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Hemicycle

#17 – Thibaut Astier (Ville d’Écully) : Décentralisation, lobbying et coulisses de la décision publique

#17 – Thibaut Astier (Ville d’Écully) : Décentralisation, lobbying et coulisses de la décision publique

21min |11/07/2025
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Description

Dans cet épisode d’Hémicycle, je reçois Thibaut Astier, directeur de cabinet et de la communication de la Ville d’Écully (près de Lyon), ancien collaborateur au Parlement européen, et enseignant à l’HEIP et à l’EM Lyon.


Thibaut partage son parcours riche et hybride, à la croisée de la politique européenne, des collectivités territoriales et de l’enseignement. Il revient sur sa passion précoce pour la chose publique et la décision politique, et sur les différentes façons de s’engager : comme élu municipal, comme collaborateur d’élu et comme expert de l’écosystème public-privé.


On discute ensemble des réalités concrètes du mandat local et du rôle d’un directeur de cabinet : faire le lien entre le maire, l’administration, les partenaires, et les habitants. Thibaut décrit aussi les difficultés croissantes des communes face aux baisses de dotations, aux transferts de compétences non financés, et à la nécessité de pallier certaines défaillances de l’État, par exemple en matière de sécurité ou de santé publique.


Il partage son regard critique sur la centralisation persistante en France et formule des propositions fortes, comme la suppression du niveau départemental ou la fusion de communes pour rendre l’action publique plus efficace.

Thibaut nous parle aussi de sa mission d’enseignant, où il déconstruit les clichés autour du lobbying et explique en quoi c’est avant tout une pratique utile à la décision éclairée des élus. Pour lui, un bon lobbyiste est un passeur d’informations qui contribue à confronter tous les points de vue, pas un « requin » agissant dans l’ombre.


Enfin, il revient sur l’importance de la communication publique, sur la manière de rendre compte aux citoyens, et sur la nécessité de faire vivre une démocratie de proximité où la participation est une réalité quotidienne.

Un épisode passionnant pour mieux comprendre comment se prennent les décisions qui impactent concrètement nos vies, et comment les collectivités innovent malgré les contraintes.


Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'essaye de leur démontrer que le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou. Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Thibaut Astier. Thibaut, t'es directeur de cabinet de la communication à la ville d'Éculie, et tu es ancien collaborateur au Parlement européen, ainsi qu'enseignant à l'HEIP et l'EM Lyon. T'es fin connaisseur des rouages institutionnels du terrain au couloir bruxellois. Salut Thibaut.

  • Speaker #0

    Salut Pierre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette description ?

  • Speaker #0

    Je... Je pense que ta présentation était succincte et complète.

  • Speaker #1

    Parfait. Donc tu as été collaborateur parlementaire à Bruxelles, puis secrétaire général d'un groupe à la région, et enfin directeur de cabinet à Écully. Quel fil conducteur tu vois dans ton parcours ? Est-ce qu'il y a des complémentarités que tu veux mettre en avant ?

  • Speaker #0

    Des complémentarités, évidemment, mais surtout c'est un peu la passion de la chose publique. Moi, depuis que je suis né, je m'intéresse un petit peu au monde qui m'entoure, aux mécanismes de décision, au processus d'élaboration de la décision, à qui la prend, qui la travaille, comment ça se fabrique. Et je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs formes d'engagement quand on veut servir un peu la chose publique. Il y a le mandat d'élu, évidemment. Il y a aussi travailler avec des élus, autour des élus et dans tout cet écosystème-là. Et finalement, mon parcours reprend un petit peu ces différents éléments. Avec une notion de complémentarité, tu l'as dit. Complémentarité avec des passerelles publiques, privées. Quand on a cette passion, on a finalement divers moyens de pouvoir y trouver son compte.

  • Speaker #1

    Et cette passion, comment est-ce qu'elle est née ? D'où tu la tires ? À vrai dire ?

  • Speaker #0

    Je ne saurais pas répondre précisément à ta question. Moi, depuis que je suis tout petit, je lis beaucoup la presse, j'écoute beaucoup la radio. J'étais plus France Info que Skyrock il y a dix ans. Même si je lis l'équipe, je lisais aussi beaucoup Le Monde de Figaro et plein de journaux. J'étais délégué de classe quand j'étais gamin. Enfin voilà, j'ai toujours... Peut-être si je voulais raccourcir ça, je n'ai jamais aimé que les autres décident ma place.

  • Speaker #1

    Alors, tu as été élu municipal. C'est assez rare... Pour l'instant, dans ce podcast, je rencontre des élus de mandats locaux. Qu'est-ce que tu retiens de ce mandat ? Qu'est-ce qui se passe quand on passe de l'autre côté ?

  • Speaker #0

    Alors oui, j'ai été élu pendant six ans à Sainte-Follée-Lyon, dans la ville où j'habitais. C'est une super expérience. Déjà, une aventure humaine assez exceptionnelle, avec des collègues élus qui sont hyper engagés pour leur commune, des sensibilités, des parcours de vie différents. Mais le fil rouge, c'est s'engager pour la commune au quotidien. Je lève le matin. tu as l'impression d'être utile, de servir à quelque chose. Surtout dans ce mandat municipal où tu es finalement en hyper proximité. Cette fois, c'est une commune de 22 000 habitants. On est encore à taille très humaine. Les élus sont représentatifs des différents quartiers de la ville, différentes thématiques. Et là où il y a une vraie différence avec un mandat national ou un mandat européen, par exemple, le mandat national, c'est des décisions micro sur lesquelles tu as plein de décisions. Là où le mandat national ou le mandat européen, c'est des sujets hyper macro sur lesquels les élus ont finalement très peu d'influence. Donc c'est vraiment ce décalage-là qui fait que le mandat d'élu municipal, tu te sens très utile.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu es élu municipal dans une localité qui est moyenne ou petite, tu te retrouves justement à faire du lobbying vers des plus grandes instances, des plus grandes institutions pour favoriser ta localité ?

  • Speaker #0

    Alors un petit peu, il y a des lobbies qui sont institutionnalisées au niveau des communes. Par exemple, l'association des maires du Rhône. Je parle pour le Rhône parce que Saint-Folléon est dans le Rhône, mais tous les départements ont une association des maires qui est un peu chargée de les représenter, de faire remonter les problématiques des communes. au niveau national, au niveau de l'association des maires de France, cette fois. Et puis, tu as une foule d'associations type Intercommunalité de France, Région de France, Département de France. Tu as l'association des petites villes, l'association des communes rurales. Voilà, toutes ces communes ont la possibilité de faire entendre leurs problématiques et leurs priorités au niveau national. C'est souvent sur des sujets financiers. On y reviendra peut-être, mais l'État a un peu tendance à faire les poches aux collectivités depuis 15-20 ans. Et c'est vrai que tous les ans, au moment du budget, l'association des maires de France monte un peu au créneau. pour défendre ses intérêts financiers notamment. Donc là,

  • Speaker #1

    pour en venir à tes intérêts et à ton quotidien, tu diriges à la fois le cabinet du maire et la communication. Quel est le cœur de ta mission ? Est-ce que tu as des journées qui se ressemblent ? Quel est ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de journée qui se ressemble. En fait, le quotidien, quand tu es directeur de cabinet, c'est un peu la gare de triage et la porte d'entrée. C'est-à-dire qu'il y a une foule d'informations qui me remontent, très diverses et variées, de la part des élus, de la part des services de la mairie, de la part de la population. Et moi, mon job, c'est de trier ce qui nécessite un arbitrage du maire. ce qui peut être tranché par un adjoint, là où j'ai besoin de plus d'éléments pour soumettre une décision. Le quotidien, c'est beaucoup d'appels, beaucoup de réunions, de préparation, de visites terrain, et aussi le côté relationnel. avec les partenaires extérieurs de la mairie. Ça c'est très intéressant quand tu montes des dossiers de subvention.

  • Speaker #1

    Qui sont les partenaires principaux ?

  • Speaker #0

    Les communes alentours, les collectivités partenaires, régions, métropoles. On est dans un territoire où aujourd'hui les intercommunalités prennent de plus en plus de pouvoir via les compétences qui explosent. Il faut faire avec. Donc les premiers partenaires des collectivités sont souvent d'autres collectivités. Puis tu as aussi ceux qui interviennent sur les chantiers. On va avoir un problème avec un chantier sur la commune, il faut remonter un peu les bretelles. d'une entreprise qui est un peu en retard ou qui ne fait pas forcément les travaux comme on voudrait. Bon, c'est à un moment donné, c'est aussi le dire-câble qu'on envoie un petit peu au front pour faire passer les bons messages.

  • Speaker #1

    On dit que dans les petites et moyennes communes, il y a souvent des moyens qui sont contraints. Tu disais que l'État fait un peu la poche aux communes. Comment est-ce qu'on fait pour faire avancer des projets dans cet écosystème ?

  • Speaker #0

    Alors oui, les moyens sont très contraints. J'en veux un peu au président de la République. En 2017, il a supprimé la taxe d'habitation. Tout le monde trouvait ça extraordinaire, surtout ceux qui la payaient, mais ceux qui l'apercevaient beaucoup moins. Elle a été compensée à l'euro près au début, je ne sais pas si c'est vraiment encore le cas ou pas, mais ça a créé une rupture de lien fiscal entre les habitants et les collectivités.

  • Speaker #1

    Ça représentait combien pour vous, comme rentrée d'argent par exemple ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je n'étais pas encore à la mairie d'Éculier en 2017, donc je ne sais pas répondre à ta question.

  • Speaker #1

    Mais s'il a été compensé, est-ce que vous avez une rentrée équivalente ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a deux mécanismes. On a ce qu'on appelle la dotation globale de fonctionnement, qui est versée chaque année par l'État, qui représente... pour une commune comme Écully, si je ne dis pas de bêtises, environ 300 000 euros. Et après, on a divers mécanismes type la DSU, dotation de solidarité urbaine, etc. Mais grosso modo, il y a non seulement les dotations qui baissent, mais il y a surtout les prérogatives qui augmentent. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances, disons-le clairement, de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité. Le maire est arrivé en 2020, il y avait trois policiers municipaux. Aujourd'hui, il y en a 15. Ce n'est pas parce que le maire est un shérif, c'est simplement qu'on a constaté qu'il y avait de... plus en plus de petites incivilités qui, à l'époque, auraient pu être traitées par la police nationale, qui, voyant ces effectifs diminués, n'étaient plus traitées. Il fallait imposer une présence un peu dissuasive sur le territoire de la commune, étendre les horaires notamment la nuit, etc. Donc l'État a palié, clairement palié à la défaillance de l'État. On a monté un centre de vaccination en 48 heures au moment du Covid, parce qu'il fallait bien vacciner la population. Les doses arrivaient, on voyait que les gens allaient faire la queue dans des immenses gymnase à Lyon, on s'est dit... qu'il n'y aurait pas moyen de faire un petit centre de vaccination de proximité. 48 heures, on a trouvé une salle municipale. On a dit à l'association qui utilisait les locaux, pendant quelques mois, on leur trouverait une solution provisoire. On allait voir l'ARS, le préfet, les cliniques qui étaient aux alentours, etc. Et puis on a bricolé ça. Est-ce que c'était au rôle des communes qui n'ont pas la compétence santé de le faire ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il fallait le faire. Il fallait quand même vacciner le maximum de la population en un minimum de temps pour essayer d'endiguer.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est sur votre budget ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, oui. parce que c'est des agents municipaux qui vont faire l'entretien des salles, c'est du gardiennage, même si les cliniques notamment ont beaucoup joué le jeu, nous ont beaucoup aidé, on a eu un peu des partenaires privés, des mutuelles, etc., qui ont un petit peu mis d'argent dans le projet. Clairement, ça a été un coup pour la mairie.

  • Speaker #1

    Tu parles des collectivités qui prennent, qui pallient les manquements de l'État. Tu as vu les institutions de l'intérieur à plusieurs échelles. Est-ce que tu penses justement qu'il faudrait revenir à une forme de décentralisation politique ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Pourquoi ? La plupart de nos voisins... sont des pays de différentes formes, mais avec une forme de décentralisation très poussée. L'Allemagne, État fédéral, c'est le paroxysme de la décentralisation, parce que les lenders sont très forts. Italie et Espagne, pareil. L'État unitaire, il a un petit peu ses limites aujourd'hui. Et j'ai l'impression que la décentralisation, c'est un petit peu un des grands oubliés du quinquennat. Pour la première fois depuis De Gaulle, le président de la République n'est pas un élu local. Il s'est tout de suite un petit peu méfié d'elle. Il y avait peut-être une volonté de débaroniser un petit peu la vie politique locale. Oui, ça s'est fait de différentes façons. Je parlais tout à l'heure de la suppression de la taxe d'habitation. Il y a eu ce qu'on appelait les contrats de CAOR, les baisses de dotation. On a l'impression qu'il y a eu une rupture de confiance un petit peu entre l'État et les collectivités. Et aujourd'hui, on a un article de la Constitution, l'article 72, qui dit que les collectivités territoriales s'administrent librement. Mais est-ce qu'elles ont encore les moyens financiers de s'administrer ? Fort de ce que je te dis sur tous ces sujets financiers, j'en suis de moins en moins convaincu. Et aujourd'hui, il y a une foule de maires, beaucoup plus que sur les autres mandats, qui démissionnent. Pourquoi ? Parce qu'ils estiment qu'ils n'ont plus les moyens de leurs actions. Alors les moyens, on dit beaucoup de choses derrière moyens, mais il y a un manque de moyens financiers, un manque de soutien moral aussi, parfois il y a de plus en plus d'agressions, les maires se sentent un petit peu oubliés, abandonnés. Tout ça me fait dire que oui, on a besoin de plus de décentralisation, alors que parallèlement, il y a une décentralisation un peu silencieuse qui s'opère. L'État ne transfère pas à proprement dit les nouvelles compétences, mais malgré tout, les collectivités palissent, que je te disais un petit peu, aux défaillances de l'État. On a une... Des centralisations de faits, mais pas de textes, donc sans les moyens qui devraient s'accompagner.

  • Speaker #1

    Du coup Thibault, est-ce que tu as des propositions ? Si toi tu étais président, moi président, est-ce que tu aurais une ou plusieurs propositions que tu voudrais présenter directement pour pallier à ce manque, ou en tout cas à cette centralisation trop forte ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup trop d'échelons de collectivités en France. Communes, intercommunalités, départements, régions, il y en a beaucoup trop. Le plus simple serait selon moi de supprimer les départements pour une raison simple. Les régions, c'est des collectivités qui ont vocation à être très fortes. L'échelon régional, c'est l'échelon qui perçoit les fonds européens. Il y a beaucoup de coopération entre les régions européennes, donc cet échelon-là, il faut le pérenniser. Deuxièmement, l'intercommunalité doit monter en puissance, parce que c'est un échelon de mutualisation assez fort, vraiment un échelon de projet. Là où aujourd'hui, le département, il a essentiellement des compétences en matière de solidarité qui pourraient être descendues d'un échelon, et en matière d'entretien des routes qui pourraient, pour le coup, être transférées aux régions. Je pense que l'échelon départemental, il est moins pertinent. Il faut quand même rappeler qu'il est directement issu de Napoléon. et l'histoire de pouvoir faire à cheval en une journée traverser un point à un autre d'un département, c'est peut-être cet échelon-là qui sera à revoir. J'ai souvent tendance à provoquer un petit peu mes étudiants en leur disant qu'il faudrait supprimer un certain nombre de communes. Et quand je dis un certain nombre, il y a la moitié des communes de l'Union européenne ou presque qui sont situées en France, alors qu'il y a quand même 27 pays. Donc j'ai la faiblesse de penser qu'on peut encore un petit peu rationaliser les choses. Le problème, c'est que quand on parle de supprimer des communes, les gens se disent mais... Il y a un clocher, il y a une école, il y a une supérette. Je dis mais on ne va pas raser. Simplement, c'est que le conseil municipal de la commune serait mutualisé avec le conseil municipal de la commune voisine. Et ça, il y a encore beaucoup de résistance, notamment dans les territoires ruraux. Je pense qu'on peut faire un effort significatif là-dessus.

  • Speaker #1

    Donc tes étudiants, actuellement, ils sont à l'EM Lyon et à l'HVIP. Qu'est-ce que tu essayes de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    À l'EM Lyon, j'enseigne un séminaire sur l'intelligence économique où je fais un petit peu une introduction au lobbying. J'essaye de leur démontrer que... Le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou, pour la bonne et simple raison que j'ai été lobbyiste dans une vie antérieure et que ça ne m'a pas empêché de me lever le matin assez tranquillement. J'ai peut-être aussi la chance d'avoir des clients qui étaient peu clivants et plutôt institutionnels. Mais j'essaye un petit peu de casser ce mythe, parce que je pense que plus le mythe du lobbyiste véreux et des pratiques douteuses sera levé, plus ça servira à la profession et ceux qui peuvent être en lien avec la profession. J'ai eu l'expérience de certains parlementaires qui, par principe, ne voulait pas voir les lobbyistes. Et je me suis dit, mais en fait, le problème, c'est que le parlementaire, l'élu, c'est lui qui décide à la fin. La vox populi, c'est lui. Et je me dis, pour décider en conscience, est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir rencontré tous les interlocuteurs ? J'ai la faiblesse de penser que oui. Donc, ma mission principale, notamment auprès des étudiants de l'OM Lyon, c'est d'essayer de déconstruire un petit peu ce mythe. Après, sur HEIP, c'est différent parce que j'ai des missions qui sont plus en lien aussi avec ce que je fais au quotidien sur justement le fonctionnement des collectivités territoriales, la décentralisation. Je suis moins amené à parler des questions de lobbying. Mais il m'arrive aussi, parce que quand on se présente un petit peu en début de semestre, on parle un peu de son parcours et j'ai toujours une demi-heure de questions sur ce que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Alors, est-ce que tu leur expliques ce qu'est un bon lobbyiste et un mauvais lobbyiste ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas dire qu'il y aurait des bons ou des mauvais lobbyistes. Je pense qu'il y a une bonne pratique du lobbying, celle qui est de plus en plus en cours chez nous. Il y a de plus en plus aujourd'hui de cabinets de lobbying. Il y a de plus en plus d'associations qui font du lobbying. Il y a de plus en plus d'entreprises qui internalisent des missions de lobbying. tout simplement parce qu'ils ont des messages à faire passer. Et le lobbying, c'est ni plus ni moins que de la communication au service de la défense de ses intérêts. Et encore une fois, intérêts sans le côté négatif des intérêts. Un intérêt, ce n'est pas que négatif. Vous pouvez faire du lobbying en offensif, en défensif ou en notoriété. Il ne vous aura pas empêché, on dit souvent qu'une entreprise, on va la citer, mais Total Energy dépense des milliers, des cents dans des campagnes de lobbying. Total Energy a pourtant une image déblorable en France. Je veux dire, ce n'est pas l'argent. ou les moyens qu'on va déployer qui feront le succès à la fin. Il y a une vraie dimension philosophique aussi. Et moi, je pense qu'il faut plus faire confiance aussi à l'élu qui décide. Ce n'est pas parce que l'élu va être confronté à des campagnes de lobbying intenses. Moi, j'ai vu au Parlement européen, à quelques jours de vote important, vous aviez votre boîte mail qui se remplissait de centaines de messages en quelques minutes pour faire un petit peu pression sur les députés. Je ne suis pas convaincu du tout que ça fasse changer de vote un député ou que ça puisse influer sur son choix. Ce qui va en revanche. influer sans son choix, c'est le fait qu'il ait pu, en amont du vote du texte, rencontrer un certain nombre d'acteurs et l'élu avec qui je travaillais, pour le coup, était très curieuse et très bosseuse. Elle avait cette capacité à rencontrer tout le monde en se disant, moi, je n'ai pas la science infuse, j'ai une intuition, mais j'ai besoin de confronter. mon intuition avec tous les points de vue. Et je pense que c'est ça, justement, le rôle du lobbyiste, c'est de permettre que l'élu puisse confronter tous les points de vue, et que parmi les points de vue, il y ait évidemment celui de son client.

  • Speaker #1

    Est-ce que tous les points de vue sont représentés ?

  • Speaker #0

    Dans le domaine qui m'a été donné de connaître, je dirais que, grosso modo, l'immense majorité des points de vue sont représentés. Surtout à Bruxelles, où le lobbying est vraiment très institutionnalisé.

  • Speaker #1

    C'était quel domaine en particulier ?

  • Speaker #0

    Elle travaillait beaucoup sur les sujets santé-environnement, c'était en plus au moment du Covid, et elle faisait notamment un rapport sur les pénuries de médicaments. C'est un sujet qui est très sensible. toujours. Et là, je vous garantis que tous les points de vue étaient représentés, aussi bien ceux des industries que ceux des patients, parce qu'il y avait une vraie dimension ressentie patient dans le sujet des médicaments.

  • Speaker #1

    Super clair. Si tu le veux bien, Thibault, on va passer à la séquence vrai-faux. J'énonce trois phrases et tu réponds par vrai ou faux en développant si tu le souhaites. La première phrase, c'est les vraies décisions se prennent encore à Paris.

  • Speaker #0

    Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Ça, c'est vrai. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Et je pense que les décisions les plus structurantes se prennent aussi au niveau européen.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase, c'est le directeur de cabinet et le traducteur entre politique et administration.

  • Speaker #0

    Vrai, et je préciserais même en disant presque trait d'union. Pour moi, il y a cette notion de trait d'union, avec quand même une nuance, c'est qu'il y a autant de directeurs de cabinet qu'il y a de maires. Il y a une vraie variété dans les profils. Ça dépend aussi beaucoup des attentes des différents maires. Je discute, j'échange énormément avec mes collègues. On a d'ailleurs un syndicat, un lobby presque, on pourrait l'appeler, qui s'appelle Dexterra, qui est l'association... qui regroupe les collaborateurs du cabinet plutôt issus des parties de la droite et du centre. Et donc, on échange énormément sur nos métiers, etc. On a tous le même titre, on n'a pas tous le même boulot. Ça dépend aussi beaucoup de la taille de collectivité, parce qu'en fonction de la taille, vous n'avez pas le même nombre de collaborateurs, etc. C'est beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, c'est « Dans une mairie, la communication est une arme d'influence locale. »

  • Speaker #0

    C'est évidemment vrai, comme partout ailleurs. Ce qui est sûr, c'est que le manque de communication dans les organisations, c'est aujourd'hui ce qui fait perdre du temps et de l'énergie à tout le monde. Et le manque de communication à l'extérieur n'est plus entendable de nos jours. Si je fais une visite terrain avec le maire, comme on en fait régulièrement, et que vous avez un citoyen qui vous dit « Ah, mais je ne savais pas que vous faisiez ça ! » Vous vous rédissez un peu, vous dites « Mais on a mobilisé tous les supports de communication de la mairie, de la page Facebook au magazine municipal, aux réseaux sociaux, à l'application, vous avez... » Et c'est assez frustrant d'entendre ça. Après, il y a une vraie question là-autour, parce que vous vous dites « Mais à quel moment s'arrête la communication ? Est-ce que finalement, tant que vous ne prenez pas votre téléphone pour appeler quelqu'un, l'information descend ? » Bah ! c'est un vrai enjeu aujourd'hui tout est communication donc vous êtes obligé de trouver le moyen de vous différencier un peu ou d'être sûr que celle-ci passe celle-ci passe quand celui à qui vous adressez ouvre les yeux ou les oreilles ça m'amène une dernière phrase que j'ai envie de soumettre dans le vrai faux qui est travailler au parlement européen est plus stimulant que travailler dans une collectivité c'est totalement différent moi j'ai la chance de travailler dans une collectivité avec un maire qui est hyper innovant qui a 50 idées à la seconde et qui aime bien un petit peu sortir des sentiers battus explorer un petit peu des... domaines qui ne sont pas forcément des domaines sur lesquels on attend un maire. Par exemple, il a mis en place la semaine de 4 jours à la mairie pour les agents municipaux, quelque chose qui ne se faisait pas du tout. On a mutualisé un poste de police municipale et police nationale qui était une première dans le département, justement pour essayer de faire des économies de personnel, trouver un petit peu des synergies. Donc ça, c'est hyper intéressant. Et je reviens un peu à ce que je vous ai dit au début. Sur une collectivité, c'est des décisions micro sur lesquelles on a toutes prises, alors que le Parlement européen, c'est des sujets macro sur lesquels vous avez très peu de prises. finalement c'est très intéressant pour la culture générale le développement personnel etc c'est une vraie expérience enrichissante mais vous pouvez avoir la frustration parfois de vous dire que la décision elle vous échappe encore un peu là où sur une collectivité vous avez vraiment les moyens de voir concrètement parfois la vie a un petit peu changé Thibaut on arrive bientôt à la fin de cet épisode est-ce qu'il y a un conseil que tu pourrais donner à un jeune qui veut travailler dans les affaires publiques ou dans une mairie en tout cas en lien avec ton parcours déjà le premier conseil que je lui donnerais c'est de parculer Parce qu'objectivement, il n'y a pas un jour où je me suis levé en me disant « je n'ai pas envie d'y aller ce matin » . Ça, je pense que c'est quand même un vrai point positif. Et la deuxième chose, c'est de se faire sa propre opinion, notamment sur le sujet lobbying, parce qu'aujourd'hui, on a des moyens colossaux d'avoir accès à de l'information. Donc vraiment, j'ai envie de lui dire de foncer, de ne pas reculer. Et par contre, si j'ai une petite subtilité, moi, je crois beaucoup à la passerelle publique-privé. C'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez et dans lesquels il y a pourtant énormément d'interactions. Tous les jours dans les communes, vous êtes confrontés aux donneurs d'ordres privés, que ce soit lorsque vous lancez des marchés publics. Vous avez une foule d'interactions et c'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez. Et quand vous ne vous connaissez pas, vous ne vous comprenez pas. Et c'est aussi pour ça que je pense que le lobbyiste, il a un rôle d'interprète entre les deux. Ils doivent faire coïncider, cohabiter et se rencontrer deux mondes qui ne parlent pas forcément le même langage. C'est pour ça que l'intérêt de la passerelle public-privé, privé-public... C'est que justement, vous parlez deux langages et vous faites coïncider ces deux vocabulaires.

  • Speaker #1

    Super clair. Est-ce que, Thibaut, pour conclure, est-ce que tu aurais une recommandation culturelle à nous partager ?

  • Speaker #0

    Alors, pour rester dans le thème... Il y a un livre que j'ai lu en arrivant au Parlement européen que j'ai adoré, qui s'appelle « Les compromis » , qui a été écrit par Maxime Caligaro et Éric Cardière. C'est à cheval entre un roman policier et un roman politique. C'est une fiction au cœur des institutions européennes. C'est passionnant. Si vous avez trois heures ou quatre heures de TGV, c'est la recommandation que je peux vous faire.

  • Speaker #1

    Génial, merci. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voulais exprimer ici que tu n'as pas encore eu le temps de développer, Thibaut ?

  • Speaker #0

    Que je n'ai pas eu le temps de développer, oui. C'est vraiment le cœur de la mission d'un DIRCAB en collectivité, qui qu'elle... je parlais de la garde triage, mais il y a aussi quelque chose qui est hyper important, c'est veiller à la déclinaison des engagements de l'équipe municipale, et notamment du programme sur lequel l'équipe municipale a été élue. J'ai vu un sondage passer il n'y a pas longtemps, le taux de satisfaction à l'égard des maires, il est de 70%. Ce serait à faire pallier à n'importe quel homme politique national. Quand vous regardez le sondage, je pense que si vous ajoutez la cote de popularité du président et du premier ministre, je pense que même si vous y mettez à deux, ils n'arrivent pas à 70%. Pourquoi les maires y sont appréciés ? Car ils tiennent plus facilement leurs promesses que les élus nationaux. Moi je veux dire, je tiens depuis que je suis arrivé, un tableau récapitulatif de l'ensemble des engagements de campagne qui ont été pris en 2020. Chaque année, au mois d'octobre, le maire fait une réunion, ce qu'il appelle bilan d'avancement de mandat. Ça fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans, etc. Et chaque année, on voit du coup le taux de réalisation augmenter. On finira le mandat à 97%, ce qui est pas mal, avec forcément un regret sur les trois petits pourcents, mais je veux pas me défausser sur d'autres, mais ils sont un peu aussi indépendants de notre volonté. et donc voilà ce qui est hyper important c'est que le Mais le dire-câble, il est là aussi pour veiller au quotidien à ce que le cadre dans lequel le mandat s'exerce soit bien respecté. Quand tout ça se fait en bonne intelligence avec l'administration, et Dieu sait que l'administration a des agents de grande qualité dans la fonction publique territoriale, les relations sont hyper fluides, hyper apaisées. Mais il y a un autre sujet aussi, c'est faire redescendre l'information, puisque les élus doivent rendre des comptes à leurs électeurs sur leur action. Nous, avec Uli, on fait beaucoup de rencontres de terrain. il y a un terme que j'exécre qui est... En termes de démocratie participative, je préfère un peu dire participation citoyenne, on en fait beaucoup. Parce que certes, le maire est élu sur un programme, mais le maire, il n'a pas la science infuse. Il a besoin aussi d'avoir un petit peu des remontées du terrain.

  • Speaker #1

    Merci Thibault.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    À la prochaine.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

Description

Dans cet épisode d’Hémicycle, je reçois Thibaut Astier, directeur de cabinet et de la communication de la Ville d’Écully (près de Lyon), ancien collaborateur au Parlement européen, et enseignant à l’HEIP et à l’EM Lyon.


Thibaut partage son parcours riche et hybride, à la croisée de la politique européenne, des collectivités territoriales et de l’enseignement. Il revient sur sa passion précoce pour la chose publique et la décision politique, et sur les différentes façons de s’engager : comme élu municipal, comme collaborateur d’élu et comme expert de l’écosystème public-privé.


On discute ensemble des réalités concrètes du mandat local et du rôle d’un directeur de cabinet : faire le lien entre le maire, l’administration, les partenaires, et les habitants. Thibaut décrit aussi les difficultés croissantes des communes face aux baisses de dotations, aux transferts de compétences non financés, et à la nécessité de pallier certaines défaillances de l’État, par exemple en matière de sécurité ou de santé publique.


Il partage son regard critique sur la centralisation persistante en France et formule des propositions fortes, comme la suppression du niveau départemental ou la fusion de communes pour rendre l’action publique plus efficace.

Thibaut nous parle aussi de sa mission d’enseignant, où il déconstruit les clichés autour du lobbying et explique en quoi c’est avant tout une pratique utile à la décision éclairée des élus. Pour lui, un bon lobbyiste est un passeur d’informations qui contribue à confronter tous les points de vue, pas un « requin » agissant dans l’ombre.


Enfin, il revient sur l’importance de la communication publique, sur la manière de rendre compte aux citoyens, et sur la nécessité de faire vivre une démocratie de proximité où la participation est une réalité quotidienne.

Un épisode passionnant pour mieux comprendre comment se prennent les décisions qui impactent concrètement nos vies, et comment les collectivités innovent malgré les contraintes.


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Transcription

  • Speaker #0

    J'essaye de leur démontrer que le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou. Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Thibaut Astier. Thibaut, t'es directeur de cabinet de la communication à la ville d'Éculie, et tu es ancien collaborateur au Parlement européen, ainsi qu'enseignant à l'HEIP et l'EM Lyon. T'es fin connaisseur des rouages institutionnels du terrain au couloir bruxellois. Salut Thibaut.

  • Speaker #0

    Salut Pierre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette description ?

  • Speaker #0

    Je... Je pense que ta présentation était succincte et complète.

  • Speaker #1

    Parfait. Donc tu as été collaborateur parlementaire à Bruxelles, puis secrétaire général d'un groupe à la région, et enfin directeur de cabinet à Écully. Quel fil conducteur tu vois dans ton parcours ? Est-ce qu'il y a des complémentarités que tu veux mettre en avant ?

  • Speaker #0

    Des complémentarités, évidemment, mais surtout c'est un peu la passion de la chose publique. Moi, depuis que je suis né, je m'intéresse un petit peu au monde qui m'entoure, aux mécanismes de décision, au processus d'élaboration de la décision, à qui la prend, qui la travaille, comment ça se fabrique. Et je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs formes d'engagement quand on veut servir un peu la chose publique. Il y a le mandat d'élu, évidemment. Il y a aussi travailler avec des élus, autour des élus et dans tout cet écosystème-là. Et finalement, mon parcours reprend un petit peu ces différents éléments. Avec une notion de complémentarité, tu l'as dit. Complémentarité avec des passerelles publiques, privées. Quand on a cette passion, on a finalement divers moyens de pouvoir y trouver son compte.

  • Speaker #1

    Et cette passion, comment est-ce qu'elle est née ? D'où tu la tires ? À vrai dire ?

  • Speaker #0

    Je ne saurais pas répondre précisément à ta question. Moi, depuis que je suis tout petit, je lis beaucoup la presse, j'écoute beaucoup la radio. J'étais plus France Info que Skyrock il y a dix ans. Même si je lis l'équipe, je lisais aussi beaucoup Le Monde de Figaro et plein de journaux. J'étais délégué de classe quand j'étais gamin. Enfin voilà, j'ai toujours... Peut-être si je voulais raccourcir ça, je n'ai jamais aimé que les autres décident ma place.

  • Speaker #1

    Alors, tu as été élu municipal. C'est assez rare... Pour l'instant, dans ce podcast, je rencontre des élus de mandats locaux. Qu'est-ce que tu retiens de ce mandat ? Qu'est-ce qui se passe quand on passe de l'autre côté ?

  • Speaker #0

    Alors oui, j'ai été élu pendant six ans à Sainte-Follée-Lyon, dans la ville où j'habitais. C'est une super expérience. Déjà, une aventure humaine assez exceptionnelle, avec des collègues élus qui sont hyper engagés pour leur commune, des sensibilités, des parcours de vie différents. Mais le fil rouge, c'est s'engager pour la commune au quotidien. Je lève le matin. tu as l'impression d'être utile, de servir à quelque chose. Surtout dans ce mandat municipal où tu es finalement en hyper proximité. Cette fois, c'est une commune de 22 000 habitants. On est encore à taille très humaine. Les élus sont représentatifs des différents quartiers de la ville, différentes thématiques. Et là où il y a une vraie différence avec un mandat national ou un mandat européen, par exemple, le mandat national, c'est des décisions micro sur lesquelles tu as plein de décisions. Là où le mandat national ou le mandat européen, c'est des sujets hyper macro sur lesquels les élus ont finalement très peu d'influence. Donc c'est vraiment ce décalage-là qui fait que le mandat d'élu municipal, tu te sens très utile.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu es élu municipal dans une localité qui est moyenne ou petite, tu te retrouves justement à faire du lobbying vers des plus grandes instances, des plus grandes institutions pour favoriser ta localité ?

  • Speaker #0

    Alors un petit peu, il y a des lobbies qui sont institutionnalisées au niveau des communes. Par exemple, l'association des maires du Rhône. Je parle pour le Rhône parce que Saint-Folléon est dans le Rhône, mais tous les départements ont une association des maires qui est un peu chargée de les représenter, de faire remonter les problématiques des communes. au niveau national, au niveau de l'association des maires de France, cette fois. Et puis, tu as une foule d'associations type Intercommunalité de France, Région de France, Département de France. Tu as l'association des petites villes, l'association des communes rurales. Voilà, toutes ces communes ont la possibilité de faire entendre leurs problématiques et leurs priorités au niveau national. C'est souvent sur des sujets financiers. On y reviendra peut-être, mais l'État a un peu tendance à faire les poches aux collectivités depuis 15-20 ans. Et c'est vrai que tous les ans, au moment du budget, l'association des maires de France monte un peu au créneau. pour défendre ses intérêts financiers notamment. Donc là,

  • Speaker #1

    pour en venir à tes intérêts et à ton quotidien, tu diriges à la fois le cabinet du maire et la communication. Quel est le cœur de ta mission ? Est-ce que tu as des journées qui se ressemblent ? Quel est ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de journée qui se ressemble. En fait, le quotidien, quand tu es directeur de cabinet, c'est un peu la gare de triage et la porte d'entrée. C'est-à-dire qu'il y a une foule d'informations qui me remontent, très diverses et variées, de la part des élus, de la part des services de la mairie, de la part de la population. Et moi, mon job, c'est de trier ce qui nécessite un arbitrage du maire. ce qui peut être tranché par un adjoint, là où j'ai besoin de plus d'éléments pour soumettre une décision. Le quotidien, c'est beaucoup d'appels, beaucoup de réunions, de préparation, de visites terrain, et aussi le côté relationnel. avec les partenaires extérieurs de la mairie. Ça c'est très intéressant quand tu montes des dossiers de subvention.

  • Speaker #1

    Qui sont les partenaires principaux ?

  • Speaker #0

    Les communes alentours, les collectivités partenaires, régions, métropoles. On est dans un territoire où aujourd'hui les intercommunalités prennent de plus en plus de pouvoir via les compétences qui explosent. Il faut faire avec. Donc les premiers partenaires des collectivités sont souvent d'autres collectivités. Puis tu as aussi ceux qui interviennent sur les chantiers. On va avoir un problème avec un chantier sur la commune, il faut remonter un peu les bretelles. d'une entreprise qui est un peu en retard ou qui ne fait pas forcément les travaux comme on voudrait. Bon, c'est à un moment donné, c'est aussi le dire-câble qu'on envoie un petit peu au front pour faire passer les bons messages.

  • Speaker #1

    On dit que dans les petites et moyennes communes, il y a souvent des moyens qui sont contraints. Tu disais que l'État fait un peu la poche aux communes. Comment est-ce qu'on fait pour faire avancer des projets dans cet écosystème ?

  • Speaker #0

    Alors oui, les moyens sont très contraints. J'en veux un peu au président de la République. En 2017, il a supprimé la taxe d'habitation. Tout le monde trouvait ça extraordinaire, surtout ceux qui la payaient, mais ceux qui l'apercevaient beaucoup moins. Elle a été compensée à l'euro près au début, je ne sais pas si c'est vraiment encore le cas ou pas, mais ça a créé une rupture de lien fiscal entre les habitants et les collectivités.

  • Speaker #1

    Ça représentait combien pour vous, comme rentrée d'argent par exemple ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je n'étais pas encore à la mairie d'Éculier en 2017, donc je ne sais pas répondre à ta question.

  • Speaker #1

    Mais s'il a été compensé, est-ce que vous avez une rentrée équivalente ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a deux mécanismes. On a ce qu'on appelle la dotation globale de fonctionnement, qui est versée chaque année par l'État, qui représente... pour une commune comme Écully, si je ne dis pas de bêtises, environ 300 000 euros. Et après, on a divers mécanismes type la DSU, dotation de solidarité urbaine, etc. Mais grosso modo, il y a non seulement les dotations qui baissent, mais il y a surtout les prérogatives qui augmentent. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances, disons-le clairement, de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité. Le maire est arrivé en 2020, il y avait trois policiers municipaux. Aujourd'hui, il y en a 15. Ce n'est pas parce que le maire est un shérif, c'est simplement qu'on a constaté qu'il y avait de... plus en plus de petites incivilités qui, à l'époque, auraient pu être traitées par la police nationale, qui, voyant ces effectifs diminués, n'étaient plus traitées. Il fallait imposer une présence un peu dissuasive sur le territoire de la commune, étendre les horaires notamment la nuit, etc. Donc l'État a palié, clairement palié à la défaillance de l'État. On a monté un centre de vaccination en 48 heures au moment du Covid, parce qu'il fallait bien vacciner la population. Les doses arrivaient, on voyait que les gens allaient faire la queue dans des immenses gymnase à Lyon, on s'est dit... qu'il n'y aurait pas moyen de faire un petit centre de vaccination de proximité. 48 heures, on a trouvé une salle municipale. On a dit à l'association qui utilisait les locaux, pendant quelques mois, on leur trouverait une solution provisoire. On allait voir l'ARS, le préfet, les cliniques qui étaient aux alentours, etc. Et puis on a bricolé ça. Est-ce que c'était au rôle des communes qui n'ont pas la compétence santé de le faire ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il fallait le faire. Il fallait quand même vacciner le maximum de la population en un minimum de temps pour essayer d'endiguer.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est sur votre budget ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, oui. parce que c'est des agents municipaux qui vont faire l'entretien des salles, c'est du gardiennage, même si les cliniques notamment ont beaucoup joué le jeu, nous ont beaucoup aidé, on a eu un peu des partenaires privés, des mutuelles, etc., qui ont un petit peu mis d'argent dans le projet. Clairement, ça a été un coup pour la mairie.

  • Speaker #1

    Tu parles des collectivités qui prennent, qui pallient les manquements de l'État. Tu as vu les institutions de l'intérieur à plusieurs échelles. Est-ce que tu penses justement qu'il faudrait revenir à une forme de décentralisation politique ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Pourquoi ? La plupart de nos voisins... sont des pays de différentes formes, mais avec une forme de décentralisation très poussée. L'Allemagne, État fédéral, c'est le paroxysme de la décentralisation, parce que les lenders sont très forts. Italie et Espagne, pareil. L'État unitaire, il a un petit peu ses limites aujourd'hui. Et j'ai l'impression que la décentralisation, c'est un petit peu un des grands oubliés du quinquennat. Pour la première fois depuis De Gaulle, le président de la République n'est pas un élu local. Il s'est tout de suite un petit peu méfié d'elle. Il y avait peut-être une volonté de débaroniser un petit peu la vie politique locale. Oui, ça s'est fait de différentes façons. Je parlais tout à l'heure de la suppression de la taxe d'habitation. Il y a eu ce qu'on appelait les contrats de CAOR, les baisses de dotation. On a l'impression qu'il y a eu une rupture de confiance un petit peu entre l'État et les collectivités. Et aujourd'hui, on a un article de la Constitution, l'article 72, qui dit que les collectivités territoriales s'administrent librement. Mais est-ce qu'elles ont encore les moyens financiers de s'administrer ? Fort de ce que je te dis sur tous ces sujets financiers, j'en suis de moins en moins convaincu. Et aujourd'hui, il y a une foule de maires, beaucoup plus que sur les autres mandats, qui démissionnent. Pourquoi ? Parce qu'ils estiment qu'ils n'ont plus les moyens de leurs actions. Alors les moyens, on dit beaucoup de choses derrière moyens, mais il y a un manque de moyens financiers, un manque de soutien moral aussi, parfois il y a de plus en plus d'agressions, les maires se sentent un petit peu oubliés, abandonnés. Tout ça me fait dire que oui, on a besoin de plus de décentralisation, alors que parallèlement, il y a une décentralisation un peu silencieuse qui s'opère. L'État ne transfère pas à proprement dit les nouvelles compétences, mais malgré tout, les collectivités palissent, que je te disais un petit peu, aux défaillances de l'État. On a une... Des centralisations de faits, mais pas de textes, donc sans les moyens qui devraient s'accompagner.

  • Speaker #1

    Du coup Thibault, est-ce que tu as des propositions ? Si toi tu étais président, moi président, est-ce que tu aurais une ou plusieurs propositions que tu voudrais présenter directement pour pallier à ce manque, ou en tout cas à cette centralisation trop forte ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup trop d'échelons de collectivités en France. Communes, intercommunalités, départements, régions, il y en a beaucoup trop. Le plus simple serait selon moi de supprimer les départements pour une raison simple. Les régions, c'est des collectivités qui ont vocation à être très fortes. L'échelon régional, c'est l'échelon qui perçoit les fonds européens. Il y a beaucoup de coopération entre les régions européennes, donc cet échelon-là, il faut le pérenniser. Deuxièmement, l'intercommunalité doit monter en puissance, parce que c'est un échelon de mutualisation assez fort, vraiment un échelon de projet. Là où aujourd'hui, le département, il a essentiellement des compétences en matière de solidarité qui pourraient être descendues d'un échelon, et en matière d'entretien des routes qui pourraient, pour le coup, être transférées aux régions. Je pense que l'échelon départemental, il est moins pertinent. Il faut quand même rappeler qu'il est directement issu de Napoléon. et l'histoire de pouvoir faire à cheval en une journée traverser un point à un autre d'un département, c'est peut-être cet échelon-là qui sera à revoir. J'ai souvent tendance à provoquer un petit peu mes étudiants en leur disant qu'il faudrait supprimer un certain nombre de communes. Et quand je dis un certain nombre, il y a la moitié des communes de l'Union européenne ou presque qui sont situées en France, alors qu'il y a quand même 27 pays. Donc j'ai la faiblesse de penser qu'on peut encore un petit peu rationaliser les choses. Le problème, c'est que quand on parle de supprimer des communes, les gens se disent mais... Il y a un clocher, il y a une école, il y a une supérette. Je dis mais on ne va pas raser. Simplement, c'est que le conseil municipal de la commune serait mutualisé avec le conseil municipal de la commune voisine. Et ça, il y a encore beaucoup de résistance, notamment dans les territoires ruraux. Je pense qu'on peut faire un effort significatif là-dessus.

  • Speaker #1

    Donc tes étudiants, actuellement, ils sont à l'EM Lyon et à l'HVIP. Qu'est-ce que tu essayes de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    À l'EM Lyon, j'enseigne un séminaire sur l'intelligence économique où je fais un petit peu une introduction au lobbying. J'essaye de leur démontrer que... Le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou, pour la bonne et simple raison que j'ai été lobbyiste dans une vie antérieure et que ça ne m'a pas empêché de me lever le matin assez tranquillement. J'ai peut-être aussi la chance d'avoir des clients qui étaient peu clivants et plutôt institutionnels. Mais j'essaye un petit peu de casser ce mythe, parce que je pense que plus le mythe du lobbyiste véreux et des pratiques douteuses sera levé, plus ça servira à la profession et ceux qui peuvent être en lien avec la profession. J'ai eu l'expérience de certains parlementaires qui, par principe, ne voulait pas voir les lobbyistes. Et je me suis dit, mais en fait, le problème, c'est que le parlementaire, l'élu, c'est lui qui décide à la fin. La vox populi, c'est lui. Et je me dis, pour décider en conscience, est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir rencontré tous les interlocuteurs ? J'ai la faiblesse de penser que oui. Donc, ma mission principale, notamment auprès des étudiants de l'OM Lyon, c'est d'essayer de déconstruire un petit peu ce mythe. Après, sur HEIP, c'est différent parce que j'ai des missions qui sont plus en lien aussi avec ce que je fais au quotidien sur justement le fonctionnement des collectivités territoriales, la décentralisation. Je suis moins amené à parler des questions de lobbying. Mais il m'arrive aussi, parce que quand on se présente un petit peu en début de semestre, on parle un peu de son parcours et j'ai toujours une demi-heure de questions sur ce que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Alors, est-ce que tu leur expliques ce qu'est un bon lobbyiste et un mauvais lobbyiste ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas dire qu'il y aurait des bons ou des mauvais lobbyistes. Je pense qu'il y a une bonne pratique du lobbying, celle qui est de plus en plus en cours chez nous. Il y a de plus en plus aujourd'hui de cabinets de lobbying. Il y a de plus en plus d'associations qui font du lobbying. Il y a de plus en plus d'entreprises qui internalisent des missions de lobbying. tout simplement parce qu'ils ont des messages à faire passer. Et le lobbying, c'est ni plus ni moins que de la communication au service de la défense de ses intérêts. Et encore une fois, intérêts sans le côté négatif des intérêts. Un intérêt, ce n'est pas que négatif. Vous pouvez faire du lobbying en offensif, en défensif ou en notoriété. Il ne vous aura pas empêché, on dit souvent qu'une entreprise, on va la citer, mais Total Energy dépense des milliers, des cents dans des campagnes de lobbying. Total Energy a pourtant une image déblorable en France. Je veux dire, ce n'est pas l'argent. ou les moyens qu'on va déployer qui feront le succès à la fin. Il y a une vraie dimension philosophique aussi. Et moi, je pense qu'il faut plus faire confiance aussi à l'élu qui décide. Ce n'est pas parce que l'élu va être confronté à des campagnes de lobbying intenses. Moi, j'ai vu au Parlement européen, à quelques jours de vote important, vous aviez votre boîte mail qui se remplissait de centaines de messages en quelques minutes pour faire un petit peu pression sur les députés. Je ne suis pas convaincu du tout que ça fasse changer de vote un député ou que ça puisse influer sur son choix. Ce qui va en revanche. influer sans son choix, c'est le fait qu'il ait pu, en amont du vote du texte, rencontrer un certain nombre d'acteurs et l'élu avec qui je travaillais, pour le coup, était très curieuse et très bosseuse. Elle avait cette capacité à rencontrer tout le monde en se disant, moi, je n'ai pas la science infuse, j'ai une intuition, mais j'ai besoin de confronter. mon intuition avec tous les points de vue. Et je pense que c'est ça, justement, le rôle du lobbyiste, c'est de permettre que l'élu puisse confronter tous les points de vue, et que parmi les points de vue, il y ait évidemment celui de son client.

  • Speaker #1

    Est-ce que tous les points de vue sont représentés ?

  • Speaker #0

    Dans le domaine qui m'a été donné de connaître, je dirais que, grosso modo, l'immense majorité des points de vue sont représentés. Surtout à Bruxelles, où le lobbying est vraiment très institutionnalisé.

  • Speaker #1

    C'était quel domaine en particulier ?

  • Speaker #0

    Elle travaillait beaucoup sur les sujets santé-environnement, c'était en plus au moment du Covid, et elle faisait notamment un rapport sur les pénuries de médicaments. C'est un sujet qui est très sensible. toujours. Et là, je vous garantis que tous les points de vue étaient représentés, aussi bien ceux des industries que ceux des patients, parce qu'il y avait une vraie dimension ressentie patient dans le sujet des médicaments.

  • Speaker #1

    Super clair. Si tu le veux bien, Thibault, on va passer à la séquence vrai-faux. J'énonce trois phrases et tu réponds par vrai ou faux en développant si tu le souhaites. La première phrase, c'est les vraies décisions se prennent encore à Paris.

  • Speaker #0

    Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Ça, c'est vrai. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Et je pense que les décisions les plus structurantes se prennent aussi au niveau européen.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase, c'est le directeur de cabinet et le traducteur entre politique et administration.

  • Speaker #0

    Vrai, et je préciserais même en disant presque trait d'union. Pour moi, il y a cette notion de trait d'union, avec quand même une nuance, c'est qu'il y a autant de directeurs de cabinet qu'il y a de maires. Il y a une vraie variété dans les profils. Ça dépend aussi beaucoup des attentes des différents maires. Je discute, j'échange énormément avec mes collègues. On a d'ailleurs un syndicat, un lobby presque, on pourrait l'appeler, qui s'appelle Dexterra, qui est l'association... qui regroupe les collaborateurs du cabinet plutôt issus des parties de la droite et du centre. Et donc, on échange énormément sur nos métiers, etc. On a tous le même titre, on n'a pas tous le même boulot. Ça dépend aussi beaucoup de la taille de collectivité, parce qu'en fonction de la taille, vous n'avez pas le même nombre de collaborateurs, etc. C'est beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, c'est « Dans une mairie, la communication est une arme d'influence locale. »

  • Speaker #0

    C'est évidemment vrai, comme partout ailleurs. Ce qui est sûr, c'est que le manque de communication dans les organisations, c'est aujourd'hui ce qui fait perdre du temps et de l'énergie à tout le monde. Et le manque de communication à l'extérieur n'est plus entendable de nos jours. Si je fais une visite terrain avec le maire, comme on en fait régulièrement, et que vous avez un citoyen qui vous dit « Ah, mais je ne savais pas que vous faisiez ça ! » Vous vous rédissez un peu, vous dites « Mais on a mobilisé tous les supports de communication de la mairie, de la page Facebook au magazine municipal, aux réseaux sociaux, à l'application, vous avez... » Et c'est assez frustrant d'entendre ça. Après, il y a une vraie question là-autour, parce que vous vous dites « Mais à quel moment s'arrête la communication ? Est-ce que finalement, tant que vous ne prenez pas votre téléphone pour appeler quelqu'un, l'information descend ? » Bah ! c'est un vrai enjeu aujourd'hui tout est communication donc vous êtes obligé de trouver le moyen de vous différencier un peu ou d'être sûr que celle-ci passe celle-ci passe quand celui à qui vous adressez ouvre les yeux ou les oreilles ça m'amène une dernière phrase que j'ai envie de soumettre dans le vrai faux qui est travailler au parlement européen est plus stimulant que travailler dans une collectivité c'est totalement différent moi j'ai la chance de travailler dans une collectivité avec un maire qui est hyper innovant qui a 50 idées à la seconde et qui aime bien un petit peu sortir des sentiers battus explorer un petit peu des... domaines qui ne sont pas forcément des domaines sur lesquels on attend un maire. Par exemple, il a mis en place la semaine de 4 jours à la mairie pour les agents municipaux, quelque chose qui ne se faisait pas du tout. On a mutualisé un poste de police municipale et police nationale qui était une première dans le département, justement pour essayer de faire des économies de personnel, trouver un petit peu des synergies. Donc ça, c'est hyper intéressant. Et je reviens un peu à ce que je vous ai dit au début. Sur une collectivité, c'est des décisions micro sur lesquelles on a toutes prises, alors que le Parlement européen, c'est des sujets macro sur lesquels vous avez très peu de prises. finalement c'est très intéressant pour la culture générale le développement personnel etc c'est une vraie expérience enrichissante mais vous pouvez avoir la frustration parfois de vous dire que la décision elle vous échappe encore un peu là où sur une collectivité vous avez vraiment les moyens de voir concrètement parfois la vie a un petit peu changé Thibaut on arrive bientôt à la fin de cet épisode est-ce qu'il y a un conseil que tu pourrais donner à un jeune qui veut travailler dans les affaires publiques ou dans une mairie en tout cas en lien avec ton parcours déjà le premier conseil que je lui donnerais c'est de parculer Parce qu'objectivement, il n'y a pas un jour où je me suis levé en me disant « je n'ai pas envie d'y aller ce matin » . Ça, je pense que c'est quand même un vrai point positif. Et la deuxième chose, c'est de se faire sa propre opinion, notamment sur le sujet lobbying, parce qu'aujourd'hui, on a des moyens colossaux d'avoir accès à de l'information. Donc vraiment, j'ai envie de lui dire de foncer, de ne pas reculer. Et par contre, si j'ai une petite subtilité, moi, je crois beaucoup à la passerelle publique-privé. C'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez et dans lesquels il y a pourtant énormément d'interactions. Tous les jours dans les communes, vous êtes confrontés aux donneurs d'ordres privés, que ce soit lorsque vous lancez des marchés publics. Vous avez une foule d'interactions et c'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez. Et quand vous ne vous connaissez pas, vous ne vous comprenez pas. Et c'est aussi pour ça que je pense que le lobbyiste, il a un rôle d'interprète entre les deux. Ils doivent faire coïncider, cohabiter et se rencontrer deux mondes qui ne parlent pas forcément le même langage. C'est pour ça que l'intérêt de la passerelle public-privé, privé-public... C'est que justement, vous parlez deux langages et vous faites coïncider ces deux vocabulaires.

  • Speaker #1

    Super clair. Est-ce que, Thibaut, pour conclure, est-ce que tu aurais une recommandation culturelle à nous partager ?

  • Speaker #0

    Alors, pour rester dans le thème... Il y a un livre que j'ai lu en arrivant au Parlement européen que j'ai adoré, qui s'appelle « Les compromis » , qui a été écrit par Maxime Caligaro et Éric Cardière. C'est à cheval entre un roman policier et un roman politique. C'est une fiction au cœur des institutions européennes. C'est passionnant. Si vous avez trois heures ou quatre heures de TGV, c'est la recommandation que je peux vous faire.

  • Speaker #1

    Génial, merci. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voulais exprimer ici que tu n'as pas encore eu le temps de développer, Thibaut ?

  • Speaker #0

    Que je n'ai pas eu le temps de développer, oui. C'est vraiment le cœur de la mission d'un DIRCAB en collectivité, qui qu'elle... je parlais de la garde triage, mais il y a aussi quelque chose qui est hyper important, c'est veiller à la déclinaison des engagements de l'équipe municipale, et notamment du programme sur lequel l'équipe municipale a été élue. J'ai vu un sondage passer il n'y a pas longtemps, le taux de satisfaction à l'égard des maires, il est de 70%. Ce serait à faire pallier à n'importe quel homme politique national. Quand vous regardez le sondage, je pense que si vous ajoutez la cote de popularité du président et du premier ministre, je pense que même si vous y mettez à deux, ils n'arrivent pas à 70%. Pourquoi les maires y sont appréciés ? Car ils tiennent plus facilement leurs promesses que les élus nationaux. Moi je veux dire, je tiens depuis que je suis arrivé, un tableau récapitulatif de l'ensemble des engagements de campagne qui ont été pris en 2020. Chaque année, au mois d'octobre, le maire fait une réunion, ce qu'il appelle bilan d'avancement de mandat. Ça fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans, etc. Et chaque année, on voit du coup le taux de réalisation augmenter. On finira le mandat à 97%, ce qui est pas mal, avec forcément un regret sur les trois petits pourcents, mais je veux pas me défausser sur d'autres, mais ils sont un peu aussi indépendants de notre volonté. et donc voilà ce qui est hyper important c'est que le Mais le dire-câble, il est là aussi pour veiller au quotidien à ce que le cadre dans lequel le mandat s'exerce soit bien respecté. Quand tout ça se fait en bonne intelligence avec l'administration, et Dieu sait que l'administration a des agents de grande qualité dans la fonction publique territoriale, les relations sont hyper fluides, hyper apaisées. Mais il y a un autre sujet aussi, c'est faire redescendre l'information, puisque les élus doivent rendre des comptes à leurs électeurs sur leur action. Nous, avec Uli, on fait beaucoup de rencontres de terrain. il y a un terme que j'exécre qui est... En termes de démocratie participative, je préfère un peu dire participation citoyenne, on en fait beaucoup. Parce que certes, le maire est élu sur un programme, mais le maire, il n'a pas la science infuse. Il a besoin aussi d'avoir un petit peu des remontées du terrain.

  • Speaker #1

    Merci Thibault.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    À la prochaine.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

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Description

Dans cet épisode d’Hémicycle, je reçois Thibaut Astier, directeur de cabinet et de la communication de la Ville d’Écully (près de Lyon), ancien collaborateur au Parlement européen, et enseignant à l’HEIP et à l’EM Lyon.


Thibaut partage son parcours riche et hybride, à la croisée de la politique européenne, des collectivités territoriales et de l’enseignement. Il revient sur sa passion précoce pour la chose publique et la décision politique, et sur les différentes façons de s’engager : comme élu municipal, comme collaborateur d’élu et comme expert de l’écosystème public-privé.


On discute ensemble des réalités concrètes du mandat local et du rôle d’un directeur de cabinet : faire le lien entre le maire, l’administration, les partenaires, et les habitants. Thibaut décrit aussi les difficultés croissantes des communes face aux baisses de dotations, aux transferts de compétences non financés, et à la nécessité de pallier certaines défaillances de l’État, par exemple en matière de sécurité ou de santé publique.


Il partage son regard critique sur la centralisation persistante en France et formule des propositions fortes, comme la suppression du niveau départemental ou la fusion de communes pour rendre l’action publique plus efficace.

Thibaut nous parle aussi de sa mission d’enseignant, où il déconstruit les clichés autour du lobbying et explique en quoi c’est avant tout une pratique utile à la décision éclairée des élus. Pour lui, un bon lobbyiste est un passeur d’informations qui contribue à confronter tous les points de vue, pas un « requin » agissant dans l’ombre.


Enfin, il revient sur l’importance de la communication publique, sur la manière de rendre compte aux citoyens, et sur la nécessité de faire vivre une démocratie de proximité où la participation est une réalité quotidienne.

Un épisode passionnant pour mieux comprendre comment se prennent les décisions qui impactent concrètement nos vies, et comment les collectivités innovent malgré les contraintes.


Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'essaye de leur démontrer que le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou. Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Thibaut Astier. Thibaut, t'es directeur de cabinet de la communication à la ville d'Éculie, et tu es ancien collaborateur au Parlement européen, ainsi qu'enseignant à l'HEIP et l'EM Lyon. T'es fin connaisseur des rouages institutionnels du terrain au couloir bruxellois. Salut Thibaut.

  • Speaker #0

    Salut Pierre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette description ?

  • Speaker #0

    Je... Je pense que ta présentation était succincte et complète.

  • Speaker #1

    Parfait. Donc tu as été collaborateur parlementaire à Bruxelles, puis secrétaire général d'un groupe à la région, et enfin directeur de cabinet à Écully. Quel fil conducteur tu vois dans ton parcours ? Est-ce qu'il y a des complémentarités que tu veux mettre en avant ?

  • Speaker #0

    Des complémentarités, évidemment, mais surtout c'est un peu la passion de la chose publique. Moi, depuis que je suis né, je m'intéresse un petit peu au monde qui m'entoure, aux mécanismes de décision, au processus d'élaboration de la décision, à qui la prend, qui la travaille, comment ça se fabrique. Et je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs formes d'engagement quand on veut servir un peu la chose publique. Il y a le mandat d'élu, évidemment. Il y a aussi travailler avec des élus, autour des élus et dans tout cet écosystème-là. Et finalement, mon parcours reprend un petit peu ces différents éléments. Avec une notion de complémentarité, tu l'as dit. Complémentarité avec des passerelles publiques, privées. Quand on a cette passion, on a finalement divers moyens de pouvoir y trouver son compte.

  • Speaker #1

    Et cette passion, comment est-ce qu'elle est née ? D'où tu la tires ? À vrai dire ?

  • Speaker #0

    Je ne saurais pas répondre précisément à ta question. Moi, depuis que je suis tout petit, je lis beaucoup la presse, j'écoute beaucoup la radio. J'étais plus France Info que Skyrock il y a dix ans. Même si je lis l'équipe, je lisais aussi beaucoup Le Monde de Figaro et plein de journaux. J'étais délégué de classe quand j'étais gamin. Enfin voilà, j'ai toujours... Peut-être si je voulais raccourcir ça, je n'ai jamais aimé que les autres décident ma place.

  • Speaker #1

    Alors, tu as été élu municipal. C'est assez rare... Pour l'instant, dans ce podcast, je rencontre des élus de mandats locaux. Qu'est-ce que tu retiens de ce mandat ? Qu'est-ce qui se passe quand on passe de l'autre côté ?

  • Speaker #0

    Alors oui, j'ai été élu pendant six ans à Sainte-Follée-Lyon, dans la ville où j'habitais. C'est une super expérience. Déjà, une aventure humaine assez exceptionnelle, avec des collègues élus qui sont hyper engagés pour leur commune, des sensibilités, des parcours de vie différents. Mais le fil rouge, c'est s'engager pour la commune au quotidien. Je lève le matin. tu as l'impression d'être utile, de servir à quelque chose. Surtout dans ce mandat municipal où tu es finalement en hyper proximité. Cette fois, c'est une commune de 22 000 habitants. On est encore à taille très humaine. Les élus sont représentatifs des différents quartiers de la ville, différentes thématiques. Et là où il y a une vraie différence avec un mandat national ou un mandat européen, par exemple, le mandat national, c'est des décisions micro sur lesquelles tu as plein de décisions. Là où le mandat national ou le mandat européen, c'est des sujets hyper macro sur lesquels les élus ont finalement très peu d'influence. Donc c'est vraiment ce décalage-là qui fait que le mandat d'élu municipal, tu te sens très utile.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu es élu municipal dans une localité qui est moyenne ou petite, tu te retrouves justement à faire du lobbying vers des plus grandes instances, des plus grandes institutions pour favoriser ta localité ?

  • Speaker #0

    Alors un petit peu, il y a des lobbies qui sont institutionnalisées au niveau des communes. Par exemple, l'association des maires du Rhône. Je parle pour le Rhône parce que Saint-Folléon est dans le Rhône, mais tous les départements ont une association des maires qui est un peu chargée de les représenter, de faire remonter les problématiques des communes. au niveau national, au niveau de l'association des maires de France, cette fois. Et puis, tu as une foule d'associations type Intercommunalité de France, Région de France, Département de France. Tu as l'association des petites villes, l'association des communes rurales. Voilà, toutes ces communes ont la possibilité de faire entendre leurs problématiques et leurs priorités au niveau national. C'est souvent sur des sujets financiers. On y reviendra peut-être, mais l'État a un peu tendance à faire les poches aux collectivités depuis 15-20 ans. Et c'est vrai que tous les ans, au moment du budget, l'association des maires de France monte un peu au créneau. pour défendre ses intérêts financiers notamment. Donc là,

  • Speaker #1

    pour en venir à tes intérêts et à ton quotidien, tu diriges à la fois le cabinet du maire et la communication. Quel est le cœur de ta mission ? Est-ce que tu as des journées qui se ressemblent ? Quel est ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de journée qui se ressemble. En fait, le quotidien, quand tu es directeur de cabinet, c'est un peu la gare de triage et la porte d'entrée. C'est-à-dire qu'il y a une foule d'informations qui me remontent, très diverses et variées, de la part des élus, de la part des services de la mairie, de la part de la population. Et moi, mon job, c'est de trier ce qui nécessite un arbitrage du maire. ce qui peut être tranché par un adjoint, là où j'ai besoin de plus d'éléments pour soumettre une décision. Le quotidien, c'est beaucoup d'appels, beaucoup de réunions, de préparation, de visites terrain, et aussi le côté relationnel. avec les partenaires extérieurs de la mairie. Ça c'est très intéressant quand tu montes des dossiers de subvention.

  • Speaker #1

    Qui sont les partenaires principaux ?

  • Speaker #0

    Les communes alentours, les collectivités partenaires, régions, métropoles. On est dans un territoire où aujourd'hui les intercommunalités prennent de plus en plus de pouvoir via les compétences qui explosent. Il faut faire avec. Donc les premiers partenaires des collectivités sont souvent d'autres collectivités. Puis tu as aussi ceux qui interviennent sur les chantiers. On va avoir un problème avec un chantier sur la commune, il faut remonter un peu les bretelles. d'une entreprise qui est un peu en retard ou qui ne fait pas forcément les travaux comme on voudrait. Bon, c'est à un moment donné, c'est aussi le dire-câble qu'on envoie un petit peu au front pour faire passer les bons messages.

  • Speaker #1

    On dit que dans les petites et moyennes communes, il y a souvent des moyens qui sont contraints. Tu disais que l'État fait un peu la poche aux communes. Comment est-ce qu'on fait pour faire avancer des projets dans cet écosystème ?

  • Speaker #0

    Alors oui, les moyens sont très contraints. J'en veux un peu au président de la République. En 2017, il a supprimé la taxe d'habitation. Tout le monde trouvait ça extraordinaire, surtout ceux qui la payaient, mais ceux qui l'apercevaient beaucoup moins. Elle a été compensée à l'euro près au début, je ne sais pas si c'est vraiment encore le cas ou pas, mais ça a créé une rupture de lien fiscal entre les habitants et les collectivités.

  • Speaker #1

    Ça représentait combien pour vous, comme rentrée d'argent par exemple ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je n'étais pas encore à la mairie d'Éculier en 2017, donc je ne sais pas répondre à ta question.

  • Speaker #1

    Mais s'il a été compensé, est-ce que vous avez une rentrée équivalente ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a deux mécanismes. On a ce qu'on appelle la dotation globale de fonctionnement, qui est versée chaque année par l'État, qui représente... pour une commune comme Écully, si je ne dis pas de bêtises, environ 300 000 euros. Et après, on a divers mécanismes type la DSU, dotation de solidarité urbaine, etc. Mais grosso modo, il y a non seulement les dotations qui baissent, mais il y a surtout les prérogatives qui augmentent. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances, disons-le clairement, de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité. Le maire est arrivé en 2020, il y avait trois policiers municipaux. Aujourd'hui, il y en a 15. Ce n'est pas parce que le maire est un shérif, c'est simplement qu'on a constaté qu'il y avait de... plus en plus de petites incivilités qui, à l'époque, auraient pu être traitées par la police nationale, qui, voyant ces effectifs diminués, n'étaient plus traitées. Il fallait imposer une présence un peu dissuasive sur le territoire de la commune, étendre les horaires notamment la nuit, etc. Donc l'État a palié, clairement palié à la défaillance de l'État. On a monté un centre de vaccination en 48 heures au moment du Covid, parce qu'il fallait bien vacciner la population. Les doses arrivaient, on voyait que les gens allaient faire la queue dans des immenses gymnase à Lyon, on s'est dit... qu'il n'y aurait pas moyen de faire un petit centre de vaccination de proximité. 48 heures, on a trouvé une salle municipale. On a dit à l'association qui utilisait les locaux, pendant quelques mois, on leur trouverait une solution provisoire. On allait voir l'ARS, le préfet, les cliniques qui étaient aux alentours, etc. Et puis on a bricolé ça. Est-ce que c'était au rôle des communes qui n'ont pas la compétence santé de le faire ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il fallait le faire. Il fallait quand même vacciner le maximum de la population en un minimum de temps pour essayer d'endiguer.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est sur votre budget ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, oui. parce que c'est des agents municipaux qui vont faire l'entretien des salles, c'est du gardiennage, même si les cliniques notamment ont beaucoup joué le jeu, nous ont beaucoup aidé, on a eu un peu des partenaires privés, des mutuelles, etc., qui ont un petit peu mis d'argent dans le projet. Clairement, ça a été un coup pour la mairie.

  • Speaker #1

    Tu parles des collectivités qui prennent, qui pallient les manquements de l'État. Tu as vu les institutions de l'intérieur à plusieurs échelles. Est-ce que tu penses justement qu'il faudrait revenir à une forme de décentralisation politique ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Pourquoi ? La plupart de nos voisins... sont des pays de différentes formes, mais avec une forme de décentralisation très poussée. L'Allemagne, État fédéral, c'est le paroxysme de la décentralisation, parce que les lenders sont très forts. Italie et Espagne, pareil. L'État unitaire, il a un petit peu ses limites aujourd'hui. Et j'ai l'impression que la décentralisation, c'est un petit peu un des grands oubliés du quinquennat. Pour la première fois depuis De Gaulle, le président de la République n'est pas un élu local. Il s'est tout de suite un petit peu méfié d'elle. Il y avait peut-être une volonté de débaroniser un petit peu la vie politique locale. Oui, ça s'est fait de différentes façons. Je parlais tout à l'heure de la suppression de la taxe d'habitation. Il y a eu ce qu'on appelait les contrats de CAOR, les baisses de dotation. On a l'impression qu'il y a eu une rupture de confiance un petit peu entre l'État et les collectivités. Et aujourd'hui, on a un article de la Constitution, l'article 72, qui dit que les collectivités territoriales s'administrent librement. Mais est-ce qu'elles ont encore les moyens financiers de s'administrer ? Fort de ce que je te dis sur tous ces sujets financiers, j'en suis de moins en moins convaincu. Et aujourd'hui, il y a une foule de maires, beaucoup plus que sur les autres mandats, qui démissionnent. Pourquoi ? Parce qu'ils estiment qu'ils n'ont plus les moyens de leurs actions. Alors les moyens, on dit beaucoup de choses derrière moyens, mais il y a un manque de moyens financiers, un manque de soutien moral aussi, parfois il y a de plus en plus d'agressions, les maires se sentent un petit peu oubliés, abandonnés. Tout ça me fait dire que oui, on a besoin de plus de décentralisation, alors que parallèlement, il y a une décentralisation un peu silencieuse qui s'opère. L'État ne transfère pas à proprement dit les nouvelles compétences, mais malgré tout, les collectivités palissent, que je te disais un petit peu, aux défaillances de l'État. On a une... Des centralisations de faits, mais pas de textes, donc sans les moyens qui devraient s'accompagner.

  • Speaker #1

    Du coup Thibault, est-ce que tu as des propositions ? Si toi tu étais président, moi président, est-ce que tu aurais une ou plusieurs propositions que tu voudrais présenter directement pour pallier à ce manque, ou en tout cas à cette centralisation trop forte ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup trop d'échelons de collectivités en France. Communes, intercommunalités, départements, régions, il y en a beaucoup trop. Le plus simple serait selon moi de supprimer les départements pour une raison simple. Les régions, c'est des collectivités qui ont vocation à être très fortes. L'échelon régional, c'est l'échelon qui perçoit les fonds européens. Il y a beaucoup de coopération entre les régions européennes, donc cet échelon-là, il faut le pérenniser. Deuxièmement, l'intercommunalité doit monter en puissance, parce que c'est un échelon de mutualisation assez fort, vraiment un échelon de projet. Là où aujourd'hui, le département, il a essentiellement des compétences en matière de solidarité qui pourraient être descendues d'un échelon, et en matière d'entretien des routes qui pourraient, pour le coup, être transférées aux régions. Je pense que l'échelon départemental, il est moins pertinent. Il faut quand même rappeler qu'il est directement issu de Napoléon. et l'histoire de pouvoir faire à cheval en une journée traverser un point à un autre d'un département, c'est peut-être cet échelon-là qui sera à revoir. J'ai souvent tendance à provoquer un petit peu mes étudiants en leur disant qu'il faudrait supprimer un certain nombre de communes. Et quand je dis un certain nombre, il y a la moitié des communes de l'Union européenne ou presque qui sont situées en France, alors qu'il y a quand même 27 pays. Donc j'ai la faiblesse de penser qu'on peut encore un petit peu rationaliser les choses. Le problème, c'est que quand on parle de supprimer des communes, les gens se disent mais... Il y a un clocher, il y a une école, il y a une supérette. Je dis mais on ne va pas raser. Simplement, c'est que le conseil municipal de la commune serait mutualisé avec le conseil municipal de la commune voisine. Et ça, il y a encore beaucoup de résistance, notamment dans les territoires ruraux. Je pense qu'on peut faire un effort significatif là-dessus.

  • Speaker #1

    Donc tes étudiants, actuellement, ils sont à l'EM Lyon et à l'HVIP. Qu'est-ce que tu essayes de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    À l'EM Lyon, j'enseigne un séminaire sur l'intelligence économique où je fais un petit peu une introduction au lobbying. J'essaye de leur démontrer que... Le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou, pour la bonne et simple raison que j'ai été lobbyiste dans une vie antérieure et que ça ne m'a pas empêché de me lever le matin assez tranquillement. J'ai peut-être aussi la chance d'avoir des clients qui étaient peu clivants et plutôt institutionnels. Mais j'essaye un petit peu de casser ce mythe, parce que je pense que plus le mythe du lobbyiste véreux et des pratiques douteuses sera levé, plus ça servira à la profession et ceux qui peuvent être en lien avec la profession. J'ai eu l'expérience de certains parlementaires qui, par principe, ne voulait pas voir les lobbyistes. Et je me suis dit, mais en fait, le problème, c'est que le parlementaire, l'élu, c'est lui qui décide à la fin. La vox populi, c'est lui. Et je me dis, pour décider en conscience, est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir rencontré tous les interlocuteurs ? J'ai la faiblesse de penser que oui. Donc, ma mission principale, notamment auprès des étudiants de l'OM Lyon, c'est d'essayer de déconstruire un petit peu ce mythe. Après, sur HEIP, c'est différent parce que j'ai des missions qui sont plus en lien aussi avec ce que je fais au quotidien sur justement le fonctionnement des collectivités territoriales, la décentralisation. Je suis moins amené à parler des questions de lobbying. Mais il m'arrive aussi, parce que quand on se présente un petit peu en début de semestre, on parle un peu de son parcours et j'ai toujours une demi-heure de questions sur ce que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Alors, est-ce que tu leur expliques ce qu'est un bon lobbyiste et un mauvais lobbyiste ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas dire qu'il y aurait des bons ou des mauvais lobbyistes. Je pense qu'il y a une bonne pratique du lobbying, celle qui est de plus en plus en cours chez nous. Il y a de plus en plus aujourd'hui de cabinets de lobbying. Il y a de plus en plus d'associations qui font du lobbying. Il y a de plus en plus d'entreprises qui internalisent des missions de lobbying. tout simplement parce qu'ils ont des messages à faire passer. Et le lobbying, c'est ni plus ni moins que de la communication au service de la défense de ses intérêts. Et encore une fois, intérêts sans le côté négatif des intérêts. Un intérêt, ce n'est pas que négatif. Vous pouvez faire du lobbying en offensif, en défensif ou en notoriété. Il ne vous aura pas empêché, on dit souvent qu'une entreprise, on va la citer, mais Total Energy dépense des milliers, des cents dans des campagnes de lobbying. Total Energy a pourtant une image déblorable en France. Je veux dire, ce n'est pas l'argent. ou les moyens qu'on va déployer qui feront le succès à la fin. Il y a une vraie dimension philosophique aussi. Et moi, je pense qu'il faut plus faire confiance aussi à l'élu qui décide. Ce n'est pas parce que l'élu va être confronté à des campagnes de lobbying intenses. Moi, j'ai vu au Parlement européen, à quelques jours de vote important, vous aviez votre boîte mail qui se remplissait de centaines de messages en quelques minutes pour faire un petit peu pression sur les députés. Je ne suis pas convaincu du tout que ça fasse changer de vote un député ou que ça puisse influer sur son choix. Ce qui va en revanche. influer sans son choix, c'est le fait qu'il ait pu, en amont du vote du texte, rencontrer un certain nombre d'acteurs et l'élu avec qui je travaillais, pour le coup, était très curieuse et très bosseuse. Elle avait cette capacité à rencontrer tout le monde en se disant, moi, je n'ai pas la science infuse, j'ai une intuition, mais j'ai besoin de confronter. mon intuition avec tous les points de vue. Et je pense que c'est ça, justement, le rôle du lobbyiste, c'est de permettre que l'élu puisse confronter tous les points de vue, et que parmi les points de vue, il y ait évidemment celui de son client.

  • Speaker #1

    Est-ce que tous les points de vue sont représentés ?

  • Speaker #0

    Dans le domaine qui m'a été donné de connaître, je dirais que, grosso modo, l'immense majorité des points de vue sont représentés. Surtout à Bruxelles, où le lobbying est vraiment très institutionnalisé.

  • Speaker #1

    C'était quel domaine en particulier ?

  • Speaker #0

    Elle travaillait beaucoup sur les sujets santé-environnement, c'était en plus au moment du Covid, et elle faisait notamment un rapport sur les pénuries de médicaments. C'est un sujet qui est très sensible. toujours. Et là, je vous garantis que tous les points de vue étaient représentés, aussi bien ceux des industries que ceux des patients, parce qu'il y avait une vraie dimension ressentie patient dans le sujet des médicaments.

  • Speaker #1

    Super clair. Si tu le veux bien, Thibault, on va passer à la séquence vrai-faux. J'énonce trois phrases et tu réponds par vrai ou faux en développant si tu le souhaites. La première phrase, c'est les vraies décisions se prennent encore à Paris.

  • Speaker #0

    Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Ça, c'est vrai. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Et je pense que les décisions les plus structurantes se prennent aussi au niveau européen.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase, c'est le directeur de cabinet et le traducteur entre politique et administration.

  • Speaker #0

    Vrai, et je préciserais même en disant presque trait d'union. Pour moi, il y a cette notion de trait d'union, avec quand même une nuance, c'est qu'il y a autant de directeurs de cabinet qu'il y a de maires. Il y a une vraie variété dans les profils. Ça dépend aussi beaucoup des attentes des différents maires. Je discute, j'échange énormément avec mes collègues. On a d'ailleurs un syndicat, un lobby presque, on pourrait l'appeler, qui s'appelle Dexterra, qui est l'association... qui regroupe les collaborateurs du cabinet plutôt issus des parties de la droite et du centre. Et donc, on échange énormément sur nos métiers, etc. On a tous le même titre, on n'a pas tous le même boulot. Ça dépend aussi beaucoup de la taille de collectivité, parce qu'en fonction de la taille, vous n'avez pas le même nombre de collaborateurs, etc. C'est beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, c'est « Dans une mairie, la communication est une arme d'influence locale. »

  • Speaker #0

    C'est évidemment vrai, comme partout ailleurs. Ce qui est sûr, c'est que le manque de communication dans les organisations, c'est aujourd'hui ce qui fait perdre du temps et de l'énergie à tout le monde. Et le manque de communication à l'extérieur n'est plus entendable de nos jours. Si je fais une visite terrain avec le maire, comme on en fait régulièrement, et que vous avez un citoyen qui vous dit « Ah, mais je ne savais pas que vous faisiez ça ! » Vous vous rédissez un peu, vous dites « Mais on a mobilisé tous les supports de communication de la mairie, de la page Facebook au magazine municipal, aux réseaux sociaux, à l'application, vous avez... » Et c'est assez frustrant d'entendre ça. Après, il y a une vraie question là-autour, parce que vous vous dites « Mais à quel moment s'arrête la communication ? Est-ce que finalement, tant que vous ne prenez pas votre téléphone pour appeler quelqu'un, l'information descend ? » Bah ! c'est un vrai enjeu aujourd'hui tout est communication donc vous êtes obligé de trouver le moyen de vous différencier un peu ou d'être sûr que celle-ci passe celle-ci passe quand celui à qui vous adressez ouvre les yeux ou les oreilles ça m'amène une dernière phrase que j'ai envie de soumettre dans le vrai faux qui est travailler au parlement européen est plus stimulant que travailler dans une collectivité c'est totalement différent moi j'ai la chance de travailler dans une collectivité avec un maire qui est hyper innovant qui a 50 idées à la seconde et qui aime bien un petit peu sortir des sentiers battus explorer un petit peu des... domaines qui ne sont pas forcément des domaines sur lesquels on attend un maire. Par exemple, il a mis en place la semaine de 4 jours à la mairie pour les agents municipaux, quelque chose qui ne se faisait pas du tout. On a mutualisé un poste de police municipale et police nationale qui était une première dans le département, justement pour essayer de faire des économies de personnel, trouver un petit peu des synergies. Donc ça, c'est hyper intéressant. Et je reviens un peu à ce que je vous ai dit au début. Sur une collectivité, c'est des décisions micro sur lesquelles on a toutes prises, alors que le Parlement européen, c'est des sujets macro sur lesquels vous avez très peu de prises. finalement c'est très intéressant pour la culture générale le développement personnel etc c'est une vraie expérience enrichissante mais vous pouvez avoir la frustration parfois de vous dire que la décision elle vous échappe encore un peu là où sur une collectivité vous avez vraiment les moyens de voir concrètement parfois la vie a un petit peu changé Thibaut on arrive bientôt à la fin de cet épisode est-ce qu'il y a un conseil que tu pourrais donner à un jeune qui veut travailler dans les affaires publiques ou dans une mairie en tout cas en lien avec ton parcours déjà le premier conseil que je lui donnerais c'est de parculer Parce qu'objectivement, il n'y a pas un jour où je me suis levé en me disant « je n'ai pas envie d'y aller ce matin » . Ça, je pense que c'est quand même un vrai point positif. Et la deuxième chose, c'est de se faire sa propre opinion, notamment sur le sujet lobbying, parce qu'aujourd'hui, on a des moyens colossaux d'avoir accès à de l'information. Donc vraiment, j'ai envie de lui dire de foncer, de ne pas reculer. Et par contre, si j'ai une petite subtilité, moi, je crois beaucoup à la passerelle publique-privé. C'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez et dans lesquels il y a pourtant énormément d'interactions. Tous les jours dans les communes, vous êtes confrontés aux donneurs d'ordres privés, que ce soit lorsque vous lancez des marchés publics. Vous avez une foule d'interactions et c'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez. Et quand vous ne vous connaissez pas, vous ne vous comprenez pas. Et c'est aussi pour ça que je pense que le lobbyiste, il a un rôle d'interprète entre les deux. Ils doivent faire coïncider, cohabiter et se rencontrer deux mondes qui ne parlent pas forcément le même langage. C'est pour ça que l'intérêt de la passerelle public-privé, privé-public... C'est que justement, vous parlez deux langages et vous faites coïncider ces deux vocabulaires.

  • Speaker #1

    Super clair. Est-ce que, Thibaut, pour conclure, est-ce que tu aurais une recommandation culturelle à nous partager ?

  • Speaker #0

    Alors, pour rester dans le thème... Il y a un livre que j'ai lu en arrivant au Parlement européen que j'ai adoré, qui s'appelle « Les compromis » , qui a été écrit par Maxime Caligaro et Éric Cardière. C'est à cheval entre un roman policier et un roman politique. C'est une fiction au cœur des institutions européennes. C'est passionnant. Si vous avez trois heures ou quatre heures de TGV, c'est la recommandation que je peux vous faire.

  • Speaker #1

    Génial, merci. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voulais exprimer ici que tu n'as pas encore eu le temps de développer, Thibaut ?

  • Speaker #0

    Que je n'ai pas eu le temps de développer, oui. C'est vraiment le cœur de la mission d'un DIRCAB en collectivité, qui qu'elle... je parlais de la garde triage, mais il y a aussi quelque chose qui est hyper important, c'est veiller à la déclinaison des engagements de l'équipe municipale, et notamment du programme sur lequel l'équipe municipale a été élue. J'ai vu un sondage passer il n'y a pas longtemps, le taux de satisfaction à l'égard des maires, il est de 70%. Ce serait à faire pallier à n'importe quel homme politique national. Quand vous regardez le sondage, je pense que si vous ajoutez la cote de popularité du président et du premier ministre, je pense que même si vous y mettez à deux, ils n'arrivent pas à 70%. Pourquoi les maires y sont appréciés ? Car ils tiennent plus facilement leurs promesses que les élus nationaux. Moi je veux dire, je tiens depuis que je suis arrivé, un tableau récapitulatif de l'ensemble des engagements de campagne qui ont été pris en 2020. Chaque année, au mois d'octobre, le maire fait une réunion, ce qu'il appelle bilan d'avancement de mandat. Ça fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans, etc. Et chaque année, on voit du coup le taux de réalisation augmenter. On finira le mandat à 97%, ce qui est pas mal, avec forcément un regret sur les trois petits pourcents, mais je veux pas me défausser sur d'autres, mais ils sont un peu aussi indépendants de notre volonté. et donc voilà ce qui est hyper important c'est que le Mais le dire-câble, il est là aussi pour veiller au quotidien à ce que le cadre dans lequel le mandat s'exerce soit bien respecté. Quand tout ça se fait en bonne intelligence avec l'administration, et Dieu sait que l'administration a des agents de grande qualité dans la fonction publique territoriale, les relations sont hyper fluides, hyper apaisées. Mais il y a un autre sujet aussi, c'est faire redescendre l'information, puisque les élus doivent rendre des comptes à leurs électeurs sur leur action. Nous, avec Uli, on fait beaucoup de rencontres de terrain. il y a un terme que j'exécre qui est... En termes de démocratie participative, je préfère un peu dire participation citoyenne, on en fait beaucoup. Parce que certes, le maire est élu sur un programme, mais le maire, il n'a pas la science infuse. Il a besoin aussi d'avoir un petit peu des remontées du terrain.

  • Speaker #1

    Merci Thibault.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    À la prochaine.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

Description

Dans cet épisode d’Hémicycle, je reçois Thibaut Astier, directeur de cabinet et de la communication de la Ville d’Écully (près de Lyon), ancien collaborateur au Parlement européen, et enseignant à l’HEIP et à l’EM Lyon.


Thibaut partage son parcours riche et hybride, à la croisée de la politique européenne, des collectivités territoriales et de l’enseignement. Il revient sur sa passion précoce pour la chose publique et la décision politique, et sur les différentes façons de s’engager : comme élu municipal, comme collaborateur d’élu et comme expert de l’écosystème public-privé.


On discute ensemble des réalités concrètes du mandat local et du rôle d’un directeur de cabinet : faire le lien entre le maire, l’administration, les partenaires, et les habitants. Thibaut décrit aussi les difficultés croissantes des communes face aux baisses de dotations, aux transferts de compétences non financés, et à la nécessité de pallier certaines défaillances de l’État, par exemple en matière de sécurité ou de santé publique.


Il partage son regard critique sur la centralisation persistante en France et formule des propositions fortes, comme la suppression du niveau départemental ou la fusion de communes pour rendre l’action publique plus efficace.

Thibaut nous parle aussi de sa mission d’enseignant, où il déconstruit les clichés autour du lobbying et explique en quoi c’est avant tout une pratique utile à la décision éclairée des élus. Pour lui, un bon lobbyiste est un passeur d’informations qui contribue à confronter tous les points de vue, pas un « requin » agissant dans l’ombre.


Enfin, il revient sur l’importance de la communication publique, sur la manière de rendre compte aux citoyens, et sur la nécessité de faire vivre une démocratie de proximité où la participation est une réalité quotidienne.

Un épisode passionnant pour mieux comprendre comment se prennent les décisions qui impactent concrètement nos vies, et comment les collectivités innovent malgré les contraintes.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'essaye de leur démontrer que le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou. Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Thibaut Astier. Thibaut, t'es directeur de cabinet de la communication à la ville d'Éculie, et tu es ancien collaborateur au Parlement européen, ainsi qu'enseignant à l'HEIP et l'EM Lyon. T'es fin connaisseur des rouages institutionnels du terrain au couloir bruxellois. Salut Thibaut.

  • Speaker #0

    Salut Pierre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette description ?

  • Speaker #0

    Je... Je pense que ta présentation était succincte et complète.

  • Speaker #1

    Parfait. Donc tu as été collaborateur parlementaire à Bruxelles, puis secrétaire général d'un groupe à la région, et enfin directeur de cabinet à Écully. Quel fil conducteur tu vois dans ton parcours ? Est-ce qu'il y a des complémentarités que tu veux mettre en avant ?

  • Speaker #0

    Des complémentarités, évidemment, mais surtout c'est un peu la passion de la chose publique. Moi, depuis que je suis né, je m'intéresse un petit peu au monde qui m'entoure, aux mécanismes de décision, au processus d'élaboration de la décision, à qui la prend, qui la travaille, comment ça se fabrique. Et je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs formes d'engagement quand on veut servir un peu la chose publique. Il y a le mandat d'élu, évidemment. Il y a aussi travailler avec des élus, autour des élus et dans tout cet écosystème-là. Et finalement, mon parcours reprend un petit peu ces différents éléments. Avec une notion de complémentarité, tu l'as dit. Complémentarité avec des passerelles publiques, privées. Quand on a cette passion, on a finalement divers moyens de pouvoir y trouver son compte.

  • Speaker #1

    Et cette passion, comment est-ce qu'elle est née ? D'où tu la tires ? À vrai dire ?

  • Speaker #0

    Je ne saurais pas répondre précisément à ta question. Moi, depuis que je suis tout petit, je lis beaucoup la presse, j'écoute beaucoup la radio. J'étais plus France Info que Skyrock il y a dix ans. Même si je lis l'équipe, je lisais aussi beaucoup Le Monde de Figaro et plein de journaux. J'étais délégué de classe quand j'étais gamin. Enfin voilà, j'ai toujours... Peut-être si je voulais raccourcir ça, je n'ai jamais aimé que les autres décident ma place.

  • Speaker #1

    Alors, tu as été élu municipal. C'est assez rare... Pour l'instant, dans ce podcast, je rencontre des élus de mandats locaux. Qu'est-ce que tu retiens de ce mandat ? Qu'est-ce qui se passe quand on passe de l'autre côté ?

  • Speaker #0

    Alors oui, j'ai été élu pendant six ans à Sainte-Follée-Lyon, dans la ville où j'habitais. C'est une super expérience. Déjà, une aventure humaine assez exceptionnelle, avec des collègues élus qui sont hyper engagés pour leur commune, des sensibilités, des parcours de vie différents. Mais le fil rouge, c'est s'engager pour la commune au quotidien. Je lève le matin. tu as l'impression d'être utile, de servir à quelque chose. Surtout dans ce mandat municipal où tu es finalement en hyper proximité. Cette fois, c'est une commune de 22 000 habitants. On est encore à taille très humaine. Les élus sont représentatifs des différents quartiers de la ville, différentes thématiques. Et là où il y a une vraie différence avec un mandat national ou un mandat européen, par exemple, le mandat national, c'est des décisions micro sur lesquelles tu as plein de décisions. Là où le mandat national ou le mandat européen, c'est des sujets hyper macro sur lesquels les élus ont finalement très peu d'influence. Donc c'est vraiment ce décalage-là qui fait que le mandat d'élu municipal, tu te sens très utile.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu es élu municipal dans une localité qui est moyenne ou petite, tu te retrouves justement à faire du lobbying vers des plus grandes instances, des plus grandes institutions pour favoriser ta localité ?

  • Speaker #0

    Alors un petit peu, il y a des lobbies qui sont institutionnalisées au niveau des communes. Par exemple, l'association des maires du Rhône. Je parle pour le Rhône parce que Saint-Folléon est dans le Rhône, mais tous les départements ont une association des maires qui est un peu chargée de les représenter, de faire remonter les problématiques des communes. au niveau national, au niveau de l'association des maires de France, cette fois. Et puis, tu as une foule d'associations type Intercommunalité de France, Région de France, Département de France. Tu as l'association des petites villes, l'association des communes rurales. Voilà, toutes ces communes ont la possibilité de faire entendre leurs problématiques et leurs priorités au niveau national. C'est souvent sur des sujets financiers. On y reviendra peut-être, mais l'État a un peu tendance à faire les poches aux collectivités depuis 15-20 ans. Et c'est vrai que tous les ans, au moment du budget, l'association des maires de France monte un peu au créneau. pour défendre ses intérêts financiers notamment. Donc là,

  • Speaker #1

    pour en venir à tes intérêts et à ton quotidien, tu diriges à la fois le cabinet du maire et la communication. Quel est le cœur de ta mission ? Est-ce que tu as des journées qui se ressemblent ? Quel est ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de journée qui se ressemble. En fait, le quotidien, quand tu es directeur de cabinet, c'est un peu la gare de triage et la porte d'entrée. C'est-à-dire qu'il y a une foule d'informations qui me remontent, très diverses et variées, de la part des élus, de la part des services de la mairie, de la part de la population. Et moi, mon job, c'est de trier ce qui nécessite un arbitrage du maire. ce qui peut être tranché par un adjoint, là où j'ai besoin de plus d'éléments pour soumettre une décision. Le quotidien, c'est beaucoup d'appels, beaucoup de réunions, de préparation, de visites terrain, et aussi le côté relationnel. avec les partenaires extérieurs de la mairie. Ça c'est très intéressant quand tu montes des dossiers de subvention.

  • Speaker #1

    Qui sont les partenaires principaux ?

  • Speaker #0

    Les communes alentours, les collectivités partenaires, régions, métropoles. On est dans un territoire où aujourd'hui les intercommunalités prennent de plus en plus de pouvoir via les compétences qui explosent. Il faut faire avec. Donc les premiers partenaires des collectivités sont souvent d'autres collectivités. Puis tu as aussi ceux qui interviennent sur les chantiers. On va avoir un problème avec un chantier sur la commune, il faut remonter un peu les bretelles. d'une entreprise qui est un peu en retard ou qui ne fait pas forcément les travaux comme on voudrait. Bon, c'est à un moment donné, c'est aussi le dire-câble qu'on envoie un petit peu au front pour faire passer les bons messages.

  • Speaker #1

    On dit que dans les petites et moyennes communes, il y a souvent des moyens qui sont contraints. Tu disais que l'État fait un peu la poche aux communes. Comment est-ce qu'on fait pour faire avancer des projets dans cet écosystème ?

  • Speaker #0

    Alors oui, les moyens sont très contraints. J'en veux un peu au président de la République. En 2017, il a supprimé la taxe d'habitation. Tout le monde trouvait ça extraordinaire, surtout ceux qui la payaient, mais ceux qui l'apercevaient beaucoup moins. Elle a été compensée à l'euro près au début, je ne sais pas si c'est vraiment encore le cas ou pas, mais ça a créé une rupture de lien fiscal entre les habitants et les collectivités.

  • Speaker #1

    Ça représentait combien pour vous, comme rentrée d'argent par exemple ?

  • Speaker #0

    Eh bien, je n'étais pas encore à la mairie d'Éculier en 2017, donc je ne sais pas répondre à ta question.

  • Speaker #1

    Mais s'il a été compensé, est-ce que vous avez une rentrée équivalente ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a deux mécanismes. On a ce qu'on appelle la dotation globale de fonctionnement, qui est versée chaque année par l'État, qui représente... pour une commune comme Écully, si je ne dis pas de bêtises, environ 300 000 euros. Et après, on a divers mécanismes type la DSU, dotation de solidarité urbaine, etc. Mais grosso modo, il y a non seulement les dotations qui baissent, mais il y a surtout les prérogatives qui augmentent. Aujourd'hui, on doit pallier un certain nombre de défaillances, disons-le clairement, de l'État sur plein de sujets. Je vais en prendre un, la sécurité. Le maire est arrivé en 2020, il y avait trois policiers municipaux. Aujourd'hui, il y en a 15. Ce n'est pas parce que le maire est un shérif, c'est simplement qu'on a constaté qu'il y avait de... plus en plus de petites incivilités qui, à l'époque, auraient pu être traitées par la police nationale, qui, voyant ces effectifs diminués, n'étaient plus traitées. Il fallait imposer une présence un peu dissuasive sur le territoire de la commune, étendre les horaires notamment la nuit, etc. Donc l'État a palié, clairement palié à la défaillance de l'État. On a monté un centre de vaccination en 48 heures au moment du Covid, parce qu'il fallait bien vacciner la population. Les doses arrivaient, on voyait que les gens allaient faire la queue dans des immenses gymnase à Lyon, on s'est dit... qu'il n'y aurait pas moyen de faire un petit centre de vaccination de proximité. 48 heures, on a trouvé une salle municipale. On a dit à l'association qui utilisait les locaux, pendant quelques mois, on leur trouverait une solution provisoire. On allait voir l'ARS, le préfet, les cliniques qui étaient aux alentours, etc. Et puis on a bricolé ça. Est-ce que c'était au rôle des communes qui n'ont pas la compétence santé de le faire ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il fallait le faire. Il fallait quand même vacciner le maximum de la population en un minimum de temps pour essayer d'endiguer.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est sur votre budget ?

  • Speaker #0

    La plupart du temps, oui. parce que c'est des agents municipaux qui vont faire l'entretien des salles, c'est du gardiennage, même si les cliniques notamment ont beaucoup joué le jeu, nous ont beaucoup aidé, on a eu un peu des partenaires privés, des mutuelles, etc., qui ont un petit peu mis d'argent dans le projet. Clairement, ça a été un coup pour la mairie.

  • Speaker #1

    Tu parles des collectivités qui prennent, qui pallient les manquements de l'État. Tu as vu les institutions de l'intérieur à plusieurs échelles. Est-ce que tu penses justement qu'il faudrait revenir à une forme de décentralisation politique ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis un fervent partisan de la décentralisation. Pourquoi ? La plupart de nos voisins... sont des pays de différentes formes, mais avec une forme de décentralisation très poussée. L'Allemagne, État fédéral, c'est le paroxysme de la décentralisation, parce que les lenders sont très forts. Italie et Espagne, pareil. L'État unitaire, il a un petit peu ses limites aujourd'hui. Et j'ai l'impression que la décentralisation, c'est un petit peu un des grands oubliés du quinquennat. Pour la première fois depuis De Gaulle, le président de la République n'est pas un élu local. Il s'est tout de suite un petit peu méfié d'elle. Il y avait peut-être une volonté de débaroniser un petit peu la vie politique locale. Oui, ça s'est fait de différentes façons. Je parlais tout à l'heure de la suppression de la taxe d'habitation. Il y a eu ce qu'on appelait les contrats de CAOR, les baisses de dotation. On a l'impression qu'il y a eu une rupture de confiance un petit peu entre l'État et les collectivités. Et aujourd'hui, on a un article de la Constitution, l'article 72, qui dit que les collectivités territoriales s'administrent librement. Mais est-ce qu'elles ont encore les moyens financiers de s'administrer ? Fort de ce que je te dis sur tous ces sujets financiers, j'en suis de moins en moins convaincu. Et aujourd'hui, il y a une foule de maires, beaucoup plus que sur les autres mandats, qui démissionnent. Pourquoi ? Parce qu'ils estiment qu'ils n'ont plus les moyens de leurs actions. Alors les moyens, on dit beaucoup de choses derrière moyens, mais il y a un manque de moyens financiers, un manque de soutien moral aussi, parfois il y a de plus en plus d'agressions, les maires se sentent un petit peu oubliés, abandonnés. Tout ça me fait dire que oui, on a besoin de plus de décentralisation, alors que parallèlement, il y a une décentralisation un peu silencieuse qui s'opère. L'État ne transfère pas à proprement dit les nouvelles compétences, mais malgré tout, les collectivités palissent, que je te disais un petit peu, aux défaillances de l'État. On a une... Des centralisations de faits, mais pas de textes, donc sans les moyens qui devraient s'accompagner.

  • Speaker #1

    Du coup Thibault, est-ce que tu as des propositions ? Si toi tu étais président, moi président, est-ce que tu aurais une ou plusieurs propositions que tu voudrais présenter directement pour pallier à ce manque, ou en tout cas à cette centralisation trop forte ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup trop d'échelons de collectivités en France. Communes, intercommunalités, départements, régions, il y en a beaucoup trop. Le plus simple serait selon moi de supprimer les départements pour une raison simple. Les régions, c'est des collectivités qui ont vocation à être très fortes. L'échelon régional, c'est l'échelon qui perçoit les fonds européens. Il y a beaucoup de coopération entre les régions européennes, donc cet échelon-là, il faut le pérenniser. Deuxièmement, l'intercommunalité doit monter en puissance, parce que c'est un échelon de mutualisation assez fort, vraiment un échelon de projet. Là où aujourd'hui, le département, il a essentiellement des compétences en matière de solidarité qui pourraient être descendues d'un échelon, et en matière d'entretien des routes qui pourraient, pour le coup, être transférées aux régions. Je pense que l'échelon départemental, il est moins pertinent. Il faut quand même rappeler qu'il est directement issu de Napoléon. et l'histoire de pouvoir faire à cheval en une journée traverser un point à un autre d'un département, c'est peut-être cet échelon-là qui sera à revoir. J'ai souvent tendance à provoquer un petit peu mes étudiants en leur disant qu'il faudrait supprimer un certain nombre de communes. Et quand je dis un certain nombre, il y a la moitié des communes de l'Union européenne ou presque qui sont situées en France, alors qu'il y a quand même 27 pays. Donc j'ai la faiblesse de penser qu'on peut encore un petit peu rationaliser les choses. Le problème, c'est que quand on parle de supprimer des communes, les gens se disent mais... Il y a un clocher, il y a une école, il y a une supérette. Je dis mais on ne va pas raser. Simplement, c'est que le conseil municipal de la commune serait mutualisé avec le conseil municipal de la commune voisine. Et ça, il y a encore beaucoup de résistance, notamment dans les territoires ruraux. Je pense qu'on peut faire un effort significatif là-dessus.

  • Speaker #1

    Donc tes étudiants, actuellement, ils sont à l'EM Lyon et à l'HVIP. Qu'est-ce que tu essayes de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    À l'EM Lyon, j'enseigne un séminaire sur l'intelligence économique où je fais un petit peu une introduction au lobbying. J'essaye de leur démontrer que... Le lobbying n'est pas un métier de fou furieux, de requin ou de voyou, pour la bonne et simple raison que j'ai été lobbyiste dans une vie antérieure et que ça ne m'a pas empêché de me lever le matin assez tranquillement. J'ai peut-être aussi la chance d'avoir des clients qui étaient peu clivants et plutôt institutionnels. Mais j'essaye un petit peu de casser ce mythe, parce que je pense que plus le mythe du lobbyiste véreux et des pratiques douteuses sera levé, plus ça servira à la profession et ceux qui peuvent être en lien avec la profession. J'ai eu l'expérience de certains parlementaires qui, par principe, ne voulait pas voir les lobbyistes. Et je me suis dit, mais en fait, le problème, c'est que le parlementaire, l'élu, c'est lui qui décide à la fin. La vox populi, c'est lui. Et je me dis, pour décider en conscience, est-ce que ce n'est pas mieux d'avoir rencontré tous les interlocuteurs ? J'ai la faiblesse de penser que oui. Donc, ma mission principale, notamment auprès des étudiants de l'OM Lyon, c'est d'essayer de déconstruire un petit peu ce mythe. Après, sur HEIP, c'est différent parce que j'ai des missions qui sont plus en lien aussi avec ce que je fais au quotidien sur justement le fonctionnement des collectivités territoriales, la décentralisation. Je suis moins amené à parler des questions de lobbying. Mais il m'arrive aussi, parce que quand on se présente un petit peu en début de semestre, on parle un peu de son parcours et j'ai toujours une demi-heure de questions sur ce que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Alors, est-ce que tu leur expliques ce qu'est un bon lobbyiste et un mauvais lobbyiste ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas dire qu'il y aurait des bons ou des mauvais lobbyistes. Je pense qu'il y a une bonne pratique du lobbying, celle qui est de plus en plus en cours chez nous. Il y a de plus en plus aujourd'hui de cabinets de lobbying. Il y a de plus en plus d'associations qui font du lobbying. Il y a de plus en plus d'entreprises qui internalisent des missions de lobbying. tout simplement parce qu'ils ont des messages à faire passer. Et le lobbying, c'est ni plus ni moins que de la communication au service de la défense de ses intérêts. Et encore une fois, intérêts sans le côté négatif des intérêts. Un intérêt, ce n'est pas que négatif. Vous pouvez faire du lobbying en offensif, en défensif ou en notoriété. Il ne vous aura pas empêché, on dit souvent qu'une entreprise, on va la citer, mais Total Energy dépense des milliers, des cents dans des campagnes de lobbying. Total Energy a pourtant une image déblorable en France. Je veux dire, ce n'est pas l'argent. ou les moyens qu'on va déployer qui feront le succès à la fin. Il y a une vraie dimension philosophique aussi. Et moi, je pense qu'il faut plus faire confiance aussi à l'élu qui décide. Ce n'est pas parce que l'élu va être confronté à des campagnes de lobbying intenses. Moi, j'ai vu au Parlement européen, à quelques jours de vote important, vous aviez votre boîte mail qui se remplissait de centaines de messages en quelques minutes pour faire un petit peu pression sur les députés. Je ne suis pas convaincu du tout que ça fasse changer de vote un député ou que ça puisse influer sur son choix. Ce qui va en revanche. influer sans son choix, c'est le fait qu'il ait pu, en amont du vote du texte, rencontrer un certain nombre d'acteurs et l'élu avec qui je travaillais, pour le coup, était très curieuse et très bosseuse. Elle avait cette capacité à rencontrer tout le monde en se disant, moi, je n'ai pas la science infuse, j'ai une intuition, mais j'ai besoin de confronter. mon intuition avec tous les points de vue. Et je pense que c'est ça, justement, le rôle du lobbyiste, c'est de permettre que l'élu puisse confronter tous les points de vue, et que parmi les points de vue, il y ait évidemment celui de son client.

  • Speaker #1

    Est-ce que tous les points de vue sont représentés ?

  • Speaker #0

    Dans le domaine qui m'a été donné de connaître, je dirais que, grosso modo, l'immense majorité des points de vue sont représentés. Surtout à Bruxelles, où le lobbying est vraiment très institutionnalisé.

  • Speaker #1

    C'était quel domaine en particulier ?

  • Speaker #0

    Elle travaillait beaucoup sur les sujets santé-environnement, c'était en plus au moment du Covid, et elle faisait notamment un rapport sur les pénuries de médicaments. C'est un sujet qui est très sensible. toujours. Et là, je vous garantis que tous les points de vue étaient représentés, aussi bien ceux des industries que ceux des patients, parce qu'il y avait une vraie dimension ressentie patient dans le sujet des médicaments.

  • Speaker #1

    Super clair. Si tu le veux bien, Thibault, on va passer à la séquence vrai-faux. J'énonce trois phrases et tu réponds par vrai ou faux en développant si tu le souhaites. La première phrase, c'est les vraies décisions se prennent encore à Paris.

  • Speaker #0

    Les décisions les plus bruyantes se prennent encore à Paris. Ça, c'est vrai. Les vraies décisions, pas toutes. Il y a beaucoup de décisions très impactantes qui se prennent en local. Et je pense que les décisions les plus structurantes se prennent aussi au niveau européen.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase, c'est le directeur de cabinet et le traducteur entre politique et administration.

  • Speaker #0

    Vrai, et je préciserais même en disant presque trait d'union. Pour moi, il y a cette notion de trait d'union, avec quand même une nuance, c'est qu'il y a autant de directeurs de cabinet qu'il y a de maires. Il y a une vraie variété dans les profils. Ça dépend aussi beaucoup des attentes des différents maires. Je discute, j'échange énormément avec mes collègues. On a d'ailleurs un syndicat, un lobby presque, on pourrait l'appeler, qui s'appelle Dexterra, qui est l'association... qui regroupe les collaborateurs du cabinet plutôt issus des parties de la droite et du centre. Et donc, on échange énormément sur nos métiers, etc. On a tous le même titre, on n'a pas tous le même boulot. Ça dépend aussi beaucoup de la taille de collectivité, parce qu'en fonction de la taille, vous n'avez pas le même nombre de collaborateurs, etc. C'est beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, c'est « Dans une mairie, la communication est une arme d'influence locale. »

  • Speaker #0

    C'est évidemment vrai, comme partout ailleurs. Ce qui est sûr, c'est que le manque de communication dans les organisations, c'est aujourd'hui ce qui fait perdre du temps et de l'énergie à tout le monde. Et le manque de communication à l'extérieur n'est plus entendable de nos jours. Si je fais une visite terrain avec le maire, comme on en fait régulièrement, et que vous avez un citoyen qui vous dit « Ah, mais je ne savais pas que vous faisiez ça ! » Vous vous rédissez un peu, vous dites « Mais on a mobilisé tous les supports de communication de la mairie, de la page Facebook au magazine municipal, aux réseaux sociaux, à l'application, vous avez... » Et c'est assez frustrant d'entendre ça. Après, il y a une vraie question là-autour, parce que vous vous dites « Mais à quel moment s'arrête la communication ? Est-ce que finalement, tant que vous ne prenez pas votre téléphone pour appeler quelqu'un, l'information descend ? » Bah ! c'est un vrai enjeu aujourd'hui tout est communication donc vous êtes obligé de trouver le moyen de vous différencier un peu ou d'être sûr que celle-ci passe celle-ci passe quand celui à qui vous adressez ouvre les yeux ou les oreilles ça m'amène une dernière phrase que j'ai envie de soumettre dans le vrai faux qui est travailler au parlement européen est plus stimulant que travailler dans une collectivité c'est totalement différent moi j'ai la chance de travailler dans une collectivité avec un maire qui est hyper innovant qui a 50 idées à la seconde et qui aime bien un petit peu sortir des sentiers battus explorer un petit peu des... domaines qui ne sont pas forcément des domaines sur lesquels on attend un maire. Par exemple, il a mis en place la semaine de 4 jours à la mairie pour les agents municipaux, quelque chose qui ne se faisait pas du tout. On a mutualisé un poste de police municipale et police nationale qui était une première dans le département, justement pour essayer de faire des économies de personnel, trouver un petit peu des synergies. Donc ça, c'est hyper intéressant. Et je reviens un peu à ce que je vous ai dit au début. Sur une collectivité, c'est des décisions micro sur lesquelles on a toutes prises, alors que le Parlement européen, c'est des sujets macro sur lesquels vous avez très peu de prises. finalement c'est très intéressant pour la culture générale le développement personnel etc c'est une vraie expérience enrichissante mais vous pouvez avoir la frustration parfois de vous dire que la décision elle vous échappe encore un peu là où sur une collectivité vous avez vraiment les moyens de voir concrètement parfois la vie a un petit peu changé Thibaut on arrive bientôt à la fin de cet épisode est-ce qu'il y a un conseil que tu pourrais donner à un jeune qui veut travailler dans les affaires publiques ou dans une mairie en tout cas en lien avec ton parcours déjà le premier conseil que je lui donnerais c'est de parculer Parce qu'objectivement, il n'y a pas un jour où je me suis levé en me disant « je n'ai pas envie d'y aller ce matin » . Ça, je pense que c'est quand même un vrai point positif. Et la deuxième chose, c'est de se faire sa propre opinion, notamment sur le sujet lobbying, parce qu'aujourd'hui, on a des moyens colossaux d'avoir accès à de l'information. Donc vraiment, j'ai envie de lui dire de foncer, de ne pas reculer. Et par contre, si j'ai une petite subtilité, moi, je crois beaucoup à la passerelle publique-privé. C'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez et dans lesquels il y a pourtant énormément d'interactions. Tous les jours dans les communes, vous êtes confrontés aux donneurs d'ordres privés, que ce soit lorsque vous lancez des marchés publics. Vous avez une foule d'interactions et c'est deux milieux qui ne se connaissent pas assez. Et quand vous ne vous connaissez pas, vous ne vous comprenez pas. Et c'est aussi pour ça que je pense que le lobbyiste, il a un rôle d'interprète entre les deux. Ils doivent faire coïncider, cohabiter et se rencontrer deux mondes qui ne parlent pas forcément le même langage. C'est pour ça que l'intérêt de la passerelle public-privé, privé-public... C'est que justement, vous parlez deux langages et vous faites coïncider ces deux vocabulaires.

  • Speaker #1

    Super clair. Est-ce que, Thibaut, pour conclure, est-ce que tu aurais une recommandation culturelle à nous partager ?

  • Speaker #0

    Alors, pour rester dans le thème... Il y a un livre que j'ai lu en arrivant au Parlement européen que j'ai adoré, qui s'appelle « Les compromis » , qui a été écrit par Maxime Caligaro et Éric Cardière. C'est à cheval entre un roman policier et un roman politique. C'est une fiction au cœur des institutions européennes. C'est passionnant. Si vous avez trois heures ou quatre heures de TGV, c'est la recommandation que je peux vous faire.

  • Speaker #1

    Génial, merci. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voulais exprimer ici que tu n'as pas encore eu le temps de développer, Thibaut ?

  • Speaker #0

    Que je n'ai pas eu le temps de développer, oui. C'est vraiment le cœur de la mission d'un DIRCAB en collectivité, qui qu'elle... je parlais de la garde triage, mais il y a aussi quelque chose qui est hyper important, c'est veiller à la déclinaison des engagements de l'équipe municipale, et notamment du programme sur lequel l'équipe municipale a été élue. J'ai vu un sondage passer il n'y a pas longtemps, le taux de satisfaction à l'égard des maires, il est de 70%. Ce serait à faire pallier à n'importe quel homme politique national. Quand vous regardez le sondage, je pense que si vous ajoutez la cote de popularité du président et du premier ministre, je pense que même si vous y mettez à deux, ils n'arrivent pas à 70%. Pourquoi les maires y sont appréciés ? Car ils tiennent plus facilement leurs promesses que les élus nationaux. Moi je veux dire, je tiens depuis que je suis arrivé, un tableau récapitulatif de l'ensemble des engagements de campagne qui ont été pris en 2020. Chaque année, au mois d'octobre, le maire fait une réunion, ce qu'il appelle bilan d'avancement de mandat. Ça fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans, etc. Et chaque année, on voit du coup le taux de réalisation augmenter. On finira le mandat à 97%, ce qui est pas mal, avec forcément un regret sur les trois petits pourcents, mais je veux pas me défausser sur d'autres, mais ils sont un peu aussi indépendants de notre volonté. et donc voilà ce qui est hyper important c'est que le Mais le dire-câble, il est là aussi pour veiller au quotidien à ce que le cadre dans lequel le mandat s'exerce soit bien respecté. Quand tout ça se fait en bonne intelligence avec l'administration, et Dieu sait que l'administration a des agents de grande qualité dans la fonction publique territoriale, les relations sont hyper fluides, hyper apaisées. Mais il y a un autre sujet aussi, c'est faire redescendre l'information, puisque les élus doivent rendre des comptes à leurs électeurs sur leur action. Nous, avec Uli, on fait beaucoup de rencontres de terrain. il y a un terme que j'exécre qui est... En termes de démocratie participative, je préfère un peu dire participation citoyenne, on en fait beaucoup. Parce que certes, le maire est élu sur un programme, mais le maire, il n'a pas la science infuse. Il a besoin aussi d'avoir un petit peu des remontées du terrain.

  • Speaker #1

    Merci Thibault.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    À la prochaine.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

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