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Flammes des années 80. Le podcast qui allume la femme.

Éducation, poésie et transmission : le témoignage inspirant de Marie-Dominique Giacometti.

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41min |05/10/2024
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Description

Peut-on encore transmettre la beauté des grands textes à des enfants de 8 ans ? Comment la poésie peut-elle aider à grandir, à se révéler, à se sentir vivant·e ?

Dans cet épisode passionnant, Marie-Dominique, enseignante retraitée… mais toujours en action, partage une vision bouleversante et lumineuse de l’éducation.

À 19 ans, elle commence sa carrière dans une école de fortune en Algérie, dans un désert oublié, sans aucune expérience. Depuis ce jour, elle n’a jamais cessé d’enseigner — dans les écoles, à la DAS, dans des établissements publics, toujours au cœur des réalités sociales. Sa méthode ? Transmettre le goût de la langue française par les grands textes de littérature et de poésie.

Dans cet épisode, elle raconte avec émotion et humour son parcours de femme engagée, d'enseignante passionnée et d’amoureuse des mots. Elle nous rappelle que les enfants sont des éponges, que les mots sont des graines, et que la poésie est une arme douce, mais puissante, pour aider à tenir debout toute une vie.

Avec elle, les enfants apprennent à dire Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, ou Guillevic. Elle leur apprend à écouter, à vibrer, à ressentir. Pas de récitation scolaire, pas de notes, pas de programmes : juste le feu du langage et la liberté d’être.

Un épisode vibrant, essentiel, qui parle de la flamme de l’éducation, du pouvoir de la transmission, et du rôle fondamental de la poésie dans la construction de soi. À écouter absolument si vous êtes parent, enseignant·e ou simplement touché·e par l’idée que la beauté peut changer des vies.

🎧 Flammes des Années 80, c’est le podcast qui accompagne les femmes dans leur développement personnel, leur bien-être et leur liberté d’être.

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🎙️ Flammes des Années 80 – Le podcast qui allume la femme.
Chaque semaine, des conversations autour du développement personnel féminin, de la confiance en soi, du bien-être, de la transmission et de l’épanouissement personnel. On y explore l’introspection, les émotions, la résilience, la maternité, l’amour, la psychologie et les témoignages inspirants de femmes et d’hommes audacieux. Un podcast pour femmes, pour révéler sa flamme intérieure, oser être soi et nourrir sa spiritualité féminine.
Flammes des Années 80, pour écouter votre flamme intérieure grandir. 🔥


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Flamme des années 80.

  • Speaker #1

    Le podcast qui allume la femme.

  • Speaker #0

    Bonjour, donc on parle toujours de carrière et on est très heureuse aujourd'hui dans cette émission bonus. Vous agatez, on a fait plein d'émissions spéciales et d'émissions bonus pour ce thème. On a la chance de recevoir Marie-Dominique. Est-ce que tu veux te présenter Marie-Dominique ?

  • Speaker #2

    Oui, enfin professionnellement en tout cas, puisque c'est ça qui vous intéresse. J'ai une carrière un petit peu... spéciale. Je suis une enseignante, je suis partie très très jeune en Algérie, juste après l'indépendance. J'ai commencé ma carrière là-bas, dans un endroit absolument paumé, qui s'appelait Bidon 2, qui était près de Colomb-Béchar. Il y avait 83 enfants dans une baraque Choir-Saumon, absolument inimaginable. Et j'ai beaucoup soigné de trachomes, presque plus qu'enseigné, parce qu'ils étaient tous, enfin, beaucoup d'enfants. Il y avait ce tracôme, donc il fallait passer le matin la pénicilline, etc. Ensuite, comme ils ne mangeaient pas tous très bien, il y avait la cantine, la chorba. C'était vraiment, je ne vais pas avoir l'air d'un ancien combattant, mais c'était un peu compliqué. C'était en 65. Moi, je venais juste de passer mon bac et j'y étais parce que mon... Mon père était juriste et s'occupait de la passation du Sahara algérien, qui se faisait après l'indépendance classique. Et donc, j'avais connu cet endroit et j'avais aimé le désert. Au lieu de... Comme j'avais eu un bac, je m'en souhaiterais bien. Et à cette époque-là, il fallait un an de propé avant de commencer les études. Moi, je n'en avais pas besoin à cause de cette pension, donc je me suis dit, je prends un an et je pars. Mes parents étaient déjà rentrés et je pars à Colomb-Béchar. À ce moment-là, c'est Colomb-Béchar, c'est devenu Béchar. Je me suis retrouvée dans cet endroit sans expérience, rien du tout. Je dois dire que ça a été extrêmement bénéfique pour mon travail futur, moins bien pour mes études, puisque ça a fait un grand blanc. Il a fallu rattraper tout ça après. Bref, j'ai su rester quatre ans, tout en passant des examens à Alger, au Rambon, etc.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu enseignais là-bas ?

  • Speaker #2

    J'ai enseigné, oui. On peut dire que j'ai enseigné, oui. C'était plus dans un cadre de l'éducation nationale algérienne d'abord, et puis ensuite, je ne sais pas, franco-algérienne, enfin bref. C'était un peu imprécis, cette époque-là. Et je dois dire que j'étais un petit peu paumée, surtout par le nombre extraordinaire. Moi, j'avais 19 ans. Enfin, c'était quand même un peu étrange. Et puis, je me suis dit, bon, que faire ? À un moment donné, je ne savais pas. J'étais débordée. Alors, je suis partie au marché arabe et j'ai acheté, je ne sais pas combien, 20 mètres de tissu bleu. Et on est partis avec les enfants parce que les baraques Chouard-Saumon étaient dans la Hamada, c'est-à-dire cette zone plate, pireuse, avant les dunes. Et alors on a pris ce grand voile bleu et j'ai décidé que c'était la mer Égée. Et on est partis avec Ulysse en voyage. Je ne sais plus comment ça commence comme ça. « Ulysse dériva sur la vague gonflée, que deux fois en un jour il y venire la mort, quand ? Du troisième jour, etc. » Et donc, là, je me suis rendu compte que, en fait, la poésie, c'était un véhicule absolument magique pour ce que l'homme a d'universel et de très particulier, parce qu'ils ont été des enfants de la Mare Nostrum, très enfants qui partaient pour ce voyage merveilleux. auraient été les enfants de France et de Navarre et d'Asie, d'Afrique ou d'Océanie. Et en même temps, petit à petit, quand on est rentré dans cette espèce de mise en scène, les individualités se révèlent et chacun voyage, aime, pleure, crie, a peur d'une façon particulière. Alors j'ai appris qu'enseigner c'était surtout... trouver le moyen d'avoir une individualité globale, la classe, et la faire voyager dans une unité parfaite et en même temps. faire attention à toutes les particularités, tous ces petits enfants d'hommes qui sont uniques, chacun dans leur style. C'est cette espèce de gymnastique qui fait, je crois, le talent d'un enseignant. C'est ça, enseigner en fait. Et ça, je dois dire que j'ai appris aussi, enfin j'ai dû le savoir quelque part dans ma vie, parce que j'ai eu la chance d'avoir une famille qui aimait l'altérature, la poésie, la philosophie. J'étais privilégiée, sans le savoir d'ailleurs, parce que quand je suis partie, tout ça me semblait tout à fait normal. Mais je me suis rendue compte qu'il y avait un âge absolument magique quand les enfants... Parce que j'étais dans une école primaire, après je suis allée dans des écoles un peu plus... dans des collèges et des lycées, mais c'était beaucoup moins bien. Je me suis rendue compte que l'âge magique, c'était juste après l'apprentissage de la lecture, quand ils savaient à peu près lire. Et avant l'entrant sixième, où ils sont obligés d'acquérir des automatismes scolaires, etc. Là, ils sont absolument libres, ils sont magiques. Donc, ils pénètrent la poésie et la littérature formidablement, parce que ça les raconte avec des mots qui sont aux autres. Donc, c'est très cathartique d'un côté, puis en même temps... mais... Ça n'oblige pas un enfant timide ou, je ne sais pas, ou dissimulé, de raconter avec ses mots la joie, la peine, la transgression, le désir, les mensonges, enfin, tout ce qui fait l'homme. Donc, voilà pourquoi j'ai commencé. Après, je suis rentrée en France, j'ai fait un peu de psycho. Et puis, je suis rentrée à la DAS. J'ai travaillé à la DAS. En tant qu'enseignante. Dans un endroit absolument merveilleux, dont on a fait un film il n'y a pas très longtemps, qui s'appelait la maison d'enfants de Sèvres, qui était une maison qui avait été créée pendant la guerre pour dissimuler des enfants juifs, et des professeurs juifs d'ailleurs. Et d'ailleurs, en souvenir de ça, on nous donnait des totems. Moi, on m'appelait Antiloque, je ne sais pas pourquoi, parce que c'est mince et je ne sais pas pourquoi. Je venais du Sahara, peut-être, je n'en sais rien. Et là, j'ai rencontré des gens extraordinaires. J'ai repris mon métier avec une femme fabuleuse qui s'appelait... Enfin, on l'appelait Goéland, mais elle s'appelait... Oui, moi, c'était très curieux, mais c'était comme ça. Enfin, bref. Et son mari s'appelait Pingouin. C'étaient des gens magnifiques, décorés de toutes les légendes d'honneur de la Terre, qui avaient fait un boulot formidable. Et alors, il restait des anciens. Par exemple, moi, j'ai travaillé avec le mime Marceau, parce qu'il avait été caché. Enfin bref, j'ai travaillé avec des gens formidables pendant 11 ans. Puis après, comme je voulais avoir un enfant et que travailler là-bas, ça voulait dire travailler 24 heures sur 24, parce que c'était devenu un endroit où les enfants étaient internes et c'était des cas sociaux qui étaient rattachés à la DAS. Mais c'était extraordinaire parce que les Agnoer, parce que c'était leur nom de famille, Yvonne Agnoer, Yvonne et Roger Agnoer, vous pourrez retrouver d'ailleurs toute leur histoire, je vous dis. Il y a un film qui vient de sortir, très beau. Et là, donc, j'ai appris beaucoup. Oui, j'ai appris mon travail globalement, mais cette spécificité qui a fait mon talent, on dirait, modestement, mais en tout cas qui a été utile, c'est que je me suis dit que l'acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie qu'on ne donne jamais aux enfants de cet âge, Parce qu'après, j'ai fait tous les âges, mais je me suis rendu compte que des enfants de cet âge, c'était extraordinaire, ce sont des éponges. Eh bien, c'était absolument extraordinaire. Je peux dire, mais d'une façon incroyable, j'ai enseigné pendant 40 ans et j'enseignais encore alors que je suis à la retraite, moi, mais enfin j'enseigne. Eh bien, je crois que je n'ai jamais eu d'échec. Toujours à la fin de l'année, un enfant a eu dans sa tête... presque une heure de grands textes sur un thème quelconque.

  • Speaker #0

    Et tu penses que ça s'explique comment, cet amour des beaux textes, de la littérature chez les enfants ?

  • Speaker #2

    Parce que ça parle... D'abord, les enfants ne sont jamais arrêtés par les mots. Jamais. Au contraire, c'est comme des bonbons pour eux. Ils les prennent, ils les aiment. Je me souviens, je suis sortie hier d'un cours en disant « Écoutez, c'est une cacophonie épouvantable. C'est insupportable. Ils étaient insupportables. Le début de l'année est toujours très difficile parce que ça demande beaucoup d'écoute puisque je travaille en orchestre. Donc, il faut savoir dire les choses globalement. Donc, comme un chant, chacun ne peut pas chanter sa partition. Et puis, en même temps, ils prennent des passages de ces textes et ils les disent. Ils coupent l'ensemble. Donc, il faut qu'il y ait une attention formidable pour reprendre le texte, etc. Pour s'écouter mutuellement. Et ça, c'était un exercice très difficile et encore plus difficile dans la génération actuelle. Beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Ils ont moins d'attention ?

  • Speaker #2

    Ils ont moins d'attention, oui. Beaucoup moins. Ça, c'est sûr, ils sont sollicités par beaucoup de choses. Les écrans, les machins, les trucs. Ça, ça, évidemment... Enfin, il y a des spécialistes qui vous parlent grand de ça mieux que moi, mais je peux vous dire qu'en tant qu'enseignante, parcouru tout ça, qui est donc un pied là où je ne devrais plus être etc. Mais je peux vous dire que oui, ça c'est incroyable. Donc il faut beaucoup d'énergie, puis vraiment beaucoup de désir de transmettre. C'est-à-dire que ça, c'est la base aussi de l'enseignant. Autrement, il faut être postier ou je sais pas ou n'importe quoi. Non pas que je n'aime pas les postiers, mais je veux dire là, il faut transmettre. Si on transmet sans désir, C'est de l'eau de boudin, ça ne marche pas du tout. Et puis voilà, alors donc, pourquoi les grands textes ? Enfin, les grands textes. Oui, pourquoi les grands textes d'ailleurs ? C'est ça ma spécificité. C'est-à-dire que ce ne sont pas des petits poèmes d'enfants. Ce n'est pas vrai du tout. Ça, ça va peut-être en maternelle. Et encore, ils sont somptueux en maternelle. Moi, j'ai mélangé quelques fois les classes. L'année dernière, j'ai fait un truc avec aussi des maternelles. Et c'est absolument extraordinaire. Mais je dis extraordinaire parce qu'il faut les voir. c'est pas moi qui suis extraordinaire eux, il faut les voir.

  • Speaker #0

    Et juste pour qu'on comprenne vraiment, c'est-à-dire que tu fais des ateliers avec les enfants...

  • Speaker #2

    Pas des ateliers, non, des cours.

  • Speaker #0

    Des cours ?

  • Speaker #2

    Pas d'atelier du tout. Je suis insérée, c'est ça aussi dont je remercie beaucoup les profs, c'est que je prends, ils sont d'ailleurs présents, mais je prends une heure par semaine, ou deux fois trois quarts d'heure, c'est mieux, de cours par semaine. en français, en poésie, enfin, il y a un vocabulaire. Ils se débrouillent dans leur emploi du temps pour me permettre de les avoir deux fois tous trois quarts d'heure. Mais je ne veux pas d'atelier, parce que les ateliers dans l'éducation nationale, surtout quand on est à la retraite, ça se passe par trimestre, en dehors du cursus scolaire. Et moi, je suis une enseignante.

  • Speaker #0

    Tu participes pleinement.

  • Speaker #2

    Oui, ça, c'est une question de pédagogie. Moi, je veux que... Quand ils sortent de cette année-là, mon travail est d'aider l'enseignante pour le vocabulaire, pour l'expression orale, dont on fait tellement de cas en ce moment, pour l'apprentissage d'une langue, dont il faut connaître les liaisons, la conjugaison, et savoir pourquoi elle est nécessaire, sans explication, simplement parce qu'un texte est beau. Je me souviens d'un truc, c'était marrant, parce que c'était... On faisait un thème sur la ville, parce qu'il faut travailler par thème pour ne pas partir n'importe comment. Et alors, à un moment donné, il y avait, comme dans tout thème, la ville et l'amour. L'amour est toujours là, partout. Et il y avait, à une passante, « Au toit que je sais, mais au toit qui le savait » , parce que c'est une passante qui parle. Et alors, je ne leur ai pas dit que c'était un conditionnel deuxième forme, ils s'en foutent, tout le monde s'en fout d'ailleurs, ça n'a pas d'importance. et... J'ai simplement dit « Oh toi que j'aurais pu aimer, oh toi qui aurais dû le savoir » . Enfin bref, on a changé de ton, c'est moche. Et puis, je me souviens qu'ils sont descendus de la récréation en disant « Oh toi que je sais, mais oh toi qui le savais » . Bon, je ne fais pas de conjugaison, mais je leur apprends qu'une langue, la nécessité absolue de la transmission d'une langue, c'est aussi ça.

  • Speaker #1

    Et toi, du coup, tu as enseigné normalement jusqu'à la retraite ? qui est définie pour les enseignants ?

  • Speaker #2

    À mi-temps, toujours. Tu as toujours été à mi-temps ? Oui, parce que je m'occupais d'une revue de psychanalyse. Enfin, j'aidais une revue de psychanalyse parce que mon mari était psychanalyste.

  • Speaker #1

    Et après, il y a la retraite. Et là, tu te dis que tu ne peux pas t'arrêter de transmettre.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas une question de ne pas m'arrêter. C'est une question de... C'est... En fait, je travaille... Je lui dis, j'enseignais normalement. Non, qu'en langue, je crois que c'est au printemps de la poésie, je ne sais pas, il était ministre de l'enseignement à cette époque-là. Il a vu mon travail et il a aimé. Il a senti qu'en fait, il y avait quelque chose pour justement l'acquisition de la langue. Il y avait vraiment quelque chose d'important. Et bon, il m'a fait venir. Après, il a suivi mon travail. Il a aimé, il est toujours venu voir.

  • Speaker #0

    Il est mort à la fin de l'année, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Oui, voilà. Et puis, il avait créé une cellule d'innovation pédagogique. Enfin, l'innovation pédagogique, ce sont toujours les mêmes innovations, d'ailleurs. Bon, ça s'appelait l'innovation pédagogique. Et moi, j'étais une innovation pédagogique, que j'ai toujours faite, mon fameuse innovation pédagogique. Et il a créé cette mission-là, il m'a déchargée de cours. J'avais donc 18 heures par semaine, c'est-à-dire les heures normales que je devais faire normalement. Je les dispensais dans plusieurs établissements. Je prenais donc ces deux fois trois quarts d'heure. aux instituteurs, qu'on appelle maintenant les professeurs de l'école, sous l'appellation « Acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie » . Et donc, c'est grâce à cette mission, qui était à l'éducation nationale, que j'ai pu continuer à faire ce que je fais. Mais je le fais beaucoup moins maintenant. Je le fais 8 heures par semaine. Ou pas 18 heures.

  • Speaker #0

    Et de façon bénévole.

  • Speaker #2

    Et complètement bénévole. Parce qu'alors là, c'est une complication formidable si je devais être payée pour faire des ateliers que je ne veux pas faire, pour une somme tout à fait normale pour l'éducation nationale, mais qui n'avait pas beaucoup d'intérêt à côté de l'utilité que je peux avoir si je rentre dans une classe, vraiment. Oui, ben oui. Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fin de l'année, il y a comment ?

  • Speaker #2

    Alors, tout, tout... Ah oui, chaque année, quelle que soit... classe, il y a un spectacle. Alors, quelquefois, j'arrive à avoir un théâtre. La plupart du temps, je vais à la société des gens de lettres qui aiment beaucoup mon travail. Je vais au théâtre espagnol. Des fois, j'étais un peu partout parce que ça, il faut que ce soit les directeurs d'école ou les inspecteurs qui trouvent un moyen. Alors, suivant leur enthousiasme, suivant qu'ils viennent voir ou pas, voilà, ils font ça. Mais enfin, bon. De toute façon, il y a dans l'école, indépendamment d'une... il y a toujours une représentation pour les parents.

  • Speaker #0

    Et là, on assiste justement à des enfants.

  • Speaker #2

    Et on assiste à ce que j'appelle un récital de poésie-littérature sur le thème choisi. Alors, cette année-là, je viens de faire... Alors, ils hésitent entre la matière, c'est très, très dur, ils ont huit ans quand même, mais c'est très possible.

  • Speaker #0

    C'est eux qui choisissent le thème ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire... Alors là, je pense à ça, parce que dans l'école où je suis allée hier, Ils font un truc sur les quatre éléments, sur la course du globe. La course du globe ? Oui, c'est ça. Alors, ils hésitent entre la mer, entre la matière, parce qu'ils veulent qu'il y ait quelque chose en correspondance avec la sauvegarde de tous les éléments. Enfin, alors, moi, je vais donc chercher dans ma tête, parce que En fait, je ne sais jamais. Je travaille très au jour le jour. Je ne travaille pas dans une perspective. Les textes sont là pour les faire penser à plusieurs niveaux. Je ne sais pas, pour dire par exemple, si on fait un thème sur le goût, le goût, ce n'est pas simplement manger, miam, miam. Le goût, le sucré, c'est le goût de la vie, c'est le goût de l'amour, c'est le goût de la transgression. Enfin, je veux dire, tout thème est porteur de la même chose. C'est en ça que c'est... C'est très important, la littérature et la poésie, parce qu'on pénètre dans l'humain et dans ce qu'ils sont. Et qu'ils soient très introvertis, très timides. Et quand ce n'est pas leur langue maternelle, je cherche toujours des textes. Je ne sais pas si j'ai des cabilles. La poésie étant universelle, je trouve la poésie chinoise, la poésie turque, la poésie anglaise. Et quand j'ai des enfants et des parents qui m'aident, à ce moment-là, l'ensemble de la classe peut prendre quelques verres en allemand, en français. français, je ne sais pas, si on fait l'eau, par exemple, l'année dernière, il y avait la Loreley de Hain, qui était en allemand et en français, et il y avait la Loreley de Apollinaire, qui était... Mais là aussi, on croit que c'était extraordinaire. Moi, j'ai une petite fille qui a 5 ans, ce n'est pas grâce à moi, parce qu'elle m'écoutait de temps en temps, elle savait à 5 ans, la Loreley, c'est absolument extraordinaire, quand elle avait 5 ans, c'était ma bohème de Rimbaud, je m'en allais, les points dans mes poches, je crois. Puis ça marche formidablement bien. Bon, il y en a qui sont plus ou moins doués pour ça, mais tous, à un moment donné ou à un autre, arrivent à ça, justement, cette petite... Je ne sais plus quoi c'était... Le voyage et l'amour. Alors, il y avait un texte de Baudelaire. Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordis tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. Il y avait une petite fille, créole sûrement, qui ne disait pas un mot, pas un mot, puis on fait vriller à l'œil. Marie, je peux dire ça ? Oui, 10, 10, bien sûr, c'est formidable, tout le monde s'arrête, elle va être chargée de ce moment baudelairien. Et puis... J'étais là dans l'école, par hasard, à 4h30, je sors, et je la vois se précipiter vers une superbe créole. C'était sa mère. Et ça a dû correspondre à un moment donné à une telle vision de sa mère qu'elle a eu envie de le dire. Et puis après, d'ailleurs, elle a dit comme tout le monde.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant ce que tu dis, parce que les grands textes, en général, on y a accès très tard.

  • Speaker #2

    Et alors, ma petite fille, qui est en première maintenant, celle qui lisait, me dit, tu sais, on a eu un texte sur Rimbaud, et j'avais dans mon portable, parce que mon père m'envoyait, moi, disant ma bohème, à 5 ans, j'ai failli lui montrer. j'ai dit mais tu peux parce que je ne veux pas que ça fâche la ch'cul j'ai dit oui mais pour un prof c'est tellement important de savoir quand on leur met ce genre de trace à l'âme petit mais ça les libère pour après moi très souvent profs m'ont dit, mais on sait les enfants qui sont passés par ce genre de travail. Et puis, maintenant, quand on me demande, alors un troisième point, il y a eu donc le Sahara, le moment qui m'a donné cette année. Après, quand j'ai travaillé à la DAS pendant 11 ans, à un moment donné, je faisais un cours d'histoire et je les emmerdais, vraiment. J'ai senti là... une vague d'apesanteur, de pesanteur, pardon, de pesanteur dans la classe. Je me suis dit, là, c'est insupportable. Un prof ne doit pas emmerder ses élèves. Il n'y a rien à faire. C'est peut-être un terme un peu qu'il faudrait enlever de là. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout. Et puis, on s'est tous un peu emmerdés en classe.

  • Speaker #2

    Je me suis dit, ce n'est pas possible. Je faisais le Moyen-Âge et tout d'un coup, je me suis souvenu d'un livre de Gustave Cohen, pas d'Albert Cohen, Gustave Cohen, qui est un historien du Moyen-Âge. et j'ai repris un passage où il construit Notre-Dame. En disant, à un moment donné, ces arcs boutants, ces croisés de givres, ces gargouilles, ces machins, ces trucs. Il y avait une espèce d'élan formidable. J'ai pris ce texte. Parce que je ne dis pas que des poèmes. Il y a des textes de prose, bien sûr. Et tout d'un coup, ils ont construit ça. Et tous ces termes, c'était... c'est... Voilà, allez. Alors, les croisés de vie, non, c'était fini. Il y avait cet élan formidable. Et là, je me suis dit, ma vieille, c'est fini. Il faut que tu l'aimes. Bon, il y a eu ça. Et puis, il y a eu un troisième moment très important dans ma vie. J'avais 15 ans, ce moment-là, bien avant tout ça. J'ai eu le privilège, je dois dire, c'est un grand privilège, de connaître la nièce du général de Gaulle, jeune veuve de Gaulle, Carpon, etc., qui était une amie de mon grand-père, qui t'aiment. un grand compagnon de la Libération, etc. Et elle discutait avec lui. J'étais là et elle a dit, elle était à Ravensbrück pendant la guerre et elle racontait que le matin à l'aube, pendant l'appel terrible, tu vois, dans le froid, dans l'horreur totale, elle était là et elle avait repéré une jeune fille qui disait des vers de Valéry. Et alors, évidemment, comme elle pouvait, sans faire de bruit, sans se faire remarquer, elle s'était approchée d'elle pour les entendre. Et je me souviens de cette phrase, j'avais même pas 15 ans, je crois. Elle a dit, et ces vers m'ont aidé à tenir debout. Et alors, quand on me demande, mais quels sont les choix, gna gna, je suis écoutée, en principe, la vox populi, c'est-à-dire les vers qui ont traversé beaucoup de choses, et même la... même contemporains, mais qu'on aime, etc. C'était vraiment un critère. Et en tout cas, mon critère à moi, c'est de leur donner un matériau qui les aide à tenir debout toute leur vie dans les moments très, très joyeux ou dans les moments terribles. Voilà, c'est un truc...

  • Speaker #0

    Et la littérature,

  • Speaker #2

    c'est quelque chose... Et la littérature et la poésie, quand elle est comme ça, ben voilà. C'est comme ça.

  • Speaker #0

    Et ils font la différence, les enfants, entre les très beaux textes et les textes moins...

  • Speaker #2

    Ben... Eux, les enfants, non, c'est vous qui... Les enfants, ils font la différence en le savoir, parce que ce sont des juges absolument, je dis d'ailleurs, intraitables. C'est-à-dire, quand vous leur donnez un joli petit texte, bon, ils l'abandonnent assez vite, ou alors ils le prennent comme des comptines. Tandis que quand vous leur donnez un texte solide, beau, au-delà du bien, du mal... Euh... Ils le gardent, ils ouvrent une porte, et puis une autre porte, et puis une autre porte, et puis s'ils grandissent, ils ouvrent des portes, mais ils ne le quittent pas. Ils ne quittent jamais la table de Baudelaire, ils ne quittent jamais la table de Guilvic, ils ne quittent jamais la table d'Apollinaire, de Rilke, ce n'est pas vrai, c'est impossible. Parce qu'un beau poème, c'est immense, c'est universel. C'est infini. C'est d'ailleurs la forme la plus parfaite, vous diront les philosophes, et c'est vrai. Comment dire ? Je n'ai plus qui disait que on est bilingue quand on a une langue et la poésie. La littérature, la grande littérature. C'est ça la différence. La grande différence. C'est pour ça que véritablement, moi-même, ce que j'aurais aimé laisser, c'est que Il faut donner des textes magnifiques, des textes profonds, des textes dits difficiles. On ne peut pas parler de la phénoménologie de l'esprit, d'accord, parce que c'est une langue autre, la philosophie, où il y a même des poèmes impossibles. Ce n'est pas ça, mais il y a des poèmes. Mais en plus, le non-sens, l'au-delà du sens, tout ça, les enfants traversent le miroir beaucoup plus facilement qu'après. Il faut savoir que... surtout à cet âge-là, moi j'appelle ça l'âge miracle, mais ce sont des éponges. Ils prennent tout ce qu'on leur donne. Et moi, je vous dis, j'arrive et je dis, j'en ai assez de ce... Qu'est-ce que j'ai... J'ai pas dit tantamarre, j'ai dit, tout à l'heure, j'ai dit... Cacophonie. Ah, mais ce mot cacophonie, qu'est-ce qu'ils sont marrés avec ce mot cacophonie. Ah, mais quelle cacophonie ! Alors, vas-y... Bon, synonyme, homonyme, ils s'en foutent, mais allez, tantamarre, vas-y, je cherche, machin. Et puis, on s'amuse avec les mots. Bon, ça, c'est normal. Tout le monde a fait ça. Maternelle, les maternelles sont encore géniales en France. Les maternelles, c'est formidable. Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour les maternelles. Ils font des choses extraordinaires. Après, c'est plus compliqué parce qu'ils deviennent plus compliqués. Mais en tout cas, il faut savoir que, d'abord, quand on me dit, mais est-ce qu'ils ont tout compris ? Alors je dis, est-ce que vous, vous avez tout compris quand vous avez lu Les Illuminations de Rimbaud ? Si vous avez tout compris, félicite, peu importe. C'est exactement l'histoire du Fus infâme. L'astuce du Fus infâme. Ça n'a aucune espèce d'importance.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vachement important, je trouve. C'est pas important qu'on ait compris, mais qu'on ait ressenti. Et ça, ça n'existe plus aujourd'hui,

  • Speaker #2

    j'ai l'impression. La poésie, la poésie. Écoute... Je suis ténébreux, le veuf l'a consolé, le prince d'Aquitaine à la tour Aboli. Ma petite fille, elle avait 7 ans, elle m'a entendu dire ça. Et j'ai dit, qu'est-ce que ça veut dire ? J'ai dit, ben voilà, je crois que ça veut dire ça. C'est vrai qu'elle est un peu spéciale, mais enfin bon, il y a plein d'enfants spéciaux. Et c'est resté pour elle quelque chose de... Ma seule étoile est morte, et mon lieu de constellé, etc. Le soleil noir de la mélancolie, c'est le soleil noir de la mélancolie. Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? C'est merveilleux ce mot. Qu'est-ce que c'est la nostalgie ? Je suis nostalgique de mes vacances, mais je suis mélancolique. Je ne sais pas très bien de quoi et pourquoi. Mais quand vous leur posez la question, quand on les ferme les yeux, ils essayent de trouver pourquoi tu es mélancolique. Nostalgique, tu vois, tu regrettes quand tu étais en Corse en train de faire du bateau. Ce n'est pas la même chose. Alors les deux mots prennent une consistance. et puis quand ils ne prennent pas de consistance, ils ont la musique. Et quand ils n'ont pas la musique, ils ont la puissance de résonance que chacun a. L'autre, il résonnera avec mélancolie et nostalgie. Et l'autre, avec cacophonie ou avec le football ou avec je ne sais rien quoi. Quelquefois, j'ai eu le fils de... Comment il s'appelle ? Nique ta mère.

  • Speaker #1

    NTM ?

  • Speaker #2

    Joës Farr ? Joës Farr. Il est venu voir son fils, il était ébloui par son fils qui avait transformé quoi en rap ? Ah oui, c'était non, rien de rien, je ne regrette rien. Parce que j'en avais marre, j'avais pu dire que j'étais insupportable, mais il était très très chouette. Alors, non, rien de rien, etc. Il avait fait ça. Voilà, enfin, c'est ça quoi. Bon, bref.

  • Speaker #1

    Et puis en plus, comme tu dis, ce que je trouve assez chouette, quand tu dis soleil noir, déjà, de toute façon, tu as une image. Et en fait, c'est tellement dans l'imaginaire et les enfants, ils sont tellement dans le jeu, dans l'imagination encore. C'est vrai que c'est bête de ne pas leur donner ces textes, parce que même s'ils ne les comprennent pas, effectivement, c'est tellement imagé. En fait, la politique est tellement imagée que...

  • Speaker #2

    Oui, oui, bleu comme une orange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, je vois, c'est génial.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, on n'a qu'à voir les dessins des maternelles, c'est fabuleux. Quand tu vois le dessin des CM2, c'est beaucoup moins fabuleux. C'est formaté. Il faut enseigner en se souvenant de ce qu'on était, nous, enfants. La perte du souvenir de l'enfant, c'est très délicat.

  • Speaker #0

    Quand tu es enseignant, c'est comme une maladie mortelle. L'enseignant, je crois. Moi, je sais que je me souviens tellement de mon enfance, des choses affreuses et des choses formidables. Attention, ce n'est pas mon enfance, là que c'est beau. Non, non, c'est une période dure, l'enfance. Attention, pardon, même Jules. On en bave et en même temps, c'est fabuleux. Mais on est des petits rois et en même temps, on tombe d'un piédestal. On souffre d'amour. Enfin, il y a tout, quoi.

  • Speaker #1

    Si on découvre tout, surtout.

  • Speaker #0

    Si on découvre tout. Par exemple, la première chose, mon premier cours, hier, c'était hier, lundi, oui. Dans une case, c'est le premier cours. Alors, j'ai simplement dit, voilà, il y a un poète qui a écrit, si un jour tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? Ça, c'est une grande question. Alors, il y a un enfant, j'ai dit, est-ce que vous avez déjà vu quelque chose ? Oui, alors, il y en a un qui a dit, moi, j'ai vu un arbre qui... était en fleurs et qui m'a dit, tiens, je te donne une fleur. Et j'ai tendu ma main et la fleur est tombée dans ma main. J'ai dit, c'est formidable. C'est trop beau. Mais il m'écrit des poèmes. J'en ai plein. Je crois que j'en ai apporté un ou deux d'hier, justement. Ils disent tous merci. Et puis, par exemple, c'était l'eau. Je me souviens d'un truc qui leur a plu. L'eau, c'est aussi le bruit de l'eau. Alors, il y a un poème extraordinaire de Guévy qui dit je n'en pouvais plus. plus d'entendre ce morceau de granit me raconter son histoire depuis les origines. J'avais beau lui dire je sais, le morceau de granit continuait. Soleil, incendie, déluge, et le pire, l'eau goutte à goutte pendant des millénaires. Alors je leur fais faire jusqu'à des millénaires, jusqu'à la folie totale. Alors cette espèce de rencontre de l'eau, tu vois, tout à fait, et de la matière, mais qui finalement rend grâce, quoi, tu vois. Alors je leur apporte des trucs pour les caresser, tu vois, des morceaux de granit. tout froid, on fait des glouglous, on va au robinet, il faut les sortir, je les ai emmenés sur la tombe de Baudelaire, si bien on parle. On sort. Alors, en principe, tout ça aide. Je déteste, j'interdis aux profs de toucher à mes textes. Ils font, ils élargissent leurs trucs, mais les textes eux-mêmes, il ne faut pas les rendre scolaires, donc on les laisse.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, il ne faut pas rendre les choses scolaires et ça donne encore. plus envie aux enfants.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'ils peuvent avoir... La récitation, ça n'existe pas. Comment est-ce qu'ils apprennent ? Parce qu'on est éblouis de les voir pendant une heure. Il y en a qui retiennent absolument tout. Il y en a qui retiennent des passages particuliers ou des poèmes et des passages d'autres poèmes. Mais comme c'est toujours lié à un thème, ils retrouvent tout ça. Il y en a qui savent très bien tous les noms d'auteurs et qui les raccrochent. Il y en a dont ils ne savent plus exactement, qui rient, ok, ça ne fait rien, parce qu'ils vont retrouver ça. Tout ça est gravé dans leur mémoire, ça n'a pas d'importance.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, je vois un peu ça comme une langue étrangère. Oui. Comme tu l'as dit tout à l'heure, parce que moi, quand j'ai eu mon expérience d'apprendre l'anglais, j'étais nulle. À l'école, j'avais 5 ans, ça ne m'intéressait pas du tout. Et en fait, je suis partie en Angleterre, j'étais complètement bloquée. j'ai appris maintenant je suis bilingue Et je suis rentrée, et c'est vrai que maintenant, j'en parlais avec une amie. Il y a des mots que je préfère en anglais. Parce que je me suis fait tout un imaginaire, et dans la consonance, ça résonne plus. Et je me dis, quand c'est une langue étrangère qu'on a appris, justement, quand on est petit, on dit que c'est beaucoup plus facile d'apprendre une langue étrangère. Et ça reste, et les consonances des mots, elles peuvent nous aider. Ça permet de le voir différemment. Et l'utiliser dans la langue française, je trouve ça génial.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est exactement ça. Alors donc, ils savent... Et puis, ils sont sans... Ils sont obligés aussi, parce que comme il y a les titres donnés par quelqu'un, n'est-ce pas ? Sur la rubrique, par exemple, l'eau et l'amour, tiens, à l'été des chaussées de Victor Hugo. Et on commence en chœur et puis quelqu'un dit, je ne sais plus comment ça commence. Et puis eux, ils savent beaucoup mieux que moi, parce que moi, j'oublie automatiquement. Ils sont tout neufs, je ne sais pas, les pieds nus, etc. Puis après, l'autre reprend quelque chose. Donc, il faut une écoute et il faut qu'ils sachent. ce qui vient avant et ce qui vient après. Donc automatiquement, à la fin de l'année, même s'ils n'ont pas bien appris, ils le savent sans s'en apercevoir. Donc ceux qui ont beaucoup de mémoire et qui aiment, dès le début ça marche, les autres, à la fin, ils savent pratiquement tout quand même.

  • Speaker #2

    C'est comme une chanson que tu entends tout le temps.

  • Speaker #0

    Voilà. Et ça, c'est par imbibition, par écoute, comme ça, globale, des choses, par moi qui... qui les engueulent sur un truc ou qui les félicitent. Quand je leur dis mais c'est nul ça, mais c'est nul, c'est un robinet d'eau tiède que tu viens de faire. Tu recommences. Ah là, ça c'est génial. Parce que je leur dis qu'ils sont nuls et je leur dis qu'ils sont géniaux. Je ne dis jamais qu'ils sont nuls si je ne pouvais pas leur dire après, mais c'est merveilleux. Ça jamais. Mais en tout cas, alors évidemment, il y a des petits pervers polymorphes. Elle m'a dit que j'étais nulle. Alors les parents, vous avez dit à mes enfants qu'ils sont nuls. Puis après, ils se rendent compte qui sont tellement contents à la fin de l'année, tellement valorisés. Il faut qu'ils bouffent leurs textes, il faut qu'ils l'absorbent, il faut que ça fasse partie d'eux-mêmes, qu'ils les vendent, qu'ils les possèdent. qu'il soit à eux profondément, que ce soit vraiment quelque chose qui leur appartient. Donc, il faut que ça leur appartienne avec leur corps. Là, par exemple, j'avais juste dit ça. Si un jour, tu vois, alors voyez, l'imaginaire, c'est ça la poésie, vous avez le droit de le dire parce que ça existe. Vous l'avez vu sourire ? À partir du moment où vous en êtes certain à vous, ça existe. C'est comme votre doudou. Moi, je commence très souvent par un poème de Rainer Maria Rilke qui s'appelle La licorne. Oh, c'est elle la bête qui n'existait pas. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, mais rien que toujours de la possibilité d'être. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, etc. Et cela lui donna à elle tant de force qu'elle s'en fit une. Alors, je dis, c'est comme votre doudou, si vous l'abandonnez. Il n'existe plus, c'est un vieux chiffon. Mais tant que vous êtes là et vous ne nourrissez pas, vous ne lui donnez pas à bouffer du riz, mais il ne bouffe pas ce que vous l'aimez. Et c'est ça, c'est ça le truc. Et alors, bon, hier, si un jour tu vois que... Est-ce que tu iras le dire ? Non, mais... Ne le lis pas. Et toi, tu veux le dire ? Ben oui, dis-le. Tu es libre. Tu es libre de dire tes secrets à toi, de ton imaginaire ou de l'éther. Ça n'a plus d'importance. Soit à un moment donné, de décider de le dire à un tel ou un tel. Mais ça existe. Tu as le droit. Être au monde, c'est ça, être au monde. Ce n'est pas simplement pipi, popo, manger, dormir, papa, maman. C'est tout ce que vous êtes, réellement. Ah oui, c'est quand la nuit, moi ? Après, il parle, bien sûr. Il y a tout le dialogue avec les enfants. Ça, c'est une place. Alors, c'est pour ça que je ne sais jamais si j'irai jusqu'au bout d'un poème un jour, si j'y mettrai 15 jours, si je vais commencer par celui-ci et non pas à l'intervention d'un enfant qui peut complètement changer l'ordre des choses. Je ne prépare jamais. J'ai quelques poèmes, je sais que ça, à un moment donné, oh, ça c'est beau, tiens, par exemple, sur la mer, il y a un poème de Michaud où il écrit « Je vous écris d'un pays lointain » . Vous savez, c'est merveilleux la mer. Vous serez très étonnés quand vous viendrez me voir. C'est un truc complètement surréaliste de Michaud, mais c'est merveilleux. Alors, je le mets de côté, je sais qu'un jour, quand on aura fait les classiques de la mer, le bateau, le machin, et puis le petit navire, il y aura le poème de Michaud qui arrivera pour autre chose. Mais je ne sais pas quand on va en commencer un tel et tel show. Et puis, quelquefois, j'oublie. Je suis très bordélique, donc je perds. Mais on retombe toujours sur nos pieds parce que la poésie est toujours là. Qu'on commence par une poésie chinoise ou qu'on commence par... Et puis c'est bien parce que les enfants, symboliquement, ça les situe bien. Quand ils sont... Je ne sais pas, par exemple, l'année dernière, justement, j'avais un petit... mais un ukrainien. Et, bon, j'ai donné un poème en ukrainien, bien sûr. Ça l'a beaucoup aidé à être intégré, parce que les enfants ont répété deux ou trois vers. Alors, moi, ils se moquaient de moi, parce que moi, je n'y arrivais pas, mais eux, ils arrivaient très, très, très bien. Essayez de m'apprendre, ils essayaient de m'apprendre. Parce qu'il faut qu'il y ait un vrai dialogue. Il faut que ce soit des... Comment dire ?

  • Speaker #1

    Une base communiquante ?

  • Speaker #0

    des... Oui, des interlocuteurs, vous voyez. Il faut que ce soit vraiment un aller-retour avec les enfants. Je leur dis très souvent, moi je sais plus de choses que vous parce que je suis vieille, mais vous êtes largement aussi intelligents que moi, et peut-être beaucoup plus intelligents, ça n'a pas d'importance. Vous avez besoin de moi, j'ai besoin de vous. Et le poète a besoin de vous, c'est une triangulation très importante que je signale très très souvent. Le poète, quand je leur dis non, là, ça... Il n'aurait pas supporté que tu habibes ce qu'il a écrit. Alors, tu recommences. Et puis moi, je ne supporte pas parce que je l'aime et toi. Et donc, on fonctionne vraiment tous les trois. Et une unité de classe, parce qu'on est tous ensemble et parce qu'on est unique. Voilà, je leur dis toujours, je suis rentrée dans une classe et maintenant, mon visage est chez vous, dans votre tête, alors qu'il y a une demi-minute, vous ne l'aviez jamais vue. C'est merveilleux quand même. C'est un truc extraordinaire de se dire que... Un nez, deux yeux, cinq éléments, ça fait des visages complètement différents. Regardez-vous, alors touchez-vous. Il ne faut pas toucher. Il ne faut pas se toucher. Mais c'est épouvantable. C'est une époque épouvantable pour un enseignant. Moi, je transgresse tout et n'importe quoi. Mais parce que j'en ai rien à foutre. Et puis parce que... Mais ces pauvres instituteurs, ces pauvres professeurs, c'est vraiment un métier dur en ce moment. Je les plains beaucoup.

  • Speaker #1

    Et ces pauvres enfants aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, ces pauvres enfants, parce que finalement, ils sont moins bien enseignés, c'est sûr. C'est très compliqué, c'est très difficile actuellement. C'est beaucoup plus difficile qu'un enseignement. Merci.

  • Speaker #2

    En tout cas, Marie-Dominique, on arrive sur la fin.

  • Speaker #1

    C'est tellement vite. Est-ce que tu veux rajouter un petit mot pour la fin ? Un conseil peut-être à des parents ou à des enseignants ?

  • Speaker #0

    Peut-être que je pourrais prendre ce que dit René Char, qui n'est pas un de mes poètes favoris, parce que ça ne passe pas très bien avec les enfants. Parce qu'il faut savoir qu'il y a des poètes qui ne sont plus... Enfin, tout au moins, on peut sélectionner. Char est très difficile, même dans des sélections. Mais enfin, il dit une chose très vraie, c'est que la poésie, ça doit laisser des traces et non des preuves. C'est beau. Et l'enseignement aussi, je crois que ça doit laisser des traces très importantes, avec des preuves aussi. Mais bien sûr, des traces.

  • Speaker #1

    J'espère que notre émission laissera des traces parce qu'en tout cas, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    On est très heureuses de finir

  • Speaker #2

    la carrière justement avec toi qui enseigne à ses futurs à ses enfants qui auront des futures carrières et qui seront tracées de poésie oui c'est vrai merci en tout cas merci vous et à la semaine prochaine et oui pour un nouveau thème ouais

  • Speaker #1

    Flamme des années 80 le podcast qui allume la femme

Chapters

  • Introduction et présentation de Marie-Dominique

    00:10

  • Les débuts de Marie-Dominique en Algérie

    00:30

  • L'importance de la poésie dans l'éducation

    01:27

  • L'enseignement à la DAS et l'impact des grands textes

    02:33

  • Réflexions sur l'enseignement et la transmission

    06:40

  • Conclusion et conseils pour les enseignants et parents

    14:06

Description

Peut-on encore transmettre la beauté des grands textes à des enfants de 8 ans ? Comment la poésie peut-elle aider à grandir, à se révéler, à se sentir vivant·e ?

Dans cet épisode passionnant, Marie-Dominique, enseignante retraitée… mais toujours en action, partage une vision bouleversante et lumineuse de l’éducation.

À 19 ans, elle commence sa carrière dans une école de fortune en Algérie, dans un désert oublié, sans aucune expérience. Depuis ce jour, elle n’a jamais cessé d’enseigner — dans les écoles, à la DAS, dans des établissements publics, toujours au cœur des réalités sociales. Sa méthode ? Transmettre le goût de la langue française par les grands textes de littérature et de poésie.

Dans cet épisode, elle raconte avec émotion et humour son parcours de femme engagée, d'enseignante passionnée et d’amoureuse des mots. Elle nous rappelle que les enfants sont des éponges, que les mots sont des graines, et que la poésie est une arme douce, mais puissante, pour aider à tenir debout toute une vie.

Avec elle, les enfants apprennent à dire Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, ou Guillevic. Elle leur apprend à écouter, à vibrer, à ressentir. Pas de récitation scolaire, pas de notes, pas de programmes : juste le feu du langage et la liberté d’être.

Un épisode vibrant, essentiel, qui parle de la flamme de l’éducation, du pouvoir de la transmission, et du rôle fondamental de la poésie dans la construction de soi. À écouter absolument si vous êtes parent, enseignant·e ou simplement touché·e par l’idée que la beauté peut changer des vies.

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Chaque semaine, des conversations autour du développement personnel féminin, de la confiance en soi, du bien-être, de la transmission et de l’épanouissement personnel. On y explore l’introspection, les émotions, la résilience, la maternité, l’amour, la psychologie et les témoignages inspirants de femmes et d’hommes audacieux. Un podcast pour femmes, pour révéler sa flamme intérieure, oser être soi et nourrir sa spiritualité féminine.
Flammes des Années 80, pour écouter votre flamme intérieure grandir. 🔥


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Transcription

  • Speaker #0

    Flamme des années 80.

  • Speaker #1

    Le podcast qui allume la femme.

  • Speaker #0

    Bonjour, donc on parle toujours de carrière et on est très heureuse aujourd'hui dans cette émission bonus. Vous agatez, on a fait plein d'émissions spéciales et d'émissions bonus pour ce thème. On a la chance de recevoir Marie-Dominique. Est-ce que tu veux te présenter Marie-Dominique ?

  • Speaker #2

    Oui, enfin professionnellement en tout cas, puisque c'est ça qui vous intéresse. J'ai une carrière un petit peu... spéciale. Je suis une enseignante, je suis partie très très jeune en Algérie, juste après l'indépendance. J'ai commencé ma carrière là-bas, dans un endroit absolument paumé, qui s'appelait Bidon 2, qui était près de Colomb-Béchar. Il y avait 83 enfants dans une baraque Choir-Saumon, absolument inimaginable. Et j'ai beaucoup soigné de trachomes, presque plus qu'enseigné, parce qu'ils étaient tous, enfin, beaucoup d'enfants. Il y avait ce tracôme, donc il fallait passer le matin la pénicilline, etc. Ensuite, comme ils ne mangeaient pas tous très bien, il y avait la cantine, la chorba. C'était vraiment, je ne vais pas avoir l'air d'un ancien combattant, mais c'était un peu compliqué. C'était en 65. Moi, je venais juste de passer mon bac et j'y étais parce que mon... Mon père était juriste et s'occupait de la passation du Sahara algérien, qui se faisait après l'indépendance classique. Et donc, j'avais connu cet endroit et j'avais aimé le désert. Au lieu de... Comme j'avais eu un bac, je m'en souhaiterais bien. Et à cette époque-là, il fallait un an de propé avant de commencer les études. Moi, je n'en avais pas besoin à cause de cette pension, donc je me suis dit, je prends un an et je pars. Mes parents étaient déjà rentrés et je pars à Colomb-Béchar. À ce moment-là, c'est Colomb-Béchar, c'est devenu Béchar. Je me suis retrouvée dans cet endroit sans expérience, rien du tout. Je dois dire que ça a été extrêmement bénéfique pour mon travail futur, moins bien pour mes études, puisque ça a fait un grand blanc. Il a fallu rattraper tout ça après. Bref, j'ai su rester quatre ans, tout en passant des examens à Alger, au Rambon, etc.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu enseignais là-bas ?

  • Speaker #2

    J'ai enseigné, oui. On peut dire que j'ai enseigné, oui. C'était plus dans un cadre de l'éducation nationale algérienne d'abord, et puis ensuite, je ne sais pas, franco-algérienne, enfin bref. C'était un peu imprécis, cette époque-là. Et je dois dire que j'étais un petit peu paumée, surtout par le nombre extraordinaire. Moi, j'avais 19 ans. Enfin, c'était quand même un peu étrange. Et puis, je me suis dit, bon, que faire ? À un moment donné, je ne savais pas. J'étais débordée. Alors, je suis partie au marché arabe et j'ai acheté, je ne sais pas combien, 20 mètres de tissu bleu. Et on est partis avec les enfants parce que les baraques Chouard-Saumon étaient dans la Hamada, c'est-à-dire cette zone plate, pireuse, avant les dunes. Et alors on a pris ce grand voile bleu et j'ai décidé que c'était la mer Égée. Et on est partis avec Ulysse en voyage. Je ne sais plus comment ça commence comme ça. « Ulysse dériva sur la vague gonflée, que deux fois en un jour il y venire la mort, quand ? Du troisième jour, etc. » Et donc, là, je me suis rendu compte que, en fait, la poésie, c'était un véhicule absolument magique pour ce que l'homme a d'universel et de très particulier, parce qu'ils ont été des enfants de la Mare Nostrum, très enfants qui partaient pour ce voyage merveilleux. auraient été les enfants de France et de Navarre et d'Asie, d'Afrique ou d'Océanie. Et en même temps, petit à petit, quand on est rentré dans cette espèce de mise en scène, les individualités se révèlent et chacun voyage, aime, pleure, crie, a peur d'une façon particulière. Alors j'ai appris qu'enseigner c'était surtout... trouver le moyen d'avoir une individualité globale, la classe, et la faire voyager dans une unité parfaite et en même temps. faire attention à toutes les particularités, tous ces petits enfants d'hommes qui sont uniques, chacun dans leur style. C'est cette espèce de gymnastique qui fait, je crois, le talent d'un enseignant. C'est ça, enseigner en fait. Et ça, je dois dire que j'ai appris aussi, enfin j'ai dû le savoir quelque part dans ma vie, parce que j'ai eu la chance d'avoir une famille qui aimait l'altérature, la poésie, la philosophie. J'étais privilégiée, sans le savoir d'ailleurs, parce que quand je suis partie, tout ça me semblait tout à fait normal. Mais je me suis rendue compte qu'il y avait un âge absolument magique quand les enfants... Parce que j'étais dans une école primaire, après je suis allée dans des écoles un peu plus... dans des collèges et des lycées, mais c'était beaucoup moins bien. Je me suis rendue compte que l'âge magique, c'était juste après l'apprentissage de la lecture, quand ils savaient à peu près lire. Et avant l'entrant sixième, où ils sont obligés d'acquérir des automatismes scolaires, etc. Là, ils sont absolument libres, ils sont magiques. Donc, ils pénètrent la poésie et la littérature formidablement, parce que ça les raconte avec des mots qui sont aux autres. Donc, c'est très cathartique d'un côté, puis en même temps... mais... Ça n'oblige pas un enfant timide ou, je ne sais pas, ou dissimulé, de raconter avec ses mots la joie, la peine, la transgression, le désir, les mensonges, enfin, tout ce qui fait l'homme. Donc, voilà pourquoi j'ai commencé. Après, je suis rentrée en France, j'ai fait un peu de psycho. Et puis, je suis rentrée à la DAS. J'ai travaillé à la DAS. En tant qu'enseignante. Dans un endroit absolument merveilleux, dont on a fait un film il n'y a pas très longtemps, qui s'appelait la maison d'enfants de Sèvres, qui était une maison qui avait été créée pendant la guerre pour dissimuler des enfants juifs, et des professeurs juifs d'ailleurs. Et d'ailleurs, en souvenir de ça, on nous donnait des totems. Moi, on m'appelait Antiloque, je ne sais pas pourquoi, parce que c'est mince et je ne sais pas pourquoi. Je venais du Sahara, peut-être, je n'en sais rien. Et là, j'ai rencontré des gens extraordinaires. J'ai repris mon métier avec une femme fabuleuse qui s'appelait... Enfin, on l'appelait Goéland, mais elle s'appelait... Oui, moi, c'était très curieux, mais c'était comme ça. Enfin, bref. Et son mari s'appelait Pingouin. C'étaient des gens magnifiques, décorés de toutes les légendes d'honneur de la Terre, qui avaient fait un boulot formidable. Et alors, il restait des anciens. Par exemple, moi, j'ai travaillé avec le mime Marceau, parce qu'il avait été caché. Enfin bref, j'ai travaillé avec des gens formidables pendant 11 ans. Puis après, comme je voulais avoir un enfant et que travailler là-bas, ça voulait dire travailler 24 heures sur 24, parce que c'était devenu un endroit où les enfants étaient internes et c'était des cas sociaux qui étaient rattachés à la DAS. Mais c'était extraordinaire parce que les Agnoer, parce que c'était leur nom de famille, Yvonne Agnoer, Yvonne et Roger Agnoer, vous pourrez retrouver d'ailleurs toute leur histoire, je vous dis. Il y a un film qui vient de sortir, très beau. Et là, donc, j'ai appris beaucoup. Oui, j'ai appris mon travail globalement, mais cette spécificité qui a fait mon talent, on dirait, modestement, mais en tout cas qui a été utile, c'est que je me suis dit que l'acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie qu'on ne donne jamais aux enfants de cet âge, Parce qu'après, j'ai fait tous les âges, mais je me suis rendu compte que des enfants de cet âge, c'était extraordinaire, ce sont des éponges. Eh bien, c'était absolument extraordinaire. Je peux dire, mais d'une façon incroyable, j'ai enseigné pendant 40 ans et j'enseignais encore alors que je suis à la retraite, moi, mais enfin j'enseigne. Eh bien, je crois que je n'ai jamais eu d'échec. Toujours à la fin de l'année, un enfant a eu dans sa tête... presque une heure de grands textes sur un thème quelconque.

  • Speaker #0

    Et tu penses que ça s'explique comment, cet amour des beaux textes, de la littérature chez les enfants ?

  • Speaker #2

    Parce que ça parle... D'abord, les enfants ne sont jamais arrêtés par les mots. Jamais. Au contraire, c'est comme des bonbons pour eux. Ils les prennent, ils les aiment. Je me souviens, je suis sortie hier d'un cours en disant « Écoutez, c'est une cacophonie épouvantable. C'est insupportable. Ils étaient insupportables. Le début de l'année est toujours très difficile parce que ça demande beaucoup d'écoute puisque je travaille en orchestre. Donc, il faut savoir dire les choses globalement. Donc, comme un chant, chacun ne peut pas chanter sa partition. Et puis, en même temps, ils prennent des passages de ces textes et ils les disent. Ils coupent l'ensemble. Donc, il faut qu'il y ait une attention formidable pour reprendre le texte, etc. Pour s'écouter mutuellement. Et ça, c'était un exercice très difficile et encore plus difficile dans la génération actuelle. Beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Ils ont moins d'attention ?

  • Speaker #2

    Ils ont moins d'attention, oui. Beaucoup moins. Ça, c'est sûr, ils sont sollicités par beaucoup de choses. Les écrans, les machins, les trucs. Ça, ça, évidemment... Enfin, il y a des spécialistes qui vous parlent grand de ça mieux que moi, mais je peux vous dire qu'en tant qu'enseignante, parcouru tout ça, qui est donc un pied là où je ne devrais plus être etc. Mais je peux vous dire que oui, ça c'est incroyable. Donc il faut beaucoup d'énergie, puis vraiment beaucoup de désir de transmettre. C'est-à-dire que ça, c'est la base aussi de l'enseignant. Autrement, il faut être postier ou je sais pas ou n'importe quoi. Non pas que je n'aime pas les postiers, mais je veux dire là, il faut transmettre. Si on transmet sans désir, C'est de l'eau de boudin, ça ne marche pas du tout. Et puis voilà, alors donc, pourquoi les grands textes ? Enfin, les grands textes. Oui, pourquoi les grands textes d'ailleurs ? C'est ça ma spécificité. C'est-à-dire que ce ne sont pas des petits poèmes d'enfants. Ce n'est pas vrai du tout. Ça, ça va peut-être en maternelle. Et encore, ils sont somptueux en maternelle. Moi, j'ai mélangé quelques fois les classes. L'année dernière, j'ai fait un truc avec aussi des maternelles. Et c'est absolument extraordinaire. Mais je dis extraordinaire parce qu'il faut les voir. c'est pas moi qui suis extraordinaire eux, il faut les voir.

  • Speaker #0

    Et juste pour qu'on comprenne vraiment, c'est-à-dire que tu fais des ateliers avec les enfants...

  • Speaker #2

    Pas des ateliers, non, des cours.

  • Speaker #0

    Des cours ?

  • Speaker #2

    Pas d'atelier du tout. Je suis insérée, c'est ça aussi dont je remercie beaucoup les profs, c'est que je prends, ils sont d'ailleurs présents, mais je prends une heure par semaine, ou deux fois trois quarts d'heure, c'est mieux, de cours par semaine. en français, en poésie, enfin, il y a un vocabulaire. Ils se débrouillent dans leur emploi du temps pour me permettre de les avoir deux fois tous trois quarts d'heure. Mais je ne veux pas d'atelier, parce que les ateliers dans l'éducation nationale, surtout quand on est à la retraite, ça se passe par trimestre, en dehors du cursus scolaire. Et moi, je suis une enseignante.

  • Speaker #0

    Tu participes pleinement.

  • Speaker #2

    Oui, ça, c'est une question de pédagogie. Moi, je veux que... Quand ils sortent de cette année-là, mon travail est d'aider l'enseignante pour le vocabulaire, pour l'expression orale, dont on fait tellement de cas en ce moment, pour l'apprentissage d'une langue, dont il faut connaître les liaisons, la conjugaison, et savoir pourquoi elle est nécessaire, sans explication, simplement parce qu'un texte est beau. Je me souviens d'un truc, c'était marrant, parce que c'était... On faisait un thème sur la ville, parce qu'il faut travailler par thème pour ne pas partir n'importe comment. Et alors, à un moment donné, il y avait, comme dans tout thème, la ville et l'amour. L'amour est toujours là, partout. Et il y avait, à une passante, « Au toit que je sais, mais au toit qui le savait » , parce que c'est une passante qui parle. Et alors, je ne leur ai pas dit que c'était un conditionnel deuxième forme, ils s'en foutent, tout le monde s'en fout d'ailleurs, ça n'a pas d'importance. et... J'ai simplement dit « Oh toi que j'aurais pu aimer, oh toi qui aurais dû le savoir » . Enfin bref, on a changé de ton, c'est moche. Et puis, je me souviens qu'ils sont descendus de la récréation en disant « Oh toi que je sais, mais oh toi qui le savais » . Bon, je ne fais pas de conjugaison, mais je leur apprends qu'une langue, la nécessité absolue de la transmission d'une langue, c'est aussi ça.

  • Speaker #1

    Et toi, du coup, tu as enseigné normalement jusqu'à la retraite ? qui est définie pour les enseignants ?

  • Speaker #2

    À mi-temps, toujours. Tu as toujours été à mi-temps ? Oui, parce que je m'occupais d'une revue de psychanalyse. Enfin, j'aidais une revue de psychanalyse parce que mon mari était psychanalyste.

  • Speaker #1

    Et après, il y a la retraite. Et là, tu te dis que tu ne peux pas t'arrêter de transmettre.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas une question de ne pas m'arrêter. C'est une question de... C'est... En fait, je travaille... Je lui dis, j'enseignais normalement. Non, qu'en langue, je crois que c'est au printemps de la poésie, je ne sais pas, il était ministre de l'enseignement à cette époque-là. Il a vu mon travail et il a aimé. Il a senti qu'en fait, il y avait quelque chose pour justement l'acquisition de la langue. Il y avait vraiment quelque chose d'important. Et bon, il m'a fait venir. Après, il a suivi mon travail. Il a aimé, il est toujours venu voir.

  • Speaker #0

    Il est mort à la fin de l'année, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Oui, voilà. Et puis, il avait créé une cellule d'innovation pédagogique. Enfin, l'innovation pédagogique, ce sont toujours les mêmes innovations, d'ailleurs. Bon, ça s'appelait l'innovation pédagogique. Et moi, j'étais une innovation pédagogique, que j'ai toujours faite, mon fameuse innovation pédagogique. Et il a créé cette mission-là, il m'a déchargée de cours. J'avais donc 18 heures par semaine, c'est-à-dire les heures normales que je devais faire normalement. Je les dispensais dans plusieurs établissements. Je prenais donc ces deux fois trois quarts d'heure. aux instituteurs, qu'on appelle maintenant les professeurs de l'école, sous l'appellation « Acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie » . Et donc, c'est grâce à cette mission, qui était à l'éducation nationale, que j'ai pu continuer à faire ce que je fais. Mais je le fais beaucoup moins maintenant. Je le fais 8 heures par semaine. Ou pas 18 heures.

  • Speaker #0

    Et de façon bénévole.

  • Speaker #2

    Et complètement bénévole. Parce qu'alors là, c'est une complication formidable si je devais être payée pour faire des ateliers que je ne veux pas faire, pour une somme tout à fait normale pour l'éducation nationale, mais qui n'avait pas beaucoup d'intérêt à côté de l'utilité que je peux avoir si je rentre dans une classe, vraiment. Oui, ben oui. Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fin de l'année, il y a comment ?

  • Speaker #2

    Alors, tout, tout... Ah oui, chaque année, quelle que soit... classe, il y a un spectacle. Alors, quelquefois, j'arrive à avoir un théâtre. La plupart du temps, je vais à la société des gens de lettres qui aiment beaucoup mon travail. Je vais au théâtre espagnol. Des fois, j'étais un peu partout parce que ça, il faut que ce soit les directeurs d'école ou les inspecteurs qui trouvent un moyen. Alors, suivant leur enthousiasme, suivant qu'ils viennent voir ou pas, voilà, ils font ça. Mais enfin, bon. De toute façon, il y a dans l'école, indépendamment d'une... il y a toujours une représentation pour les parents.

  • Speaker #0

    Et là, on assiste justement à des enfants.

  • Speaker #2

    Et on assiste à ce que j'appelle un récital de poésie-littérature sur le thème choisi. Alors, cette année-là, je viens de faire... Alors, ils hésitent entre la matière, c'est très, très dur, ils ont huit ans quand même, mais c'est très possible.

  • Speaker #0

    C'est eux qui choisissent le thème ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire... Alors là, je pense à ça, parce que dans l'école où je suis allée hier, Ils font un truc sur les quatre éléments, sur la course du globe. La course du globe ? Oui, c'est ça. Alors, ils hésitent entre la mer, entre la matière, parce qu'ils veulent qu'il y ait quelque chose en correspondance avec la sauvegarde de tous les éléments. Enfin, alors, moi, je vais donc chercher dans ma tête, parce que En fait, je ne sais jamais. Je travaille très au jour le jour. Je ne travaille pas dans une perspective. Les textes sont là pour les faire penser à plusieurs niveaux. Je ne sais pas, pour dire par exemple, si on fait un thème sur le goût, le goût, ce n'est pas simplement manger, miam, miam. Le goût, le sucré, c'est le goût de la vie, c'est le goût de l'amour, c'est le goût de la transgression. Enfin, je veux dire, tout thème est porteur de la même chose. C'est en ça que c'est... C'est très important, la littérature et la poésie, parce qu'on pénètre dans l'humain et dans ce qu'ils sont. Et qu'ils soient très introvertis, très timides. Et quand ce n'est pas leur langue maternelle, je cherche toujours des textes. Je ne sais pas si j'ai des cabilles. La poésie étant universelle, je trouve la poésie chinoise, la poésie turque, la poésie anglaise. Et quand j'ai des enfants et des parents qui m'aident, à ce moment-là, l'ensemble de la classe peut prendre quelques verres en allemand, en français. français, je ne sais pas, si on fait l'eau, par exemple, l'année dernière, il y avait la Loreley de Hain, qui était en allemand et en français, et il y avait la Loreley de Apollinaire, qui était... Mais là aussi, on croit que c'était extraordinaire. Moi, j'ai une petite fille qui a 5 ans, ce n'est pas grâce à moi, parce qu'elle m'écoutait de temps en temps, elle savait à 5 ans, la Loreley, c'est absolument extraordinaire, quand elle avait 5 ans, c'était ma bohème de Rimbaud, je m'en allais, les points dans mes poches, je crois. Puis ça marche formidablement bien. Bon, il y en a qui sont plus ou moins doués pour ça, mais tous, à un moment donné ou à un autre, arrivent à ça, justement, cette petite... Je ne sais plus quoi c'était... Le voyage et l'amour. Alors, il y avait un texte de Baudelaire. Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordis tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. Il y avait une petite fille, créole sûrement, qui ne disait pas un mot, pas un mot, puis on fait vriller à l'œil. Marie, je peux dire ça ? Oui, 10, 10, bien sûr, c'est formidable, tout le monde s'arrête, elle va être chargée de ce moment baudelairien. Et puis... J'étais là dans l'école, par hasard, à 4h30, je sors, et je la vois se précipiter vers une superbe créole. C'était sa mère. Et ça a dû correspondre à un moment donné à une telle vision de sa mère qu'elle a eu envie de le dire. Et puis après, d'ailleurs, elle a dit comme tout le monde.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant ce que tu dis, parce que les grands textes, en général, on y a accès très tard.

  • Speaker #2

    Et alors, ma petite fille, qui est en première maintenant, celle qui lisait, me dit, tu sais, on a eu un texte sur Rimbaud, et j'avais dans mon portable, parce que mon père m'envoyait, moi, disant ma bohème, à 5 ans, j'ai failli lui montrer. j'ai dit mais tu peux parce que je ne veux pas que ça fâche la ch'cul j'ai dit oui mais pour un prof c'est tellement important de savoir quand on leur met ce genre de trace à l'âme petit mais ça les libère pour après moi très souvent profs m'ont dit, mais on sait les enfants qui sont passés par ce genre de travail. Et puis, maintenant, quand on me demande, alors un troisième point, il y a eu donc le Sahara, le moment qui m'a donné cette année. Après, quand j'ai travaillé à la DAS pendant 11 ans, à un moment donné, je faisais un cours d'histoire et je les emmerdais, vraiment. J'ai senti là... une vague d'apesanteur, de pesanteur, pardon, de pesanteur dans la classe. Je me suis dit, là, c'est insupportable. Un prof ne doit pas emmerder ses élèves. Il n'y a rien à faire. C'est peut-être un terme un peu qu'il faudrait enlever de là. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout. Et puis, on s'est tous un peu emmerdés en classe.

  • Speaker #2

    Je me suis dit, ce n'est pas possible. Je faisais le Moyen-Âge et tout d'un coup, je me suis souvenu d'un livre de Gustave Cohen, pas d'Albert Cohen, Gustave Cohen, qui est un historien du Moyen-Âge. et j'ai repris un passage où il construit Notre-Dame. En disant, à un moment donné, ces arcs boutants, ces croisés de givres, ces gargouilles, ces machins, ces trucs. Il y avait une espèce d'élan formidable. J'ai pris ce texte. Parce que je ne dis pas que des poèmes. Il y a des textes de prose, bien sûr. Et tout d'un coup, ils ont construit ça. Et tous ces termes, c'était... c'est... Voilà, allez. Alors, les croisés de vie, non, c'était fini. Il y avait cet élan formidable. Et là, je me suis dit, ma vieille, c'est fini. Il faut que tu l'aimes. Bon, il y a eu ça. Et puis, il y a eu un troisième moment très important dans ma vie. J'avais 15 ans, ce moment-là, bien avant tout ça. J'ai eu le privilège, je dois dire, c'est un grand privilège, de connaître la nièce du général de Gaulle, jeune veuve de Gaulle, Carpon, etc., qui était une amie de mon grand-père, qui t'aiment. un grand compagnon de la Libération, etc. Et elle discutait avec lui. J'étais là et elle a dit, elle était à Ravensbrück pendant la guerre et elle racontait que le matin à l'aube, pendant l'appel terrible, tu vois, dans le froid, dans l'horreur totale, elle était là et elle avait repéré une jeune fille qui disait des vers de Valéry. Et alors, évidemment, comme elle pouvait, sans faire de bruit, sans se faire remarquer, elle s'était approchée d'elle pour les entendre. Et je me souviens de cette phrase, j'avais même pas 15 ans, je crois. Elle a dit, et ces vers m'ont aidé à tenir debout. Et alors, quand on me demande, mais quels sont les choix, gna gna, je suis écoutée, en principe, la vox populi, c'est-à-dire les vers qui ont traversé beaucoup de choses, et même la... même contemporains, mais qu'on aime, etc. C'était vraiment un critère. Et en tout cas, mon critère à moi, c'est de leur donner un matériau qui les aide à tenir debout toute leur vie dans les moments très, très joyeux ou dans les moments terribles. Voilà, c'est un truc...

  • Speaker #0

    Et la littérature,

  • Speaker #2

    c'est quelque chose... Et la littérature et la poésie, quand elle est comme ça, ben voilà. C'est comme ça.

  • Speaker #0

    Et ils font la différence, les enfants, entre les très beaux textes et les textes moins...

  • Speaker #2

    Ben... Eux, les enfants, non, c'est vous qui... Les enfants, ils font la différence en le savoir, parce que ce sont des juges absolument, je dis d'ailleurs, intraitables. C'est-à-dire, quand vous leur donnez un joli petit texte, bon, ils l'abandonnent assez vite, ou alors ils le prennent comme des comptines. Tandis que quand vous leur donnez un texte solide, beau, au-delà du bien, du mal... Euh... Ils le gardent, ils ouvrent une porte, et puis une autre porte, et puis une autre porte, et puis s'ils grandissent, ils ouvrent des portes, mais ils ne le quittent pas. Ils ne quittent jamais la table de Baudelaire, ils ne quittent jamais la table de Guilvic, ils ne quittent jamais la table d'Apollinaire, de Rilke, ce n'est pas vrai, c'est impossible. Parce qu'un beau poème, c'est immense, c'est universel. C'est infini. C'est d'ailleurs la forme la plus parfaite, vous diront les philosophes, et c'est vrai. Comment dire ? Je n'ai plus qui disait que on est bilingue quand on a une langue et la poésie. La littérature, la grande littérature. C'est ça la différence. La grande différence. C'est pour ça que véritablement, moi-même, ce que j'aurais aimé laisser, c'est que Il faut donner des textes magnifiques, des textes profonds, des textes dits difficiles. On ne peut pas parler de la phénoménologie de l'esprit, d'accord, parce que c'est une langue autre, la philosophie, où il y a même des poèmes impossibles. Ce n'est pas ça, mais il y a des poèmes. Mais en plus, le non-sens, l'au-delà du sens, tout ça, les enfants traversent le miroir beaucoup plus facilement qu'après. Il faut savoir que... surtout à cet âge-là, moi j'appelle ça l'âge miracle, mais ce sont des éponges. Ils prennent tout ce qu'on leur donne. Et moi, je vous dis, j'arrive et je dis, j'en ai assez de ce... Qu'est-ce que j'ai... J'ai pas dit tantamarre, j'ai dit, tout à l'heure, j'ai dit... Cacophonie. Ah, mais ce mot cacophonie, qu'est-ce qu'ils sont marrés avec ce mot cacophonie. Ah, mais quelle cacophonie ! Alors, vas-y... Bon, synonyme, homonyme, ils s'en foutent, mais allez, tantamarre, vas-y, je cherche, machin. Et puis, on s'amuse avec les mots. Bon, ça, c'est normal. Tout le monde a fait ça. Maternelle, les maternelles sont encore géniales en France. Les maternelles, c'est formidable. Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour les maternelles. Ils font des choses extraordinaires. Après, c'est plus compliqué parce qu'ils deviennent plus compliqués. Mais en tout cas, il faut savoir que, d'abord, quand on me dit, mais est-ce qu'ils ont tout compris ? Alors je dis, est-ce que vous, vous avez tout compris quand vous avez lu Les Illuminations de Rimbaud ? Si vous avez tout compris, félicite, peu importe. C'est exactement l'histoire du Fus infâme. L'astuce du Fus infâme. Ça n'a aucune espèce d'importance.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vachement important, je trouve. C'est pas important qu'on ait compris, mais qu'on ait ressenti. Et ça, ça n'existe plus aujourd'hui,

  • Speaker #2

    j'ai l'impression. La poésie, la poésie. Écoute... Je suis ténébreux, le veuf l'a consolé, le prince d'Aquitaine à la tour Aboli. Ma petite fille, elle avait 7 ans, elle m'a entendu dire ça. Et j'ai dit, qu'est-ce que ça veut dire ? J'ai dit, ben voilà, je crois que ça veut dire ça. C'est vrai qu'elle est un peu spéciale, mais enfin bon, il y a plein d'enfants spéciaux. Et c'est resté pour elle quelque chose de... Ma seule étoile est morte, et mon lieu de constellé, etc. Le soleil noir de la mélancolie, c'est le soleil noir de la mélancolie. Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? C'est merveilleux ce mot. Qu'est-ce que c'est la nostalgie ? Je suis nostalgique de mes vacances, mais je suis mélancolique. Je ne sais pas très bien de quoi et pourquoi. Mais quand vous leur posez la question, quand on les ferme les yeux, ils essayent de trouver pourquoi tu es mélancolique. Nostalgique, tu vois, tu regrettes quand tu étais en Corse en train de faire du bateau. Ce n'est pas la même chose. Alors les deux mots prennent une consistance. et puis quand ils ne prennent pas de consistance, ils ont la musique. Et quand ils n'ont pas la musique, ils ont la puissance de résonance que chacun a. L'autre, il résonnera avec mélancolie et nostalgie. Et l'autre, avec cacophonie ou avec le football ou avec je ne sais rien quoi. Quelquefois, j'ai eu le fils de... Comment il s'appelle ? Nique ta mère.

  • Speaker #1

    NTM ?

  • Speaker #2

    Joës Farr ? Joës Farr. Il est venu voir son fils, il était ébloui par son fils qui avait transformé quoi en rap ? Ah oui, c'était non, rien de rien, je ne regrette rien. Parce que j'en avais marre, j'avais pu dire que j'étais insupportable, mais il était très très chouette. Alors, non, rien de rien, etc. Il avait fait ça. Voilà, enfin, c'est ça quoi. Bon, bref.

  • Speaker #1

    Et puis en plus, comme tu dis, ce que je trouve assez chouette, quand tu dis soleil noir, déjà, de toute façon, tu as une image. Et en fait, c'est tellement dans l'imaginaire et les enfants, ils sont tellement dans le jeu, dans l'imagination encore. C'est vrai que c'est bête de ne pas leur donner ces textes, parce que même s'ils ne les comprennent pas, effectivement, c'est tellement imagé. En fait, la politique est tellement imagée que...

  • Speaker #2

    Oui, oui, bleu comme une orange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, je vois, c'est génial.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, on n'a qu'à voir les dessins des maternelles, c'est fabuleux. Quand tu vois le dessin des CM2, c'est beaucoup moins fabuleux. C'est formaté. Il faut enseigner en se souvenant de ce qu'on était, nous, enfants. La perte du souvenir de l'enfant, c'est très délicat.

  • Speaker #0

    Quand tu es enseignant, c'est comme une maladie mortelle. L'enseignant, je crois. Moi, je sais que je me souviens tellement de mon enfance, des choses affreuses et des choses formidables. Attention, ce n'est pas mon enfance, là que c'est beau. Non, non, c'est une période dure, l'enfance. Attention, pardon, même Jules. On en bave et en même temps, c'est fabuleux. Mais on est des petits rois et en même temps, on tombe d'un piédestal. On souffre d'amour. Enfin, il y a tout, quoi.

  • Speaker #1

    Si on découvre tout, surtout.

  • Speaker #0

    Si on découvre tout. Par exemple, la première chose, mon premier cours, hier, c'était hier, lundi, oui. Dans une case, c'est le premier cours. Alors, j'ai simplement dit, voilà, il y a un poète qui a écrit, si un jour tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? Ça, c'est une grande question. Alors, il y a un enfant, j'ai dit, est-ce que vous avez déjà vu quelque chose ? Oui, alors, il y en a un qui a dit, moi, j'ai vu un arbre qui... était en fleurs et qui m'a dit, tiens, je te donne une fleur. Et j'ai tendu ma main et la fleur est tombée dans ma main. J'ai dit, c'est formidable. C'est trop beau. Mais il m'écrit des poèmes. J'en ai plein. Je crois que j'en ai apporté un ou deux d'hier, justement. Ils disent tous merci. Et puis, par exemple, c'était l'eau. Je me souviens d'un truc qui leur a plu. L'eau, c'est aussi le bruit de l'eau. Alors, il y a un poème extraordinaire de Guévy qui dit je n'en pouvais plus. plus d'entendre ce morceau de granit me raconter son histoire depuis les origines. J'avais beau lui dire je sais, le morceau de granit continuait. Soleil, incendie, déluge, et le pire, l'eau goutte à goutte pendant des millénaires. Alors je leur fais faire jusqu'à des millénaires, jusqu'à la folie totale. Alors cette espèce de rencontre de l'eau, tu vois, tout à fait, et de la matière, mais qui finalement rend grâce, quoi, tu vois. Alors je leur apporte des trucs pour les caresser, tu vois, des morceaux de granit. tout froid, on fait des glouglous, on va au robinet, il faut les sortir, je les ai emmenés sur la tombe de Baudelaire, si bien on parle. On sort. Alors, en principe, tout ça aide. Je déteste, j'interdis aux profs de toucher à mes textes. Ils font, ils élargissent leurs trucs, mais les textes eux-mêmes, il ne faut pas les rendre scolaires, donc on les laisse.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, il ne faut pas rendre les choses scolaires et ça donne encore. plus envie aux enfants.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'ils peuvent avoir... La récitation, ça n'existe pas. Comment est-ce qu'ils apprennent ? Parce qu'on est éblouis de les voir pendant une heure. Il y en a qui retiennent absolument tout. Il y en a qui retiennent des passages particuliers ou des poèmes et des passages d'autres poèmes. Mais comme c'est toujours lié à un thème, ils retrouvent tout ça. Il y en a qui savent très bien tous les noms d'auteurs et qui les raccrochent. Il y en a dont ils ne savent plus exactement, qui rient, ok, ça ne fait rien, parce qu'ils vont retrouver ça. Tout ça est gravé dans leur mémoire, ça n'a pas d'importance.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, je vois un peu ça comme une langue étrangère. Oui. Comme tu l'as dit tout à l'heure, parce que moi, quand j'ai eu mon expérience d'apprendre l'anglais, j'étais nulle. À l'école, j'avais 5 ans, ça ne m'intéressait pas du tout. Et en fait, je suis partie en Angleterre, j'étais complètement bloquée. j'ai appris maintenant je suis bilingue Et je suis rentrée, et c'est vrai que maintenant, j'en parlais avec une amie. Il y a des mots que je préfère en anglais. Parce que je me suis fait tout un imaginaire, et dans la consonance, ça résonne plus. Et je me dis, quand c'est une langue étrangère qu'on a appris, justement, quand on est petit, on dit que c'est beaucoup plus facile d'apprendre une langue étrangère. Et ça reste, et les consonances des mots, elles peuvent nous aider. Ça permet de le voir différemment. Et l'utiliser dans la langue française, je trouve ça génial.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est exactement ça. Alors donc, ils savent... Et puis, ils sont sans... Ils sont obligés aussi, parce que comme il y a les titres donnés par quelqu'un, n'est-ce pas ? Sur la rubrique, par exemple, l'eau et l'amour, tiens, à l'été des chaussées de Victor Hugo. Et on commence en chœur et puis quelqu'un dit, je ne sais plus comment ça commence. Et puis eux, ils savent beaucoup mieux que moi, parce que moi, j'oublie automatiquement. Ils sont tout neufs, je ne sais pas, les pieds nus, etc. Puis après, l'autre reprend quelque chose. Donc, il faut une écoute et il faut qu'ils sachent. ce qui vient avant et ce qui vient après. Donc automatiquement, à la fin de l'année, même s'ils n'ont pas bien appris, ils le savent sans s'en apercevoir. Donc ceux qui ont beaucoup de mémoire et qui aiment, dès le début ça marche, les autres, à la fin, ils savent pratiquement tout quand même.

  • Speaker #2

    C'est comme une chanson que tu entends tout le temps.

  • Speaker #0

    Voilà. Et ça, c'est par imbibition, par écoute, comme ça, globale, des choses, par moi qui... qui les engueulent sur un truc ou qui les félicitent. Quand je leur dis mais c'est nul ça, mais c'est nul, c'est un robinet d'eau tiède que tu viens de faire. Tu recommences. Ah là, ça c'est génial. Parce que je leur dis qu'ils sont nuls et je leur dis qu'ils sont géniaux. Je ne dis jamais qu'ils sont nuls si je ne pouvais pas leur dire après, mais c'est merveilleux. Ça jamais. Mais en tout cas, alors évidemment, il y a des petits pervers polymorphes. Elle m'a dit que j'étais nulle. Alors les parents, vous avez dit à mes enfants qu'ils sont nuls. Puis après, ils se rendent compte qui sont tellement contents à la fin de l'année, tellement valorisés. Il faut qu'ils bouffent leurs textes, il faut qu'ils l'absorbent, il faut que ça fasse partie d'eux-mêmes, qu'ils les vendent, qu'ils les possèdent. qu'il soit à eux profondément, que ce soit vraiment quelque chose qui leur appartient. Donc, il faut que ça leur appartienne avec leur corps. Là, par exemple, j'avais juste dit ça. Si un jour, tu vois, alors voyez, l'imaginaire, c'est ça la poésie, vous avez le droit de le dire parce que ça existe. Vous l'avez vu sourire ? À partir du moment où vous en êtes certain à vous, ça existe. C'est comme votre doudou. Moi, je commence très souvent par un poème de Rainer Maria Rilke qui s'appelle La licorne. Oh, c'est elle la bête qui n'existait pas. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, mais rien que toujours de la possibilité d'être. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, etc. Et cela lui donna à elle tant de force qu'elle s'en fit une. Alors, je dis, c'est comme votre doudou, si vous l'abandonnez. Il n'existe plus, c'est un vieux chiffon. Mais tant que vous êtes là et vous ne nourrissez pas, vous ne lui donnez pas à bouffer du riz, mais il ne bouffe pas ce que vous l'aimez. Et c'est ça, c'est ça le truc. Et alors, bon, hier, si un jour tu vois que... Est-ce que tu iras le dire ? Non, mais... Ne le lis pas. Et toi, tu veux le dire ? Ben oui, dis-le. Tu es libre. Tu es libre de dire tes secrets à toi, de ton imaginaire ou de l'éther. Ça n'a plus d'importance. Soit à un moment donné, de décider de le dire à un tel ou un tel. Mais ça existe. Tu as le droit. Être au monde, c'est ça, être au monde. Ce n'est pas simplement pipi, popo, manger, dormir, papa, maman. C'est tout ce que vous êtes, réellement. Ah oui, c'est quand la nuit, moi ? Après, il parle, bien sûr. Il y a tout le dialogue avec les enfants. Ça, c'est une place. Alors, c'est pour ça que je ne sais jamais si j'irai jusqu'au bout d'un poème un jour, si j'y mettrai 15 jours, si je vais commencer par celui-ci et non pas à l'intervention d'un enfant qui peut complètement changer l'ordre des choses. Je ne prépare jamais. J'ai quelques poèmes, je sais que ça, à un moment donné, oh, ça c'est beau, tiens, par exemple, sur la mer, il y a un poème de Michaud où il écrit « Je vous écris d'un pays lointain » . Vous savez, c'est merveilleux la mer. Vous serez très étonnés quand vous viendrez me voir. C'est un truc complètement surréaliste de Michaud, mais c'est merveilleux. Alors, je le mets de côté, je sais qu'un jour, quand on aura fait les classiques de la mer, le bateau, le machin, et puis le petit navire, il y aura le poème de Michaud qui arrivera pour autre chose. Mais je ne sais pas quand on va en commencer un tel et tel show. Et puis, quelquefois, j'oublie. Je suis très bordélique, donc je perds. Mais on retombe toujours sur nos pieds parce que la poésie est toujours là. Qu'on commence par une poésie chinoise ou qu'on commence par... Et puis c'est bien parce que les enfants, symboliquement, ça les situe bien. Quand ils sont... Je ne sais pas, par exemple, l'année dernière, justement, j'avais un petit... mais un ukrainien. Et, bon, j'ai donné un poème en ukrainien, bien sûr. Ça l'a beaucoup aidé à être intégré, parce que les enfants ont répété deux ou trois vers. Alors, moi, ils se moquaient de moi, parce que moi, je n'y arrivais pas, mais eux, ils arrivaient très, très, très bien. Essayez de m'apprendre, ils essayaient de m'apprendre. Parce qu'il faut qu'il y ait un vrai dialogue. Il faut que ce soit des... Comment dire ?

  • Speaker #1

    Une base communiquante ?

  • Speaker #0

    des... Oui, des interlocuteurs, vous voyez. Il faut que ce soit vraiment un aller-retour avec les enfants. Je leur dis très souvent, moi je sais plus de choses que vous parce que je suis vieille, mais vous êtes largement aussi intelligents que moi, et peut-être beaucoup plus intelligents, ça n'a pas d'importance. Vous avez besoin de moi, j'ai besoin de vous. Et le poète a besoin de vous, c'est une triangulation très importante que je signale très très souvent. Le poète, quand je leur dis non, là, ça... Il n'aurait pas supporté que tu habibes ce qu'il a écrit. Alors, tu recommences. Et puis moi, je ne supporte pas parce que je l'aime et toi. Et donc, on fonctionne vraiment tous les trois. Et une unité de classe, parce qu'on est tous ensemble et parce qu'on est unique. Voilà, je leur dis toujours, je suis rentrée dans une classe et maintenant, mon visage est chez vous, dans votre tête, alors qu'il y a une demi-minute, vous ne l'aviez jamais vue. C'est merveilleux quand même. C'est un truc extraordinaire de se dire que... Un nez, deux yeux, cinq éléments, ça fait des visages complètement différents. Regardez-vous, alors touchez-vous. Il ne faut pas toucher. Il ne faut pas se toucher. Mais c'est épouvantable. C'est une époque épouvantable pour un enseignant. Moi, je transgresse tout et n'importe quoi. Mais parce que j'en ai rien à foutre. Et puis parce que... Mais ces pauvres instituteurs, ces pauvres professeurs, c'est vraiment un métier dur en ce moment. Je les plains beaucoup.

  • Speaker #1

    Et ces pauvres enfants aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, ces pauvres enfants, parce que finalement, ils sont moins bien enseignés, c'est sûr. C'est très compliqué, c'est très difficile actuellement. C'est beaucoup plus difficile qu'un enseignement. Merci.

  • Speaker #2

    En tout cas, Marie-Dominique, on arrive sur la fin.

  • Speaker #1

    C'est tellement vite. Est-ce que tu veux rajouter un petit mot pour la fin ? Un conseil peut-être à des parents ou à des enseignants ?

  • Speaker #0

    Peut-être que je pourrais prendre ce que dit René Char, qui n'est pas un de mes poètes favoris, parce que ça ne passe pas très bien avec les enfants. Parce qu'il faut savoir qu'il y a des poètes qui ne sont plus... Enfin, tout au moins, on peut sélectionner. Char est très difficile, même dans des sélections. Mais enfin, il dit une chose très vraie, c'est que la poésie, ça doit laisser des traces et non des preuves. C'est beau. Et l'enseignement aussi, je crois que ça doit laisser des traces très importantes, avec des preuves aussi. Mais bien sûr, des traces.

  • Speaker #1

    J'espère que notre émission laissera des traces parce qu'en tout cas, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    On est très heureuses de finir

  • Speaker #2

    la carrière justement avec toi qui enseigne à ses futurs à ses enfants qui auront des futures carrières et qui seront tracées de poésie oui c'est vrai merci en tout cas merci vous et à la semaine prochaine et oui pour un nouveau thème ouais

  • Speaker #1

    Flamme des années 80 le podcast qui allume la femme

Chapters

  • Introduction et présentation de Marie-Dominique

    00:10

  • Les débuts de Marie-Dominique en Algérie

    00:30

  • L'importance de la poésie dans l'éducation

    01:27

  • L'enseignement à la DAS et l'impact des grands textes

    02:33

  • Réflexions sur l'enseignement et la transmission

    06:40

  • Conclusion et conseils pour les enseignants et parents

    14:06

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Description

Peut-on encore transmettre la beauté des grands textes à des enfants de 8 ans ? Comment la poésie peut-elle aider à grandir, à se révéler, à se sentir vivant·e ?

Dans cet épisode passionnant, Marie-Dominique, enseignante retraitée… mais toujours en action, partage une vision bouleversante et lumineuse de l’éducation.

À 19 ans, elle commence sa carrière dans une école de fortune en Algérie, dans un désert oublié, sans aucune expérience. Depuis ce jour, elle n’a jamais cessé d’enseigner — dans les écoles, à la DAS, dans des établissements publics, toujours au cœur des réalités sociales. Sa méthode ? Transmettre le goût de la langue française par les grands textes de littérature et de poésie.

Dans cet épisode, elle raconte avec émotion et humour son parcours de femme engagée, d'enseignante passionnée et d’amoureuse des mots. Elle nous rappelle que les enfants sont des éponges, que les mots sont des graines, et que la poésie est une arme douce, mais puissante, pour aider à tenir debout toute une vie.

Avec elle, les enfants apprennent à dire Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, ou Guillevic. Elle leur apprend à écouter, à vibrer, à ressentir. Pas de récitation scolaire, pas de notes, pas de programmes : juste le feu du langage et la liberté d’être.

Un épisode vibrant, essentiel, qui parle de la flamme de l’éducation, du pouvoir de la transmission, et du rôle fondamental de la poésie dans la construction de soi. À écouter absolument si vous êtes parent, enseignant·e ou simplement touché·e par l’idée que la beauté peut changer des vies.

🎧 Flammes des Années 80, c’est le podcast qui accompagne les femmes dans leur développement personnel, leur bien-être et leur liberté d’être.

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🎙️ Flammes des Années 80 – Le podcast qui allume la femme.
Chaque semaine, des conversations autour du développement personnel féminin, de la confiance en soi, du bien-être, de la transmission et de l’épanouissement personnel. On y explore l’introspection, les émotions, la résilience, la maternité, l’amour, la psychologie et les témoignages inspirants de femmes et d’hommes audacieux. Un podcast pour femmes, pour révéler sa flamme intérieure, oser être soi et nourrir sa spiritualité féminine.
Flammes des Années 80, pour écouter votre flamme intérieure grandir. 🔥


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Flamme des années 80.

  • Speaker #1

    Le podcast qui allume la femme.

  • Speaker #0

    Bonjour, donc on parle toujours de carrière et on est très heureuse aujourd'hui dans cette émission bonus. Vous agatez, on a fait plein d'émissions spéciales et d'émissions bonus pour ce thème. On a la chance de recevoir Marie-Dominique. Est-ce que tu veux te présenter Marie-Dominique ?

  • Speaker #2

    Oui, enfin professionnellement en tout cas, puisque c'est ça qui vous intéresse. J'ai une carrière un petit peu... spéciale. Je suis une enseignante, je suis partie très très jeune en Algérie, juste après l'indépendance. J'ai commencé ma carrière là-bas, dans un endroit absolument paumé, qui s'appelait Bidon 2, qui était près de Colomb-Béchar. Il y avait 83 enfants dans une baraque Choir-Saumon, absolument inimaginable. Et j'ai beaucoup soigné de trachomes, presque plus qu'enseigné, parce qu'ils étaient tous, enfin, beaucoup d'enfants. Il y avait ce tracôme, donc il fallait passer le matin la pénicilline, etc. Ensuite, comme ils ne mangeaient pas tous très bien, il y avait la cantine, la chorba. C'était vraiment, je ne vais pas avoir l'air d'un ancien combattant, mais c'était un peu compliqué. C'était en 65. Moi, je venais juste de passer mon bac et j'y étais parce que mon... Mon père était juriste et s'occupait de la passation du Sahara algérien, qui se faisait après l'indépendance classique. Et donc, j'avais connu cet endroit et j'avais aimé le désert. Au lieu de... Comme j'avais eu un bac, je m'en souhaiterais bien. Et à cette époque-là, il fallait un an de propé avant de commencer les études. Moi, je n'en avais pas besoin à cause de cette pension, donc je me suis dit, je prends un an et je pars. Mes parents étaient déjà rentrés et je pars à Colomb-Béchar. À ce moment-là, c'est Colomb-Béchar, c'est devenu Béchar. Je me suis retrouvée dans cet endroit sans expérience, rien du tout. Je dois dire que ça a été extrêmement bénéfique pour mon travail futur, moins bien pour mes études, puisque ça a fait un grand blanc. Il a fallu rattraper tout ça après. Bref, j'ai su rester quatre ans, tout en passant des examens à Alger, au Rambon, etc.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu enseignais là-bas ?

  • Speaker #2

    J'ai enseigné, oui. On peut dire que j'ai enseigné, oui. C'était plus dans un cadre de l'éducation nationale algérienne d'abord, et puis ensuite, je ne sais pas, franco-algérienne, enfin bref. C'était un peu imprécis, cette époque-là. Et je dois dire que j'étais un petit peu paumée, surtout par le nombre extraordinaire. Moi, j'avais 19 ans. Enfin, c'était quand même un peu étrange. Et puis, je me suis dit, bon, que faire ? À un moment donné, je ne savais pas. J'étais débordée. Alors, je suis partie au marché arabe et j'ai acheté, je ne sais pas combien, 20 mètres de tissu bleu. Et on est partis avec les enfants parce que les baraques Chouard-Saumon étaient dans la Hamada, c'est-à-dire cette zone plate, pireuse, avant les dunes. Et alors on a pris ce grand voile bleu et j'ai décidé que c'était la mer Égée. Et on est partis avec Ulysse en voyage. Je ne sais plus comment ça commence comme ça. « Ulysse dériva sur la vague gonflée, que deux fois en un jour il y venire la mort, quand ? Du troisième jour, etc. » Et donc, là, je me suis rendu compte que, en fait, la poésie, c'était un véhicule absolument magique pour ce que l'homme a d'universel et de très particulier, parce qu'ils ont été des enfants de la Mare Nostrum, très enfants qui partaient pour ce voyage merveilleux. auraient été les enfants de France et de Navarre et d'Asie, d'Afrique ou d'Océanie. Et en même temps, petit à petit, quand on est rentré dans cette espèce de mise en scène, les individualités se révèlent et chacun voyage, aime, pleure, crie, a peur d'une façon particulière. Alors j'ai appris qu'enseigner c'était surtout... trouver le moyen d'avoir une individualité globale, la classe, et la faire voyager dans une unité parfaite et en même temps. faire attention à toutes les particularités, tous ces petits enfants d'hommes qui sont uniques, chacun dans leur style. C'est cette espèce de gymnastique qui fait, je crois, le talent d'un enseignant. C'est ça, enseigner en fait. Et ça, je dois dire que j'ai appris aussi, enfin j'ai dû le savoir quelque part dans ma vie, parce que j'ai eu la chance d'avoir une famille qui aimait l'altérature, la poésie, la philosophie. J'étais privilégiée, sans le savoir d'ailleurs, parce que quand je suis partie, tout ça me semblait tout à fait normal. Mais je me suis rendue compte qu'il y avait un âge absolument magique quand les enfants... Parce que j'étais dans une école primaire, après je suis allée dans des écoles un peu plus... dans des collèges et des lycées, mais c'était beaucoup moins bien. Je me suis rendue compte que l'âge magique, c'était juste après l'apprentissage de la lecture, quand ils savaient à peu près lire. Et avant l'entrant sixième, où ils sont obligés d'acquérir des automatismes scolaires, etc. Là, ils sont absolument libres, ils sont magiques. Donc, ils pénètrent la poésie et la littérature formidablement, parce que ça les raconte avec des mots qui sont aux autres. Donc, c'est très cathartique d'un côté, puis en même temps... mais... Ça n'oblige pas un enfant timide ou, je ne sais pas, ou dissimulé, de raconter avec ses mots la joie, la peine, la transgression, le désir, les mensonges, enfin, tout ce qui fait l'homme. Donc, voilà pourquoi j'ai commencé. Après, je suis rentrée en France, j'ai fait un peu de psycho. Et puis, je suis rentrée à la DAS. J'ai travaillé à la DAS. En tant qu'enseignante. Dans un endroit absolument merveilleux, dont on a fait un film il n'y a pas très longtemps, qui s'appelait la maison d'enfants de Sèvres, qui était une maison qui avait été créée pendant la guerre pour dissimuler des enfants juifs, et des professeurs juifs d'ailleurs. Et d'ailleurs, en souvenir de ça, on nous donnait des totems. Moi, on m'appelait Antiloque, je ne sais pas pourquoi, parce que c'est mince et je ne sais pas pourquoi. Je venais du Sahara, peut-être, je n'en sais rien. Et là, j'ai rencontré des gens extraordinaires. J'ai repris mon métier avec une femme fabuleuse qui s'appelait... Enfin, on l'appelait Goéland, mais elle s'appelait... Oui, moi, c'était très curieux, mais c'était comme ça. Enfin, bref. Et son mari s'appelait Pingouin. C'étaient des gens magnifiques, décorés de toutes les légendes d'honneur de la Terre, qui avaient fait un boulot formidable. Et alors, il restait des anciens. Par exemple, moi, j'ai travaillé avec le mime Marceau, parce qu'il avait été caché. Enfin bref, j'ai travaillé avec des gens formidables pendant 11 ans. Puis après, comme je voulais avoir un enfant et que travailler là-bas, ça voulait dire travailler 24 heures sur 24, parce que c'était devenu un endroit où les enfants étaient internes et c'était des cas sociaux qui étaient rattachés à la DAS. Mais c'était extraordinaire parce que les Agnoer, parce que c'était leur nom de famille, Yvonne Agnoer, Yvonne et Roger Agnoer, vous pourrez retrouver d'ailleurs toute leur histoire, je vous dis. Il y a un film qui vient de sortir, très beau. Et là, donc, j'ai appris beaucoup. Oui, j'ai appris mon travail globalement, mais cette spécificité qui a fait mon talent, on dirait, modestement, mais en tout cas qui a été utile, c'est que je me suis dit que l'acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie qu'on ne donne jamais aux enfants de cet âge, Parce qu'après, j'ai fait tous les âges, mais je me suis rendu compte que des enfants de cet âge, c'était extraordinaire, ce sont des éponges. Eh bien, c'était absolument extraordinaire. Je peux dire, mais d'une façon incroyable, j'ai enseigné pendant 40 ans et j'enseignais encore alors que je suis à la retraite, moi, mais enfin j'enseigne. Eh bien, je crois que je n'ai jamais eu d'échec. Toujours à la fin de l'année, un enfant a eu dans sa tête... presque une heure de grands textes sur un thème quelconque.

  • Speaker #0

    Et tu penses que ça s'explique comment, cet amour des beaux textes, de la littérature chez les enfants ?

  • Speaker #2

    Parce que ça parle... D'abord, les enfants ne sont jamais arrêtés par les mots. Jamais. Au contraire, c'est comme des bonbons pour eux. Ils les prennent, ils les aiment. Je me souviens, je suis sortie hier d'un cours en disant « Écoutez, c'est une cacophonie épouvantable. C'est insupportable. Ils étaient insupportables. Le début de l'année est toujours très difficile parce que ça demande beaucoup d'écoute puisque je travaille en orchestre. Donc, il faut savoir dire les choses globalement. Donc, comme un chant, chacun ne peut pas chanter sa partition. Et puis, en même temps, ils prennent des passages de ces textes et ils les disent. Ils coupent l'ensemble. Donc, il faut qu'il y ait une attention formidable pour reprendre le texte, etc. Pour s'écouter mutuellement. Et ça, c'était un exercice très difficile et encore plus difficile dans la génération actuelle. Beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Ils ont moins d'attention ?

  • Speaker #2

    Ils ont moins d'attention, oui. Beaucoup moins. Ça, c'est sûr, ils sont sollicités par beaucoup de choses. Les écrans, les machins, les trucs. Ça, ça, évidemment... Enfin, il y a des spécialistes qui vous parlent grand de ça mieux que moi, mais je peux vous dire qu'en tant qu'enseignante, parcouru tout ça, qui est donc un pied là où je ne devrais plus être etc. Mais je peux vous dire que oui, ça c'est incroyable. Donc il faut beaucoup d'énergie, puis vraiment beaucoup de désir de transmettre. C'est-à-dire que ça, c'est la base aussi de l'enseignant. Autrement, il faut être postier ou je sais pas ou n'importe quoi. Non pas que je n'aime pas les postiers, mais je veux dire là, il faut transmettre. Si on transmet sans désir, C'est de l'eau de boudin, ça ne marche pas du tout. Et puis voilà, alors donc, pourquoi les grands textes ? Enfin, les grands textes. Oui, pourquoi les grands textes d'ailleurs ? C'est ça ma spécificité. C'est-à-dire que ce ne sont pas des petits poèmes d'enfants. Ce n'est pas vrai du tout. Ça, ça va peut-être en maternelle. Et encore, ils sont somptueux en maternelle. Moi, j'ai mélangé quelques fois les classes. L'année dernière, j'ai fait un truc avec aussi des maternelles. Et c'est absolument extraordinaire. Mais je dis extraordinaire parce qu'il faut les voir. c'est pas moi qui suis extraordinaire eux, il faut les voir.

  • Speaker #0

    Et juste pour qu'on comprenne vraiment, c'est-à-dire que tu fais des ateliers avec les enfants...

  • Speaker #2

    Pas des ateliers, non, des cours.

  • Speaker #0

    Des cours ?

  • Speaker #2

    Pas d'atelier du tout. Je suis insérée, c'est ça aussi dont je remercie beaucoup les profs, c'est que je prends, ils sont d'ailleurs présents, mais je prends une heure par semaine, ou deux fois trois quarts d'heure, c'est mieux, de cours par semaine. en français, en poésie, enfin, il y a un vocabulaire. Ils se débrouillent dans leur emploi du temps pour me permettre de les avoir deux fois tous trois quarts d'heure. Mais je ne veux pas d'atelier, parce que les ateliers dans l'éducation nationale, surtout quand on est à la retraite, ça se passe par trimestre, en dehors du cursus scolaire. Et moi, je suis une enseignante.

  • Speaker #0

    Tu participes pleinement.

  • Speaker #2

    Oui, ça, c'est une question de pédagogie. Moi, je veux que... Quand ils sortent de cette année-là, mon travail est d'aider l'enseignante pour le vocabulaire, pour l'expression orale, dont on fait tellement de cas en ce moment, pour l'apprentissage d'une langue, dont il faut connaître les liaisons, la conjugaison, et savoir pourquoi elle est nécessaire, sans explication, simplement parce qu'un texte est beau. Je me souviens d'un truc, c'était marrant, parce que c'était... On faisait un thème sur la ville, parce qu'il faut travailler par thème pour ne pas partir n'importe comment. Et alors, à un moment donné, il y avait, comme dans tout thème, la ville et l'amour. L'amour est toujours là, partout. Et il y avait, à une passante, « Au toit que je sais, mais au toit qui le savait » , parce que c'est une passante qui parle. Et alors, je ne leur ai pas dit que c'était un conditionnel deuxième forme, ils s'en foutent, tout le monde s'en fout d'ailleurs, ça n'a pas d'importance. et... J'ai simplement dit « Oh toi que j'aurais pu aimer, oh toi qui aurais dû le savoir » . Enfin bref, on a changé de ton, c'est moche. Et puis, je me souviens qu'ils sont descendus de la récréation en disant « Oh toi que je sais, mais oh toi qui le savais » . Bon, je ne fais pas de conjugaison, mais je leur apprends qu'une langue, la nécessité absolue de la transmission d'une langue, c'est aussi ça.

  • Speaker #1

    Et toi, du coup, tu as enseigné normalement jusqu'à la retraite ? qui est définie pour les enseignants ?

  • Speaker #2

    À mi-temps, toujours. Tu as toujours été à mi-temps ? Oui, parce que je m'occupais d'une revue de psychanalyse. Enfin, j'aidais une revue de psychanalyse parce que mon mari était psychanalyste.

  • Speaker #1

    Et après, il y a la retraite. Et là, tu te dis que tu ne peux pas t'arrêter de transmettre.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas une question de ne pas m'arrêter. C'est une question de... C'est... En fait, je travaille... Je lui dis, j'enseignais normalement. Non, qu'en langue, je crois que c'est au printemps de la poésie, je ne sais pas, il était ministre de l'enseignement à cette époque-là. Il a vu mon travail et il a aimé. Il a senti qu'en fait, il y avait quelque chose pour justement l'acquisition de la langue. Il y avait vraiment quelque chose d'important. Et bon, il m'a fait venir. Après, il a suivi mon travail. Il a aimé, il est toujours venu voir.

  • Speaker #0

    Il est mort à la fin de l'année, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Oui, voilà. Et puis, il avait créé une cellule d'innovation pédagogique. Enfin, l'innovation pédagogique, ce sont toujours les mêmes innovations, d'ailleurs. Bon, ça s'appelait l'innovation pédagogique. Et moi, j'étais une innovation pédagogique, que j'ai toujours faite, mon fameuse innovation pédagogique. Et il a créé cette mission-là, il m'a déchargée de cours. J'avais donc 18 heures par semaine, c'est-à-dire les heures normales que je devais faire normalement. Je les dispensais dans plusieurs établissements. Je prenais donc ces deux fois trois quarts d'heure. aux instituteurs, qu'on appelle maintenant les professeurs de l'école, sous l'appellation « Acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie » . Et donc, c'est grâce à cette mission, qui était à l'éducation nationale, que j'ai pu continuer à faire ce que je fais. Mais je le fais beaucoup moins maintenant. Je le fais 8 heures par semaine. Ou pas 18 heures.

  • Speaker #0

    Et de façon bénévole.

  • Speaker #2

    Et complètement bénévole. Parce qu'alors là, c'est une complication formidable si je devais être payée pour faire des ateliers que je ne veux pas faire, pour une somme tout à fait normale pour l'éducation nationale, mais qui n'avait pas beaucoup d'intérêt à côté de l'utilité que je peux avoir si je rentre dans une classe, vraiment. Oui, ben oui. Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fin de l'année, il y a comment ?

  • Speaker #2

    Alors, tout, tout... Ah oui, chaque année, quelle que soit... classe, il y a un spectacle. Alors, quelquefois, j'arrive à avoir un théâtre. La plupart du temps, je vais à la société des gens de lettres qui aiment beaucoup mon travail. Je vais au théâtre espagnol. Des fois, j'étais un peu partout parce que ça, il faut que ce soit les directeurs d'école ou les inspecteurs qui trouvent un moyen. Alors, suivant leur enthousiasme, suivant qu'ils viennent voir ou pas, voilà, ils font ça. Mais enfin, bon. De toute façon, il y a dans l'école, indépendamment d'une... il y a toujours une représentation pour les parents.

  • Speaker #0

    Et là, on assiste justement à des enfants.

  • Speaker #2

    Et on assiste à ce que j'appelle un récital de poésie-littérature sur le thème choisi. Alors, cette année-là, je viens de faire... Alors, ils hésitent entre la matière, c'est très, très dur, ils ont huit ans quand même, mais c'est très possible.

  • Speaker #0

    C'est eux qui choisissent le thème ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire... Alors là, je pense à ça, parce que dans l'école où je suis allée hier, Ils font un truc sur les quatre éléments, sur la course du globe. La course du globe ? Oui, c'est ça. Alors, ils hésitent entre la mer, entre la matière, parce qu'ils veulent qu'il y ait quelque chose en correspondance avec la sauvegarde de tous les éléments. Enfin, alors, moi, je vais donc chercher dans ma tête, parce que En fait, je ne sais jamais. Je travaille très au jour le jour. Je ne travaille pas dans une perspective. Les textes sont là pour les faire penser à plusieurs niveaux. Je ne sais pas, pour dire par exemple, si on fait un thème sur le goût, le goût, ce n'est pas simplement manger, miam, miam. Le goût, le sucré, c'est le goût de la vie, c'est le goût de l'amour, c'est le goût de la transgression. Enfin, je veux dire, tout thème est porteur de la même chose. C'est en ça que c'est... C'est très important, la littérature et la poésie, parce qu'on pénètre dans l'humain et dans ce qu'ils sont. Et qu'ils soient très introvertis, très timides. Et quand ce n'est pas leur langue maternelle, je cherche toujours des textes. Je ne sais pas si j'ai des cabilles. La poésie étant universelle, je trouve la poésie chinoise, la poésie turque, la poésie anglaise. Et quand j'ai des enfants et des parents qui m'aident, à ce moment-là, l'ensemble de la classe peut prendre quelques verres en allemand, en français. français, je ne sais pas, si on fait l'eau, par exemple, l'année dernière, il y avait la Loreley de Hain, qui était en allemand et en français, et il y avait la Loreley de Apollinaire, qui était... Mais là aussi, on croit que c'était extraordinaire. Moi, j'ai une petite fille qui a 5 ans, ce n'est pas grâce à moi, parce qu'elle m'écoutait de temps en temps, elle savait à 5 ans, la Loreley, c'est absolument extraordinaire, quand elle avait 5 ans, c'était ma bohème de Rimbaud, je m'en allais, les points dans mes poches, je crois. Puis ça marche formidablement bien. Bon, il y en a qui sont plus ou moins doués pour ça, mais tous, à un moment donné ou à un autre, arrivent à ça, justement, cette petite... Je ne sais plus quoi c'était... Le voyage et l'amour. Alors, il y avait un texte de Baudelaire. Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordis tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. Il y avait une petite fille, créole sûrement, qui ne disait pas un mot, pas un mot, puis on fait vriller à l'œil. Marie, je peux dire ça ? Oui, 10, 10, bien sûr, c'est formidable, tout le monde s'arrête, elle va être chargée de ce moment baudelairien. Et puis... J'étais là dans l'école, par hasard, à 4h30, je sors, et je la vois se précipiter vers une superbe créole. C'était sa mère. Et ça a dû correspondre à un moment donné à une telle vision de sa mère qu'elle a eu envie de le dire. Et puis après, d'ailleurs, elle a dit comme tout le monde.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant ce que tu dis, parce que les grands textes, en général, on y a accès très tard.

  • Speaker #2

    Et alors, ma petite fille, qui est en première maintenant, celle qui lisait, me dit, tu sais, on a eu un texte sur Rimbaud, et j'avais dans mon portable, parce que mon père m'envoyait, moi, disant ma bohème, à 5 ans, j'ai failli lui montrer. j'ai dit mais tu peux parce que je ne veux pas que ça fâche la ch'cul j'ai dit oui mais pour un prof c'est tellement important de savoir quand on leur met ce genre de trace à l'âme petit mais ça les libère pour après moi très souvent profs m'ont dit, mais on sait les enfants qui sont passés par ce genre de travail. Et puis, maintenant, quand on me demande, alors un troisième point, il y a eu donc le Sahara, le moment qui m'a donné cette année. Après, quand j'ai travaillé à la DAS pendant 11 ans, à un moment donné, je faisais un cours d'histoire et je les emmerdais, vraiment. J'ai senti là... une vague d'apesanteur, de pesanteur, pardon, de pesanteur dans la classe. Je me suis dit, là, c'est insupportable. Un prof ne doit pas emmerder ses élèves. Il n'y a rien à faire. C'est peut-être un terme un peu qu'il faudrait enlever de là. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout. Et puis, on s'est tous un peu emmerdés en classe.

  • Speaker #2

    Je me suis dit, ce n'est pas possible. Je faisais le Moyen-Âge et tout d'un coup, je me suis souvenu d'un livre de Gustave Cohen, pas d'Albert Cohen, Gustave Cohen, qui est un historien du Moyen-Âge. et j'ai repris un passage où il construit Notre-Dame. En disant, à un moment donné, ces arcs boutants, ces croisés de givres, ces gargouilles, ces machins, ces trucs. Il y avait une espèce d'élan formidable. J'ai pris ce texte. Parce que je ne dis pas que des poèmes. Il y a des textes de prose, bien sûr. Et tout d'un coup, ils ont construit ça. Et tous ces termes, c'était... c'est... Voilà, allez. Alors, les croisés de vie, non, c'était fini. Il y avait cet élan formidable. Et là, je me suis dit, ma vieille, c'est fini. Il faut que tu l'aimes. Bon, il y a eu ça. Et puis, il y a eu un troisième moment très important dans ma vie. J'avais 15 ans, ce moment-là, bien avant tout ça. J'ai eu le privilège, je dois dire, c'est un grand privilège, de connaître la nièce du général de Gaulle, jeune veuve de Gaulle, Carpon, etc., qui était une amie de mon grand-père, qui t'aiment. un grand compagnon de la Libération, etc. Et elle discutait avec lui. J'étais là et elle a dit, elle était à Ravensbrück pendant la guerre et elle racontait que le matin à l'aube, pendant l'appel terrible, tu vois, dans le froid, dans l'horreur totale, elle était là et elle avait repéré une jeune fille qui disait des vers de Valéry. Et alors, évidemment, comme elle pouvait, sans faire de bruit, sans se faire remarquer, elle s'était approchée d'elle pour les entendre. Et je me souviens de cette phrase, j'avais même pas 15 ans, je crois. Elle a dit, et ces vers m'ont aidé à tenir debout. Et alors, quand on me demande, mais quels sont les choix, gna gna, je suis écoutée, en principe, la vox populi, c'est-à-dire les vers qui ont traversé beaucoup de choses, et même la... même contemporains, mais qu'on aime, etc. C'était vraiment un critère. Et en tout cas, mon critère à moi, c'est de leur donner un matériau qui les aide à tenir debout toute leur vie dans les moments très, très joyeux ou dans les moments terribles. Voilà, c'est un truc...

  • Speaker #0

    Et la littérature,

  • Speaker #2

    c'est quelque chose... Et la littérature et la poésie, quand elle est comme ça, ben voilà. C'est comme ça.

  • Speaker #0

    Et ils font la différence, les enfants, entre les très beaux textes et les textes moins...

  • Speaker #2

    Ben... Eux, les enfants, non, c'est vous qui... Les enfants, ils font la différence en le savoir, parce que ce sont des juges absolument, je dis d'ailleurs, intraitables. C'est-à-dire, quand vous leur donnez un joli petit texte, bon, ils l'abandonnent assez vite, ou alors ils le prennent comme des comptines. Tandis que quand vous leur donnez un texte solide, beau, au-delà du bien, du mal... Euh... Ils le gardent, ils ouvrent une porte, et puis une autre porte, et puis une autre porte, et puis s'ils grandissent, ils ouvrent des portes, mais ils ne le quittent pas. Ils ne quittent jamais la table de Baudelaire, ils ne quittent jamais la table de Guilvic, ils ne quittent jamais la table d'Apollinaire, de Rilke, ce n'est pas vrai, c'est impossible. Parce qu'un beau poème, c'est immense, c'est universel. C'est infini. C'est d'ailleurs la forme la plus parfaite, vous diront les philosophes, et c'est vrai. Comment dire ? Je n'ai plus qui disait que on est bilingue quand on a une langue et la poésie. La littérature, la grande littérature. C'est ça la différence. La grande différence. C'est pour ça que véritablement, moi-même, ce que j'aurais aimé laisser, c'est que Il faut donner des textes magnifiques, des textes profonds, des textes dits difficiles. On ne peut pas parler de la phénoménologie de l'esprit, d'accord, parce que c'est une langue autre, la philosophie, où il y a même des poèmes impossibles. Ce n'est pas ça, mais il y a des poèmes. Mais en plus, le non-sens, l'au-delà du sens, tout ça, les enfants traversent le miroir beaucoup plus facilement qu'après. Il faut savoir que... surtout à cet âge-là, moi j'appelle ça l'âge miracle, mais ce sont des éponges. Ils prennent tout ce qu'on leur donne. Et moi, je vous dis, j'arrive et je dis, j'en ai assez de ce... Qu'est-ce que j'ai... J'ai pas dit tantamarre, j'ai dit, tout à l'heure, j'ai dit... Cacophonie. Ah, mais ce mot cacophonie, qu'est-ce qu'ils sont marrés avec ce mot cacophonie. Ah, mais quelle cacophonie ! Alors, vas-y... Bon, synonyme, homonyme, ils s'en foutent, mais allez, tantamarre, vas-y, je cherche, machin. Et puis, on s'amuse avec les mots. Bon, ça, c'est normal. Tout le monde a fait ça. Maternelle, les maternelles sont encore géniales en France. Les maternelles, c'est formidable. Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour les maternelles. Ils font des choses extraordinaires. Après, c'est plus compliqué parce qu'ils deviennent plus compliqués. Mais en tout cas, il faut savoir que, d'abord, quand on me dit, mais est-ce qu'ils ont tout compris ? Alors je dis, est-ce que vous, vous avez tout compris quand vous avez lu Les Illuminations de Rimbaud ? Si vous avez tout compris, félicite, peu importe. C'est exactement l'histoire du Fus infâme. L'astuce du Fus infâme. Ça n'a aucune espèce d'importance.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vachement important, je trouve. C'est pas important qu'on ait compris, mais qu'on ait ressenti. Et ça, ça n'existe plus aujourd'hui,

  • Speaker #2

    j'ai l'impression. La poésie, la poésie. Écoute... Je suis ténébreux, le veuf l'a consolé, le prince d'Aquitaine à la tour Aboli. Ma petite fille, elle avait 7 ans, elle m'a entendu dire ça. Et j'ai dit, qu'est-ce que ça veut dire ? J'ai dit, ben voilà, je crois que ça veut dire ça. C'est vrai qu'elle est un peu spéciale, mais enfin bon, il y a plein d'enfants spéciaux. Et c'est resté pour elle quelque chose de... Ma seule étoile est morte, et mon lieu de constellé, etc. Le soleil noir de la mélancolie, c'est le soleil noir de la mélancolie. Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? C'est merveilleux ce mot. Qu'est-ce que c'est la nostalgie ? Je suis nostalgique de mes vacances, mais je suis mélancolique. Je ne sais pas très bien de quoi et pourquoi. Mais quand vous leur posez la question, quand on les ferme les yeux, ils essayent de trouver pourquoi tu es mélancolique. Nostalgique, tu vois, tu regrettes quand tu étais en Corse en train de faire du bateau. Ce n'est pas la même chose. Alors les deux mots prennent une consistance. et puis quand ils ne prennent pas de consistance, ils ont la musique. Et quand ils n'ont pas la musique, ils ont la puissance de résonance que chacun a. L'autre, il résonnera avec mélancolie et nostalgie. Et l'autre, avec cacophonie ou avec le football ou avec je ne sais rien quoi. Quelquefois, j'ai eu le fils de... Comment il s'appelle ? Nique ta mère.

  • Speaker #1

    NTM ?

  • Speaker #2

    Joës Farr ? Joës Farr. Il est venu voir son fils, il était ébloui par son fils qui avait transformé quoi en rap ? Ah oui, c'était non, rien de rien, je ne regrette rien. Parce que j'en avais marre, j'avais pu dire que j'étais insupportable, mais il était très très chouette. Alors, non, rien de rien, etc. Il avait fait ça. Voilà, enfin, c'est ça quoi. Bon, bref.

  • Speaker #1

    Et puis en plus, comme tu dis, ce que je trouve assez chouette, quand tu dis soleil noir, déjà, de toute façon, tu as une image. Et en fait, c'est tellement dans l'imaginaire et les enfants, ils sont tellement dans le jeu, dans l'imagination encore. C'est vrai que c'est bête de ne pas leur donner ces textes, parce que même s'ils ne les comprennent pas, effectivement, c'est tellement imagé. En fait, la politique est tellement imagée que...

  • Speaker #2

    Oui, oui, bleu comme une orange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, je vois, c'est génial.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, on n'a qu'à voir les dessins des maternelles, c'est fabuleux. Quand tu vois le dessin des CM2, c'est beaucoup moins fabuleux. C'est formaté. Il faut enseigner en se souvenant de ce qu'on était, nous, enfants. La perte du souvenir de l'enfant, c'est très délicat.

  • Speaker #0

    Quand tu es enseignant, c'est comme une maladie mortelle. L'enseignant, je crois. Moi, je sais que je me souviens tellement de mon enfance, des choses affreuses et des choses formidables. Attention, ce n'est pas mon enfance, là que c'est beau. Non, non, c'est une période dure, l'enfance. Attention, pardon, même Jules. On en bave et en même temps, c'est fabuleux. Mais on est des petits rois et en même temps, on tombe d'un piédestal. On souffre d'amour. Enfin, il y a tout, quoi.

  • Speaker #1

    Si on découvre tout, surtout.

  • Speaker #0

    Si on découvre tout. Par exemple, la première chose, mon premier cours, hier, c'était hier, lundi, oui. Dans une case, c'est le premier cours. Alors, j'ai simplement dit, voilà, il y a un poète qui a écrit, si un jour tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? Ça, c'est une grande question. Alors, il y a un enfant, j'ai dit, est-ce que vous avez déjà vu quelque chose ? Oui, alors, il y en a un qui a dit, moi, j'ai vu un arbre qui... était en fleurs et qui m'a dit, tiens, je te donne une fleur. Et j'ai tendu ma main et la fleur est tombée dans ma main. J'ai dit, c'est formidable. C'est trop beau. Mais il m'écrit des poèmes. J'en ai plein. Je crois que j'en ai apporté un ou deux d'hier, justement. Ils disent tous merci. Et puis, par exemple, c'était l'eau. Je me souviens d'un truc qui leur a plu. L'eau, c'est aussi le bruit de l'eau. Alors, il y a un poème extraordinaire de Guévy qui dit je n'en pouvais plus. plus d'entendre ce morceau de granit me raconter son histoire depuis les origines. J'avais beau lui dire je sais, le morceau de granit continuait. Soleil, incendie, déluge, et le pire, l'eau goutte à goutte pendant des millénaires. Alors je leur fais faire jusqu'à des millénaires, jusqu'à la folie totale. Alors cette espèce de rencontre de l'eau, tu vois, tout à fait, et de la matière, mais qui finalement rend grâce, quoi, tu vois. Alors je leur apporte des trucs pour les caresser, tu vois, des morceaux de granit. tout froid, on fait des glouglous, on va au robinet, il faut les sortir, je les ai emmenés sur la tombe de Baudelaire, si bien on parle. On sort. Alors, en principe, tout ça aide. Je déteste, j'interdis aux profs de toucher à mes textes. Ils font, ils élargissent leurs trucs, mais les textes eux-mêmes, il ne faut pas les rendre scolaires, donc on les laisse.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, il ne faut pas rendre les choses scolaires et ça donne encore. plus envie aux enfants.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'ils peuvent avoir... La récitation, ça n'existe pas. Comment est-ce qu'ils apprennent ? Parce qu'on est éblouis de les voir pendant une heure. Il y en a qui retiennent absolument tout. Il y en a qui retiennent des passages particuliers ou des poèmes et des passages d'autres poèmes. Mais comme c'est toujours lié à un thème, ils retrouvent tout ça. Il y en a qui savent très bien tous les noms d'auteurs et qui les raccrochent. Il y en a dont ils ne savent plus exactement, qui rient, ok, ça ne fait rien, parce qu'ils vont retrouver ça. Tout ça est gravé dans leur mémoire, ça n'a pas d'importance.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, je vois un peu ça comme une langue étrangère. Oui. Comme tu l'as dit tout à l'heure, parce que moi, quand j'ai eu mon expérience d'apprendre l'anglais, j'étais nulle. À l'école, j'avais 5 ans, ça ne m'intéressait pas du tout. Et en fait, je suis partie en Angleterre, j'étais complètement bloquée. j'ai appris maintenant je suis bilingue Et je suis rentrée, et c'est vrai que maintenant, j'en parlais avec une amie. Il y a des mots que je préfère en anglais. Parce que je me suis fait tout un imaginaire, et dans la consonance, ça résonne plus. Et je me dis, quand c'est une langue étrangère qu'on a appris, justement, quand on est petit, on dit que c'est beaucoup plus facile d'apprendre une langue étrangère. Et ça reste, et les consonances des mots, elles peuvent nous aider. Ça permet de le voir différemment. Et l'utiliser dans la langue française, je trouve ça génial.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est exactement ça. Alors donc, ils savent... Et puis, ils sont sans... Ils sont obligés aussi, parce que comme il y a les titres donnés par quelqu'un, n'est-ce pas ? Sur la rubrique, par exemple, l'eau et l'amour, tiens, à l'été des chaussées de Victor Hugo. Et on commence en chœur et puis quelqu'un dit, je ne sais plus comment ça commence. Et puis eux, ils savent beaucoup mieux que moi, parce que moi, j'oublie automatiquement. Ils sont tout neufs, je ne sais pas, les pieds nus, etc. Puis après, l'autre reprend quelque chose. Donc, il faut une écoute et il faut qu'ils sachent. ce qui vient avant et ce qui vient après. Donc automatiquement, à la fin de l'année, même s'ils n'ont pas bien appris, ils le savent sans s'en apercevoir. Donc ceux qui ont beaucoup de mémoire et qui aiment, dès le début ça marche, les autres, à la fin, ils savent pratiquement tout quand même.

  • Speaker #2

    C'est comme une chanson que tu entends tout le temps.

  • Speaker #0

    Voilà. Et ça, c'est par imbibition, par écoute, comme ça, globale, des choses, par moi qui... qui les engueulent sur un truc ou qui les félicitent. Quand je leur dis mais c'est nul ça, mais c'est nul, c'est un robinet d'eau tiède que tu viens de faire. Tu recommences. Ah là, ça c'est génial. Parce que je leur dis qu'ils sont nuls et je leur dis qu'ils sont géniaux. Je ne dis jamais qu'ils sont nuls si je ne pouvais pas leur dire après, mais c'est merveilleux. Ça jamais. Mais en tout cas, alors évidemment, il y a des petits pervers polymorphes. Elle m'a dit que j'étais nulle. Alors les parents, vous avez dit à mes enfants qu'ils sont nuls. Puis après, ils se rendent compte qui sont tellement contents à la fin de l'année, tellement valorisés. Il faut qu'ils bouffent leurs textes, il faut qu'ils l'absorbent, il faut que ça fasse partie d'eux-mêmes, qu'ils les vendent, qu'ils les possèdent. qu'il soit à eux profondément, que ce soit vraiment quelque chose qui leur appartient. Donc, il faut que ça leur appartienne avec leur corps. Là, par exemple, j'avais juste dit ça. Si un jour, tu vois, alors voyez, l'imaginaire, c'est ça la poésie, vous avez le droit de le dire parce que ça existe. Vous l'avez vu sourire ? À partir du moment où vous en êtes certain à vous, ça existe. C'est comme votre doudou. Moi, je commence très souvent par un poème de Rainer Maria Rilke qui s'appelle La licorne. Oh, c'est elle la bête qui n'existait pas. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, mais rien que toujours de la possibilité d'être. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, etc. Et cela lui donna à elle tant de force qu'elle s'en fit une. Alors, je dis, c'est comme votre doudou, si vous l'abandonnez. Il n'existe plus, c'est un vieux chiffon. Mais tant que vous êtes là et vous ne nourrissez pas, vous ne lui donnez pas à bouffer du riz, mais il ne bouffe pas ce que vous l'aimez. Et c'est ça, c'est ça le truc. Et alors, bon, hier, si un jour tu vois que... Est-ce que tu iras le dire ? Non, mais... Ne le lis pas. Et toi, tu veux le dire ? Ben oui, dis-le. Tu es libre. Tu es libre de dire tes secrets à toi, de ton imaginaire ou de l'éther. Ça n'a plus d'importance. Soit à un moment donné, de décider de le dire à un tel ou un tel. Mais ça existe. Tu as le droit. Être au monde, c'est ça, être au monde. Ce n'est pas simplement pipi, popo, manger, dormir, papa, maman. C'est tout ce que vous êtes, réellement. Ah oui, c'est quand la nuit, moi ? Après, il parle, bien sûr. Il y a tout le dialogue avec les enfants. Ça, c'est une place. Alors, c'est pour ça que je ne sais jamais si j'irai jusqu'au bout d'un poème un jour, si j'y mettrai 15 jours, si je vais commencer par celui-ci et non pas à l'intervention d'un enfant qui peut complètement changer l'ordre des choses. Je ne prépare jamais. J'ai quelques poèmes, je sais que ça, à un moment donné, oh, ça c'est beau, tiens, par exemple, sur la mer, il y a un poème de Michaud où il écrit « Je vous écris d'un pays lointain » . Vous savez, c'est merveilleux la mer. Vous serez très étonnés quand vous viendrez me voir. C'est un truc complètement surréaliste de Michaud, mais c'est merveilleux. Alors, je le mets de côté, je sais qu'un jour, quand on aura fait les classiques de la mer, le bateau, le machin, et puis le petit navire, il y aura le poème de Michaud qui arrivera pour autre chose. Mais je ne sais pas quand on va en commencer un tel et tel show. Et puis, quelquefois, j'oublie. Je suis très bordélique, donc je perds. Mais on retombe toujours sur nos pieds parce que la poésie est toujours là. Qu'on commence par une poésie chinoise ou qu'on commence par... Et puis c'est bien parce que les enfants, symboliquement, ça les situe bien. Quand ils sont... Je ne sais pas, par exemple, l'année dernière, justement, j'avais un petit... mais un ukrainien. Et, bon, j'ai donné un poème en ukrainien, bien sûr. Ça l'a beaucoup aidé à être intégré, parce que les enfants ont répété deux ou trois vers. Alors, moi, ils se moquaient de moi, parce que moi, je n'y arrivais pas, mais eux, ils arrivaient très, très, très bien. Essayez de m'apprendre, ils essayaient de m'apprendre. Parce qu'il faut qu'il y ait un vrai dialogue. Il faut que ce soit des... Comment dire ?

  • Speaker #1

    Une base communiquante ?

  • Speaker #0

    des... Oui, des interlocuteurs, vous voyez. Il faut que ce soit vraiment un aller-retour avec les enfants. Je leur dis très souvent, moi je sais plus de choses que vous parce que je suis vieille, mais vous êtes largement aussi intelligents que moi, et peut-être beaucoup plus intelligents, ça n'a pas d'importance. Vous avez besoin de moi, j'ai besoin de vous. Et le poète a besoin de vous, c'est une triangulation très importante que je signale très très souvent. Le poète, quand je leur dis non, là, ça... Il n'aurait pas supporté que tu habibes ce qu'il a écrit. Alors, tu recommences. Et puis moi, je ne supporte pas parce que je l'aime et toi. Et donc, on fonctionne vraiment tous les trois. Et une unité de classe, parce qu'on est tous ensemble et parce qu'on est unique. Voilà, je leur dis toujours, je suis rentrée dans une classe et maintenant, mon visage est chez vous, dans votre tête, alors qu'il y a une demi-minute, vous ne l'aviez jamais vue. C'est merveilleux quand même. C'est un truc extraordinaire de se dire que... Un nez, deux yeux, cinq éléments, ça fait des visages complètement différents. Regardez-vous, alors touchez-vous. Il ne faut pas toucher. Il ne faut pas se toucher. Mais c'est épouvantable. C'est une époque épouvantable pour un enseignant. Moi, je transgresse tout et n'importe quoi. Mais parce que j'en ai rien à foutre. Et puis parce que... Mais ces pauvres instituteurs, ces pauvres professeurs, c'est vraiment un métier dur en ce moment. Je les plains beaucoup.

  • Speaker #1

    Et ces pauvres enfants aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, ces pauvres enfants, parce que finalement, ils sont moins bien enseignés, c'est sûr. C'est très compliqué, c'est très difficile actuellement. C'est beaucoup plus difficile qu'un enseignement. Merci.

  • Speaker #2

    En tout cas, Marie-Dominique, on arrive sur la fin.

  • Speaker #1

    C'est tellement vite. Est-ce que tu veux rajouter un petit mot pour la fin ? Un conseil peut-être à des parents ou à des enseignants ?

  • Speaker #0

    Peut-être que je pourrais prendre ce que dit René Char, qui n'est pas un de mes poètes favoris, parce que ça ne passe pas très bien avec les enfants. Parce qu'il faut savoir qu'il y a des poètes qui ne sont plus... Enfin, tout au moins, on peut sélectionner. Char est très difficile, même dans des sélections. Mais enfin, il dit une chose très vraie, c'est que la poésie, ça doit laisser des traces et non des preuves. C'est beau. Et l'enseignement aussi, je crois que ça doit laisser des traces très importantes, avec des preuves aussi. Mais bien sûr, des traces.

  • Speaker #1

    J'espère que notre émission laissera des traces parce qu'en tout cas, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    On est très heureuses de finir

  • Speaker #2

    la carrière justement avec toi qui enseigne à ses futurs à ses enfants qui auront des futures carrières et qui seront tracées de poésie oui c'est vrai merci en tout cas merci vous et à la semaine prochaine et oui pour un nouveau thème ouais

  • Speaker #1

    Flamme des années 80 le podcast qui allume la femme

Chapters

  • Introduction et présentation de Marie-Dominique

    00:10

  • Les débuts de Marie-Dominique en Algérie

    00:30

  • L'importance de la poésie dans l'éducation

    01:27

  • L'enseignement à la DAS et l'impact des grands textes

    02:33

  • Réflexions sur l'enseignement et la transmission

    06:40

  • Conclusion et conseils pour les enseignants et parents

    14:06

Description

Peut-on encore transmettre la beauté des grands textes à des enfants de 8 ans ? Comment la poésie peut-elle aider à grandir, à se révéler, à se sentir vivant·e ?

Dans cet épisode passionnant, Marie-Dominique, enseignante retraitée… mais toujours en action, partage une vision bouleversante et lumineuse de l’éducation.

À 19 ans, elle commence sa carrière dans une école de fortune en Algérie, dans un désert oublié, sans aucune expérience. Depuis ce jour, elle n’a jamais cessé d’enseigner — dans les écoles, à la DAS, dans des établissements publics, toujours au cœur des réalités sociales. Sa méthode ? Transmettre le goût de la langue française par les grands textes de littérature et de poésie.

Dans cet épisode, elle raconte avec émotion et humour son parcours de femme engagée, d'enseignante passionnée et d’amoureuse des mots. Elle nous rappelle que les enfants sont des éponges, que les mots sont des graines, et que la poésie est une arme douce, mais puissante, pour aider à tenir debout toute une vie.

Avec elle, les enfants apprennent à dire Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, ou Guillevic. Elle leur apprend à écouter, à vibrer, à ressentir. Pas de récitation scolaire, pas de notes, pas de programmes : juste le feu du langage et la liberté d’être.

Un épisode vibrant, essentiel, qui parle de la flamme de l’éducation, du pouvoir de la transmission, et du rôle fondamental de la poésie dans la construction de soi. À écouter absolument si vous êtes parent, enseignant·e ou simplement touché·e par l’idée que la beauté peut changer des vies.

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Chaque semaine, des conversations autour du développement personnel féminin, de la confiance en soi, du bien-être, de la transmission et de l’épanouissement personnel. On y explore l’introspection, les émotions, la résilience, la maternité, l’amour, la psychologie et les témoignages inspirants de femmes et d’hommes audacieux. Un podcast pour femmes, pour révéler sa flamme intérieure, oser être soi et nourrir sa spiritualité féminine.
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Transcription

  • Speaker #0

    Flamme des années 80.

  • Speaker #1

    Le podcast qui allume la femme.

  • Speaker #0

    Bonjour, donc on parle toujours de carrière et on est très heureuse aujourd'hui dans cette émission bonus. Vous agatez, on a fait plein d'émissions spéciales et d'émissions bonus pour ce thème. On a la chance de recevoir Marie-Dominique. Est-ce que tu veux te présenter Marie-Dominique ?

  • Speaker #2

    Oui, enfin professionnellement en tout cas, puisque c'est ça qui vous intéresse. J'ai une carrière un petit peu... spéciale. Je suis une enseignante, je suis partie très très jeune en Algérie, juste après l'indépendance. J'ai commencé ma carrière là-bas, dans un endroit absolument paumé, qui s'appelait Bidon 2, qui était près de Colomb-Béchar. Il y avait 83 enfants dans une baraque Choir-Saumon, absolument inimaginable. Et j'ai beaucoup soigné de trachomes, presque plus qu'enseigné, parce qu'ils étaient tous, enfin, beaucoup d'enfants. Il y avait ce tracôme, donc il fallait passer le matin la pénicilline, etc. Ensuite, comme ils ne mangeaient pas tous très bien, il y avait la cantine, la chorba. C'était vraiment, je ne vais pas avoir l'air d'un ancien combattant, mais c'était un peu compliqué. C'était en 65. Moi, je venais juste de passer mon bac et j'y étais parce que mon... Mon père était juriste et s'occupait de la passation du Sahara algérien, qui se faisait après l'indépendance classique. Et donc, j'avais connu cet endroit et j'avais aimé le désert. Au lieu de... Comme j'avais eu un bac, je m'en souhaiterais bien. Et à cette époque-là, il fallait un an de propé avant de commencer les études. Moi, je n'en avais pas besoin à cause de cette pension, donc je me suis dit, je prends un an et je pars. Mes parents étaient déjà rentrés et je pars à Colomb-Béchar. À ce moment-là, c'est Colomb-Béchar, c'est devenu Béchar. Je me suis retrouvée dans cet endroit sans expérience, rien du tout. Je dois dire que ça a été extrêmement bénéfique pour mon travail futur, moins bien pour mes études, puisque ça a fait un grand blanc. Il a fallu rattraper tout ça après. Bref, j'ai su rester quatre ans, tout en passant des examens à Alger, au Rambon, etc.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu enseignais là-bas ?

  • Speaker #2

    J'ai enseigné, oui. On peut dire que j'ai enseigné, oui. C'était plus dans un cadre de l'éducation nationale algérienne d'abord, et puis ensuite, je ne sais pas, franco-algérienne, enfin bref. C'était un peu imprécis, cette époque-là. Et je dois dire que j'étais un petit peu paumée, surtout par le nombre extraordinaire. Moi, j'avais 19 ans. Enfin, c'était quand même un peu étrange. Et puis, je me suis dit, bon, que faire ? À un moment donné, je ne savais pas. J'étais débordée. Alors, je suis partie au marché arabe et j'ai acheté, je ne sais pas combien, 20 mètres de tissu bleu. Et on est partis avec les enfants parce que les baraques Chouard-Saumon étaient dans la Hamada, c'est-à-dire cette zone plate, pireuse, avant les dunes. Et alors on a pris ce grand voile bleu et j'ai décidé que c'était la mer Égée. Et on est partis avec Ulysse en voyage. Je ne sais plus comment ça commence comme ça. « Ulysse dériva sur la vague gonflée, que deux fois en un jour il y venire la mort, quand ? Du troisième jour, etc. » Et donc, là, je me suis rendu compte que, en fait, la poésie, c'était un véhicule absolument magique pour ce que l'homme a d'universel et de très particulier, parce qu'ils ont été des enfants de la Mare Nostrum, très enfants qui partaient pour ce voyage merveilleux. auraient été les enfants de France et de Navarre et d'Asie, d'Afrique ou d'Océanie. Et en même temps, petit à petit, quand on est rentré dans cette espèce de mise en scène, les individualités se révèlent et chacun voyage, aime, pleure, crie, a peur d'une façon particulière. Alors j'ai appris qu'enseigner c'était surtout... trouver le moyen d'avoir une individualité globale, la classe, et la faire voyager dans une unité parfaite et en même temps. faire attention à toutes les particularités, tous ces petits enfants d'hommes qui sont uniques, chacun dans leur style. C'est cette espèce de gymnastique qui fait, je crois, le talent d'un enseignant. C'est ça, enseigner en fait. Et ça, je dois dire que j'ai appris aussi, enfin j'ai dû le savoir quelque part dans ma vie, parce que j'ai eu la chance d'avoir une famille qui aimait l'altérature, la poésie, la philosophie. J'étais privilégiée, sans le savoir d'ailleurs, parce que quand je suis partie, tout ça me semblait tout à fait normal. Mais je me suis rendue compte qu'il y avait un âge absolument magique quand les enfants... Parce que j'étais dans une école primaire, après je suis allée dans des écoles un peu plus... dans des collèges et des lycées, mais c'était beaucoup moins bien. Je me suis rendue compte que l'âge magique, c'était juste après l'apprentissage de la lecture, quand ils savaient à peu près lire. Et avant l'entrant sixième, où ils sont obligés d'acquérir des automatismes scolaires, etc. Là, ils sont absolument libres, ils sont magiques. Donc, ils pénètrent la poésie et la littérature formidablement, parce que ça les raconte avec des mots qui sont aux autres. Donc, c'est très cathartique d'un côté, puis en même temps... mais... Ça n'oblige pas un enfant timide ou, je ne sais pas, ou dissimulé, de raconter avec ses mots la joie, la peine, la transgression, le désir, les mensonges, enfin, tout ce qui fait l'homme. Donc, voilà pourquoi j'ai commencé. Après, je suis rentrée en France, j'ai fait un peu de psycho. Et puis, je suis rentrée à la DAS. J'ai travaillé à la DAS. En tant qu'enseignante. Dans un endroit absolument merveilleux, dont on a fait un film il n'y a pas très longtemps, qui s'appelait la maison d'enfants de Sèvres, qui était une maison qui avait été créée pendant la guerre pour dissimuler des enfants juifs, et des professeurs juifs d'ailleurs. Et d'ailleurs, en souvenir de ça, on nous donnait des totems. Moi, on m'appelait Antiloque, je ne sais pas pourquoi, parce que c'est mince et je ne sais pas pourquoi. Je venais du Sahara, peut-être, je n'en sais rien. Et là, j'ai rencontré des gens extraordinaires. J'ai repris mon métier avec une femme fabuleuse qui s'appelait... Enfin, on l'appelait Goéland, mais elle s'appelait... Oui, moi, c'était très curieux, mais c'était comme ça. Enfin, bref. Et son mari s'appelait Pingouin. C'étaient des gens magnifiques, décorés de toutes les légendes d'honneur de la Terre, qui avaient fait un boulot formidable. Et alors, il restait des anciens. Par exemple, moi, j'ai travaillé avec le mime Marceau, parce qu'il avait été caché. Enfin bref, j'ai travaillé avec des gens formidables pendant 11 ans. Puis après, comme je voulais avoir un enfant et que travailler là-bas, ça voulait dire travailler 24 heures sur 24, parce que c'était devenu un endroit où les enfants étaient internes et c'était des cas sociaux qui étaient rattachés à la DAS. Mais c'était extraordinaire parce que les Agnoer, parce que c'était leur nom de famille, Yvonne Agnoer, Yvonne et Roger Agnoer, vous pourrez retrouver d'ailleurs toute leur histoire, je vous dis. Il y a un film qui vient de sortir, très beau. Et là, donc, j'ai appris beaucoup. Oui, j'ai appris mon travail globalement, mais cette spécificité qui a fait mon talent, on dirait, modestement, mais en tout cas qui a été utile, c'est que je me suis dit que l'acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie qu'on ne donne jamais aux enfants de cet âge, Parce qu'après, j'ai fait tous les âges, mais je me suis rendu compte que des enfants de cet âge, c'était extraordinaire, ce sont des éponges. Eh bien, c'était absolument extraordinaire. Je peux dire, mais d'une façon incroyable, j'ai enseigné pendant 40 ans et j'enseignais encore alors que je suis à la retraite, moi, mais enfin j'enseigne. Eh bien, je crois que je n'ai jamais eu d'échec. Toujours à la fin de l'année, un enfant a eu dans sa tête... presque une heure de grands textes sur un thème quelconque.

  • Speaker #0

    Et tu penses que ça s'explique comment, cet amour des beaux textes, de la littérature chez les enfants ?

  • Speaker #2

    Parce que ça parle... D'abord, les enfants ne sont jamais arrêtés par les mots. Jamais. Au contraire, c'est comme des bonbons pour eux. Ils les prennent, ils les aiment. Je me souviens, je suis sortie hier d'un cours en disant « Écoutez, c'est une cacophonie épouvantable. C'est insupportable. Ils étaient insupportables. Le début de l'année est toujours très difficile parce que ça demande beaucoup d'écoute puisque je travaille en orchestre. Donc, il faut savoir dire les choses globalement. Donc, comme un chant, chacun ne peut pas chanter sa partition. Et puis, en même temps, ils prennent des passages de ces textes et ils les disent. Ils coupent l'ensemble. Donc, il faut qu'il y ait une attention formidable pour reprendre le texte, etc. Pour s'écouter mutuellement. Et ça, c'était un exercice très difficile et encore plus difficile dans la génération actuelle. Beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Ils ont moins d'attention ?

  • Speaker #2

    Ils ont moins d'attention, oui. Beaucoup moins. Ça, c'est sûr, ils sont sollicités par beaucoup de choses. Les écrans, les machins, les trucs. Ça, ça, évidemment... Enfin, il y a des spécialistes qui vous parlent grand de ça mieux que moi, mais je peux vous dire qu'en tant qu'enseignante, parcouru tout ça, qui est donc un pied là où je ne devrais plus être etc. Mais je peux vous dire que oui, ça c'est incroyable. Donc il faut beaucoup d'énergie, puis vraiment beaucoup de désir de transmettre. C'est-à-dire que ça, c'est la base aussi de l'enseignant. Autrement, il faut être postier ou je sais pas ou n'importe quoi. Non pas que je n'aime pas les postiers, mais je veux dire là, il faut transmettre. Si on transmet sans désir, C'est de l'eau de boudin, ça ne marche pas du tout. Et puis voilà, alors donc, pourquoi les grands textes ? Enfin, les grands textes. Oui, pourquoi les grands textes d'ailleurs ? C'est ça ma spécificité. C'est-à-dire que ce ne sont pas des petits poèmes d'enfants. Ce n'est pas vrai du tout. Ça, ça va peut-être en maternelle. Et encore, ils sont somptueux en maternelle. Moi, j'ai mélangé quelques fois les classes. L'année dernière, j'ai fait un truc avec aussi des maternelles. Et c'est absolument extraordinaire. Mais je dis extraordinaire parce qu'il faut les voir. c'est pas moi qui suis extraordinaire eux, il faut les voir.

  • Speaker #0

    Et juste pour qu'on comprenne vraiment, c'est-à-dire que tu fais des ateliers avec les enfants...

  • Speaker #2

    Pas des ateliers, non, des cours.

  • Speaker #0

    Des cours ?

  • Speaker #2

    Pas d'atelier du tout. Je suis insérée, c'est ça aussi dont je remercie beaucoup les profs, c'est que je prends, ils sont d'ailleurs présents, mais je prends une heure par semaine, ou deux fois trois quarts d'heure, c'est mieux, de cours par semaine. en français, en poésie, enfin, il y a un vocabulaire. Ils se débrouillent dans leur emploi du temps pour me permettre de les avoir deux fois tous trois quarts d'heure. Mais je ne veux pas d'atelier, parce que les ateliers dans l'éducation nationale, surtout quand on est à la retraite, ça se passe par trimestre, en dehors du cursus scolaire. Et moi, je suis une enseignante.

  • Speaker #0

    Tu participes pleinement.

  • Speaker #2

    Oui, ça, c'est une question de pédagogie. Moi, je veux que... Quand ils sortent de cette année-là, mon travail est d'aider l'enseignante pour le vocabulaire, pour l'expression orale, dont on fait tellement de cas en ce moment, pour l'apprentissage d'une langue, dont il faut connaître les liaisons, la conjugaison, et savoir pourquoi elle est nécessaire, sans explication, simplement parce qu'un texte est beau. Je me souviens d'un truc, c'était marrant, parce que c'était... On faisait un thème sur la ville, parce qu'il faut travailler par thème pour ne pas partir n'importe comment. Et alors, à un moment donné, il y avait, comme dans tout thème, la ville et l'amour. L'amour est toujours là, partout. Et il y avait, à une passante, « Au toit que je sais, mais au toit qui le savait » , parce que c'est une passante qui parle. Et alors, je ne leur ai pas dit que c'était un conditionnel deuxième forme, ils s'en foutent, tout le monde s'en fout d'ailleurs, ça n'a pas d'importance. et... J'ai simplement dit « Oh toi que j'aurais pu aimer, oh toi qui aurais dû le savoir » . Enfin bref, on a changé de ton, c'est moche. Et puis, je me souviens qu'ils sont descendus de la récréation en disant « Oh toi que je sais, mais oh toi qui le savais » . Bon, je ne fais pas de conjugaison, mais je leur apprends qu'une langue, la nécessité absolue de la transmission d'une langue, c'est aussi ça.

  • Speaker #1

    Et toi, du coup, tu as enseigné normalement jusqu'à la retraite ? qui est définie pour les enseignants ?

  • Speaker #2

    À mi-temps, toujours. Tu as toujours été à mi-temps ? Oui, parce que je m'occupais d'une revue de psychanalyse. Enfin, j'aidais une revue de psychanalyse parce que mon mari était psychanalyste.

  • Speaker #1

    Et après, il y a la retraite. Et là, tu te dis que tu ne peux pas t'arrêter de transmettre.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas une question de ne pas m'arrêter. C'est une question de... C'est... En fait, je travaille... Je lui dis, j'enseignais normalement. Non, qu'en langue, je crois que c'est au printemps de la poésie, je ne sais pas, il était ministre de l'enseignement à cette époque-là. Il a vu mon travail et il a aimé. Il a senti qu'en fait, il y avait quelque chose pour justement l'acquisition de la langue. Il y avait vraiment quelque chose d'important. Et bon, il m'a fait venir. Après, il a suivi mon travail. Il a aimé, il est toujours venu voir.

  • Speaker #0

    Il est mort à la fin de l'année, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Oui, voilà. Et puis, il avait créé une cellule d'innovation pédagogique. Enfin, l'innovation pédagogique, ce sont toujours les mêmes innovations, d'ailleurs. Bon, ça s'appelait l'innovation pédagogique. Et moi, j'étais une innovation pédagogique, que j'ai toujours faite, mon fameuse innovation pédagogique. Et il a créé cette mission-là, il m'a déchargée de cours. J'avais donc 18 heures par semaine, c'est-à-dire les heures normales que je devais faire normalement. Je les dispensais dans plusieurs établissements. Je prenais donc ces deux fois trois quarts d'heure. aux instituteurs, qu'on appelle maintenant les professeurs de l'école, sous l'appellation « Acquisition de la langue par les grands textes de littérature et de poésie » . Et donc, c'est grâce à cette mission, qui était à l'éducation nationale, que j'ai pu continuer à faire ce que je fais. Mais je le fais beaucoup moins maintenant. Je le fais 8 heures par semaine. Ou pas 18 heures.

  • Speaker #0

    Et de façon bénévole.

  • Speaker #2

    Et complètement bénévole. Parce qu'alors là, c'est une complication formidable si je devais être payée pour faire des ateliers que je ne veux pas faire, pour une somme tout à fait normale pour l'éducation nationale, mais qui n'avait pas beaucoup d'intérêt à côté de l'utilité que je peux avoir si je rentre dans une classe, vraiment. Oui, ben oui. Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fin de l'année, il y a comment ?

  • Speaker #2

    Alors, tout, tout... Ah oui, chaque année, quelle que soit... classe, il y a un spectacle. Alors, quelquefois, j'arrive à avoir un théâtre. La plupart du temps, je vais à la société des gens de lettres qui aiment beaucoup mon travail. Je vais au théâtre espagnol. Des fois, j'étais un peu partout parce que ça, il faut que ce soit les directeurs d'école ou les inspecteurs qui trouvent un moyen. Alors, suivant leur enthousiasme, suivant qu'ils viennent voir ou pas, voilà, ils font ça. Mais enfin, bon. De toute façon, il y a dans l'école, indépendamment d'une... il y a toujours une représentation pour les parents.

  • Speaker #0

    Et là, on assiste justement à des enfants.

  • Speaker #2

    Et on assiste à ce que j'appelle un récital de poésie-littérature sur le thème choisi. Alors, cette année-là, je viens de faire... Alors, ils hésitent entre la matière, c'est très, très dur, ils ont huit ans quand même, mais c'est très possible.

  • Speaker #0

    C'est eux qui choisissent le thème ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire... Alors là, je pense à ça, parce que dans l'école où je suis allée hier, Ils font un truc sur les quatre éléments, sur la course du globe. La course du globe ? Oui, c'est ça. Alors, ils hésitent entre la mer, entre la matière, parce qu'ils veulent qu'il y ait quelque chose en correspondance avec la sauvegarde de tous les éléments. Enfin, alors, moi, je vais donc chercher dans ma tête, parce que En fait, je ne sais jamais. Je travaille très au jour le jour. Je ne travaille pas dans une perspective. Les textes sont là pour les faire penser à plusieurs niveaux. Je ne sais pas, pour dire par exemple, si on fait un thème sur le goût, le goût, ce n'est pas simplement manger, miam, miam. Le goût, le sucré, c'est le goût de la vie, c'est le goût de l'amour, c'est le goût de la transgression. Enfin, je veux dire, tout thème est porteur de la même chose. C'est en ça que c'est... C'est très important, la littérature et la poésie, parce qu'on pénètre dans l'humain et dans ce qu'ils sont. Et qu'ils soient très introvertis, très timides. Et quand ce n'est pas leur langue maternelle, je cherche toujours des textes. Je ne sais pas si j'ai des cabilles. La poésie étant universelle, je trouve la poésie chinoise, la poésie turque, la poésie anglaise. Et quand j'ai des enfants et des parents qui m'aident, à ce moment-là, l'ensemble de la classe peut prendre quelques verres en allemand, en français. français, je ne sais pas, si on fait l'eau, par exemple, l'année dernière, il y avait la Loreley de Hain, qui était en allemand et en français, et il y avait la Loreley de Apollinaire, qui était... Mais là aussi, on croit que c'était extraordinaire. Moi, j'ai une petite fille qui a 5 ans, ce n'est pas grâce à moi, parce qu'elle m'écoutait de temps en temps, elle savait à 5 ans, la Loreley, c'est absolument extraordinaire, quand elle avait 5 ans, c'était ma bohème de Rimbaud, je m'en allais, les points dans mes poches, je crois. Puis ça marche formidablement bien. Bon, il y en a qui sont plus ou moins doués pour ça, mais tous, à un moment donné ou à un autre, arrivent à ça, justement, cette petite... Je ne sais plus quoi c'était... Le voyage et l'amour. Alors, il y avait un texte de Baudelaire. Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordis tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. Il y avait une petite fille, créole sûrement, qui ne disait pas un mot, pas un mot, puis on fait vriller à l'œil. Marie, je peux dire ça ? Oui, 10, 10, bien sûr, c'est formidable, tout le monde s'arrête, elle va être chargée de ce moment baudelairien. Et puis... J'étais là dans l'école, par hasard, à 4h30, je sors, et je la vois se précipiter vers une superbe créole. C'était sa mère. Et ça a dû correspondre à un moment donné à une telle vision de sa mère qu'elle a eu envie de le dire. Et puis après, d'ailleurs, elle a dit comme tout le monde.

  • Speaker #0

    Mais c'est intéressant ce que tu dis, parce que les grands textes, en général, on y a accès très tard.

  • Speaker #2

    Et alors, ma petite fille, qui est en première maintenant, celle qui lisait, me dit, tu sais, on a eu un texte sur Rimbaud, et j'avais dans mon portable, parce que mon père m'envoyait, moi, disant ma bohème, à 5 ans, j'ai failli lui montrer. j'ai dit mais tu peux parce que je ne veux pas que ça fâche la ch'cul j'ai dit oui mais pour un prof c'est tellement important de savoir quand on leur met ce genre de trace à l'âme petit mais ça les libère pour après moi très souvent profs m'ont dit, mais on sait les enfants qui sont passés par ce genre de travail. Et puis, maintenant, quand on me demande, alors un troisième point, il y a eu donc le Sahara, le moment qui m'a donné cette année. Après, quand j'ai travaillé à la DAS pendant 11 ans, à un moment donné, je faisais un cours d'histoire et je les emmerdais, vraiment. J'ai senti là... une vague d'apesanteur, de pesanteur, pardon, de pesanteur dans la classe. Je me suis dit, là, c'est insupportable. Un prof ne doit pas emmerder ses élèves. Il n'y a rien à faire. C'est peut-être un terme un peu qu'il faudrait enlever de là. Non,

  • Speaker #1

    pas du tout. Et puis, on s'est tous un peu emmerdés en classe.

  • Speaker #2

    Je me suis dit, ce n'est pas possible. Je faisais le Moyen-Âge et tout d'un coup, je me suis souvenu d'un livre de Gustave Cohen, pas d'Albert Cohen, Gustave Cohen, qui est un historien du Moyen-Âge. et j'ai repris un passage où il construit Notre-Dame. En disant, à un moment donné, ces arcs boutants, ces croisés de givres, ces gargouilles, ces machins, ces trucs. Il y avait une espèce d'élan formidable. J'ai pris ce texte. Parce que je ne dis pas que des poèmes. Il y a des textes de prose, bien sûr. Et tout d'un coup, ils ont construit ça. Et tous ces termes, c'était... c'est... Voilà, allez. Alors, les croisés de vie, non, c'était fini. Il y avait cet élan formidable. Et là, je me suis dit, ma vieille, c'est fini. Il faut que tu l'aimes. Bon, il y a eu ça. Et puis, il y a eu un troisième moment très important dans ma vie. J'avais 15 ans, ce moment-là, bien avant tout ça. J'ai eu le privilège, je dois dire, c'est un grand privilège, de connaître la nièce du général de Gaulle, jeune veuve de Gaulle, Carpon, etc., qui était une amie de mon grand-père, qui t'aiment. un grand compagnon de la Libération, etc. Et elle discutait avec lui. J'étais là et elle a dit, elle était à Ravensbrück pendant la guerre et elle racontait que le matin à l'aube, pendant l'appel terrible, tu vois, dans le froid, dans l'horreur totale, elle était là et elle avait repéré une jeune fille qui disait des vers de Valéry. Et alors, évidemment, comme elle pouvait, sans faire de bruit, sans se faire remarquer, elle s'était approchée d'elle pour les entendre. Et je me souviens de cette phrase, j'avais même pas 15 ans, je crois. Elle a dit, et ces vers m'ont aidé à tenir debout. Et alors, quand on me demande, mais quels sont les choix, gna gna, je suis écoutée, en principe, la vox populi, c'est-à-dire les vers qui ont traversé beaucoup de choses, et même la... même contemporains, mais qu'on aime, etc. C'était vraiment un critère. Et en tout cas, mon critère à moi, c'est de leur donner un matériau qui les aide à tenir debout toute leur vie dans les moments très, très joyeux ou dans les moments terribles. Voilà, c'est un truc...

  • Speaker #0

    Et la littérature,

  • Speaker #2

    c'est quelque chose... Et la littérature et la poésie, quand elle est comme ça, ben voilà. C'est comme ça.

  • Speaker #0

    Et ils font la différence, les enfants, entre les très beaux textes et les textes moins...

  • Speaker #2

    Ben... Eux, les enfants, non, c'est vous qui... Les enfants, ils font la différence en le savoir, parce que ce sont des juges absolument, je dis d'ailleurs, intraitables. C'est-à-dire, quand vous leur donnez un joli petit texte, bon, ils l'abandonnent assez vite, ou alors ils le prennent comme des comptines. Tandis que quand vous leur donnez un texte solide, beau, au-delà du bien, du mal... Euh... Ils le gardent, ils ouvrent une porte, et puis une autre porte, et puis une autre porte, et puis s'ils grandissent, ils ouvrent des portes, mais ils ne le quittent pas. Ils ne quittent jamais la table de Baudelaire, ils ne quittent jamais la table de Guilvic, ils ne quittent jamais la table d'Apollinaire, de Rilke, ce n'est pas vrai, c'est impossible. Parce qu'un beau poème, c'est immense, c'est universel. C'est infini. C'est d'ailleurs la forme la plus parfaite, vous diront les philosophes, et c'est vrai. Comment dire ? Je n'ai plus qui disait que on est bilingue quand on a une langue et la poésie. La littérature, la grande littérature. C'est ça la différence. La grande différence. C'est pour ça que véritablement, moi-même, ce que j'aurais aimé laisser, c'est que Il faut donner des textes magnifiques, des textes profonds, des textes dits difficiles. On ne peut pas parler de la phénoménologie de l'esprit, d'accord, parce que c'est une langue autre, la philosophie, où il y a même des poèmes impossibles. Ce n'est pas ça, mais il y a des poèmes. Mais en plus, le non-sens, l'au-delà du sens, tout ça, les enfants traversent le miroir beaucoup plus facilement qu'après. Il faut savoir que... surtout à cet âge-là, moi j'appelle ça l'âge miracle, mais ce sont des éponges. Ils prennent tout ce qu'on leur donne. Et moi, je vous dis, j'arrive et je dis, j'en ai assez de ce... Qu'est-ce que j'ai... J'ai pas dit tantamarre, j'ai dit, tout à l'heure, j'ai dit... Cacophonie. Ah, mais ce mot cacophonie, qu'est-ce qu'ils sont marrés avec ce mot cacophonie. Ah, mais quelle cacophonie ! Alors, vas-y... Bon, synonyme, homonyme, ils s'en foutent, mais allez, tantamarre, vas-y, je cherche, machin. Et puis, on s'amuse avec les mots. Bon, ça, c'est normal. Tout le monde a fait ça. Maternelle, les maternelles sont encore géniales en France. Les maternelles, c'est formidable. Moi, j'ai beaucoup d'admiration pour les maternelles. Ils font des choses extraordinaires. Après, c'est plus compliqué parce qu'ils deviennent plus compliqués. Mais en tout cas, il faut savoir que, d'abord, quand on me dit, mais est-ce qu'ils ont tout compris ? Alors je dis, est-ce que vous, vous avez tout compris quand vous avez lu Les Illuminations de Rimbaud ? Si vous avez tout compris, félicite, peu importe. C'est exactement l'histoire du Fus infâme. L'astuce du Fus infâme. Ça n'a aucune espèce d'importance.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vachement important, je trouve. C'est pas important qu'on ait compris, mais qu'on ait ressenti. Et ça, ça n'existe plus aujourd'hui,

  • Speaker #2

    j'ai l'impression. La poésie, la poésie. Écoute... Je suis ténébreux, le veuf l'a consolé, le prince d'Aquitaine à la tour Aboli. Ma petite fille, elle avait 7 ans, elle m'a entendu dire ça. Et j'ai dit, qu'est-ce que ça veut dire ? J'ai dit, ben voilà, je crois que ça veut dire ça. C'est vrai qu'elle est un peu spéciale, mais enfin bon, il y a plein d'enfants spéciaux. Et c'est resté pour elle quelque chose de... Ma seule étoile est morte, et mon lieu de constellé, etc. Le soleil noir de la mélancolie, c'est le soleil noir de la mélancolie. Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? Qu'est-ce que c'est la mélancolie ? C'est merveilleux ce mot. Qu'est-ce que c'est la nostalgie ? Je suis nostalgique de mes vacances, mais je suis mélancolique. Je ne sais pas très bien de quoi et pourquoi. Mais quand vous leur posez la question, quand on les ferme les yeux, ils essayent de trouver pourquoi tu es mélancolique. Nostalgique, tu vois, tu regrettes quand tu étais en Corse en train de faire du bateau. Ce n'est pas la même chose. Alors les deux mots prennent une consistance. et puis quand ils ne prennent pas de consistance, ils ont la musique. Et quand ils n'ont pas la musique, ils ont la puissance de résonance que chacun a. L'autre, il résonnera avec mélancolie et nostalgie. Et l'autre, avec cacophonie ou avec le football ou avec je ne sais rien quoi. Quelquefois, j'ai eu le fils de... Comment il s'appelle ? Nique ta mère.

  • Speaker #1

    NTM ?

  • Speaker #2

    Joës Farr ? Joës Farr. Il est venu voir son fils, il était ébloui par son fils qui avait transformé quoi en rap ? Ah oui, c'était non, rien de rien, je ne regrette rien. Parce que j'en avais marre, j'avais pu dire que j'étais insupportable, mais il était très très chouette. Alors, non, rien de rien, etc. Il avait fait ça. Voilà, enfin, c'est ça quoi. Bon, bref.

  • Speaker #1

    Et puis en plus, comme tu dis, ce que je trouve assez chouette, quand tu dis soleil noir, déjà, de toute façon, tu as une image. Et en fait, c'est tellement dans l'imaginaire et les enfants, ils sont tellement dans le jeu, dans l'imagination encore. C'est vrai que c'est bête de ne pas leur donner ces textes, parce que même s'ils ne les comprennent pas, effectivement, c'est tellement imagé. En fait, la politique est tellement imagée que...

  • Speaker #2

    Oui, oui, bleu comme une orange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, je vois, c'est génial.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, on n'a qu'à voir les dessins des maternelles, c'est fabuleux. Quand tu vois le dessin des CM2, c'est beaucoup moins fabuleux. C'est formaté. Il faut enseigner en se souvenant de ce qu'on était, nous, enfants. La perte du souvenir de l'enfant, c'est très délicat.

  • Speaker #0

    Quand tu es enseignant, c'est comme une maladie mortelle. L'enseignant, je crois. Moi, je sais que je me souviens tellement de mon enfance, des choses affreuses et des choses formidables. Attention, ce n'est pas mon enfance, là que c'est beau. Non, non, c'est une période dure, l'enfance. Attention, pardon, même Jules. On en bave et en même temps, c'est fabuleux. Mais on est des petits rois et en même temps, on tombe d'un piédestal. On souffre d'amour. Enfin, il y a tout, quoi.

  • Speaker #1

    Si on découvre tout, surtout.

  • Speaker #0

    Si on découvre tout. Par exemple, la première chose, mon premier cours, hier, c'était hier, lundi, oui. Dans une case, c'est le premier cours. Alors, j'ai simplement dit, voilà, il y a un poète qui a écrit, si un jour tu vois qu'une pierre te sourit, iras-tu le dire ? Ça, c'est une grande question. Alors, il y a un enfant, j'ai dit, est-ce que vous avez déjà vu quelque chose ? Oui, alors, il y en a un qui a dit, moi, j'ai vu un arbre qui... était en fleurs et qui m'a dit, tiens, je te donne une fleur. Et j'ai tendu ma main et la fleur est tombée dans ma main. J'ai dit, c'est formidable. C'est trop beau. Mais il m'écrit des poèmes. J'en ai plein. Je crois que j'en ai apporté un ou deux d'hier, justement. Ils disent tous merci. Et puis, par exemple, c'était l'eau. Je me souviens d'un truc qui leur a plu. L'eau, c'est aussi le bruit de l'eau. Alors, il y a un poème extraordinaire de Guévy qui dit je n'en pouvais plus. plus d'entendre ce morceau de granit me raconter son histoire depuis les origines. J'avais beau lui dire je sais, le morceau de granit continuait. Soleil, incendie, déluge, et le pire, l'eau goutte à goutte pendant des millénaires. Alors je leur fais faire jusqu'à des millénaires, jusqu'à la folie totale. Alors cette espèce de rencontre de l'eau, tu vois, tout à fait, et de la matière, mais qui finalement rend grâce, quoi, tu vois. Alors je leur apporte des trucs pour les caresser, tu vois, des morceaux de granit. tout froid, on fait des glouglous, on va au robinet, il faut les sortir, je les ai emmenés sur la tombe de Baudelaire, si bien on parle. On sort. Alors, en principe, tout ça aide. Je déteste, j'interdis aux profs de toucher à mes textes. Ils font, ils élargissent leurs trucs, mais les textes eux-mêmes, il ne faut pas les rendre scolaires, donc on les laisse.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, il ne faut pas rendre les choses scolaires et ça donne encore. plus envie aux enfants.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'ils peuvent avoir... La récitation, ça n'existe pas. Comment est-ce qu'ils apprennent ? Parce qu'on est éblouis de les voir pendant une heure. Il y en a qui retiennent absolument tout. Il y en a qui retiennent des passages particuliers ou des poèmes et des passages d'autres poèmes. Mais comme c'est toujours lié à un thème, ils retrouvent tout ça. Il y en a qui savent très bien tous les noms d'auteurs et qui les raccrochent. Il y en a dont ils ne savent plus exactement, qui rient, ok, ça ne fait rien, parce qu'ils vont retrouver ça. Tout ça est gravé dans leur mémoire, ça n'a pas d'importance.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, je vois un peu ça comme une langue étrangère. Oui. Comme tu l'as dit tout à l'heure, parce que moi, quand j'ai eu mon expérience d'apprendre l'anglais, j'étais nulle. À l'école, j'avais 5 ans, ça ne m'intéressait pas du tout. Et en fait, je suis partie en Angleterre, j'étais complètement bloquée. j'ai appris maintenant je suis bilingue Et je suis rentrée, et c'est vrai que maintenant, j'en parlais avec une amie. Il y a des mots que je préfère en anglais. Parce que je me suis fait tout un imaginaire, et dans la consonance, ça résonne plus. Et je me dis, quand c'est une langue étrangère qu'on a appris, justement, quand on est petit, on dit que c'est beaucoup plus facile d'apprendre une langue étrangère. Et ça reste, et les consonances des mots, elles peuvent nous aider. Ça permet de le voir différemment. Et l'utiliser dans la langue française, je trouve ça génial.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est exactement ça. Alors donc, ils savent... Et puis, ils sont sans... Ils sont obligés aussi, parce que comme il y a les titres donnés par quelqu'un, n'est-ce pas ? Sur la rubrique, par exemple, l'eau et l'amour, tiens, à l'été des chaussées de Victor Hugo. Et on commence en chœur et puis quelqu'un dit, je ne sais plus comment ça commence. Et puis eux, ils savent beaucoup mieux que moi, parce que moi, j'oublie automatiquement. Ils sont tout neufs, je ne sais pas, les pieds nus, etc. Puis après, l'autre reprend quelque chose. Donc, il faut une écoute et il faut qu'ils sachent. ce qui vient avant et ce qui vient après. Donc automatiquement, à la fin de l'année, même s'ils n'ont pas bien appris, ils le savent sans s'en apercevoir. Donc ceux qui ont beaucoup de mémoire et qui aiment, dès le début ça marche, les autres, à la fin, ils savent pratiquement tout quand même.

  • Speaker #2

    C'est comme une chanson que tu entends tout le temps.

  • Speaker #0

    Voilà. Et ça, c'est par imbibition, par écoute, comme ça, globale, des choses, par moi qui... qui les engueulent sur un truc ou qui les félicitent. Quand je leur dis mais c'est nul ça, mais c'est nul, c'est un robinet d'eau tiède que tu viens de faire. Tu recommences. Ah là, ça c'est génial. Parce que je leur dis qu'ils sont nuls et je leur dis qu'ils sont géniaux. Je ne dis jamais qu'ils sont nuls si je ne pouvais pas leur dire après, mais c'est merveilleux. Ça jamais. Mais en tout cas, alors évidemment, il y a des petits pervers polymorphes. Elle m'a dit que j'étais nulle. Alors les parents, vous avez dit à mes enfants qu'ils sont nuls. Puis après, ils se rendent compte qui sont tellement contents à la fin de l'année, tellement valorisés. Il faut qu'ils bouffent leurs textes, il faut qu'ils l'absorbent, il faut que ça fasse partie d'eux-mêmes, qu'ils les vendent, qu'ils les possèdent. qu'il soit à eux profondément, que ce soit vraiment quelque chose qui leur appartient. Donc, il faut que ça leur appartienne avec leur corps. Là, par exemple, j'avais juste dit ça. Si un jour, tu vois, alors voyez, l'imaginaire, c'est ça la poésie, vous avez le droit de le dire parce que ça existe. Vous l'avez vu sourire ? À partir du moment où vous en êtes certain à vous, ça existe. C'est comme votre doudou. Moi, je commence très souvent par un poème de Rainer Maria Rilke qui s'appelle La licorne. Oh, c'est elle la bête qui n'existait pas. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, mais rien que toujours de la possibilité d'être. Ce ne fut pas de grain qu'il la nourrira, etc. Et cela lui donna à elle tant de force qu'elle s'en fit une. Alors, je dis, c'est comme votre doudou, si vous l'abandonnez. Il n'existe plus, c'est un vieux chiffon. Mais tant que vous êtes là et vous ne nourrissez pas, vous ne lui donnez pas à bouffer du riz, mais il ne bouffe pas ce que vous l'aimez. Et c'est ça, c'est ça le truc. Et alors, bon, hier, si un jour tu vois que... Est-ce que tu iras le dire ? Non, mais... Ne le lis pas. Et toi, tu veux le dire ? Ben oui, dis-le. Tu es libre. Tu es libre de dire tes secrets à toi, de ton imaginaire ou de l'éther. Ça n'a plus d'importance. Soit à un moment donné, de décider de le dire à un tel ou un tel. Mais ça existe. Tu as le droit. Être au monde, c'est ça, être au monde. Ce n'est pas simplement pipi, popo, manger, dormir, papa, maman. C'est tout ce que vous êtes, réellement. Ah oui, c'est quand la nuit, moi ? Après, il parle, bien sûr. Il y a tout le dialogue avec les enfants. Ça, c'est une place. Alors, c'est pour ça que je ne sais jamais si j'irai jusqu'au bout d'un poème un jour, si j'y mettrai 15 jours, si je vais commencer par celui-ci et non pas à l'intervention d'un enfant qui peut complètement changer l'ordre des choses. Je ne prépare jamais. J'ai quelques poèmes, je sais que ça, à un moment donné, oh, ça c'est beau, tiens, par exemple, sur la mer, il y a un poème de Michaud où il écrit « Je vous écris d'un pays lointain » . Vous savez, c'est merveilleux la mer. Vous serez très étonnés quand vous viendrez me voir. C'est un truc complètement surréaliste de Michaud, mais c'est merveilleux. Alors, je le mets de côté, je sais qu'un jour, quand on aura fait les classiques de la mer, le bateau, le machin, et puis le petit navire, il y aura le poème de Michaud qui arrivera pour autre chose. Mais je ne sais pas quand on va en commencer un tel et tel show. Et puis, quelquefois, j'oublie. Je suis très bordélique, donc je perds. Mais on retombe toujours sur nos pieds parce que la poésie est toujours là. Qu'on commence par une poésie chinoise ou qu'on commence par... Et puis c'est bien parce que les enfants, symboliquement, ça les situe bien. Quand ils sont... Je ne sais pas, par exemple, l'année dernière, justement, j'avais un petit... mais un ukrainien. Et, bon, j'ai donné un poème en ukrainien, bien sûr. Ça l'a beaucoup aidé à être intégré, parce que les enfants ont répété deux ou trois vers. Alors, moi, ils se moquaient de moi, parce que moi, je n'y arrivais pas, mais eux, ils arrivaient très, très, très bien. Essayez de m'apprendre, ils essayaient de m'apprendre. Parce qu'il faut qu'il y ait un vrai dialogue. Il faut que ce soit des... Comment dire ?

  • Speaker #1

    Une base communiquante ?

  • Speaker #0

    des... Oui, des interlocuteurs, vous voyez. Il faut que ce soit vraiment un aller-retour avec les enfants. Je leur dis très souvent, moi je sais plus de choses que vous parce que je suis vieille, mais vous êtes largement aussi intelligents que moi, et peut-être beaucoup plus intelligents, ça n'a pas d'importance. Vous avez besoin de moi, j'ai besoin de vous. Et le poète a besoin de vous, c'est une triangulation très importante que je signale très très souvent. Le poète, quand je leur dis non, là, ça... Il n'aurait pas supporté que tu habibes ce qu'il a écrit. Alors, tu recommences. Et puis moi, je ne supporte pas parce que je l'aime et toi. Et donc, on fonctionne vraiment tous les trois. Et une unité de classe, parce qu'on est tous ensemble et parce qu'on est unique. Voilà, je leur dis toujours, je suis rentrée dans une classe et maintenant, mon visage est chez vous, dans votre tête, alors qu'il y a une demi-minute, vous ne l'aviez jamais vue. C'est merveilleux quand même. C'est un truc extraordinaire de se dire que... Un nez, deux yeux, cinq éléments, ça fait des visages complètement différents. Regardez-vous, alors touchez-vous. Il ne faut pas toucher. Il ne faut pas se toucher. Mais c'est épouvantable. C'est une époque épouvantable pour un enseignant. Moi, je transgresse tout et n'importe quoi. Mais parce que j'en ai rien à foutre. Et puis parce que... Mais ces pauvres instituteurs, ces pauvres professeurs, c'est vraiment un métier dur en ce moment. Je les plains beaucoup.

  • Speaker #1

    Et ces pauvres enfants aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, ces pauvres enfants, parce que finalement, ils sont moins bien enseignés, c'est sûr. C'est très compliqué, c'est très difficile actuellement. C'est beaucoup plus difficile qu'un enseignement. Merci.

  • Speaker #2

    En tout cas, Marie-Dominique, on arrive sur la fin.

  • Speaker #1

    C'est tellement vite. Est-ce que tu veux rajouter un petit mot pour la fin ? Un conseil peut-être à des parents ou à des enseignants ?

  • Speaker #0

    Peut-être que je pourrais prendre ce que dit René Char, qui n'est pas un de mes poètes favoris, parce que ça ne passe pas très bien avec les enfants. Parce qu'il faut savoir qu'il y a des poètes qui ne sont plus... Enfin, tout au moins, on peut sélectionner. Char est très difficile, même dans des sélections. Mais enfin, il dit une chose très vraie, c'est que la poésie, ça doit laisser des traces et non des preuves. C'est beau. Et l'enseignement aussi, je crois que ça doit laisser des traces très importantes, avec des preuves aussi. Mais bien sûr, des traces.

  • Speaker #1

    J'espère que notre émission laissera des traces parce qu'en tout cas, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    On est très heureuses de finir

  • Speaker #2

    la carrière justement avec toi qui enseigne à ses futurs à ses enfants qui auront des futures carrières et qui seront tracées de poésie oui c'est vrai merci en tout cas merci vous et à la semaine prochaine et oui pour un nouveau thème ouais

  • Speaker #1

    Flamme des années 80 le podcast qui allume la femme

Chapters

  • Introduction et présentation de Marie-Dominique

    00:10

  • Les débuts de Marie-Dominique en Algérie

    00:30

  • L'importance de la poésie dans l'éducation

    01:27

  • L'enseignement à la DAS et l'impact des grands textes

    02:33

  • Réflexions sur l'enseignement et la transmission

    06:40

  • Conclusion et conseils pour les enseignants et parents

    14:06

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