nouvel épisode. Merci à toutes et à tous d'avoir écouté en plein cœur. Retrouvez-moi sur les réseaux sociaux, Instagram, LinkedIn, YouTube. Et si vous avez aimé l'émission, likez, partagez cet épisode autour de vous. Laissez-moi aussi un commentaire pour me faire part des sujets que vous souhaiteriez que j'aborde, car c'est vous qui faites battre le cœur de ce podcast. Dans 15 jours, j'aurai le plaisir d'aborder avec vous un sujet définitivement cardiologique. qu'est-ce qu'une fréquence cardiaque normale ? Parce que cette question revient souvent de la part de mes patients, je me suis dit qu'elle devrait vous aussi vous intéresser. Alors, merci pour votre écoute, et à très bientôt pour ce nouvel épisode.