Speaker #1Le 10 novembre 2022, ma vie a basculé. Je dis souvent qu'il y a eu un avant et un après ce 10 novembre 2022. Mon histoire est assez simple, c'est lors d'une séance de boxe. Je suis boxeuse depuis à l'époque, depuis à peu près 6 ans. J'ai un coach qui me connaît parfaitement, qui m'a appris la boxe et puis on fait un sparring. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, c'est des combats où on ne tape pas fort, mais on est en plein combat. On arrête le chrono, c'est la fin du round. Et je dis à Lucas, Lucas c'est mon coach, écoute, c'est bizarre, je sens une douleur, une petite brûlure. Elle se localise à ce moment-là au niveau de la poitrine. Et on reprend. Et puis je sens quand même que la brûlure change de place. Elle commence à aller dans les omoplates. Et puis elle devient de plus en plus forte, en fait. Et je ne m'inquiète pas tout simplement parce que je suis une personne qui a des douleurs assez régulières et qu'à la boxe, on peut donner un mauvais coup. Quand on donne un mauvais coup, souvent vous avez une douleur qui est associée. C'est une douleur que je ne connais pas, mais comme elle est au niveau des homoplates, c'est tout à fait logique que ça puisse être une douleur qui résulte d'un mauvais coup. De toute façon, je vois mon kiné le soir, donc je me dis qu'il va me remettre tout ça d'aplomb. Je ne m'inquiète pas, je rentre chez moi, je prends une douche. Par rapport au temps, la douleur a commencé à 17h et quelques. Et là, je fais ma petite vie tranquille, m'allonge quand même à un moment, parce que la douleur, elle est vraiment là. Comme elle ne passe pas, je prends un Doliprane, j'essaie de manger, mais bon, ça ne va toujours pas, vraiment pas. Et à un moment, je vomis. Voilà, une fois, deux fois. Et là, je commence à rembobiner, en fait, un petit peu tout, à analyser les symptômes. Je me dis que c'est quand même bizarre, tout ça. Puis cette douleur qui ne passe pas, j'ai mal à la tête, j'ai mal au cou. coup, j'ai mal à la mâchoire, ça passe pas. Et moi, je suis d'une époque, en fait, où on n'appelle pas le 15 facilement. Il faut vraiment être à l'article de la mort pour l'appeler. Donc, vient en moi une grande dualité. C'est est-ce que j'appelle, j'appelle pas, j'appelle, j'appelle pas, j'appelle, j'appelle pas. Et donc, là, ça demande un peu de temps et il est 21h30. Et je me dis, bon, de toute façon, au pire, qu'est-ce qui peut m'arriver ? Je vais me faire disputer. Et donc, j'appelle le 15. J'ai le médecin régulateur qui est une femme et je pense que j'ai vraiment minimisé. Et donc elle me dit, écoutez, je vous envoie SOS médecin. Là, il est 22 heures, le médecin d'SOS médecin arrive. Il prend ma tension, je suis à 18,20 de mémoire. Et là, il me fait, par rapport à ce que vous m'expliquez, pour moi, ce n'est pas un simple coup. Donc là, il me fait un électrocardiogramme. Et là, ça s'enchaîne en fait, très vite, électrocardiogramme, il rappelle le 15, j'ai l'ambulance qui arrive 5 minutes après, et direction les urgences cardiaques. Et je suis prise en charge, de mémoire, il est 22h30, quelque chose comme ça. Je ne sais même pas à quoi ressemble la salle d'attente, j'avais les soignants qui m'attendaient à l'arrivée de l'ambulance. Et moi, je ne mets pas la notion de gravité par rapport à ça, et je suis persuadée que deux heures après, je vais être sortie. Et donc, la prise de sang est faite. Dans la prise de sang, vous avez des indicateurs. La tropamine, normalement, elle doit être dosée à 10, je crois, quand votre cœur est à peu près bien. Et moi, elle avait déjà dépassé les 1000, donc ça voulait dire que mon cœur était en souffrance. Donc à 2h du matin, je suis transférée en soins intensifs. Et c'est là que tout a débuté pour moi. La peur qui commence à grandir au fur et à mesure des heures, des jours, et puis après des mois et des années. Je suis restée au total 7 jours en soins intensifs. 7 jours, je suis arrivée un jeudi, je suis repartie un jeudi. Ça a été... Le début de la descente, le premier jour, c'était le 11 novembre. C'est comme une date symbolique, le 11 novembre. C'est en général la journée où on commémore les morts. Au lieu de la chance, je ne suis pas morte. Cette première journée, elle est très particulière parce que quand vous êtes dans un lit d'hôpital, je n'ai de boxe et quasiment, j'étais pleine de vie et d'un coup, je me retrouve en soins intensifs sur un lit d'hôpital. On a l'interdiction de se lever, de bouger. Et je ressens une fatigue, mais comme je n'ai jamais ressenti une fatigue terrible, je sens que mon corps est à bout de force. Je ne peux plus penser. Tout est excessivement fatigant pour moi. Je n'ai qu'une envie, c'est de dormir, dormir, dormir. Mais à côté de ça, je n'arrive pas à dormir. C'est assez contradictoire. Comme on est le 11 novembre, je pense qu'il y avait un sous-effectif. Donc je vois un groupe de personnes arriver. qui se présente, mais comme je suis vraiment dans les vapes, je ne suis vraiment pas bien, il est 15h de l'après-midi, en plus je n'ai pas mangé parce que je n'ai pas pu manger du fait que j'allais passer cet examen. Donc j'ai une personne en bouche blanche qui se présente et qui commence à pousser mon lit et qui me pose plein de questions, très sympathique, etc. Et puis là j'ai l'aide-soignant qui est à côté de moi qui me dit... En fait, c'est le chirurgien qui est en train de vous pousser. Donc, je suis un peu surprise. Et cette personne, elle est assez importante dans mon histoire parce qu'il m'a passé la coronarographie, très sympathique, très humain. Ce chirurgien, je l'ai vu en tout et pour tout, je pense, une heure dans ma vie. Et on garde contact parce que j'ai écrit plusieurs livres que je lui ai envoyés. Il m'a toujours répondu. On a une relation épistolaire, on va dire une fois dans l'année ensemble. Mais ça fait partie de ces gens que j'ai rencontrés dans mon parcours de soins. et commenté d'une bienveillance extrême. Et je lui en suis, en tout cas, très reconnaissante. Et donc, il me fait passer la coronarographie. Et en fait, j'ai rien, strictement rien. Mes artères sont bien, etc. Et donc, là, on n'a toujours pas de diagnostic. Je suis revenue dans ma chambre, je vous passe toutes les étapes. Et en fait, je sens que je descends petit à petit dans une profondeur de je ne saurais pas expliquer quoi. Mais en tout cas, je pense que c'est de la... la peur de la souffrance et tout, tout qui est mélangé. Et vous êtes perdu. En tout cas, moi, j'étais totalement perdu sur ce lit d'hôpital à ne pas savoir ce qui m'arrivait, à ne pas comprendre. Et puis, quelque part, on a encore nos capteurs de la vie d'avant et on se raccroche peut-être à ces capteurs. Mais on sent en même temps que ça va être totalement différent. Et on ne sait pas en quoi ça va être différent. Les jours se sont grainés au fil des visites des soignants. Et à un moment, c'était le mardi. la jp totalement pété un câble. Je me suis mise à pleurer dans la nuit du lundi au mardi. Je n'arrivais plus à prendre sur moi, en fait, tout simplement, parce que quand vous avez un chaos, quand vous avez de l'incertitude, en tout cas, moi, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Je ne comprenais pas. Et là, ils ont été encore super, les équipes. Tout de suite, ils m'ont vue quand ils sont venus le matin. vous donner mes médicaments, que ça n'allait vraiment pas. J'ai l'aide-soignante qui est restée très très longtemps à côté de moi pour essayer de me calmer. Et juste après, j'ai le cardiologue, la cardiologue qui est venue dans ma chambre et qui m'a dit « Ok, c'est normal de craquer, vous êtes quelqu'un de fort, mais vous avez tout à fait le droit de craquer et il faut que vous craquiez. Si vous voulez, on vous envoie le psychologue. » Donc j'ai dit oui, je sentais que ça n'allait vraiment pas. Il me fallait un soutien. J'ai eu le psychologue qui est arrivé une demi-heure après. Et en fait, ils m'ont mis en urgence sur tous les examens de santé. Et ce qui fait qu'à la fin de la journée, j'ai su. J'ai su ce que j'avais. Et à la fois, je ne savais rien. C'est-à-dire que j'ai su, j'ai passé un IRM du cœur. Et j'ai su que c'était un infarctus. Là que j'ai découvert ce qu'était un infarctus. Et quelque part, ça m'a soulagée de savoir. parce que... On avait une explication à ce qui m'était arrivé, mais de l'autre, on n'a jamais su pourquoi. Donc moi, j'ai fait un infarctus qui est un peu particulier, qui s'appelle un minoca. C'est un infarctus à coroner saine, donc sans aucune explication. J'ai fait un infarctus, normalement, je n'aurais pas dû en faire. Alors, je suis sortie au bout de sept jours avec ce diagnostic en poche, minoca, infarctus, et une ribambette d'examen à faire pour voir s'il n'y avait pas. pas une cause qui était associée à cet infarctus. Donc je sors au bout d'une semaine et là je me rends compte que ça va être compliqué quand même la vie parce que dès que je commence à marcher... J'ai l'impression que je vais m'évanouir. Après la première journée, je rentre chez moi. Je ne peux même pas aller me chercher mes médicaments. Puis le lendemain, je me dis que je vais aller marcher, je vais aller voir un petit peu dans quel état est ce corps. Je me dis que je vais aller dans le parc où j'ai l'habitude d'aller, qui est juste à côté de chez moi. J'arrive à la porte du parc et là, je crois que je vais m'évanouir. Et que je ne sais pas comment je vais rentrer. Même parce que je suis dans un état de fatigue et de détresse qui est terrible. Et là, je prends conscience que mon corps, il est vraiment dans un état déplorable et de faiblesse. Comme jamais je pensais qu'on pouvait arriver. Comme si on avait fait on-off. Je n'ai plus rien, je n'ai plus d'énergie. Du tout, du tout, du tout, du tout, du tout. Et donc, je rentre chez moi. Je mets deux jours. pour m'en remettre. Et je me dis, non, ça ne va pas être possible, ça. Ça ne va pas être possible d'être dans cet état. Je ne vais pas rester dans cet état. Et puis, je me dis, tant pis, on va y aller. Chaque jour, tu vas y aller. Et dans ce parc, comme ça, ça te permettra de voir les évolutions. Et j'y suis allée pendant un mois. Un mois, tous les jours, j'y suis allée. Et j'ai vu les progressions, petit bout par petit bout. Dans les choses qui m'ont marquée, c'est aussi cette peur qui était toujours présente. peur de faire une récidive, que ça se reproduise et puis que je me retrouve seule et que ce cœur, il s'arrête deux semaines après, deux mémoires, dix jours après. J'ai fait ma première crise d'angoisse dans la nuit, ça m'a totalement paralysée et je me suis dit j'ai mon cœur, mon corps qui est en vrague, mon corps qui est en vrague et maintenant je me fais en plus des syndromes post-traumatiques. J'ai dit mais la descente, elle va s'arrêter où ? Elle va s'arrêter où ? Et pour aller jusqu'au bout de l'histoire, j'étais aussi dans une relation qui était brinque-ballante avec quelqu'un. Et j'ai eu en plus une rupture affective. Et là, ça m'a... Ça a terminé, ça m'a totalement terminé. C'est-à-dire qu'on m'a mis le parpaing, on me l'a mis au niveau du pied. J'y coulais totalement. Et je suis descendue, je suis descendue, je suis descendue. Et je me suis dit, mais il y a un moment, ça va s'arrêter ou pas. Moi, j'ai trouvé que ce qui était compliqué, c'était de ne pas le montrer. Vous avez un entourage qui est déjà inquiet, l'infarctus. Tout le monde y met beaucoup de choses derrière. Chaque personne autour de vous y met une image de cette maladie et vous renvoie quelque part cette image de la maladie. Et sur l'infarctus, c'est souvent des images très morbides. La peur de la mort, de vous voir mourir. Donc, si en plus, ils vous voient trop descendre, je pense que ça doit être très compliqué pour eux. Donc, j'ai probablement voulu les préserver. Donc, je me suis mûrée dans une sorte de silence, en fait, pour ne pas expliquer tout ce chaos intérieur. Et le chaos intérieur aussi, maintenant, c'est facile de le dire. Quand on le vit, c'est compliqué de mettre des mots dessus et de l'expliquer. En tout cas, moi, j'en étais incapable. Heureusement, j'ai continué à être suivie par le psy de l'hôpital pendant très longtemps. Et je lui disais, quand je venais le voir, j'ai l'impression d'être vide. J'avais l'impression d'être, au-delà de moi, un open space. On avait tout enlevé, les meubles, etc. Et je vivais dans un vide perpétuel. Et ça a été très long pour que je reprenne un peu de matière en moi. et un peu de solidité en moi. Une chose aussi que je n'ai pas évoquée et qui a été d'une manière très prégnante et qui m'a poursuivie pendant très très longtemps, c'est la confiance en la vie. En fait, on ne s'en rend pas compte quand on vit tous les jours. On a une sorte de légèreté, heureusement, quand on vit, à se dire, voilà, j'ai ma bonne étoile qui me suit. On vit au quotidien sans se poser de questions du tout. Et quand il vous arrive quelque chose comme ça, vous perdez confiance. Et c'est compliqué de refaire confiance. Moi, j'ai mis très, très longtemps pour retrouver une certaine façon de vivre un peu légère. Moi, j'ai trouvé que l'entourage dans la maladie était super, super important. Et en fait, lorsque la maladie, elle arrive, on voit la réalité des liens. Et quand vous vivez tous les jours, vous avez des interactions avec des gens que vous trouvez plutôt sympas, ou vous avez un amoureux et vous vous dites c'est pour la vie. Et en fait, quand il arrive des choses graves comme ça, vous voyez ce que vous avez construit avec les gens, ou pas d'ailleurs, ou le fantasme que vous y avez mis, et ça permet de remettre... toutes vos relations en perspective. Et moi, j'ai eu la malchance d'avoir une rupture affective qui m'a profondément éprouvé. J'ai aussi vu tout le socle que j'avais construit. Et en fait, tous sont venus en soutien très très fort. Ils m'ont tendu la main et j'ai trouvé que c'était incroyable. Surtout les premiers mois, ils ne m'ont pas lâché, ils m'ont vraiment maintenu la tête hors de l'eau. Mais là, quand on se sent aimé, J'ai trouvé que c'était un des meilleurs ciments. Puis bien évidemment, j'ai mon fils, mon fils que j'adore, qui m'adore. Et lui aussi, il a été très important dans ma reconstruction, parce qu'il a été présent et puis il a mis tout son amour. Donc obligatoirement, vous vous sentez porté. Et quand vous avez tout qui est détruit autour de vous, vous vous sentez aimé, épaulé, c'est hyper important. Ce qui était compliqué, en revanche, pendant là aussi très longtemps, C'est moi ce que j'appelle la mono-identité. C'est-à-dire que vous passez d'avant d'une identité qui est la vôtre, avec tous les qualificatifs que vous pouvez avoir, donc femme, professionnelle, pour ma part je suis directrice communication, j'étais boxeuse, j'étais amoureuse, j'étais une tante, j'étais une mère, j'étais plein plein plein plein plein plein plein plein plein plein de choses. Et quand la maladie arrive, j'ai trouvé qu'elle vous percutait. Et vous mettez une mono-identité. Et pendant très très très longtemps. Pendant très longtemps, je n'étais que malade, je n'étais que patiente. Et tout renvoyait à la maladie. C'est-à-dire mon corps me renvoyait à la maladie, le regard de mon entourage, même très bienveillant, me renvoyait à la maladie, la peur de me perdre, donc à la maladie. Mon quotidien n'était que lié à la maladie. Et en fait, ça a duré très très très longtemps. Et voilà, maintenant je suis revenue à une identité qui est multiple, et avec celle de la malade, maintenant qui fait pleinement partie de moi. Et c'est une maladie qui est invisible. Et maintenant, au bout de deux ans et demi, on a oublié que j'ai fait un infarctus, mais cette maladie, elle m'a rendue plus sensible, on va dire, je dirais plus faible probablement. Et quelquefois, je le rappelle que je suis quelqu'un sur lequel il faut faire attention. Il faut que je fasse très attention, notamment avec le stress. Et puis, il faut que je me rappelle à moi-même aussi. Et qu'il ne faut pas que je reparte dans mes travers à l'ancienne, avec plein de projets, avec plein d'activités. Vraiment que je me préserve et que je me vois, moi, différemment. La maladie, elle a également changé beaucoup de choses sur le regard que je porte sur moi. Je suis partie il y a deux ans et demi dans un état très, très bas. aussi bien corporelle que psychologiquement. J'étais vraiment au fond du trou. Et j'ai réussi à transformer ça en quelque chose de positif. C'est-à-dire que j'ai réussi à me remettre sur pied. Ça a été très long, très douloureux, très fatigant. Mais j'y suis arrivée. J'ai écrit deux bouquins. Ce chaos, en fait, dans ma vie, m'a permis de transformer ça en écriture. Alors, il y en a un que j'ai... pas publié, l'autre que j'ai publié. Je suis assez fière de moi en fait par rapport à ça. Derrière, je me suis lancée dans la sensibilisation des maladies cardiovasculaires. Ce que je trouve incroyable, c'est d'arriver d'avoir cet épisode de noirceur extrême et de le transformer en quelque chose de positif. Cette faiblesse qui fait partie de moi, je me rends compte qu'une faiblesse peut devenir une force. tout en restant une faiblesse. C'est assez contradictoire, mais en tout cas, c'est ce que je ressens fortement. Moi, je me dis qu'il y a des étapes pour digérer la maladie. En fait, ce qui a été long dans tout le processus, et ça m'a demandé peut-être un an et demi, deux ans, c'est simplement d'accepter que j'ai failli mourir. J'ai été beaucoup dans le déni vis-à-vis de ça. Mais oui, j'ai failli mourir. Et après, il faut aussi pouvoir accepter d'être porteur. et porteuse pour mon cas, d'une maladie mortelle et meurtrière. Parce que quand on a eu un infarctus, il y a une chance d'avoir une récidive plus élevée que la moyenne de ceux qui n'ont pas eu d'infarctus. Et puis, il faut également accepter, et là aussi, pour moi, ça a été compliqué, très compliqué. Et ça le reste d'ailleurs encore, assez compliqué, c'est que mon cœur maintenant fonctionne, entre guillemets, avec des médicaments, et que j'aurais toute ma vie. Donc, j'ai trois médicaments à prendre. Il paraît que c'est une dose petite par rapport à d'autres. Mais voilà, on a un fil à la pâte et en fait, ça nous rappelle tous les jours qu'on est malade. Et tout comme d'ailleurs les visites tous les trois mois chez le docteur pour voir comment on est. Là aussi, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de répit, c'est tous les jours. Et en fait, je dirais que dans tout le processus jusqu'à maintenant, c'était ça qui a été le plus compliqué pour moi à accepter. Alors, je pense l'avoir accepté, j'en suis pas tout à fait sûre. Alors, comment la boxe est devenue un outil de reconstruction ? Je dirais que c'était une revanche. C'est surtout que j'ai fait mon infarctus à la boxe. Et je pense qu'il y a un côté revanchard chez moi. Et donc, j'ai basé ma reconstruction notamment sur la boxe. Et je trouve que ce qui est intéressant dans la boxe et dans le sport plus généralement, c'est de sentir son corps. En fait, quand on est dépossédé de son corps, c'est pouvoir le ressentir à nouveau. et dans une dynamique qui est plutôt positive que négative. Alors, même si ça fait excessivement mal, j'avoue que quand j'ai repris la boxe, et pendant très très très longtemps, en fait, j'avais mon corps qui, et surtout mon cœur qui criait quasiment à l'aide, mais c'est de se sentir totalement vivant. J'ai découvert que le corps, il garde une mémoire de ce qu'on a été, et même si quelquefois on se trouve très loin de l'été, état où on a été à un moment donné. Moi, j'étais très surprise de voir que ce corps gardait cette mémoire et allait vers ce qui avait été, en fait. Et donc, j'ai mis plus d'un an, un an et demi à retrouver ma condition physique. Je nuancerais. Je ne sais pas si c'est la condition physique d'avant. En tout cas, c'est retrouver un... Un corps dans lequel j'ai des bonnes sensations et dans lequel je me sens très, très bien. Ce qui est intéressant avec la boxe, c'est que c'est un sport cardiaque. Donc, j'ai profondément ressenti mon cœur. La boxe aussi, c'est un sport qui est très stratégique. Et j'ai beaucoup puisé dans la boxe pour pouvoir réorienter ma vie. C'est assez singulier, mais bon. Avec l'infarctus, j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup manqué d'énergie. J'avais des niveaux de fatigue, d'épuisement total. Et en fait, la boxe, ça apprend de savoir se préserver. Et ça, après, je l'ai remis dans ma vie. C'est-à-dire qu'avant de taper comme une cinglée, etc., il faut savoir analyser les ressources que l'on a et puis utiliser ces ressources à bon escient. Et par exemple, pour la boxe aussi, il faut avoir des stratégies de retrait. Il faut savoir se protéger. J'ai vraiment la philosophie de la boxe, tout ce qui est le jeu stratégique de la boxe, je l'ai mis maintenant dans ma vie quotidienne. Et pour terminer pour la boxe, j'en parlerai pendant 10 heures parce que c'est un sport que j'aime profondément. Avant tout, c'est un sport qui se pratique à deux, soit avec un adversaire, soit avec un partenaire. Et moi, j'ai eu la chance d'avoir le meilleur des partenaires qui est Lucas, qui m'a vraiment profondément aidée, qui m'a tendu la main. quand j'étais vraiment au plus bas, qui a été d'une patience infinie, qui a su analyser tous mes non-dits, en fait, pour pouvoir vraiment me faire revenir au plus haut niveau, c'est-à-dire où je me sens juste bien. Et ça, c'est avoir quelqu'un comme ça, sur lequel vous pouvez vous appuyer pour aller mieux, c'est quelque chose de formidable. Alors, quels sont les liens ? Entre les coups reçus sur les rings et donc ceux de la maladie, c'est le técho comme on dit, être KO, la maladie, en tout cas l'infarctus, peut-être l'annonce de l'infarctus ou l'état dans lequel je me suis sentie à l'hôpital et puis après, c'est comme un KO où tu dis joncte totalement. Donc j'imagine que quand on a un KO sur le ring, que ça fait à peu près la même chose. Après, les coups, dans la boxe, c'est une violence adoucie qui est consentie. Et c'est très différent avec la maladie, parce que la maladie, là, c'est quelque chose que l'on subit. C'est de la pure violence. Je ne me suis jamais sentie forte. Ça n'a jamais été dans ma manière de me voir, en tout cas, ni fragile d'ailleurs. Mais en fait, ce que j'ai découvert avec la maladie, c'est cette notion de mortalité. On sait tous qu'on est mortel, mais c'est un vague concept. L'infarctus, en tout cas, ça m'a montré qu'on était éteignable à n'importe quel moment. Moi, je n'avais aucun facteur de risque, je n'ai aucune alerte. Et j'ai failli mourir. Et là, la mort, elle est venue me charmer. Elle est venue faire un petit combat de boxe avec moi. Et puis, elle est repartie. Elle m'a mise KO. Elle ne m'a pas tout à fait détruite. La chose, par contre, qui me reste, c'est que je n'arrive plus à prévoir sur le long terme. Parce que je sais que je peux mourir à n'importe quel moment. Donc, je ne vais pas faire des plans sur la comète, sur 4 mois, 5 mois, 6 mois. Je pense qu'avoir une vision à deux mois, c'est le maximum actuellement que je peux avoir. Donc dans les choses qui m'ont profondément aidée à me reconstruire, il y a eu la boxe, bien évidemment. Il y a également eu l'écriture. Alors j'ai écrit deux livres en deux ans. Le premier que j'ai écrit quatre, cinq mois après, c'est un livre qui est sur la mort. En fait, et sur ma mort. Et j'ai exploré toutes les facettes de la mort. Et j'ai eu ce besoin d'aller fouiller. Tout ce que représentait la mort pour probablement laisser une trace sur une petite bibliothèque poussiéreuse quelque part. Et le deuxième livre que j'ai écrit, c'est Boxer. Celui-là, je l'ai publié. C'est grâce à une rencontre avec une chercheuse qui m'expliquait l'importance des cadenées de route pour dompter, entre guillemets, le traumatisme de la maladie. Et donc, je me suis exercée à l'exercice. J'avais besoin de savoir où j'en étais et puis voir aussi toutes les différentes étapes. par lesquelles j'étais passée, ça c'était aussi important pour moi. Et peut-être aussi pour poser les émotions. Je suis quelqu'un qui ne dit pas forcément à haute voix ses émotions, qui ne hurle pas, je pleure peu, je crie peu. Je suis quelqu'un plutôt linéaire. Et j'avais besoin, je pense, de les extérioriser et de voir ce chemin parcouru par rapport à toutes ces émotions pour pouvoir les mettre à distance. Ça m'a fait beaucoup de bien. Et le fait de le publier, alors ça, ce n'était pas dans le deal de départ, mais j'ai ressenti ce besoin de le publier pour là, vraiment, non pas tourner une page, mais pour le mettre encore plus à distance. Ce livre, il est aussi pour me dire, regarde tout ce que tu as fait, regarde ce que tu as vécu, regarde-le peut-être droit dans les yeux, sans minimiser, sans pathos. excessif, voilà, voilà ton parcours, voilà ton traumatisme, et regarde ce que tu as accompli, c'est plutôt incroyable. Alors je n'ai pas eu peur de me livrer autant. Au début, je ne souhaitais pas forcément le publier. Et je me suis dit, si tu fais cet exercice, tu le fais complètement. L'écriture, c'est un exutoire, c'est important de passer par cette étape pour toi, pour tout poser, pour... que ce soit marqué pour que tu le dises. Et ça aussi, nommer ce qu'on a vécu, même si c'est compliqué. Il y a des fois, c'est peut-être un peu brouillon d'ailleurs dans le livre, je ne sais pas, parce que c'est compliqué de nommer précisément ces émotions, ce qu'on a vécu, par quoi on est parcouru. Mais c'était le deal de départ, sinon je ne l'aurais pas fait. Et je me dis, il n'y a pas de honte à passer par ce que je suis passé. Je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens qui passent par les mêmes faces que moi, qui n'osent peut-être pas le dire. Voilà, moi, je l'ai nommé. C'est quelque chose, en fait, ce sont des émotions ou c'est un vécu que j'ai eu. Et quand je l'ai publié, c'était quelque chose qui était de l'ordre de mon passé et pas de mon présent. Je suis devenue peut-être une autre femme plus posée, qui apprécie le présent. Je m'occupe plus de moi. Je prends du temps pour moi. Je pense aussi que je m'aime plus qu'avant. Peut-être que ce que m'a appris l'infarctus et la maladie, c'est de me mettre en priorité et de mettre mes désirs, mes besoins en priorité. Avant, j'étais plutôt happée par ceux des autres et je me mettais toujours en retrait. Je crois que j'ai fait le ménage sur beaucoup de mes démons pour éviter de reproduire aussi peut-être certaines choses. Et le message que je voudrais faire passer aux femmes qui écoutent mon histoire, je ne savais pas en fait que le cœur des femmes était aussi fragile. Et ça a été une vraie découverte, une vraie claque. Et j'ai été très en colère aussi pendant pas mal de temps par rapport à ça. Donc il faut savoir que les maladies cardiovasculaires, c'est la première cause de mortalité chez les femmes en France. Plus de 200 femmes qui meurent chaque jour en France d'une maladie cardiovasculaire. Et je me suis dit, mais à quel moment je suis passée à côté de cette information ?