Speaker #1Il y a quelques jours, j'étais à la médiathèque avec mon plus jeune fils. Arrive alors un papa que l'on sentait assez déterminé, et il se dirige droit vers le rayonnage où je me trouvais, et sélectionne avec pas mal d'énergie 5-6 livres, le tout avec un visage assez fermé. Je continue à lire avec mon petit bonhomme, et 5 minutes après, je vois ce papa revenir vers nous, mais cette fois-ci accompagné de son fils qui devait avoir 9 ou 10 ans. Et son fils lui dit... « Mais moi, papa, en fait, je veux prendre des mangas ! » Ce à quoi son papa lui répond du haut de son mètre 90, « Non, pas de mangas, tu prends des romans. Et pas des romans que tu as déjà lus. Et attention, je te poserai des questions pour savoir si tu les as vraiment lus. » Autant te dire qu'il y avait une once d'agressivité dans sa voix. Mon plus petit en était scotché et ne suivait plus rien à ma lecture. Le jeune garçon a choisi quelques livres, un peu hésitant, la voix légèrement tremblante en commentant à voix haute « Celui-là, je te jure, je ne l'ai pas encore lu, celui-là non plus. » Puis ils repartent tous les deux. Le soir, je raconte cet épisode à mon fils aîné, qui a réagi en me disant « Mais c'est horrible, on n'a pas le droit de faire ça ! » « Moi, à la place du garçon, j'aurais refusé d'emprunter quoi que ce soit. » Alors, ça m'a fait sourire parce qu'effectivement, c'est avec 300% de probabilité les réactions que j'aurais eues de la part de mon fils si je m'étais comportée comme ce papa. Mais cela m'a fait beaucoup réfléchir aussi. Comme tu le sais peut-être, je partage avec ce papa de la médiathèque que je ne connais pas une certaine méfiance pour les mangas, car 1. j'ai toujours pas compris dans quel sens ils se lisaient, et 2. je les maudis intérieurement en listant toutes les autres lectures que mes enfants ne font pas quand ils s'avalent semaine après semaine les One Piece, Spy Family et autres blue locks qui arrivent de la médiathèque chaque semaine à la maison. Je me demande alors ce qu'il convient de faire dans une situation pareille. Optez pour une rigidité un peu extrême, quitte à forcer son enfant à ne prendre que certains types de livres et être 100% dans une logique de contrôle, mais du même coup avoir un enfant qui aura une culture littéraire générale autre que purement japonaise, ou bien avoir des enfants qui bouffent du manga H24, mais avec qui on aura une relation plus saine, moins dans la peur et la domination parentale. Et c'est ce à quoi je t'invite à réfléchir dans ce nouvel épisode de podcast. C'est finalement une question qui revient dans tous les débats entre les adeptes d'une éducation plus stricte, à la « c'était mieux avant » , pour qui le « non » peut si besoin être assorti d'une série de punitions ou de restructions, et de l'autre qui hurle haut et fort quant au fait que le « non » serait une sorte d'entrave au bon développement de l'enfant et qu'un contrôle à l'extrême favoriserait une sorte de rébellion qu'il faudrait remplacer par une guidance beaucoup plus douce et apaisée et autant de « oui » que possible. Bon, je caricature à peine, mais c'est juste pour poser le sujet. D'ailleurs, si tu te balades un peu sur les réseaux sociaux, c'est encore plus polarisé. J'y passe bien moins de temps qu'avant, mais ma fille me fait des remakes assez drôles de ses vidéos de la maman Montessori qui appelle son petit garçon graine de sarrazin et qui a clairement pris le parti de ne jamais vraiment lui dire non. Et je crois que 50% des commentaires se joignent à la moquerie généralisée, tandis que 50% crient à la caricature extrême et au fait que ces vidéos sont le signe que personne n'a rien compris à ce qu'on appelle la parentalité bienveillante. Bref, le sujet est peut-être... un peu rouleux. Moi, encore une fois, il me fait surtout réfléchir et sourire. Car il y a quelques années, j'aurais été aussi paumée que tous les parents qui se posent ces questions. Mais aujourd'hui... je pense y voir un chouïa plus clair. Et je veux partager avec toi dans cet épisode comment je m'y prends. La première chose à avoir en tête, c'est que même si ces deux attitudes de parents paraissent diamétralement opposées, en fait, elles ont une origine commune. À savoir, notre incapacité à nous, adultes, d'accepter nos enfants tels qu'ils sont. C'est-à-dire, à accepter d'être le témoin de toutes leurs émotions, petites et grandes. Qu'est-ce que j'entends par là ? Les parents qui ont... plus tendance à être dans le contrôle, le non-punitif, avec la récompense si le travail est bien fait, ou la coercition, les réprimandes si ce n'est pas le cas, oublie souvent à quel point un enfant ne suit pas une route linéaire, et que l'apprentissage des règles morales se fera par tâtonnement. Et oui, un enfant ça fait du bruit, ça peut être complètement centré sur lui-même, et lui faudra un paquet d'expérimentations, d'échecs, de moments de crise même, pour comprendre comment tout fonctionne. Et en soi... C'est tout à fait normal, ça fait partie de son développement. Alors, quand on oublie ça en tant que parent, et qu'on pense que notre enfant devrait naturellement suivre une route plutôt linéaire dans son développement, forcément, on se retrouve déçu, et on a tendance à vouloir remettre les choses dans le droit chemin. Comment ? Par des noms, souvent assortis de punitions, par un contrôle plus important du comportement de son enfant, histoire qu'il emprunte une autoroute pour son développement qui mène tout droit à une vie remplie de succès. En gros... On n'autorise pas vraiment la route buissonnière pour les enfants, car pour nous adultes, en fait c'est bien trop usant. Je pense toujours à la même anecdote qui m'est arrivée à ce sujet là, pour chacun de mes 5 enfants. C'est l'apprentissage de la propreté. Tu sais, ce stress que tu as si ton enfant n'est pas propre pour sa rentrée en petite section. 5 fois dans ma vie de maman, je me suis dit, il va jamais être prêt au prêtre. 5 fois je me suis mis en quête de la solution adéquate pour l'aider des plus classiques aux plus farfelus. et à... aucun je n'ai réussi à épargner. Tu te rappelles bien que tu dois être propre pour rentrer à l'école. Qui était parfaitement inutile voire franchement stressant pour eux. Et cinq fois ils ont été prêts en temps et en heure par un miracle que je n'explique pas. Mais en fait peut-être juste parce qu'à un moment donné j'ai lâché du lest et que chaque enfant a suivi la route qui était la sienne pour y arriver. D'un autre côté les parents qui vont prôner l'interdiction de dire non à leur enfant viennent souvent avec cet objectif assez irréalisables d'éviter à tout prix que leur enfant traverse des émotions désagréables. Il faut donc que la vie soit comme un peu une fête permanente. Si tu as écouté mon épisode de podcast précédent, ce sont souvent des parents pour qui le concept de conséquence naturelle est compliqué, car ils préfèrent se transformer en parents hélicoptères pour protéger leur enfant contre tous, plutôt que de devoir affronter une colère ou un brin de tristesse chez leur petit. Je me rappelle de ce papa qui suivait un accompagnement avec moi. ... et qui m'avait raconté que sa mère à lui, donc la grand-mère de sa petite fille de 3 ans, s'était mis bille en tête d'éviter toutes les crises de colère de la petite. Un été, après un énième moment de tension chez cette petite demoiselle qui avait zappé sa sieste, sa grand-mère a court d'idées pour la faire aller mieux, lui avait alors proposé de fêter son anniversaire et de mettre des bougies sur le gâteau. Sauf que l'anniversaire en question avait lieu 6 mois plus tard. Bref, nous adultes, on est quand même parfois prêts à beaucoup de créativité quand on se sent. perdu face à nos enfants. Bon alors, face à ces deux extrêmes, où mettons-nous le curseur ? Je crois qu'il y a plusieurs éléments à garder en tête. Le premier, c'est que si un enfant est naturellement bon et a envie de coopérer, de découvrir, d'explorer, de se lier d'amitié, son sens moral, comme je l'ai dit plus tôt, se construit progressivement. Alors évidemment, quand on est parent, on aime bien savoir à quel âge notre enfant devrait savoir faire telle chose. Néanmoins, il s'agit juste de repères. Et suivant l'âge de son enfant, notre façon de réagir devra également être ajustée. Pas facile tout ça. Petit exemple pour illustrer. Un petit bout de 3 ans qui demande à s'arrêter sur l'autoroute 10 minutes après être parti pour aller aux toilettes n'aura pas la même réaction de la part de ses parents qu'un ado qui a, entre guillemets, oublié de passer aux toilettes avant de partir, trop occupé à lire par exemple son manga. Donc pour nous parents, il y a un ajustement permanent à opérer à mesure que notre enfant grandit. La deuxième chose c'est que... si cette route n'est jamais aussi linéaire qu'on aimerait, il y a néanmoins une chose très aidante sur ce chemin pour notre enfant. C'est nous, les parents, et à travers notre exemple. J'ai fait un constat très très simple il y a quelques temps. J'ai énormément relâché mon niveau de langage auprès de mes enfants. Surtout quand je suis un peu en écran ou un peu fatiguée. Bon bah, inutile de te faire un dessin. Quand mes enfants sont un peu excités ou s'énervent, il y a certains mots qui sortent de leur bouche et qui... ah, blessent un peu mes oreilles. Il me faut alors ramer comme une folle pour recadrer tout ça et c'est très dur. A l'inverse, je suis assez à l'aise pour accueillir les tristesses de mes enfants et leur proposer des moments de rester écoutés. Et c'est avec une immense satisfaction que je vois mes enfants offrir la même qualité d'écoute à leurs petits frères ou sœurs ou à d'autres enfants plus jeunes quand ils le sentent nécessaire. C'est ce qu'on appelle l'éducation silencieuse. Et elle est très puissante. Le troisième point, enfin, c'est que je pense que le non, en soi, n'est pas un problème. Une chose qui est claire, c'est que personne n'aime se voir opposer à un non. Ni ton enfant, ni toi, si tu réfléchis bien. Donc, t'as bien raison si t'as une appréhension par rapport au fait de dire non. Oui, il va se passer quelque chose derrière. Ce serait pure fantaisie de croire que ton enfant accepte son broncher et qu'il obéisse juste. Parfois ça peut arriver, mais ce sera principalement dans le cas où ton enfant est dans un état émotionnel, finalement assez stable, et où il a plus besoin d'un rappel de règles que quoi que ce soit d'autre. Si tu écoutes mon podcast depuis un moment, tu sais peut-être que interposer une limite, c'est en fait l'un des cinq outils de base de l'approche parentale hand-in-hand. Ça fait donc partie intégrante de ce qu'on pense être essentiel pour nos enfants. Évidemment, il faut faire preuve de discernement et tout comportement inadapté ne nécessite pas directement la mise en place de limites. Tu sais, dans l'outil Interpose une limite, la première étape c'est cette réflexion, qui prend parfois une milliseconde dans la tête du parent et qui permet de vérifier si oui ou non, une limite est nécessaire. Mais à Hand in Hand, on part toujours du principe que un parent qui sait discerner et à le soutien nécessaire, saura quand poser une limite ou pas. Je te donne un exemple. Dimanche, au déjeuner, chez moi, il y avait du poulet à la mangue. Et un de mes plus jeunes fils était super excité car il adore la mangue et qu'en plus on avait des invités à la maison. Il arrive à table et attrape directement dans le plat des petits cubes de mangue alors que le repas n'avait pas encore été servi. En temps normal, j'aurais rapidement attrapé sa main, interposé une limite, en lui demandant d'attendre pour la mangue. Dimanche, j'ai décidé que ce n'est pas le moment d'interposer une limite. car cela aurait impliqué d'offrir un moment de rester écouté derrière et clairement, je préférais m'occuper de mes hôtes. Je vais donc proposer de manger sa salade, d'entrer avec des petits bouts de mangue et au final, c'est passé crème. Maintenant, admettons que tu considères qu'une limite soit nécessaire et que tu es convaincu que cela déclenchera un moment compliqué chez ton enfant et une explosion d'émotions désagréables. Si tu es stressé par le comportement de ton enfant, tu vas avoir tendance à adopter des attitudes différentes. Soit te montrer super dur avec lui Et dans ces cas-là, ton but est de lui faire tellement peur que tu réduis ton enfant au silence, ouais, pas convaincu qu'à terme ce soit très porteur, soit avoir tellement peur de ses réactions que tu poses une limite, mais que tu culbalbilises tellement qu'au final, on ne sait plus trop qui est le plus touché par cette limite. Et puis, il y a une troisième attitude, et c'est évidemment celle-là que je t'invite à explorer. C'est cette attitude qui va consister à interposer une limite ou un non à ton enfant, mais sans être ni dans le non, punitif, ni dans le non qui essaie de se justifier auprès de son enfant. Un non ferme, mais qui reste dans l'empathie, va porter exactement ce dont l'enfant a besoin. Un cadre, certes, mais sécurisant. C'est le « non, je ne peux pas laisser prendre la voiture télécommandée des mains de ton frère » , c'est le « non, là, c'est l'heure d'aller se coucher » , où on s'approche de l'enfant, pas besoin d'élever la voix. C'est le non qui, déjà, indique qu'il y aura une suite, une écoute, et qu'on restera jusqu'au bout pour accompagner l'enfant à traverser ses émotions désagréables. A l'inverse, un nom dur ou évité, cela va probablement amener une certaine confusion et créer une sorte d'effet cocotte minute qui sur le moyen ou le long terme sera beaucoup plus compliqué pour ton enfant à digérer. Je vais reprendre la réaction de ce papa à la médiathèque face à son enfant et qui voulait emprunter des mangas. Si je l'avais accompagné en formation, voilà ce que je lui aurais sans doute proposé s'il m'avait exposé son problème, à savoir encourager la lecture pour son fils, l'ouvrir aussi à autre chose que les mangas. D'abord, je l'aurais encouragé à aller explorer comment ça se passait chez lui la lecture quand il était petit. Ça je lui aurais évidemment proposé d'y réfléchir pendant un moment d'écoute dans lequel deux parents s'offrent 5-10 minutes d'écoute à tour de rôle pendant que l'autre expose un sujet particulier. Le point n'est pas d'offrir une analyse à l'autre de pourquoi par rapport à ses souvenirs d'enfance il est aussi dur avec son fils, ok ? L'idée aurait été de laisser ce papa explorer ce point Sans le forcer à tout raconter, que ce dont il a envie, et surtout de laisser un peu remonter les sentiments ou les émotions que toute cette histoire de lecture chez son fils fait remonter chez lui. Tu le sais sans doute, mais nos enfants sont assez forts pour appuyer sur nos points faibles. Et suite à cette exploration, pendant le temps d'écoute, moi ou le parent qui l'écoute, on l'aurait aidé à contrer le sentiment qu'il ressentait alors. Peut-être y a eu-t-il de l'humiliation face à ses copains par rapport à la lecture, peut-être n'avait-il pas accès ? à de vrais livres quand il était petit. Peut-être qu'il avait des problèmes d'apprentissage, que sais-je. Dans tous les cas, il y a fort à parier qu'il y avait un point bloquant. Et l'idée est de le laisser revenir dessus. en douceur et de le laisser explorer ses cautions à son rythme en une ou plusieurs fois, jusqu'à ce que ses sentiments d'isolement, de honte peut-être, d'incapacité, disparaissent quand il repense à cette histoire sous l'œil bienveillant et non jugeant d'un autre parent qui croit en lui. Dans l'approche hand-in-hand, c'est un peu la condition requise pour alors être capable de réagir sereinement lors de la prochaine sortie bibliothèque. Imaginons maintenant que le papa ait réussi à aller au bout de ce travail émotionnel. Peut-être en une ou dix séances d'écoute, ça on peut jamais trop prévoir à l'avance. Imaginons maintenant que c'est à nouveau le week-end et que le papa retourne à la bibliothèque avec son fils. Que peut-il se passer ? La même scène peut se répéter où son fils voudra absolument prendre cinq One Piece et les attrapera dans le rayonnage avec la boule au ventre en ayant super peur de la réaction de son papa. Et là, peut-être que le papa pourra proposer quelque chose. Ça peut être de s'asseoir avec lui, de demander à son fils... Ce qu'il aime bien dans les One Piece, peut-être même d'en lire un avec lui. Ça peut être avant d'aller à la médiathèque, de lui réexpliquer la règle de pas de manga, et de lui expliquer avec empathie pourquoi ça nous dérange. Dans quel autre cas il peut lire des mangas, et pourquoi pas lui offrir un moment de rester écouté pour l'aider à digérer tout ça. Ça peut être de se dire qu'il est temps de proposer des moments de temps particuliers aussi à son fils, pour renforcer ce lien père-fils, pour que la confiance grandisse par eux, et que la peur soit remplacée par un respect mutuel. En conclusion, Dire non, c'est pas briser un élan vital, c'est proposer un cadre rassurant pour digérer ses émotions. En revanche, quand on le fait, nul besoin d'être dans le regard sévère, les mots durs, ou d'adopter une attitude évidente. Pas besoin de faire du théâtre, de s'inventer un personnage terrifiant. En soi, ça n'apporte strictement rien. En réponse à la question que je posais dans le titre de ce podcast, faut-il dire plus souvent non à ses enfants ? Tu comprendras peut-être que cette question est finalement mal posée. Il ne s'agit pas de dire non... plus ou moins de fois. Il s'agit de faire un pas de côté, de façon régulière et de sortir un peu la tête de l'eau pour prendre de la hauteur. Il s'agit, je pense, d'aider un enfant à traverser des émotions désagréables, plutôt que de les lui éviter en permanence. On arrive chacun avec un certain héritage quand il s'agit des limites. Et si ça t'intéresse, j'ai créé un petit quiz pour que tu découvres le genre de parent que tu es. À partir de ta façon de répondre à des situations simples du quotidien, tu Tu découvriras ton profil Et surtout, je t'offre un plan d'action pour que tu puisses avancer plus sereinement avec ton enfant. Je te mets le lien vers ce quiz sous ce podcast. D'ici là, prends soin de toi, mets-toi au manga, ou pas d'ailleurs, et à bientôt pour un prochain épisode.