- Speaker #0
Au travers d'interviews de plongeurs en apnée et en scaphandre, et d'épisodes solos consacrés à l'hypnose, à l'auto-hypnose et plus généralement à la préparation mentale, En Profondeur vous fait plonger au cœur de votre être. Vous allez ainsi découvrir ce qu'il se passe à l'intérieur de mes invités. Quelles pensées, quelles émotions, quels ressentis, lorsqu'ils plongent et lorsqu'ils explorent leurs propres limites. Je m'appelle Sylvie Poulikin et je suis fondatrice d'Hypnée, à la fois praticienne en hypnose, Préparatrice mentale et éducatrice sportive en plongée subaquatique, j'ai une foi indéfectible en la capacité de chaque être humain à accéder à ses plus belles ressources intérieures. Alors je vous emmène plonger avec moi, au cœur de l'humain, le temps d'une écoute. Alors bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver sur cet épisode de En Profondeur by Hypnée. Cette fois-ci, je suis toujours au Salon de la Plongée 2025 et j'ai la chance d'avoir devant moi un champion d'apnée qui pratique l'apnée depuis 10 ans à peu près et puis vraiment en compétition depuis 5 ans. Et c'est de l'apnée profondeur. J'ai nommé Nicolas Jaouen. Merci de bien vouloir répondre à mes questions sur mon podcast.
- Speaker #1
Avec plaisir, Sylvie, de te retrouver ici.
- Speaker #0
Merci. Alors, je vais commencer par la première question. C'est Nicolas, quel est ton pire souvenir en apnée, s'il te plaît ?
- Speaker #1
Mon Dieu, mon pire souvenir ? Je crains que ma réponse soit très simple, je crois que je n'en ai pas. J'ai une seconde image qui me vient en tête à vrai dire. Oui, il m'est arrivé, malheureusement ça m'est arrivé une ou deux fois de faire une syncope malheureusement. Mais même cet événement-là, je n'en souffre pas aujourd'hui. C'était une expérience comme une autre et assez déroutante et perturbante mais... Un mauvais souvenir, non, parce que quelque part, j'y ai trouvé un plaisir inattendu. Finalement, c'est de réaliser et de vivre quelqu'un qui me portait secours, finalement, et de réaliser que j'étais en fait totalement en sécurité. Jusque-là, je ne l'avais pas réalisé, mais quand ça m'est arrivé et que je me suis réveillé en surface, que j'étais là avec tout le monde autour de moi, ça m'a touché, à vrai dire, mais dans le bon sens du terme. Au sens famille, chaleur humaine. Et au final, je l'ai plutôt transformé en bon souvenir. Même si je n'ai pas envie de renouveler l'expérience, évidemment, mais un bon souvenir malgré tout. Donc des mauvais souvenirs, au risque de décevoir plein de monde. Non, je n'en ai pas. Peut-être parce que j'ai cette capacité à transformer ces expériences malheureuses en quelque chose de positif.
- Speaker #0
Merci Nicolas. En fait, tu sais que tu es le premier à me dire ça. En fait, quand je pose la question, tout le temps. Tout le monde a un mauvais souvenir. Donc, c'est très intéressant de voir que c'est possible d'être apnéiste depuis plus de dix ans. Même, tu me disais que tu étais dans l'eau depuis tout petit et d'avoir aucun mauvais souvenir. Donc, juste, on peut kiffer non-stop. Donc, la question d'après, elle est beaucoup plus simple, mais peut-être pas pour toi. C'est le contraire. Est-ce qu'il y a un meilleur souvenir ? Parce que tu vas peut-être me dire qu'il n'y en a pas un meilleur, mais plein de meilleurs. Je te laisse la parole.
- Speaker #1
Alors, mon plaisir. La première image qui me vient, elle est naturelle, c'est qu'on vient de terminer la saison 2023-2024. Et je pense que pour la première fois de ma vie, j'ai affiché aux yeux de tout le monde un grand sourire et la satisfaction par rapport à ma saison. Je suis un éternel insatisfait, à vrai dire, et très exigeant envers moi-même. et pour la première fois j'ai Je pense que j'ai su mettre la juste mesure, la juste valeur, la valeur que chacun autour de moi me pointait du tout, ou m'indiquait finalement, et que moi je sous-estimais. Et cette saison a été quelque part un succès pour moi. Le plaisir, je le trouve là pour le coup, dans la réalisation, la concrétisation de mes objectifs pour cette saison-là. Ce n'est pas forcément... Pendant l'apnée en soi, je vais trouver le plaisir et je vais un petit peu plus loin. Au-delà de la saison, je viens à une autre échelle, à l'échelle d'une apnée. Finalement, ma satisfaction ne vient pas en premier lieu de ce que je vais vivre sous l'eau, mais elle apparaît à la surface quand je sors de l'eau. Pourquoi ? Parce que j'ai fait le choix de m'orienter vers la performance, vers le dépassement de soi, la volonté de repousser mes limites, d'explorer ce que je ressens, ce qui se passe dans ma tête. tête, comment mon corps vit l'apnée. Et le fait de mettre un objectif sur une apnée donnée et de la vivre et d'en revenir avec une expérience, avec ces sensations-là, la satisfaction, je la tire de l'analyse de ces sensations après coup, en fait. De me dire, je l'ai fait, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que je peux améliorer pour aller plus loin ? En fait, c'est juste une mine d'informations et d'émotions que... J'ai peut-être du mal à vivre dans l'instant. Je ne suis pas certain que l'émotion soit toujours une bonne chose pendant l'apnée, à vrai dire. Donc c'est quelque chose que j'apprécie après coup, après cette analyse-là.
- Speaker #0
Génial. Merci beaucoup. C'est très intéressant ce que tu dis. Donc c'est vraiment un regard un peu différent de ce que j'entends habituellement.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Après, j'ai eu des apnées qui sortent plus de l'ordinaire que d'autres, qui sont plus extraordinaires que d'autres. Et là, effectivement... On va aller un petit peu plus loin. J'ai eu des apnées où ma satisfaction, je l'ai tirée du fait que j'avais réalisé mon apnée tel que je l'avais planifié. Ce qui était la démonstration de l'application, de la concentration, d'une totale concentration en fait. Ma satisfaction était là. Ce que j'avais dit que je ferais, je l'ai fait. Ma tête était présente à l'instant présent et le résultat était là au bout. Et cette cohérence et cette implication, cet état de conscience à ce moment-là, pendant cette apnée-là, j'ai trouvé ça génial. Et là, c'est très plaisant, très agréable d'avoir ce contrôle.
- Speaker #0
Ok, c'est assez déroutant parce qu'en fait, tu sais, il y a beaucoup d'émotions d'habitude dans le discours de l'apnéiste. Je trouve ça très intéressant de t'entendre parler parce qu'on voit bien que... Finalement, tu as un regard presque extérieur sur ce qui se passe sur toi, comme si tu étais capable de regarder de côté, tu es sur un drone à côté, et tu es capable d'être dans l'eau et à la fois le high dive, quelque chose comme ça ?
- Speaker #1
Oui, c'est ça, effectivement. Et même pendant mon apnée, je pense que j'ai une vision extérieure de ce qui se passe. Je n'ai pas toujours eu ce regard tel quel. Quand j'étais enfant, plus jeune, je vivais l'apnée, c'est ce qui m'y a... amener finalement l'apnée en club, en association, à une pratique régulière. J'ai toujours été quelqu'un de calme et de posé, qui expérimentait ce qu'il ressentait, donc très orienté vers les sensations au début. J'ai juste réalisé il y a 5 ans, 5-6 ans, quand j'ai commencé à réfléchir à faire de la compétition, et en rencontrant Abdelatif Alouache, mon coach aujourd'hui, que je ne pourrais pas aller plus loin si je ne mettais pas de la méthode dans ce que je fais, de l'analyse. Et pour ça, j'ai dû écarter les sensations, j'ai dû écarter les émotions dans l'instant, pour me concentrer sur la pratique, la méthode. Et il m'a fallu bien 3-4 ans pour avoir quelque chose d'asuffisamment abouti, pour finalement recommencer à laisser place aux émotions. Et aujourd'hui, laisser place après l'apnée, ce n'était pas encore le cas l'an dernier, où je n'étais jamais satisfait de ce que je faisais. Je commence à être satisfait de ce que je fais et j'espère bien à l'avenir pouvoir laisser un peu plus de place encore à l'émotion, même pendant mon apnée. C'est-à-dire, je pense avoir acquis aujourd'hui suffisamment de maîtrise, de repères dans mes apnées pour détourner mon attention de cet aspect-là et les tourner un peu plus vers mes sensations.
- Speaker #0
Ça se construit brique par brique, c'est ça. Si on essaie de rentrer justement dans ta tête, si c'est possible Nicolas ? de nous permettre de commencer à y rentrer, de se dire on y va étape par étape. C'est-à-dire qu'il y a le moment de la préparation. Alors je ne démarre pas sur le bateau, mais quand tu es en train de te préparer à la surface, est-ce que tu saurais nous dire à quoi tu penses, qu'est-ce que tu fais, qu'est-ce que tu ressens, même en compétition ou à l'entraînement, s'il y a une différence ?
- Speaker #1
Je pense qu'à l'entraînement comme à la compétition, et... Il y a toujours une part de stress avant de s'immerger, évidemment. Le palpitant qui bat en général vite, même au moment de l'immersion. Je suis incapable de dire à quelle fréquence cardiaque bat mon cœur. Je peux juste dire que je sens passer le sang dans la carotide. Oui, ça je le sens bien passer. Ou dans l'oreille, je sens ce petit bruit. Quel est mon état d'esprit ? Qu'est-ce que je fais à ce moment-là ? Essentiellement deux choses. Je sais que je peux avoir la maîtrise de la contrôle de mon état en me focalisant sur ma ventilation. Et au-delà de ça... Puisque je suis dans un objectif de performance et que c'est quand même très fin, l'apnée en profondeur est quand même assez technique, j'ai besoin de visualiser, revisualiser mon apnée. Concrètement, dans les 5-10 dernières minutes qui précèdent mon apnée, je vais axer mon attention sur ma ventilation et visualiser plusieurs fois, pas à pas, mètre par mètre, ce qui va se passer sous l'eau, de l'immersion jusqu'à la première, voire les premières inspirations au retour à la surface.
- Speaker #0
C'est clairement nécessaire, c'est très intéressant et tu n'es pas du tout dans ton corps en fait. Tu es vraiment, si, la ventilation quand même, tu regardes ta respiration et en même temps tu visualises.
- Speaker #1
Oui, oui, tout à fait. Alors quand je dis visualiser, oui je suis dans mon corps, mais je ne visualise pas seulement des aspects techniques. Je me raccroche à des souvenirs positifs de performances précédentes ou d'entraînement avec des repères qui sont fiables et tout l'objet de ces visualisations, C'est... de parcourir le chemin en préalable qu'on s'apprête à réaliser et de retrouver sur le chemin les repères qu'on s'est fixés pour que l'apnée se déroule parfaitement.
- Speaker #0
Parce que c'est ta sécurité qui est en jeu.
- Speaker #1
La sécurité et ma satisfaction au final quand même.
- Speaker #0
Bah oui, merci. Oui, parce que n'oublions pas qu'il y a quand même une dimension, j'espère, au moins de satisfaction, mais il est là le plaisir. Malgré tout, tu n'es pas le premier à me dire que la vraie joie, elle est en surface, tu vois. Il y a comme quelque chose qui peut s'exprimer quand tu ressors de l'eau après une longue apnée comme la tienne. C'est clair. OK, donc là, tu es à la surface. Et puis, tu vas prendre cette inspiration. Et puis, qu'est-ce qui se passe ensuite ? Là, au moment où tu t'immerges, au moment où tu descends, comment ça se passe ? Tu te raccroches à quoi ? Ton corps a encore quelque chose qui est tellement préparé que ça se déroule tout seul ? Comment tu dirais ça ?
- Speaker #1
Oui, à partir de ce moment et tout au long de l'apnée, je vais... m'appliquer dans l'instant à ce que j'ai à faire. Je ne me préoccupe pas de savoir si je vais aller chercher un tag au fond de l'eau. Je sais évidemment, parce que c'est une évidence pour moi, il n'y a pas de raison que ça se passe autrement, je vais refaire surface, je vais revenir à la surface, je n'ai aucun doute là-dessus, je n'ai jamais eu aucun doute. Donc à partir du moment où je m'immerge, à chaque instant je me consens sur ce que j'ai à faire. Je prends ma dernière inspiration, Je sais exactement le nombre de carpes que je... peux faire. Je dis bien que je peux faire, je pourrais en faire plus, mais ce serait certainement maladroit. Je m'applique sur mon canard. Il y a une chose qui va au-delà de l'instant présent, j'avoue. C'est que dans mes apnées en profondeur, j'ai réalisé que les 30 premiers mètres ne sont pas les plus agréables, loin de là. Il y a des contraintes qu'on subit, il y a des... C'est une phase pendant laquelle il y a un mélange de relâchement et de tonus musculaire à avoir. Du tonus parce qu'il faut palmer ou tracter ou faire de la brasse, ce qui est encore plus exigeant. Et en même temps, avoir le relâchement au bon endroit pour pouvoir relâcher les muscles qui n'ont pas besoin de travailler, s'appliquer sur la compensation. C'est une phase pendant laquelle on a énormément d'air. dans la cage thoracique, donc un mal-être certain pour beaucoup d'entre nous et qui va s'atténuer avec la profondeur au fur et à mesure que les volumes vont diminuer. Au fond de moi, je me dis que je n'en ai pas pour longtemps. En fait, clairement aujourd'hui, quand j'entends ma montre sonner à 25 ou 30 mètres, on va dire à 25 mètres, je sais que j'ai encore quelques mètres à palmer, un mouse-feel à terminer. Et dans ma tête, quasiment, mon apnée est faite. À partir du moment où je rentre en chute libre, je sais que j'ai à m'appliquer sur mon relâchement, la compensation, mais c'était la phase la plus dure. J'ai le sentiment que c'est la phase la plus dure pour moi. Et après, on essaie de prendre du plaisir. Je faisais plaisir, je l'ai après. Mais j'ai des images qui me viennent en tête à partir de ce moment-là, auxquelles je me raccroche. Certes, je dois m'appliquer sur ma compensation, mais je vais... J'ai des repères techniques, c'est vrai, mais c'est vrai que j'ai aussi d'autres souvenirs qui m'aident à me détendre. Par exemple, je ne sais pas si... Pour les pratiquants, déjà aujourd'hui, qui font de l'apnée statique, typiquement, je ne sais pas s'ils le font comme moi, mais moi, il m'arrive de me rappeler ce que ça fait d'être plongé dans son lit, la tête sur l'oreiller, et de sentir sa tête se détendre. tendre, l'oreiller rouler sous le cou et les épaules qui descendent. Et quand on pense à ce genre de souvenirs, naturellement, il y a des choses qui se font.
- Speaker #0
Mais génial ! Donc finalement, il s'en passe des choses sous l'eau. Il y a le temps de voir des images défiler, finalement, de 30 mètres jusqu'à 110.
- Speaker #1
Oui, c'est tout un voyage intérieur. On parle souvent de voyage intérieur, je vais être plus précis. Une plongée en apnée, c'est épuisant. Pas uniquement parce que c'est physique. mais aussi parce que ça nécessite énormément de concentration et d'échappatoire. Il faut arriver à jongler entre du relâchement et de la détente. Et je viens de le dire, on peut se raccrocher à des souvenirs qui nous y guident, qui nous y invitent. Et aussi à des repères techniques, à l'expérience, qui nous permet de corriger la position d'une épaule, la position d'une main, la position du bassin. et ajouter du confort à une apnée qui pourrait autrement devenir très compliquée. Effacer des espaces ou des contractions quand on passe les 30 mètres, quand on passe les premiers mètres de la surface ou au-delà de 30 mètres, ces contractions-là ne sont pas nécessairement parce qu'on vient de consommer énormément d'air et produire beaucoup de CO2 ou beaucoup de déchets, mais simplement parce que notre position nous y invite. pas, elle vient stimuler notre diaphragme, elle vient stimuler notre glotte. Et l'idée, c'est de savoir corriger, d'avoir la conscience de la position de son corps sous l'eau, même si on ne se voit pas, pour arriver à effacer ces réflexes du corps.
- Speaker #0
Ok. Il n'y a aucun aléa alors ? Aucun aléa ? C'est l'adaptation permanente quand même d'être apnée, je pense. C'est à la fois de l'adaptation permanente, mais en même temps, c'est vrai que dans ce que j'entends... qui a vraiment une maîtrise complète de ce qui se passe. Je ne pense pas, tu vas me le confirmer ou pas, mais tu parlais de cette image qui vient, c'est très intéressant, l'oreiller, les dredons, tu te roules dedans. Forcément, ça va venir t'aider à relâcher globalement toute la zone de la nuque, des épaules, etc. Mais ce n'est pas à chaque fois la même chose. Quand tu arrives à 35, tu penses à l'oreiller. Ça laisse quand même de la place à des choses qui peuvent te surprendre.
- Speaker #1
L'image de l'oreiller, je dirais même qu'elle est secondaire. Je l'ai dit tout à l'heure, les premières choses auxquelles je m'en raccroche, ce sont des repères techniques, des repères de position de mon corps. Et ça, c'est systématique et automatique. Pour être sûr de réaliser une performance à coup sûr, il faut avoir des repères fiables. On parlait tout à l'heure de mon plaisir. J'ai eu une fierté au-delà du plaisir l'année dernière. C'est là, en 4 ans, c'était ma 4ème année d'entraînement intensif, de coaché, et en championnat du monde. Et pour la première fois cette année-là, je n'ai manqué aucune apnée que j'ai entreprise. Toute apnée que j'ai faite en mer, en profondeur, avec le plomb, j'ai fait mon aller-retour. Je ne vais pas dire qu'elles étaient toutes parfaites, mais J'ai toujours réussi à faire ce qu'il y avait à faire, à compenser, à pallier un aléa justement. Et je dis ça parce que tu disais tout à l'heure qu'on dirait qu'il n'y a que de la maîtrise. On aurait eu cette discussion il y a un an ou deux, j'aurais pas du tout dit ça. C'est quand même le fruit d'énormément de travail. Et quand je dis énormément de travail, j'ai quelques chiffres qui me viennent en tête et qui vont certainement changer. Que ce soit l'année dernière ou l'année d'avant, je pense que j'ai cumulé 80 sorties en mer sur la saison estivale pour pouvoir arriver à ce genre de résultat et ça dure depuis 2021. Ce ne sera certainement pas le cas cette année, j'espère. On parlait de maîtrise, on mettra l'accent sur autre chose, peut-être des aspects plus physiques ou physiologiques, mais ce travail était nécessaire pour arriver à ce résultat-là, à cette certitude avant de partir que ce qu'on va faire, on va le faire et que ça va bien se passer.
- Speaker #0
C'est impressionnant ce que tu dis Nicolas et bravo pour tout ce travail parce que c'est plus qu'un engagement. On sait tous très bien que l'apnée c'est vraiment un sport engagé, même pour des gens plus normaux. Même quand ils vont s'entraîner à la piscine, il y a quand même un engagement à l'échelle de chacun. Mais là c'est vraiment très très engagé. justement ce moment là où tu sors et ça y est ta plongée est faite quelque part Je ne sais pas si c'est le bon terme de l'histoire de la case qui se coche, mais j'entends ça chez toi, que ça c'est fait. Et à ce moment-là, je me dis, c'est bon, je peux apprécier cet instant-là maintenant.
- Speaker #1
Oui, c'est à partir de ce moment-là que le plaisir revient. Et de la même manière que j'ai pu visualiser plusieurs fois ma performance avant l'apnée, je vais visualiser ma performance réalisée plusieurs fois après mon apnée. Je vais la revivre et c'est là que des détails vont apparaître. Il s'agit toujours de s'améliorer, des formations professionnelles, c'est comme ça, amélioration continue, et me remémorer les passages où il y a eu du bien-être, de la détente, où je les ai déroulés correctement, proprement, le plaisir de la réussite, et des perceptions, des sensations qui reviennent, tactiles. La glisse, la sensation de l'eau qui glisse sur le visage, cette sensation de chute libre ou d'abandon, l'abandon, le lâcher prise, on dit, c'est d'avoir le ventre totalement dénoué, le corps totalement dénoué et juste s'abandonner en toute sécurité. Et ça me rappelle une autre image qu'on avait tout à l'heure dans notre conversation, plutôt dans la journée. Il m'arrive de me voir de l'extérieur, mais je ne me vois pas forcément comme quelqu'un qui progresse sous l'eau. Mais plutôt, parce qu'il s'agit d'aller chercher un tag au fond de l'eau, mais plutôt de voir l'espace qui bouge autour de moi. Donc je ne me dis pas, peut-être que c'est ce qui m'aide à ne pas avoir peur d'ailleurs de la profondeur, mais je ne me dis pas je descends profond. Non, non, c'est le câble et le plomb qui viennent à moi, ce n'est pas moi qui vais vers eux en fait. Un peu comme si on était devant un écran de télé et qu'on voyait les choses défiler et passer devant nos yeux. C'est un petit peu ça. Je détourne un peu la perception qu'on peut avoir de notre environnement, de mon environnement. Finalement, oui, probablement que ça m'aide cette vision des choses.
- Speaker #0
C'est quand même intriguant ce que tu dis parce que finalement, quand tu revis ton apnée après coup, mais dans l'instant, tu ne fais pas attention à ça. Et tu es capable de retrouver tes sensations comme s'il y avait un décalage, tu sais comme quand on a une mauvaise liaison wifi et qu'on entend la personne qui parle quelques instants après. Et en même temps, quand tu revis ça, la façon dont tu le décris, tu es à l'intérieur de toi. Donc ça veut dire que tu n'es pas parti, tu es bien là. Tu pourrais en dire un peu plus éventuellement ?
- Speaker #1
Wow, on dira un peu plus. Je sais que ça peut paraître étrange, mais oui, je pense que notre cerveau enregistre tout ce qui se passe autour de nous et tout ce que l'on perçoit. J'ai ouï dire que certaines personnes arrivaient même à revivre le moment de leur naissance. Juste pour parler d'hypnose, je pense qu'on enregistre pas mal de choses dont on n'a pas conscience dans l'instant. C'est probable que c'est ce qui se passe à ce moment-là. Les perceptions passent au second plan parce que l'importance, et quand on fait de la performance, l'importance, ce n'est pas le kiff. J'entends beaucoup d'apnéistes dire « c'est le kiff, je cherche le kiff » . Moi, en tant que compétiteur, mon kiff, ce n'est pas pendant l'apnée, mon kiff, ça devait réussir ma perf. J'ai bossé toute une saison, je vais à un championnat du monde, je ne vise pas des médailles. Mais c'est l'accomplissement d'une saison, donc je vais m'appliquer. Et je fais tout pour que ça se passe bien. Le kiff, je l'ai après, parce que j'ai réussi. Et pour que ça se passe bien, je ne vois pas d'autre manière de faire que d'avoir un minimum de contrôle sur ce que je fais. Et comme je le disais, même si ça va mieux aujourd'hui, et que je me redigérige à nouveau un peu plus vers les émotions, vers les sensations, ma priorité, c'est d'avoir le contrôle sur ce qui se passe.
- Speaker #0
Franchement, quand on est parfaitement clair avec soi et parfaitement honnête avec soi, c'est beaucoup plus limpide, c'est beaucoup plus lisse. Être dans le déni et être compétiteur comme tu, avec toute la charge que ça engage au quotidien, à chaque instant même, de dire oui, moi je fais ça pour le plaisir, alors que vous êtes un peu tous des monstres de sport permanent, c'est tellement intense et engagé, ça serait un peu mentir que de dire moi je fais ça pour le plaisir. donc merci pour ta franchise effectivement je crois que c'est en arrivant à l'hyper contrôle que tu finis par t'autoriser à lâcher et à retrouver les sensations peut-être que d'autres personnes, on est tous différents vont fonctionner différemment mais toi c'est ton fonctionnement et l'essentiel c'est de bien se connaître Est-ce que tu fais de l'apnée pour le plaisir en dehors de ça, juste comme ça pour aller visiter un espace en explot ? Ça t'arrive ou tu le fais jamais ?
- Speaker #1
Ça ne m'est pas arrivé depuis longtemps. J'ai quitté la Nouvelle-Calédonie il y a 6 ans, 5-6 ans, pour une bonne poignée de raisons, dont la famille, et en partie aussi pour pratiquer l'apnée en profondeur en compétition. Et à partir du moment où j'ai trouvé ma place en Corse, il y a 5 ans, avec les bonnes personnes pour m'entourer et pour me guider. J'ai mis de côté ces aspects-là. Tout mon temps, je l'ai dédié à m'entraîner. J'ai un côté têtu certainement, ou de la persévérance, je ne sais pas. Moi, personnellement, dans ma tête, je n'arrivais pas à me dire, à trouver du plaisir ailleurs en fait. Oui, j'étais entêté, mais ça finit par me manquer. C'est étonnant que tu me poses la question parce qu'il y a cette saison, ce week-end au salon de la plongée, j'ai eu ce sentiment et j'ai fait cette remarque à Abdel, donc à mon coach, que ça faisait longtemps que je n'avais pas fait d'apnée découverte finalement récréationnelle, récréative pardon, d'aller plonger sur des épaves, on partageait des expériences sur des épaves avec une amie que j'ai retrouvée de Nouvelle-Calédonie ici. avec des amis, d'ailleurs pas qu'une, plusieurs. Et ça me manque, cette sensation de me poser au fond de l'eau, juste de regarder autour de moi, de regarder les poissons voler autour de moi. J'ai cette image en Calédonie, posée au pied du récif. Après une descente en gueuse, les pieds dans le sable à 60 mètres de fond, à regarder autour de moi et voir les requins qui volaient autour de moi. C'était magique, dans un bleu et avec une grâce que je n'ai pas retrouvée depuis très longtemps. Il est probable que je vais travailler à m'autoriser du temps pour retrouver ce genre de moment. Je vais m'y efforcer.
- Speaker #0
Tu verras bien, mais merci parce que c'est en toi de toute façon. Tu l'as en toi, même si tu ne t'y es pas reconnecté depuis un moment. Déjà, tu l'as en toi et c'est peut-être ce qui t'aide en ce moment. Et puis peut-être viendra le jour où... Ces souvenirs-là, tu arriveras à les recréer en t'autorisant à faire de l'apnée récréative, comme tu dis, et à l'associer à toute cette maîtrise et ce contrôle que tu as pu développer ces dernières années. Et c'est là souvent qu'on arrive au flot, l'état de grâce, cette espèce d'état sentiment océanique, etc., de totalité. Parce que là, on sent bien que tu t'envers, mais je ne sais pas, tu vas me dire, mais il y a peut-être un moment... Quand tu arriveras à tout réunir, c'est peut-être là l'aboutissement. J'en sais rien, c'est une question.
- Speaker #1
Oui, il y aurait une forme d'inaccomplissement. Je ne sais pas comment le dire si je lâchais le rythme que j'ai aujourd'hui. Et d'ailleurs, c'est une de mes craintes pour l'année à venir et un challenge. J'ai pas mal de projets en cours personnels qui viennent s'ajouter aux entraînements et au travail, évidemment. C'est une crainte, je n'ai pas envie de gâcher le travail accompli depuis ces 4-5 dernières années. Mais effectivement, je pense que je serai pleinement satisfait le jour où j'arriverai à mêler le niveau que j'ai aujourd'hui, voire un petit peu plus, je ne sais pas. De l'apnée à haut niveau, avec des sensations, des perceptions pleinement ressenties. et à les partager derrière avec d'autres personnes et à ajouter du récréatif. J'aurais une forme d'accomplissement, oui, le jour où j'arriverais à faire de la performance, du loisir, et à le partager avec d'autres. C'est quelque chose que je n'ai pas trouvé le temps de faire, malgré le fait que je sois moniteur ou instructeur, j'encadre en piscine. Je suis investi dans des associations, dans des clubs, mais le partage en... En groupe, amener les gens à parcourir le chemin que j'ai fait ou un chemin beaucoup plus simple, ça me peu importe, à juste prendre du plaisir, se détendre, à se familiariser même avec le milieu aquatique. C'est quelque chose qui me plairait, qui prendra du temps, je pense. Ce n'est pas pour aujourd'hui, mais oui, l'accomplissement, la plénitude, ce n'est pas pour demain.
- Speaker #0
Génial, ça va être quasiment le mot de la fin. Je te remercie beaucoup pour ta franchise et pour tous ces partages.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
On ressent bien ce qui se passe en toi, toutes ces pensées que tu peux avoir, elles sont très très claires. C'est très agréable de voir cette maîtrise justement. On sent que c'est du travail. Une dernière chose et après on s'en tiendra là et puis tu as sûrement d'autres choses à faire ici. J'aime bien quand la personne que j'invite puisse dire, si tu avais un conseil à donner à un apnéiste, En termes de préparation mentale, peut-être juste un tips ?
- Speaker #1
Alors, il y a un conseil que j'ai déjà donné plusieurs fois cette fin d'année. D'ailleurs, ça me semble primordial et ça me semble évident encore plus aujourd'hui. C'est d'être bien entouré. Je suis dans la peau d'un compétiteur, donc je parle en tant que compétiteur et pour l'avoir vécu, et même dans ma vie personnelle récemment pour d'autres projets. On a des hauts, on a des bas, on a besoin de conseils. Et mon conseil, c'est de chercher autour de vous des gens qui savent, des bonnes personnes pour vous guider, des gens également qui seront là pour vous remonter le moral, pour vous remotiver. Pour vous pointer du doigt ce qui est positif, et évidemment une autre personne à côté pour vous rappeler ce qui ne va pas, ce qu'il faut travailler malgré tout. L'important, ça peut paraître une aventure solitaire quand on est sous l'eau, quand on fait de l'apnée, on se retrouve seul face à soi-même, coupé du monde. Mais comme dans beaucoup de choses dans la vie, on ne peut pas avancer seul, c'est impossible. Et le regard des autres est important et le soutien des autres est important également pour avancer sereinement.
- Speaker #0
Merci beaucoup. De rappeler aussi que l'apnée, c'est vraiment un sport collectif dans le fond, même si ça ne ressemble pas forcément quand on voit l'image du compétiteur qui descend. Nous, on le sait, on le répète souvent dans notre environnement, que quand tu as tout le staff, toute l'équipe, les coachs, tous les gens qui t'accompagnent, la famille, les proches, ce n'est pas un sport individuel, ce n'est juste pas possible. Mais c'est bien de le rappeler. Merci pour ce conseil à tous. Franchement, merci pour cet échange, c'était extrêmement riche et agréable. Je te souhaite le meilleur pour ta saison alors !
- Speaker #1
Je vais m'y appliquer, merci beaucoup Sylvie !
- Speaker #0
Merci d'avoir plongé avec moi dans cet épisode de En Profondeur by Hypnée. Si cette exploration vous a inspiré, n'hésitez pas à vous abonner, à laisser un commentaire ou à partager le podcast autour de vous. Et pour prolonger l'aventure, retrouvez-moi sur mes réseaux sociaux en recherchant hypnée. Je remercie Philippe Istria qui, avec sa triple casquette d'apnéiste, de journaliste et de spécialiste du son, assure désormais le montage de chaque épisode. Et maintenant, prenez une grande inspiration, explorez vos propres profondeurs et à très bientôt pour une nouvelle immersion.