- Speaker #0
Aujourd'hui la culture c'est la variable d'ajustement des politiques publiques. On pense que ça sert à rien. Ça sert à consolider la société, à la fabriquer. Si on n'a plus de lien entre les personnes, la société n'existe plus. Je crois qu'il faut expliquer d'abord que la participation citoyenne, ce n'est pas des discussions de café du commerce. La participation citoyenne, c'est des discussions éclairées.
- Speaker #1
Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Marie-Claire Martel, vice-présidente à la participation citoyenne au CESE, présidente de la COFAC et donc actrice clé du dialogue entre société civile, monde culturel et institutions. Bonjour Marie-Claire.
- Speaker #0
Bonjour Pierre.
- Speaker #1
Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte présentation ?
- Speaker #0
Non, tout va très bien.
- Speaker #1
Alors, est-ce que tu peux nous parler du CESE, COFAC, il y a beaucoup d'acronymes ?
- Speaker #0
Commençons peut-être par la COFAC, puisque c'est pour la COFAC que je suis au CESE. Donc la COFAC, c'est la Coordination des Fédérations et Associations de Culture. qui regroupe 40 000 associations culturelles en France qui viennent de tous les champs. Spectacles vivants, patrimoine, éducation populaire, etc. Avec des grandes fédérations que tout le monde connaît, comme la Confédération musicale de France, les Jeunesses musicales de France. Mais globalement, ça regroupe surtout des acteurs qui sont dans la pratique amateur et défendent cette conception de la culture en commun.
- Speaker #1
Et comment on les défend alors ?
- Speaker #0
Comment on les défend ? On explique beaucoup. C'est d'abord la défense, c'est d'abord une explication. Donc c'est l'explication de ce qu'ils sont, de ce qu'ils font, de ce qu'ils produisent aussi, non seulement sur les individus qui sont directement impliqués dans ces activités, mais aussi ce qu'ils produisent sur la société, parce que ce sont des acteurs principaux de la cohésion sociale. Et donc l'effet des pratiques culturelles en commun a évidemment un impact. énorme sur la façon dont la société est solidaire, se comprend, se connaît, etc.
- Speaker #1
Et toi Marie-Claire, si on rentre dans ton quotidien, comment tu fais concrètement pour aider ces gens-là ?
- Speaker #0
Concrètement, on a donc une association, qui est une association absolument normale, avec des statuts, avec deux salariés, et comme on a très très peu de moyens, puisque globalement sur la coordination des associations culturelles, il y a... Très peu de moyens historiquement en France.
- Speaker #1
C'est l'État qui finance ?
- Speaker #0
C'est l'État, le ministère de la Culture, le ministère de la Vie associative principalement. Et puis on a d'autres partenaires comme Opal. Et puis des partenaires, je dirais, économiques qui nous soutiennent depuis très longtemps, comme le groupe UP, la SMAC.
- Speaker #1
Ok, donc vous avez une petite équipe ?
- Speaker #0
On a une toute petite équipe de deux personnes, mais la particularité, c'est que tous les membres de l'Assemblée Générale peuvent être membres du CA, librement, et tous les membres du CA qui le souhaitent peuvent entrer au bureau. Et ensuite, il y a des élections, évidemment, pour les responsabilités au bureau, mais d'une manière générale, c'est une association qui fonctionne principalement sur le bénévolat, et donc toutes les bonnes volontés, plus il y en a, mieux c'est. Et donc, notre travail, c'est de faire remonter les attentes du terrain. de les communiquer aux pouvoirs publics pour essayer de faire coïncider les décisions publiques et les attentes des Français engagés sur ces questions. Et puis, de l'autre côté aussi, de décrypter les décisions des pouvoirs publics pour les rendre absolument limpides et compréhensibles par tout un chacun. Ce qui est un des grands freins de la vie associative aujourd'hui, c'est qu'en gros, il faut avoir un bac plus 5 pour être responsable associatif. Donc ça, c'est quelque chose contre lequel on travaille activement.
- Speaker #1
Comment vous communiquez avec les pouvoirs publics ? Est-ce que vous avez un lien très direct avec eux ?
- Speaker #0
On a un lien très direct. On demande des rendez-vous, on va au rendez-vous, que ce soit à l'Assemblée nationale ou dans les ministères.
- Speaker #1
Et ça, Marie-Claire, c'est toi qui t'en occupes ?
- Speaker #0
Alors, la décision avait été prise quand je suis arrivée à la présidence. Mon corps défendant, on va dire, que comme la COFAC avait un déficit de notoriété, il était important que, quelque part, au début en tout cas, on ne voit qu'une tête. Et donc, je me suis beaucoup engagée dans cette direction. Aujourd'hui, ce n'est plus vraiment le cas. Je délègue autant que je peux, autant de personnes que je peux. Donc, les choses se sont stabilisées. C'était une bonne technique.
- Speaker #1
Génial. Et donc, tu as dit que tu es rentrée au CESE via la COFAC ?
- Speaker #0
Exactement. Donc, le CESE, c'est la Troisième Assemblée de la République. C'est l'Assemblée de la Société Civile Agissante, mais pas de la société civile, pas des citoyens individuels, des organisations de la société civile. Et donc il y a des syndicats employeurs, salariés, il y a des syndicats professionnels, il y a des agriculteurs, et puis il y a des associations, notamment environnementales, mais aussi toutes les autres sortes d'associations. sont représentées celles du champ social, du sport, de la culture, etc.
- Speaker #1
Votre rôle, c'est quoi ?
- Speaker #0
Notre rôle strict, c'est de conseiller les pouvoirs publics, c'est-à-dire le gouvernement et les assemblées. Et donc, on est là pour faire remonter, comme à la COFAC en fait. C'est pour ça que l'utilité des corps intermédiaires, elle est là. C'est de faire remonter du terrain. tous les besoins de la société, et ensuite de négocier avec les différentes forces agissantes pour trouver des chemins, de solutions, qui ne heurtent ni les uns ni les autres, et qui arrivent à construire un progrès collectif.
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut faire de la politique sans heurter ni les uns ni les autres ?
- Speaker #0
Je pense, vraiment, j'en suis persuadée. C'est très difficile. Aujourd'hui, j'ai la réputation d'avoir une parole de vérité, de dire les choses comme elles sont. Alors, je prends bien garde de ne jamais le faire ni dans les journaux, ni en public. Je ne suis pas une opposante. Je suis là pour dire ce qui se passe et pour chercher des solutions. Je ne suis pas là pour faire de la politique politicienne. La culture, c'est politique en soi. Donc, on n'a pas besoin de faire de la politique politicienne pour faire de la culture, en réalité. Et ces deux volets, à la fois création artistique et pratique amateur, ils ont besoin d'être défendus ardemment. Et donc, au CESE, finalement... Il y a eu beaucoup d'avancées sur la participation des citoyens individuels cette fois, mais cette attention aux besoins de l'individu, il vient vraiment de mon engagement associatif. Et ce n'est qu'une continuité logique, en fin de compte.
- Speaker #1
Est-ce que tu as un exemple de décision publique que vous avez pu accompagner ? Ou est-ce parce qu'il peut y avoir des détracteurs qui pourraient dire que ce qui se fait aux CSE, c'est surtout un exercice de style ou quelque chose qui a peu d'impact ? Est-ce que toi, tu peux montrer que... justement, non, il y a des choses qui aboutissent.
- Speaker #0
Alors, on pourrait en citer mille tous les ans. Sans doute la plus connue, c'est celle de l'ex-RSA, c'est-à-dire le RMI. Le RMI a été inventé au CESE. Alors, à l'époque, évidemment, je n'y étais pas encore, mais c'est une des grandes avancées, je pense, du CESE. Après, si je prends quelque chose qui me concerne très directement, qui est la vie démocratique culturelle, qui a été rendue en toute fin 2017. Il a donné lieu finalement à une espèce de réforme en profondeur de la conception des politiques culturelles, avec une attention beaucoup plus marquée à des populations qui étaient écartées finalement, qui ne se sentaient pas concernées par les politiques culturelles. Et donc cette question de la démocratie culturelle, de personnes qui prennent en main directement leur culture, comme ceux qui sont dans les pratiques amateurs, comme vous pouvez le faire vous-même, cette question-là, elle est devenue vraiment majeure. On a sans doute clarifié aussi en France, dans cet avis, la question des droits culturels. Qu'est-ce que c'est que les droits culturels ? Un des droits de l'homme, comme les autres, qui n'est pas une politique culturelle en soi.
- Speaker #1
Comment on fait pour les défendre, ces droits culturels ? Les définir et les défendre ?
- Speaker #0
Ça, ça a été un très long travail. Parce qu'il y avait beaucoup de confusion autour des droits culturels. Le but, ce n'est pas d'assigner chacun sa culture d'origine. Le but, ça reste l'émancipation. Et donc c'est cette tension permanente entre culture d'origine, culture à partager, cette tension permanente qu'il faut travailler. Ça a été un très très long chemin, je pense qu'il est loin d'être terminé.
- Speaker #1
Alors Marie-Claire, tu es vice-présidente à la participation citoyenne. Comment ça se passe concrètement quand on veut faire participer les citoyens ?
- Speaker #0
Alors la participation citoyenne, elle n'est pas venue comme ça au CESE. Elle a été instituée dans la loi organique de 21, mais ça faisait déjà 4 ans qu'on y travaillait. J'ai beaucoup lutté pour. J'avais l'habitude de dire à mes petits camarades qui me regardaient parfois en souriant au coin que ce n'était pas forcément les journalistes qui allaient faire sortir le CESE de l'ombre, mais que c'était les citoyens. Et ma conviction, c'est qu'on parle beaucoup de dernier kilomètre des politiques publiques, du fait que les politiques publiques doivent s'adapter aux citoyens, mais en réalité, ils ne doivent pas être le dernier kilomètre des politiques publiques, ils doivent être le premier kilomètre des politiques publiques. Et cet effet d'ascenseur entre les attentes du terrain et la politique. Pour moi, c'est une façon de réconcilier le citoyen avec la politique en général et si possible avec ceux qui la pratiquent.
- Speaker #1
Tu as le sentiment que vous n'avez pas un rôle aussi important que ça devrait être ?
- Speaker #0
Bien sûr, j'ai le sentiment que cette conception de la politique très en prise avec le terrain, elle devrait être... Alors ça se répand. Il y a beaucoup aujourd'hui de gens qui sont... la profession, en tout cas temporaire et politique, qui sont attachés à ça. Ça commence à se généraliser, donc c'est plutôt positif. Mais effectivement, je pense que c'est un chemin. Pour moi, c'est sans doute le seul chemin non conflictuel pour réconcilier le citoyen avec la politique.
- Speaker #1
Donc si je comprends bien, il arrive que des politiques publiques soient déjà presque abouties et on vous appelle seulement à la fin pour vérifier que ça va bien être mis en place, que les... Les citoyens sont d'accord ou non ? Comment ça se passe ?
- Speaker #0
Non, la participation citoyenne a justement bouleversé ce type de conception. Et aujourd'hui, on est beaucoup plus en amont des décisions. Si je prends les conventions citoyennes, par exemple, il y en a une qui est en cours, qui est celle sur les temps de l'enfant, dont on peut parler, mais les conventions citoyennes vont se banaliser. Donc, c'est un peu normal. Là, on est très en amont. Aucune décision n'est prise. Donc, c'est plutôt satisfaisant. La seule obligation du... Des gouvernements, c'est de nous saisir quand il y a des futurs votes de lois de programmation.
- Speaker #1
Qu'est-ce que c'est ?
- Speaker #0
C'est des lois qui vont avoir des implications financières sur plusieurs années. Par exemple, il y a la loi de programmation sur l'armée, sur l'école, sur la sécurité sociale, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, des choses comme ça. C'est tout ce qui est pluriannuel. Et ça, c'est la seule obligation. Et notre autre obligation, c'est de rendre tous les ans un rapport sur l'état de la France.
- Speaker #1
Et comment va la France ?
- Speaker #0
Je pense qu'on peut le constater tous les jours, tout le temps, à la porte de chez soi. Comment va la France ? Elle est en souffrance, je pense. Elle n'est pas en souffrance seulement de son propre fait. Il y a beaucoup de manipulations aussi dans tout ça. La France, quand on va en tout cas sur le terrain et dans la campagne... Les gens ont des soucis, ils sont inquiets, mais globalement, il y a encore de la cohésion sociale, beaucoup plus qu'on ne veut bien le dire. Il y a encore de l'entraide, beaucoup plus qu'on ne veut bien le dire. Et il y a encore des très beaux projets partout. Mais ce n'est pas très vendeur, donc on n'entend pas beaucoup parler.
- Speaker #1
Quand on pense au CESE, on pense en tout cas à les temps forts médiatiques. C'était la Convention Climat et Fin de Vie. À quelle hauteur vous y avez participé et qu'est-ce que tu en tires ?
- Speaker #0
Alors, la Convention Climat... C'était la première convention citoyenne en France. Elle était présidée par des gens qui n'étaient pas du CESE. Il y avait beaucoup de membres qui n'étaient pas du CESE. Nous n'étions que sept. Elle a évidemment accompagné cette convention. On y a joué un rôle absolument majeur, évidemment, comme tous ceux qui étaient au comité de gouvernance, dans la configuration des délibérations. Je crois qu'il faut expliquer d'abord que la participation citoyenne, ce n'est pas des discussions de café du commerce. La participation citoyenne, c'est des discussions éclairées. Merci. Et donc, la vraie fonction d'une convention citoyenne, c'est l'éclairage d'un sujet. Et donc, le fait de pouvoir discuter d'un sujet, mais en en connaissant les ressorts, en prenant conscience des effets de bord, en prenant conscience de l'impact que telle décision peut avoir sur telle partie de la population, et le fait de mettre 150 personnes avec des vies complètement différentes, permet de ne pas faire le tour du sujet, parce que je pense qu'on ne fait jamais le tour des sujets, mais en tout cas, de s'approcher de quelque chose qui ressemble plus à l'intérêt général. parce que On croit toujours que l'intérêt général, c'est un truc qui tombe du ciel. Ce n'est pas vrai. L'intérêt général, c'est un travail lent et patient d'agrégation des intérêts individuels, de confrontation de ces intérêts individuels, agrégé en intérêts collectifs, de confrontation de ces intérêts collectifs entre eux, pour aboutir ensuite à l'intérêt général. Donc, c'est un travail qui prend du temps, qui coûte forcément un peu d'argent, parce que ça prend du temps. Je pense qu'il faut l'accepter. Après, on a des lois qui sont extrêmement bavardes. Nul n'est censé ignorer la loi, je vous souhaite bonne chance. Quand on voit l'inflation des différents codes, c'est impossible.
- Speaker #1
C'est une thématique qui revient souvent ici avec mes invités. L'inflation législative.
- Speaker #0
C'est ça. Donc, prendre du temps pour prendre des décisions, mais si elles sont bonnes à la fin.
- Speaker #1
Et alors, comment on fait pour avoir une discussion éclairée ?
- Speaker #0
Comment on fait ? On entend des chercheurs, on entend des philosophes, on entend, ça dépend du sujet, chaque sujet évidemment... va mettre en lumière des acteurs qui sont totalement différents. On entend surtout tous les bords. C'est ça que je voulais poser. Ça, c'est extrêmement important. Par exemple, on a été parfois critiqués dans la convention climat parce qu'on entendait les entreprises, etc. Mais c'est parfaitement normal. Il faut entendre tous les acteurs. Tous les acteurs ont des attentes et des obligations qui sont totalement différentes face à un sujet et qui ne sont pas forcément noires.
- Speaker #1
Est-ce que d'après toi, la manière dont on a géré les conventions, c'est la meilleure façon de faire la politique ? C'est-à-dire, pourquoi pas des députés tirés au sort, ou ce genre de fonctionnement, avec des experts qui pourraient éclairer la conversation ?
- Speaker #0
J'en sais rien. En fait, je pense qu'on ne fait pas la même chose. Une convention citoyenne, elle est là pour conseiller. Elle n'est pas là pour décider. Donc je pense que la question n'est pas la même, en réalité. Maintenant, des citoyens tirés au sort... Mais je leur donne six mois pour avoir les mêmes travers et les mêmes difficultés que rencontrent nos députés, en fait. La difficulté principale, je pense, c'est celle de changer de statut et donc que les gens ne s'adressent plus à vous de la même façon. Ce recul du terrain, de toute façon, toucherait tout le monde, quelle que soit son origine. On l'a vu, il y a quand même une diversité d'origines, même si elle n'est pas aussi large que certains pourraient le souhaiter. Il y a quand même une diversité d'origines à l'Assemblée nationale et je n'ai pas l'impression que ça ait changé grand-chose.
- Speaker #1
On va passer à la section culture et démocratie liée au prétexte. J'ai vu que tu défends une approche très large de la culture et que tu défends que ce n'est pas simplement un secteur économique, mais un levier d'émancipation. Est-ce que tu veux développer ce sujet-là ?
- Speaker #0
À la base, dans la Constitution, la République n'est pas le mode d'organisation de citoyens. Il est le mode d'organisation de citoyens éclairés. Et donc cette question de l'éclairage, elle est absolument fondamentale. C'est-à-dire que celui qui vote... doit avoir conscience de ce qu'il est en train de faire. Et pour ça, l'émancipation et donc le fait de comprendre le monde, de comprendre son voisin, de comprendre les intérêts des uns et des autres, on ne peut pas la séparer de cette démarche du citoyen qui va voter, en fait. Donc le lien, il est absolument direct. La culture, c'est à la fois se cultiver soi-même, parler correctement le français pour comprendre ce que les uns et les autres vivent, puisque c'est la langue commune. Ça n'exclut pas les langues régionales, par exemple. Ce n'est pas parce qu'on parle français qu'on ne peut pas parler d'autres langues. Vous parlez sans doute plusieurs langues. Et le fait de parler une langue, on sait très bien qu'on comprend beaucoup mieux une civilisation et beaucoup mieux des modes de vie quand on parle la langue. Donc cette question des langues régionales, pour moi, elle est majeure et ça fait partie des droits culturels. On ne peut pas séparer les questions culturelles des questions démocratiques. Pour moi, c'est fondamental. Il y a ce volet de l'émancipation individuelle, mais il y a aussi le volet de l'émancipation collective. C'est pour ça que je défends beaucoup les pratiques amateurs, parce que c'est une culture qui est vécue en commun. Et donc, par définition, vous n'êtes pas là juste à vous documenter chez vous, à vous cultiver chez vous. On n'est pas dans le mythe de l'honnête homme du XVIIIe siècle, même s'il n'y a rien de mal à être un honnête homme ou une honnête femme. Le fait de pratiquer une culture en commun, c'est ce qui nous constitue en société. Une société, ce n'est pas des individus, chacun dans leur case, devant leur écran, confinés, chez eux, etc. Une société, elle est caractérisée pas seulement par les individus, mais par les liens qui existent entre eux. Et donc cette culture des liens, c'est absolument majeur pour avoir une société, tout simplement pour avoir. une société. Si on n'a plus de lien entre les personnes, la société n'existe plus, tout simplement. Et donc, le fait d'entretenir ces liens, de les renforcer, de les partager, c'est vital pour tout le monde. Mais il n'y a pas beaucoup de gens, aujourd'hui, qui pensent à la vitalité de la société, à vrai dire. On pense à la vitalité de l'économie, on pense à la vitalité des personnes, etc. Mais la vitalité des liens qui existent entre les personnes, c'est quelque chose qui passe un peu sous les radars. C'est comme si ce n'était pas important. Alors que c'est le fondement de ce qui nous tient ensemble.
- Speaker #1
Concrètement, comment on les renforce ? Parce qu'on pourrait se dire que s'il y a une bonne vitalité économique, alors on aura une bonne vitalité culturelle, parce que les gens iront plus au théâtre, il y aura plus de...
- Speaker #0
Pas forcément. D'abord, aujourd'hui, beaucoup de gens pensent que la culture ne sert à rien. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a une vitalité économique, qu'il y a une culture dynamique, qu'il y a de la création artistique. La création, c'est absolument fondamental pour avancer. La création, c'est des gens qui vont venir vous... déranger dans votre vision du monde pour essayer de vous faire entrevoir quelque chose d'autre, une autre solution, une autre possibilité. Le fait d'être créatif culturellement ou artistiquement fait une société créative économiquement, évidemment. Parce que c'est cette autorisation du pas de côté, de voir les choses autrement.
- Speaker #1
Super Claire, si tu veux bien, on va passer à la séquence vrai-faux. Je vais t'énoncer trois phrases, tu réponds par vrai ou faux et tu peux évidemment développer.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
La première phrase, le CESE est une institution utile mais invisible.
- Speaker #0
Plutôt vrai. Je pense qu'elle est extrêmement utile parce qu'il y a peu d'endroits encore où on peut se parler calmement quand on n'a pas la même avis et chercher des chemins communs. Donc c'est très utile. Je pense que c'est même un facteur de paix et de démocratie très important. La meilleure preuve, c'est qu'il y a énormément, il y a plus de 70 CESE dans le monde aujourd'hui. Tous les CESE qui se montent commencent par venir voir ce que c'est que le CESE en veut dans nous voir. Donc on reçoit des délégations du monde entier et il y a aujourd'hui des CESE qui se montent dans beaucoup de pays. Donc oui c'est utile, après c'est relativement méconnu parce qu'on ne prend pas de décision, parce qu'on ne fait que conseiller. Parce qu'on est cette marche intermédiaire entre les intérêts individuels et l'intérêt général. Et cette marche intermédiaire, certains pensent qu'on pourrait gagner de l'argent en la sautant. Je pense qu'on gagnerait peut-être de l'argent à très court terme, mais sans doute que ça nous coûterait extrêmement cher à moyen terme.
- Speaker #1
Alors, c'est une très bonne transition pour la deuxième phrase, qui est les dispositifs participatifs sont souvent plus décoratifs que délibératifs.
- Speaker #0
Alors Ils sont très délibératifs, c'est-à-dire qu'il y a une vraie délibération dans les dispositifs participatifs. Les dispositifs participatifs certains, encore une fois, il n'y a pas de pureté, ça n'existe pas. On peut faire de la participation citoyenne qui soit effectivement très décorative et qui soit très démagogique. Je pense à des votations qui ne rassembleraient que 2% de la population et qui ne serviraient que de prétexte à des décisions. Des décisions qui sont déjà bouclées d'avance, ou la façon dont on pose la question, par exemple, complètement biaisée. On connaît plein d'exemples. Je pense à certains budgets participatifs qui sont relativement de la poudre aux yeux, parce que c'est des miettes, parce que les projets sont déjà bouclés en avance. C'est très facile de manipuler ce genre de choses. Donc il y a des méthodologies extrêmement importantes. en fait. Je crois que quand on fait de la participation ... citoyenne, l'éthique, l'engagement au respect absolu de la personne qui est en face, c'est vraiment ce qui doit nous conduire. Alors, tu pourrais me dire c'est aussi ce qui devrait conduire la politique, évidemment, mais d'une manière générale, c'est vraiment quelque chose qui, au CESE, est extrêmement présent, et tous les citoyens qui sont venus au CESE participer, alors on parle beaucoup des conventions, mais il y a plein d'autres manières, on utilise plein d'autres outils de la participation au CESE, tous les citoyens qui sont venus, ça a été vraiment la première chose qui les a frappés, c'est ce respect, cette volonté d'émancipation, cette volonté de rendre l'individu vraiment libre de ses choix, mais de ses choix éclairés.
- Speaker #1
Et la dernière phrase, la culture doit se politiser pour peser dans le débat public.
- Speaker #0
La culture, c'est politique en soi. Certains peuvent politiser la culture, c'est leur choix. En tout cas, dans les associations qui sont réunies à la COFAC, nous, on a fait collectivement le choix de ne surtout pas politiser la culture. Parce que les gens qu'on représente, on ne leur demande pas quel bulletin de vote ils mettent dans l'urne. Il y a des gens qui ont des votes je pense de toutes les couleurs. Et en tant que représentant de ces personnes, je ne peux pas opposer les uns aux autres. Mon travail, c'est justement la cohésion. Donc je ne vais pas commencer à faire des catégories. Et pour moi, la culture, comme elle est politique en soi, elle ne nécessite pas forcément d'être politisée. Et c'est vrai que je le confesse, quand je vais rencontrer des députés par exemple, il m'arrive très souvent de n'avoir même pas pris le temps de regarder la couleur politique. J'ai simplement un message à faire passer, une explication à donner, faire comprendre la réalité de ce que vivent les gens. Et c'est tout, c'est mon job.
- Speaker #1
Marie-Claire, on va arriver bientôt à la conclusion de cet épisode. Donc là, c'est la section transmission, avenir, conclusion. si tu pouvais réformer Un seul point dans la démocratie française, si tu pouvais faire passer une proposition de loi, un projet de loi, qu'est-ce que ça serait ?
- Speaker #0
Sans doute quelque chose autour de la participation citoyenne, bien sûr. Pour moi, la démocratie représentative, elle est très importante. Mais la participation des citoyens à la vie publique, elle est fondamentale. Et pas seulement ceux qui ont un mandat électif. Et donc c'est cette réconciliation qui m'anime au sens... L'atteint du terme.
- Speaker #1
Est-ce que tu serais favorable, par exemple, au référendum d'initiative citoyenne ?
- Speaker #0
Oui, je pense. Alors autant, il y a des dispositifs qui sont dans l'air, comme la réconvocation des mandats, etc. Clairement, je ne suis pas pour. Mais le référendum d'initiative populaire, oui. Mais la question, c'est pas tant le référendum en lui-même. Parce qu'un référendum, ça reste une forme de sondage, si les citoyens ne sont pas éclairés sur la question. Et encore une fois, cette question de l'éclairage de la question, elle est fondamentale. C'est comment on donne les moyens aux gens de faire un choix vraiment éclairé, y compris pour répondre à ce référendum. Et donc cette question-là, elle est absolument centrale. Je pense qu'on fait avec les outils qu'on nous donne, en fait. La première des choses, c'est de ne pas prendre les gens pour des idiots et de les accompagner dans une décision éclairée.
- Speaker #1
Marika, est-ce qu'il y a un sujet que tu n'as pas encore eu le temps de développer, que tu souhaites exprimer ici ?
- Speaker #0
Il y en aurait tellement. Je pense que le sujet de la culture, il est vraiment fondamental. Aujourd'hui, la culture, c'est la variable d'ajustement des politiques publiques. On pense que ça ne sert à rien. Encore une fois, ça sert à consolider la société, à la fabriquer. Ça fabrique la société. On ne prend pas des pierres, des fondations d'une maison en espérant monter le mur un peu plus haut. En fait, c'est vraiment les fondations de notre maison commune. Il n'y a pas de... Il n'y a pas de société sans culture. Les anthropologues définissent la naissance des sociétés de deux façons. La première, c'est quand ils découvrent un rite. Alors en général, c'est un rite funéraire. Donc ça relève de la culture, d'où ma conception un peu large de la culture. Et la deuxième façon, c'est de retrouver un os fracturé qui s'est ressoudé. Ce qui prouve qu'il y avait de la solidarité entre les personnes, d'où le lien. Et donc cette question de la culture et du lien, c'est... indissociables des questions démocratiques et des questions... Et finalement, la République, c'est que le modèle d'organisation que se donne une société. Et donc, voilà, c'est cette question-là qui est absolument fondamentale.
- Speaker #1
Pour conclure, Marie-Claire, est-ce que tu aurais une recommandation culturelle à nous partager ?
- Speaker #0
Je pourrais donner des choses très intelligentes, des essais. Je crois que j'ai envie de rester dans la poésie, en fait. La poésie, c'est vraiment ce qui nous fait voir le monde autrement, qui nous permet aussi nous-mêmes d'imaginer Une autre façon de vivre ensemble, de fabriquer quelque chose d'autre. Je crois que Jean-Pierre Siméon et Politique de la beauté, c'est vraiment le livre que je promène partout.
- Speaker #1
Merci beaucoup Marie-Claire.
- Speaker #0
Merci Pierre, merci à toi.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt !