Speaker #0Aujourd'hui, en bref, le podcast du Céreq évoque comment la question de la transition écologique est prise en compte dans certaines entreprises du bâtiment. Le secteur du bâtiment et des travaux publics, fortement émetteurs de gaz à effet de serre, grands consommateurs d'énergie et producteurs de déchets, fait l'objet d'une pression croissante pour intégrer les enjeux environnementaux à ces pratiques. Mais comment cette transition écologique se traduit-elle concrètement dans les entreprises ? Une enquête menée par le Céreq auprès de deux PME du sud de la France, Silva, une coopérative spécialisée dans le bâtiment, et Niceco, une entreprise familiale de travaux publics, fournit quelques réponses. Ces PME ont fait de l'écologie un axe central de leur stratégie. Si les réglementations jouent un rôle indéniable dans l'écologisation du secteur, Les dirigeants des entreprises observées y voient aussi de nouvelles opportunités de développement économique. L'écologisation d'une entreprise se situe entre opportunités économiques et convictions. L'étude démontre que si les réglementations environnementales jouent un rôle indéniable dans l'écologisation du secteur, elles ne constituent pas le seul moteur de changement. Les directions des deux entreprises étudiées voient dans les normes et certifications, que ce soit ISO, responsabilité sociale de l'entreprise ou la charte chantier vert, de véritables opportunités pour se démarquer de la concurrence, valoriser leur savoir-faire spécifique, structurer et rendre visible leur engagement environnemental et développer une stratégie ancrée dans leur territoire, comme par exemple les recrutements de proximité, l'utilisation de ressources locales ou les plateformes de recyclage. Enfin, l'étude révèle que ces deux PME ne sont pas des organisations militantes, mais plutôt des entreprises dont les dirigeants sont volontaires et déterminés dans l'adoption d'une stratégie économique favorable à l'écologie. Si dans les deux cas le projet est impulsé par les dirigeants, l'enquête met en lumière des approches différentes selon la structure de gouvernance et qui mettent en lumière deux modèles d'écologisation distincts. Le premier est une transition écologique progressive et négociée, mise en place dans la coopérative Silva, et portée depuis 2015 par un dirigeant et deux cadres. Cette transformation s'est traduite par le développement de marchés, haussature bois, désamiantage, maîtrise du béton de terre, et construction d'un bâtiment biosourcé exemplaire. Le premier chantier de ce type en région est le troisième au niveau national. Le statut coopératif implique une démarche d'acculturation des coopérateurs qui demande de la pédagogie et une adaptation aux différents pôles de l'entreprise. Le second modèle est une écologisation hiérarchisée et rationalisée, mise en place dans la PME Niceco, et impulsée par un dirigeant fortement investi dans les groupes de travail et le réseautage professionnel. L'entreprise a développé des équipements favorables au développement durable, par exemple, recycleuses de béton, presseuses de boue, plateformes d'entreposage pour le recyclage, et remporte des chantiers écologiques, notamment dans le parc naturel national avec des cas et des charges particulièrement exigeants. Mais le plus révélateur des transformations du travail opéré, c'est la manière dont sont gérés les déchets. Chez Silva, le tri des déchets est effectué avec attention sur des chantiers qui se veulent exemplaires, mais restent plus variables chez les particuliers. La coopérative envisage d'organiser le réemploi interne de matériaux issus de certains chantiers pour d'autres projets et a recruté une stagiaire ingénieure pour détailler les gestes professionnels et la rentabilité économique liée au démontage d'ardoises et à leur réemploi. Chez Niceco, l'économie circulaire est plus avancée du fait d'une volonté dont témoigne le dirigeant. Le recyclage implique de nouvelles tâches et savoir-faire, comme la mise à l'écart de matériaux sous le chantier, le tri, le criblage ou le transport vers la plateforme de recyclage. Ces transformations sont accompagnées par un réseau social numérique interne qui valorise les bonnes pratiques, mais qui a aussi été détourné par les ouvriers pour signaler les mauvaises pratiques. En conclusion, la recherche souligne que derrière les mesures présentées comme bénéfiques et évidentes à appliquer, se cache souvent un surcroît de tâches et une pénibilité de travail peu visibilisée et peu discutée collectivement. L'étude conclut que les transformations induites par l'écologisation sont plus marquées en termes d'organisation du travail que de compétences nouvelles. La question des conditions de travail reste peu articulée au positionnement écologique de l'entreprise, même dans la SCOP Silva qui a pourtant engagé une démarche d'amélioration de la qualité de vie au travail avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Les chercheurs suggèrent l'introduction de dispositifs de dialogue prenant en charge les controverses professionnelles, sur ce que l'écologisation fait aux conditions et à l'organisation du travail, s'inspirant notamment des enseignements d'une enquête antérieure de l'Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail des Hauts-de-France.