Speaker #1Moi je m'appelle Sybille et je suis la fondatrice de l'association Le Camping Care. Le Camping Care c'est un salon de bien-être itinérant qui va à la rencontre des femmes en situation de grande précarité pour leur proposer des soins de bien-être, donc des soins de socio-esthétique ou de socio-coiffure d'une heure. Concrètement on a acheté un véhicule de livraison d'occasion. Pour ceux qui sont familiers avec la mécanique, c'est un H2L3, donc c'est un véhicule qui est assez grand, qu'on a transformé en salon de bien-être itinérant. Du coup dans le véhicule il y a une partie salon de bien-être. comme un salon de beauté ordinaire, donc c'est un espace très cocooning, très chaleureux, dans lequel les dames se sentent en sécurité. Donc il y a un miroir avec un fauteuil. Et il y a une partie douche où les dames peuvent du coup prendre une douche. Quand elles viennent dans le camping-car, on leur propose des soins d'une heure, qui sont soit des soins socio-esthétiques, soit des soins de socio-coiffure. Avant de vous raconter un petit peu plus, je peux peut-être vous expliquer ce que c'est que la socio-coiffure et la socio-esthétique, parce que c'est un métier qui n'est pas encore hyper connu. Donc c'est des esthéticiennes et des coiffeuses qui ont fait une formation supplémentaire d'un an pour savoir comment s'adresser à des publics en situation de grande fragilité. Donc c'est souvent des professions qu'on va retrouver soit en palliatif ou en oncologie par exemple. Donc voilà, c'est vrai qu'on n'a pas du tout la même approche avec une cliente entre guillemets ordinaire ou lambda qu'avec une femme en situation de grande fragilité qui a vécu des traumatismes et qui vit au quotidien les galères et les difficultés de la rue. On travaille avec une équipe de cinq socio-esthéticiennes et de deux socio-coiffeuses qui sont avec nous depuis les épis de l'aventure et qui tournent en fonction des jours de la semaine. Donc on circule vraiment dans Paris et en Seine-Saint-Denis, cinq jours sur sept. Alors sur l'origine de l'association, moi ce qui m'a poussée à créer et à imaginer ce projet, j'habite à Paris et j'ai toujours été très choquée de voir que dans les grandes villes, mais partout en fait, que ce soit à Paris, à Marseille, dans toutes les grandes villes où il y a de la grande précarité, les personnes qui vivent dans la rue ne sont même plus regardées. Et d'ailleurs, c'est ce qu'elles disent quand on discute un petit peu avec elles. Elles disent que ce dont elles souffrent le plus, ce n'est pas tant la précarité économique, le fait de ne pas savoir où dormir et tout ça, même si ça, c'est évidemment très difficile. Mais elles disent surtout que le plus difficile, c'est de ne plus être regardée, de ne plus être considérée comme un humain à part entière, entre guillemets. Et donc, moi, l'idée de ce projet, vraiment, c'était de travailler sur la notion de considération. de faire en sorte que chaque personne, et chaque femme en particulier, se sente regardée et valorisée à sa juste valeur, en considérant que tout le monde, quel que soit son parcours de vie, qui peut être à un moment chaotique, qui peut être un petit peu plus compliqué par période, quel que soit son parcours de vie, a le droit d'être regardée, d'être entendue, d'être valorisée. C'est vrai que dans le Coppinger, on travaille bien sûr sur la notion de féminité, qui est très importante pour nos bénéficiaires. Et pour les femmes qu'on accueille, on travaille surtout sur cette notion de considération, de regard bienveillant qu'on peut porter sur des femmes qui ont des parcours de vie très compliqués. Et c'est vrai que souvent, on le constate dans le camping-car, les femmes finissent par pleurer. Et elles disent que ce qui les fait pleurer, c'est le fait que ça fait très très longtemps qu'elles n'ont pas été regardées comme ça et entendues. Donc c'est vrai qu'il y a une dimension d'écoute qui est très importante dans le soin qu'on leur propose. et qui compte beaucoup, qui pour nous est au cœur vraiment du projet. Et le deuxième constat duquel on est parti pour imaginer ce projet, c'est que les femmes sont hyper vulnérables face à la grande précarité. Elles sont beaucoup plus soumises aux aléas de la vie, c'est-à-dire la précarité de l'emploi, la monoparentalité, les violences conjugales. Donc voilà, c'est vrai qu'on a des chiffres qui sont assez éloquents. Il y a 40% des femmes, des personnes sans domicile fixe en France qui sont des femmes. Et c'est une augmentation qui est constante depuis des années. Dans le camping-car, on accueille des femmes qui sont en situation de grande précarité. Toutes les femmes qu'on accueille sont sans domicile fixe, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas de chez-soi. mais elles ont des profils très différents. On travaille en partenariat avec toutes les grandes associations françaises de lutte contre la grande précarité. On a aussi bien le Secours Populaire que l'Armée du Salut, Emmaüs Solidarité, le Samu Social, le Secours Catholique, France Terre d'Asile. On travaille vraiment avec tout le monde. Et donc concrètement, on va se garer devant les centres d'accueil qui hébergent les femmes pour leur proposer des soins. Donc oui, les femmes ont des situations très différentes. On a des femmes qui sont sans abri et sans solution d'hébergement. Donc ça, c'est des dames qui dorment dans la rue ou dans des parkings ou qui arrivent à trouver une place de temps en temps dans un accueil pour passer une nuit. On a beaucoup de dames qui sont accueillies avec leurs enfants. Donc c'est des mamans célibataires, souvent victimes de violences conjugales, qui sont accueillies dans des accueils pour les familles. Donc ça, c'est des hébergements qui sont quand même très... très précaires parce que c'est vraiment du court terme. On a plus spécifiquement, on accueille des femmes qui sont victimes de violences conjugales, donc qui viennent de quitter le domicile, le domicile familial. Et là, voilà, c'est vraiment... En fait, chaque public a sa spécificité et ses besoins. Par exemple, les victimes de violences conjugales, on va vraiment travailler sur le rapport qu'elles entretiennent avec leur corps. Elles ont une confiance qui est vraiment... Confiance en l'autre qui est vraiment... très détériorées et elles ont souvent du mal à accepter le toucher donc c'est vraiment là dessus qu'on va travailler on accueille aussi des mineurs isolés vulnérables donc là c'est des jeunes filles qui ont entre entre 14 et 18 ans et qui donc sont arrivées seules en France après des parcours miratoires souvent très traumatiques marquées la plupart du temps par des violences sexuelles voilà donc c'est que des femmes en situation de grande fragilité qui ont en commun d'avoir des existences très très fragilisée, une estime de soi fragilisée aussi par la difficulté, par la difficulté, la violence et toutes les difficultés qu'elles ont pu rencontrer au cours de leur vie. Elles ont tout en commun aussi le fait de ne pas avoir pu prendre soin d'elles pendant des années, c'est-à-dire que c'est des femmes qui n'imaginent même pas qu'elles pourraient avoir le droit à une heure comme ça de pause et de douceur juste pour elles. On est actif depuis un an, on s'est lancé en février 2024. Pour l'instant, on est essentiellement à Paris et en Seine-Saint-Denis. Donc on travaille avec 38 structures d'accueil. On va se carrer devant les structures d'accueil de nos partenaires associatifs et on accueille 5 à 6 femmes par jour. En 2024, du coup, en 12 mois d'adaptivité, on a accompagné 850 femmes. Donc c'est un beau bilan, on en est très très heureux. Il y a pas mal de femmes, il y en a à peu près une centaine peut-être sur les 850 qui sont revenues plusieurs fois. Ça c'est super important pour nous parce que l'idée c'est vraiment de créer de créer un lien et une régularité avec ces femmes pour que notre accompagnement soit le plus efficace et bénéfique possible. Cette année, on travaille sur notre déploiement. On voudrait aller à Marseille et en Corrèze. C'est deux zones où il y a beaucoup de précarité des femmes et pas mal de sujets liés aux violences. Donc voilà, on travaille sur notre déploiement cette année pour pouvoir multiplier notre impact. C'est vrai que la précarité des femmes... Elle est malheureusement universelle et elle touche toutes les villes. Donc à terme, c'est un projet qu'on aimerait pouvoir développer dans toutes les régions. Alors nous, notre objectif, c'est vraiment de travailler avec les soins sur trois grands aspects, trois grands impacts. Le premier, c'est l'amélioration du bien-être et de l'estime de soi. Donc à travers la considération, ce que je disais tout à l'heure, à travers le soin, à travers le regard qu'on peut porter sur elle. Et que du coup, elle porte sur elle-même après. Le deuxième, c'est sur la restauration du lien social. Les femmes qu'on accueille, c'est vrai qu'elles sont souvent isolées, donc elles ont des contacts parfois trop limités avec les autres. Donc nous, on agit vraiment là-dessus. Et le troisième, c'est l'amélioration de l'accompagnement social global. C'est-à-dire que nous, notre objectif, c'est de leur permettre d'avoir envie de réengager des démarches ou de poursuivre des démarches quand elles sont déjà engagées. Par démarches, j'entends des démarches d'accès au logement, à la santé et à l'emploi parfois. On travaille là sur notre mesure d'impact, donc on a envoyé des petits questionnaires à toutes les femmes qu'on a accueillies, ainsi qu'aux structures d'accueil avec lesquelles on travaille, pour voir exactement et pour évaluer exactement quel a été notre impact. Mais j'ai quelques citations là des bénéficiaires qui, à mon avis, sont assez parlantes, ou en tout cas représentent bien l'impact que peuvent avoir les soins sur les dames. Il y en a une qui nous a dit je me suis sentie comme une grande patronne, comme une grande dame, ça m'a fait du bien Ça là, je la trouve vraiment géniale, parce que pour moi c'est vraiment... C'est vraiment le cœur de notre action et c'est vraiment ce qu'on veut faire. On veut faire en sorte que toutes les dames puissent se sentir comme des grandes patronnes. Il y en a une autre qui nous a dit que ce n'est pas comme avant, c'est plus lumineux. C'est chouette aussi de pouvoir remettre de la lumière dans leur quotidien. Il y en a une qui a dit je ne reviens pas de pouvoir être belle comme ça C'est une dame qui avait vécu une dizaine d'années dans la rue, enfin qui vivait depuis une dizaine d'années dans la rue. Je trouve que ça illustre assez bien ce qu'on fait et l'impact de ce qu'on fait. Pour la suite, je vais donner la parole surtout à Clémentine, qui est socio-esthéticienne au sein du Camping Care et qui pourra vous raconter un petit peu plus en détail comment elle, son expérience et ce qu'elle perçoit. et ce qu'elle perçoit des soins qu'elle apporte aux dames et de leur impact.
Speaker #2Le retour, le plus souvent, les phrases qui reviennent le plus sont Que Dieu vous bénisse, merci pour ce que vous faites, je n'ai pas envie que ça s'arrête, je suis belle, j'ai la peau douce. Sinon ça va être dans les gestuelles, elles nous prennent souvent dans les bras à la fin des soins, ou de par leur attitude, ou lorsqu'elles vont se regarder dans le miroir à la fin du soin. Leur regard il a changé, il est plus lumineux, il est plus confiant, et il est rempli de douceur. Personnellement, de réussir à créer un lien de confiance en si peu de temps, et de voir et de sentir à quel point ça peut être bénéfique pour elles, moi ça me remplit de gratitude. Je me sens, après chaque soin, un peu plus riche, parce que chaque personne m'apporte quelque chose à son tour, et c'est avant tout un échange. Donc moi, vraiment, ça m'enrichit. Alors le premier soin qui me vient en tête, c'est une femme qui est venue faire un soin du visage au sein du camping-car avec son fils de 8 mois. Donc forcément, au début du soin, l'enfant qui vous détouchait à tout. qui a été posé sur son ventre, ça ne l'aidait pas à se détendre. Pendant la pose du masque, en général, je masse les mains. Et là, je lui ai proposé de prendre son fils dans les bras pour qu'elle puisse se détendre davantage. Et à ma plus grande surprise, ils se sont tous les deux endormis profondément. Et donc, c'était un moment hors du temps qui était magique. Et je n'avais vraiment pas envie que ça s'arrête. Après, chaque soin est marquant parce que chaque personne est unique. Donc il y a toujours un sourire, un geste, un regard qui va me marquer, qui va me toucher. Donc voilà, toutes les rencontres vont être marquantes, vont être différentes. Et c'est ça qui fait la richesse de tous ces soins et toutes ces rencontres-là.