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#24 – Antoine Portelli (Sénat – Les Indépendants) : au cœur de la fabrique parlementaire

#24 – Antoine Portelli (Sénat – Les Indépendants) : au cœur de la fabrique parlementaire

37min |26/10/2025
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Description

Antoine Portelli est conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capus. Ancien directeur de mission au MEDEF, enseignant à Paris II, il a travaillé des deux côtés de la fabrique de la loi — dans les fédérations, les cabinets et les assemblées.


Dans cet épisode, il partage son regard sur les affaires publiques, le travail parlementaire et la relation entre politique et conviction.


De l’écriture d’amendements à l’analyse budgétaire, du lien avec les représentants d’intérêt à la formation des jeunes lobbyistes, il raconte les coulisses d’un métier exigeant, souvent méconnu, mais profondément humain.


On y parle de :


✅ Comment un petit groupe peut peser au Sénat
✅ Pourquoi les affaires publiques, c’est 90 % de veille et 10 % d’influence
✅ Le rôle clé des conseillers parlementaires dans l’équilibre institutionnel
✅ L’importance du temps long dans l’écriture de la loi
✅ Et ce que la conviction change à la manière de faire de la politique


Un échange passionné avec un praticien de la vie parlementaire, pour qui la politique reste un métier de conviction et de rigueur.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La politique c'est un métier de conviction. Il faut vraiment croire en ce qu'on fait. Oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres parce que sinon c'est même pas de la conviction. Pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents et ça c'est important. Depuis dix ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. Mais il faut savoir aussi avoir le temps long et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Antoine Portelli, conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capu, ancien directeur de mission MEDEF, ancien enseignant à Paris 2, passé par des fédérations, des cabinets et l'Assemblée. Salut Antoine !

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, simplement te remercier pour ton invitation.

  • Speaker #1

    Merci Antoine ! Donc, t'as un parcours qui est très riche. T'as été assistant parlementaire, lobbyiste, responsable d'affaires publiques, et maintenant collaborateur au Sénat. Qu'est-ce qui t'a attiré à revenir du côté du Parlement ?

  • Speaker #0

    Les métiers des affaires publiques et les métiers du politique sont extrêmement liés. Moi, j'ai commencé ma vie professionnelle comme beaucoup de gens en tant que stagiaire. Et donc, j'ai commencé comme stagiaire de député pendant mes études. C'était un de mes... un de mes profs à l'université qui m'avait recommandé auprès d'un député. Et donc mes premiers amours, c'était vraiment l'Assemblée nationale. C'est des métiers qu'on les exerce dans les affaires publiques ou au Parlement de la compréhension et de l'analyse de ce que fait le politique, qui divergent l'un de l'autre dans les affaires publiques et la politique, mais qui en soi sont très similaires. Le métier que j'exerçais au MEDEF juste avant, c'est celui d'analyser la vie politique, singulièrement la vie parlementaire française, pour aider les grands patrons, les grandes entreprises à comprendre ce qui se passe et ce qui peut se passer, et ensuite à les aider à être représentés au Parlement. Aujourd'hui, ce que je fais au Sénat, c'est dans la continuité, c'est-à-dire que je continue à suivre beaucoup de débats parlementaires, à comprendre ce qui est en train de se passer, ce qui peut se passer, ce qui va se passer. et donc à donner des clés de compréhension non plus à des patrons mais à des sénateurs qui eux sont des acteurs de la vie politique.

  • Speaker #1

    Alors une petite anecdote, moi j'ai eu la chance de visiter l'Assemblée il y a un peu plus d'un an, un an et demi. Quand je suis rentré dans l'Assemblée nationale, j'ai ressenti quelque chose de grand, j'ai l'impression que c'est là que tout se passait et ça m'a donné terriblement envie. de travailler autour de l'Assemblée. Est-ce que ça t'a fait pareil, toi, quand t'es rentré au Sénat ou à l'Assemblée ? Est-ce que t'es rentré par la porte technique ou est-ce que tu t'es dit, j'ai envie de participer à ce grand...

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très impressionnant quand on rentre pour la première fois dans l'hémicycle à l'Assemblée ou au Sénat. Il y a cette grandeur de l'hémicycle qui fait un peu peur, qui donne envie aussi. Et je pense que tous ceux qui ont travaillé au Parlement et au Parlement européen aussi... ont ce sentiment de vrai pour quelque chose de plus grand que. Quelles que soient les opinions politiques qu'on peut avoir d'ailleurs. Et c'est vrai que quand on a une petite main, un couteau suisse d'un député, d'un sénateur, dans un groupe parlementaire, on a le sentiment que la moindre petite chose qu'on fait a de l'impact. Même s'il faut relativiser cet impact, parce que tout n'est pas la fabrication de la loi en France. Mais c'est vrai que le débat par la vie parlementaire française, elle est très centrée sur l'hémicycle de l'Assemblée, du Sénat aussi dans une moindre mesure, mais tout de même beaucoup aussi au Sénat singulièrement ces dernières années. et donc c'est un peu Oui, c'est passionnant parce que c'est quelque chose de magnifique quand on voit un débat parlementaire avec des gens qui s'expriment bien, des débats enjoués, mais surtout des convictions qui sont très fortes. Et donc, participer à cette petite échelle à ça, c'est quelque chose de très grisant. Et moi, je n'en ai jamais vraiment démordu parce que les métiers que j'ai exercés dans les affaires publiques après, c'était de suivre et de continuer à décrypter la vie parlementaire française. Et donc, j'ai une passion du Parlement qui fait qu'effectivement, je suis revenu à mon premier amour. On retourne au Sénat, qui est la vie parlementaire française.

  • Speaker #1

    Génial. Tu parles justement de conviction, de fil conducteur. Comment est-ce que tu expliques ton parcours ? Comment tu expliques la cohérence, la pertinence de tes expériences ? Stratégie, influence, engagement, c'est ce que je note dans ce que tu as fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si je suis un très bon stratège, ni si je suis très influent. J'ai toujours été quelqu'un de... Très engagé, et c'est vrai que la plupart des expériences professionnelles que j'ai eues depuis que j'ai commencé à travailler en 2017, c'est l'engagement. Mon expérience précédente, avant d'arriver au Sénat mais je vais y venir, c'était pendant cinq ans de travailler à la direction des affaires publiques du MEDEF. Bref, c'était un vrai engagement. J'ai eu le sentiment pendant cinq ans d'être un militant de l'entreprise et donc d'aller défendre la vision de l'entreprise au sein des deux hémicycles. Et donc aujourd'hui, retourner au Sénat, c'est complètement une continuité de l'engagement. C'est l'engagement auprès de parlementaires sur la base des idées qui sont les miennes, qui sont les mêmes que les leurs. Défendre nos idées, défendre un projet, préparer un projet pour les prochaines échéances, c'est ça qui m'anime. C'est vraiment l'engagement. Et je pense que tous ceux qui veulent entrer dans les métiers du politique ou dans les métiers des affaires publiques doivent se dire qu'ils vont participer à quelque chose de plus grand que je le disais tout à l'heure, mais il faut croire en ce qu'on fait, parce que sinon ça ne marchera pas.

  • Speaker #1

    Alors avant de rentrer dans le cœur de la fabrique parlementaire, Une dernière question sur toi Antoine, est-ce que tu as toujours baigné dans le monde politique ?

  • Speaker #0

    Pas du tout, moi j'ai absolument personne dans mon entourage ou dans ma famille qui baigne dans la politique. Je te le disais à la fac, j'ai eu un de mes professeurs qui m'a dit écoute ça pourrait être intéressant pour toi le parlement, est-ce que ça t'intéresse de faire un stage à l'Assemblée ? Je connais quelqu'un qui collabore. parlementaire et moi je vous que j'avais jamais côtoyé la politique si ce n'est avec mes propres idées mais je n'avais pas été au conseil municipal de la ville dans laquelle j'ai grandi je n'avais pas travaillé ou connu des députés ou des parlementaires ou des grands élus et donc je Je suis rentré vraiment par la petite porte, je te disais, en tant que stagiaire. Après, c'est un engrenage, parce que la vie politique, c'est un tout petit milieu. Ça l'est encore aujourd'hui. J'ai eu la chance de faire un stage auprès d'un député qui m'en a présenté un autre, qui m'en a présenté un autre. Il est venu la campagne de 2017 pour la présidentielle. J'ai donné un petit coup de main à ma petite échelle. Et puis, de là, le candidat pour lequel travaillaient les parlementaires et avec qui je bossais n'a pas gagné. Donc, on m'a dit, ça pourrait être intéressant pour toi d'aller expérimenter la vie dans le privé. Donc, j'ai travaillé dans le privé pendant ce temps-là. j'ai continué à migrer à ma petite échelle et donc les convictions elles sont elles sont nées en fait pendant mes études en droit et en sciences politiques et c'est là que j'ai compris le rôle qu'avait notre société le rôle qu'on pouvait jouer en tant qu'individu en travaillant pour le bien commun donc c'est né comme ça et je suis arrivé dans le grand bain par la fin par la petite porte quoi c'est un des profs à la fac mais bon on connaît pas de parlementaire j'ai pas de copains un fils de député et donc c'est fait comme ça génial est ce que tes copains comprennent ce que que tu fais ils comprennent ce que je fais quand j'essaie de leur expliquer mais c'est vrai que j'essaye de... La politique, c'est quelque chose qui concerne tout le monde et tout le monde, c'est bien normal, a une opinion sur le sujet et donc tout le monde veut débattre de politique à fortiori quand on rencontre quelqu'un qui travaille en politique et moi j'essaye de... pas de séquencer, mais j'essaye de faire autre chose que de la politique et donc mes copains, j'évite autant que possible de leur parler de politique sauf s'ils ont particulièrement envie mais la politique c'est... C'est ce qui m'anime, mais c'est aussi mon travail. Et donc, en ce temps du travail, je suis un peu comme tout le monde, j'ai envie de parler d'autre chose.

  • Speaker #1

    Alors, justement, comment t'expliques ton quotidien à des gens qui sont éloignés de ce milieu-là et qui voudraient en savoir plus ? Est-ce que tu as une journée type ? Est-ce que tu as des dossiers qui se ressemblent ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est encore... plus compliqué aujourd'hui, j'ai pas un emploi mais deux. Donc je suis obligé d'expliquer que j'ai demi-temps. Donc j'ai deux travails qui sont complémentaires mais qui sont différents. Le premier c'est conseiller budgétaire du groupe Les Indépendants. Ça veut dire que j'accompagne les sénateurs de mon groupe dans les travaux qui ont trait au budget de l'État, des collectivités territoriales et donc avec l'économie en général. Et puis je suis collaborateur parlementaire du sénateur de Maine-et-Loire, Emmanuel Capu. Et là, lui, il est vice-président de la commission des finances pour le groupe Les Indépendants. Et là, j'ai un métier qui est différent. Mon quotidien, il est fait de beaucoup d'anticipation. J'essaie d'anticiper les objets politiques qui vont venir pour le groupe. Donc je rédige des notes, j'analyse des textes, je fais des propositions d'amendements. Je rédige beaucoup de discours parce que c'est une partie de mon métier. Donc je rédige beaucoup de discours pour les sénateurs de mon groupe. principalement sur les questions budgétaires.

  • Speaker #1

    Ça présente combien de sénateurs, les indépendants ?

  • Speaker #0

    C'est 20 sénateurs sur 348. Donc c'est plutôt un petit groupe qui est très présent dans l'hémicycle, qui est vraiment bien identifié par les autres sénateurs. Et donc j'ai un métier qui est à la fois pour tous les sénateurs du groupe et puis j'ai un métier qui est vraiment pour un sénateur en particulier. Et donc pour lui, je travaille avec la circonscription, je fais des propositions de loi, on travaille sur des tribunes, je fais en sorte de l'aider à se positionner le mieux possible dans l'Assemblée. Et puis, mon rôle en tant que conseiller de groupe, c'est de faire en sorte que mon groupe soit à la fois le plus visible, le plus cohérent, le plus entendu possible. Et donc, ça, c'est un travail de groupe qui se fait avec tous les autres conseillers du groupe, les indépendants avec qui on travaille.

  • Speaker #1

    Vous êtes plusieurs conseillers de groupe ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Combien ?

  • Speaker #0

    Alors, l'Assemblée et le Sénat sont répartis en commissions. Donc, il y a une commission des finances, je le disais, c'est celle pour laquelle je travaille, une commission des affaires sociales, les lois, la défense, les affaires étrangères. le développement durable, les affaires économiques, la culture. On se répartit les commissions, on est cinq conseillers thématiques, et puis on a d'autres conseillers, une chef de cabinet, on a un conseiller qui lui s'occupe principalement de la communication, et puis on a un secrétaire général du groupe, et une office manager, donc on est en tout environ huit. Et donc c'est plutôt un petit groupe, mais pour un sénateur on est quand même déjà huit. Dans les grands groupes il y a beaucoup plus de conseillers, déjà souvent ils n'ont qu'une seule commission à gérer, moi j'ai qu'une seule commission, qui est la commission des finances, mais dans mes collègues conseillers du groupe, qui ont plusieurs commissions à gérer. Mais c'est principalement parce qu'on est un petit groupe dans le Sénat.

  • Speaker #1

    Et si je comprends bien, c'est tous les conseillers qui vont analyser tous les dossiers importants et qui vont dire, voilà les points clés ?

  • Speaker #0

    Exactement. On va décrypter les textes, voir quels seront les moments politiques dans ces textes. On va déterminer à l'avance une ligne politique qu'on va proposer à nos sénateurs, parce que nous, on n'est toujours que force de proposition. On propose des choses à nos sénateurs et c'est eux qui prennent les décisions derrière. Donc on propose des lignes politiques et après on identifie les objets politiques du texte et on leur propose de se positionner dessus. Et donc ces positions, ça peut être des amendements, des prises de position orales pendant les débats ou avant les débats, je disais qu'on rédigeait leurs discours. Donc on va, dans les discours, mettre l'accent sur certaines parties du texte plutôt que d'autres et donc mettre en place avant l'examen d'un texte toute une stratégie pour eux au niveau du groupe de positionnement politique.

  • Speaker #1

    Donc t'es conseiller, t'es aussi collaborateur parlementaire. Est-ce qu'il y a un endroit où tu te sens... plus utile ou en tout cas où tu as le plus de marge de manœuvre. J'élargis cette question à tous tes emplois précédents aussi. Est-ce qu'il y a un moment où tu t'es dit « là je sens que je peux faire le plus de différence » ?

  • Speaker #0

    Je pense que l'impact, il est très différent, qu'on soit représentant d'intérêt. conseiller de cabinet ministériel, collaborateur parlementaire, conseiller de groupe. Mais l'impact existe dans tous les cas. Ce qu'il faut se dire, c'est qu'on a un impact qui plaît à la personne qui exerce l'emploi, parce qu'il faut être complètement en accord avec ce qu'on fait. Mais c'est surtout un impact qui n'est pas le même au moment où on travaille. C'est-à-dire que si vous êtes représentant d'intérêt, votre impact doit se faire beaucoup en amont. Et ensuite, le moment politique vous appartient beaucoup moins. Quand vous travaillez à l'Assemblée ou au Sénat, vous allez recevoir des sollicitations des représentants d'intérêt. pour vous aider à comprendre un peu la grande image, savoir comment est-ce que vous voulez proposer à vos sénateurs ou à vos députés de se positionner, et ensuite vous êtes acteur de ce moment-là avec eux. Les conseillers des groupes ont notamment comme tâche d'accompagner les sénateurs pendant l'examen des textes. Ça veut dire que je suis dans l'hémicycle avec mes sénateurs la plupart du temps, ou à distance dans mon bureau, mais souvent je suis dans l'hémicycle avec eux, et en direct, quand je vois qu'un débat est en train de tourner de telle ou telle manière, quand je vois que, par exemple, il y a les équilibres qui sont en train de changer, de sénateurs LR ou socialistes qui sont en train d'arriver sur tel ou tel sujet, ça veut dire qu'eux, ils ont décidé d'en faire un mouvement important. Il faut sentir la séance publique, comment elle est en train d'évoluer, pour pouvoir leur dire, là maintenant, je pense que si vous voulez être en accord avec ce que vous avez déterminé comme ligne politique, je pourrais vous proposer de vous positionner comme ci, ou je vous propose de vous positionner comme ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que, justement, quand vous recevez des représentants d'intérêt, est-ce que... T'essayes d'avoir une sorte de panel représentatif, est-ce que c'est toi qui dis « Ah, ça serait bien qu'on ait une grosse entreprise, une asso, etc. » pour avoir quelque chose de juste dans la compréhension du terrain ? Ou est-ce que c'est plutôt au fil de l'eau, en fonction des opportunités ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Les parlementaires, ils sont beaucoup sollicités par les représentants d'intérêt. Ce qui est important, c'est de savoir identifier quel est le bon représentant d'intérêt avec qui il faut parler pour une thématique donnée. Souvent, il y en a plein d'autres qui vont vouloir vous parler, même si ce n'est pas forcément les plus nécessaires aux parlementaires en tant que tels. Quand on considère qu'on n'a pas entendu tout le monde, on peut les contacter. C'est là où, pour moi, c'est intéressant d'avoir exercé le métier des affaires publiques avant. Je connais beaucoup de représentants d'intérêt et je peux dire, on a reçu tel représentant d'intérêt qui me dit telle chose. Est-ce que vous, dans votre secteur, qui serez impacté par cette décision, vous avez la même vision ou est-ce qu'elle est différente ? Et puis après, on peut aller chercher les gens. C'est vrai qu'il y a un biais idéologique chez les représentants d'intérêt qui se trouve un peu dommageable. C'est-à-dire que concrètement, quand... vous représentez des entreprises, que ce soit un secteur ou une entreprise en particulier, ou même des plus grandes entreprises, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes une ONG, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes un syndicat de salariés, vous avez tendance à avoir souvent les mêmes parlementaires. Et maintenant que je suis du côté du Sénat, c'est vrai que parfois je regrette qu'on n'ait pas plus de contacts de ceux qui n'ont pas forcément notre biais idéologique, mais dont on a besoin.

  • Speaker #1

    parce que toi par exemple est-ce que Peut-être que tu es étiqueté ancien du MEDEF, et donc c'est toujours les mêmes organisations qui viennent te voir, ou comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Comme j'ai travaillé 5 ans au MEDEF, je connais bien les organisations professionnelles, et du coup ils me connaissent bien. Quand je suis parti au Sénat, ils m'ont dit « Ah bah à bientôt ! » Donc ils me connaissent bien. Maintenant mon rôle c'est aussi d'aller chercher de la connaissance et de la compréhension problématique auprès d'autres acteurs. Et là c'est vrai que j'ai eu la chance d'être enseignant pendant 5 ans, et que donc pendant 5 ans j'ai eu... des classes d'étudiants qui font des métiers qui sont complètement différents et qui eux ne viennent pas forcément de ces secteurs économiques-là, qui travaillent parfois dans des ONG, parfois dans des associations, et donc je peux aller les solliciter. Je te disais tout à l'heure que c'est un petit monde, la politique, c'est un petit monde de gauche comme de droite, c'est-à-dire que les gens se connaissent globalement. C'est vrai que quand on arrive dans ce milieu, on est impressionné parce qu'on ne connaît personne, et je voudrais rassurer que je ne connaissais personne non plus quand j'ai commencé à travailler, mais en fait ça va assez vite. Et donc oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres, parce que sinon, Ce n'est même pas de la conviction, parce que si vous avez des gens qui viennent vous voir en vous disant « je pense comme vous et voici mes arguments » , les arguments, vous pouvez les trouver tout seul puisque vous avez les mêmes convictions, ou pas très éloignés. Et donc pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents, et ça c'est important.

  • Speaker #1

    Tu donnais quel cours à ASSAS exactement ?

  • Speaker #0

    Je donnais le cours de relations institutionnelles dans le Master 2, vie publique et relations institutionnelles, à ASSAS, qui était dirigé par Dominique Chagnolo de Sabouray.

  • Speaker #1

    Ok, et du coup, qu'est-ce que tu leur disais à tes étudiants ? Qu'est-ce que tu essayais de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    Les affaires publiques, en fait, c'est un métier qui est en cours de structuration. Ça fait maintenant bien dix ans. Quand j'ai commencé à travailler, je vais revenir à la question, mais je fais une digression. Quand j'ai commencé à travailler, c'était vraiment un tout petit milieu. Il n'y avait pas beaucoup de gens. Je me rappelle, il y a une association qui s'appelle les Jeunes Lobbyistes, qui est une très belle association. Et les Jeunes Lobbyistes organisaient des verres. Et quand j'ai commencé à travailler, au verre des Jeunes Lobbyistes, on devait être 12, 15, quelque chose comme ça. Aujourd'hui vous avez un apéro de Genovis, ils sont 100, 150, 200, il y a des adhérents. Donc en fait, ça s'est vachement structuré, il y a énormément de formations qui se sont créées, et avant, quand j'ai fini mes études en 2017, vous faisiez, pour faire des affaires publiques, soit vous faisiez un IEP, soit vous faisiez un des rares masters en affaires publiques d'université parisienne, principalement, on va se dire les choses, et il y avait peu d'autres parcours, si ce n'est que pour une heure d'affaires publiques et à la politique. On n'est pas obligé d'avoir fait des études de droit et de sciences politiques. Il y a beaucoup de gens qui viennent de la politique par le militantisme, et c'est toujours le cas, c'est une bonne chose parce que c'est hyper enrichissant. Maintenant, on a énormément plus de masters, le métier se professionnalise, on a beaucoup plus d'acteurs. Et donc ce que moi j'essayais de faire comprendre à mes étudiants, c'était que le métier des affaires publiques, ça ne prend pas dans la théorie. Je n'ai pas beaucoup de cours théoriques. La théorie, c'était de comprendre comment fonctionnent... tout ce bazar, et ensuite après c'était vraiment de la pratique, donc moi je donnais beaucoup d'exercices pratiques à mes étudiants, et je pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire, de se préparer, parce qu'en fait, quand bien même on fait beaucoup de droits, beaucoup de droits constitutionnels dans ces études de droits ou de sciences politiques, on n'apprend jamais à rédiger un amendement, on ne sait pas comment fonctionne la loi vraiment, d'ailleurs le droit parlementaire n'est enseigné dans quasiment aucune université, si vous voulez faire du droit parlementaire, il faut faire un doctorat en fait, assez concrètement, c'est moins vrai maintenant parce qu'il ya beaucoup de je disais de formation qui sont créés à paris et et en région. Et donc on enseigne un peu le droit parlementaire, mais le droit parlementaire c'est de la pratique. Et c'est pour ça que j'ai eu cette chance de faire des stages pendant mes études à l'Assemblée, c'est que quand j'ai commencé à chercher du boulot en 2017, j'étais un peu attractif parce que j'avais déjà vécu à l'Assemblée. J'avais déjà rédigé des amendements, j'avais déjà compris le processus législatif, et ça c'était pas donné à tout le monde. Donc c'est beaucoup de pratique. Et donc moi la pratique c'était par des stages, et la pratique que je donnais à faire dans les cours que je donnais, c'était de donner des exercices. concrets à faire, des exposés, des notes blanches, des amendements à rédiger, des choses que les futurs représentants d'intérêt auront vraiment à faire. Et que jusqu'ici, on apprenait vraiment sur le tas. Ce qui n'était pas très agréable, parce que quand... vous sortez de vos études et que vous vous retrouvez collaborateur parlementaire et que votre parlementaire vous dit je veux un amendement là dessus, bon courage parce que soit vous avez un bon copain qui vous explique comment faire, soit vous avez passé quelques nuits blanches.

  • Speaker #1

    Justement alors c'est un métier qui est de plus en plus concurrentiel parce qu'il y a beaucoup plus de formation comme tu le dis à ce sujet qu'est ce que tu conseilles à tes étudiants qui veulent justement devenir collaborateur parlementaire ou autre, comment faire, est-ce qu'il faut passer par le militantisme est-ce qu'il y a d'autres manières d'y arriver.

  • Speaker #0

    Je pense pas qu'il soit nécessaire de passer par le militantisme. Ce que je pense par contre c'est c'est que la politique, c'est un métier de conviction. Et donc, il faut vraiment croire en ce qu'on fait. J'avais eu des exemples d'étudiants qui me disaient « Ouais, moi je veux être collaborateur parlementaire, mais bon, le groupe du parlementaire m'intéresse moins tant que c'est pas quelqu'un d'extrême. » Je pense que ça, ça marche pas. Je pense qu'il faut vraiment partager au moins grande partie des idées du parlementaire pour lequel on va travailler.

  • Speaker #1

    Dans ce que tu transmettais à tes étudiants, est-ce que, d'après toi, un bon représentant d'affaires publiques, un bon lobbyiste, il doit plutôt rester invisible dans la partie technique ou au contraire occuper l'espace ?

  • Speaker #0

    médiatique on dit faire du bruit je pense que un représentant d'intérêt c'est pas un agitateur mais c'est pas non plus un contemplateur de la vie politique je pense qu'il faut être présent à toutes les étapes à mon avis un bon représentant d'intérêt c'est quelqu'un qui qui sait être discret et faire un travail de fond quand il faut pour se créer une légitimité qui fait que le jour où il a besoin de faire du bruit on l'écoutent je prends un exemple d'un syndicat de salariés comme la CFDT qui est un syndicat réformiste, ils ont tendance à... à être dans l'accompagnement des réformes, à essayer de proposer des choses qui puissent finir par aboutir. Mais le jour où le patron ou la patronne, en l'occurrence la patronne en ce moment de la CFDT, déciderait de taper du poing sur la table, on l'entendrait beaucoup plus, je pense, que la CGT, qui régulièrement tape du poing sur la table. Et donc, à mon avis, c'est très utile de savoir choisir son moment. C'est une question de tempo, les affaires. affaires publiques. Et donc faire du bruit tout le temps, ça ne sert à rien. Faire jamais du bruit, vous n'avez pas d'impact. Le micro tendu, pour être audible, il doit être tendu au bon moment.

  • Speaker #1

    Antoine, est-ce qu'on peut rentrer davantage dans le détail des cas pratiques que tu transmettais à tes étudiants ?

  • Speaker #0

    Oui, alors je faisais un exercice qui est assez rigolo. Je t'ai dit tout à l'heure que je pense que c'est un métier de conviction, les affaires publiques. Je pense qu'il faut le modérer aussi parce que je considère qu'on n'est jamais meilleur lobbyiste que quand on va essayer de convaincre sur un sujet sur lequel on n'est pas sûr. Je m'explique. Quand un lobbyiste du Medef te dit qu'il faut baisser les impôts, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . Quand un lobbyiste d'une ONG te dit qu'il faut taxer les hydrocarbures, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . D'autant plus s'il parle à un député de droite ou à un sénateur de gauche. Je pense qu'on est bon. Peut-être meilleur lobbyiste quand on a affaire à un sujet dont on n'est soi-même pas sûr. Et donc quand j'étais prof, j'avais un exercice qui me faisait rire, que je donnais tous les ans aux étudiants. Le sujet pouvait changer parce que la composition politique de la classe, elle changeait d'une année à l'autre. Mais je leur demandais, je faisais une série de questions, par exemple, qui est pour et qui est contre la co-brida, qui est pour, qui est contre le nucléaire. Et donc quand je voyais qu'il y avait à peu près moitié-moitié ou deux tiers, un tiers, par exemple sur le nucléaire, tous ceux qui étaient favorables au nucléaire, j'en demandais de me rédiger une note. en disant il faut arrêter le nucléaire demain. Et tous ceux qui étaient défavorables au nucléaire, je leur demandais de me rédiger une note qui disait impérativement réinvestir dans le nucléaire. Et donc, on avait des étudiants face à nous qui allaient se creuser les méninges. Parce que quand vous, vous ne croyez pas du tout au nucléaire, et que vous pensez qu'il faut impérativement l'arrêter, c'est très compliqué. Mais vous allez chercher les vrais arguments. Vous allez étudier quelles sont les bonnes raisons de continuer le nucléaire. Si vous êtes contre le nucléaire et que je vous dis « faites-moi une note pour dire que vous êtes contre le nucléaire » , vous allez très certainement me dire « oui, c'est mauvais pour l'écologie, puis bon, voilà, on peut faire ça, on a les éoliennes, on a plein de choses. C'est pareil dans l'autre sens, si vous êtes favorable au nucléaire, vous allez me dire « c'est génial, ça ne met pas de carbone, etc. » Et donc vous allez être potentiellement moins bon dans votre exercice que si vous allez chercher des études qui vont bousculer un peu votre idée à vous. Et donc c'était un exercice qui me faisait pas mal rire, donc je leur demandais une note d'une page, un peu exactement comme on le fait dans le milieu des affaires publiques, une page blanche. Et j'ai trouvé que les étudiants étaient meilleurs comme ça. La première année, j'aurais laissé choisir, et la deuxième année, je leur ai fait choisir l'inverse de ce qu'était leur conviction. Et j'ai trouvé que les notes étaient bien meilleures.

  • Speaker #1

    Donc l'idée c'est de trouver l'argumentaire d'en face pour pouvoir mieux se préparer quand on veut défendre ses conditions.

  • Speaker #0

    Exactement, ça prépare à ça, que ce soit pour les affaires publiques ou pour la politique. Quand vous préparez un débat et que vous préparez des éléments de langage, c'est très bien de décrire les éléments de langage qui correspondent à vos idées, mais pour pouvoir répondre à un débat parlementaire, ce n'est pas juste soit face à un micro, c'est soit face à un micro avec quelqu'un d'autre en face qui va avoir l'opinion opposée. Et donc il faut aller chercher quels sont les arguments de l'adversaire politique pour pouvoir y répondre. Et ça, ça demande un travail de fond qui est beaucoup plus compliqué, parce que mes convictions, je les connais, je peux les écrire sur un bout de papier, par contre les convictions opposées, je ne les connais pas, et leurs arguments, il faut que j'aille les chercher, il faut que je les comprenne, il faut que j'aille chercher les chiffres qui correspondent aux opinions qu'ils vont me donner. soit pour les faire mentir, leurs chiffres, soit pour pouvoir donner d'autres opinions politiques derrière qui vont pouvoir mettre en difficulté l'opinion de l'adversaire politique. Et ça va aussi dans les affaires publiques, parce que si vous êtes lobbyiste du nucléaire et que vous allez voir un député écolo, il faut pouvoir répondre à toutes ces assertions.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un exercice propre au lobbyiste, ou est-ce que vous faites ça aussi au Sénat ?

  • Speaker #0

    Je fais ça au Sénat aussi. Je le fais au Sénat, je l'ai fait quand on a examiné au Sénat la proposition de loi sur la taxe Zucman. Donc là, c'est un exercice intéressant, parce que Donc moi je viens avec mes convictions, donc la taxe du Qman, j'explique de tout le monde, c'est une taxation du patrimoine des ultra-riches, enfin c'est comme ça qu'elle est présentée par ses auteurs, c'est une taxation du patrimoine professionnel en fait, donc ça veut dire qu'on taxe les actions des entreprises par leurs détenteurs, donc les Bernard Arnault et compagnie. Donc c'est un débat qui est légitime, c'est un débat de société, de dire comment est-ce qu'on taxe les multimilliardaires, les centi-millionnaires. Et donc c'est un débat de société qui a lieu d'être. Mais mes convictions à moi, c'était qu'en fait, on taxait pas vraiment des gens, on taxait complètement les entreprises. Et que donc on allait, pour pouvoir s'acquitter de 2%, parce que c'est ça la taxe du plan, pour s'acquitter de 2% d'impôts sur les actions, en fait, il faut en vendre 3% tous les ans. Donc si vous prenez une entreprise française, c'est 2% par an. Et donc comme vous êtes taxé quand vous vendez vos actions, en fait, il faut vendre 3% par an de votre entreprise, donc très rapidement. vous êtes propriétaire de votre entreprise. Donc moi j'avais une opinion qui était déjà dans mon ADN, si je puis dire, et donc pour pouvoir préparer ce débat parlementaire, j'ai été obligé d'aller chercher les opinions des autres. Donc j'ai écouté complètement tout le débat à l'Assemblée qui avait lieu avant celui du Sénat, écouté surtout les prises de parole de la gauche de l'hémicycle, pour comprendre quelles étaient eux leurs positions, quels étaient leurs arguments, et pour préparer donc mes sénateurs à cet exercice en séance publique. Et là en plus j'avais une double casquette, puisque le rapporteur au Sénat du texte c'est Emmanuel Capu, Donc moi j'étais à la fois son conseiller de groupe, son collaborateur parlementaire, et moi je venais avec mes opinions pro-entreprise que j'avais déjà acquises. Et donc j'ai passé beaucoup de temps à lire les rapports des uns et des autres, mais j'ai passé quatre fois plus de temps à lire ce que disaient Gabriel Zucman et les députés de gauche que ce que disaient finalement la droite et ceux qui étaient pro-entreprise, parce que je pense que je connaissais la majorité de leurs arguments, mais je suis quand même allé les écouter parce qu'il me fallait leurs chiffres, quels étaient les contre-arguments, et donc c'est comme ça que j'ai préparé mon sénateur à cet exercice.

  • Speaker #1

    Et justement, si toi tu avais le pouvoir de faire passer une réforme, est-ce que tu as un dossier qui te tient à cœur ?

  • Speaker #0

    Institutionnel tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on légifère beaucoup trop, on réglemente beaucoup trop en France. Là on est dans une période politique où on se demande comment est-ce qu'on va trouver 40 milliards d'euros. Il faut savoir que le coût de la surréglementation en France, c'est juste du droit français, je ne parle même pas du droit européen, c'est environ 3% de PIB. Donc c'est 60 milliards d'euros par an qui coûtent simplement aux entreprises, je ne parle même pas des collectivités, etc. Donc 60 milliards d'euros par an de surréglementation, c'est vraiment très dommage, parce que c'est une balle qu'on se tire nous-mêmes dans le pied. Et pour faire ça, on peut faire de la simplification, on a des problèmes de loi de simplification, mais il faut surtout arrêter l'espèce de frénésie législative qu'on connaît depuis quelques années, qui vaut pour la gauche comme pour la droite, c'est pas un positionnement politique. On a eu une inflation législative qui est vraiment débordante depuis quelques années, qui met les acteurs dans des grandes difficultés, parce que quand vous êtes un chef d'entreprise ou même un petit artisan, vous avez une réglementation qui change tous les 36 du mois. Vous regardez dans le bâtiment, c'est... Pour savoir comment il faut construire une maison demain, ce ne sera pas pareil en trois semaines et ce ne sera certainement pas pareil en trois ans. Et donc, il faut impérativement qu'on arrête de légiférer tous les 36 du mois, il faut qu'on produise moins de normes. Alors, on peut enlever des normes, mais il faut surtout qu'on en produise moins pour que les acteurs puissent comprendre quelle est la loi. On a toujours, en France, le sentiment que nul n'est censé ignorer la loi, mais je ne vois pas qui ne peut pas ignorer la loi, c'est complètement impossible. On a des lois qui sont trop longues, trop bavardes. Et une des solutions ça pourrait être d'avoir un temps législatif plus long, qui serait donc de meilleure qualité. Depuis 10 ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. On a une procédure parlementaire classique qu'on n'utilise absolument jamais, tout est examiné sous le thème de l'urgence. Alors on peut avoir besoin de l'urgence parfois, on l'a vu dans la période Covid, on a eu une assemblée, un Sénat, enfin un Parlement qui a examiné des textes budgétaires qui normalement prennent des semaines en 3 jours. Donc faire de l'urgence on sait faire, mais il faut savoir aussi avoir le temps long, et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui. Il faut reprendre le temps d'écrire la loi tranquillement, pour en produire moins, mais aussi pour produire une loi de meilleure qualité. Donc ça c'est la première réforme que je proposerais. Elle serait vraiment au service des parlementaires, parce qu'eux ils ont à peine le temps de se poser sur une loi de 34 ans, que trois jours après il faut la voter et puis on passe à la suivante.

  • Speaker #1

    Comment on fait pour avoir moins de dents ? Est-ce que par exemple ça serait un nombre d'amendements réduit par parlementaire, ou un nombre de projets de loi réduit ?

  • Speaker #0

    Les quotas sont impossibles parce que le droit d'amendement est protégé. par la Constitution pour les parlementaires. Si on a un temps législatif qui est plus long, si on prend plus le temps de discuter des textes, on en examinera mathématiquement beaucoup moins. Ça ne veut pas dire qu'on a moins de choses à réformer, on a beaucoup de choses à réformer en France, mais déjà, il faut rater de penser que tout passe par la loi. que la loi elle centre de la décision politique et de la décision publique. Il faut que la loi elle soit au bon moment et que la loi elle soit pas là pour écrire la taille des vis qu'il faut pour accrocher des tableaux au mur. C'est pas du tout le rôle de la loi. La loi elle est là pour donner des grandes indications et ensuite on a un pouvoir réglementaire qui est là et qui doit lui donner ses précisions. Mais là aussi il faut pas qu'on... On a un pouvoir réglementaire qui soit là pour dire aux collectivités territoriales les plots dans la rue doivent faire telle taille et pas telle taille, la peinture blanche doit être de tel niveau ou pas tel niveau. Le pouvoir réglementaire est là pour donner des indications et ensuite après, les décideurs, que ce soit des décideurs publics avec les élus locaux ou des décideurs privés. avec les gènes d'entreprise, d'ONG, etc., puissent l'appliquer et une marge de manœuvre.

  • Speaker #1

    Super clair. Autre chose ?

  • Speaker #0

    Je ne dis pas ça parce que ce serait mon intérêt, mais je pense que les parlementaires, et ça irait dans le sens de ce que je viens de dire, je pense que les parlementaires manquent de moyens pour bien légiférer. Bien légiférer, ça veut aussi dire savoir ce que nous allons voter, quelles en seront les conséquences concrètes sur les acteurs qui sont concernés. En France, si on compare le budget qui est alloué à un parlementaire. par rapport à un parlementaire américain, c'est quelque chose de sidérant. Un parlementaire américain, c'est-à-dire un sénateur au nom de la Chambre des représentants, il a un budget qui lui est loué de plusieurs millions de dollars, entre 2 et 5 millions par an. Ils ont une équipe en général de 10 à 15 personnes. Et donc, ils ont des gens de niveaux qui sont vachement plus élevés. Quand vous sortez de la Ivy League aux États-Unis, donc c'est les grandes, grandes universités, vous pouvez intégrer le staff d'un sénateur américain, alors les salaires suivent. En France, c'est impossible, vous sortez de Polytechnique, vous n'allez pas... pas à devenir collaborateur parlementaire. Et donc je pense que les moyens qui sont alloués aux parlementaires nous permettraient d'avoir une anticipation et une compréhension des conséquences de ce qu'ils vont voter. Plus efficace, on n'a pas du tout d'analyse économique, c'est-à-dire que vous écrivez un amendement aujourd'hui, vous ne savez pas quelle va être la conséquence. On peut éventuellement transmettre au Conseil d'État, mais alors avec l'accord de la présidente de l'Assemblée ou du président du Sénat, le texte d'une proposition de loi quand on n'est pas sûr, mais ça ne se fait quasiment jamais. Et donc vous n'avez aucun organe d'analyse économique qui est à disposition du Parlement. Et donc je pense qu'il faut renforcer le monde des moyens, soit qu'ils soient les moyens de l'équipe parlementaire, soit ce qui serait peut-être plus efficace encore, ce serait au niveau de chaque, dans chaque chambre, pour les deux chambres, pour le parlement qu'on ait un une sorte de conseil d'analyse économique avec des vrais économistes. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ils sont des administrateurs de l'Assemblée du Sénat qui sont d'excellents juristes mais qui ne sont pas des économistes. Et donc je pense qu'on produirait des lois plus efficaces, parfois moins nocives, parce que ça nous arrive de produire des lois nocives, parfois moins nocives si on savait à l'avance, en tout cas on avait une idée de quelles sont les conséquences de telle ou telle disposition. Et on reviendrait beaucoup moins sur des textes de loi qu'on a votés parce que c'est vrai que je le constate là, sur les deux, trois dernières années, on est en train de voter des... de revenir en arrière sur des choses qu'on a votées il y a 4, 5, 6, 7, 8 ans, c'est pas efficace en fait. Déjà, entre-temps, on a fait du dégât dans les acteurs, que ce soit les agriculteurs, les entreprises, les associations, les collectivités, etc.

  • Speaker #1

    Puisqu'on est dans une période de restrictions budgétaires, est-ce que, si je comprends bien, donc toi t'es favorable à mieux entourer les parlementaires, mais est-ce que tu serais favorable à une réduction de leur nombre ?

  • Speaker #0

    Mon idéal, moi, c'est le sérieux politique, et donc le sérieux économique, et donc ma proposition, elle ne vise pas à dire ça faut dépenser plus pour le Parlement, je pense que... Il faut d'une manière ou d'une autre que ça se fasse à budget constant. Et donc ce budget constant, ça pourrait venir d'une réduction du nombre de parlementaires. Ça pourrait aussi venir d'une plus grande efficience de la dépense publique au Parlement, de rechercher d'autres ressources. On pourrait trouver des moyens de faire les choses. Ça peut aussi se faire sans faire de dépenses publiques supplémentaires. Le Conseil d'analyse économique, il existe déjà en fait. C'est juste qu'il n'est pas rattaché au Parlement. Et ce qu'il faut réduire le nombre de parlementaires, ça c'est vraiment un débat politique. Il y a un tout petit brin de populisme quand même, parce que ça donne l'impression qu'on va faire des économies si on passe de 577 députés à 433. Je ne sais pas si à la fin des fins, les Français ont envie d'avoir des parlementaires qui représentent une circonscription qui est cinq fois plus grande et donc qui les voient beaucoup moins. En tout cas, s'il doit y avoir une réforme du nombre de députés, il faut que ça se fasse pour réduire la dépense de l'Assemblée nationale et donc à la fin, pour qu'on puisse effectivement utiliser mieux cet argent pour avoir des parlementaires qui soient plus outils à leur disposition.

  • Speaker #1

    Antoine, si tu veux bien, on va passer à la séquence vrai-faux. Donc je vais t'énoncer trois phrases et tu réponds par vrai ou faux. Tu peux évidemment développer si tu veux. si tu le souhaites. La première phrase, c'est « Un petit groupe au Sénat n'a quasiment aucun levier d'influence » .

  • Speaker #0

    Ah, c'est faux. C'est faux. Un petit groupe, ça a beaucoup de poids. Ça peut avoir beaucoup de poids. La majorité, je prends pour le Sénat, la majorité sénatoriale est très souvent divisée dans les votes. Et donc les voix des petits groupes peuvent l'emporter. C'est vrai qu'on a eu une multiplication des plus petits groupes depuis 2017 au Sénat, et en fait leur addition permet de faire peser la balance dans un sens ou dans un autre. Et puis par ailleurs, quand on a des petits groupes qui assisent sur des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, alors sa voix elle porte davantage dans l'hémicycle. Et donc ça, pour le coup, c'est tout à fait le cas du groupe Les Indépendants.

  • Speaker #1

    Vous êtes identifié comme ceux qui peuvent faire la bascule sur certains textes ?

  • Speaker #0

    La question n'est pas tellement celle du vote. Oui, effectivement, chaque voix compte très souvent au Sénat. Donc la bascule peut se faire, et puis c'est une question de positionnement. C'est-à-dire que si je prends l'exemple d'un autre groupe, celui pour lequel je travaille, avec le groupe communiste, ils ont des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, et donc des prises de position qui, lorsqu'elles sortent du cadre habituel, sont écoutées. Je pense que c'est le cas aussi du groupe Les Indépendants. libéral, humaniste et pro-européen et donc quand notre groupe prend des positions en séance publique, ils sont écoutés, même si on est un petit groupe.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les affaires publiques c'est 90% de patience, 10% d'impact.

  • Speaker #0

    Je sais pas si on peut vraiment dire que c'est 90% de patience, parce que la patience ça me fait un peu penser à l'inaction. Ces chiffres je dirais plutôt que on a 90% de veille et 10% d'influence. Et il faut pas... penser que la veille est quelque chose de peu important, d'ailleurs parfois c'est délocalisé, on fait faire la veille à d'autres, et puis après on ne s'occupe que de l'influence. Je pense qu'on est efficace dans les affaires publiques, parce qu'on a très bien compris qui fait quoi, qui pense quoi, quelles vont être les positions des uns et des autres, parce que l'influence est de la stratégie, mais on ne fait pas une bonne stratégie si on ne sait pas quelles sont les forces en présence. C'est vrai en affaires publiques comme dans l'armée. Donc 90-10. OK, mais 90% de veille, de veille très active à l'écoute des parlementaires et 10% d'influence. Mon métier au MEDEF, c'était de faire énormément de veille et de faire beaucoup d'influence aussi. Mais la veille, c'était passer beaucoup de temps à écouter les débats parlementaires. énormément de temps à écouter les débats parlementaires, ce qui permettait de vraiment bien conseiller, en tout cas c'est ce que j'ai essayé de faire, de vraiment bien conseiller le président du MEDEF sur quel parlementaire dit quoi, qui pense quoi, quels vont être les prochains coups de billard à trois bandes de qui, et ça je pense que c'est primordial de bien faire ça d'ailleurs, parce que c'est comme ça qu'on est vraiment influents derrière.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase c'est, aujourd'hui un bon conseiller parlementaire doit aussi savoir parler aux entreprises.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vrai, mais je pense qu'un bon conseiller parlementaire il doit surtout savoir parler aux parlementaires. Le rôle du conseiller parlementaire dans l'instabilité parlementaire qu'on connaît depuis maintenant... deux ans et demi, jusqu'à 2022, fait qu'il faut... extrêmement bien le Parlement, lui aussi, qu'il soit en veille quasi permanente, pour pouvoir bien conseiller son ministre ou les ministres de son gouvernement. Le dialogue avec les entreprises, il est important, il est nécessaire, mais il faut qu'il y ait dans un second temps.

  • Speaker #1

    Parfait, Antoine, on va passer à la conclusion. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder ici, que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y avait pas de sujet que je voulais aborder en particulier, mais je voudrais dire à ceux qui s'intéressent au métier des affaires publiques et de la politique que c'est des très beaux métiers. C'est des métiers de conviction, c'est des métiers accrochés aux tripes, et il ne faut pas se dire que... que ça fait peur ou quoi que ce soit, il faut sortir de sa bulle de confort. C'est sûr que c'est des métiers qui sont risqués. Je veux dire, aujourd'hui, vous allez travailler à l'Assemblée nationale, vous êtes sous le coup d'une dissolution un peu permanente, ce qui n'existait pas il y a encore quelques années, mais il faut prendre son risque. Il n'y a que comme ça qu'on peut progresser, notamment dans les affaires publiques et la politique. Il faut prendre son risque, pas rester dans son confort. Et c'est des métiers qui sont géniaux parce qu'on se met à disposition du bien commun, de sa vision de l'intérêt général. On parlait de l'intérêt général ensemble juste avant. L'intérêt général c'est à la fois une addition d'intérêts particuliers, mais c'est aussi ce qu'on décide nous-mêmes de ce qu'est l'intérêt général. Et donc quand vous êtes représentant d'intérêt pour le MEDEF, ou la CPME, ou la CFDT, ou une ONG écolo, vous allez avec votre travail, votre quotidien, faire changer les choses, parfois plus en fonction de là où vous travaillez que d'autres. Mais c'est un très beau métier, ça prend aux tripes. On ne lâche pas. C'est vrai que moi j'adore le Parlement, je suis complètement accro à la vie parlementaire française. C'est pour ça que je fais du ping-pong entre le public et le privé depuis maintenant 8 ans. J'ai un bon copain qui appelle ça la méthode romaine, on fait Sénat-Armée, Sénat-Armée, Sénat-Armée. Je pense que c'est des beaux métiers, il ne faut pas avoir peur de mélanger les deux, c'est-à-dire passer du public au privé, du privé au public, parce qu'on se rend compte que quand on travaille... à l'Assemblée ou au Sénat, le monde privé nous paraît très lointain, on reçoit des mails et on a des coups de fil, mais quand on va travailler pour eux, on comprend quelles sont leurs contraintes, qui ne sont pas les mêmes et qui sont souvent incomprises. Et inversement, quand on fait des affaires publiques et qu'on revient au Parlement ou à la politique locale, nationale, dans les cabines ministérielles, on va beaucoup enrichir son parcours, je pense. Et donc, il ne faut pas avoir peur d'essayer.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai un bon dire sur enrichir son parcours. Est-ce que tu as une recommandation culturelle ?

  • Speaker #0

    J'avais un jour passé un entretien dans les affaires publiques et la politique, où on m'avait dit, c'est quoi le livre politique que tu écoutes en ce moment, et c'est quoi la radio que tu écoutes tous les matins sous la douche ? Et j'avais répondu que je ne lis absolument aucun livre politique, parce que je trouve que c'est souvent la même chose quand même, et que sous la douche, moi j'écoute de la musique, parce que je pense que la vie politique elle est géniale, mais il faut savoir en décrocher aussi, il faut savoir avoir des moments à soi, et faire autre chose, avoir des lectures qui ne sont pas forcément des lectures politiques. écouter pas forcément la radio, alors écouter à 11h quand on sait enfin ce qui a été dit dans la matinée. Je pense que c'est bien de s'enrichir d'autres choses que ça, parce que souvent on devient un peu des ovnis de la politique. On pense, on respire, on vit que politique. Et donc en fait on s'éloigne un peu de la vraie vie des gens, du vrai terrain, de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils font, etc. Donc le sujet des recommandations, c'est de lire des livres pas politiques, écouter de la musique, et faites autre chose.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine. Est-ce que tu as une personnalité à me recommander pour un prochain épisode ?

  • Speaker #0

    Je pense que le lobbying, les affaires publiques sont de plus en plus territoriales aujourd'hui. Je pense que ça pourrait être intéressant pour toi d'aller voir ces spécialistes des affaires publiques territoriales. Ils sont en train de se structurer et en mettre de plus en plus en France. Et puis un deuxième métier que je te recommande, c'est d'aller parler à un conseiller parlementaire d'un ministre. Ils ont des métiers qui sont tout à fait particuliers, qui sont passionnants. Souvent, c'est des profils qui viennent déjà de l'Assemblée et du Sénat, donc qui sont aussi des... un peu des virtuoses de la vie parlementaire. Donc je te recommande d'aller les voir et de leur proposer un podcast parce que c'est des profils qui, dans un cas ou dans l'autre, sont très intéressants.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt !

Description

Antoine Portelli est conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capus. Ancien directeur de mission au MEDEF, enseignant à Paris II, il a travaillé des deux côtés de la fabrique de la loi — dans les fédérations, les cabinets et les assemblées.


Dans cet épisode, il partage son regard sur les affaires publiques, le travail parlementaire et la relation entre politique et conviction.


De l’écriture d’amendements à l’analyse budgétaire, du lien avec les représentants d’intérêt à la formation des jeunes lobbyistes, il raconte les coulisses d’un métier exigeant, souvent méconnu, mais profondément humain.


On y parle de :


✅ Comment un petit groupe peut peser au Sénat
✅ Pourquoi les affaires publiques, c’est 90 % de veille et 10 % d’influence
✅ Le rôle clé des conseillers parlementaires dans l’équilibre institutionnel
✅ L’importance du temps long dans l’écriture de la loi
✅ Et ce que la conviction change à la manière de faire de la politique


Un échange passionné avec un praticien de la vie parlementaire, pour qui la politique reste un métier de conviction et de rigueur.

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Transcription

  • Speaker #0

    La politique c'est un métier de conviction. Il faut vraiment croire en ce qu'on fait. Oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres parce que sinon c'est même pas de la conviction. Pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents et ça c'est important. Depuis dix ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. Mais il faut savoir aussi avoir le temps long et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Antoine Portelli, conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capu, ancien directeur de mission MEDEF, ancien enseignant à Paris 2, passé par des fédérations, des cabinets et l'Assemblée. Salut Antoine !

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, simplement te remercier pour ton invitation.

  • Speaker #1

    Merci Antoine ! Donc, t'as un parcours qui est très riche. T'as été assistant parlementaire, lobbyiste, responsable d'affaires publiques, et maintenant collaborateur au Sénat. Qu'est-ce qui t'a attiré à revenir du côté du Parlement ?

  • Speaker #0

    Les métiers des affaires publiques et les métiers du politique sont extrêmement liés. Moi, j'ai commencé ma vie professionnelle comme beaucoup de gens en tant que stagiaire. Et donc, j'ai commencé comme stagiaire de député pendant mes études. C'était un de mes... un de mes profs à l'université qui m'avait recommandé auprès d'un député. Et donc mes premiers amours, c'était vraiment l'Assemblée nationale. C'est des métiers qu'on les exerce dans les affaires publiques ou au Parlement de la compréhension et de l'analyse de ce que fait le politique, qui divergent l'un de l'autre dans les affaires publiques et la politique, mais qui en soi sont très similaires. Le métier que j'exerçais au MEDEF juste avant, c'est celui d'analyser la vie politique, singulièrement la vie parlementaire française, pour aider les grands patrons, les grandes entreprises à comprendre ce qui se passe et ce qui peut se passer, et ensuite à les aider à être représentés au Parlement. Aujourd'hui, ce que je fais au Sénat, c'est dans la continuité, c'est-à-dire que je continue à suivre beaucoup de débats parlementaires, à comprendre ce qui est en train de se passer, ce qui peut se passer, ce qui va se passer. et donc à donner des clés de compréhension non plus à des patrons mais à des sénateurs qui eux sont des acteurs de la vie politique.

  • Speaker #1

    Alors une petite anecdote, moi j'ai eu la chance de visiter l'Assemblée il y a un peu plus d'un an, un an et demi. Quand je suis rentré dans l'Assemblée nationale, j'ai ressenti quelque chose de grand, j'ai l'impression que c'est là que tout se passait et ça m'a donné terriblement envie. de travailler autour de l'Assemblée. Est-ce que ça t'a fait pareil, toi, quand t'es rentré au Sénat ou à l'Assemblée ? Est-ce que t'es rentré par la porte technique ou est-ce que tu t'es dit, j'ai envie de participer à ce grand...

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très impressionnant quand on rentre pour la première fois dans l'hémicycle à l'Assemblée ou au Sénat. Il y a cette grandeur de l'hémicycle qui fait un peu peur, qui donne envie aussi. Et je pense que tous ceux qui ont travaillé au Parlement et au Parlement européen aussi... ont ce sentiment de vrai pour quelque chose de plus grand que. Quelles que soient les opinions politiques qu'on peut avoir d'ailleurs. Et c'est vrai que quand on a une petite main, un couteau suisse d'un député, d'un sénateur, dans un groupe parlementaire, on a le sentiment que la moindre petite chose qu'on fait a de l'impact. Même s'il faut relativiser cet impact, parce que tout n'est pas la fabrication de la loi en France. Mais c'est vrai que le débat par la vie parlementaire française, elle est très centrée sur l'hémicycle de l'Assemblée, du Sénat aussi dans une moindre mesure, mais tout de même beaucoup aussi au Sénat singulièrement ces dernières années. et donc c'est un peu Oui, c'est passionnant parce que c'est quelque chose de magnifique quand on voit un débat parlementaire avec des gens qui s'expriment bien, des débats enjoués, mais surtout des convictions qui sont très fortes. Et donc, participer à cette petite échelle à ça, c'est quelque chose de très grisant. Et moi, je n'en ai jamais vraiment démordu parce que les métiers que j'ai exercés dans les affaires publiques après, c'était de suivre et de continuer à décrypter la vie parlementaire française. Et donc, j'ai une passion du Parlement qui fait qu'effectivement, je suis revenu à mon premier amour. On retourne au Sénat, qui est la vie parlementaire française.

  • Speaker #1

    Génial. Tu parles justement de conviction, de fil conducteur. Comment est-ce que tu expliques ton parcours ? Comment tu expliques la cohérence, la pertinence de tes expériences ? Stratégie, influence, engagement, c'est ce que je note dans ce que tu as fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si je suis un très bon stratège, ni si je suis très influent. J'ai toujours été quelqu'un de... Très engagé, et c'est vrai que la plupart des expériences professionnelles que j'ai eues depuis que j'ai commencé à travailler en 2017, c'est l'engagement. Mon expérience précédente, avant d'arriver au Sénat mais je vais y venir, c'était pendant cinq ans de travailler à la direction des affaires publiques du MEDEF. Bref, c'était un vrai engagement. J'ai eu le sentiment pendant cinq ans d'être un militant de l'entreprise et donc d'aller défendre la vision de l'entreprise au sein des deux hémicycles. Et donc aujourd'hui, retourner au Sénat, c'est complètement une continuité de l'engagement. C'est l'engagement auprès de parlementaires sur la base des idées qui sont les miennes, qui sont les mêmes que les leurs. Défendre nos idées, défendre un projet, préparer un projet pour les prochaines échéances, c'est ça qui m'anime. C'est vraiment l'engagement. Et je pense que tous ceux qui veulent entrer dans les métiers du politique ou dans les métiers des affaires publiques doivent se dire qu'ils vont participer à quelque chose de plus grand que je le disais tout à l'heure, mais il faut croire en ce qu'on fait, parce que sinon ça ne marchera pas.

  • Speaker #1

    Alors avant de rentrer dans le cœur de la fabrique parlementaire, Une dernière question sur toi Antoine, est-ce que tu as toujours baigné dans le monde politique ?

  • Speaker #0

    Pas du tout, moi j'ai absolument personne dans mon entourage ou dans ma famille qui baigne dans la politique. Je te le disais à la fac, j'ai eu un de mes professeurs qui m'a dit écoute ça pourrait être intéressant pour toi le parlement, est-ce que ça t'intéresse de faire un stage à l'Assemblée ? Je connais quelqu'un qui collabore. parlementaire et moi je vous que j'avais jamais côtoyé la politique si ce n'est avec mes propres idées mais je n'avais pas été au conseil municipal de la ville dans laquelle j'ai grandi je n'avais pas travaillé ou connu des députés ou des parlementaires ou des grands élus et donc je Je suis rentré vraiment par la petite porte, je te disais, en tant que stagiaire. Après, c'est un engrenage, parce que la vie politique, c'est un tout petit milieu. Ça l'est encore aujourd'hui. J'ai eu la chance de faire un stage auprès d'un député qui m'en a présenté un autre, qui m'en a présenté un autre. Il est venu la campagne de 2017 pour la présidentielle. J'ai donné un petit coup de main à ma petite échelle. Et puis, de là, le candidat pour lequel travaillaient les parlementaires et avec qui je bossais n'a pas gagné. Donc, on m'a dit, ça pourrait être intéressant pour toi d'aller expérimenter la vie dans le privé. Donc, j'ai travaillé dans le privé pendant ce temps-là. j'ai continué à migrer à ma petite échelle et donc les convictions elles sont elles sont nées en fait pendant mes études en droit et en sciences politiques et c'est là que j'ai compris le rôle qu'avait notre société le rôle qu'on pouvait jouer en tant qu'individu en travaillant pour le bien commun donc c'est né comme ça et je suis arrivé dans le grand bain par la fin par la petite porte quoi c'est un des profs à la fac mais bon on connaît pas de parlementaire j'ai pas de copains un fils de député et donc c'est fait comme ça génial est ce que tes copains comprennent ce que que tu fais ils comprennent ce que je fais quand j'essaie de leur expliquer mais c'est vrai que j'essaye de... La politique, c'est quelque chose qui concerne tout le monde et tout le monde, c'est bien normal, a une opinion sur le sujet et donc tout le monde veut débattre de politique à fortiori quand on rencontre quelqu'un qui travaille en politique et moi j'essaye de... pas de séquencer, mais j'essaye de faire autre chose que de la politique et donc mes copains, j'évite autant que possible de leur parler de politique sauf s'ils ont particulièrement envie mais la politique c'est... C'est ce qui m'anime, mais c'est aussi mon travail. Et donc, en ce temps du travail, je suis un peu comme tout le monde, j'ai envie de parler d'autre chose.

  • Speaker #1

    Alors, justement, comment t'expliques ton quotidien à des gens qui sont éloignés de ce milieu-là et qui voudraient en savoir plus ? Est-ce que tu as une journée type ? Est-ce que tu as des dossiers qui se ressemblent ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est encore... plus compliqué aujourd'hui, j'ai pas un emploi mais deux. Donc je suis obligé d'expliquer que j'ai demi-temps. Donc j'ai deux travails qui sont complémentaires mais qui sont différents. Le premier c'est conseiller budgétaire du groupe Les Indépendants. Ça veut dire que j'accompagne les sénateurs de mon groupe dans les travaux qui ont trait au budget de l'État, des collectivités territoriales et donc avec l'économie en général. Et puis je suis collaborateur parlementaire du sénateur de Maine-et-Loire, Emmanuel Capu. Et là, lui, il est vice-président de la commission des finances pour le groupe Les Indépendants. Et là, j'ai un métier qui est différent. Mon quotidien, il est fait de beaucoup d'anticipation. J'essaie d'anticiper les objets politiques qui vont venir pour le groupe. Donc je rédige des notes, j'analyse des textes, je fais des propositions d'amendements. Je rédige beaucoup de discours parce que c'est une partie de mon métier. Donc je rédige beaucoup de discours pour les sénateurs de mon groupe. principalement sur les questions budgétaires.

  • Speaker #1

    Ça présente combien de sénateurs, les indépendants ?

  • Speaker #0

    C'est 20 sénateurs sur 348. Donc c'est plutôt un petit groupe qui est très présent dans l'hémicycle, qui est vraiment bien identifié par les autres sénateurs. Et donc j'ai un métier qui est à la fois pour tous les sénateurs du groupe et puis j'ai un métier qui est vraiment pour un sénateur en particulier. Et donc pour lui, je travaille avec la circonscription, je fais des propositions de loi, on travaille sur des tribunes, je fais en sorte de l'aider à se positionner le mieux possible dans l'Assemblée. Et puis, mon rôle en tant que conseiller de groupe, c'est de faire en sorte que mon groupe soit à la fois le plus visible, le plus cohérent, le plus entendu possible. Et donc, ça, c'est un travail de groupe qui se fait avec tous les autres conseillers du groupe, les indépendants avec qui on travaille.

  • Speaker #1

    Vous êtes plusieurs conseillers de groupe ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Combien ?

  • Speaker #0

    Alors, l'Assemblée et le Sénat sont répartis en commissions. Donc, il y a une commission des finances, je le disais, c'est celle pour laquelle je travaille, une commission des affaires sociales, les lois, la défense, les affaires étrangères. le développement durable, les affaires économiques, la culture. On se répartit les commissions, on est cinq conseillers thématiques, et puis on a d'autres conseillers, une chef de cabinet, on a un conseiller qui lui s'occupe principalement de la communication, et puis on a un secrétaire général du groupe, et une office manager, donc on est en tout environ huit. Et donc c'est plutôt un petit groupe, mais pour un sénateur on est quand même déjà huit. Dans les grands groupes il y a beaucoup plus de conseillers, déjà souvent ils n'ont qu'une seule commission à gérer, moi j'ai qu'une seule commission, qui est la commission des finances, mais dans mes collègues conseillers du groupe, qui ont plusieurs commissions à gérer. Mais c'est principalement parce qu'on est un petit groupe dans le Sénat.

  • Speaker #1

    Et si je comprends bien, c'est tous les conseillers qui vont analyser tous les dossiers importants et qui vont dire, voilà les points clés ?

  • Speaker #0

    Exactement. On va décrypter les textes, voir quels seront les moments politiques dans ces textes. On va déterminer à l'avance une ligne politique qu'on va proposer à nos sénateurs, parce que nous, on n'est toujours que force de proposition. On propose des choses à nos sénateurs et c'est eux qui prennent les décisions derrière. Donc on propose des lignes politiques et après on identifie les objets politiques du texte et on leur propose de se positionner dessus. Et donc ces positions, ça peut être des amendements, des prises de position orales pendant les débats ou avant les débats, je disais qu'on rédigeait leurs discours. Donc on va, dans les discours, mettre l'accent sur certaines parties du texte plutôt que d'autres et donc mettre en place avant l'examen d'un texte toute une stratégie pour eux au niveau du groupe de positionnement politique.

  • Speaker #1

    Donc t'es conseiller, t'es aussi collaborateur parlementaire. Est-ce qu'il y a un endroit où tu te sens... plus utile ou en tout cas où tu as le plus de marge de manœuvre. J'élargis cette question à tous tes emplois précédents aussi. Est-ce qu'il y a un moment où tu t'es dit « là je sens que je peux faire le plus de différence » ?

  • Speaker #0

    Je pense que l'impact, il est très différent, qu'on soit représentant d'intérêt. conseiller de cabinet ministériel, collaborateur parlementaire, conseiller de groupe. Mais l'impact existe dans tous les cas. Ce qu'il faut se dire, c'est qu'on a un impact qui plaît à la personne qui exerce l'emploi, parce qu'il faut être complètement en accord avec ce qu'on fait. Mais c'est surtout un impact qui n'est pas le même au moment où on travaille. C'est-à-dire que si vous êtes représentant d'intérêt, votre impact doit se faire beaucoup en amont. Et ensuite, le moment politique vous appartient beaucoup moins. Quand vous travaillez à l'Assemblée ou au Sénat, vous allez recevoir des sollicitations des représentants d'intérêt. pour vous aider à comprendre un peu la grande image, savoir comment est-ce que vous voulez proposer à vos sénateurs ou à vos députés de se positionner, et ensuite vous êtes acteur de ce moment-là avec eux. Les conseillers des groupes ont notamment comme tâche d'accompagner les sénateurs pendant l'examen des textes. Ça veut dire que je suis dans l'hémicycle avec mes sénateurs la plupart du temps, ou à distance dans mon bureau, mais souvent je suis dans l'hémicycle avec eux, et en direct, quand je vois qu'un débat est en train de tourner de telle ou telle manière, quand je vois que, par exemple, il y a les équilibres qui sont en train de changer, de sénateurs LR ou socialistes qui sont en train d'arriver sur tel ou tel sujet, ça veut dire qu'eux, ils ont décidé d'en faire un mouvement important. Il faut sentir la séance publique, comment elle est en train d'évoluer, pour pouvoir leur dire, là maintenant, je pense que si vous voulez être en accord avec ce que vous avez déterminé comme ligne politique, je pourrais vous proposer de vous positionner comme ci, ou je vous propose de vous positionner comme ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que, justement, quand vous recevez des représentants d'intérêt, est-ce que... T'essayes d'avoir une sorte de panel représentatif, est-ce que c'est toi qui dis « Ah, ça serait bien qu'on ait une grosse entreprise, une asso, etc. » pour avoir quelque chose de juste dans la compréhension du terrain ? Ou est-ce que c'est plutôt au fil de l'eau, en fonction des opportunités ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Les parlementaires, ils sont beaucoup sollicités par les représentants d'intérêt. Ce qui est important, c'est de savoir identifier quel est le bon représentant d'intérêt avec qui il faut parler pour une thématique donnée. Souvent, il y en a plein d'autres qui vont vouloir vous parler, même si ce n'est pas forcément les plus nécessaires aux parlementaires en tant que tels. Quand on considère qu'on n'a pas entendu tout le monde, on peut les contacter. C'est là où, pour moi, c'est intéressant d'avoir exercé le métier des affaires publiques avant. Je connais beaucoup de représentants d'intérêt et je peux dire, on a reçu tel représentant d'intérêt qui me dit telle chose. Est-ce que vous, dans votre secteur, qui serez impacté par cette décision, vous avez la même vision ou est-ce qu'elle est différente ? Et puis après, on peut aller chercher les gens. C'est vrai qu'il y a un biais idéologique chez les représentants d'intérêt qui se trouve un peu dommageable. C'est-à-dire que concrètement, quand... vous représentez des entreprises, que ce soit un secteur ou une entreprise en particulier, ou même des plus grandes entreprises, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes une ONG, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes un syndicat de salariés, vous avez tendance à avoir souvent les mêmes parlementaires. Et maintenant que je suis du côté du Sénat, c'est vrai que parfois je regrette qu'on n'ait pas plus de contacts de ceux qui n'ont pas forcément notre biais idéologique, mais dont on a besoin.

  • Speaker #1

    parce que toi par exemple est-ce que Peut-être que tu es étiqueté ancien du MEDEF, et donc c'est toujours les mêmes organisations qui viennent te voir, ou comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Comme j'ai travaillé 5 ans au MEDEF, je connais bien les organisations professionnelles, et du coup ils me connaissent bien. Quand je suis parti au Sénat, ils m'ont dit « Ah bah à bientôt ! » Donc ils me connaissent bien. Maintenant mon rôle c'est aussi d'aller chercher de la connaissance et de la compréhension problématique auprès d'autres acteurs. Et là c'est vrai que j'ai eu la chance d'être enseignant pendant 5 ans, et que donc pendant 5 ans j'ai eu... des classes d'étudiants qui font des métiers qui sont complètement différents et qui eux ne viennent pas forcément de ces secteurs économiques-là, qui travaillent parfois dans des ONG, parfois dans des associations, et donc je peux aller les solliciter. Je te disais tout à l'heure que c'est un petit monde, la politique, c'est un petit monde de gauche comme de droite, c'est-à-dire que les gens se connaissent globalement. C'est vrai que quand on arrive dans ce milieu, on est impressionné parce qu'on ne connaît personne, et je voudrais rassurer que je ne connaissais personne non plus quand j'ai commencé à travailler, mais en fait ça va assez vite. Et donc oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres, parce que sinon, Ce n'est même pas de la conviction, parce que si vous avez des gens qui viennent vous voir en vous disant « je pense comme vous et voici mes arguments » , les arguments, vous pouvez les trouver tout seul puisque vous avez les mêmes convictions, ou pas très éloignés. Et donc pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents, et ça c'est important.

  • Speaker #1

    Tu donnais quel cours à ASSAS exactement ?

  • Speaker #0

    Je donnais le cours de relations institutionnelles dans le Master 2, vie publique et relations institutionnelles, à ASSAS, qui était dirigé par Dominique Chagnolo de Sabouray.

  • Speaker #1

    Ok, et du coup, qu'est-ce que tu leur disais à tes étudiants ? Qu'est-ce que tu essayais de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    Les affaires publiques, en fait, c'est un métier qui est en cours de structuration. Ça fait maintenant bien dix ans. Quand j'ai commencé à travailler, je vais revenir à la question, mais je fais une digression. Quand j'ai commencé à travailler, c'était vraiment un tout petit milieu. Il n'y avait pas beaucoup de gens. Je me rappelle, il y a une association qui s'appelle les Jeunes Lobbyistes, qui est une très belle association. Et les Jeunes Lobbyistes organisaient des verres. Et quand j'ai commencé à travailler, au verre des Jeunes Lobbyistes, on devait être 12, 15, quelque chose comme ça. Aujourd'hui vous avez un apéro de Genovis, ils sont 100, 150, 200, il y a des adhérents. Donc en fait, ça s'est vachement structuré, il y a énormément de formations qui se sont créées, et avant, quand j'ai fini mes études en 2017, vous faisiez, pour faire des affaires publiques, soit vous faisiez un IEP, soit vous faisiez un des rares masters en affaires publiques d'université parisienne, principalement, on va se dire les choses, et il y avait peu d'autres parcours, si ce n'est que pour une heure d'affaires publiques et à la politique. On n'est pas obligé d'avoir fait des études de droit et de sciences politiques. Il y a beaucoup de gens qui viennent de la politique par le militantisme, et c'est toujours le cas, c'est une bonne chose parce que c'est hyper enrichissant. Maintenant, on a énormément plus de masters, le métier se professionnalise, on a beaucoup plus d'acteurs. Et donc ce que moi j'essayais de faire comprendre à mes étudiants, c'était que le métier des affaires publiques, ça ne prend pas dans la théorie. Je n'ai pas beaucoup de cours théoriques. La théorie, c'était de comprendre comment fonctionnent... tout ce bazar, et ensuite après c'était vraiment de la pratique, donc moi je donnais beaucoup d'exercices pratiques à mes étudiants, et je pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire, de se préparer, parce qu'en fait, quand bien même on fait beaucoup de droits, beaucoup de droits constitutionnels dans ces études de droits ou de sciences politiques, on n'apprend jamais à rédiger un amendement, on ne sait pas comment fonctionne la loi vraiment, d'ailleurs le droit parlementaire n'est enseigné dans quasiment aucune université, si vous voulez faire du droit parlementaire, il faut faire un doctorat en fait, assez concrètement, c'est moins vrai maintenant parce qu'il ya beaucoup de je disais de formation qui sont créés à paris et et en région. Et donc on enseigne un peu le droit parlementaire, mais le droit parlementaire c'est de la pratique. Et c'est pour ça que j'ai eu cette chance de faire des stages pendant mes études à l'Assemblée, c'est que quand j'ai commencé à chercher du boulot en 2017, j'étais un peu attractif parce que j'avais déjà vécu à l'Assemblée. J'avais déjà rédigé des amendements, j'avais déjà compris le processus législatif, et ça c'était pas donné à tout le monde. Donc c'est beaucoup de pratique. Et donc moi la pratique c'était par des stages, et la pratique que je donnais à faire dans les cours que je donnais, c'était de donner des exercices. concrets à faire, des exposés, des notes blanches, des amendements à rédiger, des choses que les futurs représentants d'intérêt auront vraiment à faire. Et que jusqu'ici, on apprenait vraiment sur le tas. Ce qui n'était pas très agréable, parce que quand... vous sortez de vos études et que vous vous retrouvez collaborateur parlementaire et que votre parlementaire vous dit je veux un amendement là dessus, bon courage parce que soit vous avez un bon copain qui vous explique comment faire, soit vous avez passé quelques nuits blanches.

  • Speaker #1

    Justement alors c'est un métier qui est de plus en plus concurrentiel parce qu'il y a beaucoup plus de formation comme tu le dis à ce sujet qu'est ce que tu conseilles à tes étudiants qui veulent justement devenir collaborateur parlementaire ou autre, comment faire, est-ce qu'il faut passer par le militantisme est-ce qu'il y a d'autres manières d'y arriver.

  • Speaker #0

    Je pense pas qu'il soit nécessaire de passer par le militantisme. Ce que je pense par contre c'est c'est que la politique, c'est un métier de conviction. Et donc, il faut vraiment croire en ce qu'on fait. J'avais eu des exemples d'étudiants qui me disaient « Ouais, moi je veux être collaborateur parlementaire, mais bon, le groupe du parlementaire m'intéresse moins tant que c'est pas quelqu'un d'extrême. » Je pense que ça, ça marche pas. Je pense qu'il faut vraiment partager au moins grande partie des idées du parlementaire pour lequel on va travailler.

  • Speaker #1

    Dans ce que tu transmettais à tes étudiants, est-ce que, d'après toi, un bon représentant d'affaires publiques, un bon lobbyiste, il doit plutôt rester invisible dans la partie technique ou au contraire occuper l'espace ?

  • Speaker #0

    médiatique on dit faire du bruit je pense que un représentant d'intérêt c'est pas un agitateur mais c'est pas non plus un contemplateur de la vie politique je pense qu'il faut être présent à toutes les étapes à mon avis un bon représentant d'intérêt c'est quelqu'un qui qui sait être discret et faire un travail de fond quand il faut pour se créer une légitimité qui fait que le jour où il a besoin de faire du bruit on l'écoutent je prends un exemple d'un syndicat de salariés comme la CFDT qui est un syndicat réformiste, ils ont tendance à... à être dans l'accompagnement des réformes, à essayer de proposer des choses qui puissent finir par aboutir. Mais le jour où le patron ou la patronne, en l'occurrence la patronne en ce moment de la CFDT, déciderait de taper du poing sur la table, on l'entendrait beaucoup plus, je pense, que la CGT, qui régulièrement tape du poing sur la table. Et donc, à mon avis, c'est très utile de savoir choisir son moment. C'est une question de tempo, les affaires. affaires publiques. Et donc faire du bruit tout le temps, ça ne sert à rien. Faire jamais du bruit, vous n'avez pas d'impact. Le micro tendu, pour être audible, il doit être tendu au bon moment.

  • Speaker #1

    Antoine, est-ce qu'on peut rentrer davantage dans le détail des cas pratiques que tu transmettais à tes étudiants ?

  • Speaker #0

    Oui, alors je faisais un exercice qui est assez rigolo. Je t'ai dit tout à l'heure que je pense que c'est un métier de conviction, les affaires publiques. Je pense qu'il faut le modérer aussi parce que je considère qu'on n'est jamais meilleur lobbyiste que quand on va essayer de convaincre sur un sujet sur lequel on n'est pas sûr. Je m'explique. Quand un lobbyiste du Medef te dit qu'il faut baisser les impôts, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . Quand un lobbyiste d'une ONG te dit qu'il faut taxer les hydrocarbures, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . D'autant plus s'il parle à un député de droite ou à un sénateur de gauche. Je pense qu'on est bon. Peut-être meilleur lobbyiste quand on a affaire à un sujet dont on n'est soi-même pas sûr. Et donc quand j'étais prof, j'avais un exercice qui me faisait rire, que je donnais tous les ans aux étudiants. Le sujet pouvait changer parce que la composition politique de la classe, elle changeait d'une année à l'autre. Mais je leur demandais, je faisais une série de questions, par exemple, qui est pour et qui est contre la co-brida, qui est pour, qui est contre le nucléaire. Et donc quand je voyais qu'il y avait à peu près moitié-moitié ou deux tiers, un tiers, par exemple sur le nucléaire, tous ceux qui étaient favorables au nucléaire, j'en demandais de me rédiger une note. en disant il faut arrêter le nucléaire demain. Et tous ceux qui étaient défavorables au nucléaire, je leur demandais de me rédiger une note qui disait impérativement réinvestir dans le nucléaire. Et donc, on avait des étudiants face à nous qui allaient se creuser les méninges. Parce que quand vous, vous ne croyez pas du tout au nucléaire, et que vous pensez qu'il faut impérativement l'arrêter, c'est très compliqué. Mais vous allez chercher les vrais arguments. Vous allez étudier quelles sont les bonnes raisons de continuer le nucléaire. Si vous êtes contre le nucléaire et que je vous dis « faites-moi une note pour dire que vous êtes contre le nucléaire » , vous allez très certainement me dire « oui, c'est mauvais pour l'écologie, puis bon, voilà, on peut faire ça, on a les éoliennes, on a plein de choses. C'est pareil dans l'autre sens, si vous êtes favorable au nucléaire, vous allez me dire « c'est génial, ça ne met pas de carbone, etc. » Et donc vous allez être potentiellement moins bon dans votre exercice que si vous allez chercher des études qui vont bousculer un peu votre idée à vous. Et donc c'était un exercice qui me faisait pas mal rire, donc je leur demandais une note d'une page, un peu exactement comme on le fait dans le milieu des affaires publiques, une page blanche. Et j'ai trouvé que les étudiants étaient meilleurs comme ça. La première année, j'aurais laissé choisir, et la deuxième année, je leur ai fait choisir l'inverse de ce qu'était leur conviction. Et j'ai trouvé que les notes étaient bien meilleures.

  • Speaker #1

    Donc l'idée c'est de trouver l'argumentaire d'en face pour pouvoir mieux se préparer quand on veut défendre ses conditions.

  • Speaker #0

    Exactement, ça prépare à ça, que ce soit pour les affaires publiques ou pour la politique. Quand vous préparez un débat et que vous préparez des éléments de langage, c'est très bien de décrire les éléments de langage qui correspondent à vos idées, mais pour pouvoir répondre à un débat parlementaire, ce n'est pas juste soit face à un micro, c'est soit face à un micro avec quelqu'un d'autre en face qui va avoir l'opinion opposée. Et donc il faut aller chercher quels sont les arguments de l'adversaire politique pour pouvoir y répondre. Et ça, ça demande un travail de fond qui est beaucoup plus compliqué, parce que mes convictions, je les connais, je peux les écrire sur un bout de papier, par contre les convictions opposées, je ne les connais pas, et leurs arguments, il faut que j'aille les chercher, il faut que je les comprenne, il faut que j'aille chercher les chiffres qui correspondent aux opinions qu'ils vont me donner. soit pour les faire mentir, leurs chiffres, soit pour pouvoir donner d'autres opinions politiques derrière qui vont pouvoir mettre en difficulté l'opinion de l'adversaire politique. Et ça va aussi dans les affaires publiques, parce que si vous êtes lobbyiste du nucléaire et que vous allez voir un député écolo, il faut pouvoir répondre à toutes ces assertions.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un exercice propre au lobbyiste, ou est-ce que vous faites ça aussi au Sénat ?

  • Speaker #0

    Je fais ça au Sénat aussi. Je le fais au Sénat, je l'ai fait quand on a examiné au Sénat la proposition de loi sur la taxe Zucman. Donc là, c'est un exercice intéressant, parce que Donc moi je viens avec mes convictions, donc la taxe du Qman, j'explique de tout le monde, c'est une taxation du patrimoine des ultra-riches, enfin c'est comme ça qu'elle est présentée par ses auteurs, c'est une taxation du patrimoine professionnel en fait, donc ça veut dire qu'on taxe les actions des entreprises par leurs détenteurs, donc les Bernard Arnault et compagnie. Donc c'est un débat qui est légitime, c'est un débat de société, de dire comment est-ce qu'on taxe les multimilliardaires, les centi-millionnaires. Et donc c'est un débat de société qui a lieu d'être. Mais mes convictions à moi, c'était qu'en fait, on taxait pas vraiment des gens, on taxait complètement les entreprises. Et que donc on allait, pour pouvoir s'acquitter de 2%, parce que c'est ça la taxe du plan, pour s'acquitter de 2% d'impôts sur les actions, en fait, il faut en vendre 3% tous les ans. Donc si vous prenez une entreprise française, c'est 2% par an. Et donc comme vous êtes taxé quand vous vendez vos actions, en fait, il faut vendre 3% par an de votre entreprise, donc très rapidement. vous êtes propriétaire de votre entreprise. Donc moi j'avais une opinion qui était déjà dans mon ADN, si je puis dire, et donc pour pouvoir préparer ce débat parlementaire, j'ai été obligé d'aller chercher les opinions des autres. Donc j'ai écouté complètement tout le débat à l'Assemblée qui avait lieu avant celui du Sénat, écouté surtout les prises de parole de la gauche de l'hémicycle, pour comprendre quelles étaient eux leurs positions, quels étaient leurs arguments, et pour préparer donc mes sénateurs à cet exercice en séance publique. Et là en plus j'avais une double casquette, puisque le rapporteur au Sénat du texte c'est Emmanuel Capu, Donc moi j'étais à la fois son conseiller de groupe, son collaborateur parlementaire, et moi je venais avec mes opinions pro-entreprise que j'avais déjà acquises. Et donc j'ai passé beaucoup de temps à lire les rapports des uns et des autres, mais j'ai passé quatre fois plus de temps à lire ce que disaient Gabriel Zucman et les députés de gauche que ce que disaient finalement la droite et ceux qui étaient pro-entreprise, parce que je pense que je connaissais la majorité de leurs arguments, mais je suis quand même allé les écouter parce qu'il me fallait leurs chiffres, quels étaient les contre-arguments, et donc c'est comme ça que j'ai préparé mon sénateur à cet exercice.

  • Speaker #1

    Et justement, si toi tu avais le pouvoir de faire passer une réforme, est-ce que tu as un dossier qui te tient à cœur ?

  • Speaker #0

    Institutionnel tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on légifère beaucoup trop, on réglemente beaucoup trop en France. Là on est dans une période politique où on se demande comment est-ce qu'on va trouver 40 milliards d'euros. Il faut savoir que le coût de la surréglementation en France, c'est juste du droit français, je ne parle même pas du droit européen, c'est environ 3% de PIB. Donc c'est 60 milliards d'euros par an qui coûtent simplement aux entreprises, je ne parle même pas des collectivités, etc. Donc 60 milliards d'euros par an de surréglementation, c'est vraiment très dommage, parce que c'est une balle qu'on se tire nous-mêmes dans le pied. Et pour faire ça, on peut faire de la simplification, on a des problèmes de loi de simplification, mais il faut surtout arrêter l'espèce de frénésie législative qu'on connaît depuis quelques années, qui vaut pour la gauche comme pour la droite, c'est pas un positionnement politique. On a eu une inflation législative qui est vraiment débordante depuis quelques années, qui met les acteurs dans des grandes difficultés, parce que quand vous êtes un chef d'entreprise ou même un petit artisan, vous avez une réglementation qui change tous les 36 du mois. Vous regardez dans le bâtiment, c'est... Pour savoir comment il faut construire une maison demain, ce ne sera pas pareil en trois semaines et ce ne sera certainement pas pareil en trois ans. Et donc, il faut impérativement qu'on arrête de légiférer tous les 36 du mois, il faut qu'on produise moins de normes. Alors, on peut enlever des normes, mais il faut surtout qu'on en produise moins pour que les acteurs puissent comprendre quelle est la loi. On a toujours, en France, le sentiment que nul n'est censé ignorer la loi, mais je ne vois pas qui ne peut pas ignorer la loi, c'est complètement impossible. On a des lois qui sont trop longues, trop bavardes. Et une des solutions ça pourrait être d'avoir un temps législatif plus long, qui serait donc de meilleure qualité. Depuis 10 ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. On a une procédure parlementaire classique qu'on n'utilise absolument jamais, tout est examiné sous le thème de l'urgence. Alors on peut avoir besoin de l'urgence parfois, on l'a vu dans la période Covid, on a eu une assemblée, un Sénat, enfin un Parlement qui a examiné des textes budgétaires qui normalement prennent des semaines en 3 jours. Donc faire de l'urgence on sait faire, mais il faut savoir aussi avoir le temps long, et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui. Il faut reprendre le temps d'écrire la loi tranquillement, pour en produire moins, mais aussi pour produire une loi de meilleure qualité. Donc ça c'est la première réforme que je proposerais. Elle serait vraiment au service des parlementaires, parce qu'eux ils ont à peine le temps de se poser sur une loi de 34 ans, que trois jours après il faut la voter et puis on passe à la suivante.

  • Speaker #1

    Comment on fait pour avoir moins de dents ? Est-ce que par exemple ça serait un nombre d'amendements réduit par parlementaire, ou un nombre de projets de loi réduit ?

  • Speaker #0

    Les quotas sont impossibles parce que le droit d'amendement est protégé. par la Constitution pour les parlementaires. Si on a un temps législatif qui est plus long, si on prend plus le temps de discuter des textes, on en examinera mathématiquement beaucoup moins. Ça ne veut pas dire qu'on a moins de choses à réformer, on a beaucoup de choses à réformer en France, mais déjà, il faut rater de penser que tout passe par la loi. que la loi elle centre de la décision politique et de la décision publique. Il faut que la loi elle soit au bon moment et que la loi elle soit pas là pour écrire la taille des vis qu'il faut pour accrocher des tableaux au mur. C'est pas du tout le rôle de la loi. La loi elle est là pour donner des grandes indications et ensuite on a un pouvoir réglementaire qui est là et qui doit lui donner ses précisions. Mais là aussi il faut pas qu'on... On a un pouvoir réglementaire qui soit là pour dire aux collectivités territoriales les plots dans la rue doivent faire telle taille et pas telle taille, la peinture blanche doit être de tel niveau ou pas tel niveau. Le pouvoir réglementaire est là pour donner des indications et ensuite après, les décideurs, que ce soit des décideurs publics avec les élus locaux ou des décideurs privés. avec les gènes d'entreprise, d'ONG, etc., puissent l'appliquer et une marge de manœuvre.

  • Speaker #1

    Super clair. Autre chose ?

  • Speaker #0

    Je ne dis pas ça parce que ce serait mon intérêt, mais je pense que les parlementaires, et ça irait dans le sens de ce que je viens de dire, je pense que les parlementaires manquent de moyens pour bien légiférer. Bien légiférer, ça veut aussi dire savoir ce que nous allons voter, quelles en seront les conséquences concrètes sur les acteurs qui sont concernés. En France, si on compare le budget qui est alloué à un parlementaire. par rapport à un parlementaire américain, c'est quelque chose de sidérant. Un parlementaire américain, c'est-à-dire un sénateur au nom de la Chambre des représentants, il a un budget qui lui est loué de plusieurs millions de dollars, entre 2 et 5 millions par an. Ils ont une équipe en général de 10 à 15 personnes. Et donc, ils ont des gens de niveaux qui sont vachement plus élevés. Quand vous sortez de la Ivy League aux États-Unis, donc c'est les grandes, grandes universités, vous pouvez intégrer le staff d'un sénateur américain, alors les salaires suivent. En France, c'est impossible, vous sortez de Polytechnique, vous n'allez pas... pas à devenir collaborateur parlementaire. Et donc je pense que les moyens qui sont alloués aux parlementaires nous permettraient d'avoir une anticipation et une compréhension des conséquences de ce qu'ils vont voter. Plus efficace, on n'a pas du tout d'analyse économique, c'est-à-dire que vous écrivez un amendement aujourd'hui, vous ne savez pas quelle va être la conséquence. On peut éventuellement transmettre au Conseil d'État, mais alors avec l'accord de la présidente de l'Assemblée ou du président du Sénat, le texte d'une proposition de loi quand on n'est pas sûr, mais ça ne se fait quasiment jamais. Et donc vous n'avez aucun organe d'analyse économique qui est à disposition du Parlement. Et donc je pense qu'il faut renforcer le monde des moyens, soit qu'ils soient les moyens de l'équipe parlementaire, soit ce qui serait peut-être plus efficace encore, ce serait au niveau de chaque, dans chaque chambre, pour les deux chambres, pour le parlement qu'on ait un une sorte de conseil d'analyse économique avec des vrais économistes. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ils sont des administrateurs de l'Assemblée du Sénat qui sont d'excellents juristes mais qui ne sont pas des économistes. Et donc je pense qu'on produirait des lois plus efficaces, parfois moins nocives, parce que ça nous arrive de produire des lois nocives, parfois moins nocives si on savait à l'avance, en tout cas on avait une idée de quelles sont les conséquences de telle ou telle disposition. Et on reviendrait beaucoup moins sur des textes de loi qu'on a votés parce que c'est vrai que je le constate là, sur les deux, trois dernières années, on est en train de voter des... de revenir en arrière sur des choses qu'on a votées il y a 4, 5, 6, 7, 8 ans, c'est pas efficace en fait. Déjà, entre-temps, on a fait du dégât dans les acteurs, que ce soit les agriculteurs, les entreprises, les associations, les collectivités, etc.

  • Speaker #1

    Puisqu'on est dans une période de restrictions budgétaires, est-ce que, si je comprends bien, donc toi t'es favorable à mieux entourer les parlementaires, mais est-ce que tu serais favorable à une réduction de leur nombre ?

  • Speaker #0

    Mon idéal, moi, c'est le sérieux politique, et donc le sérieux économique, et donc ma proposition, elle ne vise pas à dire ça faut dépenser plus pour le Parlement, je pense que... Il faut d'une manière ou d'une autre que ça se fasse à budget constant. Et donc ce budget constant, ça pourrait venir d'une réduction du nombre de parlementaires. Ça pourrait aussi venir d'une plus grande efficience de la dépense publique au Parlement, de rechercher d'autres ressources. On pourrait trouver des moyens de faire les choses. Ça peut aussi se faire sans faire de dépenses publiques supplémentaires. Le Conseil d'analyse économique, il existe déjà en fait. C'est juste qu'il n'est pas rattaché au Parlement. Et ce qu'il faut réduire le nombre de parlementaires, ça c'est vraiment un débat politique. Il y a un tout petit brin de populisme quand même, parce que ça donne l'impression qu'on va faire des économies si on passe de 577 députés à 433. Je ne sais pas si à la fin des fins, les Français ont envie d'avoir des parlementaires qui représentent une circonscription qui est cinq fois plus grande et donc qui les voient beaucoup moins. En tout cas, s'il doit y avoir une réforme du nombre de députés, il faut que ça se fasse pour réduire la dépense de l'Assemblée nationale et donc à la fin, pour qu'on puisse effectivement utiliser mieux cet argent pour avoir des parlementaires qui soient plus outils à leur disposition.

  • Speaker #1

    Antoine, si tu veux bien, on va passer à la séquence vrai-faux. Donc je vais t'énoncer trois phrases et tu réponds par vrai ou faux. Tu peux évidemment développer si tu veux. si tu le souhaites. La première phrase, c'est « Un petit groupe au Sénat n'a quasiment aucun levier d'influence » .

  • Speaker #0

    Ah, c'est faux. C'est faux. Un petit groupe, ça a beaucoup de poids. Ça peut avoir beaucoup de poids. La majorité, je prends pour le Sénat, la majorité sénatoriale est très souvent divisée dans les votes. Et donc les voix des petits groupes peuvent l'emporter. C'est vrai qu'on a eu une multiplication des plus petits groupes depuis 2017 au Sénat, et en fait leur addition permet de faire peser la balance dans un sens ou dans un autre. Et puis par ailleurs, quand on a des petits groupes qui assisent sur des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, alors sa voix elle porte davantage dans l'hémicycle. Et donc ça, pour le coup, c'est tout à fait le cas du groupe Les Indépendants.

  • Speaker #1

    Vous êtes identifié comme ceux qui peuvent faire la bascule sur certains textes ?

  • Speaker #0

    La question n'est pas tellement celle du vote. Oui, effectivement, chaque voix compte très souvent au Sénat. Donc la bascule peut se faire, et puis c'est une question de positionnement. C'est-à-dire que si je prends l'exemple d'un autre groupe, celui pour lequel je travaille, avec le groupe communiste, ils ont des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, et donc des prises de position qui, lorsqu'elles sortent du cadre habituel, sont écoutées. Je pense que c'est le cas aussi du groupe Les Indépendants. libéral, humaniste et pro-européen et donc quand notre groupe prend des positions en séance publique, ils sont écoutés, même si on est un petit groupe.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les affaires publiques c'est 90% de patience, 10% d'impact.

  • Speaker #0

    Je sais pas si on peut vraiment dire que c'est 90% de patience, parce que la patience ça me fait un peu penser à l'inaction. Ces chiffres je dirais plutôt que on a 90% de veille et 10% d'influence. Et il faut pas... penser que la veille est quelque chose de peu important, d'ailleurs parfois c'est délocalisé, on fait faire la veille à d'autres, et puis après on ne s'occupe que de l'influence. Je pense qu'on est efficace dans les affaires publiques, parce qu'on a très bien compris qui fait quoi, qui pense quoi, quelles vont être les positions des uns et des autres, parce que l'influence est de la stratégie, mais on ne fait pas une bonne stratégie si on ne sait pas quelles sont les forces en présence. C'est vrai en affaires publiques comme dans l'armée. Donc 90-10. OK, mais 90% de veille, de veille très active à l'écoute des parlementaires et 10% d'influence. Mon métier au MEDEF, c'était de faire énormément de veille et de faire beaucoup d'influence aussi. Mais la veille, c'était passer beaucoup de temps à écouter les débats parlementaires. énormément de temps à écouter les débats parlementaires, ce qui permettait de vraiment bien conseiller, en tout cas c'est ce que j'ai essayé de faire, de vraiment bien conseiller le président du MEDEF sur quel parlementaire dit quoi, qui pense quoi, quels vont être les prochains coups de billard à trois bandes de qui, et ça je pense que c'est primordial de bien faire ça d'ailleurs, parce que c'est comme ça qu'on est vraiment influents derrière.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase c'est, aujourd'hui un bon conseiller parlementaire doit aussi savoir parler aux entreprises.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vrai, mais je pense qu'un bon conseiller parlementaire il doit surtout savoir parler aux parlementaires. Le rôle du conseiller parlementaire dans l'instabilité parlementaire qu'on connaît depuis maintenant... deux ans et demi, jusqu'à 2022, fait qu'il faut... extrêmement bien le Parlement, lui aussi, qu'il soit en veille quasi permanente, pour pouvoir bien conseiller son ministre ou les ministres de son gouvernement. Le dialogue avec les entreprises, il est important, il est nécessaire, mais il faut qu'il y ait dans un second temps.

  • Speaker #1

    Parfait, Antoine, on va passer à la conclusion. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder ici, que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y avait pas de sujet que je voulais aborder en particulier, mais je voudrais dire à ceux qui s'intéressent au métier des affaires publiques et de la politique que c'est des très beaux métiers. C'est des métiers de conviction, c'est des métiers accrochés aux tripes, et il ne faut pas se dire que... que ça fait peur ou quoi que ce soit, il faut sortir de sa bulle de confort. C'est sûr que c'est des métiers qui sont risqués. Je veux dire, aujourd'hui, vous allez travailler à l'Assemblée nationale, vous êtes sous le coup d'une dissolution un peu permanente, ce qui n'existait pas il y a encore quelques années, mais il faut prendre son risque. Il n'y a que comme ça qu'on peut progresser, notamment dans les affaires publiques et la politique. Il faut prendre son risque, pas rester dans son confort. Et c'est des métiers qui sont géniaux parce qu'on se met à disposition du bien commun, de sa vision de l'intérêt général. On parlait de l'intérêt général ensemble juste avant. L'intérêt général c'est à la fois une addition d'intérêts particuliers, mais c'est aussi ce qu'on décide nous-mêmes de ce qu'est l'intérêt général. Et donc quand vous êtes représentant d'intérêt pour le MEDEF, ou la CPME, ou la CFDT, ou une ONG écolo, vous allez avec votre travail, votre quotidien, faire changer les choses, parfois plus en fonction de là où vous travaillez que d'autres. Mais c'est un très beau métier, ça prend aux tripes. On ne lâche pas. C'est vrai que moi j'adore le Parlement, je suis complètement accro à la vie parlementaire française. C'est pour ça que je fais du ping-pong entre le public et le privé depuis maintenant 8 ans. J'ai un bon copain qui appelle ça la méthode romaine, on fait Sénat-Armée, Sénat-Armée, Sénat-Armée. Je pense que c'est des beaux métiers, il ne faut pas avoir peur de mélanger les deux, c'est-à-dire passer du public au privé, du privé au public, parce qu'on se rend compte que quand on travaille... à l'Assemblée ou au Sénat, le monde privé nous paraît très lointain, on reçoit des mails et on a des coups de fil, mais quand on va travailler pour eux, on comprend quelles sont leurs contraintes, qui ne sont pas les mêmes et qui sont souvent incomprises. Et inversement, quand on fait des affaires publiques et qu'on revient au Parlement ou à la politique locale, nationale, dans les cabines ministérielles, on va beaucoup enrichir son parcours, je pense. Et donc, il ne faut pas avoir peur d'essayer.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai un bon dire sur enrichir son parcours. Est-ce que tu as une recommandation culturelle ?

  • Speaker #0

    J'avais un jour passé un entretien dans les affaires publiques et la politique, où on m'avait dit, c'est quoi le livre politique que tu écoutes en ce moment, et c'est quoi la radio que tu écoutes tous les matins sous la douche ? Et j'avais répondu que je ne lis absolument aucun livre politique, parce que je trouve que c'est souvent la même chose quand même, et que sous la douche, moi j'écoute de la musique, parce que je pense que la vie politique elle est géniale, mais il faut savoir en décrocher aussi, il faut savoir avoir des moments à soi, et faire autre chose, avoir des lectures qui ne sont pas forcément des lectures politiques. écouter pas forcément la radio, alors écouter à 11h quand on sait enfin ce qui a été dit dans la matinée. Je pense que c'est bien de s'enrichir d'autres choses que ça, parce que souvent on devient un peu des ovnis de la politique. On pense, on respire, on vit que politique. Et donc en fait on s'éloigne un peu de la vraie vie des gens, du vrai terrain, de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils font, etc. Donc le sujet des recommandations, c'est de lire des livres pas politiques, écouter de la musique, et faites autre chose.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine. Est-ce que tu as une personnalité à me recommander pour un prochain épisode ?

  • Speaker #0

    Je pense que le lobbying, les affaires publiques sont de plus en plus territoriales aujourd'hui. Je pense que ça pourrait être intéressant pour toi d'aller voir ces spécialistes des affaires publiques territoriales. Ils sont en train de se structurer et en mettre de plus en plus en France. Et puis un deuxième métier que je te recommande, c'est d'aller parler à un conseiller parlementaire d'un ministre. Ils ont des métiers qui sont tout à fait particuliers, qui sont passionnants. Souvent, c'est des profils qui viennent déjà de l'Assemblée et du Sénat, donc qui sont aussi des... un peu des virtuoses de la vie parlementaire. Donc je te recommande d'aller les voir et de leur proposer un podcast parce que c'est des profils qui, dans un cas ou dans l'autre, sont très intéressants.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt !

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Description

Antoine Portelli est conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capus. Ancien directeur de mission au MEDEF, enseignant à Paris II, il a travaillé des deux côtés de la fabrique de la loi — dans les fédérations, les cabinets et les assemblées.


Dans cet épisode, il partage son regard sur les affaires publiques, le travail parlementaire et la relation entre politique et conviction.


De l’écriture d’amendements à l’analyse budgétaire, du lien avec les représentants d’intérêt à la formation des jeunes lobbyistes, il raconte les coulisses d’un métier exigeant, souvent méconnu, mais profondément humain.


On y parle de :


✅ Comment un petit groupe peut peser au Sénat
✅ Pourquoi les affaires publiques, c’est 90 % de veille et 10 % d’influence
✅ Le rôle clé des conseillers parlementaires dans l’équilibre institutionnel
✅ L’importance du temps long dans l’écriture de la loi
✅ Et ce que la conviction change à la manière de faire de la politique


Un échange passionné avec un praticien de la vie parlementaire, pour qui la politique reste un métier de conviction et de rigueur.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Transcription

  • Speaker #0

    La politique c'est un métier de conviction. Il faut vraiment croire en ce qu'on fait. Oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres parce que sinon c'est même pas de la conviction. Pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents et ça c'est important. Depuis dix ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. Mais il faut savoir aussi avoir le temps long et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Antoine Portelli, conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capu, ancien directeur de mission MEDEF, ancien enseignant à Paris 2, passé par des fédérations, des cabinets et l'Assemblée. Salut Antoine !

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, simplement te remercier pour ton invitation.

  • Speaker #1

    Merci Antoine ! Donc, t'as un parcours qui est très riche. T'as été assistant parlementaire, lobbyiste, responsable d'affaires publiques, et maintenant collaborateur au Sénat. Qu'est-ce qui t'a attiré à revenir du côté du Parlement ?

  • Speaker #0

    Les métiers des affaires publiques et les métiers du politique sont extrêmement liés. Moi, j'ai commencé ma vie professionnelle comme beaucoup de gens en tant que stagiaire. Et donc, j'ai commencé comme stagiaire de député pendant mes études. C'était un de mes... un de mes profs à l'université qui m'avait recommandé auprès d'un député. Et donc mes premiers amours, c'était vraiment l'Assemblée nationale. C'est des métiers qu'on les exerce dans les affaires publiques ou au Parlement de la compréhension et de l'analyse de ce que fait le politique, qui divergent l'un de l'autre dans les affaires publiques et la politique, mais qui en soi sont très similaires. Le métier que j'exerçais au MEDEF juste avant, c'est celui d'analyser la vie politique, singulièrement la vie parlementaire française, pour aider les grands patrons, les grandes entreprises à comprendre ce qui se passe et ce qui peut se passer, et ensuite à les aider à être représentés au Parlement. Aujourd'hui, ce que je fais au Sénat, c'est dans la continuité, c'est-à-dire que je continue à suivre beaucoup de débats parlementaires, à comprendre ce qui est en train de se passer, ce qui peut se passer, ce qui va se passer. et donc à donner des clés de compréhension non plus à des patrons mais à des sénateurs qui eux sont des acteurs de la vie politique.

  • Speaker #1

    Alors une petite anecdote, moi j'ai eu la chance de visiter l'Assemblée il y a un peu plus d'un an, un an et demi. Quand je suis rentré dans l'Assemblée nationale, j'ai ressenti quelque chose de grand, j'ai l'impression que c'est là que tout se passait et ça m'a donné terriblement envie. de travailler autour de l'Assemblée. Est-ce que ça t'a fait pareil, toi, quand t'es rentré au Sénat ou à l'Assemblée ? Est-ce que t'es rentré par la porte technique ou est-ce que tu t'es dit, j'ai envie de participer à ce grand...

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très impressionnant quand on rentre pour la première fois dans l'hémicycle à l'Assemblée ou au Sénat. Il y a cette grandeur de l'hémicycle qui fait un peu peur, qui donne envie aussi. Et je pense que tous ceux qui ont travaillé au Parlement et au Parlement européen aussi... ont ce sentiment de vrai pour quelque chose de plus grand que. Quelles que soient les opinions politiques qu'on peut avoir d'ailleurs. Et c'est vrai que quand on a une petite main, un couteau suisse d'un député, d'un sénateur, dans un groupe parlementaire, on a le sentiment que la moindre petite chose qu'on fait a de l'impact. Même s'il faut relativiser cet impact, parce que tout n'est pas la fabrication de la loi en France. Mais c'est vrai que le débat par la vie parlementaire française, elle est très centrée sur l'hémicycle de l'Assemblée, du Sénat aussi dans une moindre mesure, mais tout de même beaucoup aussi au Sénat singulièrement ces dernières années. et donc c'est un peu Oui, c'est passionnant parce que c'est quelque chose de magnifique quand on voit un débat parlementaire avec des gens qui s'expriment bien, des débats enjoués, mais surtout des convictions qui sont très fortes. Et donc, participer à cette petite échelle à ça, c'est quelque chose de très grisant. Et moi, je n'en ai jamais vraiment démordu parce que les métiers que j'ai exercés dans les affaires publiques après, c'était de suivre et de continuer à décrypter la vie parlementaire française. Et donc, j'ai une passion du Parlement qui fait qu'effectivement, je suis revenu à mon premier amour. On retourne au Sénat, qui est la vie parlementaire française.

  • Speaker #1

    Génial. Tu parles justement de conviction, de fil conducteur. Comment est-ce que tu expliques ton parcours ? Comment tu expliques la cohérence, la pertinence de tes expériences ? Stratégie, influence, engagement, c'est ce que je note dans ce que tu as fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si je suis un très bon stratège, ni si je suis très influent. J'ai toujours été quelqu'un de... Très engagé, et c'est vrai que la plupart des expériences professionnelles que j'ai eues depuis que j'ai commencé à travailler en 2017, c'est l'engagement. Mon expérience précédente, avant d'arriver au Sénat mais je vais y venir, c'était pendant cinq ans de travailler à la direction des affaires publiques du MEDEF. Bref, c'était un vrai engagement. J'ai eu le sentiment pendant cinq ans d'être un militant de l'entreprise et donc d'aller défendre la vision de l'entreprise au sein des deux hémicycles. Et donc aujourd'hui, retourner au Sénat, c'est complètement une continuité de l'engagement. C'est l'engagement auprès de parlementaires sur la base des idées qui sont les miennes, qui sont les mêmes que les leurs. Défendre nos idées, défendre un projet, préparer un projet pour les prochaines échéances, c'est ça qui m'anime. C'est vraiment l'engagement. Et je pense que tous ceux qui veulent entrer dans les métiers du politique ou dans les métiers des affaires publiques doivent se dire qu'ils vont participer à quelque chose de plus grand que je le disais tout à l'heure, mais il faut croire en ce qu'on fait, parce que sinon ça ne marchera pas.

  • Speaker #1

    Alors avant de rentrer dans le cœur de la fabrique parlementaire, Une dernière question sur toi Antoine, est-ce que tu as toujours baigné dans le monde politique ?

  • Speaker #0

    Pas du tout, moi j'ai absolument personne dans mon entourage ou dans ma famille qui baigne dans la politique. Je te le disais à la fac, j'ai eu un de mes professeurs qui m'a dit écoute ça pourrait être intéressant pour toi le parlement, est-ce que ça t'intéresse de faire un stage à l'Assemblée ? Je connais quelqu'un qui collabore. parlementaire et moi je vous que j'avais jamais côtoyé la politique si ce n'est avec mes propres idées mais je n'avais pas été au conseil municipal de la ville dans laquelle j'ai grandi je n'avais pas travaillé ou connu des députés ou des parlementaires ou des grands élus et donc je Je suis rentré vraiment par la petite porte, je te disais, en tant que stagiaire. Après, c'est un engrenage, parce que la vie politique, c'est un tout petit milieu. Ça l'est encore aujourd'hui. J'ai eu la chance de faire un stage auprès d'un député qui m'en a présenté un autre, qui m'en a présenté un autre. Il est venu la campagne de 2017 pour la présidentielle. J'ai donné un petit coup de main à ma petite échelle. Et puis, de là, le candidat pour lequel travaillaient les parlementaires et avec qui je bossais n'a pas gagné. Donc, on m'a dit, ça pourrait être intéressant pour toi d'aller expérimenter la vie dans le privé. Donc, j'ai travaillé dans le privé pendant ce temps-là. j'ai continué à migrer à ma petite échelle et donc les convictions elles sont elles sont nées en fait pendant mes études en droit et en sciences politiques et c'est là que j'ai compris le rôle qu'avait notre société le rôle qu'on pouvait jouer en tant qu'individu en travaillant pour le bien commun donc c'est né comme ça et je suis arrivé dans le grand bain par la fin par la petite porte quoi c'est un des profs à la fac mais bon on connaît pas de parlementaire j'ai pas de copains un fils de député et donc c'est fait comme ça génial est ce que tes copains comprennent ce que que tu fais ils comprennent ce que je fais quand j'essaie de leur expliquer mais c'est vrai que j'essaye de... La politique, c'est quelque chose qui concerne tout le monde et tout le monde, c'est bien normal, a une opinion sur le sujet et donc tout le monde veut débattre de politique à fortiori quand on rencontre quelqu'un qui travaille en politique et moi j'essaye de... pas de séquencer, mais j'essaye de faire autre chose que de la politique et donc mes copains, j'évite autant que possible de leur parler de politique sauf s'ils ont particulièrement envie mais la politique c'est... C'est ce qui m'anime, mais c'est aussi mon travail. Et donc, en ce temps du travail, je suis un peu comme tout le monde, j'ai envie de parler d'autre chose.

  • Speaker #1

    Alors, justement, comment t'expliques ton quotidien à des gens qui sont éloignés de ce milieu-là et qui voudraient en savoir plus ? Est-ce que tu as une journée type ? Est-ce que tu as des dossiers qui se ressemblent ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est encore... plus compliqué aujourd'hui, j'ai pas un emploi mais deux. Donc je suis obligé d'expliquer que j'ai demi-temps. Donc j'ai deux travails qui sont complémentaires mais qui sont différents. Le premier c'est conseiller budgétaire du groupe Les Indépendants. Ça veut dire que j'accompagne les sénateurs de mon groupe dans les travaux qui ont trait au budget de l'État, des collectivités territoriales et donc avec l'économie en général. Et puis je suis collaborateur parlementaire du sénateur de Maine-et-Loire, Emmanuel Capu. Et là, lui, il est vice-président de la commission des finances pour le groupe Les Indépendants. Et là, j'ai un métier qui est différent. Mon quotidien, il est fait de beaucoup d'anticipation. J'essaie d'anticiper les objets politiques qui vont venir pour le groupe. Donc je rédige des notes, j'analyse des textes, je fais des propositions d'amendements. Je rédige beaucoup de discours parce que c'est une partie de mon métier. Donc je rédige beaucoup de discours pour les sénateurs de mon groupe. principalement sur les questions budgétaires.

  • Speaker #1

    Ça présente combien de sénateurs, les indépendants ?

  • Speaker #0

    C'est 20 sénateurs sur 348. Donc c'est plutôt un petit groupe qui est très présent dans l'hémicycle, qui est vraiment bien identifié par les autres sénateurs. Et donc j'ai un métier qui est à la fois pour tous les sénateurs du groupe et puis j'ai un métier qui est vraiment pour un sénateur en particulier. Et donc pour lui, je travaille avec la circonscription, je fais des propositions de loi, on travaille sur des tribunes, je fais en sorte de l'aider à se positionner le mieux possible dans l'Assemblée. Et puis, mon rôle en tant que conseiller de groupe, c'est de faire en sorte que mon groupe soit à la fois le plus visible, le plus cohérent, le plus entendu possible. Et donc, ça, c'est un travail de groupe qui se fait avec tous les autres conseillers du groupe, les indépendants avec qui on travaille.

  • Speaker #1

    Vous êtes plusieurs conseillers de groupe ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Combien ?

  • Speaker #0

    Alors, l'Assemblée et le Sénat sont répartis en commissions. Donc, il y a une commission des finances, je le disais, c'est celle pour laquelle je travaille, une commission des affaires sociales, les lois, la défense, les affaires étrangères. le développement durable, les affaires économiques, la culture. On se répartit les commissions, on est cinq conseillers thématiques, et puis on a d'autres conseillers, une chef de cabinet, on a un conseiller qui lui s'occupe principalement de la communication, et puis on a un secrétaire général du groupe, et une office manager, donc on est en tout environ huit. Et donc c'est plutôt un petit groupe, mais pour un sénateur on est quand même déjà huit. Dans les grands groupes il y a beaucoup plus de conseillers, déjà souvent ils n'ont qu'une seule commission à gérer, moi j'ai qu'une seule commission, qui est la commission des finances, mais dans mes collègues conseillers du groupe, qui ont plusieurs commissions à gérer. Mais c'est principalement parce qu'on est un petit groupe dans le Sénat.

  • Speaker #1

    Et si je comprends bien, c'est tous les conseillers qui vont analyser tous les dossiers importants et qui vont dire, voilà les points clés ?

  • Speaker #0

    Exactement. On va décrypter les textes, voir quels seront les moments politiques dans ces textes. On va déterminer à l'avance une ligne politique qu'on va proposer à nos sénateurs, parce que nous, on n'est toujours que force de proposition. On propose des choses à nos sénateurs et c'est eux qui prennent les décisions derrière. Donc on propose des lignes politiques et après on identifie les objets politiques du texte et on leur propose de se positionner dessus. Et donc ces positions, ça peut être des amendements, des prises de position orales pendant les débats ou avant les débats, je disais qu'on rédigeait leurs discours. Donc on va, dans les discours, mettre l'accent sur certaines parties du texte plutôt que d'autres et donc mettre en place avant l'examen d'un texte toute une stratégie pour eux au niveau du groupe de positionnement politique.

  • Speaker #1

    Donc t'es conseiller, t'es aussi collaborateur parlementaire. Est-ce qu'il y a un endroit où tu te sens... plus utile ou en tout cas où tu as le plus de marge de manœuvre. J'élargis cette question à tous tes emplois précédents aussi. Est-ce qu'il y a un moment où tu t'es dit « là je sens que je peux faire le plus de différence » ?

  • Speaker #0

    Je pense que l'impact, il est très différent, qu'on soit représentant d'intérêt. conseiller de cabinet ministériel, collaborateur parlementaire, conseiller de groupe. Mais l'impact existe dans tous les cas. Ce qu'il faut se dire, c'est qu'on a un impact qui plaît à la personne qui exerce l'emploi, parce qu'il faut être complètement en accord avec ce qu'on fait. Mais c'est surtout un impact qui n'est pas le même au moment où on travaille. C'est-à-dire que si vous êtes représentant d'intérêt, votre impact doit se faire beaucoup en amont. Et ensuite, le moment politique vous appartient beaucoup moins. Quand vous travaillez à l'Assemblée ou au Sénat, vous allez recevoir des sollicitations des représentants d'intérêt. pour vous aider à comprendre un peu la grande image, savoir comment est-ce que vous voulez proposer à vos sénateurs ou à vos députés de se positionner, et ensuite vous êtes acteur de ce moment-là avec eux. Les conseillers des groupes ont notamment comme tâche d'accompagner les sénateurs pendant l'examen des textes. Ça veut dire que je suis dans l'hémicycle avec mes sénateurs la plupart du temps, ou à distance dans mon bureau, mais souvent je suis dans l'hémicycle avec eux, et en direct, quand je vois qu'un débat est en train de tourner de telle ou telle manière, quand je vois que, par exemple, il y a les équilibres qui sont en train de changer, de sénateurs LR ou socialistes qui sont en train d'arriver sur tel ou tel sujet, ça veut dire qu'eux, ils ont décidé d'en faire un mouvement important. Il faut sentir la séance publique, comment elle est en train d'évoluer, pour pouvoir leur dire, là maintenant, je pense que si vous voulez être en accord avec ce que vous avez déterminé comme ligne politique, je pourrais vous proposer de vous positionner comme ci, ou je vous propose de vous positionner comme ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que, justement, quand vous recevez des représentants d'intérêt, est-ce que... T'essayes d'avoir une sorte de panel représentatif, est-ce que c'est toi qui dis « Ah, ça serait bien qu'on ait une grosse entreprise, une asso, etc. » pour avoir quelque chose de juste dans la compréhension du terrain ? Ou est-ce que c'est plutôt au fil de l'eau, en fonction des opportunités ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Les parlementaires, ils sont beaucoup sollicités par les représentants d'intérêt. Ce qui est important, c'est de savoir identifier quel est le bon représentant d'intérêt avec qui il faut parler pour une thématique donnée. Souvent, il y en a plein d'autres qui vont vouloir vous parler, même si ce n'est pas forcément les plus nécessaires aux parlementaires en tant que tels. Quand on considère qu'on n'a pas entendu tout le monde, on peut les contacter. C'est là où, pour moi, c'est intéressant d'avoir exercé le métier des affaires publiques avant. Je connais beaucoup de représentants d'intérêt et je peux dire, on a reçu tel représentant d'intérêt qui me dit telle chose. Est-ce que vous, dans votre secteur, qui serez impacté par cette décision, vous avez la même vision ou est-ce qu'elle est différente ? Et puis après, on peut aller chercher les gens. C'est vrai qu'il y a un biais idéologique chez les représentants d'intérêt qui se trouve un peu dommageable. C'est-à-dire que concrètement, quand... vous représentez des entreprises, que ce soit un secteur ou une entreprise en particulier, ou même des plus grandes entreprises, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes une ONG, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes un syndicat de salariés, vous avez tendance à avoir souvent les mêmes parlementaires. Et maintenant que je suis du côté du Sénat, c'est vrai que parfois je regrette qu'on n'ait pas plus de contacts de ceux qui n'ont pas forcément notre biais idéologique, mais dont on a besoin.

  • Speaker #1

    parce que toi par exemple est-ce que Peut-être que tu es étiqueté ancien du MEDEF, et donc c'est toujours les mêmes organisations qui viennent te voir, ou comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Comme j'ai travaillé 5 ans au MEDEF, je connais bien les organisations professionnelles, et du coup ils me connaissent bien. Quand je suis parti au Sénat, ils m'ont dit « Ah bah à bientôt ! » Donc ils me connaissent bien. Maintenant mon rôle c'est aussi d'aller chercher de la connaissance et de la compréhension problématique auprès d'autres acteurs. Et là c'est vrai que j'ai eu la chance d'être enseignant pendant 5 ans, et que donc pendant 5 ans j'ai eu... des classes d'étudiants qui font des métiers qui sont complètement différents et qui eux ne viennent pas forcément de ces secteurs économiques-là, qui travaillent parfois dans des ONG, parfois dans des associations, et donc je peux aller les solliciter. Je te disais tout à l'heure que c'est un petit monde, la politique, c'est un petit monde de gauche comme de droite, c'est-à-dire que les gens se connaissent globalement. C'est vrai que quand on arrive dans ce milieu, on est impressionné parce qu'on ne connaît personne, et je voudrais rassurer que je ne connaissais personne non plus quand j'ai commencé à travailler, mais en fait ça va assez vite. Et donc oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres, parce que sinon, Ce n'est même pas de la conviction, parce que si vous avez des gens qui viennent vous voir en vous disant « je pense comme vous et voici mes arguments » , les arguments, vous pouvez les trouver tout seul puisque vous avez les mêmes convictions, ou pas très éloignés. Et donc pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents, et ça c'est important.

  • Speaker #1

    Tu donnais quel cours à ASSAS exactement ?

  • Speaker #0

    Je donnais le cours de relations institutionnelles dans le Master 2, vie publique et relations institutionnelles, à ASSAS, qui était dirigé par Dominique Chagnolo de Sabouray.

  • Speaker #1

    Ok, et du coup, qu'est-ce que tu leur disais à tes étudiants ? Qu'est-ce que tu essayais de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    Les affaires publiques, en fait, c'est un métier qui est en cours de structuration. Ça fait maintenant bien dix ans. Quand j'ai commencé à travailler, je vais revenir à la question, mais je fais une digression. Quand j'ai commencé à travailler, c'était vraiment un tout petit milieu. Il n'y avait pas beaucoup de gens. Je me rappelle, il y a une association qui s'appelle les Jeunes Lobbyistes, qui est une très belle association. Et les Jeunes Lobbyistes organisaient des verres. Et quand j'ai commencé à travailler, au verre des Jeunes Lobbyistes, on devait être 12, 15, quelque chose comme ça. Aujourd'hui vous avez un apéro de Genovis, ils sont 100, 150, 200, il y a des adhérents. Donc en fait, ça s'est vachement structuré, il y a énormément de formations qui se sont créées, et avant, quand j'ai fini mes études en 2017, vous faisiez, pour faire des affaires publiques, soit vous faisiez un IEP, soit vous faisiez un des rares masters en affaires publiques d'université parisienne, principalement, on va se dire les choses, et il y avait peu d'autres parcours, si ce n'est que pour une heure d'affaires publiques et à la politique. On n'est pas obligé d'avoir fait des études de droit et de sciences politiques. Il y a beaucoup de gens qui viennent de la politique par le militantisme, et c'est toujours le cas, c'est une bonne chose parce que c'est hyper enrichissant. Maintenant, on a énormément plus de masters, le métier se professionnalise, on a beaucoup plus d'acteurs. Et donc ce que moi j'essayais de faire comprendre à mes étudiants, c'était que le métier des affaires publiques, ça ne prend pas dans la théorie. Je n'ai pas beaucoup de cours théoriques. La théorie, c'était de comprendre comment fonctionnent... tout ce bazar, et ensuite après c'était vraiment de la pratique, donc moi je donnais beaucoup d'exercices pratiques à mes étudiants, et je pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire, de se préparer, parce qu'en fait, quand bien même on fait beaucoup de droits, beaucoup de droits constitutionnels dans ces études de droits ou de sciences politiques, on n'apprend jamais à rédiger un amendement, on ne sait pas comment fonctionne la loi vraiment, d'ailleurs le droit parlementaire n'est enseigné dans quasiment aucune université, si vous voulez faire du droit parlementaire, il faut faire un doctorat en fait, assez concrètement, c'est moins vrai maintenant parce qu'il ya beaucoup de je disais de formation qui sont créés à paris et et en région. Et donc on enseigne un peu le droit parlementaire, mais le droit parlementaire c'est de la pratique. Et c'est pour ça que j'ai eu cette chance de faire des stages pendant mes études à l'Assemblée, c'est que quand j'ai commencé à chercher du boulot en 2017, j'étais un peu attractif parce que j'avais déjà vécu à l'Assemblée. J'avais déjà rédigé des amendements, j'avais déjà compris le processus législatif, et ça c'était pas donné à tout le monde. Donc c'est beaucoup de pratique. Et donc moi la pratique c'était par des stages, et la pratique que je donnais à faire dans les cours que je donnais, c'était de donner des exercices. concrets à faire, des exposés, des notes blanches, des amendements à rédiger, des choses que les futurs représentants d'intérêt auront vraiment à faire. Et que jusqu'ici, on apprenait vraiment sur le tas. Ce qui n'était pas très agréable, parce que quand... vous sortez de vos études et que vous vous retrouvez collaborateur parlementaire et que votre parlementaire vous dit je veux un amendement là dessus, bon courage parce que soit vous avez un bon copain qui vous explique comment faire, soit vous avez passé quelques nuits blanches.

  • Speaker #1

    Justement alors c'est un métier qui est de plus en plus concurrentiel parce qu'il y a beaucoup plus de formation comme tu le dis à ce sujet qu'est ce que tu conseilles à tes étudiants qui veulent justement devenir collaborateur parlementaire ou autre, comment faire, est-ce qu'il faut passer par le militantisme est-ce qu'il y a d'autres manières d'y arriver.

  • Speaker #0

    Je pense pas qu'il soit nécessaire de passer par le militantisme. Ce que je pense par contre c'est c'est que la politique, c'est un métier de conviction. Et donc, il faut vraiment croire en ce qu'on fait. J'avais eu des exemples d'étudiants qui me disaient « Ouais, moi je veux être collaborateur parlementaire, mais bon, le groupe du parlementaire m'intéresse moins tant que c'est pas quelqu'un d'extrême. » Je pense que ça, ça marche pas. Je pense qu'il faut vraiment partager au moins grande partie des idées du parlementaire pour lequel on va travailler.

  • Speaker #1

    Dans ce que tu transmettais à tes étudiants, est-ce que, d'après toi, un bon représentant d'affaires publiques, un bon lobbyiste, il doit plutôt rester invisible dans la partie technique ou au contraire occuper l'espace ?

  • Speaker #0

    médiatique on dit faire du bruit je pense que un représentant d'intérêt c'est pas un agitateur mais c'est pas non plus un contemplateur de la vie politique je pense qu'il faut être présent à toutes les étapes à mon avis un bon représentant d'intérêt c'est quelqu'un qui qui sait être discret et faire un travail de fond quand il faut pour se créer une légitimité qui fait que le jour où il a besoin de faire du bruit on l'écoutent je prends un exemple d'un syndicat de salariés comme la CFDT qui est un syndicat réformiste, ils ont tendance à... à être dans l'accompagnement des réformes, à essayer de proposer des choses qui puissent finir par aboutir. Mais le jour où le patron ou la patronne, en l'occurrence la patronne en ce moment de la CFDT, déciderait de taper du poing sur la table, on l'entendrait beaucoup plus, je pense, que la CGT, qui régulièrement tape du poing sur la table. Et donc, à mon avis, c'est très utile de savoir choisir son moment. C'est une question de tempo, les affaires. affaires publiques. Et donc faire du bruit tout le temps, ça ne sert à rien. Faire jamais du bruit, vous n'avez pas d'impact. Le micro tendu, pour être audible, il doit être tendu au bon moment.

  • Speaker #1

    Antoine, est-ce qu'on peut rentrer davantage dans le détail des cas pratiques que tu transmettais à tes étudiants ?

  • Speaker #0

    Oui, alors je faisais un exercice qui est assez rigolo. Je t'ai dit tout à l'heure que je pense que c'est un métier de conviction, les affaires publiques. Je pense qu'il faut le modérer aussi parce que je considère qu'on n'est jamais meilleur lobbyiste que quand on va essayer de convaincre sur un sujet sur lequel on n'est pas sûr. Je m'explique. Quand un lobbyiste du Medef te dit qu'il faut baisser les impôts, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . Quand un lobbyiste d'une ONG te dit qu'il faut taxer les hydrocarbures, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . D'autant plus s'il parle à un député de droite ou à un sénateur de gauche. Je pense qu'on est bon. Peut-être meilleur lobbyiste quand on a affaire à un sujet dont on n'est soi-même pas sûr. Et donc quand j'étais prof, j'avais un exercice qui me faisait rire, que je donnais tous les ans aux étudiants. Le sujet pouvait changer parce que la composition politique de la classe, elle changeait d'une année à l'autre. Mais je leur demandais, je faisais une série de questions, par exemple, qui est pour et qui est contre la co-brida, qui est pour, qui est contre le nucléaire. Et donc quand je voyais qu'il y avait à peu près moitié-moitié ou deux tiers, un tiers, par exemple sur le nucléaire, tous ceux qui étaient favorables au nucléaire, j'en demandais de me rédiger une note. en disant il faut arrêter le nucléaire demain. Et tous ceux qui étaient défavorables au nucléaire, je leur demandais de me rédiger une note qui disait impérativement réinvestir dans le nucléaire. Et donc, on avait des étudiants face à nous qui allaient se creuser les méninges. Parce que quand vous, vous ne croyez pas du tout au nucléaire, et que vous pensez qu'il faut impérativement l'arrêter, c'est très compliqué. Mais vous allez chercher les vrais arguments. Vous allez étudier quelles sont les bonnes raisons de continuer le nucléaire. Si vous êtes contre le nucléaire et que je vous dis « faites-moi une note pour dire que vous êtes contre le nucléaire » , vous allez très certainement me dire « oui, c'est mauvais pour l'écologie, puis bon, voilà, on peut faire ça, on a les éoliennes, on a plein de choses. C'est pareil dans l'autre sens, si vous êtes favorable au nucléaire, vous allez me dire « c'est génial, ça ne met pas de carbone, etc. » Et donc vous allez être potentiellement moins bon dans votre exercice que si vous allez chercher des études qui vont bousculer un peu votre idée à vous. Et donc c'était un exercice qui me faisait pas mal rire, donc je leur demandais une note d'une page, un peu exactement comme on le fait dans le milieu des affaires publiques, une page blanche. Et j'ai trouvé que les étudiants étaient meilleurs comme ça. La première année, j'aurais laissé choisir, et la deuxième année, je leur ai fait choisir l'inverse de ce qu'était leur conviction. Et j'ai trouvé que les notes étaient bien meilleures.

  • Speaker #1

    Donc l'idée c'est de trouver l'argumentaire d'en face pour pouvoir mieux se préparer quand on veut défendre ses conditions.

  • Speaker #0

    Exactement, ça prépare à ça, que ce soit pour les affaires publiques ou pour la politique. Quand vous préparez un débat et que vous préparez des éléments de langage, c'est très bien de décrire les éléments de langage qui correspondent à vos idées, mais pour pouvoir répondre à un débat parlementaire, ce n'est pas juste soit face à un micro, c'est soit face à un micro avec quelqu'un d'autre en face qui va avoir l'opinion opposée. Et donc il faut aller chercher quels sont les arguments de l'adversaire politique pour pouvoir y répondre. Et ça, ça demande un travail de fond qui est beaucoup plus compliqué, parce que mes convictions, je les connais, je peux les écrire sur un bout de papier, par contre les convictions opposées, je ne les connais pas, et leurs arguments, il faut que j'aille les chercher, il faut que je les comprenne, il faut que j'aille chercher les chiffres qui correspondent aux opinions qu'ils vont me donner. soit pour les faire mentir, leurs chiffres, soit pour pouvoir donner d'autres opinions politiques derrière qui vont pouvoir mettre en difficulté l'opinion de l'adversaire politique. Et ça va aussi dans les affaires publiques, parce que si vous êtes lobbyiste du nucléaire et que vous allez voir un député écolo, il faut pouvoir répondre à toutes ces assertions.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un exercice propre au lobbyiste, ou est-ce que vous faites ça aussi au Sénat ?

  • Speaker #0

    Je fais ça au Sénat aussi. Je le fais au Sénat, je l'ai fait quand on a examiné au Sénat la proposition de loi sur la taxe Zucman. Donc là, c'est un exercice intéressant, parce que Donc moi je viens avec mes convictions, donc la taxe du Qman, j'explique de tout le monde, c'est une taxation du patrimoine des ultra-riches, enfin c'est comme ça qu'elle est présentée par ses auteurs, c'est une taxation du patrimoine professionnel en fait, donc ça veut dire qu'on taxe les actions des entreprises par leurs détenteurs, donc les Bernard Arnault et compagnie. Donc c'est un débat qui est légitime, c'est un débat de société, de dire comment est-ce qu'on taxe les multimilliardaires, les centi-millionnaires. Et donc c'est un débat de société qui a lieu d'être. Mais mes convictions à moi, c'était qu'en fait, on taxait pas vraiment des gens, on taxait complètement les entreprises. Et que donc on allait, pour pouvoir s'acquitter de 2%, parce que c'est ça la taxe du plan, pour s'acquitter de 2% d'impôts sur les actions, en fait, il faut en vendre 3% tous les ans. Donc si vous prenez une entreprise française, c'est 2% par an. Et donc comme vous êtes taxé quand vous vendez vos actions, en fait, il faut vendre 3% par an de votre entreprise, donc très rapidement. vous êtes propriétaire de votre entreprise. Donc moi j'avais une opinion qui était déjà dans mon ADN, si je puis dire, et donc pour pouvoir préparer ce débat parlementaire, j'ai été obligé d'aller chercher les opinions des autres. Donc j'ai écouté complètement tout le débat à l'Assemblée qui avait lieu avant celui du Sénat, écouté surtout les prises de parole de la gauche de l'hémicycle, pour comprendre quelles étaient eux leurs positions, quels étaient leurs arguments, et pour préparer donc mes sénateurs à cet exercice en séance publique. Et là en plus j'avais une double casquette, puisque le rapporteur au Sénat du texte c'est Emmanuel Capu, Donc moi j'étais à la fois son conseiller de groupe, son collaborateur parlementaire, et moi je venais avec mes opinions pro-entreprise que j'avais déjà acquises. Et donc j'ai passé beaucoup de temps à lire les rapports des uns et des autres, mais j'ai passé quatre fois plus de temps à lire ce que disaient Gabriel Zucman et les députés de gauche que ce que disaient finalement la droite et ceux qui étaient pro-entreprise, parce que je pense que je connaissais la majorité de leurs arguments, mais je suis quand même allé les écouter parce qu'il me fallait leurs chiffres, quels étaient les contre-arguments, et donc c'est comme ça que j'ai préparé mon sénateur à cet exercice.

  • Speaker #1

    Et justement, si toi tu avais le pouvoir de faire passer une réforme, est-ce que tu as un dossier qui te tient à cœur ?

  • Speaker #0

    Institutionnel tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on légifère beaucoup trop, on réglemente beaucoup trop en France. Là on est dans une période politique où on se demande comment est-ce qu'on va trouver 40 milliards d'euros. Il faut savoir que le coût de la surréglementation en France, c'est juste du droit français, je ne parle même pas du droit européen, c'est environ 3% de PIB. Donc c'est 60 milliards d'euros par an qui coûtent simplement aux entreprises, je ne parle même pas des collectivités, etc. Donc 60 milliards d'euros par an de surréglementation, c'est vraiment très dommage, parce que c'est une balle qu'on se tire nous-mêmes dans le pied. Et pour faire ça, on peut faire de la simplification, on a des problèmes de loi de simplification, mais il faut surtout arrêter l'espèce de frénésie législative qu'on connaît depuis quelques années, qui vaut pour la gauche comme pour la droite, c'est pas un positionnement politique. On a eu une inflation législative qui est vraiment débordante depuis quelques années, qui met les acteurs dans des grandes difficultés, parce que quand vous êtes un chef d'entreprise ou même un petit artisan, vous avez une réglementation qui change tous les 36 du mois. Vous regardez dans le bâtiment, c'est... Pour savoir comment il faut construire une maison demain, ce ne sera pas pareil en trois semaines et ce ne sera certainement pas pareil en trois ans. Et donc, il faut impérativement qu'on arrête de légiférer tous les 36 du mois, il faut qu'on produise moins de normes. Alors, on peut enlever des normes, mais il faut surtout qu'on en produise moins pour que les acteurs puissent comprendre quelle est la loi. On a toujours, en France, le sentiment que nul n'est censé ignorer la loi, mais je ne vois pas qui ne peut pas ignorer la loi, c'est complètement impossible. On a des lois qui sont trop longues, trop bavardes. Et une des solutions ça pourrait être d'avoir un temps législatif plus long, qui serait donc de meilleure qualité. Depuis 10 ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. On a une procédure parlementaire classique qu'on n'utilise absolument jamais, tout est examiné sous le thème de l'urgence. Alors on peut avoir besoin de l'urgence parfois, on l'a vu dans la période Covid, on a eu une assemblée, un Sénat, enfin un Parlement qui a examiné des textes budgétaires qui normalement prennent des semaines en 3 jours. Donc faire de l'urgence on sait faire, mais il faut savoir aussi avoir le temps long, et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui. Il faut reprendre le temps d'écrire la loi tranquillement, pour en produire moins, mais aussi pour produire une loi de meilleure qualité. Donc ça c'est la première réforme que je proposerais. Elle serait vraiment au service des parlementaires, parce qu'eux ils ont à peine le temps de se poser sur une loi de 34 ans, que trois jours après il faut la voter et puis on passe à la suivante.

  • Speaker #1

    Comment on fait pour avoir moins de dents ? Est-ce que par exemple ça serait un nombre d'amendements réduit par parlementaire, ou un nombre de projets de loi réduit ?

  • Speaker #0

    Les quotas sont impossibles parce que le droit d'amendement est protégé. par la Constitution pour les parlementaires. Si on a un temps législatif qui est plus long, si on prend plus le temps de discuter des textes, on en examinera mathématiquement beaucoup moins. Ça ne veut pas dire qu'on a moins de choses à réformer, on a beaucoup de choses à réformer en France, mais déjà, il faut rater de penser que tout passe par la loi. que la loi elle centre de la décision politique et de la décision publique. Il faut que la loi elle soit au bon moment et que la loi elle soit pas là pour écrire la taille des vis qu'il faut pour accrocher des tableaux au mur. C'est pas du tout le rôle de la loi. La loi elle est là pour donner des grandes indications et ensuite on a un pouvoir réglementaire qui est là et qui doit lui donner ses précisions. Mais là aussi il faut pas qu'on... On a un pouvoir réglementaire qui soit là pour dire aux collectivités territoriales les plots dans la rue doivent faire telle taille et pas telle taille, la peinture blanche doit être de tel niveau ou pas tel niveau. Le pouvoir réglementaire est là pour donner des indications et ensuite après, les décideurs, que ce soit des décideurs publics avec les élus locaux ou des décideurs privés. avec les gènes d'entreprise, d'ONG, etc., puissent l'appliquer et une marge de manœuvre.

  • Speaker #1

    Super clair. Autre chose ?

  • Speaker #0

    Je ne dis pas ça parce que ce serait mon intérêt, mais je pense que les parlementaires, et ça irait dans le sens de ce que je viens de dire, je pense que les parlementaires manquent de moyens pour bien légiférer. Bien légiférer, ça veut aussi dire savoir ce que nous allons voter, quelles en seront les conséquences concrètes sur les acteurs qui sont concernés. En France, si on compare le budget qui est alloué à un parlementaire. par rapport à un parlementaire américain, c'est quelque chose de sidérant. Un parlementaire américain, c'est-à-dire un sénateur au nom de la Chambre des représentants, il a un budget qui lui est loué de plusieurs millions de dollars, entre 2 et 5 millions par an. Ils ont une équipe en général de 10 à 15 personnes. Et donc, ils ont des gens de niveaux qui sont vachement plus élevés. Quand vous sortez de la Ivy League aux États-Unis, donc c'est les grandes, grandes universités, vous pouvez intégrer le staff d'un sénateur américain, alors les salaires suivent. En France, c'est impossible, vous sortez de Polytechnique, vous n'allez pas... pas à devenir collaborateur parlementaire. Et donc je pense que les moyens qui sont alloués aux parlementaires nous permettraient d'avoir une anticipation et une compréhension des conséquences de ce qu'ils vont voter. Plus efficace, on n'a pas du tout d'analyse économique, c'est-à-dire que vous écrivez un amendement aujourd'hui, vous ne savez pas quelle va être la conséquence. On peut éventuellement transmettre au Conseil d'État, mais alors avec l'accord de la présidente de l'Assemblée ou du président du Sénat, le texte d'une proposition de loi quand on n'est pas sûr, mais ça ne se fait quasiment jamais. Et donc vous n'avez aucun organe d'analyse économique qui est à disposition du Parlement. Et donc je pense qu'il faut renforcer le monde des moyens, soit qu'ils soient les moyens de l'équipe parlementaire, soit ce qui serait peut-être plus efficace encore, ce serait au niveau de chaque, dans chaque chambre, pour les deux chambres, pour le parlement qu'on ait un une sorte de conseil d'analyse économique avec des vrais économistes. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ils sont des administrateurs de l'Assemblée du Sénat qui sont d'excellents juristes mais qui ne sont pas des économistes. Et donc je pense qu'on produirait des lois plus efficaces, parfois moins nocives, parce que ça nous arrive de produire des lois nocives, parfois moins nocives si on savait à l'avance, en tout cas on avait une idée de quelles sont les conséquences de telle ou telle disposition. Et on reviendrait beaucoup moins sur des textes de loi qu'on a votés parce que c'est vrai que je le constate là, sur les deux, trois dernières années, on est en train de voter des... de revenir en arrière sur des choses qu'on a votées il y a 4, 5, 6, 7, 8 ans, c'est pas efficace en fait. Déjà, entre-temps, on a fait du dégât dans les acteurs, que ce soit les agriculteurs, les entreprises, les associations, les collectivités, etc.

  • Speaker #1

    Puisqu'on est dans une période de restrictions budgétaires, est-ce que, si je comprends bien, donc toi t'es favorable à mieux entourer les parlementaires, mais est-ce que tu serais favorable à une réduction de leur nombre ?

  • Speaker #0

    Mon idéal, moi, c'est le sérieux politique, et donc le sérieux économique, et donc ma proposition, elle ne vise pas à dire ça faut dépenser plus pour le Parlement, je pense que... Il faut d'une manière ou d'une autre que ça se fasse à budget constant. Et donc ce budget constant, ça pourrait venir d'une réduction du nombre de parlementaires. Ça pourrait aussi venir d'une plus grande efficience de la dépense publique au Parlement, de rechercher d'autres ressources. On pourrait trouver des moyens de faire les choses. Ça peut aussi se faire sans faire de dépenses publiques supplémentaires. Le Conseil d'analyse économique, il existe déjà en fait. C'est juste qu'il n'est pas rattaché au Parlement. Et ce qu'il faut réduire le nombre de parlementaires, ça c'est vraiment un débat politique. Il y a un tout petit brin de populisme quand même, parce que ça donne l'impression qu'on va faire des économies si on passe de 577 députés à 433. Je ne sais pas si à la fin des fins, les Français ont envie d'avoir des parlementaires qui représentent une circonscription qui est cinq fois plus grande et donc qui les voient beaucoup moins. En tout cas, s'il doit y avoir une réforme du nombre de députés, il faut que ça se fasse pour réduire la dépense de l'Assemblée nationale et donc à la fin, pour qu'on puisse effectivement utiliser mieux cet argent pour avoir des parlementaires qui soient plus outils à leur disposition.

  • Speaker #1

    Antoine, si tu veux bien, on va passer à la séquence vrai-faux. Donc je vais t'énoncer trois phrases et tu réponds par vrai ou faux. Tu peux évidemment développer si tu veux. si tu le souhaites. La première phrase, c'est « Un petit groupe au Sénat n'a quasiment aucun levier d'influence » .

  • Speaker #0

    Ah, c'est faux. C'est faux. Un petit groupe, ça a beaucoup de poids. Ça peut avoir beaucoup de poids. La majorité, je prends pour le Sénat, la majorité sénatoriale est très souvent divisée dans les votes. Et donc les voix des petits groupes peuvent l'emporter. C'est vrai qu'on a eu une multiplication des plus petits groupes depuis 2017 au Sénat, et en fait leur addition permet de faire peser la balance dans un sens ou dans un autre. Et puis par ailleurs, quand on a des petits groupes qui assisent sur des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, alors sa voix elle porte davantage dans l'hémicycle. Et donc ça, pour le coup, c'est tout à fait le cas du groupe Les Indépendants.

  • Speaker #1

    Vous êtes identifié comme ceux qui peuvent faire la bascule sur certains textes ?

  • Speaker #0

    La question n'est pas tellement celle du vote. Oui, effectivement, chaque voix compte très souvent au Sénat. Donc la bascule peut se faire, et puis c'est une question de positionnement. C'est-à-dire que si je prends l'exemple d'un autre groupe, celui pour lequel je travaille, avec le groupe communiste, ils ont des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, et donc des prises de position qui, lorsqu'elles sortent du cadre habituel, sont écoutées. Je pense que c'est le cas aussi du groupe Les Indépendants. libéral, humaniste et pro-européen et donc quand notre groupe prend des positions en séance publique, ils sont écoutés, même si on est un petit groupe.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les affaires publiques c'est 90% de patience, 10% d'impact.

  • Speaker #0

    Je sais pas si on peut vraiment dire que c'est 90% de patience, parce que la patience ça me fait un peu penser à l'inaction. Ces chiffres je dirais plutôt que on a 90% de veille et 10% d'influence. Et il faut pas... penser que la veille est quelque chose de peu important, d'ailleurs parfois c'est délocalisé, on fait faire la veille à d'autres, et puis après on ne s'occupe que de l'influence. Je pense qu'on est efficace dans les affaires publiques, parce qu'on a très bien compris qui fait quoi, qui pense quoi, quelles vont être les positions des uns et des autres, parce que l'influence est de la stratégie, mais on ne fait pas une bonne stratégie si on ne sait pas quelles sont les forces en présence. C'est vrai en affaires publiques comme dans l'armée. Donc 90-10. OK, mais 90% de veille, de veille très active à l'écoute des parlementaires et 10% d'influence. Mon métier au MEDEF, c'était de faire énormément de veille et de faire beaucoup d'influence aussi. Mais la veille, c'était passer beaucoup de temps à écouter les débats parlementaires. énormément de temps à écouter les débats parlementaires, ce qui permettait de vraiment bien conseiller, en tout cas c'est ce que j'ai essayé de faire, de vraiment bien conseiller le président du MEDEF sur quel parlementaire dit quoi, qui pense quoi, quels vont être les prochains coups de billard à trois bandes de qui, et ça je pense que c'est primordial de bien faire ça d'ailleurs, parce que c'est comme ça qu'on est vraiment influents derrière.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase c'est, aujourd'hui un bon conseiller parlementaire doit aussi savoir parler aux entreprises.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vrai, mais je pense qu'un bon conseiller parlementaire il doit surtout savoir parler aux parlementaires. Le rôle du conseiller parlementaire dans l'instabilité parlementaire qu'on connaît depuis maintenant... deux ans et demi, jusqu'à 2022, fait qu'il faut... extrêmement bien le Parlement, lui aussi, qu'il soit en veille quasi permanente, pour pouvoir bien conseiller son ministre ou les ministres de son gouvernement. Le dialogue avec les entreprises, il est important, il est nécessaire, mais il faut qu'il y ait dans un second temps.

  • Speaker #1

    Parfait, Antoine, on va passer à la conclusion. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder ici, que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y avait pas de sujet que je voulais aborder en particulier, mais je voudrais dire à ceux qui s'intéressent au métier des affaires publiques et de la politique que c'est des très beaux métiers. C'est des métiers de conviction, c'est des métiers accrochés aux tripes, et il ne faut pas se dire que... que ça fait peur ou quoi que ce soit, il faut sortir de sa bulle de confort. C'est sûr que c'est des métiers qui sont risqués. Je veux dire, aujourd'hui, vous allez travailler à l'Assemblée nationale, vous êtes sous le coup d'une dissolution un peu permanente, ce qui n'existait pas il y a encore quelques années, mais il faut prendre son risque. Il n'y a que comme ça qu'on peut progresser, notamment dans les affaires publiques et la politique. Il faut prendre son risque, pas rester dans son confort. Et c'est des métiers qui sont géniaux parce qu'on se met à disposition du bien commun, de sa vision de l'intérêt général. On parlait de l'intérêt général ensemble juste avant. L'intérêt général c'est à la fois une addition d'intérêts particuliers, mais c'est aussi ce qu'on décide nous-mêmes de ce qu'est l'intérêt général. Et donc quand vous êtes représentant d'intérêt pour le MEDEF, ou la CPME, ou la CFDT, ou une ONG écolo, vous allez avec votre travail, votre quotidien, faire changer les choses, parfois plus en fonction de là où vous travaillez que d'autres. Mais c'est un très beau métier, ça prend aux tripes. On ne lâche pas. C'est vrai que moi j'adore le Parlement, je suis complètement accro à la vie parlementaire française. C'est pour ça que je fais du ping-pong entre le public et le privé depuis maintenant 8 ans. J'ai un bon copain qui appelle ça la méthode romaine, on fait Sénat-Armée, Sénat-Armée, Sénat-Armée. Je pense que c'est des beaux métiers, il ne faut pas avoir peur de mélanger les deux, c'est-à-dire passer du public au privé, du privé au public, parce qu'on se rend compte que quand on travaille... à l'Assemblée ou au Sénat, le monde privé nous paraît très lointain, on reçoit des mails et on a des coups de fil, mais quand on va travailler pour eux, on comprend quelles sont leurs contraintes, qui ne sont pas les mêmes et qui sont souvent incomprises. Et inversement, quand on fait des affaires publiques et qu'on revient au Parlement ou à la politique locale, nationale, dans les cabines ministérielles, on va beaucoup enrichir son parcours, je pense. Et donc, il ne faut pas avoir peur d'essayer.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai un bon dire sur enrichir son parcours. Est-ce que tu as une recommandation culturelle ?

  • Speaker #0

    J'avais un jour passé un entretien dans les affaires publiques et la politique, où on m'avait dit, c'est quoi le livre politique que tu écoutes en ce moment, et c'est quoi la radio que tu écoutes tous les matins sous la douche ? Et j'avais répondu que je ne lis absolument aucun livre politique, parce que je trouve que c'est souvent la même chose quand même, et que sous la douche, moi j'écoute de la musique, parce que je pense que la vie politique elle est géniale, mais il faut savoir en décrocher aussi, il faut savoir avoir des moments à soi, et faire autre chose, avoir des lectures qui ne sont pas forcément des lectures politiques. écouter pas forcément la radio, alors écouter à 11h quand on sait enfin ce qui a été dit dans la matinée. Je pense que c'est bien de s'enrichir d'autres choses que ça, parce que souvent on devient un peu des ovnis de la politique. On pense, on respire, on vit que politique. Et donc en fait on s'éloigne un peu de la vraie vie des gens, du vrai terrain, de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils font, etc. Donc le sujet des recommandations, c'est de lire des livres pas politiques, écouter de la musique, et faites autre chose.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine. Est-ce que tu as une personnalité à me recommander pour un prochain épisode ?

  • Speaker #0

    Je pense que le lobbying, les affaires publiques sont de plus en plus territoriales aujourd'hui. Je pense que ça pourrait être intéressant pour toi d'aller voir ces spécialistes des affaires publiques territoriales. Ils sont en train de se structurer et en mettre de plus en plus en France. Et puis un deuxième métier que je te recommande, c'est d'aller parler à un conseiller parlementaire d'un ministre. Ils ont des métiers qui sont tout à fait particuliers, qui sont passionnants. Souvent, c'est des profils qui viennent déjà de l'Assemblée et du Sénat, donc qui sont aussi des... un peu des virtuoses de la vie parlementaire. Donc je te recommande d'aller les voir et de leur proposer un podcast parce que c'est des profils qui, dans un cas ou dans l'autre, sont très intéressants.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt !

Description

Antoine Portelli est conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capus. Ancien directeur de mission au MEDEF, enseignant à Paris II, il a travaillé des deux côtés de la fabrique de la loi — dans les fédérations, les cabinets et les assemblées.


Dans cet épisode, il partage son regard sur les affaires publiques, le travail parlementaire et la relation entre politique et conviction.


De l’écriture d’amendements à l’analyse budgétaire, du lien avec les représentants d’intérêt à la formation des jeunes lobbyistes, il raconte les coulisses d’un métier exigeant, souvent méconnu, mais profondément humain.


On y parle de :


✅ Comment un petit groupe peut peser au Sénat
✅ Pourquoi les affaires publiques, c’est 90 % de veille et 10 % d’influence
✅ Le rôle clé des conseillers parlementaires dans l’équilibre institutionnel
✅ L’importance du temps long dans l’écriture de la loi
✅ Et ce que la conviction change à la manière de faire de la politique


Un échange passionné avec un praticien de la vie parlementaire, pour qui la politique reste un métier de conviction et de rigueur.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Transcription

  • Speaker #0

    La politique c'est un métier de conviction. Il faut vraiment croire en ce qu'on fait. Oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres parce que sinon c'est même pas de la conviction. Pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents et ça c'est important. Depuis dix ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. Mais il faut savoir aussi avoir le temps long et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Antoine Portelli, conseiller technique du groupe Les Indépendants au Sénat et collaborateur du sénateur Emmanuel Capu, ancien directeur de mission MEDEF, ancien enseignant à Paris 2, passé par des fédérations, des cabinets et l'Assemblée. Salut Antoine !

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, simplement te remercier pour ton invitation.

  • Speaker #1

    Merci Antoine ! Donc, t'as un parcours qui est très riche. T'as été assistant parlementaire, lobbyiste, responsable d'affaires publiques, et maintenant collaborateur au Sénat. Qu'est-ce qui t'a attiré à revenir du côté du Parlement ?

  • Speaker #0

    Les métiers des affaires publiques et les métiers du politique sont extrêmement liés. Moi, j'ai commencé ma vie professionnelle comme beaucoup de gens en tant que stagiaire. Et donc, j'ai commencé comme stagiaire de député pendant mes études. C'était un de mes... un de mes profs à l'université qui m'avait recommandé auprès d'un député. Et donc mes premiers amours, c'était vraiment l'Assemblée nationale. C'est des métiers qu'on les exerce dans les affaires publiques ou au Parlement de la compréhension et de l'analyse de ce que fait le politique, qui divergent l'un de l'autre dans les affaires publiques et la politique, mais qui en soi sont très similaires. Le métier que j'exerçais au MEDEF juste avant, c'est celui d'analyser la vie politique, singulièrement la vie parlementaire française, pour aider les grands patrons, les grandes entreprises à comprendre ce qui se passe et ce qui peut se passer, et ensuite à les aider à être représentés au Parlement. Aujourd'hui, ce que je fais au Sénat, c'est dans la continuité, c'est-à-dire que je continue à suivre beaucoup de débats parlementaires, à comprendre ce qui est en train de se passer, ce qui peut se passer, ce qui va se passer. et donc à donner des clés de compréhension non plus à des patrons mais à des sénateurs qui eux sont des acteurs de la vie politique.

  • Speaker #1

    Alors une petite anecdote, moi j'ai eu la chance de visiter l'Assemblée il y a un peu plus d'un an, un an et demi. Quand je suis rentré dans l'Assemblée nationale, j'ai ressenti quelque chose de grand, j'ai l'impression que c'est là que tout se passait et ça m'a donné terriblement envie. de travailler autour de l'Assemblée. Est-ce que ça t'a fait pareil, toi, quand t'es rentré au Sénat ou à l'Assemblée ? Est-ce que t'es rentré par la porte technique ou est-ce que tu t'es dit, j'ai envie de participer à ce grand...

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose de très impressionnant quand on rentre pour la première fois dans l'hémicycle à l'Assemblée ou au Sénat. Il y a cette grandeur de l'hémicycle qui fait un peu peur, qui donne envie aussi. Et je pense que tous ceux qui ont travaillé au Parlement et au Parlement européen aussi... ont ce sentiment de vrai pour quelque chose de plus grand que. Quelles que soient les opinions politiques qu'on peut avoir d'ailleurs. Et c'est vrai que quand on a une petite main, un couteau suisse d'un député, d'un sénateur, dans un groupe parlementaire, on a le sentiment que la moindre petite chose qu'on fait a de l'impact. Même s'il faut relativiser cet impact, parce que tout n'est pas la fabrication de la loi en France. Mais c'est vrai que le débat par la vie parlementaire française, elle est très centrée sur l'hémicycle de l'Assemblée, du Sénat aussi dans une moindre mesure, mais tout de même beaucoup aussi au Sénat singulièrement ces dernières années. et donc c'est un peu Oui, c'est passionnant parce que c'est quelque chose de magnifique quand on voit un débat parlementaire avec des gens qui s'expriment bien, des débats enjoués, mais surtout des convictions qui sont très fortes. Et donc, participer à cette petite échelle à ça, c'est quelque chose de très grisant. Et moi, je n'en ai jamais vraiment démordu parce que les métiers que j'ai exercés dans les affaires publiques après, c'était de suivre et de continuer à décrypter la vie parlementaire française. Et donc, j'ai une passion du Parlement qui fait qu'effectivement, je suis revenu à mon premier amour. On retourne au Sénat, qui est la vie parlementaire française.

  • Speaker #1

    Génial. Tu parles justement de conviction, de fil conducteur. Comment est-ce que tu expliques ton parcours ? Comment tu expliques la cohérence, la pertinence de tes expériences ? Stratégie, influence, engagement, c'est ce que je note dans ce que tu as fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si je suis un très bon stratège, ni si je suis très influent. J'ai toujours été quelqu'un de... Très engagé, et c'est vrai que la plupart des expériences professionnelles que j'ai eues depuis que j'ai commencé à travailler en 2017, c'est l'engagement. Mon expérience précédente, avant d'arriver au Sénat mais je vais y venir, c'était pendant cinq ans de travailler à la direction des affaires publiques du MEDEF. Bref, c'était un vrai engagement. J'ai eu le sentiment pendant cinq ans d'être un militant de l'entreprise et donc d'aller défendre la vision de l'entreprise au sein des deux hémicycles. Et donc aujourd'hui, retourner au Sénat, c'est complètement une continuité de l'engagement. C'est l'engagement auprès de parlementaires sur la base des idées qui sont les miennes, qui sont les mêmes que les leurs. Défendre nos idées, défendre un projet, préparer un projet pour les prochaines échéances, c'est ça qui m'anime. C'est vraiment l'engagement. Et je pense que tous ceux qui veulent entrer dans les métiers du politique ou dans les métiers des affaires publiques doivent se dire qu'ils vont participer à quelque chose de plus grand que je le disais tout à l'heure, mais il faut croire en ce qu'on fait, parce que sinon ça ne marchera pas.

  • Speaker #1

    Alors avant de rentrer dans le cœur de la fabrique parlementaire, Une dernière question sur toi Antoine, est-ce que tu as toujours baigné dans le monde politique ?

  • Speaker #0

    Pas du tout, moi j'ai absolument personne dans mon entourage ou dans ma famille qui baigne dans la politique. Je te le disais à la fac, j'ai eu un de mes professeurs qui m'a dit écoute ça pourrait être intéressant pour toi le parlement, est-ce que ça t'intéresse de faire un stage à l'Assemblée ? Je connais quelqu'un qui collabore. parlementaire et moi je vous que j'avais jamais côtoyé la politique si ce n'est avec mes propres idées mais je n'avais pas été au conseil municipal de la ville dans laquelle j'ai grandi je n'avais pas travaillé ou connu des députés ou des parlementaires ou des grands élus et donc je Je suis rentré vraiment par la petite porte, je te disais, en tant que stagiaire. Après, c'est un engrenage, parce que la vie politique, c'est un tout petit milieu. Ça l'est encore aujourd'hui. J'ai eu la chance de faire un stage auprès d'un député qui m'en a présenté un autre, qui m'en a présenté un autre. Il est venu la campagne de 2017 pour la présidentielle. J'ai donné un petit coup de main à ma petite échelle. Et puis, de là, le candidat pour lequel travaillaient les parlementaires et avec qui je bossais n'a pas gagné. Donc, on m'a dit, ça pourrait être intéressant pour toi d'aller expérimenter la vie dans le privé. Donc, j'ai travaillé dans le privé pendant ce temps-là. j'ai continué à migrer à ma petite échelle et donc les convictions elles sont elles sont nées en fait pendant mes études en droit et en sciences politiques et c'est là que j'ai compris le rôle qu'avait notre société le rôle qu'on pouvait jouer en tant qu'individu en travaillant pour le bien commun donc c'est né comme ça et je suis arrivé dans le grand bain par la fin par la petite porte quoi c'est un des profs à la fac mais bon on connaît pas de parlementaire j'ai pas de copains un fils de député et donc c'est fait comme ça génial est ce que tes copains comprennent ce que que tu fais ils comprennent ce que je fais quand j'essaie de leur expliquer mais c'est vrai que j'essaye de... La politique, c'est quelque chose qui concerne tout le monde et tout le monde, c'est bien normal, a une opinion sur le sujet et donc tout le monde veut débattre de politique à fortiori quand on rencontre quelqu'un qui travaille en politique et moi j'essaye de... pas de séquencer, mais j'essaye de faire autre chose que de la politique et donc mes copains, j'évite autant que possible de leur parler de politique sauf s'ils ont particulièrement envie mais la politique c'est... C'est ce qui m'anime, mais c'est aussi mon travail. Et donc, en ce temps du travail, je suis un peu comme tout le monde, j'ai envie de parler d'autre chose.

  • Speaker #1

    Alors, justement, comment t'expliques ton quotidien à des gens qui sont éloignés de ce milieu-là et qui voudraient en savoir plus ? Est-ce que tu as une journée type ? Est-ce que tu as des dossiers qui se ressemblent ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est encore... plus compliqué aujourd'hui, j'ai pas un emploi mais deux. Donc je suis obligé d'expliquer que j'ai demi-temps. Donc j'ai deux travails qui sont complémentaires mais qui sont différents. Le premier c'est conseiller budgétaire du groupe Les Indépendants. Ça veut dire que j'accompagne les sénateurs de mon groupe dans les travaux qui ont trait au budget de l'État, des collectivités territoriales et donc avec l'économie en général. Et puis je suis collaborateur parlementaire du sénateur de Maine-et-Loire, Emmanuel Capu. Et là, lui, il est vice-président de la commission des finances pour le groupe Les Indépendants. Et là, j'ai un métier qui est différent. Mon quotidien, il est fait de beaucoup d'anticipation. J'essaie d'anticiper les objets politiques qui vont venir pour le groupe. Donc je rédige des notes, j'analyse des textes, je fais des propositions d'amendements. Je rédige beaucoup de discours parce que c'est une partie de mon métier. Donc je rédige beaucoup de discours pour les sénateurs de mon groupe. principalement sur les questions budgétaires.

  • Speaker #1

    Ça présente combien de sénateurs, les indépendants ?

  • Speaker #0

    C'est 20 sénateurs sur 348. Donc c'est plutôt un petit groupe qui est très présent dans l'hémicycle, qui est vraiment bien identifié par les autres sénateurs. Et donc j'ai un métier qui est à la fois pour tous les sénateurs du groupe et puis j'ai un métier qui est vraiment pour un sénateur en particulier. Et donc pour lui, je travaille avec la circonscription, je fais des propositions de loi, on travaille sur des tribunes, je fais en sorte de l'aider à se positionner le mieux possible dans l'Assemblée. Et puis, mon rôle en tant que conseiller de groupe, c'est de faire en sorte que mon groupe soit à la fois le plus visible, le plus cohérent, le plus entendu possible. Et donc, ça, c'est un travail de groupe qui se fait avec tous les autres conseillers du groupe, les indépendants avec qui on travaille.

  • Speaker #1

    Vous êtes plusieurs conseillers de groupe ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Combien ?

  • Speaker #0

    Alors, l'Assemblée et le Sénat sont répartis en commissions. Donc, il y a une commission des finances, je le disais, c'est celle pour laquelle je travaille, une commission des affaires sociales, les lois, la défense, les affaires étrangères. le développement durable, les affaires économiques, la culture. On se répartit les commissions, on est cinq conseillers thématiques, et puis on a d'autres conseillers, une chef de cabinet, on a un conseiller qui lui s'occupe principalement de la communication, et puis on a un secrétaire général du groupe, et une office manager, donc on est en tout environ huit. Et donc c'est plutôt un petit groupe, mais pour un sénateur on est quand même déjà huit. Dans les grands groupes il y a beaucoup plus de conseillers, déjà souvent ils n'ont qu'une seule commission à gérer, moi j'ai qu'une seule commission, qui est la commission des finances, mais dans mes collègues conseillers du groupe, qui ont plusieurs commissions à gérer. Mais c'est principalement parce qu'on est un petit groupe dans le Sénat.

  • Speaker #1

    Et si je comprends bien, c'est tous les conseillers qui vont analyser tous les dossiers importants et qui vont dire, voilà les points clés ?

  • Speaker #0

    Exactement. On va décrypter les textes, voir quels seront les moments politiques dans ces textes. On va déterminer à l'avance une ligne politique qu'on va proposer à nos sénateurs, parce que nous, on n'est toujours que force de proposition. On propose des choses à nos sénateurs et c'est eux qui prennent les décisions derrière. Donc on propose des lignes politiques et après on identifie les objets politiques du texte et on leur propose de se positionner dessus. Et donc ces positions, ça peut être des amendements, des prises de position orales pendant les débats ou avant les débats, je disais qu'on rédigeait leurs discours. Donc on va, dans les discours, mettre l'accent sur certaines parties du texte plutôt que d'autres et donc mettre en place avant l'examen d'un texte toute une stratégie pour eux au niveau du groupe de positionnement politique.

  • Speaker #1

    Donc t'es conseiller, t'es aussi collaborateur parlementaire. Est-ce qu'il y a un endroit où tu te sens... plus utile ou en tout cas où tu as le plus de marge de manœuvre. J'élargis cette question à tous tes emplois précédents aussi. Est-ce qu'il y a un moment où tu t'es dit « là je sens que je peux faire le plus de différence » ?

  • Speaker #0

    Je pense que l'impact, il est très différent, qu'on soit représentant d'intérêt. conseiller de cabinet ministériel, collaborateur parlementaire, conseiller de groupe. Mais l'impact existe dans tous les cas. Ce qu'il faut se dire, c'est qu'on a un impact qui plaît à la personne qui exerce l'emploi, parce qu'il faut être complètement en accord avec ce qu'on fait. Mais c'est surtout un impact qui n'est pas le même au moment où on travaille. C'est-à-dire que si vous êtes représentant d'intérêt, votre impact doit se faire beaucoup en amont. Et ensuite, le moment politique vous appartient beaucoup moins. Quand vous travaillez à l'Assemblée ou au Sénat, vous allez recevoir des sollicitations des représentants d'intérêt. pour vous aider à comprendre un peu la grande image, savoir comment est-ce que vous voulez proposer à vos sénateurs ou à vos députés de se positionner, et ensuite vous êtes acteur de ce moment-là avec eux. Les conseillers des groupes ont notamment comme tâche d'accompagner les sénateurs pendant l'examen des textes. Ça veut dire que je suis dans l'hémicycle avec mes sénateurs la plupart du temps, ou à distance dans mon bureau, mais souvent je suis dans l'hémicycle avec eux, et en direct, quand je vois qu'un débat est en train de tourner de telle ou telle manière, quand je vois que, par exemple, il y a les équilibres qui sont en train de changer, de sénateurs LR ou socialistes qui sont en train d'arriver sur tel ou tel sujet, ça veut dire qu'eux, ils ont décidé d'en faire un mouvement important. Il faut sentir la séance publique, comment elle est en train d'évoluer, pour pouvoir leur dire, là maintenant, je pense que si vous voulez être en accord avec ce que vous avez déterminé comme ligne politique, je pourrais vous proposer de vous positionner comme ci, ou je vous propose de vous positionner comme ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que, justement, quand vous recevez des représentants d'intérêt, est-ce que... T'essayes d'avoir une sorte de panel représentatif, est-ce que c'est toi qui dis « Ah, ça serait bien qu'on ait une grosse entreprise, une asso, etc. » pour avoir quelque chose de juste dans la compréhension du terrain ? Ou est-ce que c'est plutôt au fil de l'eau, en fonction des opportunités ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Les parlementaires, ils sont beaucoup sollicités par les représentants d'intérêt. Ce qui est important, c'est de savoir identifier quel est le bon représentant d'intérêt avec qui il faut parler pour une thématique donnée. Souvent, il y en a plein d'autres qui vont vouloir vous parler, même si ce n'est pas forcément les plus nécessaires aux parlementaires en tant que tels. Quand on considère qu'on n'a pas entendu tout le monde, on peut les contacter. C'est là où, pour moi, c'est intéressant d'avoir exercé le métier des affaires publiques avant. Je connais beaucoup de représentants d'intérêt et je peux dire, on a reçu tel représentant d'intérêt qui me dit telle chose. Est-ce que vous, dans votre secteur, qui serez impacté par cette décision, vous avez la même vision ou est-ce qu'elle est différente ? Et puis après, on peut aller chercher les gens. C'est vrai qu'il y a un biais idéologique chez les représentants d'intérêt qui se trouve un peu dommageable. C'est-à-dire que concrètement, quand... vous représentez des entreprises, que ce soit un secteur ou une entreprise en particulier, ou même des plus grandes entreprises, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes une ONG, vous avez tendance à aller voir souvent les mêmes parlementaires. Quand vous êtes un syndicat de salariés, vous avez tendance à avoir souvent les mêmes parlementaires. Et maintenant que je suis du côté du Sénat, c'est vrai que parfois je regrette qu'on n'ait pas plus de contacts de ceux qui n'ont pas forcément notre biais idéologique, mais dont on a besoin.

  • Speaker #1

    parce que toi par exemple est-ce que Peut-être que tu es étiqueté ancien du MEDEF, et donc c'est toujours les mêmes organisations qui viennent te voir, ou comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Comme j'ai travaillé 5 ans au MEDEF, je connais bien les organisations professionnelles, et du coup ils me connaissent bien. Quand je suis parti au Sénat, ils m'ont dit « Ah bah à bientôt ! » Donc ils me connaissent bien. Maintenant mon rôle c'est aussi d'aller chercher de la connaissance et de la compréhension problématique auprès d'autres acteurs. Et là c'est vrai que j'ai eu la chance d'être enseignant pendant 5 ans, et que donc pendant 5 ans j'ai eu... des classes d'étudiants qui font des métiers qui sont complètement différents et qui eux ne viennent pas forcément de ces secteurs économiques-là, qui travaillent parfois dans des ONG, parfois dans des associations, et donc je peux aller les solliciter. Je te disais tout à l'heure que c'est un petit monde, la politique, c'est un petit monde de gauche comme de droite, c'est-à-dire que les gens se connaissent globalement. C'est vrai que quand on arrive dans ce milieu, on est impressionné parce qu'on ne connaît personne, et je voudrais rassurer que je ne connaissais personne non plus quand j'ai commencé à travailler, mais en fait ça va assez vite. Et donc oui, il faut solliciter des gens d'opinions complètement différentes des nôtres, parce que sinon, Ce n'est même pas de la conviction, parce que si vous avez des gens qui viennent vous voir en vous disant « je pense comme vous et voici mes arguments » , les arguments, vous pouvez les trouver tout seul puisque vous avez les mêmes convictions, ou pas très éloignés. Et donc pour pouvoir challenger vos convictions, il faut rencontrer des gens différents, et ça c'est important.

  • Speaker #1

    Tu donnais quel cours à ASSAS exactement ?

  • Speaker #0

    Je donnais le cours de relations institutionnelles dans le Master 2, vie publique et relations institutionnelles, à ASSAS, qui était dirigé par Dominique Chagnolo de Sabouray.

  • Speaker #1

    Ok, et du coup, qu'est-ce que tu leur disais à tes étudiants ? Qu'est-ce que tu essayais de leur transmettre ?

  • Speaker #0

    Les affaires publiques, en fait, c'est un métier qui est en cours de structuration. Ça fait maintenant bien dix ans. Quand j'ai commencé à travailler, je vais revenir à la question, mais je fais une digression. Quand j'ai commencé à travailler, c'était vraiment un tout petit milieu. Il n'y avait pas beaucoup de gens. Je me rappelle, il y a une association qui s'appelle les Jeunes Lobbyistes, qui est une très belle association. Et les Jeunes Lobbyistes organisaient des verres. Et quand j'ai commencé à travailler, au verre des Jeunes Lobbyistes, on devait être 12, 15, quelque chose comme ça. Aujourd'hui vous avez un apéro de Genovis, ils sont 100, 150, 200, il y a des adhérents. Donc en fait, ça s'est vachement structuré, il y a énormément de formations qui se sont créées, et avant, quand j'ai fini mes études en 2017, vous faisiez, pour faire des affaires publiques, soit vous faisiez un IEP, soit vous faisiez un des rares masters en affaires publiques d'université parisienne, principalement, on va se dire les choses, et il y avait peu d'autres parcours, si ce n'est que pour une heure d'affaires publiques et à la politique. On n'est pas obligé d'avoir fait des études de droit et de sciences politiques. Il y a beaucoup de gens qui viennent de la politique par le militantisme, et c'est toujours le cas, c'est une bonne chose parce que c'est hyper enrichissant. Maintenant, on a énormément plus de masters, le métier se professionnalise, on a beaucoup plus d'acteurs. Et donc ce que moi j'essayais de faire comprendre à mes étudiants, c'était que le métier des affaires publiques, ça ne prend pas dans la théorie. Je n'ai pas beaucoup de cours théoriques. La théorie, c'était de comprendre comment fonctionnent... tout ce bazar, et ensuite après c'était vraiment de la pratique, donc moi je donnais beaucoup d'exercices pratiques à mes étudiants, et je pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire, de se préparer, parce qu'en fait, quand bien même on fait beaucoup de droits, beaucoup de droits constitutionnels dans ces études de droits ou de sciences politiques, on n'apprend jamais à rédiger un amendement, on ne sait pas comment fonctionne la loi vraiment, d'ailleurs le droit parlementaire n'est enseigné dans quasiment aucune université, si vous voulez faire du droit parlementaire, il faut faire un doctorat en fait, assez concrètement, c'est moins vrai maintenant parce qu'il ya beaucoup de je disais de formation qui sont créés à paris et et en région. Et donc on enseigne un peu le droit parlementaire, mais le droit parlementaire c'est de la pratique. Et c'est pour ça que j'ai eu cette chance de faire des stages pendant mes études à l'Assemblée, c'est que quand j'ai commencé à chercher du boulot en 2017, j'étais un peu attractif parce que j'avais déjà vécu à l'Assemblée. J'avais déjà rédigé des amendements, j'avais déjà compris le processus législatif, et ça c'était pas donné à tout le monde. Donc c'est beaucoup de pratique. Et donc moi la pratique c'était par des stages, et la pratique que je donnais à faire dans les cours que je donnais, c'était de donner des exercices. concrets à faire, des exposés, des notes blanches, des amendements à rédiger, des choses que les futurs représentants d'intérêt auront vraiment à faire. Et que jusqu'ici, on apprenait vraiment sur le tas. Ce qui n'était pas très agréable, parce que quand... vous sortez de vos études et que vous vous retrouvez collaborateur parlementaire et que votre parlementaire vous dit je veux un amendement là dessus, bon courage parce que soit vous avez un bon copain qui vous explique comment faire, soit vous avez passé quelques nuits blanches.

  • Speaker #1

    Justement alors c'est un métier qui est de plus en plus concurrentiel parce qu'il y a beaucoup plus de formation comme tu le dis à ce sujet qu'est ce que tu conseilles à tes étudiants qui veulent justement devenir collaborateur parlementaire ou autre, comment faire, est-ce qu'il faut passer par le militantisme est-ce qu'il y a d'autres manières d'y arriver.

  • Speaker #0

    Je pense pas qu'il soit nécessaire de passer par le militantisme. Ce que je pense par contre c'est c'est que la politique, c'est un métier de conviction. Et donc, il faut vraiment croire en ce qu'on fait. J'avais eu des exemples d'étudiants qui me disaient « Ouais, moi je veux être collaborateur parlementaire, mais bon, le groupe du parlementaire m'intéresse moins tant que c'est pas quelqu'un d'extrême. » Je pense que ça, ça marche pas. Je pense qu'il faut vraiment partager au moins grande partie des idées du parlementaire pour lequel on va travailler.

  • Speaker #1

    Dans ce que tu transmettais à tes étudiants, est-ce que, d'après toi, un bon représentant d'affaires publiques, un bon lobbyiste, il doit plutôt rester invisible dans la partie technique ou au contraire occuper l'espace ?

  • Speaker #0

    médiatique on dit faire du bruit je pense que un représentant d'intérêt c'est pas un agitateur mais c'est pas non plus un contemplateur de la vie politique je pense qu'il faut être présent à toutes les étapes à mon avis un bon représentant d'intérêt c'est quelqu'un qui qui sait être discret et faire un travail de fond quand il faut pour se créer une légitimité qui fait que le jour où il a besoin de faire du bruit on l'écoutent je prends un exemple d'un syndicat de salariés comme la CFDT qui est un syndicat réformiste, ils ont tendance à... à être dans l'accompagnement des réformes, à essayer de proposer des choses qui puissent finir par aboutir. Mais le jour où le patron ou la patronne, en l'occurrence la patronne en ce moment de la CFDT, déciderait de taper du poing sur la table, on l'entendrait beaucoup plus, je pense, que la CGT, qui régulièrement tape du poing sur la table. Et donc, à mon avis, c'est très utile de savoir choisir son moment. C'est une question de tempo, les affaires. affaires publiques. Et donc faire du bruit tout le temps, ça ne sert à rien. Faire jamais du bruit, vous n'avez pas d'impact. Le micro tendu, pour être audible, il doit être tendu au bon moment.

  • Speaker #1

    Antoine, est-ce qu'on peut rentrer davantage dans le détail des cas pratiques que tu transmettais à tes étudiants ?

  • Speaker #0

    Oui, alors je faisais un exercice qui est assez rigolo. Je t'ai dit tout à l'heure que je pense que c'est un métier de conviction, les affaires publiques. Je pense qu'il faut le modérer aussi parce que je considère qu'on n'est jamais meilleur lobbyiste que quand on va essayer de convaincre sur un sujet sur lequel on n'est pas sûr. Je m'explique. Quand un lobbyiste du Medef te dit qu'il faut baisser les impôts, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . Quand un lobbyiste d'une ONG te dit qu'il faut taxer les hydrocarbures, tu dis « c'est évident, il va me dire ça » . D'autant plus s'il parle à un député de droite ou à un sénateur de gauche. Je pense qu'on est bon. Peut-être meilleur lobbyiste quand on a affaire à un sujet dont on n'est soi-même pas sûr. Et donc quand j'étais prof, j'avais un exercice qui me faisait rire, que je donnais tous les ans aux étudiants. Le sujet pouvait changer parce que la composition politique de la classe, elle changeait d'une année à l'autre. Mais je leur demandais, je faisais une série de questions, par exemple, qui est pour et qui est contre la co-brida, qui est pour, qui est contre le nucléaire. Et donc quand je voyais qu'il y avait à peu près moitié-moitié ou deux tiers, un tiers, par exemple sur le nucléaire, tous ceux qui étaient favorables au nucléaire, j'en demandais de me rédiger une note. en disant il faut arrêter le nucléaire demain. Et tous ceux qui étaient défavorables au nucléaire, je leur demandais de me rédiger une note qui disait impérativement réinvestir dans le nucléaire. Et donc, on avait des étudiants face à nous qui allaient se creuser les méninges. Parce que quand vous, vous ne croyez pas du tout au nucléaire, et que vous pensez qu'il faut impérativement l'arrêter, c'est très compliqué. Mais vous allez chercher les vrais arguments. Vous allez étudier quelles sont les bonnes raisons de continuer le nucléaire. Si vous êtes contre le nucléaire et que je vous dis « faites-moi une note pour dire que vous êtes contre le nucléaire » , vous allez très certainement me dire « oui, c'est mauvais pour l'écologie, puis bon, voilà, on peut faire ça, on a les éoliennes, on a plein de choses. C'est pareil dans l'autre sens, si vous êtes favorable au nucléaire, vous allez me dire « c'est génial, ça ne met pas de carbone, etc. » Et donc vous allez être potentiellement moins bon dans votre exercice que si vous allez chercher des études qui vont bousculer un peu votre idée à vous. Et donc c'était un exercice qui me faisait pas mal rire, donc je leur demandais une note d'une page, un peu exactement comme on le fait dans le milieu des affaires publiques, une page blanche. Et j'ai trouvé que les étudiants étaient meilleurs comme ça. La première année, j'aurais laissé choisir, et la deuxième année, je leur ai fait choisir l'inverse de ce qu'était leur conviction. Et j'ai trouvé que les notes étaient bien meilleures.

  • Speaker #1

    Donc l'idée c'est de trouver l'argumentaire d'en face pour pouvoir mieux se préparer quand on veut défendre ses conditions.

  • Speaker #0

    Exactement, ça prépare à ça, que ce soit pour les affaires publiques ou pour la politique. Quand vous préparez un débat et que vous préparez des éléments de langage, c'est très bien de décrire les éléments de langage qui correspondent à vos idées, mais pour pouvoir répondre à un débat parlementaire, ce n'est pas juste soit face à un micro, c'est soit face à un micro avec quelqu'un d'autre en face qui va avoir l'opinion opposée. Et donc il faut aller chercher quels sont les arguments de l'adversaire politique pour pouvoir y répondre. Et ça, ça demande un travail de fond qui est beaucoup plus compliqué, parce que mes convictions, je les connais, je peux les écrire sur un bout de papier, par contre les convictions opposées, je ne les connais pas, et leurs arguments, il faut que j'aille les chercher, il faut que je les comprenne, il faut que j'aille chercher les chiffres qui correspondent aux opinions qu'ils vont me donner. soit pour les faire mentir, leurs chiffres, soit pour pouvoir donner d'autres opinions politiques derrière qui vont pouvoir mettre en difficulté l'opinion de l'adversaire politique. Et ça va aussi dans les affaires publiques, parce que si vous êtes lobbyiste du nucléaire et que vous allez voir un député écolo, il faut pouvoir répondre à toutes ces assertions.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un exercice propre au lobbyiste, ou est-ce que vous faites ça aussi au Sénat ?

  • Speaker #0

    Je fais ça au Sénat aussi. Je le fais au Sénat, je l'ai fait quand on a examiné au Sénat la proposition de loi sur la taxe Zucman. Donc là, c'est un exercice intéressant, parce que Donc moi je viens avec mes convictions, donc la taxe du Qman, j'explique de tout le monde, c'est une taxation du patrimoine des ultra-riches, enfin c'est comme ça qu'elle est présentée par ses auteurs, c'est une taxation du patrimoine professionnel en fait, donc ça veut dire qu'on taxe les actions des entreprises par leurs détenteurs, donc les Bernard Arnault et compagnie. Donc c'est un débat qui est légitime, c'est un débat de société, de dire comment est-ce qu'on taxe les multimilliardaires, les centi-millionnaires. Et donc c'est un débat de société qui a lieu d'être. Mais mes convictions à moi, c'était qu'en fait, on taxait pas vraiment des gens, on taxait complètement les entreprises. Et que donc on allait, pour pouvoir s'acquitter de 2%, parce que c'est ça la taxe du plan, pour s'acquitter de 2% d'impôts sur les actions, en fait, il faut en vendre 3% tous les ans. Donc si vous prenez une entreprise française, c'est 2% par an. Et donc comme vous êtes taxé quand vous vendez vos actions, en fait, il faut vendre 3% par an de votre entreprise, donc très rapidement. vous êtes propriétaire de votre entreprise. Donc moi j'avais une opinion qui était déjà dans mon ADN, si je puis dire, et donc pour pouvoir préparer ce débat parlementaire, j'ai été obligé d'aller chercher les opinions des autres. Donc j'ai écouté complètement tout le débat à l'Assemblée qui avait lieu avant celui du Sénat, écouté surtout les prises de parole de la gauche de l'hémicycle, pour comprendre quelles étaient eux leurs positions, quels étaient leurs arguments, et pour préparer donc mes sénateurs à cet exercice en séance publique. Et là en plus j'avais une double casquette, puisque le rapporteur au Sénat du texte c'est Emmanuel Capu, Donc moi j'étais à la fois son conseiller de groupe, son collaborateur parlementaire, et moi je venais avec mes opinions pro-entreprise que j'avais déjà acquises. Et donc j'ai passé beaucoup de temps à lire les rapports des uns et des autres, mais j'ai passé quatre fois plus de temps à lire ce que disaient Gabriel Zucman et les députés de gauche que ce que disaient finalement la droite et ceux qui étaient pro-entreprise, parce que je pense que je connaissais la majorité de leurs arguments, mais je suis quand même allé les écouter parce qu'il me fallait leurs chiffres, quels étaient les contre-arguments, et donc c'est comme ça que j'ai préparé mon sénateur à cet exercice.

  • Speaker #1

    Et justement, si toi tu avais le pouvoir de faire passer une réforme, est-ce que tu as un dossier qui te tient à cœur ?

  • Speaker #0

    Institutionnel tu veux dire ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on légifère beaucoup trop, on réglemente beaucoup trop en France. Là on est dans une période politique où on se demande comment est-ce qu'on va trouver 40 milliards d'euros. Il faut savoir que le coût de la surréglementation en France, c'est juste du droit français, je ne parle même pas du droit européen, c'est environ 3% de PIB. Donc c'est 60 milliards d'euros par an qui coûtent simplement aux entreprises, je ne parle même pas des collectivités, etc. Donc 60 milliards d'euros par an de surréglementation, c'est vraiment très dommage, parce que c'est une balle qu'on se tire nous-mêmes dans le pied. Et pour faire ça, on peut faire de la simplification, on a des problèmes de loi de simplification, mais il faut surtout arrêter l'espèce de frénésie législative qu'on connaît depuis quelques années, qui vaut pour la gauche comme pour la droite, c'est pas un positionnement politique. On a eu une inflation législative qui est vraiment débordante depuis quelques années, qui met les acteurs dans des grandes difficultés, parce que quand vous êtes un chef d'entreprise ou même un petit artisan, vous avez une réglementation qui change tous les 36 du mois. Vous regardez dans le bâtiment, c'est... Pour savoir comment il faut construire une maison demain, ce ne sera pas pareil en trois semaines et ce ne sera certainement pas pareil en trois ans. Et donc, il faut impérativement qu'on arrête de légiférer tous les 36 du mois, il faut qu'on produise moins de normes. Alors, on peut enlever des normes, mais il faut surtout qu'on en produise moins pour que les acteurs puissent comprendre quelle est la loi. On a toujours, en France, le sentiment que nul n'est censé ignorer la loi, mais je ne vois pas qui ne peut pas ignorer la loi, c'est complètement impossible. On a des lois qui sont trop longues, trop bavardes. Et une des solutions ça pourrait être d'avoir un temps législatif plus long, qui serait donc de meilleure qualité. Depuis 10 ans maintenant quasiment, on a tous nos textes de loi qui sont examinés sous la procédure de l'urgence. On a une procédure parlementaire classique qu'on n'utilise absolument jamais, tout est examiné sous le thème de l'urgence. Alors on peut avoir besoin de l'urgence parfois, on l'a vu dans la période Covid, on a eu une assemblée, un Sénat, enfin un Parlement qui a examiné des textes budgétaires qui normalement prennent des semaines en 3 jours. Donc faire de l'urgence on sait faire, mais il faut savoir aussi avoir le temps long, et c'est ça qui manque je pense aujourd'hui. Il faut reprendre le temps d'écrire la loi tranquillement, pour en produire moins, mais aussi pour produire une loi de meilleure qualité. Donc ça c'est la première réforme que je proposerais. Elle serait vraiment au service des parlementaires, parce qu'eux ils ont à peine le temps de se poser sur une loi de 34 ans, que trois jours après il faut la voter et puis on passe à la suivante.

  • Speaker #1

    Comment on fait pour avoir moins de dents ? Est-ce que par exemple ça serait un nombre d'amendements réduit par parlementaire, ou un nombre de projets de loi réduit ?

  • Speaker #0

    Les quotas sont impossibles parce que le droit d'amendement est protégé. par la Constitution pour les parlementaires. Si on a un temps législatif qui est plus long, si on prend plus le temps de discuter des textes, on en examinera mathématiquement beaucoup moins. Ça ne veut pas dire qu'on a moins de choses à réformer, on a beaucoup de choses à réformer en France, mais déjà, il faut rater de penser que tout passe par la loi. que la loi elle centre de la décision politique et de la décision publique. Il faut que la loi elle soit au bon moment et que la loi elle soit pas là pour écrire la taille des vis qu'il faut pour accrocher des tableaux au mur. C'est pas du tout le rôle de la loi. La loi elle est là pour donner des grandes indications et ensuite on a un pouvoir réglementaire qui est là et qui doit lui donner ses précisions. Mais là aussi il faut pas qu'on... On a un pouvoir réglementaire qui soit là pour dire aux collectivités territoriales les plots dans la rue doivent faire telle taille et pas telle taille, la peinture blanche doit être de tel niveau ou pas tel niveau. Le pouvoir réglementaire est là pour donner des indications et ensuite après, les décideurs, que ce soit des décideurs publics avec les élus locaux ou des décideurs privés. avec les gènes d'entreprise, d'ONG, etc., puissent l'appliquer et une marge de manœuvre.

  • Speaker #1

    Super clair. Autre chose ?

  • Speaker #0

    Je ne dis pas ça parce que ce serait mon intérêt, mais je pense que les parlementaires, et ça irait dans le sens de ce que je viens de dire, je pense que les parlementaires manquent de moyens pour bien légiférer. Bien légiférer, ça veut aussi dire savoir ce que nous allons voter, quelles en seront les conséquences concrètes sur les acteurs qui sont concernés. En France, si on compare le budget qui est alloué à un parlementaire. par rapport à un parlementaire américain, c'est quelque chose de sidérant. Un parlementaire américain, c'est-à-dire un sénateur au nom de la Chambre des représentants, il a un budget qui lui est loué de plusieurs millions de dollars, entre 2 et 5 millions par an. Ils ont une équipe en général de 10 à 15 personnes. Et donc, ils ont des gens de niveaux qui sont vachement plus élevés. Quand vous sortez de la Ivy League aux États-Unis, donc c'est les grandes, grandes universités, vous pouvez intégrer le staff d'un sénateur américain, alors les salaires suivent. En France, c'est impossible, vous sortez de Polytechnique, vous n'allez pas... pas à devenir collaborateur parlementaire. Et donc je pense que les moyens qui sont alloués aux parlementaires nous permettraient d'avoir une anticipation et une compréhension des conséquences de ce qu'ils vont voter. Plus efficace, on n'a pas du tout d'analyse économique, c'est-à-dire que vous écrivez un amendement aujourd'hui, vous ne savez pas quelle va être la conséquence. On peut éventuellement transmettre au Conseil d'État, mais alors avec l'accord de la présidente de l'Assemblée ou du président du Sénat, le texte d'une proposition de loi quand on n'est pas sûr, mais ça ne se fait quasiment jamais. Et donc vous n'avez aucun organe d'analyse économique qui est à disposition du Parlement. Et donc je pense qu'il faut renforcer le monde des moyens, soit qu'ils soient les moyens de l'équipe parlementaire, soit ce qui serait peut-être plus efficace encore, ce serait au niveau de chaque, dans chaque chambre, pour les deux chambres, pour le parlement qu'on ait un une sorte de conseil d'analyse économique avec des vrais économistes. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ils sont des administrateurs de l'Assemblée du Sénat qui sont d'excellents juristes mais qui ne sont pas des économistes. Et donc je pense qu'on produirait des lois plus efficaces, parfois moins nocives, parce que ça nous arrive de produire des lois nocives, parfois moins nocives si on savait à l'avance, en tout cas on avait une idée de quelles sont les conséquences de telle ou telle disposition. Et on reviendrait beaucoup moins sur des textes de loi qu'on a votés parce que c'est vrai que je le constate là, sur les deux, trois dernières années, on est en train de voter des... de revenir en arrière sur des choses qu'on a votées il y a 4, 5, 6, 7, 8 ans, c'est pas efficace en fait. Déjà, entre-temps, on a fait du dégât dans les acteurs, que ce soit les agriculteurs, les entreprises, les associations, les collectivités, etc.

  • Speaker #1

    Puisqu'on est dans une période de restrictions budgétaires, est-ce que, si je comprends bien, donc toi t'es favorable à mieux entourer les parlementaires, mais est-ce que tu serais favorable à une réduction de leur nombre ?

  • Speaker #0

    Mon idéal, moi, c'est le sérieux politique, et donc le sérieux économique, et donc ma proposition, elle ne vise pas à dire ça faut dépenser plus pour le Parlement, je pense que... Il faut d'une manière ou d'une autre que ça se fasse à budget constant. Et donc ce budget constant, ça pourrait venir d'une réduction du nombre de parlementaires. Ça pourrait aussi venir d'une plus grande efficience de la dépense publique au Parlement, de rechercher d'autres ressources. On pourrait trouver des moyens de faire les choses. Ça peut aussi se faire sans faire de dépenses publiques supplémentaires. Le Conseil d'analyse économique, il existe déjà en fait. C'est juste qu'il n'est pas rattaché au Parlement. Et ce qu'il faut réduire le nombre de parlementaires, ça c'est vraiment un débat politique. Il y a un tout petit brin de populisme quand même, parce que ça donne l'impression qu'on va faire des économies si on passe de 577 députés à 433. Je ne sais pas si à la fin des fins, les Français ont envie d'avoir des parlementaires qui représentent une circonscription qui est cinq fois plus grande et donc qui les voient beaucoup moins. En tout cas, s'il doit y avoir une réforme du nombre de députés, il faut que ça se fasse pour réduire la dépense de l'Assemblée nationale et donc à la fin, pour qu'on puisse effectivement utiliser mieux cet argent pour avoir des parlementaires qui soient plus outils à leur disposition.

  • Speaker #1

    Antoine, si tu veux bien, on va passer à la séquence vrai-faux. Donc je vais t'énoncer trois phrases et tu réponds par vrai ou faux. Tu peux évidemment développer si tu veux. si tu le souhaites. La première phrase, c'est « Un petit groupe au Sénat n'a quasiment aucun levier d'influence » .

  • Speaker #0

    Ah, c'est faux. C'est faux. Un petit groupe, ça a beaucoup de poids. Ça peut avoir beaucoup de poids. La majorité, je prends pour le Sénat, la majorité sénatoriale est très souvent divisée dans les votes. Et donc les voix des petits groupes peuvent l'emporter. C'est vrai qu'on a eu une multiplication des plus petits groupes depuis 2017 au Sénat, et en fait leur addition permet de faire peser la balance dans un sens ou dans un autre. Et puis par ailleurs, quand on a des petits groupes qui assisent sur des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, alors sa voix elle porte davantage dans l'hémicycle. Et donc ça, pour le coup, c'est tout à fait le cas du groupe Les Indépendants.

  • Speaker #1

    Vous êtes identifié comme ceux qui peuvent faire la bascule sur certains textes ?

  • Speaker #0

    La question n'est pas tellement celle du vote. Oui, effectivement, chaque voix compte très souvent au Sénat. Donc la bascule peut se faire, et puis c'est une question de positionnement. C'est-à-dire que si je prends l'exemple d'un autre groupe, celui pour lequel je travaille, avec le groupe communiste, ils ont des lignes politiques qui sont claires, qui sont identifiées, et donc des prises de position qui, lorsqu'elles sortent du cadre habituel, sont écoutées. Je pense que c'est le cas aussi du groupe Les Indépendants. libéral, humaniste et pro-européen et donc quand notre groupe prend des positions en séance publique, ils sont écoutés, même si on est un petit groupe.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les affaires publiques c'est 90% de patience, 10% d'impact.

  • Speaker #0

    Je sais pas si on peut vraiment dire que c'est 90% de patience, parce que la patience ça me fait un peu penser à l'inaction. Ces chiffres je dirais plutôt que on a 90% de veille et 10% d'influence. Et il faut pas... penser que la veille est quelque chose de peu important, d'ailleurs parfois c'est délocalisé, on fait faire la veille à d'autres, et puis après on ne s'occupe que de l'influence. Je pense qu'on est efficace dans les affaires publiques, parce qu'on a très bien compris qui fait quoi, qui pense quoi, quelles vont être les positions des uns et des autres, parce que l'influence est de la stratégie, mais on ne fait pas une bonne stratégie si on ne sait pas quelles sont les forces en présence. C'est vrai en affaires publiques comme dans l'armée. Donc 90-10. OK, mais 90% de veille, de veille très active à l'écoute des parlementaires et 10% d'influence. Mon métier au MEDEF, c'était de faire énormément de veille et de faire beaucoup d'influence aussi. Mais la veille, c'était passer beaucoup de temps à écouter les débats parlementaires. énormément de temps à écouter les débats parlementaires, ce qui permettait de vraiment bien conseiller, en tout cas c'est ce que j'ai essayé de faire, de vraiment bien conseiller le président du MEDEF sur quel parlementaire dit quoi, qui pense quoi, quels vont être les prochains coups de billard à trois bandes de qui, et ça je pense que c'est primordial de bien faire ça d'ailleurs, parce que c'est comme ça qu'on est vraiment influents derrière.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase c'est, aujourd'hui un bon conseiller parlementaire doit aussi savoir parler aux entreprises.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est vrai, mais je pense qu'un bon conseiller parlementaire il doit surtout savoir parler aux parlementaires. Le rôle du conseiller parlementaire dans l'instabilité parlementaire qu'on connaît depuis maintenant... deux ans et demi, jusqu'à 2022, fait qu'il faut... extrêmement bien le Parlement, lui aussi, qu'il soit en veille quasi permanente, pour pouvoir bien conseiller son ministre ou les ministres de son gouvernement. Le dialogue avec les entreprises, il est important, il est nécessaire, mais il faut qu'il y ait dans un second temps.

  • Speaker #1

    Parfait, Antoine, on va passer à la conclusion. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder ici, que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y avait pas de sujet que je voulais aborder en particulier, mais je voudrais dire à ceux qui s'intéressent au métier des affaires publiques et de la politique que c'est des très beaux métiers. C'est des métiers de conviction, c'est des métiers accrochés aux tripes, et il ne faut pas se dire que... que ça fait peur ou quoi que ce soit, il faut sortir de sa bulle de confort. C'est sûr que c'est des métiers qui sont risqués. Je veux dire, aujourd'hui, vous allez travailler à l'Assemblée nationale, vous êtes sous le coup d'une dissolution un peu permanente, ce qui n'existait pas il y a encore quelques années, mais il faut prendre son risque. Il n'y a que comme ça qu'on peut progresser, notamment dans les affaires publiques et la politique. Il faut prendre son risque, pas rester dans son confort. Et c'est des métiers qui sont géniaux parce qu'on se met à disposition du bien commun, de sa vision de l'intérêt général. On parlait de l'intérêt général ensemble juste avant. L'intérêt général c'est à la fois une addition d'intérêts particuliers, mais c'est aussi ce qu'on décide nous-mêmes de ce qu'est l'intérêt général. Et donc quand vous êtes représentant d'intérêt pour le MEDEF, ou la CPME, ou la CFDT, ou une ONG écolo, vous allez avec votre travail, votre quotidien, faire changer les choses, parfois plus en fonction de là où vous travaillez que d'autres. Mais c'est un très beau métier, ça prend aux tripes. On ne lâche pas. C'est vrai que moi j'adore le Parlement, je suis complètement accro à la vie parlementaire française. C'est pour ça que je fais du ping-pong entre le public et le privé depuis maintenant 8 ans. J'ai un bon copain qui appelle ça la méthode romaine, on fait Sénat-Armée, Sénat-Armée, Sénat-Armée. Je pense que c'est des beaux métiers, il ne faut pas avoir peur de mélanger les deux, c'est-à-dire passer du public au privé, du privé au public, parce qu'on se rend compte que quand on travaille... à l'Assemblée ou au Sénat, le monde privé nous paraît très lointain, on reçoit des mails et on a des coups de fil, mais quand on va travailler pour eux, on comprend quelles sont leurs contraintes, qui ne sont pas les mêmes et qui sont souvent incomprises. Et inversement, quand on fait des affaires publiques et qu'on revient au Parlement ou à la politique locale, nationale, dans les cabines ministérielles, on va beaucoup enrichir son parcours, je pense. Et donc, il ne faut pas avoir peur d'essayer.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai un bon dire sur enrichir son parcours. Est-ce que tu as une recommandation culturelle ?

  • Speaker #0

    J'avais un jour passé un entretien dans les affaires publiques et la politique, où on m'avait dit, c'est quoi le livre politique que tu écoutes en ce moment, et c'est quoi la radio que tu écoutes tous les matins sous la douche ? Et j'avais répondu que je ne lis absolument aucun livre politique, parce que je trouve que c'est souvent la même chose quand même, et que sous la douche, moi j'écoute de la musique, parce que je pense que la vie politique elle est géniale, mais il faut savoir en décrocher aussi, il faut savoir avoir des moments à soi, et faire autre chose, avoir des lectures qui ne sont pas forcément des lectures politiques. écouter pas forcément la radio, alors écouter à 11h quand on sait enfin ce qui a été dit dans la matinée. Je pense que c'est bien de s'enrichir d'autres choses que ça, parce que souvent on devient un peu des ovnis de la politique. On pense, on respire, on vit que politique. Et donc en fait on s'éloigne un peu de la vraie vie des gens, du vrai terrain, de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils font, etc. Donc le sujet des recommandations, c'est de lire des livres pas politiques, écouter de la musique, et faites autre chose.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine. Est-ce que tu as une personnalité à me recommander pour un prochain épisode ?

  • Speaker #0

    Je pense que le lobbying, les affaires publiques sont de plus en plus territoriales aujourd'hui. Je pense que ça pourrait être intéressant pour toi d'aller voir ces spécialistes des affaires publiques territoriales. Ils sont en train de se structurer et en mettre de plus en plus en France. Et puis un deuxième métier que je te recommande, c'est d'aller parler à un conseiller parlementaire d'un ministre. Ils ont des métiers qui sont tout à fait particuliers, qui sont passionnants. Souvent, c'est des profils qui viennent déjà de l'Assemblée et du Sénat, donc qui sont aussi des... un peu des virtuoses de la vie parlementaire. Donc je te recommande d'aller les voir et de leur proposer un podcast parce que c'est des profils qui, dans un cas ou dans l'autre, sont très intéressants.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Antoine.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt !

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