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Entre-Nous. Le management et le leadership pour tous.

07. Burn-out et reconstruction : le parcours inspirant de Patrick Sumi

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58min |24/03/2025
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Description

L’épuisement professionnel peut toucher tout le monde. Personne n’est à l’abri.


Dans cet épisode, j’ai le plaisir d’accueillir Patrick Sumi, ancien cadre chez Nestlé, qui a occupé pendant 23 ans des postes à hautes responsabilités. Porté par une quête incessante de performance, il finit par s’épuiser jusqu’à atteindre un point de rupture en 2021. Confronté aux signaux physiques et psychiques du burn-out, il entame un long cheminement de remise en question qui le conduit à quitter son emploi et à se reconstruire.


Au printemps 2023, il décide de réaliser un rêve de longue date : un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre Lutry en Suisse et le Cap Nord. Un voyage initiatique, qu’il partage aujourd’hui à travers un livre et un film intitulés "Sur le Fil".


Dans cette conversation, nous avons abordé :


✅ Son parcours professionnel et sa quête de performance
✅ Les signes annonciateurs de son burn-out
✅ Son cheminement vers la prise de conscience et la décision de tout quitter
✅ Ses conseils pour mieux écouter ses limites et prévenir l’épuisement


Patrick nous livre avec sincérité son parcours, les signes avant-coureurs qu’il a ignorés, et les leçons qu’il en tire aujourd’hui.


Son témoignage est une invitation à repenser notre rapport au travail, à écouter nos limites et à envisager d’autres chemins possibles.


Que vous soyez manager, dirigeant ou simplement en quête d’équilibre, son expérience vous apportera, je l’espère, des clés concrètes et inspirantes.


📖 Sur le fil – Le livre de Patrick Sumi
🎬 Sur le fil – Le film de Patrick Sumi


Pour retrouver Patrick Sumi: www.patricksumi.ch


🎧 Très bonne écoute !


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Transcription

  • Speaker #0

    Manager aujourd'hui, c'est évoluer dans un monde en perpétuel changement, plus rapide, plus incertain, plus exigeant. Face à cette complexité, il n'y a pas de recette toute faite, mais une seule certitude. Un bon manager ne cherche pas la perfection, il apprend, il s'adapte et il ose. Je suis Magali Vanet, coach, consultante et formatrice en management et gestion d'équipe. Entre nous, c'est le podcast qui décrypte avec sincérité et pragmatisme les défis du management. Seul ou accompagné d'invités du terrain, je partage des stratégies, des expériences vécues et des conseils pratiques. Alors ici, pas de théorie abstraite, ni de solution toute faite, mais des clés concrètes et actionnables pour avancer, évoluer et prendre confiance dans son rôle. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Patrick Soumy. Patrick a travaillé 23 ans comme cadre chez Nestlé. Il a occupé différentes fonctions et a atteint, avec un travail acharné et un engagement sans faille, les responsabilités qu'il rêvait tant. Mais en 2021, il est épuisé. Il n'en peut plus. Plusieurs signes physiques et psychiques lui font prendre conscience qu'il ne peut plus continuer sa course à la performance. Après un long processus de remise en question, il décide de quitter son emploi. Au printemps 2023, durant sa phase de reconstruction, il réalise son rêve et accomplit un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre l'Utri en Suisse et le Cap Nord. Il met en mots et en images son histoire et son parcours avec un livre et un film qu'il a intitulé « Sur le fil » . L'épuisement professionnel que Patrick a vécu peut toutes et tous nous toucher. C'est une réalité, personne n'est à l'abri. Durant notre conversation, nous avons évoqué son parcours professionnel, sa quête de performance et comment tout cela l'a amené jusqu'à l'épuisement. Avec une grande sincérité, il nous explique les signaux qu'il a perçus, qu'il a ressentis et quel a été son long cheminement jusqu'à sa décision de quitter Nestlé. Bien que chaque situation soit unique, l'expérience de Patrick, sa manière de poser son regard sur cette étape de sa vie, et les conseils qu'ils donnent au fil de la discussion seront, je n'en doute pas, une source d'inspiration et de réflexion sur notre propre rapport au travail. Je ne vous en dis pas plus et laisse place à mon échange avec Patrick. Hello Patrick, un grand merci à toi de prendre le temps aujourd'hui d'échanger sur ton parcours, parce que je suis persuadée qu'il va parler et il va résonner vraiment à de nombreuses personnes, en particulier aux cadres et aux dirigeants, mais bien au-delà, j'en suis persuadée. Alors je sais que tu es très sollicité, tu me le disais tout à l'heure, que tu avais animé une conférence ce matin, donc je sais que tu es très sollicité depuis quelques mois avec la sortie de ton livre et de ton film. J'avais vraiment envie de t'inviter à partager et évoquer ton histoire parce que je pense qu'aujourd'hui dans les organisations de travail, c'est une réalité. Ce que tu as vécu, c'est ce que beaucoup de personnes vivent aujourd'hui dans un rôle de conduite qui est très difficile à concilier les différents enjeux. C'était aussi l'opportunité à travers ton histoire qu'on pose ensemble, finalement, notre regard sur le management aujourd'hui dans les organisations de travail et que tu puisses apporter. des pistes et des conseils, même si on sait que chaque histoire, elle est unique, elle est différente. Mais je pense que les personnes qui nous écoutent ont aussi besoin, à travers ton histoire, de recevoir quelques conseils, quelques pistes qui peuvent les aider finalement à mieux appréhender ce rôle de management et de dirigeant. Et puis pour ma part, en lisant ton livre, que j'ai lu d'une traite d'ailleurs, Il y avait beaucoup de choses que tu évoques qui m'ont replongée dans ma propre expérience de management, de cadre. Et puis, j'ai aussi été très émotionnée, je pense qu'on le dit ça comme ça, de voir finalement à travers ton parcours tout le cheminement que tu as fait et aussi toute la partie introspective sur ta propre personne. Je pense que cette partie introspective, c'est aussi quelque chose d'extrêmement important aujourd'hui pour un cadre de le faire sur soi.

  • Speaker #1

    Alors, c'est un gros chantier.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais effectivement, je trouve que c'est ressorti et tu as réussi à faire ressortir. Avec plaisir. Alors peut-être avant de plonger dans ton parcours, j'aimerais qu'on commence par aujourd'hui, parce qu'on est là, c'est le présent. Et puis j'ai envie de te demander la première question un petit peu disruptive comme ça. De quoi es-tu le plus fier ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis très fier aujourd'hui, c'est que je me donne beaucoup de moyens à la réalisation de mes rêves. Et je pense que c'est fondamental d'aller auprès de ses rêves, de suivre ses envies et de se donner les moyens. Aujourd'hui, j'ai accompagné des gens au Norvège en raquette à neige. Je suis extrêmement fier de ça parce que c'est des choses auxquelles je ne pensais pas possibles il y a encore quelques années. Donc... La réalisation de rêves, j'ai fait des courses sportives, j'ai écrit un livre, mes défis sportifs, mes aventures cyclistes, ma nouvelle activité, tout ça me rend très fier. Et globalement tout ça, ça s'inscrit dans le changement et je suis assez fier du changement que j'entreprends. Mais je suis aussi fier du parcours que j'ai fait professionnellement.

  • Speaker #0

    Ça te permet finalement d'être fier de ce que tu fais aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Exactement, oui. Mais autant, j'ai besoin aujourd'hui de pouvoir être fier de quelque chose d'autre. Moi, j'étais extrêmement fier de la carrière professionnelle que j'ai faite, surtout dans le domaine dans lequel je venais. Ce n'était pas un donné d'avance. Donc, d'arriver à une position comme celle-ci, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, je l'ai fait. Et aujourd'hui, je ressens ce besoin, j'ai toujours besoin de réussir, de performance. J'ai envie de faire des choses, de réaliser des choses, mais pas toujours dans le domaine professionnel. Je crois qu'on peut réussir à différents niveaux. Et c'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui, c'est de recréer quelque chose, de lancer de nouvelles activités, une nouvelle activité professionnelle, puis de nouveaux défis sportifs et d'aventures.

  • Speaker #0

    D'accord. Et tu penses que c'est grâce justement au parcours que tu as vécu ces dernières années qui te permettent finalement d'avoir réussi à switcher cette fierté et de ne plus la positionner dans le contexte professionnel, mais dans ton contexte personnel beaucoup plus.

  • Speaker #1

    Je suis convaincu et j'en parlais ce matin en conférence. Je crois que dans la vie, on a besoin de phares. C'est ces phares qui nous font avancer. beaucoup ont un seul phare, qui est le phare professionnel. Moi, ce phare-là, en tout cas celui de la carrière professionnelle, je peux dire que je l'ai éteint. Mais c'est important d'avoir d'autres phares. Savoir des phares qui sont plus loin, des phares différents. Et c'est ces autres phares qui te font avancer. Et je pense que c'est sain aussi. Pendant une vie, une activité professionnelle, j'ai toujours eu d'autres phares. étaient mes activités sportives, mes activités associatives et autres, qui font que tu multiplies des activités pour ne pas avoir un seul pilier qui est celui du travail.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que la réalité, alors je ne sais pas si c'est une question culturelle, mais on se définit beaucoup à travers notre activité professionnelle, notre travail finalement.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Beaucoup trop.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Je te rejoins. Et peut-être c'est ce qui prend. Mais effectivement, c'est une réalité et il faut pouvoir trouver ces... J'aime bien toi. ton image des phares, parce que c'est d'avoir différents phares allumés et pas un seul qui nous guide.

  • Speaker #1

    C'est un peu souvent, j'ai des réflexions quand je fais les conférences ou souvent les environnements, j'ai beaucoup de gens qui viennent, des retraités ou des jeunes retraités qui me disent C'est ce que vivent ces gens-là. Ça veut dire qu'une fois qu'ils ont quitté l'univers professionnel, ils n'ont plus de phare. Ou j'ai des gens aujourd'hui que j'accompagne en montagne, des gens qui sont en burn-out. C'est une grande partie de ma clientèle. Et souvent, ils viennent avec ce phare qui est en train de s'éteindre, celui de leur vie professionnelle, ou en tout cas qui les a affaiblis. Et je pense que c'est nécessaire pour ces gens-là. d'identifier un nouveau phare. Parce que souvent, le phare professionnel, c'est celui qui les a fait sombrer. Et ils s'accrochent à ça parce que c'est ce qu'ils connaissent. Mais le problème, quand cet univers du connu, c'est celui qui nous a usé et poussé jusqu'au burn-out, il faut rapidement essayer d'identifier un autre phare.

  • Speaker #0

    Donc si on revient au phare que tu évoques, si tu devais aujourd'hui te définir en une phrase, Patrick, il se définirait comment ?

  • Speaker #1

    J'ai une phrase qui me poursuit depuis, je pense, c'est... 15-20 ans, qui est sur mon profil WhatsApp. J'aime cette phrase plus que tout, qui dit, on vieillit lorsque le nombre de regrets dépasse celui des rêves et des projets. Je pense qu'elle veut tout dire. Parce qu'elle définit l'âge qu'on peut avoir. Le jour où on commence à dire j'aurais dû, c'est qu'on vieillit. Et moi, j'ai plus de projets en tête que de regrets, encore aujourd'hui.

  • Speaker #0

    pas mort que des regrets.

  • Speaker #1

    Donc, moi, je ne suis pas encore en train de me dire « Ah, j'aurais dû faire ça. Ah, j'ai loupé ça. » Non. Au contraire, moi, j'ai ma bucket list, comme on dit, qui est grande. Et j'ai encore cette force, cette envie, le temps, maintenant aussi, pour aller grappiller tous ces projets et ces rêves, pour les réaliser.

  • Speaker #0

    C'est joliment bien dit.

  • Speaker #1

    Je me sens très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, très bien. Et tu es très jeune. Ce que je te propose, c'est de revenir un petit peu, de regarder dans le rétroviseur, parce que finalement, ce que tu évoques aujourd'hui, tu peux aussi l'évoquer ou tu l'évoques grâce au parcours que tu as fait. Donc, si tu devais nous retracer les grandes étapes de ton parcours. Professionnel. Professionnel.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai un parcours extrêmement assez simple, qui est un apprentissage de vendeur, suivi d'un apprentissage d'employé de commerce, que j'ai fait les deux, que j'ai fait vendeur en articles de sport, employé de commerce chez Migros, puis... Dix ans chez Migros, beaucoup d'échelons jusqu'à travailler à Zurich, au service des achats d'articles de sport. Pendant cette période-là, je travaillais sur un brevet fédéral de spécialiste en marketing. Et le cumul des deux, le brevet fédéral de spécialiste en marketing et mon travail à Zurich, le fait d'apprendre l'allemand, m'ont ouvert, je dirais, un nouvel angle sur ma carrière. Quand je suis rentré de Zurich, avec l'expérience zuricoise et l'allemand, J'ai trouvé un travail très rapide. Et puis là, c'est lancé ma carrière chez Nestlé. Après, j'ai changé beaucoup de fonctions chez Nestlé. Je suis rentré dans l'univers de performance. Venant de la filière apprentissage, j'ai eu besoin de beaucoup de persévérance, beaucoup de travail, beaucoup d'endurance. pour, on va dire, un peu, à quelque part, compenser ce que je n'avais pas étudié avant.

  • Speaker #0

    C'est une pression que tu te mettais avec le parcours pratique, finalement, qui est à forte valeur ajoutée. Ou bien c'était plutôt une pression que tu te mettais, ou bien une réalité que tu avais l'impression que, de par ton parcours pratique avant, orienté très terrain, finalement, d'être rentré dans une entreprise internationale faisait que tu devais compenser. qu'est-ce qui te manquait ou qu'est-ce que tu avais l'impression qui te manquait ?

  • Speaker #1

    Tu en parles un peu dans le livre. C'est vrai que moi, je viens d'un univers, d'un milieu extrêmement simple, notamment dans le quartier où j'ai grandi, les études que je n'ai pas faites. Je suis passé par l'expérience. De temps en temps, j'ai un peu ce syndrome de l'imposteur. Ça veut dire que je me retrouvais dans les séances, le comité de direction, des choses comme ça, et je me rendais bien compte que là où j'étais, j'étais le seul. qui n'avait pas fait les études supérieures d'universitaire. Donc, parfois, j'avais ce recul et me dire, bon, écoute, un, ça me donnait beaucoup de fierté, et deux, ça me posait des questions de savoir, voilà, pourquoi tu es là ? Est-ce que tu mérites d'être là ? Oui, je méritais d'être là, mais ça me posait des questions, quand même, sur cette capacité ou sur la légitimité, voilà, d'être ici. Donc, Donc, ouais, mais pour être là, ça a été beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    D'accord. Beaucoup de travail. Sur les plus de 20 ans que tu as fait chez Nestlé, est-ce qu'à un moment donné, tu t'es senti à ta place légitime ? Ou à quel moment tu peux te dire, je me suis senti légitime par rapport à...

  • Speaker #1

    Bon, je crois que... Bon, c'est des réflexions que je me faisais de temps en temps. Après, j'étais très à l'aise dans le domaine où j'étais, compétent. Je pense que j'ai eu une carrière qui s'est très, très bien déroulée. J'étais heureux dans les jobs que j'ai, les fonctions que j'ai pu avoir. Donc, ce n'était pas tous les jours en train de me dire « je ne mérite pas d'être là » . Au contraire. Et j'ai eu des promotions régulières par rapport à la qualité du travail que je délivrais. Donc non, j'étais au poste que je méritais et je délivrais un très bon travail, sans doute. Donc non, mais de temps à autre, il y avait cette réflexion.

  • Speaker #0

    Cette petite voix intérieure.

  • Speaker #1

    Cette voix qui disait, écoute, tu es quand même le seul autour de la table qui vient d'un autre milieu.

  • Speaker #0

    Et en même temps, tu amenais beaucoup à justement…

  • Speaker #1

    Et puis je pense, je parle aujourd'hui beaucoup d'inclusivité. C'est un feedback que j'avais fait à Nestlé avant de partir. On parle énormément d'inclusivité. Simplement que l'inclusivité, c'est à mon avis plus que de regrouper différentes ethnies et des personnes d'univers différents. Mais c'est aussi réunir autour d'une table des gens qui ont des formations différentes, des gens qui ont des âges différents, des gens qui ont des expériences différentes. Alors que, en tout cas, mon souvenir, c'était qu'autour de la table, les gens qu'on engageait sortaient tous des mêmes universités. On a un peu tendance à engager les gens qui sortaient de Saint-Gal, les jeunes qui arrivaient. Et moi, je trouvais ça OK, c'est bien, mais je trouvais que c'était une sorte de monoculture. Bien qu'il y avait des critères et des profils très différents dans les gens, mais je pense que c'est important aussi d'avoir cette inclusivité sur l'âge, les formations, les carrières professionnelles, etc.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a apporté le plus de satisfaction ? tout au long de ces années chez

  • Speaker #1

    Nestlé ? Les jobs que j'ai eus, ils étaient extrêmement dynamiques. Il y avait un travail d'équipe. Je pense que ça, c'est une chose clé. C'est la capacité de travailler en équipe. Et c'est la réussite de l'équipe. Ça, c'est des choses qui m'ont toujours poussé à travailler en équipe sur un objectif commun. Je pense que ça, c'est les choses qui m'ont... beaucoup stimulé. Et notamment le rôle de manager. Le rôle de manager, parce que il n'y a rien de plus satisfaisant que de voir les gens s'évoluer. Quand les gens peuvent évoluer, peuvent se former, peuvent changer de job, et puis que ces gens sont passés entre vos mains. C'est très satisfaisant pour un manager que de voir un jeune évoluer dans l'entreprise et puis grandir et passer les échelons.

  • Speaker #0

    Donc, tu en parles pas mal aussi à travers ton livre, la notion, ton rapport à la performance. Et puis, je pense que c'est aussi quelque chose qui fait partie pleinement, à 100% du discours dans les organisations, et ce qui est tout à fait normal, de la notion de performance. À ce moment-là, c'est quoi la performance pour toi ? Comment elle s'exprime ? Qu'est-ce que tu en fais de cette notion-là ? à travers ces années ?

  • Speaker #1

    Moi, j'ai été omnibulé depuis mon adolescence par la performance. Je ne sais pas pourquoi, j'aurais peut-être dû faire une analyse psychologique, mais omnibulé par la réussite. Moi, il fallait que je réussisse professionnellement.

  • Speaker #0

    Donc performance pour toi est égale réussite. Voilà.

  • Speaker #1

    Performance, alors c'était performer professionnellement, performer sportivement, performer sur le plan famille, Je m'étais donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de pression à réussir tôt. C'est fatigant de réussir tout le temps. C'est usant. Et je crois que c'est ce qui fait que les gens, aujourd'hui, la société nous pousse à être bons partout. Et à un moment donné, on a tous, on reviendra peut-être après sur ces fragilités. Et à un moment donné... On ne peut pas être parfait tout le temps, partout. Mais moi, c'était une nécessité de réussir professionnellement, de participer à des courses sportives tous les week-ends. J'avais besoin d'être performant partout. Sans doute, ça m'a amené à ce moment de fragilité qui est l'épuisement professionnel et le burn-out. Parce qu'à un moment donné, cette pression-là, elle est trop forte.

  • Speaker #0

    Et comment elle s'exprimait aussi par rapport à tes équipes que tu avais à ce moment-là ? une extrême grande exigence de performance envers toi-même, de réussite ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, oui, envers moi-même, mais j'étais très exigeant avec les équipes aussi, des fois trop.

  • Speaker #0

    Et tu le disais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, des fois j'avais ces remarques parce que j'étais très exigeant sur la qualité du travail, sur l'atteinte des objectifs et puis sur la volonté. Je trouve que c'était quelque chose d'important, c'est quelque chose qui me tenait à cœur, c'est... La volonté de bien faire. Je pense qu'on peut ne pas réussir quelque chose, on peut ne pas atteindre un objectif dès lors qu'on a donné le meilleur de soi-même. Et moi, c'est ça que j'allais chercher chez les gens, je crois. C'est m'assurer qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Et celui qui a essayé de faufiler pour essayer d'économiser un peu ici et là, ça, c'est quelque chose que j'ai la peine à apprécier. Celui qui n'atteint pas un objectif, mais qu'on sent qu'il a donné tout son cœur, ça, ça me va. Donc, j'avais ce niveau d'exigence que j'ai sur moi, que j'avais dans mes équipes.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport à ce que tu disais, ça va nous amener à évoquer maintenant le point de rupture qui t'a amené à cette phase d'épuisement professionnel, de burn-out. Je trouvais intéressant de faire le lien avec ce que tu dis dans ton bouquin. Tu parles à un moment donné, d'ailleurs, c'est le premier chapitre de ton livre qui s'appelle le titre « Nager à contre-courant » . Quand j'ai lu ton livre, en plus ce premier chapitre, c'est assez évocateur finalement peut-être de ce qu'à un moment donné, tu as commencé à ressentir dans ton parcours. À quel moment tu as senti des signaux où tu as commencé à ressentir que tu n'étais plus dans le même courant que ton entreprise ?

  • Speaker #1

    Naja contre courant, ça signifie de ne pas être aligné avec la direction qui est donnée par l'employeur. Malgré que ce que je devais faire était justifié sur un plan business, dès que j'ai dû licencier passablement de monde, tout ça se justifiait. Après, c'est comme dans toutes les entreprises, dans tous les projets de restructuration, il y a toujours un peu un agenda caché. Cet agenda, je ne l'ai pas saisi tout de suite. Donc moi, j'ai mis... énormément d'énergie, essayer de trouver des opportunités, essayer de sauver chaque job. Jusqu'à ce qu'on me dise, écoute, Patrick, t'as pas compris, il faut couper. Et ça, à un moment donné, moi j'étais en train de travailler dans une direction alors qu'il fallait aller dans l'autre. Ça, ça m'a épuisé. Je pense, pour revenir aux prémices de la fatigue, du burn-out, je pense que c'est symptomatique de ce qui arrive chez les gens, c'est qu'à un moment donné, on n'est pas aligné entre nos fondamentaux, nos croyances personnelles. nos valeurs personnelles et ce que l'on fait au travail. Et c'est pour ça que les gens aujourd'hui, en tout cas à l'âge de 40, 45, 50 ans, les gens se posent ces questions-là. De toute manière, ces questions, elles viennent. Maintenant, il y a une partie des gens qui arrivent à faire le saut entre leurs valeurs et leur activité professionnelle. Et puis, il y a des gens qui n'arrivent pas et ce gap entre les deux crée une friction. Et c'est souvent un déclencheur de burn-out, de fatigue, parce que si tous les jours, en allant au travail, on doit exécuter des tâches pour lesquelles on n'est pas aligné, c'est compliqué. Donc moi, ce n'était pas le cas jusqu'à alors, jusqu'à ce qu'on me demande. de licencier des gens et c'était le facteur humain que j'avais un peu sous-estimé peut-être, auquel ça m'a coûté beaucoup, beaucoup d'énergie pour réaliser cette restructuration. Et là, je me suis rendu compte que je n'étais plus du tout en adéquation avec ce qu'on me demandait, malgré que sur un plan business, organisationnel, structurel, tout se justifiait.

  • Speaker #0

    Et c'est là que tout est là finalement par rapport à ce que tu dis, tout est là, difficulté, parce que... tu es en accord sur un certain nombre d'orientations stratégiques de l'entreprise. Mais après, puis c'est aussi, comme tu le dis, effectivement, quand on arrive, je pense, à un âge vers la quarantaine, c'est des choses qu'on va beaucoup plus questionner. Notre alignement, notre système de valeurs, est-ce qu'il correspond toujours ? Est-ce qu'il est aligné ou le plus aligné possible ? Ce n'est pas forcément toujours possible d'être pile poil dans la line.

  • Speaker #1

    C'est ancré en nous. Ça veut dire qu'à un moment donné, dans la... Dans les âges, à une certaine maturité, on est beaucoup moins flexible par rapport à ça. Quand on a 30 ans, 25 ans, on est très malléable et puis on peut facilement faire le saut entre nos valeurs parce qu'on est flexible.

  • Speaker #0

    Et comment ça se traduisait dans les signaux, finalement, physiques, mentaux ?

  • Speaker #1

    C'est typique des signes avant-coureurs du burn-out, c'est une fatigue générale, fatigue mentale surtout. Moi, ce qui m'a caractérisé, c'est l'irritation. J'étais très, très irritable. C'est-à-dire que pendant une période, je m'énervais contre tout ce qui m'entourait ou tout ce qui ne me correspondait pas. Et ça, pas seulement sur le plan professionnel, mais sur le plan personnel, dès qu'on n'était pas d'accord avec moi. J'étais agressif. Et pour l'anecdote, dès que j'ai senti que je n'étais pas trop bien, j'ai beaucoup écrit. Donc j'ai posé tout ça sur papier. Le soir, je rentrais à la maison, puis j'écrivais un petit peu mes pensées et des choses qui m'avaient énervé dans la journée. Tous ces écrits-là, je les ai mis de côté après. Puis en rentrant de voyage, j'ai relu ça. Et je me suis dit, le type qui a écrit ça était très malade. Et c'est pour montrer que quand on est dedans... Quand on subit ça, on est irrité, irritable, on n'est plus vraiment soi-même. Ça veut dire qu'on n'a plus de filtre, on n'a plus cette protection qui nous protège contre l'environnement extérieur et tout nous agresse. L'incompréhension, ça veut dire qu'à un moment donné, on se sent seul. Et puis, le monde entier est faux.

  • Speaker #0

    Tu avais des retours aussi des gens ?

  • Speaker #1

    De mon entourage, oui. De mon entourage, au travail, j'arrivais bien à masquer ça. Parce que bien sûr, c'est un des symptômes aussi, c'est qu'on fait le point dans la poche. Donc, on essaye d'arrondir un peu les angles. On essaye parce qu'on veut tenir. Et puis, on fait le point dans la poche pour ne pas craquer. Et puis, à un moment donné... J'ai eu deux éléments qui ont été révélateurs. C'est une journée de ski où je suis parti faire de la peau de phoque avec mon ami et ce jour-là, je n'étais pas bien. Et dans une montée, on sent des conversions en peau de phoque, j'ai glissé. Je suis tombé et je me suis effondré comme un enfant perdu dans un supermarché. J'ai pleuré. Et ça, je n'ai pas trouvé normal. Je me suis dit, là, il y a un truc qui va pas. C'est qu'à un moment donné, tu es psychologiquement très affaibli. Et ce n'est pas normal de flancher comme ça dans une situation qu'en principe, tu maîtrises complètement. Et l'autre élément, c'est que sous les conseils des RH, j'ai été voir l'infirmière professionnelle. Et là, la même chose. Quand je suis rentré dans ce bureau, je me suis effondré. On a beaucoup discuté. Et elle m'a posé deux questions. Elle m'a dit, Patrick, si tu dois mesurer ton niveau d'énergie ou tes niveaux de batterie comme celles de ton portable, t'es à combien ? J'ai fait une estimation, 10 et 20%. On a continué à discuter. Puis avant que je parte, elle m'a posé une question. Elle m'a dit, maintenant, c'est 10 et 15%. Tu veux en faire quoi ? Puis c'est là que j'ai dit, OK, maintenant, si je veux sauver ma peau, il faut que je m'occupe de moi. Et je crois que c'est important. Il faut que je m'occupe de moi. Et j'ai mis le reste de l'énergie que j'avais à prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Tu peux dire qu'à ce moment-là, ta décision a été prise de quitter ? Non,

  • Speaker #1

    pas encore. Parce qu'au départ... Les discussions ont été de changer de job, de rester dans le cadre. Ensuite, Nestlé m'a offert un bilan de compétences qui a été vraiment une très très très bonne expérience parce que j'étais dans une phase de doute où je ne croyais plus en rien, ni en moi. Et je trouve que ce bilan de compétences a été révélateur. Et c'est après. C'est après où, à un moment donné, la fatigue continuait, les projets avançaient. Et puis, on m'a dit, écoute... on te propose un autre job. J'étais très flatté. Et à un moment donné, j'ai dit à mon chef, je dis, écoute, tu sais, je viens de terminer un marathon, je suis épuisé, et tu me proposes de repartir sur un marathon. Ça ne marche pas. Donc, je n'avais pas du tout envie de partir à l'échec. Et c'est là que je me suis dit, il me faut arrêter. Donc, j'ai donné mon projet.

  • Speaker #0

    C'était un moment pivot. Et puis, d'ailleurs, tu l'évoques dans ton livre, au moment un peu de cette phase où ta décision a été prise de partir. Et tu dis, est-ce que je trouvais assez fort dans ce que tu as écrit, il a été difficile de partir, d'abandonner, de jeter l'éponge. À ce moment-là, ta décision est prise. Donc, il y a déjà ce pivot qui se fait, mais il y a encore le sentiment d'abandonner quelque chose. Qu'est-ce que tu abandonnes à ce moment-là pour toi ?

  • Speaker #1

    D'un côté, je sentais mon corps et mon esprit fatigués par tout ça. Puis de l'autre côté... Moi, je m'étais battu une vie entière pour arriver là. Et je me suis dit, mais est-ce que vraiment tu veux quitter ça ? Parce que c'est confortable. C'est très confortable, la position, le statut, le salaire, la fonction et tous les avantages qui vont avec. Et ça, c'était difficile. Et je savais qu'en quittant... Je quitterais tout ça avec. Parce que même si j'allais retourner ailleurs, ce serait plus pareil, sans doute. Puis souvent, c'est aussi quelque chose qu'on connaît. Donc c'est plus difficile de quitter quelque chose que l'on connaît pour quelque chose qu'on ne connaît pas. Donc c'est une décision de partir vers l'inconnu. Et ça, c'est difficile. Mais il m'avait quand même épuisé, fatigué, notamment sur ses projets de restructuration. Avant ça, j'étais très bien.

  • Speaker #0

    Et avec le recul... Tu as évoqué ce moment où tu prends conscience finalement que par rapport à tes valeurs et aux valeurs de l'organisation, ce n'est plus possible, ce côté « je nage à contre-courant » . Et à un moment donné, tu continues ton cheminement, tu prends la décision, même s'il y a un sentiment, tu as conscience aussi que tu abandonnes des choses, que tu pars vers quelque chose de complètement inconnu. Et ça, c'est souvent ce qu'on peut retrouver, ce que beaucoup de personnes qui nous écoutent. vivre, rassemblablement. Ce côté je suis en déséquilibre avec mes valeurs, je sais pas trop, mais en même temps, la peur de l'inconnu, de quitter quelque chose. Donc, avec ton expérience, ton parcours, si tu devais donner un conseil aux personnes, qu'est-ce que tu leur donnerais à ce stade comme conseil par rapport à ce qu'elles pourraient vivre ? C'est pas forcément dire, oui, il faut quitter ou il faut rester, mais...

  • Speaker #1

    Non, non, la meilleure chose déjà à faire... C'est le dialogue. Il faut avoir cette capacité. Je pense que ce qui m'a permis d'éviter un burn-out sévère, c'est de connaître mon corps, de par le sport, etc. Je pense que j'ai senti que ça n'allait pas et j'ai eu une forme de courage. C'est qu'à un moment donné, j'ai levé la main pour dire ça ne va pas.

  • Speaker #0

    Tu as senti, mais si je peux me permettre, tu as aussi accepté que ça n'allait pas.

  • Speaker #1

    J'ai accepté. Ça m'est tombé dessus une nuit d'insomnie. Quand j'étais irrité surtout.

  • Speaker #0

    Et une nuit, la solution m'est venue, c'est la réflexion de dire, écoute Patrick, tu évolues dans une entreprise depuis plus de 20 ans, tu y étais bien. L'entreprise, elle, depuis que tu es là, elle n'a pas changé. Ça reste une multinationale, ça reste le capitalisme, ça reste la performance, il faut faire de la croissance, il faut vendre. Nestlé a déjà licencié dans d'autres secteurs, simplement qu'aujourd'hui, tu es là où... Peut-être au mauvais endroit, au mauvais moment, mais l'entreprise, elle n'a pas changé. Et puis ton entourage non plus. C'est toi qui a changé. Donc c'est toi qui es malade. Et ce bilan-là, il était extrêmement intéressant. Parce que dès lors qu'on a mis le point sur le problème, que ce n'est pas les autres, mais c'est soi, je pense qu'on a fait un grand pas. On a fait un grand pas pour accepter qu'il faut se faire aider, il faut faire deux pas en arrière pour prendre soin de soi. Avant ça, on pense que c'est tous les autres. Donc c'est ça qui est important.

  • Speaker #1

    C'est hyper important ce que tu dis ici, cette phase d'acceptation, puis finalement d'accepter que c'est soi qui... Je mets des guillemets, le problème n'est pas les autres, et de dire qu'est-ce que je vais en faire maintenant ?

  • Speaker #0

    Parce que tant qu'on est dans « c'est les autres » , on n'est pas capable de lever la main pour dire « ça ne va pas » parce qu'on pense que ce n'est pas nous, c'est les autres. Donc dès le moment où j'ai fait le bilan que c'était moi qui n'allais pas, j'ai levé la main. Et puis, tout a changé. Parce que tant que les gens autour de vous ne savent pas que vous n'allez pas bien, l'univers, il reste très... compétitif. Tant que vous ne dites pas « je ne suis pas bien, j'ai besoin d'un peu de recul » , il n'y a personne qui va vous le donner, le recul.

  • Speaker #1

    Et c'est à ce moment-là, tu peux dire, que ton processus de reconstruction a pu démarrer ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dès le moment où j'ai pu parler, ça a commencé à aller un peu mieux. Après, ça a pris du temps, de ce moment-là, et le moment où j'ai décidé de partir. Mais déjà, le fait de parler m'a beaucoup aidé. Parce que les gens sont bons, fondamentalement. Simplement qu'ils sont bons... dès lors que vous avez levé la main pour dire que ça n'allait pas. Avant ça, le niveau d'exigence, il est élevé.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, justement, de ce moment qui te permet de démarrer, finalement, cette phase de reconstruction, je trouvais aussi intéressant de la relier à un moment donné dans ton livre. Tu dis, je mets des guillemets, « Je sais que j'ai fait le bon choix. » Parce que c'est toujours un sentiment qui peut être difficile, finalement. Donc, toi, tu le sais à l'intérieur de toi-même. Mais qu'est-ce qui permet de te le dire à un moment donné ? Est-ce que tu peux nous en dire plus par rapport à ce sentiment à ce moment-là ? Alors, tu as dit aussi, une fois que j'ai pu lever la main, je ne suis pas partie tout de suite. Donc, on voit aussi que le processus, il est très long. Ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Mais d'arriver à un moment donné, de te dire, je sais que j'ai fait le bon choix, comment c'est à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs paramètres. Le premier, moi, depuis que j'ai 25 ans, j'avais une ambition ou en tout cas un idéal qui était de me dire à 50, 55 ans, je vais arrêter de travailler. Donc, je m'étais dit ça. Et puis, ça m'a donné toute ma carrière quand même un objectif où je m'étais dit bon, un jour, j'aurai les moyens. d'arrêter de travailler à 50. Donc ça m'a toujours poussé dans ma carrière en disant attention, ça reste l'objectif et puis j'ai mis des choses en place pour y arriver. Après la vie, elle n'est pas toujours si simple et puis je me suis rendu compte que voilà... Est-ce que je pensais à 25 ans ? On le pense moins à 45. Et puis, plus j'allais de l'avant, à un moment donné, les pensées, c'était plus à 50 ou 55, j'arrête de travailler. Mais c'est aussi à la vision de mon entourage professionnel. Je dis non, non, moi, à 55 ans, je veux avoir le choix. C'est très différent. Je veux avoir le choix que si je suis bien, je reste. Mais si je ne suis pas bien, je suis en tension ou je suis comme certains collègues où on sent que... il tire un peu la corde pour aller jusqu'à la retraite. Non, moi, je vais pouvoir dire, je pars. Donc, il y avait quand même un processus en moi qui disait, attention, prépare-toi, parce qu'à partir de 55 ans, il y a aussi une réalité que les gens de plus de 55 ans dans le domaine commercial, marketing et autres, chez Nestlé, il n'y en a pas beaucoup. Donc, il y avait quand même une réflexion, je dirais, pragmatique. de voir l'entourage et attention, à un moment donné, ça va serrer. Donc, il faut anticiper. Donc, j'avais ça en tête. Et puis, il y a un autre élément, c'est que moi, j'ai fait 23 ans chez Nestlé. J'ai changé de fonction, de responsabilité, on va dire presque tous les 3 ans, 3-4 ans. C'est un rythme un peu normal. Donc, j'ai toujours avancé, changé de job. Et puis, je savais toujours, quand je commençais un job, j'avais presque déjà la vision sur le prochain dans 3 ans. Et puis, depuis quelques années, je n'avais plus ça. Je sentais que je n'avais plus le next step. Et ça, ça m'avait mis la puce à l'oreille. Je me suis dit, bon, il y a peut-être une réflexion à se faire en disant t'as peut-être fait le tour. Et ça venait renforcer le fait que je me dis bon ben là, je sais pas, à 55, c'est un petit peu avant, des fois la vie elle vient te pousser dans les brancards et les cordes. Donc maintenant peut-être tu dois prendre cette décision de quitter parce que, voilà, la vie, et tu le voulais aussi parce que je me suis battu une vie entière à me donner cette liberté-là.

  • Speaker #1

    Oui, donc on voit finalement par rapport à ce que tu dis qu'il y a beaucoup d'éléments, c'est une conjonction de plusieurs éléments qui t'ont amené d'une part à une situation d'épuisement par rapport aux valeurs, à ce déséquilibre entre tes propres valeurs et les valeurs de ton organisation, mais aussi par rapport à ces différents phares ou à ces différents objectifs que tu t'étais fixé. Donc, finalement, arriver à pouvoir se dire je sais que j'ai fait le bon choix, c'est pas en lien avec... un seul ingrédient. C'est plusieurs choses qui t'ont amené à réussir, finalement, à avoir ce sentiment d'apaisement par rapport à ton choix.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est important. Ce n'est pas une décision qu'on prend une nuit en disant « je viens de faire une carrière de 23 ans, j'arrête, et puis les choses vont changer comme ça. » Dans les conférences, je parle de ça où je dis un projet ou un rêve Sans plan, c'est un vœu. Moi, ce n'était pas un vœu, c'était un projet. Et puis, j'y avais mis un plan depuis 20 ans. La seule chose qui a changé, c'est que ce n'est pas moi qui ai décidé quand. Moi, à un moment donné, je m'étais dit 55 ans, ce sera bon, tu seras mieux pour faire ça, puis commencer une autre étape de ta vie et faire autre chose. Avec cette envie justement de réussir ailleurs que chez Nestlé. C'est simplement que la vie, à un moment donné, elle est venue... taper à ma porte à 53 ans et me dire, « Maintenant, tu es fatigué, il va falloir… » Et c'est un des éléments que je développe, c'est notre capacité à changer sans un élément extérieur. Malheureusement, je crois, en tout cas, c'est peut-être ce qui m'est arrivé, c'est que j'avais l'envie de changer, j'avais mis beaucoup de paramètres pour… changer tôt ou tard. Simplement que la vie est venue m'imposer une décision à un moment donné où je n'étais pas encore prêt. Donc, j'ai dû anticiper là-dessus et puis me dire, bon, maintenant la vie est en train de me dire c'est maintenant. Ce n'est pas dans deux ans, ce n'est pas dans trois ans. Tu es fatigué, donc prends une décision maintenant et puis deal avec. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et c'est, comme tu l'évoques, c'est un processus long. Et puis après, effectivement, il peut y avoir un élément extérieure, mais qui va venir déclencher la suite, effectivement. Si tu regardes, et on va ensuite évoquer plus ton regard maintenant sur le management, parce que maintenant, tu es sorti du monde de l'organisation, par contre, tu accompagnes des gens en montagne qui sont dans des moments difficiles, dans des moments de burn-out et d'épuisement. Donc, on va regarder un petit peu, voilà, par rapport à la réalité aujourd'hui dans les organisations, quel est un petit peu ton regard ? Est-ce que... C'est vrai que ça a toujours été compliqué, le management, d'occuper une fonction de dirigeant de cadre. Ça s'est vraisemblablement encore complexifié ces dernières années avec le nombre de crises successives et l'environnement changeant. Finalement, il n'y a plus de stabilité, on ne peut plus compter sur une forme de stabilité. Donc, ça met une difficulté supplémentaire quand on a des fonctions de dirigeant. Aujourd'hui, maintenant que tu es où tu es aujourd'hui ? Quel regard tu portes sur le management dans les entreprises ?

  • Speaker #0

    Manager, c'est un rôle qui n'est pas simple parce que c'est un rôle qui est basé sur l'humain. Et voilà, c'est sans doute l'élément le plus difficile à gérer dans une carrière, c'est l'humain. Les mathématiques, les statistiques, la stratégie, les plans commerciaux, les rendez-vous clients, tout ça, c'est un petit moins simple. Par contre, l'humain, ça demande certaines capacités. les soft skills, comme on l'appelle, qu'il faut développer pour pouvoir être un bon manager. Donc c'est souvent difficile.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on demande trop aujourd'hui aux managers ? Est-ce qu'il y a quelque chose de l'ordre qui a trop d'exigences ? Parce qu'on voit aussi, tu l'as peut-être vu, mais certaines études qui montrent aujourd'hui que d'une part, il y a de moins en moins de personnes actives qui aimeraient une fonction de manager. Justement, par rapport à ce que tu évoques, avec cette difficulté à s'occuper de la notion de l'humain. Et puis aussi, de moins en moins de jeunes qui aspirent à prendre des postes de manager.

  • Speaker #0

    Moi, je crois qu'il y a plusieurs paramètres. Un que j'ai remarqué, pour revenir sur ta question précédente, les dernières années de mon activité, je trouvais que le top management manquait un peu de courage, de confiance, de prise de responsabilité. Et puis qu'on avait une fâcheuse tendance. à désescalader ses responsabilités. Ça veut dire qu'il n'y a peut-être plus suffisamment les épaules assez larges dans le top management pour manager un peu, de faire un peu sous le feeling, et puis protéger ces équipes-là. Et puis j'avais l'impression qu'il y avait une sorte de haut d'ascenseur, c'est-à-dire que dès qu'il y a un problème, on désescaladait dans les équipes, et puis cette pression constante, elle use. Donc, je pense que ça, il y a un problème de responsabilité et puis de prise, de prendre ça sur les éboues. Quand on est top manager, je pense qu'il y a cette nécessité-là. Et pour prendre une décision, il fallait de plus en plus d'études. À un moment donné, il faut être un peu pragmatique. Voilà.

  • Speaker #1

    Lequel on peut se baser ?

  • Speaker #0

    De l'autre côté, je ne suis pas sûr qu'on en demande trop aux managers. J'ai l'impression qu'on s'éparpille très vite. Ça veut dire que je pense qu'on devrait apprendre... très très vite à être très très focus sur les objectifs à atteindre. Et aujourd'hui, on est bombardé d'informations et je pense que ça, c'est un élément clé. pour durer, c'est d'apprendre à se protéger de l'information. Ça veut dire qu'entre les mails, les études, les séances et tout ce qui ne sert à rien dans la réussite de son propre objectif professionnel et de l'équipe. Mais je crois qu'on est bombardé d'informations pas ou peu nécessaires qui remplissent notre cerveau et nos pensées. Alors celui... qui apprend à faire le tri et à aller chercher l'information qu'il a besoin pour son activité, il s'offre beaucoup de temps. Je pense que ça, c'est important. Je ne sais pas si on ne sait pas ou ne sait plus faire ça, mais c'est aussi la source des médias. Il y en a de plus en plus. On est très vite sollicités avec de l'information parce qu'on est partis du principe depuis beaucoup d'années que plus on donne de l'information, mieux c'est. La transparence, c'est bien. Mais je pense qu'en tant qu'employé, responsable, manager, top manager, on doit apprendre à se focaliser sur là où on veut aller et de prendre les informations qui nous permettent d'y aller. Et puis pas vouloir tout avoir parce qu'on se perd.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, si tu devais donner un... des conseils aux entreprises, justement, aujourd'hui, par rapport à ce que tu as vécu, par rapport à ton regard sur ces éléments, qu'est-ce que tu aurais envie de dire aux entreprises par rapport à comment préserver, en guillemets, ce côté... Parce qu'on le voit aussi, l'épuisement chez les managers, il est à tous les niveaux organisationnels dans une entreprise, mais il est aussi très marqué chez les cadres. Donc, le... Comment une entreprise, elle peut faire aujourd'hui pour essayer de faire au mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, jusqu'à ce que je fasse le bilan que c'était moi qui n'allais pas bien, je pensais que c'était l'entreprise qui n'allait pas bien. Que l'entreprise avait changé, qu'elle était plus ce qu'elle était. Et puis, j'avais ce discours de vieillard. Puis un jour, j'ai fait la réflexion, c'était moi. Donc, je pense... L'entreprise, elle est tout à fait à même de réagir à ça, en tout cas certaines. Donc il y a plusieurs éléments. Je pense qu'un, il faut créer un climat de confiance. Ça veut dire que ça doit venir du top management, ça doit venir des RH, de faire que les gens puissent communiquer, partager leurs faiblesses. Ça ne doit pas être tabou. Parce qu'à la fin, c'est une culture d'entreprise. Ça veut dire que, de toute manière, tout le monde en a. Je ne connais personne qui, à un moment donné... Tout le monde en a.

  • Speaker #1

    De donner l'autorisation par rapport à ce que tu disais, à lever la main, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    c'est tout à fait vrai. On peut lever la main. Et j'ai vu cette évolution aujourd'hui. Il y a beaucoup de choses qui ont changé. Pour l'anecdote, moi, je me souviens que quand j'étais jeune, cadre, je suis à un moment donné, quand j'avais 25-30 ans, moi, je n'aurais jamais levé la main pour dire à mon enfant... il est malade, je vais rentrer à la maison. Aujourd'hui, ça ne pose plus de problème pour un homme, tant mieux. Heureusement, ça a changé. Pourquoi ça ne pourrait pas changer pour dire, écoutez, aujourd'hui, je ne suis pas trop bien, je suis un peu fatigué, donc moi, j'ai besoin de prendre du recul.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Pourquoi pas ? Il faut juste apprendre et créer un contexte qui est possible. Un élément que j'aime bien marteler, c'est qu'il faut arrêter de positionner le burn-out entre l'employé et l'employeur. Ça, c'est une faute grave. Le burn-out, l'épuisement professionnel, ce n'est pas la faute de l'employeur. Déjà, de positionner le burn-out entre les deux, ça le met en confrontation, ça n'ouvre pas la possibilité du dialogue. Donc déjà, le burn-out, c'est la seule pathologie qu'on met sous le dos de l'employeur. Alors qu'on peut se poser la question pour toutes les autres pathologies. Je pense que le burn-out, c'est une responsabilité partagée. Pour expliquer concrètement, le burn-out, c'est une fatigue psychique de plus de six mois. Quand c'est moins, ce n'est pas un burn-out. Donc, ça veut dire que c'est quand même quelque chose qui dure depuis un moment où les gens, psychiquement, n'arrivent pas à reposer leur cerveau pendant plus de six mois. Alors, des gens, il peut y avoir un peu de stress, il peut y avoir un peu de fatigue parce qu'il y a... période de un mois où on doit délivrer quelque chose. Ce n'est pas un burn-out. Donc, il faut déjà une sacrée période de stress. Moi, je crois, et la situation dans laquelle je me suis mis, c'est que j'ai pris extrêmement à cœur quelque chose qui était sur un plan business, sur un plan structurel, normal. simplement que j'étais au mauvais endroit au mauvais moment et puis j'ai dû faire des choses qui ne me correspondaient pas. Mais j'aurais pu tout à fait dire non, j'aurais pu tout à fait parler des choses avant et puis je me suis rendu compte que dès que j'ai parlé, les choses se sont très bien faites. Simplement qu'on a tendance à faire le poil dans sa poche par fierté. Et ça, ce n'est pas bon. Ce n'est pas bon. Donc un, créer un climat positif d'échange. de transparence. Arrêtez de croire que c'est la faute du patron. Il faut expliquer, former les managers sur ça. Parce que c'est aussi le rôle du manager de sentir quand il y a un truc qui ne va pas, c'est de poser les bonnes questions.

  • Speaker #1

    Oui, et il est double finalement, c'est tant par rapport à lui-même, ses propres signaux, que aussi d'être capable, par rapport à ce que tu dis là, d'aller chercher les autres. Chez les autres ou chez soi-même. Exactement.

  • Speaker #0

    Chez soi-même. Et puis je pense... Il y a, au niveau des RH quand même, une responsabilité d'identifier qu'il y a des personnes néfastes. Il peut y avoir des personnes néfastes. Moi, je n'en ai pas eu, mais je côtoye aujourd'hui des gens qui viennent me dire « je suis en burn-out à cause d'une personne » . Je pense que ça, c'est le rôle des RH ou des top managers de sentir ça et puis de travailler ça. Donc, je pense que c'est important quand même quand il y a des équipes où on voit qu'il y a un turnover, il y a des choses qui ne vont pas bien. À un moment donné, il faut prendre le point et il faut le régler.

  • Speaker #1

    J'aime bien ta position par rapport à ça. D'ailleurs, ça m'a aussi marquée à travers ton livre et à travers ton film que je suis venue aussi regarder. C'est, à un moment donné, par rapport à ce que tu dis là, de vraiment dire clairement que c'est une responsabilité partagée, que ce n'est pas à cause de l'entreprise. Et ça, je trouve que c'est un message fort aussi. Ça permet aussi de responsabiliser les gens par rapport à leur propre personne, une nouvelle fois, et aussi d'accepter et de reconnaître ses propres fragilités. Par contre, effectivement, je pense que ce que tu évoques par rapport à l'entreprise et ses responsabilités, c'est de mettre en place ce cadre de confiance. Et c'est là que tout le travail de l'entreprise met que, voilà, arrêtons de... de dire que c'est à cause de l'entreprise et de distinguer aussi l'entreprise des personnes.

  • Speaker #0

    Si on continue de dire que les burn-outs, c'est à cause de l'entreprise, on ne va pas créer un climat de confiance.

  • Speaker #1

    OK, on va gentiment arriver vers la fin de cet échange, mais j'ai encore quelques questions en rab, si je peux dire ça comme ça. Alors bon, tu as parlé passablement déjà de ton parcours et tu as donné des conseils, mais... Si aujourd'hui tu avais trois conseils concrets, le plus concret possible, mais comme je l'ai déjà dit, les conseils c'est toujours difficile parce que chaque histoire elle est unique, mais que tu donnerais en particulier à des managers qui ressentent de la surcharge, qui ressentent de la pression, parce qu'aujourd'hui la pression elle est présente, je pense dans toutes les entreprises, que ce soit privées ou même publiques, ces notions-là elles font dorénavant partie. elles font partie du quotidien de personnes avec des responsabilités. Donc, qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire à ces personnes en t'appuyant sur ta propre histoire ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, je pense que l'élément clé, c'est l'entourage. D'avoir un entourage sain, familial, amical, personnel ou autre. Je pense que c'est déjà un élément clé parce que si on peut partager nos sentiments avec quelqu'un, c'est déjà une grande aide. Et souvent, quand on est en burnout ou tout comme ça, on a tendance à se renfermer. Donc on a tendance à s'isoler, ce qui n'est jamais un bon signe. Donc l'entourage proche... est fondamentale. Après, il y a un élément que je pense que c'est nécessaire, c'est aussi de relativiser. Souvent, on est stressé ou on se met beaucoup de pression pour des choses qui sont assez futiles. C'est clair qu'on a des objectifs, il y a une pression, mais on peut aussi se dire, en disant, j'ai fait de mon mieux, j'ai donné tout ce que je pouvais. Et puis, ce n'est pas grave. Moi, ce qui m'a usé, c'est l'humain. Et ça, je n'ai pas réussi à le relativiser, à prendre du recul en disant ce n'est pas grave. Ça, je n'y arrivais pas. Tout le reste ne me stressait pas. C'est pour ça que je me suis senti vraiment invincible pendant longtemps jusqu'à ce qu'on touche cette corde de la sensibilité. Le dialogue dans l'entreprise, il faut... Encore une fois, les gens sont bons. Globalement, les gens sont bons. Donc, dans l'entreprise, il faut trouver les gens avec qui on peut parler. Dans le film, j'utilise cette image du tunnel. Je pense que c'est fondamental d'intervenir à... avant l'entrée du tunnel. Parce qu'une fois que les gens sont dans le tunnel, c'est long. Donc, si on arrive à anticiper et que la personne peut lever la main avant de sombrer, ce que j'ai pu faire, sans absenteïsme... J'ai pris deux semaines off parce que j'en avais besoin. Mais globalement, il y a des gens qui sont loin six mois, une année, deux ans. Et là, ça devient long. Donc, c'est bénéfique pour tout le monde de pouvoir lever la main avant de rentrer dans ce tunnel.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aurais aimé entendre à l'époque, il y a quelques années, qui t'aurait aidé encore plus à traverser ces moments difficiles ?

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'aurait aidé... Je pense que l'agenda, il soit clair. C'est jamais drôle de licencier des gens. Et je me suis époumonné à vouloir sauver ces jobs-là, alors qu'il y avait un agenda caché. La culture du secret, elle est visante. Vous savez, moi, ce qui m'a usé, c'est que vous mettez des noms sur une liste, vous savez que vous allez licencier, puis les procédures, elles sont longues, et puis pendant trois mois, vous savez que ces gens vont être licenciés, mais pendant trois mois, vous baissez tous les jours avec. Les gens vous racontent leurs vacances, ils vous racontent leurs projets, ils vous disent « ah cet été je veux faire ça » . Et toi tu sais qu'au mois de juin tu vas le licencier. Ça c'est 8 ans. Et je crois qu'il y a un effort à faire là-dessus pour ne plus prendre les gens par surprise un matin pour leur dire… Je pense qu'on doit trouver une manière de faire pour ne pas avoir peur que les gens se mettent en maladie ou autre, parce qu'il y a tous ces éléments qui sont compliqués. Mais à la fin, c'est difficile pour les gens parce qu'ils sont surpris. C'est le premier paragraphe de mon livre. C'est de les prendre comme ça par surprise pour leur dire écoute, t'es licencié. Et puis pour le manager, parce que la culture du secret, c'est usant et je pense que ça use beaucoup de gens. notamment sur ces éléments-là. Il y a d'autres secrets qui sont faciles à tenir. Mais quand c'est l'humain, et qu'il faut côtoyer les gens alors que vous savez qu'ils vont être licenciés, c'est dur.

  • Speaker #1

    Oui, et une des tâches, moi je le vois, quand j'ai dû pratiquer, j'ai dû faire des licenciements, mais aussi quand je discutais avec mes clients, c'est finalement une des tâches les plus difficiles, parce que, comme tu le dis, ça touche le point central qui est l'humain. C'est une des tâches aujourd'hui les plus difficiles quand on est manager. Et en même temps, ça fait partie du rôle. Donc, on ne peut pas s'en extraire. Et puis, effectivement, ça fait partie du rôle. Et en même temps, c'est le plus difficile. Donc, il faut pouvoir trouver l'organisation et l'entreprise, le top management, l'IRH. Tu parlais du cadre de confiance tout à l'heure. Finalement, ça peut rentrer un petit peu dans ce cadre de confiance. Même si la solution idéale, elle n'existe pas. Non.

  • Speaker #0

    dans ce genre de situation et surtout que les licenciements aujourd'hui on en parle pratiquement tous les jours ouais donc mais c'est clair que la manière de fonctionner là la culture du secret elle vient pas renforcer un climat de confiance mais de mon côté je dois avouer moi j'ai été dès lors que j'ai levé la main moi j'ai été écouté aider, me soigner, pour que les choses se passent bien jusqu'aux derniers jours de mon travail. Donc, je pense encore une fois, il y a une réalité économique, il y a une réalité du marché qui justifie certaines choses. Donc, on peut expliquer ça aux gens. Je pense que tout le monde a compris ça et accepte ça. Après, c'est le comment.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette image de lever la main parce qu'elle dit beaucoup de choses finalement, surtout ton parcours, mais aussi sur le côté lever la main, donc prendre la responsabilité, accepter déjà, ok, il y a quelque chose, donc je lève la main, donc je suis responsable aussi de mes propres actions.

  • Speaker #0

    C'est la responsabilité de ce qui est de soi. Et puis ensuite,

  • Speaker #1

    au moment où on lève la main, il y a quelque chose dans notre entourage professionnel et personnel, mais si on prend le cas de l'entreprise qui permet, justement, si je lève la main, c'est que je suis aussi en confiance. et que je vais pouvoir être aidée, sans savoir finalement quelle va être la solution, quelle va être la suite, le parcours qui va s'en suivre, mais il y a quelque chose qui va se passer, et on appelle un peu au secours. Merci pour ces partages, et la dernière question que j'aimerais te poser, si tu pouvais t'adresser au Patrick d'il y a dix ans, quel conseil tu lui donnerais à ce Patrick d'il y a dix ans ?

  • Speaker #0

    Il y a dix ans, j'étais dans les starting blocks, je pense... de relativiser un petit peu sur cette réussite professionnelle. Je pense que ça fait peut-être partie d'une génération où la réussite professionnelle prend beaucoup de place. Le statut aujourd'hui joue un rôle beaucoup trop important. On se rend compte, les gens se positionnent par rapport aux métiers que l'on fait ou qu'ils font. si on pouvait un petit peu positionner les gens pour ce qu'ils sont et pas ce qu'ils font je pense que ce serait meilleur ou ce qu'ils font professionnellement l'anecdote, j'ai suivi une formation il y a pas longtemps puis il est venu dans la salle une psychologue et elle commence sa présentation en se présentant avec un slide powerpoint avec sa photo et son CV professionnel. Je suis psychologue, psychiatre, j'ai fait ci, ça, Et puis moi, je lève la main et je dis, mais à part ça, vous êtes qui ? Et elle était à la même surprise. Parce que ça montre le niveau du biais qu'on peut avoir et où on se positionne sur ce que l'on est professionnellement. Et je crois qu'on est tous papa, maman, on est passionné de sport, on est passionné d'art, on fait ci, on fait ça, on peut faire de l'associatif, du bénévolat, plein de choses qui peuvent aussi. nous correspondre et faire qu'on est quelqu'un au-delà de l'activité professionnelle. Et je pense que c'est ça que j'ai envie de dire, c'est qu'il faut ne pas être que ce que tu es professionnellement.

  • Speaker #1

    Écoute, je ne vais rien rajouter, hormis le fait de te demander encore où est-ce qu'on peut te retrouver, ton travail, enfin, dis-nous. quelques mots sur ce que tu fais aujourd'hui et puis où on peut te suivre parce qu'il y a un livre, il y a un film, tu es très actif sur les réseaux sociaux. Dis-nous un petit peu où on peut te retrouver et puis il y aura peut-être des personnes qui, suite à cet épisode, auront envie de te contacter.

  • Speaker #0

    Mon activité aujourd'hui, c'est l'accompagnement en montagne. Donc j'accompagne les gens en montagne, quels qu'ils soient, quels que soient les projets, un jour, une semaine, là je rentre de Norvège où j'ai accompagné des gens en raquette en Norvège, ça c'est mon activité, j'ai la promotion du livre. le film et puis les conférences comme j'ai eu ce matin ça c'est mes activités, tout ça est sur mon site internet patricksoumy.ch maintenant, pour ceux qui veulent la montagne je suis ouvert à toutes propositions j'ai un petit programme je fais du cas par cas là je suis en train d'organiser déjà la Norvège 2026, l'été j'ai vu les photos sur Facebook je fais aussi des propositions du Biwak pour ceux qui n'ont jamais fait ça et qui ne se sentent pas forcément à l'aise d'aller dormir en montagne tout seul ou sans expérience. Moi, j'ai le matériel, j'ai l'expérience. Donc, j'essaie d'offrir des activités un peu particulières qui ne sont pas juste une balade en montagne, mais on fait de tout. Et puis, j'essaie simplement de transmettre cette passion de la montagne que j'ai. depuis 30 ans. Donc voilà, sur mon site internet, sur les réseaux sociaux, avec grand plaisir, où je partage un petit peu ma philosophie et ce que je fais. Je ne fais pas trop de promos sur les sites, parce que encore une fois, j'essaie de travailler plus le bouche à oreille, etc. Ce n'est pas un média où j'essaie de recruter. Voilà, c'est plutôt le site internet pour ça.

  • Speaker #1

    Et ton livre est disponible ?

  • Speaker #0

    dans toutes les librairies de SwissRomand ou directement, vous pouvez m'écrire sous le site et puis moi je vous le transmets par courrier. Sinon, toutes les librairies, il est disponible.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Patrick. J'ai vraiment beaucoup apprécié cet échange, ta sincérité et ton parcours si inspirant. Et puis je te souhaite vraiment le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt.

Description

L’épuisement professionnel peut toucher tout le monde. Personne n’est à l’abri.


Dans cet épisode, j’ai le plaisir d’accueillir Patrick Sumi, ancien cadre chez Nestlé, qui a occupé pendant 23 ans des postes à hautes responsabilités. Porté par une quête incessante de performance, il finit par s’épuiser jusqu’à atteindre un point de rupture en 2021. Confronté aux signaux physiques et psychiques du burn-out, il entame un long cheminement de remise en question qui le conduit à quitter son emploi et à se reconstruire.


Au printemps 2023, il décide de réaliser un rêve de longue date : un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre Lutry en Suisse et le Cap Nord. Un voyage initiatique, qu’il partage aujourd’hui à travers un livre et un film intitulés "Sur le Fil".


Dans cette conversation, nous avons abordé :


✅ Son parcours professionnel et sa quête de performance
✅ Les signes annonciateurs de son burn-out
✅ Son cheminement vers la prise de conscience et la décision de tout quitter
✅ Ses conseils pour mieux écouter ses limites et prévenir l’épuisement


Patrick nous livre avec sincérité son parcours, les signes avant-coureurs qu’il a ignorés, et les leçons qu’il en tire aujourd’hui.


Son témoignage est une invitation à repenser notre rapport au travail, à écouter nos limites et à envisager d’autres chemins possibles.


Que vous soyez manager, dirigeant ou simplement en quête d’équilibre, son expérience vous apportera, je l’espère, des clés concrètes et inspirantes.


📖 Sur le fil – Le livre de Patrick Sumi
🎬 Sur le fil – Le film de Patrick Sumi


Pour retrouver Patrick Sumi: www.patricksumi.ch


🎧 Très bonne écoute !


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Transcription

  • Speaker #0

    Manager aujourd'hui, c'est évoluer dans un monde en perpétuel changement, plus rapide, plus incertain, plus exigeant. Face à cette complexité, il n'y a pas de recette toute faite, mais une seule certitude. Un bon manager ne cherche pas la perfection, il apprend, il s'adapte et il ose. Je suis Magali Vanet, coach, consultante et formatrice en management et gestion d'équipe. Entre nous, c'est le podcast qui décrypte avec sincérité et pragmatisme les défis du management. Seul ou accompagné d'invités du terrain, je partage des stratégies, des expériences vécues et des conseils pratiques. Alors ici, pas de théorie abstraite, ni de solution toute faite, mais des clés concrètes et actionnables pour avancer, évoluer et prendre confiance dans son rôle. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Patrick Soumy. Patrick a travaillé 23 ans comme cadre chez Nestlé. Il a occupé différentes fonctions et a atteint, avec un travail acharné et un engagement sans faille, les responsabilités qu'il rêvait tant. Mais en 2021, il est épuisé. Il n'en peut plus. Plusieurs signes physiques et psychiques lui font prendre conscience qu'il ne peut plus continuer sa course à la performance. Après un long processus de remise en question, il décide de quitter son emploi. Au printemps 2023, durant sa phase de reconstruction, il réalise son rêve et accomplit un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre l'Utri en Suisse et le Cap Nord. Il met en mots et en images son histoire et son parcours avec un livre et un film qu'il a intitulé « Sur le fil » . L'épuisement professionnel que Patrick a vécu peut toutes et tous nous toucher. C'est une réalité, personne n'est à l'abri. Durant notre conversation, nous avons évoqué son parcours professionnel, sa quête de performance et comment tout cela l'a amené jusqu'à l'épuisement. Avec une grande sincérité, il nous explique les signaux qu'il a perçus, qu'il a ressentis et quel a été son long cheminement jusqu'à sa décision de quitter Nestlé. Bien que chaque situation soit unique, l'expérience de Patrick, sa manière de poser son regard sur cette étape de sa vie, et les conseils qu'ils donnent au fil de la discussion seront, je n'en doute pas, une source d'inspiration et de réflexion sur notre propre rapport au travail. Je ne vous en dis pas plus et laisse place à mon échange avec Patrick. Hello Patrick, un grand merci à toi de prendre le temps aujourd'hui d'échanger sur ton parcours, parce que je suis persuadée qu'il va parler et il va résonner vraiment à de nombreuses personnes, en particulier aux cadres et aux dirigeants, mais bien au-delà, j'en suis persuadée. Alors je sais que tu es très sollicité, tu me le disais tout à l'heure, que tu avais animé une conférence ce matin, donc je sais que tu es très sollicité depuis quelques mois avec la sortie de ton livre et de ton film. J'avais vraiment envie de t'inviter à partager et évoquer ton histoire parce que je pense qu'aujourd'hui dans les organisations de travail, c'est une réalité. Ce que tu as vécu, c'est ce que beaucoup de personnes vivent aujourd'hui dans un rôle de conduite qui est très difficile à concilier les différents enjeux. C'était aussi l'opportunité à travers ton histoire qu'on pose ensemble, finalement, notre regard sur le management aujourd'hui dans les organisations de travail et que tu puisses apporter. des pistes et des conseils, même si on sait que chaque histoire, elle est unique, elle est différente. Mais je pense que les personnes qui nous écoutent ont aussi besoin, à travers ton histoire, de recevoir quelques conseils, quelques pistes qui peuvent les aider finalement à mieux appréhender ce rôle de management et de dirigeant. Et puis pour ma part, en lisant ton livre, que j'ai lu d'une traite d'ailleurs, Il y avait beaucoup de choses que tu évoques qui m'ont replongée dans ma propre expérience de management, de cadre. Et puis, j'ai aussi été très émotionnée, je pense qu'on le dit ça comme ça, de voir finalement à travers ton parcours tout le cheminement que tu as fait et aussi toute la partie introspective sur ta propre personne. Je pense que cette partie introspective, c'est aussi quelque chose d'extrêmement important aujourd'hui pour un cadre de le faire sur soi.

  • Speaker #1

    Alors, c'est un gros chantier.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais effectivement, je trouve que c'est ressorti et tu as réussi à faire ressortir. Avec plaisir. Alors peut-être avant de plonger dans ton parcours, j'aimerais qu'on commence par aujourd'hui, parce qu'on est là, c'est le présent. Et puis j'ai envie de te demander la première question un petit peu disruptive comme ça. De quoi es-tu le plus fier ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis très fier aujourd'hui, c'est que je me donne beaucoup de moyens à la réalisation de mes rêves. Et je pense que c'est fondamental d'aller auprès de ses rêves, de suivre ses envies et de se donner les moyens. Aujourd'hui, j'ai accompagné des gens au Norvège en raquette à neige. Je suis extrêmement fier de ça parce que c'est des choses auxquelles je ne pensais pas possibles il y a encore quelques années. Donc... La réalisation de rêves, j'ai fait des courses sportives, j'ai écrit un livre, mes défis sportifs, mes aventures cyclistes, ma nouvelle activité, tout ça me rend très fier. Et globalement tout ça, ça s'inscrit dans le changement et je suis assez fier du changement que j'entreprends. Mais je suis aussi fier du parcours que j'ai fait professionnellement.

  • Speaker #0

    Ça te permet finalement d'être fier de ce que tu fais aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Exactement, oui. Mais autant, j'ai besoin aujourd'hui de pouvoir être fier de quelque chose d'autre. Moi, j'étais extrêmement fier de la carrière professionnelle que j'ai faite, surtout dans le domaine dans lequel je venais. Ce n'était pas un donné d'avance. Donc, d'arriver à une position comme celle-ci, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, je l'ai fait. Et aujourd'hui, je ressens ce besoin, j'ai toujours besoin de réussir, de performance. J'ai envie de faire des choses, de réaliser des choses, mais pas toujours dans le domaine professionnel. Je crois qu'on peut réussir à différents niveaux. Et c'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui, c'est de recréer quelque chose, de lancer de nouvelles activités, une nouvelle activité professionnelle, puis de nouveaux défis sportifs et d'aventures.

  • Speaker #0

    D'accord. Et tu penses que c'est grâce justement au parcours que tu as vécu ces dernières années qui te permettent finalement d'avoir réussi à switcher cette fierté et de ne plus la positionner dans le contexte professionnel, mais dans ton contexte personnel beaucoup plus.

  • Speaker #1

    Je suis convaincu et j'en parlais ce matin en conférence. Je crois que dans la vie, on a besoin de phares. C'est ces phares qui nous font avancer. beaucoup ont un seul phare, qui est le phare professionnel. Moi, ce phare-là, en tout cas celui de la carrière professionnelle, je peux dire que je l'ai éteint. Mais c'est important d'avoir d'autres phares. Savoir des phares qui sont plus loin, des phares différents. Et c'est ces autres phares qui te font avancer. Et je pense que c'est sain aussi. Pendant une vie, une activité professionnelle, j'ai toujours eu d'autres phares. étaient mes activités sportives, mes activités associatives et autres, qui font que tu multiplies des activités pour ne pas avoir un seul pilier qui est celui du travail.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que la réalité, alors je ne sais pas si c'est une question culturelle, mais on se définit beaucoup à travers notre activité professionnelle, notre travail finalement.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Beaucoup trop.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Je te rejoins. Et peut-être c'est ce qui prend. Mais effectivement, c'est une réalité et il faut pouvoir trouver ces... J'aime bien toi. ton image des phares, parce que c'est d'avoir différents phares allumés et pas un seul qui nous guide.

  • Speaker #1

    C'est un peu souvent, j'ai des réflexions quand je fais les conférences ou souvent les environnements, j'ai beaucoup de gens qui viennent, des retraités ou des jeunes retraités qui me disent C'est ce que vivent ces gens-là. Ça veut dire qu'une fois qu'ils ont quitté l'univers professionnel, ils n'ont plus de phare. Ou j'ai des gens aujourd'hui que j'accompagne en montagne, des gens qui sont en burn-out. C'est une grande partie de ma clientèle. Et souvent, ils viennent avec ce phare qui est en train de s'éteindre, celui de leur vie professionnelle, ou en tout cas qui les a affaiblis. Et je pense que c'est nécessaire pour ces gens-là. d'identifier un nouveau phare. Parce que souvent, le phare professionnel, c'est celui qui les a fait sombrer. Et ils s'accrochent à ça parce que c'est ce qu'ils connaissent. Mais le problème, quand cet univers du connu, c'est celui qui nous a usé et poussé jusqu'au burn-out, il faut rapidement essayer d'identifier un autre phare.

  • Speaker #0

    Donc si on revient au phare que tu évoques, si tu devais aujourd'hui te définir en une phrase, Patrick, il se définirait comment ?

  • Speaker #1

    J'ai une phrase qui me poursuit depuis, je pense, c'est... 15-20 ans, qui est sur mon profil WhatsApp. J'aime cette phrase plus que tout, qui dit, on vieillit lorsque le nombre de regrets dépasse celui des rêves et des projets. Je pense qu'elle veut tout dire. Parce qu'elle définit l'âge qu'on peut avoir. Le jour où on commence à dire j'aurais dû, c'est qu'on vieillit. Et moi, j'ai plus de projets en tête que de regrets, encore aujourd'hui.

  • Speaker #0

    pas mort que des regrets.

  • Speaker #1

    Donc, moi, je ne suis pas encore en train de me dire « Ah, j'aurais dû faire ça. Ah, j'ai loupé ça. » Non. Au contraire, moi, j'ai ma bucket list, comme on dit, qui est grande. Et j'ai encore cette force, cette envie, le temps, maintenant aussi, pour aller grappiller tous ces projets et ces rêves, pour les réaliser.

  • Speaker #0

    C'est joliment bien dit.

  • Speaker #1

    Je me sens très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, très bien. Et tu es très jeune. Ce que je te propose, c'est de revenir un petit peu, de regarder dans le rétroviseur, parce que finalement, ce que tu évoques aujourd'hui, tu peux aussi l'évoquer ou tu l'évoques grâce au parcours que tu as fait. Donc, si tu devais nous retracer les grandes étapes de ton parcours. Professionnel. Professionnel.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai un parcours extrêmement assez simple, qui est un apprentissage de vendeur, suivi d'un apprentissage d'employé de commerce, que j'ai fait les deux, que j'ai fait vendeur en articles de sport, employé de commerce chez Migros, puis... Dix ans chez Migros, beaucoup d'échelons jusqu'à travailler à Zurich, au service des achats d'articles de sport. Pendant cette période-là, je travaillais sur un brevet fédéral de spécialiste en marketing. Et le cumul des deux, le brevet fédéral de spécialiste en marketing et mon travail à Zurich, le fait d'apprendre l'allemand, m'ont ouvert, je dirais, un nouvel angle sur ma carrière. Quand je suis rentré de Zurich, avec l'expérience zuricoise et l'allemand, J'ai trouvé un travail très rapide. Et puis là, c'est lancé ma carrière chez Nestlé. Après, j'ai changé beaucoup de fonctions chez Nestlé. Je suis rentré dans l'univers de performance. Venant de la filière apprentissage, j'ai eu besoin de beaucoup de persévérance, beaucoup de travail, beaucoup d'endurance. pour, on va dire, un peu, à quelque part, compenser ce que je n'avais pas étudié avant.

  • Speaker #0

    C'est une pression que tu te mettais avec le parcours pratique, finalement, qui est à forte valeur ajoutée. Ou bien c'était plutôt une pression que tu te mettais, ou bien une réalité que tu avais l'impression que, de par ton parcours pratique avant, orienté très terrain, finalement, d'être rentré dans une entreprise internationale faisait que tu devais compenser. qu'est-ce qui te manquait ou qu'est-ce que tu avais l'impression qui te manquait ?

  • Speaker #1

    Tu en parles un peu dans le livre. C'est vrai que moi, je viens d'un univers, d'un milieu extrêmement simple, notamment dans le quartier où j'ai grandi, les études que je n'ai pas faites. Je suis passé par l'expérience. De temps en temps, j'ai un peu ce syndrome de l'imposteur. Ça veut dire que je me retrouvais dans les séances, le comité de direction, des choses comme ça, et je me rendais bien compte que là où j'étais, j'étais le seul. qui n'avait pas fait les études supérieures d'universitaire. Donc, parfois, j'avais ce recul et me dire, bon, écoute, un, ça me donnait beaucoup de fierté, et deux, ça me posait des questions de savoir, voilà, pourquoi tu es là ? Est-ce que tu mérites d'être là ? Oui, je méritais d'être là, mais ça me posait des questions, quand même, sur cette capacité ou sur la légitimité, voilà, d'être ici. Donc, Donc, ouais, mais pour être là, ça a été beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    D'accord. Beaucoup de travail. Sur les plus de 20 ans que tu as fait chez Nestlé, est-ce qu'à un moment donné, tu t'es senti à ta place légitime ? Ou à quel moment tu peux te dire, je me suis senti légitime par rapport à...

  • Speaker #1

    Bon, je crois que... Bon, c'est des réflexions que je me faisais de temps en temps. Après, j'étais très à l'aise dans le domaine où j'étais, compétent. Je pense que j'ai eu une carrière qui s'est très, très bien déroulée. J'étais heureux dans les jobs que j'ai, les fonctions que j'ai pu avoir. Donc, ce n'était pas tous les jours en train de me dire « je ne mérite pas d'être là » . Au contraire. Et j'ai eu des promotions régulières par rapport à la qualité du travail que je délivrais. Donc non, j'étais au poste que je méritais et je délivrais un très bon travail, sans doute. Donc non, mais de temps à autre, il y avait cette réflexion.

  • Speaker #0

    Cette petite voix intérieure.

  • Speaker #1

    Cette voix qui disait, écoute, tu es quand même le seul autour de la table qui vient d'un autre milieu.

  • Speaker #0

    Et en même temps, tu amenais beaucoup à justement…

  • Speaker #1

    Et puis je pense, je parle aujourd'hui beaucoup d'inclusivité. C'est un feedback que j'avais fait à Nestlé avant de partir. On parle énormément d'inclusivité. Simplement que l'inclusivité, c'est à mon avis plus que de regrouper différentes ethnies et des personnes d'univers différents. Mais c'est aussi réunir autour d'une table des gens qui ont des formations différentes, des gens qui ont des âges différents, des gens qui ont des expériences différentes. Alors que, en tout cas, mon souvenir, c'était qu'autour de la table, les gens qu'on engageait sortaient tous des mêmes universités. On a un peu tendance à engager les gens qui sortaient de Saint-Gal, les jeunes qui arrivaient. Et moi, je trouvais ça OK, c'est bien, mais je trouvais que c'était une sorte de monoculture. Bien qu'il y avait des critères et des profils très différents dans les gens, mais je pense que c'est important aussi d'avoir cette inclusivité sur l'âge, les formations, les carrières professionnelles, etc.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a apporté le plus de satisfaction ? tout au long de ces années chez

  • Speaker #1

    Nestlé ? Les jobs que j'ai eus, ils étaient extrêmement dynamiques. Il y avait un travail d'équipe. Je pense que ça, c'est une chose clé. C'est la capacité de travailler en équipe. Et c'est la réussite de l'équipe. Ça, c'est des choses qui m'ont toujours poussé à travailler en équipe sur un objectif commun. Je pense que ça, c'est les choses qui m'ont... beaucoup stimulé. Et notamment le rôle de manager. Le rôle de manager, parce que il n'y a rien de plus satisfaisant que de voir les gens s'évoluer. Quand les gens peuvent évoluer, peuvent se former, peuvent changer de job, et puis que ces gens sont passés entre vos mains. C'est très satisfaisant pour un manager que de voir un jeune évoluer dans l'entreprise et puis grandir et passer les échelons.

  • Speaker #0

    Donc, tu en parles pas mal aussi à travers ton livre, la notion, ton rapport à la performance. Et puis, je pense que c'est aussi quelque chose qui fait partie pleinement, à 100% du discours dans les organisations, et ce qui est tout à fait normal, de la notion de performance. À ce moment-là, c'est quoi la performance pour toi ? Comment elle s'exprime ? Qu'est-ce que tu en fais de cette notion-là ? à travers ces années ?

  • Speaker #1

    Moi, j'ai été omnibulé depuis mon adolescence par la performance. Je ne sais pas pourquoi, j'aurais peut-être dû faire une analyse psychologique, mais omnibulé par la réussite. Moi, il fallait que je réussisse professionnellement.

  • Speaker #0

    Donc performance pour toi est égale réussite. Voilà.

  • Speaker #1

    Performance, alors c'était performer professionnellement, performer sportivement, performer sur le plan famille, Je m'étais donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de pression à réussir tôt. C'est fatigant de réussir tout le temps. C'est usant. Et je crois que c'est ce qui fait que les gens, aujourd'hui, la société nous pousse à être bons partout. Et à un moment donné, on a tous, on reviendra peut-être après sur ces fragilités. Et à un moment donné... On ne peut pas être parfait tout le temps, partout. Mais moi, c'était une nécessité de réussir professionnellement, de participer à des courses sportives tous les week-ends. J'avais besoin d'être performant partout. Sans doute, ça m'a amené à ce moment de fragilité qui est l'épuisement professionnel et le burn-out. Parce qu'à un moment donné, cette pression-là, elle est trop forte.

  • Speaker #0

    Et comment elle s'exprimait aussi par rapport à tes équipes que tu avais à ce moment-là ? une extrême grande exigence de performance envers toi-même, de réussite ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, oui, envers moi-même, mais j'étais très exigeant avec les équipes aussi, des fois trop.

  • Speaker #0

    Et tu le disais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, des fois j'avais ces remarques parce que j'étais très exigeant sur la qualité du travail, sur l'atteinte des objectifs et puis sur la volonté. Je trouve que c'était quelque chose d'important, c'est quelque chose qui me tenait à cœur, c'est... La volonté de bien faire. Je pense qu'on peut ne pas réussir quelque chose, on peut ne pas atteindre un objectif dès lors qu'on a donné le meilleur de soi-même. Et moi, c'est ça que j'allais chercher chez les gens, je crois. C'est m'assurer qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Et celui qui a essayé de faufiler pour essayer d'économiser un peu ici et là, ça, c'est quelque chose que j'ai la peine à apprécier. Celui qui n'atteint pas un objectif, mais qu'on sent qu'il a donné tout son cœur, ça, ça me va. Donc, j'avais ce niveau d'exigence que j'ai sur moi, que j'avais dans mes équipes.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport à ce que tu disais, ça va nous amener à évoquer maintenant le point de rupture qui t'a amené à cette phase d'épuisement professionnel, de burn-out. Je trouvais intéressant de faire le lien avec ce que tu dis dans ton bouquin. Tu parles à un moment donné, d'ailleurs, c'est le premier chapitre de ton livre qui s'appelle le titre « Nager à contre-courant » . Quand j'ai lu ton livre, en plus ce premier chapitre, c'est assez évocateur finalement peut-être de ce qu'à un moment donné, tu as commencé à ressentir dans ton parcours. À quel moment tu as senti des signaux où tu as commencé à ressentir que tu n'étais plus dans le même courant que ton entreprise ?

  • Speaker #1

    Naja contre courant, ça signifie de ne pas être aligné avec la direction qui est donnée par l'employeur. Malgré que ce que je devais faire était justifié sur un plan business, dès que j'ai dû licencier passablement de monde, tout ça se justifiait. Après, c'est comme dans toutes les entreprises, dans tous les projets de restructuration, il y a toujours un peu un agenda caché. Cet agenda, je ne l'ai pas saisi tout de suite. Donc moi, j'ai mis... énormément d'énergie, essayer de trouver des opportunités, essayer de sauver chaque job. Jusqu'à ce qu'on me dise, écoute, Patrick, t'as pas compris, il faut couper. Et ça, à un moment donné, moi j'étais en train de travailler dans une direction alors qu'il fallait aller dans l'autre. Ça, ça m'a épuisé. Je pense, pour revenir aux prémices de la fatigue, du burn-out, je pense que c'est symptomatique de ce qui arrive chez les gens, c'est qu'à un moment donné, on n'est pas aligné entre nos fondamentaux, nos croyances personnelles. nos valeurs personnelles et ce que l'on fait au travail. Et c'est pour ça que les gens aujourd'hui, en tout cas à l'âge de 40, 45, 50 ans, les gens se posent ces questions-là. De toute manière, ces questions, elles viennent. Maintenant, il y a une partie des gens qui arrivent à faire le saut entre leurs valeurs et leur activité professionnelle. Et puis, il y a des gens qui n'arrivent pas et ce gap entre les deux crée une friction. Et c'est souvent un déclencheur de burn-out, de fatigue, parce que si tous les jours, en allant au travail, on doit exécuter des tâches pour lesquelles on n'est pas aligné, c'est compliqué. Donc moi, ce n'était pas le cas jusqu'à alors, jusqu'à ce qu'on me demande. de licencier des gens et c'était le facteur humain que j'avais un peu sous-estimé peut-être, auquel ça m'a coûté beaucoup, beaucoup d'énergie pour réaliser cette restructuration. Et là, je me suis rendu compte que je n'étais plus du tout en adéquation avec ce qu'on me demandait, malgré que sur un plan business, organisationnel, structurel, tout se justifiait.

  • Speaker #0

    Et c'est là que tout est là finalement par rapport à ce que tu dis, tout est là, difficulté, parce que... tu es en accord sur un certain nombre d'orientations stratégiques de l'entreprise. Mais après, puis c'est aussi, comme tu le dis, effectivement, quand on arrive, je pense, à un âge vers la quarantaine, c'est des choses qu'on va beaucoup plus questionner. Notre alignement, notre système de valeurs, est-ce qu'il correspond toujours ? Est-ce qu'il est aligné ou le plus aligné possible ? Ce n'est pas forcément toujours possible d'être pile poil dans la line.

  • Speaker #1

    C'est ancré en nous. Ça veut dire qu'à un moment donné, dans la... Dans les âges, à une certaine maturité, on est beaucoup moins flexible par rapport à ça. Quand on a 30 ans, 25 ans, on est très malléable et puis on peut facilement faire le saut entre nos valeurs parce qu'on est flexible.

  • Speaker #0

    Et comment ça se traduisait dans les signaux, finalement, physiques, mentaux ?

  • Speaker #1

    C'est typique des signes avant-coureurs du burn-out, c'est une fatigue générale, fatigue mentale surtout. Moi, ce qui m'a caractérisé, c'est l'irritation. J'étais très, très irritable. C'est-à-dire que pendant une période, je m'énervais contre tout ce qui m'entourait ou tout ce qui ne me correspondait pas. Et ça, pas seulement sur le plan professionnel, mais sur le plan personnel, dès qu'on n'était pas d'accord avec moi. J'étais agressif. Et pour l'anecdote, dès que j'ai senti que je n'étais pas trop bien, j'ai beaucoup écrit. Donc j'ai posé tout ça sur papier. Le soir, je rentrais à la maison, puis j'écrivais un petit peu mes pensées et des choses qui m'avaient énervé dans la journée. Tous ces écrits-là, je les ai mis de côté après. Puis en rentrant de voyage, j'ai relu ça. Et je me suis dit, le type qui a écrit ça était très malade. Et c'est pour montrer que quand on est dedans... Quand on subit ça, on est irrité, irritable, on n'est plus vraiment soi-même. Ça veut dire qu'on n'a plus de filtre, on n'a plus cette protection qui nous protège contre l'environnement extérieur et tout nous agresse. L'incompréhension, ça veut dire qu'à un moment donné, on se sent seul. Et puis, le monde entier est faux.

  • Speaker #0

    Tu avais des retours aussi des gens ?

  • Speaker #1

    De mon entourage, oui. De mon entourage, au travail, j'arrivais bien à masquer ça. Parce que bien sûr, c'est un des symptômes aussi, c'est qu'on fait le point dans la poche. Donc, on essaye d'arrondir un peu les angles. On essaye parce qu'on veut tenir. Et puis, on fait le point dans la poche pour ne pas craquer. Et puis, à un moment donné... J'ai eu deux éléments qui ont été révélateurs. C'est une journée de ski où je suis parti faire de la peau de phoque avec mon ami et ce jour-là, je n'étais pas bien. Et dans une montée, on sent des conversions en peau de phoque, j'ai glissé. Je suis tombé et je me suis effondré comme un enfant perdu dans un supermarché. J'ai pleuré. Et ça, je n'ai pas trouvé normal. Je me suis dit, là, il y a un truc qui va pas. C'est qu'à un moment donné, tu es psychologiquement très affaibli. Et ce n'est pas normal de flancher comme ça dans une situation qu'en principe, tu maîtrises complètement. Et l'autre élément, c'est que sous les conseils des RH, j'ai été voir l'infirmière professionnelle. Et là, la même chose. Quand je suis rentré dans ce bureau, je me suis effondré. On a beaucoup discuté. Et elle m'a posé deux questions. Elle m'a dit, Patrick, si tu dois mesurer ton niveau d'énergie ou tes niveaux de batterie comme celles de ton portable, t'es à combien ? J'ai fait une estimation, 10 et 20%. On a continué à discuter. Puis avant que je parte, elle m'a posé une question. Elle m'a dit, maintenant, c'est 10 et 15%. Tu veux en faire quoi ? Puis c'est là que j'ai dit, OK, maintenant, si je veux sauver ma peau, il faut que je m'occupe de moi. Et je crois que c'est important. Il faut que je m'occupe de moi. Et j'ai mis le reste de l'énergie que j'avais à prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Tu peux dire qu'à ce moment-là, ta décision a été prise de quitter ? Non,

  • Speaker #1

    pas encore. Parce qu'au départ... Les discussions ont été de changer de job, de rester dans le cadre. Ensuite, Nestlé m'a offert un bilan de compétences qui a été vraiment une très très très bonne expérience parce que j'étais dans une phase de doute où je ne croyais plus en rien, ni en moi. Et je trouve que ce bilan de compétences a été révélateur. Et c'est après. C'est après où, à un moment donné, la fatigue continuait, les projets avançaient. Et puis, on m'a dit, écoute... on te propose un autre job. J'étais très flatté. Et à un moment donné, j'ai dit à mon chef, je dis, écoute, tu sais, je viens de terminer un marathon, je suis épuisé, et tu me proposes de repartir sur un marathon. Ça ne marche pas. Donc, je n'avais pas du tout envie de partir à l'échec. Et c'est là que je me suis dit, il me faut arrêter. Donc, j'ai donné mon projet.

  • Speaker #0

    C'était un moment pivot. Et puis, d'ailleurs, tu l'évoques dans ton livre, au moment un peu de cette phase où ta décision a été prise de partir. Et tu dis, est-ce que je trouvais assez fort dans ce que tu as écrit, il a été difficile de partir, d'abandonner, de jeter l'éponge. À ce moment-là, ta décision est prise. Donc, il y a déjà ce pivot qui se fait, mais il y a encore le sentiment d'abandonner quelque chose. Qu'est-ce que tu abandonnes à ce moment-là pour toi ?

  • Speaker #1

    D'un côté, je sentais mon corps et mon esprit fatigués par tout ça. Puis de l'autre côté... Moi, je m'étais battu une vie entière pour arriver là. Et je me suis dit, mais est-ce que vraiment tu veux quitter ça ? Parce que c'est confortable. C'est très confortable, la position, le statut, le salaire, la fonction et tous les avantages qui vont avec. Et ça, c'était difficile. Et je savais qu'en quittant... Je quitterais tout ça avec. Parce que même si j'allais retourner ailleurs, ce serait plus pareil, sans doute. Puis souvent, c'est aussi quelque chose qu'on connaît. Donc c'est plus difficile de quitter quelque chose que l'on connaît pour quelque chose qu'on ne connaît pas. Donc c'est une décision de partir vers l'inconnu. Et ça, c'est difficile. Mais il m'avait quand même épuisé, fatigué, notamment sur ses projets de restructuration. Avant ça, j'étais très bien.

  • Speaker #0

    Et avec le recul... Tu as évoqué ce moment où tu prends conscience finalement que par rapport à tes valeurs et aux valeurs de l'organisation, ce n'est plus possible, ce côté « je nage à contre-courant » . Et à un moment donné, tu continues ton cheminement, tu prends la décision, même s'il y a un sentiment, tu as conscience aussi que tu abandonnes des choses, que tu pars vers quelque chose de complètement inconnu. Et ça, c'est souvent ce qu'on peut retrouver, ce que beaucoup de personnes qui nous écoutent. vivre, rassemblablement. Ce côté je suis en déséquilibre avec mes valeurs, je sais pas trop, mais en même temps, la peur de l'inconnu, de quitter quelque chose. Donc, avec ton expérience, ton parcours, si tu devais donner un conseil aux personnes, qu'est-ce que tu leur donnerais à ce stade comme conseil par rapport à ce qu'elles pourraient vivre ? C'est pas forcément dire, oui, il faut quitter ou il faut rester, mais...

  • Speaker #1

    Non, non, la meilleure chose déjà à faire... C'est le dialogue. Il faut avoir cette capacité. Je pense que ce qui m'a permis d'éviter un burn-out sévère, c'est de connaître mon corps, de par le sport, etc. Je pense que j'ai senti que ça n'allait pas et j'ai eu une forme de courage. C'est qu'à un moment donné, j'ai levé la main pour dire ça ne va pas.

  • Speaker #0

    Tu as senti, mais si je peux me permettre, tu as aussi accepté que ça n'allait pas.

  • Speaker #1

    J'ai accepté. Ça m'est tombé dessus une nuit d'insomnie. Quand j'étais irrité surtout.

  • Speaker #0

    Et une nuit, la solution m'est venue, c'est la réflexion de dire, écoute Patrick, tu évolues dans une entreprise depuis plus de 20 ans, tu y étais bien. L'entreprise, elle, depuis que tu es là, elle n'a pas changé. Ça reste une multinationale, ça reste le capitalisme, ça reste la performance, il faut faire de la croissance, il faut vendre. Nestlé a déjà licencié dans d'autres secteurs, simplement qu'aujourd'hui, tu es là où... Peut-être au mauvais endroit, au mauvais moment, mais l'entreprise, elle n'a pas changé. Et puis ton entourage non plus. C'est toi qui a changé. Donc c'est toi qui es malade. Et ce bilan-là, il était extrêmement intéressant. Parce que dès lors qu'on a mis le point sur le problème, que ce n'est pas les autres, mais c'est soi, je pense qu'on a fait un grand pas. On a fait un grand pas pour accepter qu'il faut se faire aider, il faut faire deux pas en arrière pour prendre soin de soi. Avant ça, on pense que c'est tous les autres. Donc c'est ça qui est important.

  • Speaker #1

    C'est hyper important ce que tu dis ici, cette phase d'acceptation, puis finalement d'accepter que c'est soi qui... Je mets des guillemets, le problème n'est pas les autres, et de dire qu'est-ce que je vais en faire maintenant ?

  • Speaker #0

    Parce que tant qu'on est dans « c'est les autres » , on n'est pas capable de lever la main pour dire « ça ne va pas » parce qu'on pense que ce n'est pas nous, c'est les autres. Donc dès le moment où j'ai fait le bilan que c'était moi qui n'allais pas, j'ai levé la main. Et puis, tout a changé. Parce que tant que les gens autour de vous ne savent pas que vous n'allez pas bien, l'univers, il reste très... compétitif. Tant que vous ne dites pas « je ne suis pas bien, j'ai besoin d'un peu de recul » , il n'y a personne qui va vous le donner, le recul.

  • Speaker #1

    Et c'est à ce moment-là, tu peux dire, que ton processus de reconstruction a pu démarrer ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dès le moment où j'ai pu parler, ça a commencé à aller un peu mieux. Après, ça a pris du temps, de ce moment-là, et le moment où j'ai décidé de partir. Mais déjà, le fait de parler m'a beaucoup aidé. Parce que les gens sont bons, fondamentalement. Simplement qu'ils sont bons... dès lors que vous avez levé la main pour dire que ça n'allait pas. Avant ça, le niveau d'exigence, il est élevé.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, justement, de ce moment qui te permet de démarrer, finalement, cette phase de reconstruction, je trouvais aussi intéressant de la relier à un moment donné dans ton livre. Tu dis, je mets des guillemets, « Je sais que j'ai fait le bon choix. » Parce que c'est toujours un sentiment qui peut être difficile, finalement. Donc, toi, tu le sais à l'intérieur de toi-même. Mais qu'est-ce qui permet de te le dire à un moment donné ? Est-ce que tu peux nous en dire plus par rapport à ce sentiment à ce moment-là ? Alors, tu as dit aussi, une fois que j'ai pu lever la main, je ne suis pas partie tout de suite. Donc, on voit aussi que le processus, il est très long. Ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Mais d'arriver à un moment donné, de te dire, je sais que j'ai fait le bon choix, comment c'est à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs paramètres. Le premier, moi, depuis que j'ai 25 ans, j'avais une ambition ou en tout cas un idéal qui était de me dire à 50, 55 ans, je vais arrêter de travailler. Donc, je m'étais dit ça. Et puis, ça m'a donné toute ma carrière quand même un objectif où je m'étais dit bon, un jour, j'aurai les moyens. d'arrêter de travailler à 50. Donc ça m'a toujours poussé dans ma carrière en disant attention, ça reste l'objectif et puis j'ai mis des choses en place pour y arriver. Après la vie, elle n'est pas toujours si simple et puis je me suis rendu compte que voilà... Est-ce que je pensais à 25 ans ? On le pense moins à 45. Et puis, plus j'allais de l'avant, à un moment donné, les pensées, c'était plus à 50 ou 55, j'arrête de travailler. Mais c'est aussi à la vision de mon entourage professionnel. Je dis non, non, moi, à 55 ans, je veux avoir le choix. C'est très différent. Je veux avoir le choix que si je suis bien, je reste. Mais si je ne suis pas bien, je suis en tension ou je suis comme certains collègues où on sent que... il tire un peu la corde pour aller jusqu'à la retraite. Non, moi, je vais pouvoir dire, je pars. Donc, il y avait quand même un processus en moi qui disait, attention, prépare-toi, parce qu'à partir de 55 ans, il y a aussi une réalité que les gens de plus de 55 ans dans le domaine commercial, marketing et autres, chez Nestlé, il n'y en a pas beaucoup. Donc, il y avait quand même une réflexion, je dirais, pragmatique. de voir l'entourage et attention, à un moment donné, ça va serrer. Donc, il faut anticiper. Donc, j'avais ça en tête. Et puis, il y a un autre élément, c'est que moi, j'ai fait 23 ans chez Nestlé. J'ai changé de fonction, de responsabilité, on va dire presque tous les 3 ans, 3-4 ans. C'est un rythme un peu normal. Donc, j'ai toujours avancé, changé de job. Et puis, je savais toujours, quand je commençais un job, j'avais presque déjà la vision sur le prochain dans 3 ans. Et puis, depuis quelques années, je n'avais plus ça. Je sentais que je n'avais plus le next step. Et ça, ça m'avait mis la puce à l'oreille. Je me suis dit, bon, il y a peut-être une réflexion à se faire en disant t'as peut-être fait le tour. Et ça venait renforcer le fait que je me dis bon ben là, je sais pas, à 55, c'est un petit peu avant, des fois la vie elle vient te pousser dans les brancards et les cordes. Donc maintenant peut-être tu dois prendre cette décision de quitter parce que, voilà, la vie, et tu le voulais aussi parce que je me suis battu une vie entière à me donner cette liberté-là.

  • Speaker #1

    Oui, donc on voit finalement par rapport à ce que tu dis qu'il y a beaucoup d'éléments, c'est une conjonction de plusieurs éléments qui t'ont amené d'une part à une situation d'épuisement par rapport aux valeurs, à ce déséquilibre entre tes propres valeurs et les valeurs de ton organisation, mais aussi par rapport à ces différents phares ou à ces différents objectifs que tu t'étais fixé. Donc, finalement, arriver à pouvoir se dire je sais que j'ai fait le bon choix, c'est pas en lien avec... un seul ingrédient. C'est plusieurs choses qui t'ont amené à réussir, finalement, à avoir ce sentiment d'apaisement par rapport à ton choix.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est important. Ce n'est pas une décision qu'on prend une nuit en disant « je viens de faire une carrière de 23 ans, j'arrête, et puis les choses vont changer comme ça. » Dans les conférences, je parle de ça où je dis un projet ou un rêve Sans plan, c'est un vœu. Moi, ce n'était pas un vœu, c'était un projet. Et puis, j'y avais mis un plan depuis 20 ans. La seule chose qui a changé, c'est que ce n'est pas moi qui ai décidé quand. Moi, à un moment donné, je m'étais dit 55 ans, ce sera bon, tu seras mieux pour faire ça, puis commencer une autre étape de ta vie et faire autre chose. Avec cette envie justement de réussir ailleurs que chez Nestlé. C'est simplement que la vie, à un moment donné, elle est venue... taper à ma porte à 53 ans et me dire, « Maintenant, tu es fatigué, il va falloir… » Et c'est un des éléments que je développe, c'est notre capacité à changer sans un élément extérieur. Malheureusement, je crois, en tout cas, c'est peut-être ce qui m'est arrivé, c'est que j'avais l'envie de changer, j'avais mis beaucoup de paramètres pour… changer tôt ou tard. Simplement que la vie est venue m'imposer une décision à un moment donné où je n'étais pas encore prêt. Donc, j'ai dû anticiper là-dessus et puis me dire, bon, maintenant la vie est en train de me dire c'est maintenant. Ce n'est pas dans deux ans, ce n'est pas dans trois ans. Tu es fatigué, donc prends une décision maintenant et puis deal avec. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et c'est, comme tu l'évoques, c'est un processus long. Et puis après, effectivement, il peut y avoir un élément extérieure, mais qui va venir déclencher la suite, effectivement. Si tu regardes, et on va ensuite évoquer plus ton regard maintenant sur le management, parce que maintenant, tu es sorti du monde de l'organisation, par contre, tu accompagnes des gens en montagne qui sont dans des moments difficiles, dans des moments de burn-out et d'épuisement. Donc, on va regarder un petit peu, voilà, par rapport à la réalité aujourd'hui dans les organisations, quel est un petit peu ton regard ? Est-ce que... C'est vrai que ça a toujours été compliqué, le management, d'occuper une fonction de dirigeant de cadre. Ça s'est vraisemblablement encore complexifié ces dernières années avec le nombre de crises successives et l'environnement changeant. Finalement, il n'y a plus de stabilité, on ne peut plus compter sur une forme de stabilité. Donc, ça met une difficulté supplémentaire quand on a des fonctions de dirigeant. Aujourd'hui, maintenant que tu es où tu es aujourd'hui ? Quel regard tu portes sur le management dans les entreprises ?

  • Speaker #0

    Manager, c'est un rôle qui n'est pas simple parce que c'est un rôle qui est basé sur l'humain. Et voilà, c'est sans doute l'élément le plus difficile à gérer dans une carrière, c'est l'humain. Les mathématiques, les statistiques, la stratégie, les plans commerciaux, les rendez-vous clients, tout ça, c'est un petit moins simple. Par contre, l'humain, ça demande certaines capacités. les soft skills, comme on l'appelle, qu'il faut développer pour pouvoir être un bon manager. Donc c'est souvent difficile.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on demande trop aujourd'hui aux managers ? Est-ce qu'il y a quelque chose de l'ordre qui a trop d'exigences ? Parce qu'on voit aussi, tu l'as peut-être vu, mais certaines études qui montrent aujourd'hui que d'une part, il y a de moins en moins de personnes actives qui aimeraient une fonction de manager. Justement, par rapport à ce que tu évoques, avec cette difficulté à s'occuper de la notion de l'humain. Et puis aussi, de moins en moins de jeunes qui aspirent à prendre des postes de manager.

  • Speaker #0

    Moi, je crois qu'il y a plusieurs paramètres. Un que j'ai remarqué, pour revenir sur ta question précédente, les dernières années de mon activité, je trouvais que le top management manquait un peu de courage, de confiance, de prise de responsabilité. Et puis qu'on avait une fâcheuse tendance. à désescalader ses responsabilités. Ça veut dire qu'il n'y a peut-être plus suffisamment les épaules assez larges dans le top management pour manager un peu, de faire un peu sous le feeling, et puis protéger ces équipes-là. Et puis j'avais l'impression qu'il y avait une sorte de haut d'ascenseur, c'est-à-dire que dès qu'il y a un problème, on désescaladait dans les équipes, et puis cette pression constante, elle use. Donc, je pense que ça, il y a un problème de responsabilité et puis de prise, de prendre ça sur les éboues. Quand on est top manager, je pense qu'il y a cette nécessité-là. Et pour prendre une décision, il fallait de plus en plus d'études. À un moment donné, il faut être un peu pragmatique. Voilà.

  • Speaker #1

    Lequel on peut se baser ?

  • Speaker #0

    De l'autre côté, je ne suis pas sûr qu'on en demande trop aux managers. J'ai l'impression qu'on s'éparpille très vite. Ça veut dire que je pense qu'on devrait apprendre... très très vite à être très très focus sur les objectifs à atteindre. Et aujourd'hui, on est bombardé d'informations et je pense que ça, c'est un élément clé. pour durer, c'est d'apprendre à se protéger de l'information. Ça veut dire qu'entre les mails, les études, les séances et tout ce qui ne sert à rien dans la réussite de son propre objectif professionnel et de l'équipe. Mais je crois qu'on est bombardé d'informations pas ou peu nécessaires qui remplissent notre cerveau et nos pensées. Alors celui... qui apprend à faire le tri et à aller chercher l'information qu'il a besoin pour son activité, il s'offre beaucoup de temps. Je pense que ça, c'est important. Je ne sais pas si on ne sait pas ou ne sait plus faire ça, mais c'est aussi la source des médias. Il y en a de plus en plus. On est très vite sollicités avec de l'information parce qu'on est partis du principe depuis beaucoup d'années que plus on donne de l'information, mieux c'est. La transparence, c'est bien. Mais je pense qu'en tant qu'employé, responsable, manager, top manager, on doit apprendre à se focaliser sur là où on veut aller et de prendre les informations qui nous permettent d'y aller. Et puis pas vouloir tout avoir parce qu'on se perd.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, si tu devais donner un... des conseils aux entreprises, justement, aujourd'hui, par rapport à ce que tu as vécu, par rapport à ton regard sur ces éléments, qu'est-ce que tu aurais envie de dire aux entreprises par rapport à comment préserver, en guillemets, ce côté... Parce qu'on le voit aussi, l'épuisement chez les managers, il est à tous les niveaux organisationnels dans une entreprise, mais il est aussi très marqué chez les cadres. Donc, le... Comment une entreprise, elle peut faire aujourd'hui pour essayer de faire au mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, jusqu'à ce que je fasse le bilan que c'était moi qui n'allais pas bien, je pensais que c'était l'entreprise qui n'allait pas bien. Que l'entreprise avait changé, qu'elle était plus ce qu'elle était. Et puis, j'avais ce discours de vieillard. Puis un jour, j'ai fait la réflexion, c'était moi. Donc, je pense... L'entreprise, elle est tout à fait à même de réagir à ça, en tout cas certaines. Donc il y a plusieurs éléments. Je pense qu'un, il faut créer un climat de confiance. Ça veut dire que ça doit venir du top management, ça doit venir des RH, de faire que les gens puissent communiquer, partager leurs faiblesses. Ça ne doit pas être tabou. Parce qu'à la fin, c'est une culture d'entreprise. Ça veut dire que, de toute manière, tout le monde en a. Je ne connais personne qui, à un moment donné... Tout le monde en a.

  • Speaker #1

    De donner l'autorisation par rapport à ce que tu disais, à lever la main, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    c'est tout à fait vrai. On peut lever la main. Et j'ai vu cette évolution aujourd'hui. Il y a beaucoup de choses qui ont changé. Pour l'anecdote, moi, je me souviens que quand j'étais jeune, cadre, je suis à un moment donné, quand j'avais 25-30 ans, moi, je n'aurais jamais levé la main pour dire à mon enfant... il est malade, je vais rentrer à la maison. Aujourd'hui, ça ne pose plus de problème pour un homme, tant mieux. Heureusement, ça a changé. Pourquoi ça ne pourrait pas changer pour dire, écoutez, aujourd'hui, je ne suis pas trop bien, je suis un peu fatigué, donc moi, j'ai besoin de prendre du recul.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Pourquoi pas ? Il faut juste apprendre et créer un contexte qui est possible. Un élément que j'aime bien marteler, c'est qu'il faut arrêter de positionner le burn-out entre l'employé et l'employeur. Ça, c'est une faute grave. Le burn-out, l'épuisement professionnel, ce n'est pas la faute de l'employeur. Déjà, de positionner le burn-out entre les deux, ça le met en confrontation, ça n'ouvre pas la possibilité du dialogue. Donc déjà, le burn-out, c'est la seule pathologie qu'on met sous le dos de l'employeur. Alors qu'on peut se poser la question pour toutes les autres pathologies. Je pense que le burn-out, c'est une responsabilité partagée. Pour expliquer concrètement, le burn-out, c'est une fatigue psychique de plus de six mois. Quand c'est moins, ce n'est pas un burn-out. Donc, ça veut dire que c'est quand même quelque chose qui dure depuis un moment où les gens, psychiquement, n'arrivent pas à reposer leur cerveau pendant plus de six mois. Alors, des gens, il peut y avoir un peu de stress, il peut y avoir un peu de fatigue parce qu'il y a... période de un mois où on doit délivrer quelque chose. Ce n'est pas un burn-out. Donc, il faut déjà une sacrée période de stress. Moi, je crois, et la situation dans laquelle je me suis mis, c'est que j'ai pris extrêmement à cœur quelque chose qui était sur un plan business, sur un plan structurel, normal. simplement que j'étais au mauvais endroit au mauvais moment et puis j'ai dû faire des choses qui ne me correspondaient pas. Mais j'aurais pu tout à fait dire non, j'aurais pu tout à fait parler des choses avant et puis je me suis rendu compte que dès que j'ai parlé, les choses se sont très bien faites. Simplement qu'on a tendance à faire le poil dans sa poche par fierté. Et ça, ce n'est pas bon. Ce n'est pas bon. Donc un, créer un climat positif d'échange. de transparence. Arrêtez de croire que c'est la faute du patron. Il faut expliquer, former les managers sur ça. Parce que c'est aussi le rôle du manager de sentir quand il y a un truc qui ne va pas, c'est de poser les bonnes questions.

  • Speaker #1

    Oui, et il est double finalement, c'est tant par rapport à lui-même, ses propres signaux, que aussi d'être capable, par rapport à ce que tu dis là, d'aller chercher les autres. Chez les autres ou chez soi-même. Exactement.

  • Speaker #0

    Chez soi-même. Et puis je pense... Il y a, au niveau des RH quand même, une responsabilité d'identifier qu'il y a des personnes néfastes. Il peut y avoir des personnes néfastes. Moi, je n'en ai pas eu, mais je côtoye aujourd'hui des gens qui viennent me dire « je suis en burn-out à cause d'une personne » . Je pense que ça, c'est le rôle des RH ou des top managers de sentir ça et puis de travailler ça. Donc, je pense que c'est important quand même quand il y a des équipes où on voit qu'il y a un turnover, il y a des choses qui ne vont pas bien. À un moment donné, il faut prendre le point et il faut le régler.

  • Speaker #1

    J'aime bien ta position par rapport à ça. D'ailleurs, ça m'a aussi marquée à travers ton livre et à travers ton film que je suis venue aussi regarder. C'est, à un moment donné, par rapport à ce que tu dis là, de vraiment dire clairement que c'est une responsabilité partagée, que ce n'est pas à cause de l'entreprise. Et ça, je trouve que c'est un message fort aussi. Ça permet aussi de responsabiliser les gens par rapport à leur propre personne, une nouvelle fois, et aussi d'accepter et de reconnaître ses propres fragilités. Par contre, effectivement, je pense que ce que tu évoques par rapport à l'entreprise et ses responsabilités, c'est de mettre en place ce cadre de confiance. Et c'est là que tout le travail de l'entreprise met que, voilà, arrêtons de... de dire que c'est à cause de l'entreprise et de distinguer aussi l'entreprise des personnes.

  • Speaker #0

    Si on continue de dire que les burn-outs, c'est à cause de l'entreprise, on ne va pas créer un climat de confiance.

  • Speaker #1

    OK, on va gentiment arriver vers la fin de cet échange, mais j'ai encore quelques questions en rab, si je peux dire ça comme ça. Alors bon, tu as parlé passablement déjà de ton parcours et tu as donné des conseils, mais... Si aujourd'hui tu avais trois conseils concrets, le plus concret possible, mais comme je l'ai déjà dit, les conseils c'est toujours difficile parce que chaque histoire elle est unique, mais que tu donnerais en particulier à des managers qui ressentent de la surcharge, qui ressentent de la pression, parce qu'aujourd'hui la pression elle est présente, je pense dans toutes les entreprises, que ce soit privées ou même publiques, ces notions-là elles font dorénavant partie. elles font partie du quotidien de personnes avec des responsabilités. Donc, qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire à ces personnes en t'appuyant sur ta propre histoire ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, je pense que l'élément clé, c'est l'entourage. D'avoir un entourage sain, familial, amical, personnel ou autre. Je pense que c'est déjà un élément clé parce que si on peut partager nos sentiments avec quelqu'un, c'est déjà une grande aide. Et souvent, quand on est en burnout ou tout comme ça, on a tendance à se renfermer. Donc on a tendance à s'isoler, ce qui n'est jamais un bon signe. Donc l'entourage proche... est fondamentale. Après, il y a un élément que je pense que c'est nécessaire, c'est aussi de relativiser. Souvent, on est stressé ou on se met beaucoup de pression pour des choses qui sont assez futiles. C'est clair qu'on a des objectifs, il y a une pression, mais on peut aussi se dire, en disant, j'ai fait de mon mieux, j'ai donné tout ce que je pouvais. Et puis, ce n'est pas grave. Moi, ce qui m'a usé, c'est l'humain. Et ça, je n'ai pas réussi à le relativiser, à prendre du recul en disant ce n'est pas grave. Ça, je n'y arrivais pas. Tout le reste ne me stressait pas. C'est pour ça que je me suis senti vraiment invincible pendant longtemps jusqu'à ce qu'on touche cette corde de la sensibilité. Le dialogue dans l'entreprise, il faut... Encore une fois, les gens sont bons. Globalement, les gens sont bons. Donc, dans l'entreprise, il faut trouver les gens avec qui on peut parler. Dans le film, j'utilise cette image du tunnel. Je pense que c'est fondamental d'intervenir à... avant l'entrée du tunnel. Parce qu'une fois que les gens sont dans le tunnel, c'est long. Donc, si on arrive à anticiper et que la personne peut lever la main avant de sombrer, ce que j'ai pu faire, sans absenteïsme... J'ai pris deux semaines off parce que j'en avais besoin. Mais globalement, il y a des gens qui sont loin six mois, une année, deux ans. Et là, ça devient long. Donc, c'est bénéfique pour tout le monde de pouvoir lever la main avant de rentrer dans ce tunnel.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aurais aimé entendre à l'époque, il y a quelques années, qui t'aurait aidé encore plus à traverser ces moments difficiles ?

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'aurait aidé... Je pense que l'agenda, il soit clair. C'est jamais drôle de licencier des gens. Et je me suis époumonné à vouloir sauver ces jobs-là, alors qu'il y avait un agenda caché. La culture du secret, elle est visante. Vous savez, moi, ce qui m'a usé, c'est que vous mettez des noms sur une liste, vous savez que vous allez licencier, puis les procédures, elles sont longues, et puis pendant trois mois, vous savez que ces gens vont être licenciés, mais pendant trois mois, vous baissez tous les jours avec. Les gens vous racontent leurs vacances, ils vous racontent leurs projets, ils vous disent « ah cet été je veux faire ça » . Et toi tu sais qu'au mois de juin tu vas le licencier. Ça c'est 8 ans. Et je crois qu'il y a un effort à faire là-dessus pour ne plus prendre les gens par surprise un matin pour leur dire… Je pense qu'on doit trouver une manière de faire pour ne pas avoir peur que les gens se mettent en maladie ou autre, parce qu'il y a tous ces éléments qui sont compliqués. Mais à la fin, c'est difficile pour les gens parce qu'ils sont surpris. C'est le premier paragraphe de mon livre. C'est de les prendre comme ça par surprise pour leur dire écoute, t'es licencié. Et puis pour le manager, parce que la culture du secret, c'est usant et je pense que ça use beaucoup de gens. notamment sur ces éléments-là. Il y a d'autres secrets qui sont faciles à tenir. Mais quand c'est l'humain, et qu'il faut côtoyer les gens alors que vous savez qu'ils vont être licenciés, c'est dur.

  • Speaker #1

    Oui, et une des tâches, moi je le vois, quand j'ai dû pratiquer, j'ai dû faire des licenciements, mais aussi quand je discutais avec mes clients, c'est finalement une des tâches les plus difficiles, parce que, comme tu le dis, ça touche le point central qui est l'humain. C'est une des tâches aujourd'hui les plus difficiles quand on est manager. Et en même temps, ça fait partie du rôle. Donc, on ne peut pas s'en extraire. Et puis, effectivement, ça fait partie du rôle. Et en même temps, c'est le plus difficile. Donc, il faut pouvoir trouver l'organisation et l'entreprise, le top management, l'IRH. Tu parlais du cadre de confiance tout à l'heure. Finalement, ça peut rentrer un petit peu dans ce cadre de confiance. Même si la solution idéale, elle n'existe pas. Non.

  • Speaker #0

    dans ce genre de situation et surtout que les licenciements aujourd'hui on en parle pratiquement tous les jours ouais donc mais c'est clair que la manière de fonctionner là la culture du secret elle vient pas renforcer un climat de confiance mais de mon côté je dois avouer moi j'ai été dès lors que j'ai levé la main moi j'ai été écouté aider, me soigner, pour que les choses se passent bien jusqu'aux derniers jours de mon travail. Donc, je pense encore une fois, il y a une réalité économique, il y a une réalité du marché qui justifie certaines choses. Donc, on peut expliquer ça aux gens. Je pense que tout le monde a compris ça et accepte ça. Après, c'est le comment.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette image de lever la main parce qu'elle dit beaucoup de choses finalement, surtout ton parcours, mais aussi sur le côté lever la main, donc prendre la responsabilité, accepter déjà, ok, il y a quelque chose, donc je lève la main, donc je suis responsable aussi de mes propres actions.

  • Speaker #0

    C'est la responsabilité de ce qui est de soi. Et puis ensuite,

  • Speaker #1

    au moment où on lève la main, il y a quelque chose dans notre entourage professionnel et personnel, mais si on prend le cas de l'entreprise qui permet, justement, si je lève la main, c'est que je suis aussi en confiance. et que je vais pouvoir être aidée, sans savoir finalement quelle va être la solution, quelle va être la suite, le parcours qui va s'en suivre, mais il y a quelque chose qui va se passer, et on appelle un peu au secours. Merci pour ces partages, et la dernière question que j'aimerais te poser, si tu pouvais t'adresser au Patrick d'il y a dix ans, quel conseil tu lui donnerais à ce Patrick d'il y a dix ans ?

  • Speaker #0

    Il y a dix ans, j'étais dans les starting blocks, je pense... de relativiser un petit peu sur cette réussite professionnelle. Je pense que ça fait peut-être partie d'une génération où la réussite professionnelle prend beaucoup de place. Le statut aujourd'hui joue un rôle beaucoup trop important. On se rend compte, les gens se positionnent par rapport aux métiers que l'on fait ou qu'ils font. si on pouvait un petit peu positionner les gens pour ce qu'ils sont et pas ce qu'ils font je pense que ce serait meilleur ou ce qu'ils font professionnellement l'anecdote, j'ai suivi une formation il y a pas longtemps puis il est venu dans la salle une psychologue et elle commence sa présentation en se présentant avec un slide powerpoint avec sa photo et son CV professionnel. Je suis psychologue, psychiatre, j'ai fait ci, ça, Et puis moi, je lève la main et je dis, mais à part ça, vous êtes qui ? Et elle était à la même surprise. Parce que ça montre le niveau du biais qu'on peut avoir et où on se positionne sur ce que l'on est professionnellement. Et je crois qu'on est tous papa, maman, on est passionné de sport, on est passionné d'art, on fait ci, on fait ça, on peut faire de l'associatif, du bénévolat, plein de choses qui peuvent aussi. nous correspondre et faire qu'on est quelqu'un au-delà de l'activité professionnelle. Et je pense que c'est ça que j'ai envie de dire, c'est qu'il faut ne pas être que ce que tu es professionnellement.

  • Speaker #1

    Écoute, je ne vais rien rajouter, hormis le fait de te demander encore où est-ce qu'on peut te retrouver, ton travail, enfin, dis-nous. quelques mots sur ce que tu fais aujourd'hui et puis où on peut te suivre parce qu'il y a un livre, il y a un film, tu es très actif sur les réseaux sociaux. Dis-nous un petit peu où on peut te retrouver et puis il y aura peut-être des personnes qui, suite à cet épisode, auront envie de te contacter.

  • Speaker #0

    Mon activité aujourd'hui, c'est l'accompagnement en montagne. Donc j'accompagne les gens en montagne, quels qu'ils soient, quels que soient les projets, un jour, une semaine, là je rentre de Norvège où j'ai accompagné des gens en raquette en Norvège, ça c'est mon activité, j'ai la promotion du livre. le film et puis les conférences comme j'ai eu ce matin ça c'est mes activités, tout ça est sur mon site internet patricksoumy.ch maintenant, pour ceux qui veulent la montagne je suis ouvert à toutes propositions j'ai un petit programme je fais du cas par cas là je suis en train d'organiser déjà la Norvège 2026, l'été j'ai vu les photos sur Facebook je fais aussi des propositions du Biwak pour ceux qui n'ont jamais fait ça et qui ne se sentent pas forcément à l'aise d'aller dormir en montagne tout seul ou sans expérience. Moi, j'ai le matériel, j'ai l'expérience. Donc, j'essaie d'offrir des activités un peu particulières qui ne sont pas juste une balade en montagne, mais on fait de tout. Et puis, j'essaie simplement de transmettre cette passion de la montagne que j'ai. depuis 30 ans. Donc voilà, sur mon site internet, sur les réseaux sociaux, avec grand plaisir, où je partage un petit peu ma philosophie et ce que je fais. Je ne fais pas trop de promos sur les sites, parce que encore une fois, j'essaie de travailler plus le bouche à oreille, etc. Ce n'est pas un média où j'essaie de recruter. Voilà, c'est plutôt le site internet pour ça.

  • Speaker #1

    Et ton livre est disponible ?

  • Speaker #0

    dans toutes les librairies de SwissRomand ou directement, vous pouvez m'écrire sous le site et puis moi je vous le transmets par courrier. Sinon, toutes les librairies, il est disponible.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Patrick. J'ai vraiment beaucoup apprécié cet échange, ta sincérité et ton parcours si inspirant. Et puis je te souhaite vraiment le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt.

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Description

L’épuisement professionnel peut toucher tout le monde. Personne n’est à l’abri.


Dans cet épisode, j’ai le plaisir d’accueillir Patrick Sumi, ancien cadre chez Nestlé, qui a occupé pendant 23 ans des postes à hautes responsabilités. Porté par une quête incessante de performance, il finit par s’épuiser jusqu’à atteindre un point de rupture en 2021. Confronté aux signaux physiques et psychiques du burn-out, il entame un long cheminement de remise en question qui le conduit à quitter son emploi et à se reconstruire.


Au printemps 2023, il décide de réaliser un rêve de longue date : un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre Lutry en Suisse et le Cap Nord. Un voyage initiatique, qu’il partage aujourd’hui à travers un livre et un film intitulés "Sur le Fil".


Dans cette conversation, nous avons abordé :


✅ Son parcours professionnel et sa quête de performance
✅ Les signes annonciateurs de son burn-out
✅ Son cheminement vers la prise de conscience et la décision de tout quitter
✅ Ses conseils pour mieux écouter ses limites et prévenir l’épuisement


Patrick nous livre avec sincérité son parcours, les signes avant-coureurs qu’il a ignorés, et les leçons qu’il en tire aujourd’hui.


Son témoignage est une invitation à repenser notre rapport au travail, à écouter nos limites et à envisager d’autres chemins possibles.


Que vous soyez manager, dirigeant ou simplement en quête d’équilibre, son expérience vous apportera, je l’espère, des clés concrètes et inspirantes.


📖 Sur le fil – Le livre de Patrick Sumi
🎬 Sur le fil – Le film de Patrick Sumi


Pour retrouver Patrick Sumi: www.patricksumi.ch


🎧 Très bonne écoute !


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Transcription

  • Speaker #0

    Manager aujourd'hui, c'est évoluer dans un monde en perpétuel changement, plus rapide, plus incertain, plus exigeant. Face à cette complexité, il n'y a pas de recette toute faite, mais une seule certitude. Un bon manager ne cherche pas la perfection, il apprend, il s'adapte et il ose. Je suis Magali Vanet, coach, consultante et formatrice en management et gestion d'équipe. Entre nous, c'est le podcast qui décrypte avec sincérité et pragmatisme les défis du management. Seul ou accompagné d'invités du terrain, je partage des stratégies, des expériences vécues et des conseils pratiques. Alors ici, pas de théorie abstraite, ni de solution toute faite, mais des clés concrètes et actionnables pour avancer, évoluer et prendre confiance dans son rôle. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Patrick Soumy. Patrick a travaillé 23 ans comme cadre chez Nestlé. Il a occupé différentes fonctions et a atteint, avec un travail acharné et un engagement sans faille, les responsabilités qu'il rêvait tant. Mais en 2021, il est épuisé. Il n'en peut plus. Plusieurs signes physiques et psychiques lui font prendre conscience qu'il ne peut plus continuer sa course à la performance. Après un long processus de remise en question, il décide de quitter son emploi. Au printemps 2023, durant sa phase de reconstruction, il réalise son rêve et accomplit un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre l'Utri en Suisse et le Cap Nord. Il met en mots et en images son histoire et son parcours avec un livre et un film qu'il a intitulé « Sur le fil » . L'épuisement professionnel que Patrick a vécu peut toutes et tous nous toucher. C'est une réalité, personne n'est à l'abri. Durant notre conversation, nous avons évoqué son parcours professionnel, sa quête de performance et comment tout cela l'a amené jusqu'à l'épuisement. Avec une grande sincérité, il nous explique les signaux qu'il a perçus, qu'il a ressentis et quel a été son long cheminement jusqu'à sa décision de quitter Nestlé. Bien que chaque situation soit unique, l'expérience de Patrick, sa manière de poser son regard sur cette étape de sa vie, et les conseils qu'ils donnent au fil de la discussion seront, je n'en doute pas, une source d'inspiration et de réflexion sur notre propre rapport au travail. Je ne vous en dis pas plus et laisse place à mon échange avec Patrick. Hello Patrick, un grand merci à toi de prendre le temps aujourd'hui d'échanger sur ton parcours, parce que je suis persuadée qu'il va parler et il va résonner vraiment à de nombreuses personnes, en particulier aux cadres et aux dirigeants, mais bien au-delà, j'en suis persuadée. Alors je sais que tu es très sollicité, tu me le disais tout à l'heure, que tu avais animé une conférence ce matin, donc je sais que tu es très sollicité depuis quelques mois avec la sortie de ton livre et de ton film. J'avais vraiment envie de t'inviter à partager et évoquer ton histoire parce que je pense qu'aujourd'hui dans les organisations de travail, c'est une réalité. Ce que tu as vécu, c'est ce que beaucoup de personnes vivent aujourd'hui dans un rôle de conduite qui est très difficile à concilier les différents enjeux. C'était aussi l'opportunité à travers ton histoire qu'on pose ensemble, finalement, notre regard sur le management aujourd'hui dans les organisations de travail et que tu puisses apporter. des pistes et des conseils, même si on sait que chaque histoire, elle est unique, elle est différente. Mais je pense que les personnes qui nous écoutent ont aussi besoin, à travers ton histoire, de recevoir quelques conseils, quelques pistes qui peuvent les aider finalement à mieux appréhender ce rôle de management et de dirigeant. Et puis pour ma part, en lisant ton livre, que j'ai lu d'une traite d'ailleurs, Il y avait beaucoup de choses que tu évoques qui m'ont replongée dans ma propre expérience de management, de cadre. Et puis, j'ai aussi été très émotionnée, je pense qu'on le dit ça comme ça, de voir finalement à travers ton parcours tout le cheminement que tu as fait et aussi toute la partie introspective sur ta propre personne. Je pense que cette partie introspective, c'est aussi quelque chose d'extrêmement important aujourd'hui pour un cadre de le faire sur soi.

  • Speaker #1

    Alors, c'est un gros chantier.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais effectivement, je trouve que c'est ressorti et tu as réussi à faire ressortir. Avec plaisir. Alors peut-être avant de plonger dans ton parcours, j'aimerais qu'on commence par aujourd'hui, parce qu'on est là, c'est le présent. Et puis j'ai envie de te demander la première question un petit peu disruptive comme ça. De quoi es-tu le plus fier ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis très fier aujourd'hui, c'est que je me donne beaucoup de moyens à la réalisation de mes rêves. Et je pense que c'est fondamental d'aller auprès de ses rêves, de suivre ses envies et de se donner les moyens. Aujourd'hui, j'ai accompagné des gens au Norvège en raquette à neige. Je suis extrêmement fier de ça parce que c'est des choses auxquelles je ne pensais pas possibles il y a encore quelques années. Donc... La réalisation de rêves, j'ai fait des courses sportives, j'ai écrit un livre, mes défis sportifs, mes aventures cyclistes, ma nouvelle activité, tout ça me rend très fier. Et globalement tout ça, ça s'inscrit dans le changement et je suis assez fier du changement que j'entreprends. Mais je suis aussi fier du parcours que j'ai fait professionnellement.

  • Speaker #0

    Ça te permet finalement d'être fier de ce que tu fais aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Exactement, oui. Mais autant, j'ai besoin aujourd'hui de pouvoir être fier de quelque chose d'autre. Moi, j'étais extrêmement fier de la carrière professionnelle que j'ai faite, surtout dans le domaine dans lequel je venais. Ce n'était pas un donné d'avance. Donc, d'arriver à une position comme celle-ci, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, je l'ai fait. Et aujourd'hui, je ressens ce besoin, j'ai toujours besoin de réussir, de performance. J'ai envie de faire des choses, de réaliser des choses, mais pas toujours dans le domaine professionnel. Je crois qu'on peut réussir à différents niveaux. Et c'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui, c'est de recréer quelque chose, de lancer de nouvelles activités, une nouvelle activité professionnelle, puis de nouveaux défis sportifs et d'aventures.

  • Speaker #0

    D'accord. Et tu penses que c'est grâce justement au parcours que tu as vécu ces dernières années qui te permettent finalement d'avoir réussi à switcher cette fierté et de ne plus la positionner dans le contexte professionnel, mais dans ton contexte personnel beaucoup plus.

  • Speaker #1

    Je suis convaincu et j'en parlais ce matin en conférence. Je crois que dans la vie, on a besoin de phares. C'est ces phares qui nous font avancer. beaucoup ont un seul phare, qui est le phare professionnel. Moi, ce phare-là, en tout cas celui de la carrière professionnelle, je peux dire que je l'ai éteint. Mais c'est important d'avoir d'autres phares. Savoir des phares qui sont plus loin, des phares différents. Et c'est ces autres phares qui te font avancer. Et je pense que c'est sain aussi. Pendant une vie, une activité professionnelle, j'ai toujours eu d'autres phares. étaient mes activités sportives, mes activités associatives et autres, qui font que tu multiplies des activités pour ne pas avoir un seul pilier qui est celui du travail.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que la réalité, alors je ne sais pas si c'est une question culturelle, mais on se définit beaucoup à travers notre activité professionnelle, notre travail finalement.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Beaucoup trop.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Je te rejoins. Et peut-être c'est ce qui prend. Mais effectivement, c'est une réalité et il faut pouvoir trouver ces... J'aime bien toi. ton image des phares, parce que c'est d'avoir différents phares allumés et pas un seul qui nous guide.

  • Speaker #1

    C'est un peu souvent, j'ai des réflexions quand je fais les conférences ou souvent les environnements, j'ai beaucoup de gens qui viennent, des retraités ou des jeunes retraités qui me disent C'est ce que vivent ces gens-là. Ça veut dire qu'une fois qu'ils ont quitté l'univers professionnel, ils n'ont plus de phare. Ou j'ai des gens aujourd'hui que j'accompagne en montagne, des gens qui sont en burn-out. C'est une grande partie de ma clientèle. Et souvent, ils viennent avec ce phare qui est en train de s'éteindre, celui de leur vie professionnelle, ou en tout cas qui les a affaiblis. Et je pense que c'est nécessaire pour ces gens-là. d'identifier un nouveau phare. Parce que souvent, le phare professionnel, c'est celui qui les a fait sombrer. Et ils s'accrochent à ça parce que c'est ce qu'ils connaissent. Mais le problème, quand cet univers du connu, c'est celui qui nous a usé et poussé jusqu'au burn-out, il faut rapidement essayer d'identifier un autre phare.

  • Speaker #0

    Donc si on revient au phare que tu évoques, si tu devais aujourd'hui te définir en une phrase, Patrick, il se définirait comment ?

  • Speaker #1

    J'ai une phrase qui me poursuit depuis, je pense, c'est... 15-20 ans, qui est sur mon profil WhatsApp. J'aime cette phrase plus que tout, qui dit, on vieillit lorsque le nombre de regrets dépasse celui des rêves et des projets. Je pense qu'elle veut tout dire. Parce qu'elle définit l'âge qu'on peut avoir. Le jour où on commence à dire j'aurais dû, c'est qu'on vieillit. Et moi, j'ai plus de projets en tête que de regrets, encore aujourd'hui.

  • Speaker #0

    pas mort que des regrets.

  • Speaker #1

    Donc, moi, je ne suis pas encore en train de me dire « Ah, j'aurais dû faire ça. Ah, j'ai loupé ça. » Non. Au contraire, moi, j'ai ma bucket list, comme on dit, qui est grande. Et j'ai encore cette force, cette envie, le temps, maintenant aussi, pour aller grappiller tous ces projets et ces rêves, pour les réaliser.

  • Speaker #0

    C'est joliment bien dit.

  • Speaker #1

    Je me sens très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, très bien. Et tu es très jeune. Ce que je te propose, c'est de revenir un petit peu, de regarder dans le rétroviseur, parce que finalement, ce que tu évoques aujourd'hui, tu peux aussi l'évoquer ou tu l'évoques grâce au parcours que tu as fait. Donc, si tu devais nous retracer les grandes étapes de ton parcours. Professionnel. Professionnel.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai un parcours extrêmement assez simple, qui est un apprentissage de vendeur, suivi d'un apprentissage d'employé de commerce, que j'ai fait les deux, que j'ai fait vendeur en articles de sport, employé de commerce chez Migros, puis... Dix ans chez Migros, beaucoup d'échelons jusqu'à travailler à Zurich, au service des achats d'articles de sport. Pendant cette période-là, je travaillais sur un brevet fédéral de spécialiste en marketing. Et le cumul des deux, le brevet fédéral de spécialiste en marketing et mon travail à Zurich, le fait d'apprendre l'allemand, m'ont ouvert, je dirais, un nouvel angle sur ma carrière. Quand je suis rentré de Zurich, avec l'expérience zuricoise et l'allemand, J'ai trouvé un travail très rapide. Et puis là, c'est lancé ma carrière chez Nestlé. Après, j'ai changé beaucoup de fonctions chez Nestlé. Je suis rentré dans l'univers de performance. Venant de la filière apprentissage, j'ai eu besoin de beaucoup de persévérance, beaucoup de travail, beaucoup d'endurance. pour, on va dire, un peu, à quelque part, compenser ce que je n'avais pas étudié avant.

  • Speaker #0

    C'est une pression que tu te mettais avec le parcours pratique, finalement, qui est à forte valeur ajoutée. Ou bien c'était plutôt une pression que tu te mettais, ou bien une réalité que tu avais l'impression que, de par ton parcours pratique avant, orienté très terrain, finalement, d'être rentré dans une entreprise internationale faisait que tu devais compenser. qu'est-ce qui te manquait ou qu'est-ce que tu avais l'impression qui te manquait ?

  • Speaker #1

    Tu en parles un peu dans le livre. C'est vrai que moi, je viens d'un univers, d'un milieu extrêmement simple, notamment dans le quartier où j'ai grandi, les études que je n'ai pas faites. Je suis passé par l'expérience. De temps en temps, j'ai un peu ce syndrome de l'imposteur. Ça veut dire que je me retrouvais dans les séances, le comité de direction, des choses comme ça, et je me rendais bien compte que là où j'étais, j'étais le seul. qui n'avait pas fait les études supérieures d'universitaire. Donc, parfois, j'avais ce recul et me dire, bon, écoute, un, ça me donnait beaucoup de fierté, et deux, ça me posait des questions de savoir, voilà, pourquoi tu es là ? Est-ce que tu mérites d'être là ? Oui, je méritais d'être là, mais ça me posait des questions, quand même, sur cette capacité ou sur la légitimité, voilà, d'être ici. Donc, Donc, ouais, mais pour être là, ça a été beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    D'accord. Beaucoup de travail. Sur les plus de 20 ans que tu as fait chez Nestlé, est-ce qu'à un moment donné, tu t'es senti à ta place légitime ? Ou à quel moment tu peux te dire, je me suis senti légitime par rapport à...

  • Speaker #1

    Bon, je crois que... Bon, c'est des réflexions que je me faisais de temps en temps. Après, j'étais très à l'aise dans le domaine où j'étais, compétent. Je pense que j'ai eu une carrière qui s'est très, très bien déroulée. J'étais heureux dans les jobs que j'ai, les fonctions que j'ai pu avoir. Donc, ce n'était pas tous les jours en train de me dire « je ne mérite pas d'être là » . Au contraire. Et j'ai eu des promotions régulières par rapport à la qualité du travail que je délivrais. Donc non, j'étais au poste que je méritais et je délivrais un très bon travail, sans doute. Donc non, mais de temps à autre, il y avait cette réflexion.

  • Speaker #0

    Cette petite voix intérieure.

  • Speaker #1

    Cette voix qui disait, écoute, tu es quand même le seul autour de la table qui vient d'un autre milieu.

  • Speaker #0

    Et en même temps, tu amenais beaucoup à justement…

  • Speaker #1

    Et puis je pense, je parle aujourd'hui beaucoup d'inclusivité. C'est un feedback que j'avais fait à Nestlé avant de partir. On parle énormément d'inclusivité. Simplement que l'inclusivité, c'est à mon avis plus que de regrouper différentes ethnies et des personnes d'univers différents. Mais c'est aussi réunir autour d'une table des gens qui ont des formations différentes, des gens qui ont des âges différents, des gens qui ont des expériences différentes. Alors que, en tout cas, mon souvenir, c'était qu'autour de la table, les gens qu'on engageait sortaient tous des mêmes universités. On a un peu tendance à engager les gens qui sortaient de Saint-Gal, les jeunes qui arrivaient. Et moi, je trouvais ça OK, c'est bien, mais je trouvais que c'était une sorte de monoculture. Bien qu'il y avait des critères et des profils très différents dans les gens, mais je pense que c'est important aussi d'avoir cette inclusivité sur l'âge, les formations, les carrières professionnelles, etc.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a apporté le plus de satisfaction ? tout au long de ces années chez

  • Speaker #1

    Nestlé ? Les jobs que j'ai eus, ils étaient extrêmement dynamiques. Il y avait un travail d'équipe. Je pense que ça, c'est une chose clé. C'est la capacité de travailler en équipe. Et c'est la réussite de l'équipe. Ça, c'est des choses qui m'ont toujours poussé à travailler en équipe sur un objectif commun. Je pense que ça, c'est les choses qui m'ont... beaucoup stimulé. Et notamment le rôle de manager. Le rôle de manager, parce que il n'y a rien de plus satisfaisant que de voir les gens s'évoluer. Quand les gens peuvent évoluer, peuvent se former, peuvent changer de job, et puis que ces gens sont passés entre vos mains. C'est très satisfaisant pour un manager que de voir un jeune évoluer dans l'entreprise et puis grandir et passer les échelons.

  • Speaker #0

    Donc, tu en parles pas mal aussi à travers ton livre, la notion, ton rapport à la performance. Et puis, je pense que c'est aussi quelque chose qui fait partie pleinement, à 100% du discours dans les organisations, et ce qui est tout à fait normal, de la notion de performance. À ce moment-là, c'est quoi la performance pour toi ? Comment elle s'exprime ? Qu'est-ce que tu en fais de cette notion-là ? à travers ces années ?

  • Speaker #1

    Moi, j'ai été omnibulé depuis mon adolescence par la performance. Je ne sais pas pourquoi, j'aurais peut-être dû faire une analyse psychologique, mais omnibulé par la réussite. Moi, il fallait que je réussisse professionnellement.

  • Speaker #0

    Donc performance pour toi est égale réussite. Voilà.

  • Speaker #1

    Performance, alors c'était performer professionnellement, performer sportivement, performer sur le plan famille, Je m'étais donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de pression à réussir tôt. C'est fatigant de réussir tout le temps. C'est usant. Et je crois que c'est ce qui fait que les gens, aujourd'hui, la société nous pousse à être bons partout. Et à un moment donné, on a tous, on reviendra peut-être après sur ces fragilités. Et à un moment donné... On ne peut pas être parfait tout le temps, partout. Mais moi, c'était une nécessité de réussir professionnellement, de participer à des courses sportives tous les week-ends. J'avais besoin d'être performant partout. Sans doute, ça m'a amené à ce moment de fragilité qui est l'épuisement professionnel et le burn-out. Parce qu'à un moment donné, cette pression-là, elle est trop forte.

  • Speaker #0

    Et comment elle s'exprimait aussi par rapport à tes équipes que tu avais à ce moment-là ? une extrême grande exigence de performance envers toi-même, de réussite ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, oui, envers moi-même, mais j'étais très exigeant avec les équipes aussi, des fois trop.

  • Speaker #0

    Et tu le disais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, des fois j'avais ces remarques parce que j'étais très exigeant sur la qualité du travail, sur l'atteinte des objectifs et puis sur la volonté. Je trouve que c'était quelque chose d'important, c'est quelque chose qui me tenait à cœur, c'est... La volonté de bien faire. Je pense qu'on peut ne pas réussir quelque chose, on peut ne pas atteindre un objectif dès lors qu'on a donné le meilleur de soi-même. Et moi, c'est ça que j'allais chercher chez les gens, je crois. C'est m'assurer qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Et celui qui a essayé de faufiler pour essayer d'économiser un peu ici et là, ça, c'est quelque chose que j'ai la peine à apprécier. Celui qui n'atteint pas un objectif, mais qu'on sent qu'il a donné tout son cœur, ça, ça me va. Donc, j'avais ce niveau d'exigence que j'ai sur moi, que j'avais dans mes équipes.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport à ce que tu disais, ça va nous amener à évoquer maintenant le point de rupture qui t'a amené à cette phase d'épuisement professionnel, de burn-out. Je trouvais intéressant de faire le lien avec ce que tu dis dans ton bouquin. Tu parles à un moment donné, d'ailleurs, c'est le premier chapitre de ton livre qui s'appelle le titre « Nager à contre-courant » . Quand j'ai lu ton livre, en plus ce premier chapitre, c'est assez évocateur finalement peut-être de ce qu'à un moment donné, tu as commencé à ressentir dans ton parcours. À quel moment tu as senti des signaux où tu as commencé à ressentir que tu n'étais plus dans le même courant que ton entreprise ?

  • Speaker #1

    Naja contre courant, ça signifie de ne pas être aligné avec la direction qui est donnée par l'employeur. Malgré que ce que je devais faire était justifié sur un plan business, dès que j'ai dû licencier passablement de monde, tout ça se justifiait. Après, c'est comme dans toutes les entreprises, dans tous les projets de restructuration, il y a toujours un peu un agenda caché. Cet agenda, je ne l'ai pas saisi tout de suite. Donc moi, j'ai mis... énormément d'énergie, essayer de trouver des opportunités, essayer de sauver chaque job. Jusqu'à ce qu'on me dise, écoute, Patrick, t'as pas compris, il faut couper. Et ça, à un moment donné, moi j'étais en train de travailler dans une direction alors qu'il fallait aller dans l'autre. Ça, ça m'a épuisé. Je pense, pour revenir aux prémices de la fatigue, du burn-out, je pense que c'est symptomatique de ce qui arrive chez les gens, c'est qu'à un moment donné, on n'est pas aligné entre nos fondamentaux, nos croyances personnelles. nos valeurs personnelles et ce que l'on fait au travail. Et c'est pour ça que les gens aujourd'hui, en tout cas à l'âge de 40, 45, 50 ans, les gens se posent ces questions-là. De toute manière, ces questions, elles viennent. Maintenant, il y a une partie des gens qui arrivent à faire le saut entre leurs valeurs et leur activité professionnelle. Et puis, il y a des gens qui n'arrivent pas et ce gap entre les deux crée une friction. Et c'est souvent un déclencheur de burn-out, de fatigue, parce que si tous les jours, en allant au travail, on doit exécuter des tâches pour lesquelles on n'est pas aligné, c'est compliqué. Donc moi, ce n'était pas le cas jusqu'à alors, jusqu'à ce qu'on me demande. de licencier des gens et c'était le facteur humain que j'avais un peu sous-estimé peut-être, auquel ça m'a coûté beaucoup, beaucoup d'énergie pour réaliser cette restructuration. Et là, je me suis rendu compte que je n'étais plus du tout en adéquation avec ce qu'on me demandait, malgré que sur un plan business, organisationnel, structurel, tout se justifiait.

  • Speaker #0

    Et c'est là que tout est là finalement par rapport à ce que tu dis, tout est là, difficulté, parce que... tu es en accord sur un certain nombre d'orientations stratégiques de l'entreprise. Mais après, puis c'est aussi, comme tu le dis, effectivement, quand on arrive, je pense, à un âge vers la quarantaine, c'est des choses qu'on va beaucoup plus questionner. Notre alignement, notre système de valeurs, est-ce qu'il correspond toujours ? Est-ce qu'il est aligné ou le plus aligné possible ? Ce n'est pas forcément toujours possible d'être pile poil dans la line.

  • Speaker #1

    C'est ancré en nous. Ça veut dire qu'à un moment donné, dans la... Dans les âges, à une certaine maturité, on est beaucoup moins flexible par rapport à ça. Quand on a 30 ans, 25 ans, on est très malléable et puis on peut facilement faire le saut entre nos valeurs parce qu'on est flexible.

  • Speaker #0

    Et comment ça se traduisait dans les signaux, finalement, physiques, mentaux ?

  • Speaker #1

    C'est typique des signes avant-coureurs du burn-out, c'est une fatigue générale, fatigue mentale surtout. Moi, ce qui m'a caractérisé, c'est l'irritation. J'étais très, très irritable. C'est-à-dire que pendant une période, je m'énervais contre tout ce qui m'entourait ou tout ce qui ne me correspondait pas. Et ça, pas seulement sur le plan professionnel, mais sur le plan personnel, dès qu'on n'était pas d'accord avec moi. J'étais agressif. Et pour l'anecdote, dès que j'ai senti que je n'étais pas trop bien, j'ai beaucoup écrit. Donc j'ai posé tout ça sur papier. Le soir, je rentrais à la maison, puis j'écrivais un petit peu mes pensées et des choses qui m'avaient énervé dans la journée. Tous ces écrits-là, je les ai mis de côté après. Puis en rentrant de voyage, j'ai relu ça. Et je me suis dit, le type qui a écrit ça était très malade. Et c'est pour montrer que quand on est dedans... Quand on subit ça, on est irrité, irritable, on n'est plus vraiment soi-même. Ça veut dire qu'on n'a plus de filtre, on n'a plus cette protection qui nous protège contre l'environnement extérieur et tout nous agresse. L'incompréhension, ça veut dire qu'à un moment donné, on se sent seul. Et puis, le monde entier est faux.

  • Speaker #0

    Tu avais des retours aussi des gens ?

  • Speaker #1

    De mon entourage, oui. De mon entourage, au travail, j'arrivais bien à masquer ça. Parce que bien sûr, c'est un des symptômes aussi, c'est qu'on fait le point dans la poche. Donc, on essaye d'arrondir un peu les angles. On essaye parce qu'on veut tenir. Et puis, on fait le point dans la poche pour ne pas craquer. Et puis, à un moment donné... J'ai eu deux éléments qui ont été révélateurs. C'est une journée de ski où je suis parti faire de la peau de phoque avec mon ami et ce jour-là, je n'étais pas bien. Et dans une montée, on sent des conversions en peau de phoque, j'ai glissé. Je suis tombé et je me suis effondré comme un enfant perdu dans un supermarché. J'ai pleuré. Et ça, je n'ai pas trouvé normal. Je me suis dit, là, il y a un truc qui va pas. C'est qu'à un moment donné, tu es psychologiquement très affaibli. Et ce n'est pas normal de flancher comme ça dans une situation qu'en principe, tu maîtrises complètement. Et l'autre élément, c'est que sous les conseils des RH, j'ai été voir l'infirmière professionnelle. Et là, la même chose. Quand je suis rentré dans ce bureau, je me suis effondré. On a beaucoup discuté. Et elle m'a posé deux questions. Elle m'a dit, Patrick, si tu dois mesurer ton niveau d'énergie ou tes niveaux de batterie comme celles de ton portable, t'es à combien ? J'ai fait une estimation, 10 et 20%. On a continué à discuter. Puis avant que je parte, elle m'a posé une question. Elle m'a dit, maintenant, c'est 10 et 15%. Tu veux en faire quoi ? Puis c'est là que j'ai dit, OK, maintenant, si je veux sauver ma peau, il faut que je m'occupe de moi. Et je crois que c'est important. Il faut que je m'occupe de moi. Et j'ai mis le reste de l'énergie que j'avais à prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Tu peux dire qu'à ce moment-là, ta décision a été prise de quitter ? Non,

  • Speaker #1

    pas encore. Parce qu'au départ... Les discussions ont été de changer de job, de rester dans le cadre. Ensuite, Nestlé m'a offert un bilan de compétences qui a été vraiment une très très très bonne expérience parce que j'étais dans une phase de doute où je ne croyais plus en rien, ni en moi. Et je trouve que ce bilan de compétences a été révélateur. Et c'est après. C'est après où, à un moment donné, la fatigue continuait, les projets avançaient. Et puis, on m'a dit, écoute... on te propose un autre job. J'étais très flatté. Et à un moment donné, j'ai dit à mon chef, je dis, écoute, tu sais, je viens de terminer un marathon, je suis épuisé, et tu me proposes de repartir sur un marathon. Ça ne marche pas. Donc, je n'avais pas du tout envie de partir à l'échec. Et c'est là que je me suis dit, il me faut arrêter. Donc, j'ai donné mon projet.

  • Speaker #0

    C'était un moment pivot. Et puis, d'ailleurs, tu l'évoques dans ton livre, au moment un peu de cette phase où ta décision a été prise de partir. Et tu dis, est-ce que je trouvais assez fort dans ce que tu as écrit, il a été difficile de partir, d'abandonner, de jeter l'éponge. À ce moment-là, ta décision est prise. Donc, il y a déjà ce pivot qui se fait, mais il y a encore le sentiment d'abandonner quelque chose. Qu'est-ce que tu abandonnes à ce moment-là pour toi ?

  • Speaker #1

    D'un côté, je sentais mon corps et mon esprit fatigués par tout ça. Puis de l'autre côté... Moi, je m'étais battu une vie entière pour arriver là. Et je me suis dit, mais est-ce que vraiment tu veux quitter ça ? Parce que c'est confortable. C'est très confortable, la position, le statut, le salaire, la fonction et tous les avantages qui vont avec. Et ça, c'était difficile. Et je savais qu'en quittant... Je quitterais tout ça avec. Parce que même si j'allais retourner ailleurs, ce serait plus pareil, sans doute. Puis souvent, c'est aussi quelque chose qu'on connaît. Donc c'est plus difficile de quitter quelque chose que l'on connaît pour quelque chose qu'on ne connaît pas. Donc c'est une décision de partir vers l'inconnu. Et ça, c'est difficile. Mais il m'avait quand même épuisé, fatigué, notamment sur ses projets de restructuration. Avant ça, j'étais très bien.

  • Speaker #0

    Et avec le recul... Tu as évoqué ce moment où tu prends conscience finalement que par rapport à tes valeurs et aux valeurs de l'organisation, ce n'est plus possible, ce côté « je nage à contre-courant » . Et à un moment donné, tu continues ton cheminement, tu prends la décision, même s'il y a un sentiment, tu as conscience aussi que tu abandonnes des choses, que tu pars vers quelque chose de complètement inconnu. Et ça, c'est souvent ce qu'on peut retrouver, ce que beaucoup de personnes qui nous écoutent. vivre, rassemblablement. Ce côté je suis en déséquilibre avec mes valeurs, je sais pas trop, mais en même temps, la peur de l'inconnu, de quitter quelque chose. Donc, avec ton expérience, ton parcours, si tu devais donner un conseil aux personnes, qu'est-ce que tu leur donnerais à ce stade comme conseil par rapport à ce qu'elles pourraient vivre ? C'est pas forcément dire, oui, il faut quitter ou il faut rester, mais...

  • Speaker #1

    Non, non, la meilleure chose déjà à faire... C'est le dialogue. Il faut avoir cette capacité. Je pense que ce qui m'a permis d'éviter un burn-out sévère, c'est de connaître mon corps, de par le sport, etc. Je pense que j'ai senti que ça n'allait pas et j'ai eu une forme de courage. C'est qu'à un moment donné, j'ai levé la main pour dire ça ne va pas.

  • Speaker #0

    Tu as senti, mais si je peux me permettre, tu as aussi accepté que ça n'allait pas.

  • Speaker #1

    J'ai accepté. Ça m'est tombé dessus une nuit d'insomnie. Quand j'étais irrité surtout.

  • Speaker #0

    Et une nuit, la solution m'est venue, c'est la réflexion de dire, écoute Patrick, tu évolues dans une entreprise depuis plus de 20 ans, tu y étais bien. L'entreprise, elle, depuis que tu es là, elle n'a pas changé. Ça reste une multinationale, ça reste le capitalisme, ça reste la performance, il faut faire de la croissance, il faut vendre. Nestlé a déjà licencié dans d'autres secteurs, simplement qu'aujourd'hui, tu es là où... Peut-être au mauvais endroit, au mauvais moment, mais l'entreprise, elle n'a pas changé. Et puis ton entourage non plus. C'est toi qui a changé. Donc c'est toi qui es malade. Et ce bilan-là, il était extrêmement intéressant. Parce que dès lors qu'on a mis le point sur le problème, que ce n'est pas les autres, mais c'est soi, je pense qu'on a fait un grand pas. On a fait un grand pas pour accepter qu'il faut se faire aider, il faut faire deux pas en arrière pour prendre soin de soi. Avant ça, on pense que c'est tous les autres. Donc c'est ça qui est important.

  • Speaker #1

    C'est hyper important ce que tu dis ici, cette phase d'acceptation, puis finalement d'accepter que c'est soi qui... Je mets des guillemets, le problème n'est pas les autres, et de dire qu'est-ce que je vais en faire maintenant ?

  • Speaker #0

    Parce que tant qu'on est dans « c'est les autres » , on n'est pas capable de lever la main pour dire « ça ne va pas » parce qu'on pense que ce n'est pas nous, c'est les autres. Donc dès le moment où j'ai fait le bilan que c'était moi qui n'allais pas, j'ai levé la main. Et puis, tout a changé. Parce que tant que les gens autour de vous ne savent pas que vous n'allez pas bien, l'univers, il reste très... compétitif. Tant que vous ne dites pas « je ne suis pas bien, j'ai besoin d'un peu de recul » , il n'y a personne qui va vous le donner, le recul.

  • Speaker #1

    Et c'est à ce moment-là, tu peux dire, que ton processus de reconstruction a pu démarrer ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dès le moment où j'ai pu parler, ça a commencé à aller un peu mieux. Après, ça a pris du temps, de ce moment-là, et le moment où j'ai décidé de partir. Mais déjà, le fait de parler m'a beaucoup aidé. Parce que les gens sont bons, fondamentalement. Simplement qu'ils sont bons... dès lors que vous avez levé la main pour dire que ça n'allait pas. Avant ça, le niveau d'exigence, il est élevé.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, justement, de ce moment qui te permet de démarrer, finalement, cette phase de reconstruction, je trouvais aussi intéressant de la relier à un moment donné dans ton livre. Tu dis, je mets des guillemets, « Je sais que j'ai fait le bon choix. » Parce que c'est toujours un sentiment qui peut être difficile, finalement. Donc, toi, tu le sais à l'intérieur de toi-même. Mais qu'est-ce qui permet de te le dire à un moment donné ? Est-ce que tu peux nous en dire plus par rapport à ce sentiment à ce moment-là ? Alors, tu as dit aussi, une fois que j'ai pu lever la main, je ne suis pas partie tout de suite. Donc, on voit aussi que le processus, il est très long. Ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Mais d'arriver à un moment donné, de te dire, je sais que j'ai fait le bon choix, comment c'est à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs paramètres. Le premier, moi, depuis que j'ai 25 ans, j'avais une ambition ou en tout cas un idéal qui était de me dire à 50, 55 ans, je vais arrêter de travailler. Donc, je m'étais dit ça. Et puis, ça m'a donné toute ma carrière quand même un objectif où je m'étais dit bon, un jour, j'aurai les moyens. d'arrêter de travailler à 50. Donc ça m'a toujours poussé dans ma carrière en disant attention, ça reste l'objectif et puis j'ai mis des choses en place pour y arriver. Après la vie, elle n'est pas toujours si simple et puis je me suis rendu compte que voilà... Est-ce que je pensais à 25 ans ? On le pense moins à 45. Et puis, plus j'allais de l'avant, à un moment donné, les pensées, c'était plus à 50 ou 55, j'arrête de travailler. Mais c'est aussi à la vision de mon entourage professionnel. Je dis non, non, moi, à 55 ans, je veux avoir le choix. C'est très différent. Je veux avoir le choix que si je suis bien, je reste. Mais si je ne suis pas bien, je suis en tension ou je suis comme certains collègues où on sent que... il tire un peu la corde pour aller jusqu'à la retraite. Non, moi, je vais pouvoir dire, je pars. Donc, il y avait quand même un processus en moi qui disait, attention, prépare-toi, parce qu'à partir de 55 ans, il y a aussi une réalité que les gens de plus de 55 ans dans le domaine commercial, marketing et autres, chez Nestlé, il n'y en a pas beaucoup. Donc, il y avait quand même une réflexion, je dirais, pragmatique. de voir l'entourage et attention, à un moment donné, ça va serrer. Donc, il faut anticiper. Donc, j'avais ça en tête. Et puis, il y a un autre élément, c'est que moi, j'ai fait 23 ans chez Nestlé. J'ai changé de fonction, de responsabilité, on va dire presque tous les 3 ans, 3-4 ans. C'est un rythme un peu normal. Donc, j'ai toujours avancé, changé de job. Et puis, je savais toujours, quand je commençais un job, j'avais presque déjà la vision sur le prochain dans 3 ans. Et puis, depuis quelques années, je n'avais plus ça. Je sentais que je n'avais plus le next step. Et ça, ça m'avait mis la puce à l'oreille. Je me suis dit, bon, il y a peut-être une réflexion à se faire en disant t'as peut-être fait le tour. Et ça venait renforcer le fait que je me dis bon ben là, je sais pas, à 55, c'est un petit peu avant, des fois la vie elle vient te pousser dans les brancards et les cordes. Donc maintenant peut-être tu dois prendre cette décision de quitter parce que, voilà, la vie, et tu le voulais aussi parce que je me suis battu une vie entière à me donner cette liberté-là.

  • Speaker #1

    Oui, donc on voit finalement par rapport à ce que tu dis qu'il y a beaucoup d'éléments, c'est une conjonction de plusieurs éléments qui t'ont amené d'une part à une situation d'épuisement par rapport aux valeurs, à ce déséquilibre entre tes propres valeurs et les valeurs de ton organisation, mais aussi par rapport à ces différents phares ou à ces différents objectifs que tu t'étais fixé. Donc, finalement, arriver à pouvoir se dire je sais que j'ai fait le bon choix, c'est pas en lien avec... un seul ingrédient. C'est plusieurs choses qui t'ont amené à réussir, finalement, à avoir ce sentiment d'apaisement par rapport à ton choix.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est important. Ce n'est pas une décision qu'on prend une nuit en disant « je viens de faire une carrière de 23 ans, j'arrête, et puis les choses vont changer comme ça. » Dans les conférences, je parle de ça où je dis un projet ou un rêve Sans plan, c'est un vœu. Moi, ce n'était pas un vœu, c'était un projet. Et puis, j'y avais mis un plan depuis 20 ans. La seule chose qui a changé, c'est que ce n'est pas moi qui ai décidé quand. Moi, à un moment donné, je m'étais dit 55 ans, ce sera bon, tu seras mieux pour faire ça, puis commencer une autre étape de ta vie et faire autre chose. Avec cette envie justement de réussir ailleurs que chez Nestlé. C'est simplement que la vie, à un moment donné, elle est venue... taper à ma porte à 53 ans et me dire, « Maintenant, tu es fatigué, il va falloir… » Et c'est un des éléments que je développe, c'est notre capacité à changer sans un élément extérieur. Malheureusement, je crois, en tout cas, c'est peut-être ce qui m'est arrivé, c'est que j'avais l'envie de changer, j'avais mis beaucoup de paramètres pour… changer tôt ou tard. Simplement que la vie est venue m'imposer une décision à un moment donné où je n'étais pas encore prêt. Donc, j'ai dû anticiper là-dessus et puis me dire, bon, maintenant la vie est en train de me dire c'est maintenant. Ce n'est pas dans deux ans, ce n'est pas dans trois ans. Tu es fatigué, donc prends une décision maintenant et puis deal avec. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et c'est, comme tu l'évoques, c'est un processus long. Et puis après, effectivement, il peut y avoir un élément extérieure, mais qui va venir déclencher la suite, effectivement. Si tu regardes, et on va ensuite évoquer plus ton regard maintenant sur le management, parce que maintenant, tu es sorti du monde de l'organisation, par contre, tu accompagnes des gens en montagne qui sont dans des moments difficiles, dans des moments de burn-out et d'épuisement. Donc, on va regarder un petit peu, voilà, par rapport à la réalité aujourd'hui dans les organisations, quel est un petit peu ton regard ? Est-ce que... C'est vrai que ça a toujours été compliqué, le management, d'occuper une fonction de dirigeant de cadre. Ça s'est vraisemblablement encore complexifié ces dernières années avec le nombre de crises successives et l'environnement changeant. Finalement, il n'y a plus de stabilité, on ne peut plus compter sur une forme de stabilité. Donc, ça met une difficulté supplémentaire quand on a des fonctions de dirigeant. Aujourd'hui, maintenant que tu es où tu es aujourd'hui ? Quel regard tu portes sur le management dans les entreprises ?

  • Speaker #0

    Manager, c'est un rôle qui n'est pas simple parce que c'est un rôle qui est basé sur l'humain. Et voilà, c'est sans doute l'élément le plus difficile à gérer dans une carrière, c'est l'humain. Les mathématiques, les statistiques, la stratégie, les plans commerciaux, les rendez-vous clients, tout ça, c'est un petit moins simple. Par contre, l'humain, ça demande certaines capacités. les soft skills, comme on l'appelle, qu'il faut développer pour pouvoir être un bon manager. Donc c'est souvent difficile.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on demande trop aujourd'hui aux managers ? Est-ce qu'il y a quelque chose de l'ordre qui a trop d'exigences ? Parce qu'on voit aussi, tu l'as peut-être vu, mais certaines études qui montrent aujourd'hui que d'une part, il y a de moins en moins de personnes actives qui aimeraient une fonction de manager. Justement, par rapport à ce que tu évoques, avec cette difficulté à s'occuper de la notion de l'humain. Et puis aussi, de moins en moins de jeunes qui aspirent à prendre des postes de manager.

  • Speaker #0

    Moi, je crois qu'il y a plusieurs paramètres. Un que j'ai remarqué, pour revenir sur ta question précédente, les dernières années de mon activité, je trouvais que le top management manquait un peu de courage, de confiance, de prise de responsabilité. Et puis qu'on avait une fâcheuse tendance. à désescalader ses responsabilités. Ça veut dire qu'il n'y a peut-être plus suffisamment les épaules assez larges dans le top management pour manager un peu, de faire un peu sous le feeling, et puis protéger ces équipes-là. Et puis j'avais l'impression qu'il y avait une sorte de haut d'ascenseur, c'est-à-dire que dès qu'il y a un problème, on désescaladait dans les équipes, et puis cette pression constante, elle use. Donc, je pense que ça, il y a un problème de responsabilité et puis de prise, de prendre ça sur les éboues. Quand on est top manager, je pense qu'il y a cette nécessité-là. Et pour prendre une décision, il fallait de plus en plus d'études. À un moment donné, il faut être un peu pragmatique. Voilà.

  • Speaker #1

    Lequel on peut se baser ?

  • Speaker #0

    De l'autre côté, je ne suis pas sûr qu'on en demande trop aux managers. J'ai l'impression qu'on s'éparpille très vite. Ça veut dire que je pense qu'on devrait apprendre... très très vite à être très très focus sur les objectifs à atteindre. Et aujourd'hui, on est bombardé d'informations et je pense que ça, c'est un élément clé. pour durer, c'est d'apprendre à se protéger de l'information. Ça veut dire qu'entre les mails, les études, les séances et tout ce qui ne sert à rien dans la réussite de son propre objectif professionnel et de l'équipe. Mais je crois qu'on est bombardé d'informations pas ou peu nécessaires qui remplissent notre cerveau et nos pensées. Alors celui... qui apprend à faire le tri et à aller chercher l'information qu'il a besoin pour son activité, il s'offre beaucoup de temps. Je pense que ça, c'est important. Je ne sais pas si on ne sait pas ou ne sait plus faire ça, mais c'est aussi la source des médias. Il y en a de plus en plus. On est très vite sollicités avec de l'information parce qu'on est partis du principe depuis beaucoup d'années que plus on donne de l'information, mieux c'est. La transparence, c'est bien. Mais je pense qu'en tant qu'employé, responsable, manager, top manager, on doit apprendre à se focaliser sur là où on veut aller et de prendre les informations qui nous permettent d'y aller. Et puis pas vouloir tout avoir parce qu'on se perd.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, si tu devais donner un... des conseils aux entreprises, justement, aujourd'hui, par rapport à ce que tu as vécu, par rapport à ton regard sur ces éléments, qu'est-ce que tu aurais envie de dire aux entreprises par rapport à comment préserver, en guillemets, ce côté... Parce qu'on le voit aussi, l'épuisement chez les managers, il est à tous les niveaux organisationnels dans une entreprise, mais il est aussi très marqué chez les cadres. Donc, le... Comment une entreprise, elle peut faire aujourd'hui pour essayer de faire au mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, jusqu'à ce que je fasse le bilan que c'était moi qui n'allais pas bien, je pensais que c'était l'entreprise qui n'allait pas bien. Que l'entreprise avait changé, qu'elle était plus ce qu'elle était. Et puis, j'avais ce discours de vieillard. Puis un jour, j'ai fait la réflexion, c'était moi. Donc, je pense... L'entreprise, elle est tout à fait à même de réagir à ça, en tout cas certaines. Donc il y a plusieurs éléments. Je pense qu'un, il faut créer un climat de confiance. Ça veut dire que ça doit venir du top management, ça doit venir des RH, de faire que les gens puissent communiquer, partager leurs faiblesses. Ça ne doit pas être tabou. Parce qu'à la fin, c'est une culture d'entreprise. Ça veut dire que, de toute manière, tout le monde en a. Je ne connais personne qui, à un moment donné... Tout le monde en a.

  • Speaker #1

    De donner l'autorisation par rapport à ce que tu disais, à lever la main, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    c'est tout à fait vrai. On peut lever la main. Et j'ai vu cette évolution aujourd'hui. Il y a beaucoup de choses qui ont changé. Pour l'anecdote, moi, je me souviens que quand j'étais jeune, cadre, je suis à un moment donné, quand j'avais 25-30 ans, moi, je n'aurais jamais levé la main pour dire à mon enfant... il est malade, je vais rentrer à la maison. Aujourd'hui, ça ne pose plus de problème pour un homme, tant mieux. Heureusement, ça a changé. Pourquoi ça ne pourrait pas changer pour dire, écoutez, aujourd'hui, je ne suis pas trop bien, je suis un peu fatigué, donc moi, j'ai besoin de prendre du recul.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Pourquoi pas ? Il faut juste apprendre et créer un contexte qui est possible. Un élément que j'aime bien marteler, c'est qu'il faut arrêter de positionner le burn-out entre l'employé et l'employeur. Ça, c'est une faute grave. Le burn-out, l'épuisement professionnel, ce n'est pas la faute de l'employeur. Déjà, de positionner le burn-out entre les deux, ça le met en confrontation, ça n'ouvre pas la possibilité du dialogue. Donc déjà, le burn-out, c'est la seule pathologie qu'on met sous le dos de l'employeur. Alors qu'on peut se poser la question pour toutes les autres pathologies. Je pense que le burn-out, c'est une responsabilité partagée. Pour expliquer concrètement, le burn-out, c'est une fatigue psychique de plus de six mois. Quand c'est moins, ce n'est pas un burn-out. Donc, ça veut dire que c'est quand même quelque chose qui dure depuis un moment où les gens, psychiquement, n'arrivent pas à reposer leur cerveau pendant plus de six mois. Alors, des gens, il peut y avoir un peu de stress, il peut y avoir un peu de fatigue parce qu'il y a... période de un mois où on doit délivrer quelque chose. Ce n'est pas un burn-out. Donc, il faut déjà une sacrée période de stress. Moi, je crois, et la situation dans laquelle je me suis mis, c'est que j'ai pris extrêmement à cœur quelque chose qui était sur un plan business, sur un plan structurel, normal. simplement que j'étais au mauvais endroit au mauvais moment et puis j'ai dû faire des choses qui ne me correspondaient pas. Mais j'aurais pu tout à fait dire non, j'aurais pu tout à fait parler des choses avant et puis je me suis rendu compte que dès que j'ai parlé, les choses se sont très bien faites. Simplement qu'on a tendance à faire le poil dans sa poche par fierté. Et ça, ce n'est pas bon. Ce n'est pas bon. Donc un, créer un climat positif d'échange. de transparence. Arrêtez de croire que c'est la faute du patron. Il faut expliquer, former les managers sur ça. Parce que c'est aussi le rôle du manager de sentir quand il y a un truc qui ne va pas, c'est de poser les bonnes questions.

  • Speaker #1

    Oui, et il est double finalement, c'est tant par rapport à lui-même, ses propres signaux, que aussi d'être capable, par rapport à ce que tu dis là, d'aller chercher les autres. Chez les autres ou chez soi-même. Exactement.

  • Speaker #0

    Chez soi-même. Et puis je pense... Il y a, au niveau des RH quand même, une responsabilité d'identifier qu'il y a des personnes néfastes. Il peut y avoir des personnes néfastes. Moi, je n'en ai pas eu, mais je côtoye aujourd'hui des gens qui viennent me dire « je suis en burn-out à cause d'une personne » . Je pense que ça, c'est le rôle des RH ou des top managers de sentir ça et puis de travailler ça. Donc, je pense que c'est important quand même quand il y a des équipes où on voit qu'il y a un turnover, il y a des choses qui ne vont pas bien. À un moment donné, il faut prendre le point et il faut le régler.

  • Speaker #1

    J'aime bien ta position par rapport à ça. D'ailleurs, ça m'a aussi marquée à travers ton livre et à travers ton film que je suis venue aussi regarder. C'est, à un moment donné, par rapport à ce que tu dis là, de vraiment dire clairement que c'est une responsabilité partagée, que ce n'est pas à cause de l'entreprise. Et ça, je trouve que c'est un message fort aussi. Ça permet aussi de responsabiliser les gens par rapport à leur propre personne, une nouvelle fois, et aussi d'accepter et de reconnaître ses propres fragilités. Par contre, effectivement, je pense que ce que tu évoques par rapport à l'entreprise et ses responsabilités, c'est de mettre en place ce cadre de confiance. Et c'est là que tout le travail de l'entreprise met que, voilà, arrêtons de... de dire que c'est à cause de l'entreprise et de distinguer aussi l'entreprise des personnes.

  • Speaker #0

    Si on continue de dire que les burn-outs, c'est à cause de l'entreprise, on ne va pas créer un climat de confiance.

  • Speaker #1

    OK, on va gentiment arriver vers la fin de cet échange, mais j'ai encore quelques questions en rab, si je peux dire ça comme ça. Alors bon, tu as parlé passablement déjà de ton parcours et tu as donné des conseils, mais... Si aujourd'hui tu avais trois conseils concrets, le plus concret possible, mais comme je l'ai déjà dit, les conseils c'est toujours difficile parce que chaque histoire elle est unique, mais que tu donnerais en particulier à des managers qui ressentent de la surcharge, qui ressentent de la pression, parce qu'aujourd'hui la pression elle est présente, je pense dans toutes les entreprises, que ce soit privées ou même publiques, ces notions-là elles font dorénavant partie. elles font partie du quotidien de personnes avec des responsabilités. Donc, qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire à ces personnes en t'appuyant sur ta propre histoire ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, je pense que l'élément clé, c'est l'entourage. D'avoir un entourage sain, familial, amical, personnel ou autre. Je pense que c'est déjà un élément clé parce que si on peut partager nos sentiments avec quelqu'un, c'est déjà une grande aide. Et souvent, quand on est en burnout ou tout comme ça, on a tendance à se renfermer. Donc on a tendance à s'isoler, ce qui n'est jamais un bon signe. Donc l'entourage proche... est fondamentale. Après, il y a un élément que je pense que c'est nécessaire, c'est aussi de relativiser. Souvent, on est stressé ou on se met beaucoup de pression pour des choses qui sont assez futiles. C'est clair qu'on a des objectifs, il y a une pression, mais on peut aussi se dire, en disant, j'ai fait de mon mieux, j'ai donné tout ce que je pouvais. Et puis, ce n'est pas grave. Moi, ce qui m'a usé, c'est l'humain. Et ça, je n'ai pas réussi à le relativiser, à prendre du recul en disant ce n'est pas grave. Ça, je n'y arrivais pas. Tout le reste ne me stressait pas. C'est pour ça que je me suis senti vraiment invincible pendant longtemps jusqu'à ce qu'on touche cette corde de la sensibilité. Le dialogue dans l'entreprise, il faut... Encore une fois, les gens sont bons. Globalement, les gens sont bons. Donc, dans l'entreprise, il faut trouver les gens avec qui on peut parler. Dans le film, j'utilise cette image du tunnel. Je pense que c'est fondamental d'intervenir à... avant l'entrée du tunnel. Parce qu'une fois que les gens sont dans le tunnel, c'est long. Donc, si on arrive à anticiper et que la personne peut lever la main avant de sombrer, ce que j'ai pu faire, sans absenteïsme... J'ai pris deux semaines off parce que j'en avais besoin. Mais globalement, il y a des gens qui sont loin six mois, une année, deux ans. Et là, ça devient long. Donc, c'est bénéfique pour tout le monde de pouvoir lever la main avant de rentrer dans ce tunnel.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aurais aimé entendre à l'époque, il y a quelques années, qui t'aurait aidé encore plus à traverser ces moments difficiles ?

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'aurait aidé... Je pense que l'agenda, il soit clair. C'est jamais drôle de licencier des gens. Et je me suis époumonné à vouloir sauver ces jobs-là, alors qu'il y avait un agenda caché. La culture du secret, elle est visante. Vous savez, moi, ce qui m'a usé, c'est que vous mettez des noms sur une liste, vous savez que vous allez licencier, puis les procédures, elles sont longues, et puis pendant trois mois, vous savez que ces gens vont être licenciés, mais pendant trois mois, vous baissez tous les jours avec. Les gens vous racontent leurs vacances, ils vous racontent leurs projets, ils vous disent « ah cet été je veux faire ça » . Et toi tu sais qu'au mois de juin tu vas le licencier. Ça c'est 8 ans. Et je crois qu'il y a un effort à faire là-dessus pour ne plus prendre les gens par surprise un matin pour leur dire… Je pense qu'on doit trouver une manière de faire pour ne pas avoir peur que les gens se mettent en maladie ou autre, parce qu'il y a tous ces éléments qui sont compliqués. Mais à la fin, c'est difficile pour les gens parce qu'ils sont surpris. C'est le premier paragraphe de mon livre. C'est de les prendre comme ça par surprise pour leur dire écoute, t'es licencié. Et puis pour le manager, parce que la culture du secret, c'est usant et je pense que ça use beaucoup de gens. notamment sur ces éléments-là. Il y a d'autres secrets qui sont faciles à tenir. Mais quand c'est l'humain, et qu'il faut côtoyer les gens alors que vous savez qu'ils vont être licenciés, c'est dur.

  • Speaker #1

    Oui, et une des tâches, moi je le vois, quand j'ai dû pratiquer, j'ai dû faire des licenciements, mais aussi quand je discutais avec mes clients, c'est finalement une des tâches les plus difficiles, parce que, comme tu le dis, ça touche le point central qui est l'humain. C'est une des tâches aujourd'hui les plus difficiles quand on est manager. Et en même temps, ça fait partie du rôle. Donc, on ne peut pas s'en extraire. Et puis, effectivement, ça fait partie du rôle. Et en même temps, c'est le plus difficile. Donc, il faut pouvoir trouver l'organisation et l'entreprise, le top management, l'IRH. Tu parlais du cadre de confiance tout à l'heure. Finalement, ça peut rentrer un petit peu dans ce cadre de confiance. Même si la solution idéale, elle n'existe pas. Non.

  • Speaker #0

    dans ce genre de situation et surtout que les licenciements aujourd'hui on en parle pratiquement tous les jours ouais donc mais c'est clair que la manière de fonctionner là la culture du secret elle vient pas renforcer un climat de confiance mais de mon côté je dois avouer moi j'ai été dès lors que j'ai levé la main moi j'ai été écouté aider, me soigner, pour que les choses se passent bien jusqu'aux derniers jours de mon travail. Donc, je pense encore une fois, il y a une réalité économique, il y a une réalité du marché qui justifie certaines choses. Donc, on peut expliquer ça aux gens. Je pense que tout le monde a compris ça et accepte ça. Après, c'est le comment.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette image de lever la main parce qu'elle dit beaucoup de choses finalement, surtout ton parcours, mais aussi sur le côté lever la main, donc prendre la responsabilité, accepter déjà, ok, il y a quelque chose, donc je lève la main, donc je suis responsable aussi de mes propres actions.

  • Speaker #0

    C'est la responsabilité de ce qui est de soi. Et puis ensuite,

  • Speaker #1

    au moment où on lève la main, il y a quelque chose dans notre entourage professionnel et personnel, mais si on prend le cas de l'entreprise qui permet, justement, si je lève la main, c'est que je suis aussi en confiance. et que je vais pouvoir être aidée, sans savoir finalement quelle va être la solution, quelle va être la suite, le parcours qui va s'en suivre, mais il y a quelque chose qui va se passer, et on appelle un peu au secours. Merci pour ces partages, et la dernière question que j'aimerais te poser, si tu pouvais t'adresser au Patrick d'il y a dix ans, quel conseil tu lui donnerais à ce Patrick d'il y a dix ans ?

  • Speaker #0

    Il y a dix ans, j'étais dans les starting blocks, je pense... de relativiser un petit peu sur cette réussite professionnelle. Je pense que ça fait peut-être partie d'une génération où la réussite professionnelle prend beaucoup de place. Le statut aujourd'hui joue un rôle beaucoup trop important. On se rend compte, les gens se positionnent par rapport aux métiers que l'on fait ou qu'ils font. si on pouvait un petit peu positionner les gens pour ce qu'ils sont et pas ce qu'ils font je pense que ce serait meilleur ou ce qu'ils font professionnellement l'anecdote, j'ai suivi une formation il y a pas longtemps puis il est venu dans la salle une psychologue et elle commence sa présentation en se présentant avec un slide powerpoint avec sa photo et son CV professionnel. Je suis psychologue, psychiatre, j'ai fait ci, ça, Et puis moi, je lève la main et je dis, mais à part ça, vous êtes qui ? Et elle était à la même surprise. Parce que ça montre le niveau du biais qu'on peut avoir et où on se positionne sur ce que l'on est professionnellement. Et je crois qu'on est tous papa, maman, on est passionné de sport, on est passionné d'art, on fait ci, on fait ça, on peut faire de l'associatif, du bénévolat, plein de choses qui peuvent aussi. nous correspondre et faire qu'on est quelqu'un au-delà de l'activité professionnelle. Et je pense que c'est ça que j'ai envie de dire, c'est qu'il faut ne pas être que ce que tu es professionnellement.

  • Speaker #1

    Écoute, je ne vais rien rajouter, hormis le fait de te demander encore où est-ce qu'on peut te retrouver, ton travail, enfin, dis-nous. quelques mots sur ce que tu fais aujourd'hui et puis où on peut te suivre parce qu'il y a un livre, il y a un film, tu es très actif sur les réseaux sociaux. Dis-nous un petit peu où on peut te retrouver et puis il y aura peut-être des personnes qui, suite à cet épisode, auront envie de te contacter.

  • Speaker #0

    Mon activité aujourd'hui, c'est l'accompagnement en montagne. Donc j'accompagne les gens en montagne, quels qu'ils soient, quels que soient les projets, un jour, une semaine, là je rentre de Norvège où j'ai accompagné des gens en raquette en Norvège, ça c'est mon activité, j'ai la promotion du livre. le film et puis les conférences comme j'ai eu ce matin ça c'est mes activités, tout ça est sur mon site internet patricksoumy.ch maintenant, pour ceux qui veulent la montagne je suis ouvert à toutes propositions j'ai un petit programme je fais du cas par cas là je suis en train d'organiser déjà la Norvège 2026, l'été j'ai vu les photos sur Facebook je fais aussi des propositions du Biwak pour ceux qui n'ont jamais fait ça et qui ne se sentent pas forcément à l'aise d'aller dormir en montagne tout seul ou sans expérience. Moi, j'ai le matériel, j'ai l'expérience. Donc, j'essaie d'offrir des activités un peu particulières qui ne sont pas juste une balade en montagne, mais on fait de tout. Et puis, j'essaie simplement de transmettre cette passion de la montagne que j'ai. depuis 30 ans. Donc voilà, sur mon site internet, sur les réseaux sociaux, avec grand plaisir, où je partage un petit peu ma philosophie et ce que je fais. Je ne fais pas trop de promos sur les sites, parce que encore une fois, j'essaie de travailler plus le bouche à oreille, etc. Ce n'est pas un média où j'essaie de recruter. Voilà, c'est plutôt le site internet pour ça.

  • Speaker #1

    Et ton livre est disponible ?

  • Speaker #0

    dans toutes les librairies de SwissRomand ou directement, vous pouvez m'écrire sous le site et puis moi je vous le transmets par courrier. Sinon, toutes les librairies, il est disponible.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Patrick. J'ai vraiment beaucoup apprécié cet échange, ta sincérité et ton parcours si inspirant. Et puis je te souhaite vraiment le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt.

Description

L’épuisement professionnel peut toucher tout le monde. Personne n’est à l’abri.


Dans cet épisode, j’ai le plaisir d’accueillir Patrick Sumi, ancien cadre chez Nestlé, qui a occupé pendant 23 ans des postes à hautes responsabilités. Porté par une quête incessante de performance, il finit par s’épuiser jusqu’à atteindre un point de rupture en 2021. Confronté aux signaux physiques et psychiques du burn-out, il entame un long cheminement de remise en question qui le conduit à quitter son emploi et à se reconstruire.


Au printemps 2023, il décide de réaliser un rêve de longue date : un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre Lutry en Suisse et le Cap Nord. Un voyage initiatique, qu’il partage aujourd’hui à travers un livre et un film intitulés "Sur le Fil".


Dans cette conversation, nous avons abordé :


✅ Son parcours professionnel et sa quête de performance
✅ Les signes annonciateurs de son burn-out
✅ Son cheminement vers la prise de conscience et la décision de tout quitter
✅ Ses conseils pour mieux écouter ses limites et prévenir l’épuisement


Patrick nous livre avec sincérité son parcours, les signes avant-coureurs qu’il a ignorés, et les leçons qu’il en tire aujourd’hui.


Son témoignage est une invitation à repenser notre rapport au travail, à écouter nos limites et à envisager d’autres chemins possibles.


Que vous soyez manager, dirigeant ou simplement en quête d’équilibre, son expérience vous apportera, je l’espère, des clés concrètes et inspirantes.


📖 Sur le fil – Le livre de Patrick Sumi
🎬 Sur le fil – Le film de Patrick Sumi


Pour retrouver Patrick Sumi: www.patricksumi.ch


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Transcription

  • Speaker #0

    Manager aujourd'hui, c'est évoluer dans un monde en perpétuel changement, plus rapide, plus incertain, plus exigeant. Face à cette complexité, il n'y a pas de recette toute faite, mais une seule certitude. Un bon manager ne cherche pas la perfection, il apprend, il s'adapte et il ose. Je suis Magali Vanet, coach, consultante et formatrice en management et gestion d'équipe. Entre nous, c'est le podcast qui décrypte avec sincérité et pragmatisme les défis du management. Seul ou accompagné d'invités du terrain, je partage des stratégies, des expériences vécues et des conseils pratiques. Alors ici, pas de théorie abstraite, ni de solution toute faite, mais des clés concrètes et actionnables pour avancer, évoluer et prendre confiance dans son rôle. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Patrick Soumy. Patrick a travaillé 23 ans comme cadre chez Nestlé. Il a occupé différentes fonctions et a atteint, avec un travail acharné et un engagement sans faille, les responsabilités qu'il rêvait tant. Mais en 2021, il est épuisé. Il n'en peut plus. Plusieurs signes physiques et psychiques lui font prendre conscience qu'il ne peut plus continuer sa course à la performance. Après un long processus de remise en question, il décide de quitter son emploi. Au printemps 2023, durant sa phase de reconstruction, il réalise son rêve et accomplit un périple à vélo de plus de 5000 kilomètres entre l'Utri en Suisse et le Cap Nord. Il met en mots et en images son histoire et son parcours avec un livre et un film qu'il a intitulé « Sur le fil » . L'épuisement professionnel que Patrick a vécu peut toutes et tous nous toucher. C'est une réalité, personne n'est à l'abri. Durant notre conversation, nous avons évoqué son parcours professionnel, sa quête de performance et comment tout cela l'a amené jusqu'à l'épuisement. Avec une grande sincérité, il nous explique les signaux qu'il a perçus, qu'il a ressentis et quel a été son long cheminement jusqu'à sa décision de quitter Nestlé. Bien que chaque situation soit unique, l'expérience de Patrick, sa manière de poser son regard sur cette étape de sa vie, et les conseils qu'ils donnent au fil de la discussion seront, je n'en doute pas, une source d'inspiration et de réflexion sur notre propre rapport au travail. Je ne vous en dis pas plus et laisse place à mon échange avec Patrick. Hello Patrick, un grand merci à toi de prendre le temps aujourd'hui d'échanger sur ton parcours, parce que je suis persuadée qu'il va parler et il va résonner vraiment à de nombreuses personnes, en particulier aux cadres et aux dirigeants, mais bien au-delà, j'en suis persuadée. Alors je sais que tu es très sollicité, tu me le disais tout à l'heure, que tu avais animé une conférence ce matin, donc je sais que tu es très sollicité depuis quelques mois avec la sortie de ton livre et de ton film. J'avais vraiment envie de t'inviter à partager et évoquer ton histoire parce que je pense qu'aujourd'hui dans les organisations de travail, c'est une réalité. Ce que tu as vécu, c'est ce que beaucoup de personnes vivent aujourd'hui dans un rôle de conduite qui est très difficile à concilier les différents enjeux. C'était aussi l'opportunité à travers ton histoire qu'on pose ensemble, finalement, notre regard sur le management aujourd'hui dans les organisations de travail et que tu puisses apporter. des pistes et des conseils, même si on sait que chaque histoire, elle est unique, elle est différente. Mais je pense que les personnes qui nous écoutent ont aussi besoin, à travers ton histoire, de recevoir quelques conseils, quelques pistes qui peuvent les aider finalement à mieux appréhender ce rôle de management et de dirigeant. Et puis pour ma part, en lisant ton livre, que j'ai lu d'une traite d'ailleurs, Il y avait beaucoup de choses que tu évoques qui m'ont replongée dans ma propre expérience de management, de cadre. Et puis, j'ai aussi été très émotionnée, je pense qu'on le dit ça comme ça, de voir finalement à travers ton parcours tout le cheminement que tu as fait et aussi toute la partie introspective sur ta propre personne. Je pense que cette partie introspective, c'est aussi quelque chose d'extrêmement important aujourd'hui pour un cadre de le faire sur soi.

  • Speaker #1

    Alors, c'est un gros chantier.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais effectivement, je trouve que c'est ressorti et tu as réussi à faire ressortir. Avec plaisir. Alors peut-être avant de plonger dans ton parcours, j'aimerais qu'on commence par aujourd'hui, parce qu'on est là, c'est le présent. Et puis j'ai envie de te demander la première question un petit peu disruptive comme ça. De quoi es-tu le plus fier ?

  • Speaker #1

    Ce dont je suis très fier aujourd'hui, c'est que je me donne beaucoup de moyens à la réalisation de mes rêves. Et je pense que c'est fondamental d'aller auprès de ses rêves, de suivre ses envies et de se donner les moyens. Aujourd'hui, j'ai accompagné des gens au Norvège en raquette à neige. Je suis extrêmement fier de ça parce que c'est des choses auxquelles je ne pensais pas possibles il y a encore quelques années. Donc... La réalisation de rêves, j'ai fait des courses sportives, j'ai écrit un livre, mes défis sportifs, mes aventures cyclistes, ma nouvelle activité, tout ça me rend très fier. Et globalement tout ça, ça s'inscrit dans le changement et je suis assez fier du changement que j'entreprends. Mais je suis aussi fier du parcours que j'ai fait professionnellement.

  • Speaker #0

    Ça te permet finalement d'être fier de ce que tu fais aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Exactement, oui. Mais autant, j'ai besoin aujourd'hui de pouvoir être fier de quelque chose d'autre. Moi, j'étais extrêmement fier de la carrière professionnelle que j'ai faite, surtout dans le domaine dans lequel je venais. Ce n'était pas un donné d'avance. Donc, d'arriver à une position comme celle-ci, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, je l'ai fait. Et aujourd'hui, je ressens ce besoin, j'ai toujours besoin de réussir, de performance. J'ai envie de faire des choses, de réaliser des choses, mais pas toujours dans le domaine professionnel. Je crois qu'on peut réussir à différents niveaux. Et c'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui, c'est de recréer quelque chose, de lancer de nouvelles activités, une nouvelle activité professionnelle, puis de nouveaux défis sportifs et d'aventures.

  • Speaker #0

    D'accord. Et tu penses que c'est grâce justement au parcours que tu as vécu ces dernières années qui te permettent finalement d'avoir réussi à switcher cette fierté et de ne plus la positionner dans le contexte professionnel, mais dans ton contexte personnel beaucoup plus.

  • Speaker #1

    Je suis convaincu et j'en parlais ce matin en conférence. Je crois que dans la vie, on a besoin de phares. C'est ces phares qui nous font avancer. beaucoup ont un seul phare, qui est le phare professionnel. Moi, ce phare-là, en tout cas celui de la carrière professionnelle, je peux dire que je l'ai éteint. Mais c'est important d'avoir d'autres phares. Savoir des phares qui sont plus loin, des phares différents. Et c'est ces autres phares qui te font avancer. Et je pense que c'est sain aussi. Pendant une vie, une activité professionnelle, j'ai toujours eu d'autres phares. étaient mes activités sportives, mes activités associatives et autres, qui font que tu multiplies des activités pour ne pas avoir un seul pilier qui est celui du travail.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que la réalité, alors je ne sais pas si c'est une question culturelle, mais on se définit beaucoup à travers notre activité professionnelle, notre travail finalement.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Beaucoup trop.

  • Speaker #1

    Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    Je te rejoins. Et peut-être c'est ce qui prend. Mais effectivement, c'est une réalité et il faut pouvoir trouver ces... J'aime bien toi. ton image des phares, parce que c'est d'avoir différents phares allumés et pas un seul qui nous guide.

  • Speaker #1

    C'est un peu souvent, j'ai des réflexions quand je fais les conférences ou souvent les environnements, j'ai beaucoup de gens qui viennent, des retraités ou des jeunes retraités qui me disent C'est ce que vivent ces gens-là. Ça veut dire qu'une fois qu'ils ont quitté l'univers professionnel, ils n'ont plus de phare. Ou j'ai des gens aujourd'hui que j'accompagne en montagne, des gens qui sont en burn-out. C'est une grande partie de ma clientèle. Et souvent, ils viennent avec ce phare qui est en train de s'éteindre, celui de leur vie professionnelle, ou en tout cas qui les a affaiblis. Et je pense que c'est nécessaire pour ces gens-là. d'identifier un nouveau phare. Parce que souvent, le phare professionnel, c'est celui qui les a fait sombrer. Et ils s'accrochent à ça parce que c'est ce qu'ils connaissent. Mais le problème, quand cet univers du connu, c'est celui qui nous a usé et poussé jusqu'au burn-out, il faut rapidement essayer d'identifier un autre phare.

  • Speaker #0

    Donc si on revient au phare que tu évoques, si tu devais aujourd'hui te définir en une phrase, Patrick, il se définirait comment ?

  • Speaker #1

    J'ai une phrase qui me poursuit depuis, je pense, c'est... 15-20 ans, qui est sur mon profil WhatsApp. J'aime cette phrase plus que tout, qui dit, on vieillit lorsque le nombre de regrets dépasse celui des rêves et des projets. Je pense qu'elle veut tout dire. Parce qu'elle définit l'âge qu'on peut avoir. Le jour où on commence à dire j'aurais dû, c'est qu'on vieillit. Et moi, j'ai plus de projets en tête que de regrets, encore aujourd'hui.

  • Speaker #0

    pas mort que des regrets.

  • Speaker #1

    Donc, moi, je ne suis pas encore en train de me dire « Ah, j'aurais dû faire ça. Ah, j'ai loupé ça. » Non. Au contraire, moi, j'ai ma bucket list, comme on dit, qui est grande. Et j'ai encore cette force, cette envie, le temps, maintenant aussi, pour aller grappiller tous ces projets et ces rêves, pour les réaliser.

  • Speaker #0

    C'est joliment bien dit.

  • Speaker #1

    Je me sens très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, très bien. Et tu es très jeune. Ce que je te propose, c'est de revenir un petit peu, de regarder dans le rétroviseur, parce que finalement, ce que tu évoques aujourd'hui, tu peux aussi l'évoquer ou tu l'évoques grâce au parcours que tu as fait. Donc, si tu devais nous retracer les grandes étapes de ton parcours. Professionnel. Professionnel.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai un parcours extrêmement assez simple, qui est un apprentissage de vendeur, suivi d'un apprentissage d'employé de commerce, que j'ai fait les deux, que j'ai fait vendeur en articles de sport, employé de commerce chez Migros, puis... Dix ans chez Migros, beaucoup d'échelons jusqu'à travailler à Zurich, au service des achats d'articles de sport. Pendant cette période-là, je travaillais sur un brevet fédéral de spécialiste en marketing. Et le cumul des deux, le brevet fédéral de spécialiste en marketing et mon travail à Zurich, le fait d'apprendre l'allemand, m'ont ouvert, je dirais, un nouvel angle sur ma carrière. Quand je suis rentré de Zurich, avec l'expérience zuricoise et l'allemand, J'ai trouvé un travail très rapide. Et puis là, c'est lancé ma carrière chez Nestlé. Après, j'ai changé beaucoup de fonctions chez Nestlé. Je suis rentré dans l'univers de performance. Venant de la filière apprentissage, j'ai eu besoin de beaucoup de persévérance, beaucoup de travail, beaucoup d'endurance. pour, on va dire, un peu, à quelque part, compenser ce que je n'avais pas étudié avant.

  • Speaker #0

    C'est une pression que tu te mettais avec le parcours pratique, finalement, qui est à forte valeur ajoutée. Ou bien c'était plutôt une pression que tu te mettais, ou bien une réalité que tu avais l'impression que, de par ton parcours pratique avant, orienté très terrain, finalement, d'être rentré dans une entreprise internationale faisait que tu devais compenser. qu'est-ce qui te manquait ou qu'est-ce que tu avais l'impression qui te manquait ?

  • Speaker #1

    Tu en parles un peu dans le livre. C'est vrai que moi, je viens d'un univers, d'un milieu extrêmement simple, notamment dans le quartier où j'ai grandi, les études que je n'ai pas faites. Je suis passé par l'expérience. De temps en temps, j'ai un peu ce syndrome de l'imposteur. Ça veut dire que je me retrouvais dans les séances, le comité de direction, des choses comme ça, et je me rendais bien compte que là où j'étais, j'étais le seul. qui n'avait pas fait les études supérieures d'universitaire. Donc, parfois, j'avais ce recul et me dire, bon, écoute, un, ça me donnait beaucoup de fierté, et deux, ça me posait des questions de savoir, voilà, pourquoi tu es là ? Est-ce que tu mérites d'être là ? Oui, je méritais d'être là, mais ça me posait des questions, quand même, sur cette capacité ou sur la légitimité, voilà, d'être ici. Donc, Donc, ouais, mais pour être là, ça a été beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    D'accord. Beaucoup de travail. Sur les plus de 20 ans que tu as fait chez Nestlé, est-ce qu'à un moment donné, tu t'es senti à ta place légitime ? Ou à quel moment tu peux te dire, je me suis senti légitime par rapport à...

  • Speaker #1

    Bon, je crois que... Bon, c'est des réflexions que je me faisais de temps en temps. Après, j'étais très à l'aise dans le domaine où j'étais, compétent. Je pense que j'ai eu une carrière qui s'est très, très bien déroulée. J'étais heureux dans les jobs que j'ai, les fonctions que j'ai pu avoir. Donc, ce n'était pas tous les jours en train de me dire « je ne mérite pas d'être là » . Au contraire. Et j'ai eu des promotions régulières par rapport à la qualité du travail que je délivrais. Donc non, j'étais au poste que je méritais et je délivrais un très bon travail, sans doute. Donc non, mais de temps à autre, il y avait cette réflexion.

  • Speaker #0

    Cette petite voix intérieure.

  • Speaker #1

    Cette voix qui disait, écoute, tu es quand même le seul autour de la table qui vient d'un autre milieu.

  • Speaker #0

    Et en même temps, tu amenais beaucoup à justement…

  • Speaker #1

    Et puis je pense, je parle aujourd'hui beaucoup d'inclusivité. C'est un feedback que j'avais fait à Nestlé avant de partir. On parle énormément d'inclusivité. Simplement que l'inclusivité, c'est à mon avis plus que de regrouper différentes ethnies et des personnes d'univers différents. Mais c'est aussi réunir autour d'une table des gens qui ont des formations différentes, des gens qui ont des âges différents, des gens qui ont des expériences différentes. Alors que, en tout cas, mon souvenir, c'était qu'autour de la table, les gens qu'on engageait sortaient tous des mêmes universités. On a un peu tendance à engager les gens qui sortaient de Saint-Gal, les jeunes qui arrivaient. Et moi, je trouvais ça OK, c'est bien, mais je trouvais que c'était une sorte de monoculture. Bien qu'il y avait des critères et des profils très différents dans les gens, mais je pense que c'est important aussi d'avoir cette inclusivité sur l'âge, les formations, les carrières professionnelles, etc.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a apporté le plus de satisfaction ? tout au long de ces années chez

  • Speaker #1

    Nestlé ? Les jobs que j'ai eus, ils étaient extrêmement dynamiques. Il y avait un travail d'équipe. Je pense que ça, c'est une chose clé. C'est la capacité de travailler en équipe. Et c'est la réussite de l'équipe. Ça, c'est des choses qui m'ont toujours poussé à travailler en équipe sur un objectif commun. Je pense que ça, c'est les choses qui m'ont... beaucoup stimulé. Et notamment le rôle de manager. Le rôle de manager, parce que il n'y a rien de plus satisfaisant que de voir les gens s'évoluer. Quand les gens peuvent évoluer, peuvent se former, peuvent changer de job, et puis que ces gens sont passés entre vos mains. C'est très satisfaisant pour un manager que de voir un jeune évoluer dans l'entreprise et puis grandir et passer les échelons.

  • Speaker #0

    Donc, tu en parles pas mal aussi à travers ton livre, la notion, ton rapport à la performance. Et puis, je pense que c'est aussi quelque chose qui fait partie pleinement, à 100% du discours dans les organisations, et ce qui est tout à fait normal, de la notion de performance. À ce moment-là, c'est quoi la performance pour toi ? Comment elle s'exprime ? Qu'est-ce que tu en fais de cette notion-là ? à travers ces années ?

  • Speaker #1

    Moi, j'ai été omnibulé depuis mon adolescence par la performance. Je ne sais pas pourquoi, j'aurais peut-être dû faire une analyse psychologique, mais omnibulé par la réussite. Moi, il fallait que je réussisse professionnellement.

  • Speaker #0

    Donc performance pour toi est égale réussite. Voilà.

  • Speaker #1

    Performance, alors c'était performer professionnellement, performer sportivement, performer sur le plan famille, Je m'étais donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de pression à réussir tôt. C'est fatigant de réussir tout le temps. C'est usant. Et je crois que c'est ce qui fait que les gens, aujourd'hui, la société nous pousse à être bons partout. Et à un moment donné, on a tous, on reviendra peut-être après sur ces fragilités. Et à un moment donné... On ne peut pas être parfait tout le temps, partout. Mais moi, c'était une nécessité de réussir professionnellement, de participer à des courses sportives tous les week-ends. J'avais besoin d'être performant partout. Sans doute, ça m'a amené à ce moment de fragilité qui est l'épuisement professionnel et le burn-out. Parce qu'à un moment donné, cette pression-là, elle est trop forte.

  • Speaker #0

    Et comment elle s'exprimait aussi par rapport à tes équipes que tu avais à ce moment-là ? une extrême grande exigence de performance envers toi-même, de réussite ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, oui, envers moi-même, mais j'étais très exigeant avec les équipes aussi, des fois trop.

  • Speaker #0

    Et tu le disais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, des fois j'avais ces remarques parce que j'étais très exigeant sur la qualité du travail, sur l'atteinte des objectifs et puis sur la volonté. Je trouve que c'était quelque chose d'important, c'est quelque chose qui me tenait à cœur, c'est... La volonté de bien faire. Je pense qu'on peut ne pas réussir quelque chose, on peut ne pas atteindre un objectif dès lors qu'on a donné le meilleur de soi-même. Et moi, c'est ça que j'allais chercher chez les gens, je crois. C'est m'assurer qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Et celui qui a essayé de faufiler pour essayer d'économiser un peu ici et là, ça, c'est quelque chose que j'ai la peine à apprécier. Celui qui n'atteint pas un objectif, mais qu'on sent qu'il a donné tout son cœur, ça, ça me va. Donc, j'avais ce niveau d'exigence que j'ai sur moi, que j'avais dans mes équipes.

  • Speaker #0

    Donc, par rapport à ce que tu disais, ça va nous amener à évoquer maintenant le point de rupture qui t'a amené à cette phase d'épuisement professionnel, de burn-out. Je trouvais intéressant de faire le lien avec ce que tu dis dans ton bouquin. Tu parles à un moment donné, d'ailleurs, c'est le premier chapitre de ton livre qui s'appelle le titre « Nager à contre-courant » . Quand j'ai lu ton livre, en plus ce premier chapitre, c'est assez évocateur finalement peut-être de ce qu'à un moment donné, tu as commencé à ressentir dans ton parcours. À quel moment tu as senti des signaux où tu as commencé à ressentir que tu n'étais plus dans le même courant que ton entreprise ?

  • Speaker #1

    Naja contre courant, ça signifie de ne pas être aligné avec la direction qui est donnée par l'employeur. Malgré que ce que je devais faire était justifié sur un plan business, dès que j'ai dû licencier passablement de monde, tout ça se justifiait. Après, c'est comme dans toutes les entreprises, dans tous les projets de restructuration, il y a toujours un peu un agenda caché. Cet agenda, je ne l'ai pas saisi tout de suite. Donc moi, j'ai mis... énormément d'énergie, essayer de trouver des opportunités, essayer de sauver chaque job. Jusqu'à ce qu'on me dise, écoute, Patrick, t'as pas compris, il faut couper. Et ça, à un moment donné, moi j'étais en train de travailler dans une direction alors qu'il fallait aller dans l'autre. Ça, ça m'a épuisé. Je pense, pour revenir aux prémices de la fatigue, du burn-out, je pense que c'est symptomatique de ce qui arrive chez les gens, c'est qu'à un moment donné, on n'est pas aligné entre nos fondamentaux, nos croyances personnelles. nos valeurs personnelles et ce que l'on fait au travail. Et c'est pour ça que les gens aujourd'hui, en tout cas à l'âge de 40, 45, 50 ans, les gens se posent ces questions-là. De toute manière, ces questions, elles viennent. Maintenant, il y a une partie des gens qui arrivent à faire le saut entre leurs valeurs et leur activité professionnelle. Et puis, il y a des gens qui n'arrivent pas et ce gap entre les deux crée une friction. Et c'est souvent un déclencheur de burn-out, de fatigue, parce que si tous les jours, en allant au travail, on doit exécuter des tâches pour lesquelles on n'est pas aligné, c'est compliqué. Donc moi, ce n'était pas le cas jusqu'à alors, jusqu'à ce qu'on me demande. de licencier des gens et c'était le facteur humain que j'avais un peu sous-estimé peut-être, auquel ça m'a coûté beaucoup, beaucoup d'énergie pour réaliser cette restructuration. Et là, je me suis rendu compte que je n'étais plus du tout en adéquation avec ce qu'on me demandait, malgré que sur un plan business, organisationnel, structurel, tout se justifiait.

  • Speaker #0

    Et c'est là que tout est là finalement par rapport à ce que tu dis, tout est là, difficulté, parce que... tu es en accord sur un certain nombre d'orientations stratégiques de l'entreprise. Mais après, puis c'est aussi, comme tu le dis, effectivement, quand on arrive, je pense, à un âge vers la quarantaine, c'est des choses qu'on va beaucoup plus questionner. Notre alignement, notre système de valeurs, est-ce qu'il correspond toujours ? Est-ce qu'il est aligné ou le plus aligné possible ? Ce n'est pas forcément toujours possible d'être pile poil dans la line.

  • Speaker #1

    C'est ancré en nous. Ça veut dire qu'à un moment donné, dans la... Dans les âges, à une certaine maturité, on est beaucoup moins flexible par rapport à ça. Quand on a 30 ans, 25 ans, on est très malléable et puis on peut facilement faire le saut entre nos valeurs parce qu'on est flexible.

  • Speaker #0

    Et comment ça se traduisait dans les signaux, finalement, physiques, mentaux ?

  • Speaker #1

    C'est typique des signes avant-coureurs du burn-out, c'est une fatigue générale, fatigue mentale surtout. Moi, ce qui m'a caractérisé, c'est l'irritation. J'étais très, très irritable. C'est-à-dire que pendant une période, je m'énervais contre tout ce qui m'entourait ou tout ce qui ne me correspondait pas. Et ça, pas seulement sur le plan professionnel, mais sur le plan personnel, dès qu'on n'était pas d'accord avec moi. J'étais agressif. Et pour l'anecdote, dès que j'ai senti que je n'étais pas trop bien, j'ai beaucoup écrit. Donc j'ai posé tout ça sur papier. Le soir, je rentrais à la maison, puis j'écrivais un petit peu mes pensées et des choses qui m'avaient énervé dans la journée. Tous ces écrits-là, je les ai mis de côté après. Puis en rentrant de voyage, j'ai relu ça. Et je me suis dit, le type qui a écrit ça était très malade. Et c'est pour montrer que quand on est dedans... Quand on subit ça, on est irrité, irritable, on n'est plus vraiment soi-même. Ça veut dire qu'on n'a plus de filtre, on n'a plus cette protection qui nous protège contre l'environnement extérieur et tout nous agresse. L'incompréhension, ça veut dire qu'à un moment donné, on se sent seul. Et puis, le monde entier est faux.

  • Speaker #0

    Tu avais des retours aussi des gens ?

  • Speaker #1

    De mon entourage, oui. De mon entourage, au travail, j'arrivais bien à masquer ça. Parce que bien sûr, c'est un des symptômes aussi, c'est qu'on fait le point dans la poche. Donc, on essaye d'arrondir un peu les angles. On essaye parce qu'on veut tenir. Et puis, on fait le point dans la poche pour ne pas craquer. Et puis, à un moment donné... J'ai eu deux éléments qui ont été révélateurs. C'est une journée de ski où je suis parti faire de la peau de phoque avec mon ami et ce jour-là, je n'étais pas bien. Et dans une montée, on sent des conversions en peau de phoque, j'ai glissé. Je suis tombé et je me suis effondré comme un enfant perdu dans un supermarché. J'ai pleuré. Et ça, je n'ai pas trouvé normal. Je me suis dit, là, il y a un truc qui va pas. C'est qu'à un moment donné, tu es psychologiquement très affaibli. Et ce n'est pas normal de flancher comme ça dans une situation qu'en principe, tu maîtrises complètement. Et l'autre élément, c'est que sous les conseils des RH, j'ai été voir l'infirmière professionnelle. Et là, la même chose. Quand je suis rentré dans ce bureau, je me suis effondré. On a beaucoup discuté. Et elle m'a posé deux questions. Elle m'a dit, Patrick, si tu dois mesurer ton niveau d'énergie ou tes niveaux de batterie comme celles de ton portable, t'es à combien ? J'ai fait une estimation, 10 et 20%. On a continué à discuter. Puis avant que je parte, elle m'a posé une question. Elle m'a dit, maintenant, c'est 10 et 15%. Tu veux en faire quoi ? Puis c'est là que j'ai dit, OK, maintenant, si je veux sauver ma peau, il faut que je m'occupe de moi. Et je crois que c'est important. Il faut que je m'occupe de moi. Et j'ai mis le reste de l'énergie que j'avais à prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Tu peux dire qu'à ce moment-là, ta décision a été prise de quitter ? Non,

  • Speaker #1

    pas encore. Parce qu'au départ... Les discussions ont été de changer de job, de rester dans le cadre. Ensuite, Nestlé m'a offert un bilan de compétences qui a été vraiment une très très très bonne expérience parce que j'étais dans une phase de doute où je ne croyais plus en rien, ni en moi. Et je trouve que ce bilan de compétences a été révélateur. Et c'est après. C'est après où, à un moment donné, la fatigue continuait, les projets avançaient. Et puis, on m'a dit, écoute... on te propose un autre job. J'étais très flatté. Et à un moment donné, j'ai dit à mon chef, je dis, écoute, tu sais, je viens de terminer un marathon, je suis épuisé, et tu me proposes de repartir sur un marathon. Ça ne marche pas. Donc, je n'avais pas du tout envie de partir à l'échec. Et c'est là que je me suis dit, il me faut arrêter. Donc, j'ai donné mon projet.

  • Speaker #0

    C'était un moment pivot. Et puis, d'ailleurs, tu l'évoques dans ton livre, au moment un peu de cette phase où ta décision a été prise de partir. Et tu dis, est-ce que je trouvais assez fort dans ce que tu as écrit, il a été difficile de partir, d'abandonner, de jeter l'éponge. À ce moment-là, ta décision est prise. Donc, il y a déjà ce pivot qui se fait, mais il y a encore le sentiment d'abandonner quelque chose. Qu'est-ce que tu abandonnes à ce moment-là pour toi ?

  • Speaker #1

    D'un côté, je sentais mon corps et mon esprit fatigués par tout ça. Puis de l'autre côté... Moi, je m'étais battu une vie entière pour arriver là. Et je me suis dit, mais est-ce que vraiment tu veux quitter ça ? Parce que c'est confortable. C'est très confortable, la position, le statut, le salaire, la fonction et tous les avantages qui vont avec. Et ça, c'était difficile. Et je savais qu'en quittant... Je quitterais tout ça avec. Parce que même si j'allais retourner ailleurs, ce serait plus pareil, sans doute. Puis souvent, c'est aussi quelque chose qu'on connaît. Donc c'est plus difficile de quitter quelque chose que l'on connaît pour quelque chose qu'on ne connaît pas. Donc c'est une décision de partir vers l'inconnu. Et ça, c'est difficile. Mais il m'avait quand même épuisé, fatigué, notamment sur ses projets de restructuration. Avant ça, j'étais très bien.

  • Speaker #0

    Et avec le recul... Tu as évoqué ce moment où tu prends conscience finalement que par rapport à tes valeurs et aux valeurs de l'organisation, ce n'est plus possible, ce côté « je nage à contre-courant » . Et à un moment donné, tu continues ton cheminement, tu prends la décision, même s'il y a un sentiment, tu as conscience aussi que tu abandonnes des choses, que tu pars vers quelque chose de complètement inconnu. Et ça, c'est souvent ce qu'on peut retrouver, ce que beaucoup de personnes qui nous écoutent. vivre, rassemblablement. Ce côté je suis en déséquilibre avec mes valeurs, je sais pas trop, mais en même temps, la peur de l'inconnu, de quitter quelque chose. Donc, avec ton expérience, ton parcours, si tu devais donner un conseil aux personnes, qu'est-ce que tu leur donnerais à ce stade comme conseil par rapport à ce qu'elles pourraient vivre ? C'est pas forcément dire, oui, il faut quitter ou il faut rester, mais...

  • Speaker #1

    Non, non, la meilleure chose déjà à faire... C'est le dialogue. Il faut avoir cette capacité. Je pense que ce qui m'a permis d'éviter un burn-out sévère, c'est de connaître mon corps, de par le sport, etc. Je pense que j'ai senti que ça n'allait pas et j'ai eu une forme de courage. C'est qu'à un moment donné, j'ai levé la main pour dire ça ne va pas.

  • Speaker #0

    Tu as senti, mais si je peux me permettre, tu as aussi accepté que ça n'allait pas.

  • Speaker #1

    J'ai accepté. Ça m'est tombé dessus une nuit d'insomnie. Quand j'étais irrité surtout.

  • Speaker #0

    Et une nuit, la solution m'est venue, c'est la réflexion de dire, écoute Patrick, tu évolues dans une entreprise depuis plus de 20 ans, tu y étais bien. L'entreprise, elle, depuis que tu es là, elle n'a pas changé. Ça reste une multinationale, ça reste le capitalisme, ça reste la performance, il faut faire de la croissance, il faut vendre. Nestlé a déjà licencié dans d'autres secteurs, simplement qu'aujourd'hui, tu es là où... Peut-être au mauvais endroit, au mauvais moment, mais l'entreprise, elle n'a pas changé. Et puis ton entourage non plus. C'est toi qui a changé. Donc c'est toi qui es malade. Et ce bilan-là, il était extrêmement intéressant. Parce que dès lors qu'on a mis le point sur le problème, que ce n'est pas les autres, mais c'est soi, je pense qu'on a fait un grand pas. On a fait un grand pas pour accepter qu'il faut se faire aider, il faut faire deux pas en arrière pour prendre soin de soi. Avant ça, on pense que c'est tous les autres. Donc c'est ça qui est important.

  • Speaker #1

    C'est hyper important ce que tu dis ici, cette phase d'acceptation, puis finalement d'accepter que c'est soi qui... Je mets des guillemets, le problème n'est pas les autres, et de dire qu'est-ce que je vais en faire maintenant ?

  • Speaker #0

    Parce que tant qu'on est dans « c'est les autres » , on n'est pas capable de lever la main pour dire « ça ne va pas » parce qu'on pense que ce n'est pas nous, c'est les autres. Donc dès le moment où j'ai fait le bilan que c'était moi qui n'allais pas, j'ai levé la main. Et puis, tout a changé. Parce que tant que les gens autour de vous ne savent pas que vous n'allez pas bien, l'univers, il reste très... compétitif. Tant que vous ne dites pas « je ne suis pas bien, j'ai besoin d'un peu de recul » , il n'y a personne qui va vous le donner, le recul.

  • Speaker #1

    Et c'est à ce moment-là, tu peux dire, que ton processus de reconstruction a pu démarrer ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dès le moment où j'ai pu parler, ça a commencé à aller un peu mieux. Après, ça a pris du temps, de ce moment-là, et le moment où j'ai décidé de partir. Mais déjà, le fait de parler m'a beaucoup aidé. Parce que les gens sont bons, fondamentalement. Simplement qu'ils sont bons... dès lors que vous avez levé la main pour dire que ça n'allait pas. Avant ça, le niveau d'exigence, il est élevé.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, justement, de ce moment qui te permet de démarrer, finalement, cette phase de reconstruction, je trouvais aussi intéressant de la relier à un moment donné dans ton livre. Tu dis, je mets des guillemets, « Je sais que j'ai fait le bon choix. » Parce que c'est toujours un sentiment qui peut être difficile, finalement. Donc, toi, tu le sais à l'intérieur de toi-même. Mais qu'est-ce qui permet de te le dire à un moment donné ? Est-ce que tu peux nous en dire plus par rapport à ce sentiment à ce moment-là ? Alors, tu as dit aussi, une fois que j'ai pu lever la main, je ne suis pas partie tout de suite. Donc, on voit aussi que le processus, il est très long. Ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Mais d'arriver à un moment donné, de te dire, je sais que j'ai fait le bon choix, comment c'est à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs paramètres. Le premier, moi, depuis que j'ai 25 ans, j'avais une ambition ou en tout cas un idéal qui était de me dire à 50, 55 ans, je vais arrêter de travailler. Donc, je m'étais dit ça. Et puis, ça m'a donné toute ma carrière quand même un objectif où je m'étais dit bon, un jour, j'aurai les moyens. d'arrêter de travailler à 50. Donc ça m'a toujours poussé dans ma carrière en disant attention, ça reste l'objectif et puis j'ai mis des choses en place pour y arriver. Après la vie, elle n'est pas toujours si simple et puis je me suis rendu compte que voilà... Est-ce que je pensais à 25 ans ? On le pense moins à 45. Et puis, plus j'allais de l'avant, à un moment donné, les pensées, c'était plus à 50 ou 55, j'arrête de travailler. Mais c'est aussi à la vision de mon entourage professionnel. Je dis non, non, moi, à 55 ans, je veux avoir le choix. C'est très différent. Je veux avoir le choix que si je suis bien, je reste. Mais si je ne suis pas bien, je suis en tension ou je suis comme certains collègues où on sent que... il tire un peu la corde pour aller jusqu'à la retraite. Non, moi, je vais pouvoir dire, je pars. Donc, il y avait quand même un processus en moi qui disait, attention, prépare-toi, parce qu'à partir de 55 ans, il y a aussi une réalité que les gens de plus de 55 ans dans le domaine commercial, marketing et autres, chez Nestlé, il n'y en a pas beaucoup. Donc, il y avait quand même une réflexion, je dirais, pragmatique. de voir l'entourage et attention, à un moment donné, ça va serrer. Donc, il faut anticiper. Donc, j'avais ça en tête. Et puis, il y a un autre élément, c'est que moi, j'ai fait 23 ans chez Nestlé. J'ai changé de fonction, de responsabilité, on va dire presque tous les 3 ans, 3-4 ans. C'est un rythme un peu normal. Donc, j'ai toujours avancé, changé de job. Et puis, je savais toujours, quand je commençais un job, j'avais presque déjà la vision sur le prochain dans 3 ans. Et puis, depuis quelques années, je n'avais plus ça. Je sentais que je n'avais plus le next step. Et ça, ça m'avait mis la puce à l'oreille. Je me suis dit, bon, il y a peut-être une réflexion à se faire en disant t'as peut-être fait le tour. Et ça venait renforcer le fait que je me dis bon ben là, je sais pas, à 55, c'est un petit peu avant, des fois la vie elle vient te pousser dans les brancards et les cordes. Donc maintenant peut-être tu dois prendre cette décision de quitter parce que, voilà, la vie, et tu le voulais aussi parce que je me suis battu une vie entière à me donner cette liberté-là.

  • Speaker #1

    Oui, donc on voit finalement par rapport à ce que tu dis qu'il y a beaucoup d'éléments, c'est une conjonction de plusieurs éléments qui t'ont amené d'une part à une situation d'épuisement par rapport aux valeurs, à ce déséquilibre entre tes propres valeurs et les valeurs de ton organisation, mais aussi par rapport à ces différents phares ou à ces différents objectifs que tu t'étais fixé. Donc, finalement, arriver à pouvoir se dire je sais que j'ai fait le bon choix, c'est pas en lien avec... un seul ingrédient. C'est plusieurs choses qui t'ont amené à réussir, finalement, à avoir ce sentiment d'apaisement par rapport à ton choix.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est important. Ce n'est pas une décision qu'on prend une nuit en disant « je viens de faire une carrière de 23 ans, j'arrête, et puis les choses vont changer comme ça. » Dans les conférences, je parle de ça où je dis un projet ou un rêve Sans plan, c'est un vœu. Moi, ce n'était pas un vœu, c'était un projet. Et puis, j'y avais mis un plan depuis 20 ans. La seule chose qui a changé, c'est que ce n'est pas moi qui ai décidé quand. Moi, à un moment donné, je m'étais dit 55 ans, ce sera bon, tu seras mieux pour faire ça, puis commencer une autre étape de ta vie et faire autre chose. Avec cette envie justement de réussir ailleurs que chez Nestlé. C'est simplement que la vie, à un moment donné, elle est venue... taper à ma porte à 53 ans et me dire, « Maintenant, tu es fatigué, il va falloir… » Et c'est un des éléments que je développe, c'est notre capacité à changer sans un élément extérieur. Malheureusement, je crois, en tout cas, c'est peut-être ce qui m'est arrivé, c'est que j'avais l'envie de changer, j'avais mis beaucoup de paramètres pour… changer tôt ou tard. Simplement que la vie est venue m'imposer une décision à un moment donné où je n'étais pas encore prêt. Donc, j'ai dû anticiper là-dessus et puis me dire, bon, maintenant la vie est en train de me dire c'est maintenant. Ce n'est pas dans deux ans, ce n'est pas dans trois ans. Tu es fatigué, donc prends une décision maintenant et puis deal avec. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et c'est, comme tu l'évoques, c'est un processus long. Et puis après, effectivement, il peut y avoir un élément extérieure, mais qui va venir déclencher la suite, effectivement. Si tu regardes, et on va ensuite évoquer plus ton regard maintenant sur le management, parce que maintenant, tu es sorti du monde de l'organisation, par contre, tu accompagnes des gens en montagne qui sont dans des moments difficiles, dans des moments de burn-out et d'épuisement. Donc, on va regarder un petit peu, voilà, par rapport à la réalité aujourd'hui dans les organisations, quel est un petit peu ton regard ? Est-ce que... C'est vrai que ça a toujours été compliqué, le management, d'occuper une fonction de dirigeant de cadre. Ça s'est vraisemblablement encore complexifié ces dernières années avec le nombre de crises successives et l'environnement changeant. Finalement, il n'y a plus de stabilité, on ne peut plus compter sur une forme de stabilité. Donc, ça met une difficulté supplémentaire quand on a des fonctions de dirigeant. Aujourd'hui, maintenant que tu es où tu es aujourd'hui ? Quel regard tu portes sur le management dans les entreprises ?

  • Speaker #0

    Manager, c'est un rôle qui n'est pas simple parce que c'est un rôle qui est basé sur l'humain. Et voilà, c'est sans doute l'élément le plus difficile à gérer dans une carrière, c'est l'humain. Les mathématiques, les statistiques, la stratégie, les plans commerciaux, les rendez-vous clients, tout ça, c'est un petit moins simple. Par contre, l'humain, ça demande certaines capacités. les soft skills, comme on l'appelle, qu'il faut développer pour pouvoir être un bon manager. Donc c'est souvent difficile.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on demande trop aujourd'hui aux managers ? Est-ce qu'il y a quelque chose de l'ordre qui a trop d'exigences ? Parce qu'on voit aussi, tu l'as peut-être vu, mais certaines études qui montrent aujourd'hui que d'une part, il y a de moins en moins de personnes actives qui aimeraient une fonction de manager. Justement, par rapport à ce que tu évoques, avec cette difficulté à s'occuper de la notion de l'humain. Et puis aussi, de moins en moins de jeunes qui aspirent à prendre des postes de manager.

  • Speaker #0

    Moi, je crois qu'il y a plusieurs paramètres. Un que j'ai remarqué, pour revenir sur ta question précédente, les dernières années de mon activité, je trouvais que le top management manquait un peu de courage, de confiance, de prise de responsabilité. Et puis qu'on avait une fâcheuse tendance. à désescalader ses responsabilités. Ça veut dire qu'il n'y a peut-être plus suffisamment les épaules assez larges dans le top management pour manager un peu, de faire un peu sous le feeling, et puis protéger ces équipes-là. Et puis j'avais l'impression qu'il y avait une sorte de haut d'ascenseur, c'est-à-dire que dès qu'il y a un problème, on désescaladait dans les équipes, et puis cette pression constante, elle use. Donc, je pense que ça, il y a un problème de responsabilité et puis de prise, de prendre ça sur les éboues. Quand on est top manager, je pense qu'il y a cette nécessité-là. Et pour prendre une décision, il fallait de plus en plus d'études. À un moment donné, il faut être un peu pragmatique. Voilà.

  • Speaker #1

    Lequel on peut se baser ?

  • Speaker #0

    De l'autre côté, je ne suis pas sûr qu'on en demande trop aux managers. J'ai l'impression qu'on s'éparpille très vite. Ça veut dire que je pense qu'on devrait apprendre... très très vite à être très très focus sur les objectifs à atteindre. Et aujourd'hui, on est bombardé d'informations et je pense que ça, c'est un élément clé. pour durer, c'est d'apprendre à se protéger de l'information. Ça veut dire qu'entre les mails, les études, les séances et tout ce qui ne sert à rien dans la réussite de son propre objectif professionnel et de l'équipe. Mais je crois qu'on est bombardé d'informations pas ou peu nécessaires qui remplissent notre cerveau et nos pensées. Alors celui... qui apprend à faire le tri et à aller chercher l'information qu'il a besoin pour son activité, il s'offre beaucoup de temps. Je pense que ça, c'est important. Je ne sais pas si on ne sait pas ou ne sait plus faire ça, mais c'est aussi la source des médias. Il y en a de plus en plus. On est très vite sollicités avec de l'information parce qu'on est partis du principe depuis beaucoup d'années que plus on donne de l'information, mieux c'est. La transparence, c'est bien. Mais je pense qu'en tant qu'employé, responsable, manager, top manager, on doit apprendre à se focaliser sur là où on veut aller et de prendre les informations qui nous permettent d'y aller. Et puis pas vouloir tout avoir parce qu'on se perd.

  • Speaker #1

    Par rapport à ce que tu dis, si tu devais donner un... des conseils aux entreprises, justement, aujourd'hui, par rapport à ce que tu as vécu, par rapport à ton regard sur ces éléments, qu'est-ce que tu aurais envie de dire aux entreprises par rapport à comment préserver, en guillemets, ce côté... Parce qu'on le voit aussi, l'épuisement chez les managers, il est à tous les niveaux organisationnels dans une entreprise, mais il est aussi très marqué chez les cadres. Donc, le... Comment une entreprise, elle peut faire aujourd'hui pour essayer de faire au mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, jusqu'à ce que je fasse le bilan que c'était moi qui n'allais pas bien, je pensais que c'était l'entreprise qui n'allait pas bien. Que l'entreprise avait changé, qu'elle était plus ce qu'elle était. Et puis, j'avais ce discours de vieillard. Puis un jour, j'ai fait la réflexion, c'était moi. Donc, je pense... L'entreprise, elle est tout à fait à même de réagir à ça, en tout cas certaines. Donc il y a plusieurs éléments. Je pense qu'un, il faut créer un climat de confiance. Ça veut dire que ça doit venir du top management, ça doit venir des RH, de faire que les gens puissent communiquer, partager leurs faiblesses. Ça ne doit pas être tabou. Parce qu'à la fin, c'est une culture d'entreprise. Ça veut dire que, de toute manière, tout le monde en a. Je ne connais personne qui, à un moment donné... Tout le monde en a.

  • Speaker #1

    De donner l'autorisation par rapport à ce que tu disais, à lever la main, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    c'est tout à fait vrai. On peut lever la main. Et j'ai vu cette évolution aujourd'hui. Il y a beaucoup de choses qui ont changé. Pour l'anecdote, moi, je me souviens que quand j'étais jeune, cadre, je suis à un moment donné, quand j'avais 25-30 ans, moi, je n'aurais jamais levé la main pour dire à mon enfant... il est malade, je vais rentrer à la maison. Aujourd'hui, ça ne pose plus de problème pour un homme, tant mieux. Heureusement, ça a changé. Pourquoi ça ne pourrait pas changer pour dire, écoutez, aujourd'hui, je ne suis pas trop bien, je suis un peu fatigué, donc moi, j'ai besoin de prendre du recul.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ?

  • Speaker #0

    Pourquoi pas ? Il faut juste apprendre et créer un contexte qui est possible. Un élément que j'aime bien marteler, c'est qu'il faut arrêter de positionner le burn-out entre l'employé et l'employeur. Ça, c'est une faute grave. Le burn-out, l'épuisement professionnel, ce n'est pas la faute de l'employeur. Déjà, de positionner le burn-out entre les deux, ça le met en confrontation, ça n'ouvre pas la possibilité du dialogue. Donc déjà, le burn-out, c'est la seule pathologie qu'on met sous le dos de l'employeur. Alors qu'on peut se poser la question pour toutes les autres pathologies. Je pense que le burn-out, c'est une responsabilité partagée. Pour expliquer concrètement, le burn-out, c'est une fatigue psychique de plus de six mois. Quand c'est moins, ce n'est pas un burn-out. Donc, ça veut dire que c'est quand même quelque chose qui dure depuis un moment où les gens, psychiquement, n'arrivent pas à reposer leur cerveau pendant plus de six mois. Alors, des gens, il peut y avoir un peu de stress, il peut y avoir un peu de fatigue parce qu'il y a... période de un mois où on doit délivrer quelque chose. Ce n'est pas un burn-out. Donc, il faut déjà une sacrée période de stress. Moi, je crois, et la situation dans laquelle je me suis mis, c'est que j'ai pris extrêmement à cœur quelque chose qui était sur un plan business, sur un plan structurel, normal. simplement que j'étais au mauvais endroit au mauvais moment et puis j'ai dû faire des choses qui ne me correspondaient pas. Mais j'aurais pu tout à fait dire non, j'aurais pu tout à fait parler des choses avant et puis je me suis rendu compte que dès que j'ai parlé, les choses se sont très bien faites. Simplement qu'on a tendance à faire le poil dans sa poche par fierté. Et ça, ce n'est pas bon. Ce n'est pas bon. Donc un, créer un climat positif d'échange. de transparence. Arrêtez de croire que c'est la faute du patron. Il faut expliquer, former les managers sur ça. Parce que c'est aussi le rôle du manager de sentir quand il y a un truc qui ne va pas, c'est de poser les bonnes questions.

  • Speaker #1

    Oui, et il est double finalement, c'est tant par rapport à lui-même, ses propres signaux, que aussi d'être capable, par rapport à ce que tu dis là, d'aller chercher les autres. Chez les autres ou chez soi-même. Exactement.

  • Speaker #0

    Chez soi-même. Et puis je pense... Il y a, au niveau des RH quand même, une responsabilité d'identifier qu'il y a des personnes néfastes. Il peut y avoir des personnes néfastes. Moi, je n'en ai pas eu, mais je côtoye aujourd'hui des gens qui viennent me dire « je suis en burn-out à cause d'une personne » . Je pense que ça, c'est le rôle des RH ou des top managers de sentir ça et puis de travailler ça. Donc, je pense que c'est important quand même quand il y a des équipes où on voit qu'il y a un turnover, il y a des choses qui ne vont pas bien. À un moment donné, il faut prendre le point et il faut le régler.

  • Speaker #1

    J'aime bien ta position par rapport à ça. D'ailleurs, ça m'a aussi marquée à travers ton livre et à travers ton film que je suis venue aussi regarder. C'est, à un moment donné, par rapport à ce que tu dis là, de vraiment dire clairement que c'est une responsabilité partagée, que ce n'est pas à cause de l'entreprise. Et ça, je trouve que c'est un message fort aussi. Ça permet aussi de responsabiliser les gens par rapport à leur propre personne, une nouvelle fois, et aussi d'accepter et de reconnaître ses propres fragilités. Par contre, effectivement, je pense que ce que tu évoques par rapport à l'entreprise et ses responsabilités, c'est de mettre en place ce cadre de confiance. Et c'est là que tout le travail de l'entreprise met que, voilà, arrêtons de... de dire que c'est à cause de l'entreprise et de distinguer aussi l'entreprise des personnes.

  • Speaker #0

    Si on continue de dire que les burn-outs, c'est à cause de l'entreprise, on ne va pas créer un climat de confiance.

  • Speaker #1

    OK, on va gentiment arriver vers la fin de cet échange, mais j'ai encore quelques questions en rab, si je peux dire ça comme ça. Alors bon, tu as parlé passablement déjà de ton parcours et tu as donné des conseils, mais... Si aujourd'hui tu avais trois conseils concrets, le plus concret possible, mais comme je l'ai déjà dit, les conseils c'est toujours difficile parce que chaque histoire elle est unique, mais que tu donnerais en particulier à des managers qui ressentent de la surcharge, qui ressentent de la pression, parce qu'aujourd'hui la pression elle est présente, je pense dans toutes les entreprises, que ce soit privées ou même publiques, ces notions-là elles font dorénavant partie. elles font partie du quotidien de personnes avec des responsabilités. Donc, qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire à ces personnes en t'appuyant sur ta propre histoire ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, je pense que l'élément clé, c'est l'entourage. D'avoir un entourage sain, familial, amical, personnel ou autre. Je pense que c'est déjà un élément clé parce que si on peut partager nos sentiments avec quelqu'un, c'est déjà une grande aide. Et souvent, quand on est en burnout ou tout comme ça, on a tendance à se renfermer. Donc on a tendance à s'isoler, ce qui n'est jamais un bon signe. Donc l'entourage proche... est fondamentale. Après, il y a un élément que je pense que c'est nécessaire, c'est aussi de relativiser. Souvent, on est stressé ou on se met beaucoup de pression pour des choses qui sont assez futiles. C'est clair qu'on a des objectifs, il y a une pression, mais on peut aussi se dire, en disant, j'ai fait de mon mieux, j'ai donné tout ce que je pouvais. Et puis, ce n'est pas grave. Moi, ce qui m'a usé, c'est l'humain. Et ça, je n'ai pas réussi à le relativiser, à prendre du recul en disant ce n'est pas grave. Ça, je n'y arrivais pas. Tout le reste ne me stressait pas. C'est pour ça que je me suis senti vraiment invincible pendant longtemps jusqu'à ce qu'on touche cette corde de la sensibilité. Le dialogue dans l'entreprise, il faut... Encore une fois, les gens sont bons. Globalement, les gens sont bons. Donc, dans l'entreprise, il faut trouver les gens avec qui on peut parler. Dans le film, j'utilise cette image du tunnel. Je pense que c'est fondamental d'intervenir à... avant l'entrée du tunnel. Parce qu'une fois que les gens sont dans le tunnel, c'est long. Donc, si on arrive à anticiper et que la personne peut lever la main avant de sombrer, ce que j'ai pu faire, sans absenteïsme... J'ai pris deux semaines off parce que j'en avais besoin. Mais globalement, il y a des gens qui sont loin six mois, une année, deux ans. Et là, ça devient long. Donc, c'est bénéfique pour tout le monde de pouvoir lever la main avant de rentrer dans ce tunnel.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aurais aimé entendre à l'époque, il y a quelques années, qui t'aurait aidé encore plus à traverser ces moments difficiles ?

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'aurait aidé... Je pense que l'agenda, il soit clair. C'est jamais drôle de licencier des gens. Et je me suis époumonné à vouloir sauver ces jobs-là, alors qu'il y avait un agenda caché. La culture du secret, elle est visante. Vous savez, moi, ce qui m'a usé, c'est que vous mettez des noms sur une liste, vous savez que vous allez licencier, puis les procédures, elles sont longues, et puis pendant trois mois, vous savez que ces gens vont être licenciés, mais pendant trois mois, vous baissez tous les jours avec. Les gens vous racontent leurs vacances, ils vous racontent leurs projets, ils vous disent « ah cet été je veux faire ça » . Et toi tu sais qu'au mois de juin tu vas le licencier. Ça c'est 8 ans. Et je crois qu'il y a un effort à faire là-dessus pour ne plus prendre les gens par surprise un matin pour leur dire… Je pense qu'on doit trouver une manière de faire pour ne pas avoir peur que les gens se mettent en maladie ou autre, parce qu'il y a tous ces éléments qui sont compliqués. Mais à la fin, c'est difficile pour les gens parce qu'ils sont surpris. C'est le premier paragraphe de mon livre. C'est de les prendre comme ça par surprise pour leur dire écoute, t'es licencié. Et puis pour le manager, parce que la culture du secret, c'est usant et je pense que ça use beaucoup de gens. notamment sur ces éléments-là. Il y a d'autres secrets qui sont faciles à tenir. Mais quand c'est l'humain, et qu'il faut côtoyer les gens alors que vous savez qu'ils vont être licenciés, c'est dur.

  • Speaker #1

    Oui, et une des tâches, moi je le vois, quand j'ai dû pratiquer, j'ai dû faire des licenciements, mais aussi quand je discutais avec mes clients, c'est finalement une des tâches les plus difficiles, parce que, comme tu le dis, ça touche le point central qui est l'humain. C'est une des tâches aujourd'hui les plus difficiles quand on est manager. Et en même temps, ça fait partie du rôle. Donc, on ne peut pas s'en extraire. Et puis, effectivement, ça fait partie du rôle. Et en même temps, c'est le plus difficile. Donc, il faut pouvoir trouver l'organisation et l'entreprise, le top management, l'IRH. Tu parlais du cadre de confiance tout à l'heure. Finalement, ça peut rentrer un petit peu dans ce cadre de confiance. Même si la solution idéale, elle n'existe pas. Non.

  • Speaker #0

    dans ce genre de situation et surtout que les licenciements aujourd'hui on en parle pratiquement tous les jours ouais donc mais c'est clair que la manière de fonctionner là la culture du secret elle vient pas renforcer un climat de confiance mais de mon côté je dois avouer moi j'ai été dès lors que j'ai levé la main moi j'ai été écouté aider, me soigner, pour que les choses se passent bien jusqu'aux derniers jours de mon travail. Donc, je pense encore une fois, il y a une réalité économique, il y a une réalité du marché qui justifie certaines choses. Donc, on peut expliquer ça aux gens. Je pense que tout le monde a compris ça et accepte ça. Après, c'est le comment.

  • Speaker #1

    J'aime beaucoup cette image de lever la main parce qu'elle dit beaucoup de choses finalement, surtout ton parcours, mais aussi sur le côté lever la main, donc prendre la responsabilité, accepter déjà, ok, il y a quelque chose, donc je lève la main, donc je suis responsable aussi de mes propres actions.

  • Speaker #0

    C'est la responsabilité de ce qui est de soi. Et puis ensuite,

  • Speaker #1

    au moment où on lève la main, il y a quelque chose dans notre entourage professionnel et personnel, mais si on prend le cas de l'entreprise qui permet, justement, si je lève la main, c'est que je suis aussi en confiance. et que je vais pouvoir être aidée, sans savoir finalement quelle va être la solution, quelle va être la suite, le parcours qui va s'en suivre, mais il y a quelque chose qui va se passer, et on appelle un peu au secours. Merci pour ces partages, et la dernière question que j'aimerais te poser, si tu pouvais t'adresser au Patrick d'il y a dix ans, quel conseil tu lui donnerais à ce Patrick d'il y a dix ans ?

  • Speaker #0

    Il y a dix ans, j'étais dans les starting blocks, je pense... de relativiser un petit peu sur cette réussite professionnelle. Je pense que ça fait peut-être partie d'une génération où la réussite professionnelle prend beaucoup de place. Le statut aujourd'hui joue un rôle beaucoup trop important. On se rend compte, les gens se positionnent par rapport aux métiers que l'on fait ou qu'ils font. si on pouvait un petit peu positionner les gens pour ce qu'ils sont et pas ce qu'ils font je pense que ce serait meilleur ou ce qu'ils font professionnellement l'anecdote, j'ai suivi une formation il y a pas longtemps puis il est venu dans la salle une psychologue et elle commence sa présentation en se présentant avec un slide powerpoint avec sa photo et son CV professionnel. Je suis psychologue, psychiatre, j'ai fait ci, ça, Et puis moi, je lève la main et je dis, mais à part ça, vous êtes qui ? Et elle était à la même surprise. Parce que ça montre le niveau du biais qu'on peut avoir et où on se positionne sur ce que l'on est professionnellement. Et je crois qu'on est tous papa, maman, on est passionné de sport, on est passionné d'art, on fait ci, on fait ça, on peut faire de l'associatif, du bénévolat, plein de choses qui peuvent aussi. nous correspondre et faire qu'on est quelqu'un au-delà de l'activité professionnelle. Et je pense que c'est ça que j'ai envie de dire, c'est qu'il faut ne pas être que ce que tu es professionnellement.

  • Speaker #1

    Écoute, je ne vais rien rajouter, hormis le fait de te demander encore où est-ce qu'on peut te retrouver, ton travail, enfin, dis-nous. quelques mots sur ce que tu fais aujourd'hui et puis où on peut te suivre parce qu'il y a un livre, il y a un film, tu es très actif sur les réseaux sociaux. Dis-nous un petit peu où on peut te retrouver et puis il y aura peut-être des personnes qui, suite à cet épisode, auront envie de te contacter.

  • Speaker #0

    Mon activité aujourd'hui, c'est l'accompagnement en montagne. Donc j'accompagne les gens en montagne, quels qu'ils soient, quels que soient les projets, un jour, une semaine, là je rentre de Norvège où j'ai accompagné des gens en raquette en Norvège, ça c'est mon activité, j'ai la promotion du livre. le film et puis les conférences comme j'ai eu ce matin ça c'est mes activités, tout ça est sur mon site internet patricksoumy.ch maintenant, pour ceux qui veulent la montagne je suis ouvert à toutes propositions j'ai un petit programme je fais du cas par cas là je suis en train d'organiser déjà la Norvège 2026, l'été j'ai vu les photos sur Facebook je fais aussi des propositions du Biwak pour ceux qui n'ont jamais fait ça et qui ne se sentent pas forcément à l'aise d'aller dormir en montagne tout seul ou sans expérience. Moi, j'ai le matériel, j'ai l'expérience. Donc, j'essaie d'offrir des activités un peu particulières qui ne sont pas juste une balade en montagne, mais on fait de tout. Et puis, j'essaie simplement de transmettre cette passion de la montagne que j'ai. depuis 30 ans. Donc voilà, sur mon site internet, sur les réseaux sociaux, avec grand plaisir, où je partage un petit peu ma philosophie et ce que je fais. Je ne fais pas trop de promos sur les sites, parce que encore une fois, j'essaie de travailler plus le bouche à oreille, etc. Ce n'est pas un média où j'essaie de recruter. Voilà, c'est plutôt le site internet pour ça.

  • Speaker #1

    Et ton livre est disponible ?

  • Speaker #0

    dans toutes les librairies de SwissRomand ou directement, vous pouvez m'écrire sous le site et puis moi je vous le transmets par courrier. Sinon, toutes les librairies, il est disponible.

  • Speaker #1

    Merci infiniment Patrick. J'ai vraiment beaucoup apprécié cet échange, ta sincérité et ton parcours si inspirant. Et puis je te souhaite vraiment le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt.

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