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#21 - Alexis Bataille-Hembert : La fabrique des politiques de santé, vue du terrain

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30min |30/08/2025
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30min |30/08/2025
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Description

Professionnel de santé, ancien militaire, conseiller ministériel, et désormais consultant, Alexis Bataille-Hembert possède un parcours atypique au croisement du soin, du terrain et de la décision publique.


Dans cet épisode, il revient sur son engagement au sein d’une mission ministérielle dédiée à la santé des soignants, son passage en cabinet, mais aussi les limites du lobbying en santé – entre rapports enterrés, livrables générés par IA et manque de culture institutionnelle chez les professionnels.


Avec lui, on parle de :


✅ La complexité institutionnelle du système de santé
✅ Comment faire remonter le terrain jusqu'à l'agenda politique
✅ Pourquoi les soignants doivent s’approprier les outils des affaires publiques
✅ L’éthique indispensable dans les relations avec les représentants d’intérêt
✅ La santé des soignants comme levier systémique pour garantir celle des autres


💬 "Faire des affaires publiques, c’est indispensable à une industrie. Mais dans la santé, c’est aussi une question de survie collective."


Un échange passionnant sur la porosité entre l’humain, le politique, et la stratégie d’influence.

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Transcription

  • Speaker #0

    Faire des affaires publiques, c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business. Moi, je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques des professionnels de santé eux-mêmes. La santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Alexis Bataille-Amber. Alexis, tu as une riche expérience, tu es professionnel de santé, ancien militaire, tu as été consultant en affaires publiques, conseiller ministériel et animateur d'un atelier remarqué sur les affaires publiques dans le secteur de la santé lors du premier salon des affaires publiques, là où j'ai eu l'occasion de te rencontrer. Salut Alexis ! Salut,

  • Speaker #0

    tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va, ça va très bien, merci et toi ? Oui,

  • Speaker #0

    très bien, merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, seulement très très modestement dire que c'est un profil, je pense, assez atypique, à la fois dans le secteur des affaires publiques, mais aussi chez les professionnels de santé. J'en suis assez fier d'avoir ce parcours atypique, et en même temps, c'est un sujet qui peut toujours soulever des questionnements, donc c'est l'objet de ce podcast, et puis une forme d'inquiétude, parce qu'on se dit, mais c'est qui ce type ? Qui se cache derrière Alexis ? Tout simplement quelqu'un qui a envie déjà de croiser les disciplines et puis d'en faire profiter les autres.

  • Speaker #1

    On va rentrer dans qui est Alexis justement, mais avant ça, j'ai lu que tu as dit que la santé est un domaine à part dans les affaires publiques, à la fois très politique, très émotionnel, mais souvent mal investi. Est-ce que tu peux développer ce sujet ?

  • Speaker #0

    Déjà la santé dans le secteur des affaires publiques, c'est quand même un sujet particulièrement sensible. Pour moi, la santé c'est comme l'éducation, c'est comme la sécurité. Derrière cette thématique, il y a... énormément de valeur parce que c'est un sujet profondément sociétal. Quand on parle de santé, d'abord ça nous intéresse tous, puisqu'on est tous concernés par la santé. On sait que chaque mesure qui impacte cette thématique peut être hyper incarnée, peut être subjective à la fois positivement mais aussi négativement, on l'a vu sur les derniers textes qui ont été proposés. On est actuellement en cours, par exemple, de la PPL sur les pesticides qui a un impact. profond sur la santé, on l'a eu également sur le sujet de la fin de vie, on l'a eu également sur la loi infirmière, on l'a eu également sur le fameux PLFSS. Bref, tout ce qui touche à la santé incarne des valeurs, embarque des réactions, souvent épidermiques, et donc, en plus de ça, on est face à un sujet qui est extrêmement politique, régulé, avec un portefeuille d'acteurs qui ressemblent davantage à un millefeuille qu'à un portefeuille, avec des acteurs qui sont eux-mêmes complexes à traiter parce que différents niveaux de compétences, différents niveaux de responsabilités, on a des acteurs qui ne sont pas que français, mais aussi européens à prendre en compte. Bref, on est face à un sujet qui est complexe. Et de fait, quand c'est complexe, on a tendance à mal le traiter parce que soit on ne le connaît pas, soit on le méconnaît, et c'est souvent... le sujet quand on parle de santé, c'est un sujet qui est mal connu, alors que c'est quelque chose qui est présent quotidiennement dans la vie de chacun.

  • Speaker #1

    Tu dis que ça provoque beaucoup de réactions, mais donc que ce n'est pas forcément des réactions très pertinentes. Est-ce que c'est parce que les personnes qui devraient s'impliquer sur ces sujets le désertent ?

  • Speaker #0

    Je ne pense pas qu'il y ait une désertion du sujet de la santé. Au contraire, on sent que ça a une place quand même importante, au moins dans la sphère médiatique. Il ne se passe pas une journée désormais où on ne parle pas de la thématique santé, alors au sens très large, à la fois la santé humaine, la santé animale, la santé environnementale, ce que l'OMS appelle One Health, c'est un sujet qui est d'actualité. Donc des acteurs pour en parler, il y en a quand même beaucoup. Ensuite, une fois qu'on en parle, il faut agir. Là c'est déjà différent, parce que quand il s'agit d'action, à nouveau on est face à la complexité du secteur, autant technique qu'organisationnel que financier. À nouveau, quand on veut engager des actions, aussi opérationnelles soient-elles, parfois il n'y a pas de financement. Parfois le financement, pour aller le chercher, c'est très compliqué, d'abord parce que les interlocuteurs sont nombreux, parce que les sources de financement sont elles-mêmes nombreuses, parce que le moment politique n'est pas forcément le bon non plus. Donc une désertion, je ne le pense pas, en revanche une lecture un peu plus brouillée de ce secteur, oui, un brouillard encore plus, Mais quand il y a du brouillard, ça n'empêche pas de rouler. Il faut seulement changer de feu et de vitesse également.

  • Speaker #1

    Alexis, tu as été au cœur de la décision publique. Comment est-ce qu'on fait concrètement pour transformer un sujet de terrain en objet politique ?

  • Speaker #0

    Dans la décision publique, j'ai eu deux positions qui sont à la fois différentes mais extrêmement complémentaires. La première position que j'ai eue, c'était celle de rapporteur d'une mission ministérielle qui, au sein d'un cabinet ministériel, n'appartient pas. En tant que membre de ce cabinet, on a une fonction un peu satellite. On est des personnes qu'on appelle personnes qualifiées, des PQ, comme on le dit dans l'administration centrale. Et donc on a un rôle de conseil sans avoir une autorité dans la décision publique et dans la décision politique. On est souvent nommé sur décision politique. parce qu'on est expert ou parce qu'on a une présence dans le secteur qui est importante. Moi, par exemple, sur la mission initiale que j'ai copilotée avec Philippe Denormandie et Marine Kresgui, sur le sujet de la santé des professionnels de santé, la porte d'entrée de ma nomination, c'était mon passé militaire. C'était écrit stricto sensu sur la lettre de mission, identifier les bonnes pratiques, du service santé des armées en particulier, pour voir ce qui pouvait être redéployé dans le monde civil. On en était là. C'était la base de mon entrée dans la mission ministérielle. Et dans une seconde fonction que j'ai eue en octobre 2024, donc avec la mise en place du gouvernement Barnier, qui n'a pas duré très longtemps, c'était celle de conseiller ministériel. Et là, ça change quand même à la fois de posture, mais aussi de légitimité dans la décision publique. Parce que quand tu es conseiller, d'abord tu disparais derrière la parole de ton ministre. Il se trouvait que le ministre pour lequel j'ai travaillé était en raccord avec sa position, avec sa vision des choses, avec également les sujets qu'il avait estimés être prioritaires pour son Marocain.

  • Speaker #1

    C'est possible d'être conseiller et d'être en désaccord avec son ministre ?

  • Speaker #0

    Normalement, c'est plutôt une responsabilité individuelle. Normalement, lorsque tu acceptes d'être nommé conseiller, tu dois normalement avoir un feeling avec ton ministre. parce que moi j'aurais eu du mal à défendre quelqu'un. ou quelqu'une qui n'était pas raccord avec ma vision du monde et notamment du champ des solidarités, puisque je travaillais pour le ministre des Solidarités. En tant que conseiller, on est à la fois politique, parce qu'on gère le off politique, les coulisses de la vie politique, et on a également une fonction administrative, puisqu'on a une relation directe avec l'administration centrale et les parties prenantes qui évoluent dans ce secteur. Donc, comment on influence la décision publique ? Pour moi, il y a déjà un sujet autour de... la manière avec laquelle on va identifier les besoins de terrain. Parce qu'avant de construire un objet, il faut d'abord utiliser de la matière pour construire cet objet. Et les remontées de terrain aujourd'hui, elles sont nombreuses dans le secteur de la santé, et également des solidarités, mais on a du mal à se les approprier parce que ça remonte de partout, et finalement de nulle part, puisque ça brouille à nouveau les pistes, et parce que, également, je pense que la culture française n'est pas tout à fait adaptée à la... participation citoyenne. On le voit, lorsqu'il y a des remontées de terrain, souvent c'est repris, parce qu'il y a un intérêt de démontrer qu'on écoute les citoyens, mais en même temps, c'est souvent mal utilisé. Je reprends le sujet des pesticides, on est actuellement en plein dedans. Il y a une pétition qui a été signée par un million de personnes, qui se pose la question de quelle est la finalité de cette pétition, au-delà d'un débat parlementaire. Alors, je ne suis ni pour ni contre la loi, je n'ai pas de position à avoir sur ce sujet. Mais je m'interroge, en tout cas, sur la légitimité de la participation citoyenne, la manière avec laquelle cette parole va être utilisée.

  • Speaker #1

    Tu serais favorable, toi, à une sorte de référendum d'initiative citoyenne qui aurait plus de portée ?

  • Speaker #0

    De manière générale, je suis favorable à l'initiative citoyenne. On voit que ça fonctionne bien. Je prends l'exemple qui est un exemple de niche, mais en même temps assez significatif. Les ordres nationaux, Légion d'honneur, Ordre national du mérite, en tête, permettent aujourd'hui, dans leur promotion, d'intégrer une démarche d'initiative citoyenne. C'est cool. des citoyens qui se réunissent, je ne sais plus combien de citoyens exactement doivent se réunir, peuvent proposer à la chancellerie des personnes qui méritent d'être récompensées. Cette année, dans les promotions Légion d'honneur et en Nationale du Mérite, il y avait des médaillés issus de cette initiative citoyenne. Et honnêtement, ça fonctionne super bien, parce que ça veut dire qu'on va s'appuyer sur le terrain pour identifier des gens qui peut-être, potentiellement, passeront sous les radars pour différentes raisons. Ça ne veut pas dire qu'on doit faire du 100% initiative citoyenne, parce que sur un certain nombre de sujets, en fait, on ne s'en sortirait jamais. À un moment donné, d'abord, le rôle du politique, c'est aussi de prendre une décision et de faire des choix. Et en l'occurrence, si on ne s'appuie que sur les citoyens, on pourrait traiter quasiment tous les sujets de la Terre entière avec la même démarche. Donc, ça ne doit pas empêcher, en revanche, d'écouter ce que les gens racontent. Et c'est, pour moi, la base de la construction d'un objet politique. C'est s'appuyer sur le terrain. Lorsqu'on a été nommé sur la mission ministérielle liée à la santé des soignants, on a adopté, puisqu'on était trois soignants autour de la table, on a adopté une démarche de clinicien. Moi aujourd'hui quand je reçois un patient, avant de poser un diagnostic ou d'aider le médecin à poser un diagnostic, je regarde, je touche, je pronifle, je regarde son dossier, je lis et j'écoute ses plaintes. On a fait exactement la même chose. On a monté à l'initiative de la Direction Générale de l'Offre de Soins une consultation nationale auprès de 50 000 professionnels de santé pour à l'instant T avoir une cartographie de l'état de santé physique et psychique des soignants et de fait dessiner les priorités en 2023 de la santé des soignants et donc des actions à mener immédiatement. On a fait le tour, on a discuté avec les soignants. On est allé sur le terrain, on est allé identifier aussi des initiatives qui fonctionnaient. Et c'est avec cette manière de procéder qu'on a écrit notre rapport. Et aujourd'hui, ce rapport, les aléas de la vie politique ont fait qu'il y a eu un ralentissement et une suspension d'un certain nombre de décisions. Mais ça fait 15 jours ou 3 semaines que le comité de suivi ministériel a été créé à l'initiative du ministre chargé de l'accès aux soins et de la santé. Ça veut dire quand même que les choses évoluent et que les choses avancent. Et surtout, on a pu obtenir jusqu'à présent un sujet qui est transpartisan et donc neutre politiquement parce qu'il embarque tout le monde de fait.

  • Speaker #1

    Alors tu parles beaucoup de terrain. Est-ce que vous avez été approché par des chargés d'affaires publiques justement à ce moment-là ? Si vous étiez que trois, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'influence, voire peut-être plus de corruption si on va là-dedans ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors toutes les valises de billets, je les ai laissées au Bois de Vincennes, puisque j'habite près du Bois de Vincennes. Très bien. Je ne les ai pas encore utilisées, elles sont bien cachées, évidemment. que tu te fais approcher par des lobbyistes. Là, on est même au-delà des affaires publiques. C'est du vrai lobbying dans certains cas. Ça peut être à la fois des laboratoires, ça peut être des startups, ça peut être des promoteurs de solutions diverses et variées qui nous expliquent qu'ils détiennent une solution qui est formidable et qui va révolutionner et guérir, qui plus est, l'ensemble des soignants. Donc, le principe même, d'abord, c'était de conserver une forme d'éthique vis-à-vis de ces influences externes. que quand on a face à nous une centaine de parties prenantes, il faut faire le tri. Il faut prioriser également ce qui ressort comme étant légitime ou manquant de légitimité. Je ne dis pas illégitime parce qu'on parle de santé et finalement assez peu de choses qui sont illégitimes. Et puis, quel est le cap, c'est-à-dire comment on conserve une forme d'intérêt commun sur la décision qui sera donnée à l'issue. Et c'est comme ça qu'on a écrit notre rapport. D'abord, on n'en faisait pas une fin en soi de ce rapport. et comment on essayait de conserver une forme d'intérêt commun dans les recommandations qui allaient être proposées aux ministres et aux administrations centrales.

  • Speaker #1

    C'est une question dure à mesurer, je pense, mais d'après toi, quelle est la part d'influence entre terrain et entreprise représentant l'intérêt ? Qu'est-ce qui a le plus pesé dans l'écriture de la loi à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Lorsqu'on a écrit le rapport, ce qui a pesé davantage, c'était le terrain, les professionnels de santé eux-mêmes, puisque c'était eux. qui était notre sujet et notre terrain principal d'investigation. Ensuite, on a monté d'un étage, on est allé voir les décideurs, les administrations, les entreprises, publiques, privées, semi-privées ou semi-publiques, selon, dans le secteur de la santé, on appelle ça les ESPIC. On est allé également voir des entreprises, puisqu'il ne fallait quand même pas se fermer la porte, et voir comment le monde de l'industrie s'emparerait de cette thématique. Et à nouveau, comme je te l'ai dit, il faut faire le tri. D'abord parce que des solutions, il y en a beaucoup, que Est-ce que tout fonctionne ? On n'a pas la certitude. Et puis, quel est l'impact de ces actions, à la fois menées par des professionnels de santé, mais aussi par des entreprises ou des partenaires purement privés ? Et l'impact, on l'a étudié systématiquement. Aujourd'hui, ce rapport, lorsqu'on l'a remis à Agnès Fermin-Le Bodo, qui était ministre de l'époque, on s'est dit que ça n'allait pas être une fin en soi. Ça permettait de mettre le sujet dans le débat public et donc d'en faire un objet. Ça permettait également de mettre en lumière des initiatives qui étaient montées par le terrain, avec le terrain. Et c'était aussi l'occasion de rappeler au grand public que la santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité. qu'en fait le sujet de l'influence de représentants d'intérêt, on pourrait dire industriel, ça a été réduit à zéro parce que ce n'était pas le sujet de notre rapport. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas été confronté à ces personnes, mais on n'a pas fait une priorité dans notre travail. Et en tant que conseiller, pour te donner le regard de l'autre côté, évidemment, des représentants d'intérêt, on en croise beaucoup, des rendez-vous, il y en a énormément. Ce que j'ai rappelé lors de l'atelier que tu as évoqué en introduction, Beaucoup de cabinets de conseillers en affaires publiques qui accompagnent des entreprises, des fédérations, des ordres, des associations. Moi j'ai quand même été surpris de voir le niveau de certains cabinets ou de voir la qualité des livrables produits par certains cabinets. Pour certains c'est extrêmement qualitatif et les rendez-vous sont de fait productifs parce qu'une heure dans un agenda de ministre, c'est le cas de le dire, ou de conseiller, c'est assez précieux. Donc il faut que l'heure soit intéressante, qualitativement et intellectuellement productive. Il faut que ça débouche sur quelque chose. Si c'est seulement pour faire une photo avec le conseiller ou le ministre, globalement ça ne sert à rien, alors je ne suis pas contre les photos, mais je ne vois pas vraiment l'intérêt encore plus aujourd'hui, vu l'agitation de l'agenda politique, parce que le conseiller que vous rencontrez, je suis l'exemple, le conseiller que les gens rencontraient en novembre, au mois de janvier, il n'était plus là. Donc est-ce que ça vaut bien le coup de venir rencontrer pour rencontrer ? donc qu'est-ce qui est livré et livrable à l'issue de ce rendez-vous force est de constater que des cabinets ne l'ont pas bien compris et donc on avait face à nous du très quali et du pourri avec une base à 100% intelligence artificielle générative ou des notes d'argumentaire des notes de position, des propositions PPL étaient produites par Tchot-GPT pour ne pas citer la marque et là ça m'inquiète parce que quand je connais les prix pratiqués par certains cabinets. Évidemment, ce genre de clients, tu peux les enchaîner toute la journée puisque la requête sur ChatGPT, ça dure 30 secondes. Est-ce que c'est bien ça, aujourd'hui, la valeur ajoutée d'un cabinet ou d'un consultant d'affaires publiques ? Je ne le crois pas. La plus-value, et ce qu'on voyait avec des cabinets un peu plus chiadés ou des consultants un peu plus qualis, c'est la manière avec laquelle tu vas bien mettre en relation le terrain et les intérêts politiques. comment tu vas identifier les opportunités dans l'agenda politique ou institutionnel, et surtout, comment tu permets à la personne, non pas de seulement rencontrer le ministre, mais de créer du lien suffisamment robuste avec l'autorité, avec le directeur d'administration centrale, pour que cette personne se dise au moment où tel ou tel sujet arrive sur la table, « Ah oui, c'est vrai, on en a déjà parlé » . Pour moi, c'est la valeur ajoutée.

  • Speaker #1

    Alors justement, pour revenir sur le rapport, tu parles d'agitation dans les calendriers. Qu'est-ce qui devient ce rapport ? Comment est-ce qu'on peut le faire devenir un amendement, une proposition de loi ou autre ?

  • Speaker #0

    Alors ce rapport...

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a eu des suites déjà ?

  • Speaker #0

    Il a eu des suites. Il a eu des suites à retardement. C'était une bombe à retardement ce rapport, positivement. Rien n'a explosé au ministère, c'est promis. On l'a remis en octobre 2023 à Ernest-Germain-Lebaudot. Quelques mois après un remaniement, Agnès Firmand-Lebaudot quitte le gouvernement. Donc Philippe Denormandie et moi, notamment, on a repris ce sujet avec les nouveaux cabinets. On a continué à rencontrer et les ministres, et les conseillers, et l'administration centrale, et puis à travailler en parallèle aussi autour de ce sujet pour créer en quelque sorte une forme de, moi, ce que j'appelle lobbying culturel. Pourquoi ? Parce que quand on parle de lobbying, d'influence, elle n'est pas nécessairement que politique dans l'immédiat. A nouveau, est-ce que c'est bien utile de toujours aller serrer la main du ministre et de faire une photo avec lui pour lui dire « Coucou, on lui en a parlé, c'est important, vous voyez, on fait avancer les choses » . Donc, il faut mobiliser l'opinion publique, il faut mobiliser les parties prenantes, et puis il faut utiliser aussi les canaux, qui sont des canaux presque irréfutables. Et pour nous, l'un de ces outils, c'était la science. C'était produire du savoir et de la connaissance autour du sujet de la santé des soignants. Philippe de Normandie, avec la fondation dont il est délégué général, a investi dans des équipes de recherche pour que ces équipes produisent des travaux scientifiques sur le sujet de la santé des soignants. Moi, j'ai choisi de réunir l'ensemble des parties prenantes qu'on avait pu rencontrer au cours de la mission autour d'un ouvrage collectif qui était la première référence académique pluridisciplinaire sur le sujet de la santé des soignants, qui était préfacée par le vice-président du Conseil d'État, par exemple, qui nous permet aujourd'hui encore puisqu'il a été publié en mars 2025, donc il y a quand même peu de temps au moment où on enregistre, qui nous permet aujourd'hui de participer à des tables rondes, de communiquer sur les réseaux sociaux, de pouvoir aussi à chaque auteur de s'en emparer dans son coin et de l'utiliser comme un vecteur de promotion du sujet dans son écosystème. Et puis aujourd'hui, ce rapport, bon an, moins l'an, il a quand même pu produire et amener à la réalisation de... L'une de nos premières recommandations qui était la création d'un comité de suivi ministériel dédié à la santé des soignants.

  • Speaker #1

    Alors ça veut dire quoi ? Qu'est-ce que c'est concrètement ?

  • Speaker #0

    Le comité de suivi, il a pour fonction d'abord d'administrer le sujet. Parce qu'on a quand même souffert de différentes expériences où les aléas des nominations politiques font que, systématiquement, il faut ré-acculturer les cabinets, il faut ré-acculturer le ministre pour leur dire que... Aller sur tel ou tel sujet, en l'occurrence notre sujet de la santé des soignants, ça présente un intérêt. Il faut retravailler également avec les cabinets et les ministres pour identifier quel est son niveau d'appropriation du sujet. Parce que quand on parle de santé des soignants, certains peuvent regarder le sujet sous le seul angle de la santé au travail, d'autres vont plutôt le regarder sous l'angle de la qualité de vie et des conditions de travail, d'autres vont le regarder sous un angle de santé publique. Il faut se mettre à corps avec le ministre pour éviter que d'abord il y ait des défauts d'interprétation et qu'il y ait des quiproquos une fois qu'on amènera la création de telle ou telle proposition. Et donc ce comité pour nous il nous semblait important parce qu'il permet de sanctuariser le sujet du côté administratif. Ça permet aussi de continuer à battre le fer tant qu'il est chaud. Alors depuis 2023 il était un peu tiédi ce fer mais il restait quand même un petit peu malléable. Et ce fer c'est celui des parties prenantes. C'est les fédérations, les ordres, les associations, les syndicats, bref, toutes celles et ceux qui aujourd'hui déjà agissent pour cette thématique. Et puis c'est sur la base des recommandations qu'on avait formulées, sur la base des premières propositions qu'on avait dessinées en 2023, c'est proposer, et le ministre actuel a fixé cet objectif au comité de suivi, c'est proposer une feuille de route d'action et d'un pilotage d'ici la fin de l'année ou tout début de l'année prochaine.

  • Speaker #1

    Alors justement Alexis, si tu avais une réforme à proposer, si tu avais le pouvoir d'en amener une sur la table et de la faire passer, quelle serait-elle ?

  • Speaker #0

    Si j'avais du pouvoir, je ferais plein de choses. Alors pour moi, une réforme, je ne dirais peut-être pas jusqu'à utiliser le mot réforme, mais puisqu'on est dans un podcast qui parle d'affaires publiques et que c'est un sujet que je défends quand même régulièrement dans différentes séquences, moi je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques. des professionnels de santé eux-mêmes. Alors que d'abord sont les bras armés des politiques publiques de santé, puisque aujourd'hui, si les politiques publiques se réalisent dans le secteur sanitaire, social et médico-social, c'est parce que les professionnels de ce secteur font en sorte que tous les jours, il y ait une production, il y a un livrat de ces politiques, mais à contrario, ils les connaissent à peine. Ils connaissent à peine l'institution qui les dirige, alors le terme est peut-être impropre, mais en tout cas qui... leur donne un cadre juridique, un cadre de compétences, un cadre fonctionnel tout simplement. En formation initiale, pour l'avoir vécu à deux reprises, à la fois en formation d'aide-soignants, mais aussi en formation d'infirmiers, il y a quand même assez peu où ça reste du saupoudrage sur l'acculturation et l'enseignement à qu'est-ce que le ministère de la Santé, quelles sont les instances qui gouvernent le secteur de la santé, qu'est-ce qu'une fédération, qu'est-ce qu'une fédération employeur, une fédération salarié, un syndic. à un ordre, c'est quoi la différence entre les deux ? On n'a aucun enseignement là-dessus et c'est très dépendant de l'institut de formation dans lequel tu vas suivre ta formation. Sauf que, c'est comme tout, pour conduire une voiture, il faut avoir le permis et pour avoir le permis, il faut maîtriser les grandes mécaniques de la voiture. Il faut détenir le code et puis il faut comprendre comment fonctionnent les pédales et le volant. Aujourd'hui, si on veut que des professionnels de santé soient acteurs encore plus en tout cas, du système de santé, il faut qu'ils aient un minimum de compréhension, une lecture fine des rouages, de la mécanique et de la manière avec laquelle l'institution santé, j'aime bien l'appeler comme ça, agit au quotidien et en même temps s'engage dans une vision prospective sur les grands enjeux de santé à l'échelle 2040, 2050 et plus si affinité. Parce que, et on le voit au niveau de la décision publique, je vais reprendre mon exemple en tant qu'infirmier, des conseillers ministériels qui appartiennent au corps paramédical, il y en a eu très peu jusqu'à présent, voire pas du tout. Ça veut dire quelque chose, ça veut dire que d'un côté il y a un cruel manque de formation. Il y a un manque de légitimité également. Et souvent, la formation peut amener davantage de légitimité parce que quand tu es dans la maîtrise d'un sujet, tu n'as pas peur de prendre la parole pour agir sur ce sujet. Donc pour moi, si j'avais une réforme à mener, ce serait davantage de formation initiale et continue dans le secteur des affaires publiques pour les professionnels de santé au sens très large du terme, parce qu'on peut très bien être agent de service hospitalier et avoir de bonnes idées, comme un professeur d'université peut en avoir de très mauvaises.

  • Speaker #1

    On va passer à la séquence vrai-faux, donc je vais t'énoncer des phrases, tu me réponds par vrai ou faux et tu peux évidemment développer si tu le souhaites. La première phrase c'est la santé reste dominée par les gros lobbies pharmaceutiques.

  • Speaker #0

    Vrai, l'industrie pharmaceutique et l'industrie de santé de manière générale d'abord ont un large coup d'avance sur l'ensemble des acteurs du secteur, parce que ça fait partie de leur culture d'entreprise. Faire des affaires publiques c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business, tout simplement au sens positif ou négatif du terme. je ne vais pas juger, mais pour faire avancer son business, il faut faire des affaires publiques. Donc oui, aujourd'hui, ça reste dominé, mais en même temps, on constate qu'il y a beaucoup d'acteurs, de nouveaux acteurs qui arrivent sur ce marché des affaires publiques, et il y a des fédérations qui font un travail formidable sur ce sujet-là, et des associations également. Je pense à une association dans mon champ, qui est l'association Soins Professionnels de Santé. Ils ont une activité d'influence et de lobbying qui est extrêmement forte et qui permet de faire avancer. un certain nombre de sujets et de causes.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les jeunes élus ou les jeunes conseillers peut-être peuvent faire émerger des sujets s'ils jouent bien leurs cartes.

  • Speaker #0

    Vrai alors tout dépend de quelle carte tu joues et de la manière avec laquelle tu les abats tes cartes. Et pour bien connaître la mécanique du jeu, à mon sens, il faut se faire mentorer, il faut se faire tutoré, il faut se faire accompagner tout simplement. J'ai eu la chance d'être toujours accompagné, mentoré par des personnes qui avaient plus d'expérience que moi ou qui tout simplement étaient bienveillants. avec ma façon de travailler et donc m'ont toujours soutenu, accompagné et de temps en temps, même assez souvent, rappelé à l'ordre en disant bon là calme toi parce que c'est peut-être un peu too much que tu fais.

  • Speaker #1

    Et la dernière affirmation c'est l'intelligence artificielle va remplacer les collaborateurs parlementaires.

  • Speaker #0

    Non mais tout en restant vigilant, reprenant l'exemple de tout à l'heure, je dis l'IA générative elle est extrêmement présente, ça veut pas dire que c'est l'ensemble du marché et des cabinets de conseil qui le font, fort heureusement il y a quand même beaucoup encore qui conservent une large part d'éthique et de valeur professionnelle, mais il n'empêche que c'est là. Et donc c'est un peu comme dans le secteur de la santé, aujourd'hui on dit que l'IA va remplacer le médecin, parce qu'elle pose un diagnostic parfois plus fin que le médecin lui-même. Mais ce qu'on n'arrivera jamais à remplacer, c'est l'humain. Et en off, avant d'enregistrer le podcast, on discutait, et on s'est dit que le sujet relationnel, communicationnel, il était indispensable pour faire des affaires publiques. Eh bien l'IA ne remplacera aujourd'hui en tout cas pas encore la relation humaine, qui est nécessaire pour mener à bien un projet, un deal, une réunion et une relation de client avec ton partenaire en affaires publiques.

  • Speaker #1

    Tu as beaucoup parlé de formation pendant ce podcast. Est-ce que tu as un conseil pour une ou un jeune qui veut s'engager dans les affaires publiques de santé ?

  • Speaker #0

    D'abord se former, évidemment. La formation est nécessaire, mais un peu comme les métiers du soin, la formation est nécessaire pour comprendre comment fonctionne le client. corps comment fonctionnent les médicaments quelles sont les classes de tels ou tels dispositifs médical mais in fine et on apprend davantage sur le terrain parce qu'on a les mains dans le moteur d'une part et surtout parce que on le sait bien entre la théorie la pratique est quand même toujours un gars et encore plus quand on parle d'affaires publiques parce que il ya de la relation humaine et donc oui le plfss c'est bien joli d'en connaître toutes les subtilités et chaque ligne de compte mais en même temps c'est pas si simple que ça une fois que on est face à des parlementaires ou face à des collaborateurs parlementaires. ou face à l'administration centrale quand il s'agit de négocier point par point telle ou telle ligne de budget. Donc ça, à mon sens, il faut trouver dans la formation les terrains de stage les plus apprenants possibles. Et ne pas avoir peur de demander et de tenter sa chance dans des administrations ou dans des secteurs où potentiellement ça peut effrayer en se disant « non, ça ne s'est pas fait pour moi, j'en suis pas capable, je ne me sens pas légitime à nouveau » . Eh bien non, allez-y, tentez. Et puis se faire accompagner à nouveau. Et ne pas hésiter à poser des questions et à se renseigner. Aujourd'hui, on a quand même la chance sur Internet, via des podcasts comme le tien ou d'autres, de pouvoir monter en compétence doucement, tranquillement, en faisant son footing, en faisant du vélo, en prenant les transports, en faisant un trajet dans la voiture. Ne pas hésiter à se former différemment, justement avec des gens qui ont... un peu d'expérience, qui peuvent faire un retour sur cette expérience et qui peuvent donner les ficelles, les ficelles qu'on n'apprend pas à l'école, tout simplement.

  • Speaker #1

    Alexis, on arrive à la conclusion de ce podcast. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le sujet, c'est transformer la légitimité des professionnels de santé sur ce sujet des affaires publiques, y compris politiques, en disant que chacune et chacun ont cette capacité en eux, en elles. de pouvoir gravir les échelons, de pouvoir porter une parole, de pouvoir influencer la décision publique dans le secteur qui les concerne, à condition de le faire avec un minimum d'éthique et de valeur, qui restent individuelles, mais qui sont importantes à conserver, pour éviter d'aller sur des sujets d'abord trop sensibles, touchy, ou sales, tout simplement. Et si j'avais un conseil, lecture, pour justement permettre aux professionnels de santé peut-être de... d'ouvrir leur chakra sur le sujet des affaires publiques avec cet impératif d'éthique, c'est le livre Lobby Tommy, qui explique bien que dans le secteur de la santé, on a l'industrie du tabac, l'industrie pharmaceutique, bref, on perd des industries extrêmement sales, ou des lobbyings extrêmement sales. On doit conserver sa part d'éthique et choisir ses combats, tout simplement, et quand on est professionnel, je crois qu'on a cette capacité de choisir ses combats et de prioriser en fonction. de ce qui nous pousse tous à choisir cette voie professionnelle, c'est bien l'humain.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Alexis.

  • Speaker #0

    Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

Description

Professionnel de santé, ancien militaire, conseiller ministériel, et désormais consultant, Alexis Bataille-Hembert possède un parcours atypique au croisement du soin, du terrain et de la décision publique.


Dans cet épisode, il revient sur son engagement au sein d’une mission ministérielle dédiée à la santé des soignants, son passage en cabinet, mais aussi les limites du lobbying en santé – entre rapports enterrés, livrables générés par IA et manque de culture institutionnelle chez les professionnels.


Avec lui, on parle de :


✅ La complexité institutionnelle du système de santé
✅ Comment faire remonter le terrain jusqu'à l'agenda politique
✅ Pourquoi les soignants doivent s’approprier les outils des affaires publiques
✅ L’éthique indispensable dans les relations avec les représentants d’intérêt
✅ La santé des soignants comme levier systémique pour garantir celle des autres


💬 "Faire des affaires publiques, c’est indispensable à une industrie. Mais dans la santé, c’est aussi une question de survie collective."


Un échange passionnant sur la porosité entre l’humain, le politique, et la stratégie d’influence.

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Transcription

  • Speaker #0

    Faire des affaires publiques, c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business. Moi, je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques des professionnels de santé eux-mêmes. La santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Alexis Bataille-Amber. Alexis, tu as une riche expérience, tu es professionnel de santé, ancien militaire, tu as été consultant en affaires publiques, conseiller ministériel et animateur d'un atelier remarqué sur les affaires publiques dans le secteur de la santé lors du premier salon des affaires publiques, là où j'ai eu l'occasion de te rencontrer. Salut Alexis ! Salut,

  • Speaker #0

    tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va, ça va très bien, merci et toi ? Oui,

  • Speaker #0

    très bien, merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, seulement très très modestement dire que c'est un profil, je pense, assez atypique, à la fois dans le secteur des affaires publiques, mais aussi chez les professionnels de santé. J'en suis assez fier d'avoir ce parcours atypique, et en même temps, c'est un sujet qui peut toujours soulever des questionnements, donc c'est l'objet de ce podcast, et puis une forme d'inquiétude, parce qu'on se dit, mais c'est qui ce type ? Qui se cache derrière Alexis ? Tout simplement quelqu'un qui a envie déjà de croiser les disciplines et puis d'en faire profiter les autres.

  • Speaker #1

    On va rentrer dans qui est Alexis justement, mais avant ça, j'ai lu que tu as dit que la santé est un domaine à part dans les affaires publiques, à la fois très politique, très émotionnel, mais souvent mal investi. Est-ce que tu peux développer ce sujet ?

  • Speaker #0

    Déjà la santé dans le secteur des affaires publiques, c'est quand même un sujet particulièrement sensible. Pour moi, la santé c'est comme l'éducation, c'est comme la sécurité. Derrière cette thématique, il y a... énormément de valeur parce que c'est un sujet profondément sociétal. Quand on parle de santé, d'abord ça nous intéresse tous, puisqu'on est tous concernés par la santé. On sait que chaque mesure qui impacte cette thématique peut être hyper incarnée, peut être subjective à la fois positivement mais aussi négativement, on l'a vu sur les derniers textes qui ont été proposés. On est actuellement en cours, par exemple, de la PPL sur les pesticides qui a un impact. profond sur la santé, on l'a eu également sur le sujet de la fin de vie, on l'a eu également sur la loi infirmière, on l'a eu également sur le fameux PLFSS. Bref, tout ce qui touche à la santé incarne des valeurs, embarque des réactions, souvent épidermiques, et donc, en plus de ça, on est face à un sujet qui est extrêmement politique, régulé, avec un portefeuille d'acteurs qui ressemblent davantage à un millefeuille qu'à un portefeuille, avec des acteurs qui sont eux-mêmes complexes à traiter parce que différents niveaux de compétences, différents niveaux de responsabilités, on a des acteurs qui ne sont pas que français, mais aussi européens à prendre en compte. Bref, on est face à un sujet qui est complexe. Et de fait, quand c'est complexe, on a tendance à mal le traiter parce que soit on ne le connaît pas, soit on le méconnaît, et c'est souvent... le sujet quand on parle de santé, c'est un sujet qui est mal connu, alors que c'est quelque chose qui est présent quotidiennement dans la vie de chacun.

  • Speaker #1

    Tu dis que ça provoque beaucoup de réactions, mais donc que ce n'est pas forcément des réactions très pertinentes. Est-ce que c'est parce que les personnes qui devraient s'impliquer sur ces sujets le désertent ?

  • Speaker #0

    Je ne pense pas qu'il y ait une désertion du sujet de la santé. Au contraire, on sent que ça a une place quand même importante, au moins dans la sphère médiatique. Il ne se passe pas une journée désormais où on ne parle pas de la thématique santé, alors au sens très large, à la fois la santé humaine, la santé animale, la santé environnementale, ce que l'OMS appelle One Health, c'est un sujet qui est d'actualité. Donc des acteurs pour en parler, il y en a quand même beaucoup. Ensuite, une fois qu'on en parle, il faut agir. Là c'est déjà différent, parce que quand il s'agit d'action, à nouveau on est face à la complexité du secteur, autant technique qu'organisationnel que financier. À nouveau, quand on veut engager des actions, aussi opérationnelles soient-elles, parfois il n'y a pas de financement. Parfois le financement, pour aller le chercher, c'est très compliqué, d'abord parce que les interlocuteurs sont nombreux, parce que les sources de financement sont elles-mêmes nombreuses, parce que le moment politique n'est pas forcément le bon non plus. Donc une désertion, je ne le pense pas, en revanche une lecture un peu plus brouillée de ce secteur, oui, un brouillard encore plus, Mais quand il y a du brouillard, ça n'empêche pas de rouler. Il faut seulement changer de feu et de vitesse également.

  • Speaker #1

    Alexis, tu as été au cœur de la décision publique. Comment est-ce qu'on fait concrètement pour transformer un sujet de terrain en objet politique ?

  • Speaker #0

    Dans la décision publique, j'ai eu deux positions qui sont à la fois différentes mais extrêmement complémentaires. La première position que j'ai eue, c'était celle de rapporteur d'une mission ministérielle qui, au sein d'un cabinet ministériel, n'appartient pas. En tant que membre de ce cabinet, on a une fonction un peu satellite. On est des personnes qu'on appelle personnes qualifiées, des PQ, comme on le dit dans l'administration centrale. Et donc on a un rôle de conseil sans avoir une autorité dans la décision publique et dans la décision politique. On est souvent nommé sur décision politique. parce qu'on est expert ou parce qu'on a une présence dans le secteur qui est importante. Moi, par exemple, sur la mission initiale que j'ai copilotée avec Philippe Denormandie et Marine Kresgui, sur le sujet de la santé des professionnels de santé, la porte d'entrée de ma nomination, c'était mon passé militaire. C'était écrit stricto sensu sur la lettre de mission, identifier les bonnes pratiques, du service santé des armées en particulier, pour voir ce qui pouvait être redéployé dans le monde civil. On en était là. C'était la base de mon entrée dans la mission ministérielle. Et dans une seconde fonction que j'ai eue en octobre 2024, donc avec la mise en place du gouvernement Barnier, qui n'a pas duré très longtemps, c'était celle de conseiller ministériel. Et là, ça change quand même à la fois de posture, mais aussi de légitimité dans la décision publique. Parce que quand tu es conseiller, d'abord tu disparais derrière la parole de ton ministre. Il se trouvait que le ministre pour lequel j'ai travaillé était en raccord avec sa position, avec sa vision des choses, avec également les sujets qu'il avait estimés être prioritaires pour son Marocain.

  • Speaker #1

    C'est possible d'être conseiller et d'être en désaccord avec son ministre ?

  • Speaker #0

    Normalement, c'est plutôt une responsabilité individuelle. Normalement, lorsque tu acceptes d'être nommé conseiller, tu dois normalement avoir un feeling avec ton ministre. parce que moi j'aurais eu du mal à défendre quelqu'un. ou quelqu'une qui n'était pas raccord avec ma vision du monde et notamment du champ des solidarités, puisque je travaillais pour le ministre des Solidarités. En tant que conseiller, on est à la fois politique, parce qu'on gère le off politique, les coulisses de la vie politique, et on a également une fonction administrative, puisqu'on a une relation directe avec l'administration centrale et les parties prenantes qui évoluent dans ce secteur. Donc, comment on influence la décision publique ? Pour moi, il y a déjà un sujet autour de... la manière avec laquelle on va identifier les besoins de terrain. Parce qu'avant de construire un objet, il faut d'abord utiliser de la matière pour construire cet objet. Et les remontées de terrain aujourd'hui, elles sont nombreuses dans le secteur de la santé, et également des solidarités, mais on a du mal à se les approprier parce que ça remonte de partout, et finalement de nulle part, puisque ça brouille à nouveau les pistes, et parce que, également, je pense que la culture française n'est pas tout à fait adaptée à la... participation citoyenne. On le voit, lorsqu'il y a des remontées de terrain, souvent c'est repris, parce qu'il y a un intérêt de démontrer qu'on écoute les citoyens, mais en même temps, c'est souvent mal utilisé. Je reprends le sujet des pesticides, on est actuellement en plein dedans. Il y a une pétition qui a été signée par un million de personnes, qui se pose la question de quelle est la finalité de cette pétition, au-delà d'un débat parlementaire. Alors, je ne suis ni pour ni contre la loi, je n'ai pas de position à avoir sur ce sujet. Mais je m'interroge, en tout cas, sur la légitimité de la participation citoyenne, la manière avec laquelle cette parole va être utilisée.

  • Speaker #1

    Tu serais favorable, toi, à une sorte de référendum d'initiative citoyenne qui aurait plus de portée ?

  • Speaker #0

    De manière générale, je suis favorable à l'initiative citoyenne. On voit que ça fonctionne bien. Je prends l'exemple qui est un exemple de niche, mais en même temps assez significatif. Les ordres nationaux, Légion d'honneur, Ordre national du mérite, en tête, permettent aujourd'hui, dans leur promotion, d'intégrer une démarche d'initiative citoyenne. C'est cool. des citoyens qui se réunissent, je ne sais plus combien de citoyens exactement doivent se réunir, peuvent proposer à la chancellerie des personnes qui méritent d'être récompensées. Cette année, dans les promotions Légion d'honneur et en Nationale du Mérite, il y avait des médaillés issus de cette initiative citoyenne. Et honnêtement, ça fonctionne super bien, parce que ça veut dire qu'on va s'appuyer sur le terrain pour identifier des gens qui peut-être, potentiellement, passeront sous les radars pour différentes raisons. Ça ne veut pas dire qu'on doit faire du 100% initiative citoyenne, parce que sur un certain nombre de sujets, en fait, on ne s'en sortirait jamais. À un moment donné, d'abord, le rôle du politique, c'est aussi de prendre une décision et de faire des choix. Et en l'occurrence, si on ne s'appuie que sur les citoyens, on pourrait traiter quasiment tous les sujets de la Terre entière avec la même démarche. Donc, ça ne doit pas empêcher, en revanche, d'écouter ce que les gens racontent. Et c'est, pour moi, la base de la construction d'un objet politique. C'est s'appuyer sur le terrain. Lorsqu'on a été nommé sur la mission ministérielle liée à la santé des soignants, on a adopté, puisqu'on était trois soignants autour de la table, on a adopté une démarche de clinicien. Moi aujourd'hui quand je reçois un patient, avant de poser un diagnostic ou d'aider le médecin à poser un diagnostic, je regarde, je touche, je pronifle, je regarde son dossier, je lis et j'écoute ses plaintes. On a fait exactement la même chose. On a monté à l'initiative de la Direction Générale de l'Offre de Soins une consultation nationale auprès de 50 000 professionnels de santé pour à l'instant T avoir une cartographie de l'état de santé physique et psychique des soignants et de fait dessiner les priorités en 2023 de la santé des soignants et donc des actions à mener immédiatement. On a fait le tour, on a discuté avec les soignants. On est allé sur le terrain, on est allé identifier aussi des initiatives qui fonctionnaient. Et c'est avec cette manière de procéder qu'on a écrit notre rapport. Et aujourd'hui, ce rapport, les aléas de la vie politique ont fait qu'il y a eu un ralentissement et une suspension d'un certain nombre de décisions. Mais ça fait 15 jours ou 3 semaines que le comité de suivi ministériel a été créé à l'initiative du ministre chargé de l'accès aux soins et de la santé. Ça veut dire quand même que les choses évoluent et que les choses avancent. Et surtout, on a pu obtenir jusqu'à présent un sujet qui est transpartisan et donc neutre politiquement parce qu'il embarque tout le monde de fait.

  • Speaker #1

    Alors tu parles beaucoup de terrain. Est-ce que vous avez été approché par des chargés d'affaires publiques justement à ce moment-là ? Si vous étiez que trois, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'influence, voire peut-être plus de corruption si on va là-dedans ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors toutes les valises de billets, je les ai laissées au Bois de Vincennes, puisque j'habite près du Bois de Vincennes. Très bien. Je ne les ai pas encore utilisées, elles sont bien cachées, évidemment. que tu te fais approcher par des lobbyistes. Là, on est même au-delà des affaires publiques. C'est du vrai lobbying dans certains cas. Ça peut être à la fois des laboratoires, ça peut être des startups, ça peut être des promoteurs de solutions diverses et variées qui nous expliquent qu'ils détiennent une solution qui est formidable et qui va révolutionner et guérir, qui plus est, l'ensemble des soignants. Donc, le principe même, d'abord, c'était de conserver une forme d'éthique vis-à-vis de ces influences externes. que quand on a face à nous une centaine de parties prenantes, il faut faire le tri. Il faut prioriser également ce qui ressort comme étant légitime ou manquant de légitimité. Je ne dis pas illégitime parce qu'on parle de santé et finalement assez peu de choses qui sont illégitimes. Et puis, quel est le cap, c'est-à-dire comment on conserve une forme d'intérêt commun sur la décision qui sera donnée à l'issue. Et c'est comme ça qu'on a écrit notre rapport. D'abord, on n'en faisait pas une fin en soi de ce rapport. et comment on essayait de conserver une forme d'intérêt commun dans les recommandations qui allaient être proposées aux ministres et aux administrations centrales.

  • Speaker #1

    C'est une question dure à mesurer, je pense, mais d'après toi, quelle est la part d'influence entre terrain et entreprise représentant l'intérêt ? Qu'est-ce qui a le plus pesé dans l'écriture de la loi à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Lorsqu'on a écrit le rapport, ce qui a pesé davantage, c'était le terrain, les professionnels de santé eux-mêmes, puisque c'était eux. qui était notre sujet et notre terrain principal d'investigation. Ensuite, on a monté d'un étage, on est allé voir les décideurs, les administrations, les entreprises, publiques, privées, semi-privées ou semi-publiques, selon, dans le secteur de la santé, on appelle ça les ESPIC. On est allé également voir des entreprises, puisqu'il ne fallait quand même pas se fermer la porte, et voir comment le monde de l'industrie s'emparerait de cette thématique. Et à nouveau, comme je te l'ai dit, il faut faire le tri. D'abord parce que des solutions, il y en a beaucoup, que Est-ce que tout fonctionne ? On n'a pas la certitude. Et puis, quel est l'impact de ces actions, à la fois menées par des professionnels de santé, mais aussi par des entreprises ou des partenaires purement privés ? Et l'impact, on l'a étudié systématiquement. Aujourd'hui, ce rapport, lorsqu'on l'a remis à Agnès Fermin-Le Bodo, qui était ministre de l'époque, on s'est dit que ça n'allait pas être une fin en soi. Ça permettait de mettre le sujet dans le débat public et donc d'en faire un objet. Ça permettait également de mettre en lumière des initiatives qui étaient montées par le terrain, avec le terrain. Et c'était aussi l'occasion de rappeler au grand public que la santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité. qu'en fait le sujet de l'influence de représentants d'intérêt, on pourrait dire industriel, ça a été réduit à zéro parce que ce n'était pas le sujet de notre rapport. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas été confronté à ces personnes, mais on n'a pas fait une priorité dans notre travail. Et en tant que conseiller, pour te donner le regard de l'autre côté, évidemment, des représentants d'intérêt, on en croise beaucoup, des rendez-vous, il y en a énormément. Ce que j'ai rappelé lors de l'atelier que tu as évoqué en introduction, Beaucoup de cabinets de conseillers en affaires publiques qui accompagnent des entreprises, des fédérations, des ordres, des associations. Moi j'ai quand même été surpris de voir le niveau de certains cabinets ou de voir la qualité des livrables produits par certains cabinets. Pour certains c'est extrêmement qualitatif et les rendez-vous sont de fait productifs parce qu'une heure dans un agenda de ministre, c'est le cas de le dire, ou de conseiller, c'est assez précieux. Donc il faut que l'heure soit intéressante, qualitativement et intellectuellement productive. Il faut que ça débouche sur quelque chose. Si c'est seulement pour faire une photo avec le conseiller ou le ministre, globalement ça ne sert à rien, alors je ne suis pas contre les photos, mais je ne vois pas vraiment l'intérêt encore plus aujourd'hui, vu l'agitation de l'agenda politique, parce que le conseiller que vous rencontrez, je suis l'exemple, le conseiller que les gens rencontraient en novembre, au mois de janvier, il n'était plus là. Donc est-ce que ça vaut bien le coup de venir rencontrer pour rencontrer ? donc qu'est-ce qui est livré et livrable à l'issue de ce rendez-vous force est de constater que des cabinets ne l'ont pas bien compris et donc on avait face à nous du très quali et du pourri avec une base à 100% intelligence artificielle générative ou des notes d'argumentaire des notes de position, des propositions PPL étaient produites par Tchot-GPT pour ne pas citer la marque et là ça m'inquiète parce que quand je connais les prix pratiqués par certains cabinets. Évidemment, ce genre de clients, tu peux les enchaîner toute la journée puisque la requête sur ChatGPT, ça dure 30 secondes. Est-ce que c'est bien ça, aujourd'hui, la valeur ajoutée d'un cabinet ou d'un consultant d'affaires publiques ? Je ne le crois pas. La plus-value, et ce qu'on voyait avec des cabinets un peu plus chiadés ou des consultants un peu plus qualis, c'est la manière avec laquelle tu vas bien mettre en relation le terrain et les intérêts politiques. comment tu vas identifier les opportunités dans l'agenda politique ou institutionnel, et surtout, comment tu permets à la personne, non pas de seulement rencontrer le ministre, mais de créer du lien suffisamment robuste avec l'autorité, avec le directeur d'administration centrale, pour que cette personne se dise au moment où tel ou tel sujet arrive sur la table, « Ah oui, c'est vrai, on en a déjà parlé » . Pour moi, c'est la valeur ajoutée.

  • Speaker #1

    Alors justement, pour revenir sur le rapport, tu parles d'agitation dans les calendriers. Qu'est-ce qui devient ce rapport ? Comment est-ce qu'on peut le faire devenir un amendement, une proposition de loi ou autre ?

  • Speaker #0

    Alors ce rapport...

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a eu des suites déjà ?

  • Speaker #0

    Il a eu des suites. Il a eu des suites à retardement. C'était une bombe à retardement ce rapport, positivement. Rien n'a explosé au ministère, c'est promis. On l'a remis en octobre 2023 à Ernest-Germain-Lebaudot. Quelques mois après un remaniement, Agnès Firmand-Lebaudot quitte le gouvernement. Donc Philippe Denormandie et moi, notamment, on a repris ce sujet avec les nouveaux cabinets. On a continué à rencontrer et les ministres, et les conseillers, et l'administration centrale, et puis à travailler en parallèle aussi autour de ce sujet pour créer en quelque sorte une forme de, moi, ce que j'appelle lobbying culturel. Pourquoi ? Parce que quand on parle de lobbying, d'influence, elle n'est pas nécessairement que politique dans l'immédiat. A nouveau, est-ce que c'est bien utile de toujours aller serrer la main du ministre et de faire une photo avec lui pour lui dire « Coucou, on lui en a parlé, c'est important, vous voyez, on fait avancer les choses » . Donc, il faut mobiliser l'opinion publique, il faut mobiliser les parties prenantes, et puis il faut utiliser aussi les canaux, qui sont des canaux presque irréfutables. Et pour nous, l'un de ces outils, c'était la science. C'était produire du savoir et de la connaissance autour du sujet de la santé des soignants. Philippe de Normandie, avec la fondation dont il est délégué général, a investi dans des équipes de recherche pour que ces équipes produisent des travaux scientifiques sur le sujet de la santé des soignants. Moi, j'ai choisi de réunir l'ensemble des parties prenantes qu'on avait pu rencontrer au cours de la mission autour d'un ouvrage collectif qui était la première référence académique pluridisciplinaire sur le sujet de la santé des soignants, qui était préfacée par le vice-président du Conseil d'État, par exemple, qui nous permet aujourd'hui encore puisqu'il a été publié en mars 2025, donc il y a quand même peu de temps au moment où on enregistre, qui nous permet aujourd'hui de participer à des tables rondes, de communiquer sur les réseaux sociaux, de pouvoir aussi à chaque auteur de s'en emparer dans son coin et de l'utiliser comme un vecteur de promotion du sujet dans son écosystème. Et puis aujourd'hui, ce rapport, bon an, moins l'an, il a quand même pu produire et amener à la réalisation de... L'une de nos premières recommandations qui était la création d'un comité de suivi ministériel dédié à la santé des soignants.

  • Speaker #1

    Alors ça veut dire quoi ? Qu'est-ce que c'est concrètement ?

  • Speaker #0

    Le comité de suivi, il a pour fonction d'abord d'administrer le sujet. Parce qu'on a quand même souffert de différentes expériences où les aléas des nominations politiques font que, systématiquement, il faut ré-acculturer les cabinets, il faut ré-acculturer le ministre pour leur dire que... Aller sur tel ou tel sujet, en l'occurrence notre sujet de la santé des soignants, ça présente un intérêt. Il faut retravailler également avec les cabinets et les ministres pour identifier quel est son niveau d'appropriation du sujet. Parce que quand on parle de santé des soignants, certains peuvent regarder le sujet sous le seul angle de la santé au travail, d'autres vont plutôt le regarder sous l'angle de la qualité de vie et des conditions de travail, d'autres vont le regarder sous un angle de santé publique. Il faut se mettre à corps avec le ministre pour éviter que d'abord il y ait des défauts d'interprétation et qu'il y ait des quiproquos une fois qu'on amènera la création de telle ou telle proposition. Et donc ce comité pour nous il nous semblait important parce qu'il permet de sanctuariser le sujet du côté administratif. Ça permet aussi de continuer à battre le fer tant qu'il est chaud. Alors depuis 2023 il était un peu tiédi ce fer mais il restait quand même un petit peu malléable. Et ce fer c'est celui des parties prenantes. C'est les fédérations, les ordres, les associations, les syndicats, bref, toutes celles et ceux qui aujourd'hui déjà agissent pour cette thématique. Et puis c'est sur la base des recommandations qu'on avait formulées, sur la base des premières propositions qu'on avait dessinées en 2023, c'est proposer, et le ministre actuel a fixé cet objectif au comité de suivi, c'est proposer une feuille de route d'action et d'un pilotage d'ici la fin de l'année ou tout début de l'année prochaine.

  • Speaker #1

    Alors justement Alexis, si tu avais une réforme à proposer, si tu avais le pouvoir d'en amener une sur la table et de la faire passer, quelle serait-elle ?

  • Speaker #0

    Si j'avais du pouvoir, je ferais plein de choses. Alors pour moi, une réforme, je ne dirais peut-être pas jusqu'à utiliser le mot réforme, mais puisqu'on est dans un podcast qui parle d'affaires publiques et que c'est un sujet que je défends quand même régulièrement dans différentes séquences, moi je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques. des professionnels de santé eux-mêmes. Alors que d'abord sont les bras armés des politiques publiques de santé, puisque aujourd'hui, si les politiques publiques se réalisent dans le secteur sanitaire, social et médico-social, c'est parce que les professionnels de ce secteur font en sorte que tous les jours, il y ait une production, il y a un livrat de ces politiques, mais à contrario, ils les connaissent à peine. Ils connaissent à peine l'institution qui les dirige, alors le terme est peut-être impropre, mais en tout cas qui... leur donne un cadre juridique, un cadre de compétences, un cadre fonctionnel tout simplement. En formation initiale, pour l'avoir vécu à deux reprises, à la fois en formation d'aide-soignants, mais aussi en formation d'infirmiers, il y a quand même assez peu où ça reste du saupoudrage sur l'acculturation et l'enseignement à qu'est-ce que le ministère de la Santé, quelles sont les instances qui gouvernent le secteur de la santé, qu'est-ce qu'une fédération, qu'est-ce qu'une fédération employeur, une fédération salarié, un syndic. à un ordre, c'est quoi la différence entre les deux ? On n'a aucun enseignement là-dessus et c'est très dépendant de l'institut de formation dans lequel tu vas suivre ta formation. Sauf que, c'est comme tout, pour conduire une voiture, il faut avoir le permis et pour avoir le permis, il faut maîtriser les grandes mécaniques de la voiture. Il faut détenir le code et puis il faut comprendre comment fonctionnent les pédales et le volant. Aujourd'hui, si on veut que des professionnels de santé soient acteurs encore plus en tout cas, du système de santé, il faut qu'ils aient un minimum de compréhension, une lecture fine des rouages, de la mécanique et de la manière avec laquelle l'institution santé, j'aime bien l'appeler comme ça, agit au quotidien et en même temps s'engage dans une vision prospective sur les grands enjeux de santé à l'échelle 2040, 2050 et plus si affinité. Parce que, et on le voit au niveau de la décision publique, je vais reprendre mon exemple en tant qu'infirmier, des conseillers ministériels qui appartiennent au corps paramédical, il y en a eu très peu jusqu'à présent, voire pas du tout. Ça veut dire quelque chose, ça veut dire que d'un côté il y a un cruel manque de formation. Il y a un manque de légitimité également. Et souvent, la formation peut amener davantage de légitimité parce que quand tu es dans la maîtrise d'un sujet, tu n'as pas peur de prendre la parole pour agir sur ce sujet. Donc pour moi, si j'avais une réforme à mener, ce serait davantage de formation initiale et continue dans le secteur des affaires publiques pour les professionnels de santé au sens très large du terme, parce qu'on peut très bien être agent de service hospitalier et avoir de bonnes idées, comme un professeur d'université peut en avoir de très mauvaises.

  • Speaker #1

    On va passer à la séquence vrai-faux, donc je vais t'énoncer des phrases, tu me réponds par vrai ou faux et tu peux évidemment développer si tu le souhaites. La première phrase c'est la santé reste dominée par les gros lobbies pharmaceutiques.

  • Speaker #0

    Vrai, l'industrie pharmaceutique et l'industrie de santé de manière générale d'abord ont un large coup d'avance sur l'ensemble des acteurs du secteur, parce que ça fait partie de leur culture d'entreprise. Faire des affaires publiques c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business, tout simplement au sens positif ou négatif du terme. je ne vais pas juger, mais pour faire avancer son business, il faut faire des affaires publiques. Donc oui, aujourd'hui, ça reste dominé, mais en même temps, on constate qu'il y a beaucoup d'acteurs, de nouveaux acteurs qui arrivent sur ce marché des affaires publiques, et il y a des fédérations qui font un travail formidable sur ce sujet-là, et des associations également. Je pense à une association dans mon champ, qui est l'association Soins Professionnels de Santé. Ils ont une activité d'influence et de lobbying qui est extrêmement forte et qui permet de faire avancer. un certain nombre de sujets et de causes.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les jeunes élus ou les jeunes conseillers peut-être peuvent faire émerger des sujets s'ils jouent bien leurs cartes.

  • Speaker #0

    Vrai alors tout dépend de quelle carte tu joues et de la manière avec laquelle tu les abats tes cartes. Et pour bien connaître la mécanique du jeu, à mon sens, il faut se faire mentorer, il faut se faire tutoré, il faut se faire accompagner tout simplement. J'ai eu la chance d'être toujours accompagné, mentoré par des personnes qui avaient plus d'expérience que moi ou qui tout simplement étaient bienveillants. avec ma façon de travailler et donc m'ont toujours soutenu, accompagné et de temps en temps, même assez souvent, rappelé à l'ordre en disant bon là calme toi parce que c'est peut-être un peu too much que tu fais.

  • Speaker #1

    Et la dernière affirmation c'est l'intelligence artificielle va remplacer les collaborateurs parlementaires.

  • Speaker #0

    Non mais tout en restant vigilant, reprenant l'exemple de tout à l'heure, je dis l'IA générative elle est extrêmement présente, ça veut pas dire que c'est l'ensemble du marché et des cabinets de conseil qui le font, fort heureusement il y a quand même beaucoup encore qui conservent une large part d'éthique et de valeur professionnelle, mais il n'empêche que c'est là. Et donc c'est un peu comme dans le secteur de la santé, aujourd'hui on dit que l'IA va remplacer le médecin, parce qu'elle pose un diagnostic parfois plus fin que le médecin lui-même. Mais ce qu'on n'arrivera jamais à remplacer, c'est l'humain. Et en off, avant d'enregistrer le podcast, on discutait, et on s'est dit que le sujet relationnel, communicationnel, il était indispensable pour faire des affaires publiques. Eh bien l'IA ne remplacera aujourd'hui en tout cas pas encore la relation humaine, qui est nécessaire pour mener à bien un projet, un deal, une réunion et une relation de client avec ton partenaire en affaires publiques.

  • Speaker #1

    Tu as beaucoup parlé de formation pendant ce podcast. Est-ce que tu as un conseil pour une ou un jeune qui veut s'engager dans les affaires publiques de santé ?

  • Speaker #0

    D'abord se former, évidemment. La formation est nécessaire, mais un peu comme les métiers du soin, la formation est nécessaire pour comprendre comment fonctionne le client. corps comment fonctionnent les médicaments quelles sont les classes de tels ou tels dispositifs médical mais in fine et on apprend davantage sur le terrain parce qu'on a les mains dans le moteur d'une part et surtout parce que on le sait bien entre la théorie la pratique est quand même toujours un gars et encore plus quand on parle d'affaires publiques parce que il ya de la relation humaine et donc oui le plfss c'est bien joli d'en connaître toutes les subtilités et chaque ligne de compte mais en même temps c'est pas si simple que ça une fois que on est face à des parlementaires ou face à des collaborateurs parlementaires. ou face à l'administration centrale quand il s'agit de négocier point par point telle ou telle ligne de budget. Donc ça, à mon sens, il faut trouver dans la formation les terrains de stage les plus apprenants possibles. Et ne pas avoir peur de demander et de tenter sa chance dans des administrations ou dans des secteurs où potentiellement ça peut effrayer en se disant « non, ça ne s'est pas fait pour moi, j'en suis pas capable, je ne me sens pas légitime à nouveau » . Eh bien non, allez-y, tentez. Et puis se faire accompagner à nouveau. Et ne pas hésiter à poser des questions et à se renseigner. Aujourd'hui, on a quand même la chance sur Internet, via des podcasts comme le tien ou d'autres, de pouvoir monter en compétence doucement, tranquillement, en faisant son footing, en faisant du vélo, en prenant les transports, en faisant un trajet dans la voiture. Ne pas hésiter à se former différemment, justement avec des gens qui ont... un peu d'expérience, qui peuvent faire un retour sur cette expérience et qui peuvent donner les ficelles, les ficelles qu'on n'apprend pas à l'école, tout simplement.

  • Speaker #1

    Alexis, on arrive à la conclusion de ce podcast. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le sujet, c'est transformer la légitimité des professionnels de santé sur ce sujet des affaires publiques, y compris politiques, en disant que chacune et chacun ont cette capacité en eux, en elles. de pouvoir gravir les échelons, de pouvoir porter une parole, de pouvoir influencer la décision publique dans le secteur qui les concerne, à condition de le faire avec un minimum d'éthique et de valeur, qui restent individuelles, mais qui sont importantes à conserver, pour éviter d'aller sur des sujets d'abord trop sensibles, touchy, ou sales, tout simplement. Et si j'avais un conseil, lecture, pour justement permettre aux professionnels de santé peut-être de... d'ouvrir leur chakra sur le sujet des affaires publiques avec cet impératif d'éthique, c'est le livre Lobby Tommy, qui explique bien que dans le secteur de la santé, on a l'industrie du tabac, l'industrie pharmaceutique, bref, on perd des industries extrêmement sales, ou des lobbyings extrêmement sales. On doit conserver sa part d'éthique et choisir ses combats, tout simplement, et quand on est professionnel, je crois qu'on a cette capacité de choisir ses combats et de prioriser en fonction. de ce qui nous pousse tous à choisir cette voie professionnelle, c'est bien l'humain.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Alexis.

  • Speaker #0

    Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

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Description

Professionnel de santé, ancien militaire, conseiller ministériel, et désormais consultant, Alexis Bataille-Hembert possède un parcours atypique au croisement du soin, du terrain et de la décision publique.


Dans cet épisode, il revient sur son engagement au sein d’une mission ministérielle dédiée à la santé des soignants, son passage en cabinet, mais aussi les limites du lobbying en santé – entre rapports enterrés, livrables générés par IA et manque de culture institutionnelle chez les professionnels.


Avec lui, on parle de :


✅ La complexité institutionnelle du système de santé
✅ Comment faire remonter le terrain jusqu'à l'agenda politique
✅ Pourquoi les soignants doivent s’approprier les outils des affaires publiques
✅ L’éthique indispensable dans les relations avec les représentants d’intérêt
✅ La santé des soignants comme levier systémique pour garantir celle des autres


💬 "Faire des affaires publiques, c’est indispensable à une industrie. Mais dans la santé, c’est aussi une question de survie collective."


Un échange passionnant sur la porosité entre l’humain, le politique, et la stratégie d’influence.

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Transcription

  • Speaker #0

    Faire des affaires publiques, c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business. Moi, je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques des professionnels de santé eux-mêmes. La santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Alexis Bataille-Amber. Alexis, tu as une riche expérience, tu es professionnel de santé, ancien militaire, tu as été consultant en affaires publiques, conseiller ministériel et animateur d'un atelier remarqué sur les affaires publiques dans le secteur de la santé lors du premier salon des affaires publiques, là où j'ai eu l'occasion de te rencontrer. Salut Alexis ! Salut,

  • Speaker #0

    tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va, ça va très bien, merci et toi ? Oui,

  • Speaker #0

    très bien, merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, seulement très très modestement dire que c'est un profil, je pense, assez atypique, à la fois dans le secteur des affaires publiques, mais aussi chez les professionnels de santé. J'en suis assez fier d'avoir ce parcours atypique, et en même temps, c'est un sujet qui peut toujours soulever des questionnements, donc c'est l'objet de ce podcast, et puis une forme d'inquiétude, parce qu'on se dit, mais c'est qui ce type ? Qui se cache derrière Alexis ? Tout simplement quelqu'un qui a envie déjà de croiser les disciplines et puis d'en faire profiter les autres.

  • Speaker #1

    On va rentrer dans qui est Alexis justement, mais avant ça, j'ai lu que tu as dit que la santé est un domaine à part dans les affaires publiques, à la fois très politique, très émotionnel, mais souvent mal investi. Est-ce que tu peux développer ce sujet ?

  • Speaker #0

    Déjà la santé dans le secteur des affaires publiques, c'est quand même un sujet particulièrement sensible. Pour moi, la santé c'est comme l'éducation, c'est comme la sécurité. Derrière cette thématique, il y a... énormément de valeur parce que c'est un sujet profondément sociétal. Quand on parle de santé, d'abord ça nous intéresse tous, puisqu'on est tous concernés par la santé. On sait que chaque mesure qui impacte cette thématique peut être hyper incarnée, peut être subjective à la fois positivement mais aussi négativement, on l'a vu sur les derniers textes qui ont été proposés. On est actuellement en cours, par exemple, de la PPL sur les pesticides qui a un impact. profond sur la santé, on l'a eu également sur le sujet de la fin de vie, on l'a eu également sur la loi infirmière, on l'a eu également sur le fameux PLFSS. Bref, tout ce qui touche à la santé incarne des valeurs, embarque des réactions, souvent épidermiques, et donc, en plus de ça, on est face à un sujet qui est extrêmement politique, régulé, avec un portefeuille d'acteurs qui ressemblent davantage à un millefeuille qu'à un portefeuille, avec des acteurs qui sont eux-mêmes complexes à traiter parce que différents niveaux de compétences, différents niveaux de responsabilités, on a des acteurs qui ne sont pas que français, mais aussi européens à prendre en compte. Bref, on est face à un sujet qui est complexe. Et de fait, quand c'est complexe, on a tendance à mal le traiter parce que soit on ne le connaît pas, soit on le méconnaît, et c'est souvent... le sujet quand on parle de santé, c'est un sujet qui est mal connu, alors que c'est quelque chose qui est présent quotidiennement dans la vie de chacun.

  • Speaker #1

    Tu dis que ça provoque beaucoup de réactions, mais donc que ce n'est pas forcément des réactions très pertinentes. Est-ce que c'est parce que les personnes qui devraient s'impliquer sur ces sujets le désertent ?

  • Speaker #0

    Je ne pense pas qu'il y ait une désertion du sujet de la santé. Au contraire, on sent que ça a une place quand même importante, au moins dans la sphère médiatique. Il ne se passe pas une journée désormais où on ne parle pas de la thématique santé, alors au sens très large, à la fois la santé humaine, la santé animale, la santé environnementale, ce que l'OMS appelle One Health, c'est un sujet qui est d'actualité. Donc des acteurs pour en parler, il y en a quand même beaucoup. Ensuite, une fois qu'on en parle, il faut agir. Là c'est déjà différent, parce que quand il s'agit d'action, à nouveau on est face à la complexité du secteur, autant technique qu'organisationnel que financier. À nouveau, quand on veut engager des actions, aussi opérationnelles soient-elles, parfois il n'y a pas de financement. Parfois le financement, pour aller le chercher, c'est très compliqué, d'abord parce que les interlocuteurs sont nombreux, parce que les sources de financement sont elles-mêmes nombreuses, parce que le moment politique n'est pas forcément le bon non plus. Donc une désertion, je ne le pense pas, en revanche une lecture un peu plus brouillée de ce secteur, oui, un brouillard encore plus, Mais quand il y a du brouillard, ça n'empêche pas de rouler. Il faut seulement changer de feu et de vitesse également.

  • Speaker #1

    Alexis, tu as été au cœur de la décision publique. Comment est-ce qu'on fait concrètement pour transformer un sujet de terrain en objet politique ?

  • Speaker #0

    Dans la décision publique, j'ai eu deux positions qui sont à la fois différentes mais extrêmement complémentaires. La première position que j'ai eue, c'était celle de rapporteur d'une mission ministérielle qui, au sein d'un cabinet ministériel, n'appartient pas. En tant que membre de ce cabinet, on a une fonction un peu satellite. On est des personnes qu'on appelle personnes qualifiées, des PQ, comme on le dit dans l'administration centrale. Et donc on a un rôle de conseil sans avoir une autorité dans la décision publique et dans la décision politique. On est souvent nommé sur décision politique. parce qu'on est expert ou parce qu'on a une présence dans le secteur qui est importante. Moi, par exemple, sur la mission initiale que j'ai copilotée avec Philippe Denormandie et Marine Kresgui, sur le sujet de la santé des professionnels de santé, la porte d'entrée de ma nomination, c'était mon passé militaire. C'était écrit stricto sensu sur la lettre de mission, identifier les bonnes pratiques, du service santé des armées en particulier, pour voir ce qui pouvait être redéployé dans le monde civil. On en était là. C'était la base de mon entrée dans la mission ministérielle. Et dans une seconde fonction que j'ai eue en octobre 2024, donc avec la mise en place du gouvernement Barnier, qui n'a pas duré très longtemps, c'était celle de conseiller ministériel. Et là, ça change quand même à la fois de posture, mais aussi de légitimité dans la décision publique. Parce que quand tu es conseiller, d'abord tu disparais derrière la parole de ton ministre. Il se trouvait que le ministre pour lequel j'ai travaillé était en raccord avec sa position, avec sa vision des choses, avec également les sujets qu'il avait estimés être prioritaires pour son Marocain.

  • Speaker #1

    C'est possible d'être conseiller et d'être en désaccord avec son ministre ?

  • Speaker #0

    Normalement, c'est plutôt une responsabilité individuelle. Normalement, lorsque tu acceptes d'être nommé conseiller, tu dois normalement avoir un feeling avec ton ministre. parce que moi j'aurais eu du mal à défendre quelqu'un. ou quelqu'une qui n'était pas raccord avec ma vision du monde et notamment du champ des solidarités, puisque je travaillais pour le ministre des Solidarités. En tant que conseiller, on est à la fois politique, parce qu'on gère le off politique, les coulisses de la vie politique, et on a également une fonction administrative, puisqu'on a une relation directe avec l'administration centrale et les parties prenantes qui évoluent dans ce secteur. Donc, comment on influence la décision publique ? Pour moi, il y a déjà un sujet autour de... la manière avec laquelle on va identifier les besoins de terrain. Parce qu'avant de construire un objet, il faut d'abord utiliser de la matière pour construire cet objet. Et les remontées de terrain aujourd'hui, elles sont nombreuses dans le secteur de la santé, et également des solidarités, mais on a du mal à se les approprier parce que ça remonte de partout, et finalement de nulle part, puisque ça brouille à nouveau les pistes, et parce que, également, je pense que la culture française n'est pas tout à fait adaptée à la... participation citoyenne. On le voit, lorsqu'il y a des remontées de terrain, souvent c'est repris, parce qu'il y a un intérêt de démontrer qu'on écoute les citoyens, mais en même temps, c'est souvent mal utilisé. Je reprends le sujet des pesticides, on est actuellement en plein dedans. Il y a une pétition qui a été signée par un million de personnes, qui se pose la question de quelle est la finalité de cette pétition, au-delà d'un débat parlementaire. Alors, je ne suis ni pour ni contre la loi, je n'ai pas de position à avoir sur ce sujet. Mais je m'interroge, en tout cas, sur la légitimité de la participation citoyenne, la manière avec laquelle cette parole va être utilisée.

  • Speaker #1

    Tu serais favorable, toi, à une sorte de référendum d'initiative citoyenne qui aurait plus de portée ?

  • Speaker #0

    De manière générale, je suis favorable à l'initiative citoyenne. On voit que ça fonctionne bien. Je prends l'exemple qui est un exemple de niche, mais en même temps assez significatif. Les ordres nationaux, Légion d'honneur, Ordre national du mérite, en tête, permettent aujourd'hui, dans leur promotion, d'intégrer une démarche d'initiative citoyenne. C'est cool. des citoyens qui se réunissent, je ne sais plus combien de citoyens exactement doivent se réunir, peuvent proposer à la chancellerie des personnes qui méritent d'être récompensées. Cette année, dans les promotions Légion d'honneur et en Nationale du Mérite, il y avait des médaillés issus de cette initiative citoyenne. Et honnêtement, ça fonctionne super bien, parce que ça veut dire qu'on va s'appuyer sur le terrain pour identifier des gens qui peut-être, potentiellement, passeront sous les radars pour différentes raisons. Ça ne veut pas dire qu'on doit faire du 100% initiative citoyenne, parce que sur un certain nombre de sujets, en fait, on ne s'en sortirait jamais. À un moment donné, d'abord, le rôle du politique, c'est aussi de prendre une décision et de faire des choix. Et en l'occurrence, si on ne s'appuie que sur les citoyens, on pourrait traiter quasiment tous les sujets de la Terre entière avec la même démarche. Donc, ça ne doit pas empêcher, en revanche, d'écouter ce que les gens racontent. Et c'est, pour moi, la base de la construction d'un objet politique. C'est s'appuyer sur le terrain. Lorsqu'on a été nommé sur la mission ministérielle liée à la santé des soignants, on a adopté, puisqu'on était trois soignants autour de la table, on a adopté une démarche de clinicien. Moi aujourd'hui quand je reçois un patient, avant de poser un diagnostic ou d'aider le médecin à poser un diagnostic, je regarde, je touche, je pronifle, je regarde son dossier, je lis et j'écoute ses plaintes. On a fait exactement la même chose. On a monté à l'initiative de la Direction Générale de l'Offre de Soins une consultation nationale auprès de 50 000 professionnels de santé pour à l'instant T avoir une cartographie de l'état de santé physique et psychique des soignants et de fait dessiner les priorités en 2023 de la santé des soignants et donc des actions à mener immédiatement. On a fait le tour, on a discuté avec les soignants. On est allé sur le terrain, on est allé identifier aussi des initiatives qui fonctionnaient. Et c'est avec cette manière de procéder qu'on a écrit notre rapport. Et aujourd'hui, ce rapport, les aléas de la vie politique ont fait qu'il y a eu un ralentissement et une suspension d'un certain nombre de décisions. Mais ça fait 15 jours ou 3 semaines que le comité de suivi ministériel a été créé à l'initiative du ministre chargé de l'accès aux soins et de la santé. Ça veut dire quand même que les choses évoluent et que les choses avancent. Et surtout, on a pu obtenir jusqu'à présent un sujet qui est transpartisan et donc neutre politiquement parce qu'il embarque tout le monde de fait.

  • Speaker #1

    Alors tu parles beaucoup de terrain. Est-ce que vous avez été approché par des chargés d'affaires publiques justement à ce moment-là ? Si vous étiez que trois, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'influence, voire peut-être plus de corruption si on va là-dedans ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors toutes les valises de billets, je les ai laissées au Bois de Vincennes, puisque j'habite près du Bois de Vincennes. Très bien. Je ne les ai pas encore utilisées, elles sont bien cachées, évidemment. que tu te fais approcher par des lobbyistes. Là, on est même au-delà des affaires publiques. C'est du vrai lobbying dans certains cas. Ça peut être à la fois des laboratoires, ça peut être des startups, ça peut être des promoteurs de solutions diverses et variées qui nous expliquent qu'ils détiennent une solution qui est formidable et qui va révolutionner et guérir, qui plus est, l'ensemble des soignants. Donc, le principe même, d'abord, c'était de conserver une forme d'éthique vis-à-vis de ces influences externes. que quand on a face à nous une centaine de parties prenantes, il faut faire le tri. Il faut prioriser également ce qui ressort comme étant légitime ou manquant de légitimité. Je ne dis pas illégitime parce qu'on parle de santé et finalement assez peu de choses qui sont illégitimes. Et puis, quel est le cap, c'est-à-dire comment on conserve une forme d'intérêt commun sur la décision qui sera donnée à l'issue. Et c'est comme ça qu'on a écrit notre rapport. D'abord, on n'en faisait pas une fin en soi de ce rapport. et comment on essayait de conserver une forme d'intérêt commun dans les recommandations qui allaient être proposées aux ministres et aux administrations centrales.

  • Speaker #1

    C'est une question dure à mesurer, je pense, mais d'après toi, quelle est la part d'influence entre terrain et entreprise représentant l'intérêt ? Qu'est-ce qui a le plus pesé dans l'écriture de la loi à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Lorsqu'on a écrit le rapport, ce qui a pesé davantage, c'était le terrain, les professionnels de santé eux-mêmes, puisque c'était eux. qui était notre sujet et notre terrain principal d'investigation. Ensuite, on a monté d'un étage, on est allé voir les décideurs, les administrations, les entreprises, publiques, privées, semi-privées ou semi-publiques, selon, dans le secteur de la santé, on appelle ça les ESPIC. On est allé également voir des entreprises, puisqu'il ne fallait quand même pas se fermer la porte, et voir comment le monde de l'industrie s'emparerait de cette thématique. Et à nouveau, comme je te l'ai dit, il faut faire le tri. D'abord parce que des solutions, il y en a beaucoup, que Est-ce que tout fonctionne ? On n'a pas la certitude. Et puis, quel est l'impact de ces actions, à la fois menées par des professionnels de santé, mais aussi par des entreprises ou des partenaires purement privés ? Et l'impact, on l'a étudié systématiquement. Aujourd'hui, ce rapport, lorsqu'on l'a remis à Agnès Fermin-Le Bodo, qui était ministre de l'époque, on s'est dit que ça n'allait pas être une fin en soi. Ça permettait de mettre le sujet dans le débat public et donc d'en faire un objet. Ça permettait également de mettre en lumière des initiatives qui étaient montées par le terrain, avec le terrain. Et c'était aussi l'occasion de rappeler au grand public que la santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité. qu'en fait le sujet de l'influence de représentants d'intérêt, on pourrait dire industriel, ça a été réduit à zéro parce que ce n'était pas le sujet de notre rapport. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas été confronté à ces personnes, mais on n'a pas fait une priorité dans notre travail. Et en tant que conseiller, pour te donner le regard de l'autre côté, évidemment, des représentants d'intérêt, on en croise beaucoup, des rendez-vous, il y en a énormément. Ce que j'ai rappelé lors de l'atelier que tu as évoqué en introduction, Beaucoup de cabinets de conseillers en affaires publiques qui accompagnent des entreprises, des fédérations, des ordres, des associations. Moi j'ai quand même été surpris de voir le niveau de certains cabinets ou de voir la qualité des livrables produits par certains cabinets. Pour certains c'est extrêmement qualitatif et les rendez-vous sont de fait productifs parce qu'une heure dans un agenda de ministre, c'est le cas de le dire, ou de conseiller, c'est assez précieux. Donc il faut que l'heure soit intéressante, qualitativement et intellectuellement productive. Il faut que ça débouche sur quelque chose. Si c'est seulement pour faire une photo avec le conseiller ou le ministre, globalement ça ne sert à rien, alors je ne suis pas contre les photos, mais je ne vois pas vraiment l'intérêt encore plus aujourd'hui, vu l'agitation de l'agenda politique, parce que le conseiller que vous rencontrez, je suis l'exemple, le conseiller que les gens rencontraient en novembre, au mois de janvier, il n'était plus là. Donc est-ce que ça vaut bien le coup de venir rencontrer pour rencontrer ? donc qu'est-ce qui est livré et livrable à l'issue de ce rendez-vous force est de constater que des cabinets ne l'ont pas bien compris et donc on avait face à nous du très quali et du pourri avec une base à 100% intelligence artificielle générative ou des notes d'argumentaire des notes de position, des propositions PPL étaient produites par Tchot-GPT pour ne pas citer la marque et là ça m'inquiète parce que quand je connais les prix pratiqués par certains cabinets. Évidemment, ce genre de clients, tu peux les enchaîner toute la journée puisque la requête sur ChatGPT, ça dure 30 secondes. Est-ce que c'est bien ça, aujourd'hui, la valeur ajoutée d'un cabinet ou d'un consultant d'affaires publiques ? Je ne le crois pas. La plus-value, et ce qu'on voyait avec des cabinets un peu plus chiadés ou des consultants un peu plus qualis, c'est la manière avec laquelle tu vas bien mettre en relation le terrain et les intérêts politiques. comment tu vas identifier les opportunités dans l'agenda politique ou institutionnel, et surtout, comment tu permets à la personne, non pas de seulement rencontrer le ministre, mais de créer du lien suffisamment robuste avec l'autorité, avec le directeur d'administration centrale, pour que cette personne se dise au moment où tel ou tel sujet arrive sur la table, « Ah oui, c'est vrai, on en a déjà parlé » . Pour moi, c'est la valeur ajoutée.

  • Speaker #1

    Alors justement, pour revenir sur le rapport, tu parles d'agitation dans les calendriers. Qu'est-ce qui devient ce rapport ? Comment est-ce qu'on peut le faire devenir un amendement, une proposition de loi ou autre ?

  • Speaker #0

    Alors ce rapport...

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a eu des suites déjà ?

  • Speaker #0

    Il a eu des suites. Il a eu des suites à retardement. C'était une bombe à retardement ce rapport, positivement. Rien n'a explosé au ministère, c'est promis. On l'a remis en octobre 2023 à Ernest-Germain-Lebaudot. Quelques mois après un remaniement, Agnès Firmand-Lebaudot quitte le gouvernement. Donc Philippe Denormandie et moi, notamment, on a repris ce sujet avec les nouveaux cabinets. On a continué à rencontrer et les ministres, et les conseillers, et l'administration centrale, et puis à travailler en parallèle aussi autour de ce sujet pour créer en quelque sorte une forme de, moi, ce que j'appelle lobbying culturel. Pourquoi ? Parce que quand on parle de lobbying, d'influence, elle n'est pas nécessairement que politique dans l'immédiat. A nouveau, est-ce que c'est bien utile de toujours aller serrer la main du ministre et de faire une photo avec lui pour lui dire « Coucou, on lui en a parlé, c'est important, vous voyez, on fait avancer les choses » . Donc, il faut mobiliser l'opinion publique, il faut mobiliser les parties prenantes, et puis il faut utiliser aussi les canaux, qui sont des canaux presque irréfutables. Et pour nous, l'un de ces outils, c'était la science. C'était produire du savoir et de la connaissance autour du sujet de la santé des soignants. Philippe de Normandie, avec la fondation dont il est délégué général, a investi dans des équipes de recherche pour que ces équipes produisent des travaux scientifiques sur le sujet de la santé des soignants. Moi, j'ai choisi de réunir l'ensemble des parties prenantes qu'on avait pu rencontrer au cours de la mission autour d'un ouvrage collectif qui était la première référence académique pluridisciplinaire sur le sujet de la santé des soignants, qui était préfacée par le vice-président du Conseil d'État, par exemple, qui nous permet aujourd'hui encore puisqu'il a été publié en mars 2025, donc il y a quand même peu de temps au moment où on enregistre, qui nous permet aujourd'hui de participer à des tables rondes, de communiquer sur les réseaux sociaux, de pouvoir aussi à chaque auteur de s'en emparer dans son coin et de l'utiliser comme un vecteur de promotion du sujet dans son écosystème. Et puis aujourd'hui, ce rapport, bon an, moins l'an, il a quand même pu produire et amener à la réalisation de... L'une de nos premières recommandations qui était la création d'un comité de suivi ministériel dédié à la santé des soignants.

  • Speaker #1

    Alors ça veut dire quoi ? Qu'est-ce que c'est concrètement ?

  • Speaker #0

    Le comité de suivi, il a pour fonction d'abord d'administrer le sujet. Parce qu'on a quand même souffert de différentes expériences où les aléas des nominations politiques font que, systématiquement, il faut ré-acculturer les cabinets, il faut ré-acculturer le ministre pour leur dire que... Aller sur tel ou tel sujet, en l'occurrence notre sujet de la santé des soignants, ça présente un intérêt. Il faut retravailler également avec les cabinets et les ministres pour identifier quel est son niveau d'appropriation du sujet. Parce que quand on parle de santé des soignants, certains peuvent regarder le sujet sous le seul angle de la santé au travail, d'autres vont plutôt le regarder sous l'angle de la qualité de vie et des conditions de travail, d'autres vont le regarder sous un angle de santé publique. Il faut se mettre à corps avec le ministre pour éviter que d'abord il y ait des défauts d'interprétation et qu'il y ait des quiproquos une fois qu'on amènera la création de telle ou telle proposition. Et donc ce comité pour nous il nous semblait important parce qu'il permet de sanctuariser le sujet du côté administratif. Ça permet aussi de continuer à battre le fer tant qu'il est chaud. Alors depuis 2023 il était un peu tiédi ce fer mais il restait quand même un petit peu malléable. Et ce fer c'est celui des parties prenantes. C'est les fédérations, les ordres, les associations, les syndicats, bref, toutes celles et ceux qui aujourd'hui déjà agissent pour cette thématique. Et puis c'est sur la base des recommandations qu'on avait formulées, sur la base des premières propositions qu'on avait dessinées en 2023, c'est proposer, et le ministre actuel a fixé cet objectif au comité de suivi, c'est proposer une feuille de route d'action et d'un pilotage d'ici la fin de l'année ou tout début de l'année prochaine.

  • Speaker #1

    Alors justement Alexis, si tu avais une réforme à proposer, si tu avais le pouvoir d'en amener une sur la table et de la faire passer, quelle serait-elle ?

  • Speaker #0

    Si j'avais du pouvoir, je ferais plein de choses. Alors pour moi, une réforme, je ne dirais peut-être pas jusqu'à utiliser le mot réforme, mais puisqu'on est dans un podcast qui parle d'affaires publiques et que c'est un sujet que je défends quand même régulièrement dans différentes séquences, moi je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques. des professionnels de santé eux-mêmes. Alors que d'abord sont les bras armés des politiques publiques de santé, puisque aujourd'hui, si les politiques publiques se réalisent dans le secteur sanitaire, social et médico-social, c'est parce que les professionnels de ce secteur font en sorte que tous les jours, il y ait une production, il y a un livrat de ces politiques, mais à contrario, ils les connaissent à peine. Ils connaissent à peine l'institution qui les dirige, alors le terme est peut-être impropre, mais en tout cas qui... leur donne un cadre juridique, un cadre de compétences, un cadre fonctionnel tout simplement. En formation initiale, pour l'avoir vécu à deux reprises, à la fois en formation d'aide-soignants, mais aussi en formation d'infirmiers, il y a quand même assez peu où ça reste du saupoudrage sur l'acculturation et l'enseignement à qu'est-ce que le ministère de la Santé, quelles sont les instances qui gouvernent le secteur de la santé, qu'est-ce qu'une fédération, qu'est-ce qu'une fédération employeur, une fédération salarié, un syndic. à un ordre, c'est quoi la différence entre les deux ? On n'a aucun enseignement là-dessus et c'est très dépendant de l'institut de formation dans lequel tu vas suivre ta formation. Sauf que, c'est comme tout, pour conduire une voiture, il faut avoir le permis et pour avoir le permis, il faut maîtriser les grandes mécaniques de la voiture. Il faut détenir le code et puis il faut comprendre comment fonctionnent les pédales et le volant. Aujourd'hui, si on veut que des professionnels de santé soient acteurs encore plus en tout cas, du système de santé, il faut qu'ils aient un minimum de compréhension, une lecture fine des rouages, de la mécanique et de la manière avec laquelle l'institution santé, j'aime bien l'appeler comme ça, agit au quotidien et en même temps s'engage dans une vision prospective sur les grands enjeux de santé à l'échelle 2040, 2050 et plus si affinité. Parce que, et on le voit au niveau de la décision publique, je vais reprendre mon exemple en tant qu'infirmier, des conseillers ministériels qui appartiennent au corps paramédical, il y en a eu très peu jusqu'à présent, voire pas du tout. Ça veut dire quelque chose, ça veut dire que d'un côté il y a un cruel manque de formation. Il y a un manque de légitimité également. Et souvent, la formation peut amener davantage de légitimité parce que quand tu es dans la maîtrise d'un sujet, tu n'as pas peur de prendre la parole pour agir sur ce sujet. Donc pour moi, si j'avais une réforme à mener, ce serait davantage de formation initiale et continue dans le secteur des affaires publiques pour les professionnels de santé au sens très large du terme, parce qu'on peut très bien être agent de service hospitalier et avoir de bonnes idées, comme un professeur d'université peut en avoir de très mauvaises.

  • Speaker #1

    On va passer à la séquence vrai-faux, donc je vais t'énoncer des phrases, tu me réponds par vrai ou faux et tu peux évidemment développer si tu le souhaites. La première phrase c'est la santé reste dominée par les gros lobbies pharmaceutiques.

  • Speaker #0

    Vrai, l'industrie pharmaceutique et l'industrie de santé de manière générale d'abord ont un large coup d'avance sur l'ensemble des acteurs du secteur, parce que ça fait partie de leur culture d'entreprise. Faire des affaires publiques c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business, tout simplement au sens positif ou négatif du terme. je ne vais pas juger, mais pour faire avancer son business, il faut faire des affaires publiques. Donc oui, aujourd'hui, ça reste dominé, mais en même temps, on constate qu'il y a beaucoup d'acteurs, de nouveaux acteurs qui arrivent sur ce marché des affaires publiques, et il y a des fédérations qui font un travail formidable sur ce sujet-là, et des associations également. Je pense à une association dans mon champ, qui est l'association Soins Professionnels de Santé. Ils ont une activité d'influence et de lobbying qui est extrêmement forte et qui permet de faire avancer. un certain nombre de sujets et de causes.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les jeunes élus ou les jeunes conseillers peut-être peuvent faire émerger des sujets s'ils jouent bien leurs cartes.

  • Speaker #0

    Vrai alors tout dépend de quelle carte tu joues et de la manière avec laquelle tu les abats tes cartes. Et pour bien connaître la mécanique du jeu, à mon sens, il faut se faire mentorer, il faut se faire tutoré, il faut se faire accompagner tout simplement. J'ai eu la chance d'être toujours accompagné, mentoré par des personnes qui avaient plus d'expérience que moi ou qui tout simplement étaient bienveillants. avec ma façon de travailler et donc m'ont toujours soutenu, accompagné et de temps en temps, même assez souvent, rappelé à l'ordre en disant bon là calme toi parce que c'est peut-être un peu too much que tu fais.

  • Speaker #1

    Et la dernière affirmation c'est l'intelligence artificielle va remplacer les collaborateurs parlementaires.

  • Speaker #0

    Non mais tout en restant vigilant, reprenant l'exemple de tout à l'heure, je dis l'IA générative elle est extrêmement présente, ça veut pas dire que c'est l'ensemble du marché et des cabinets de conseil qui le font, fort heureusement il y a quand même beaucoup encore qui conservent une large part d'éthique et de valeur professionnelle, mais il n'empêche que c'est là. Et donc c'est un peu comme dans le secteur de la santé, aujourd'hui on dit que l'IA va remplacer le médecin, parce qu'elle pose un diagnostic parfois plus fin que le médecin lui-même. Mais ce qu'on n'arrivera jamais à remplacer, c'est l'humain. Et en off, avant d'enregistrer le podcast, on discutait, et on s'est dit que le sujet relationnel, communicationnel, il était indispensable pour faire des affaires publiques. Eh bien l'IA ne remplacera aujourd'hui en tout cas pas encore la relation humaine, qui est nécessaire pour mener à bien un projet, un deal, une réunion et une relation de client avec ton partenaire en affaires publiques.

  • Speaker #1

    Tu as beaucoup parlé de formation pendant ce podcast. Est-ce que tu as un conseil pour une ou un jeune qui veut s'engager dans les affaires publiques de santé ?

  • Speaker #0

    D'abord se former, évidemment. La formation est nécessaire, mais un peu comme les métiers du soin, la formation est nécessaire pour comprendre comment fonctionne le client. corps comment fonctionnent les médicaments quelles sont les classes de tels ou tels dispositifs médical mais in fine et on apprend davantage sur le terrain parce qu'on a les mains dans le moteur d'une part et surtout parce que on le sait bien entre la théorie la pratique est quand même toujours un gars et encore plus quand on parle d'affaires publiques parce que il ya de la relation humaine et donc oui le plfss c'est bien joli d'en connaître toutes les subtilités et chaque ligne de compte mais en même temps c'est pas si simple que ça une fois que on est face à des parlementaires ou face à des collaborateurs parlementaires. ou face à l'administration centrale quand il s'agit de négocier point par point telle ou telle ligne de budget. Donc ça, à mon sens, il faut trouver dans la formation les terrains de stage les plus apprenants possibles. Et ne pas avoir peur de demander et de tenter sa chance dans des administrations ou dans des secteurs où potentiellement ça peut effrayer en se disant « non, ça ne s'est pas fait pour moi, j'en suis pas capable, je ne me sens pas légitime à nouveau » . Eh bien non, allez-y, tentez. Et puis se faire accompagner à nouveau. Et ne pas hésiter à poser des questions et à se renseigner. Aujourd'hui, on a quand même la chance sur Internet, via des podcasts comme le tien ou d'autres, de pouvoir monter en compétence doucement, tranquillement, en faisant son footing, en faisant du vélo, en prenant les transports, en faisant un trajet dans la voiture. Ne pas hésiter à se former différemment, justement avec des gens qui ont... un peu d'expérience, qui peuvent faire un retour sur cette expérience et qui peuvent donner les ficelles, les ficelles qu'on n'apprend pas à l'école, tout simplement.

  • Speaker #1

    Alexis, on arrive à la conclusion de ce podcast. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le sujet, c'est transformer la légitimité des professionnels de santé sur ce sujet des affaires publiques, y compris politiques, en disant que chacune et chacun ont cette capacité en eux, en elles. de pouvoir gravir les échelons, de pouvoir porter une parole, de pouvoir influencer la décision publique dans le secteur qui les concerne, à condition de le faire avec un minimum d'éthique et de valeur, qui restent individuelles, mais qui sont importantes à conserver, pour éviter d'aller sur des sujets d'abord trop sensibles, touchy, ou sales, tout simplement. Et si j'avais un conseil, lecture, pour justement permettre aux professionnels de santé peut-être de... d'ouvrir leur chakra sur le sujet des affaires publiques avec cet impératif d'éthique, c'est le livre Lobby Tommy, qui explique bien que dans le secteur de la santé, on a l'industrie du tabac, l'industrie pharmaceutique, bref, on perd des industries extrêmement sales, ou des lobbyings extrêmement sales. On doit conserver sa part d'éthique et choisir ses combats, tout simplement, et quand on est professionnel, je crois qu'on a cette capacité de choisir ses combats et de prioriser en fonction. de ce qui nous pousse tous à choisir cette voie professionnelle, c'est bien l'humain.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Alexis.

  • Speaker #0

    Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

Description

Professionnel de santé, ancien militaire, conseiller ministériel, et désormais consultant, Alexis Bataille-Hembert possède un parcours atypique au croisement du soin, du terrain et de la décision publique.


Dans cet épisode, il revient sur son engagement au sein d’une mission ministérielle dédiée à la santé des soignants, son passage en cabinet, mais aussi les limites du lobbying en santé – entre rapports enterrés, livrables générés par IA et manque de culture institutionnelle chez les professionnels.


Avec lui, on parle de :


✅ La complexité institutionnelle du système de santé
✅ Comment faire remonter le terrain jusqu'à l'agenda politique
✅ Pourquoi les soignants doivent s’approprier les outils des affaires publiques
✅ L’éthique indispensable dans les relations avec les représentants d’intérêt
✅ La santé des soignants comme levier systémique pour garantir celle des autres


💬 "Faire des affaires publiques, c’est indispensable à une industrie. Mais dans la santé, c’est aussi une question de survie collective."


Un échange passionnant sur la porosité entre l’humain, le politique, et la stratégie d’influence.

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Transcription

  • Speaker #0

    Faire des affaires publiques, c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business. Moi, je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques des professionnels de santé eux-mêmes. La santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Légit Watch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Alexis Bataille-Amber. Alexis, tu as une riche expérience, tu es professionnel de santé, ancien militaire, tu as été consultant en affaires publiques, conseiller ministériel et animateur d'un atelier remarqué sur les affaires publiques dans le secteur de la santé lors du premier salon des affaires publiques, là où j'ai eu l'occasion de te rencontrer. Salut Alexis ! Salut,

  • Speaker #0

    tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va, ça va très bien, merci et toi ? Oui,

  • Speaker #0

    très bien, merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux ajouter quelque chose à cette courte description ?

  • Speaker #0

    Non, seulement très très modestement dire que c'est un profil, je pense, assez atypique, à la fois dans le secteur des affaires publiques, mais aussi chez les professionnels de santé. J'en suis assez fier d'avoir ce parcours atypique, et en même temps, c'est un sujet qui peut toujours soulever des questionnements, donc c'est l'objet de ce podcast, et puis une forme d'inquiétude, parce qu'on se dit, mais c'est qui ce type ? Qui se cache derrière Alexis ? Tout simplement quelqu'un qui a envie déjà de croiser les disciplines et puis d'en faire profiter les autres.

  • Speaker #1

    On va rentrer dans qui est Alexis justement, mais avant ça, j'ai lu que tu as dit que la santé est un domaine à part dans les affaires publiques, à la fois très politique, très émotionnel, mais souvent mal investi. Est-ce que tu peux développer ce sujet ?

  • Speaker #0

    Déjà la santé dans le secteur des affaires publiques, c'est quand même un sujet particulièrement sensible. Pour moi, la santé c'est comme l'éducation, c'est comme la sécurité. Derrière cette thématique, il y a... énormément de valeur parce que c'est un sujet profondément sociétal. Quand on parle de santé, d'abord ça nous intéresse tous, puisqu'on est tous concernés par la santé. On sait que chaque mesure qui impacte cette thématique peut être hyper incarnée, peut être subjective à la fois positivement mais aussi négativement, on l'a vu sur les derniers textes qui ont été proposés. On est actuellement en cours, par exemple, de la PPL sur les pesticides qui a un impact. profond sur la santé, on l'a eu également sur le sujet de la fin de vie, on l'a eu également sur la loi infirmière, on l'a eu également sur le fameux PLFSS. Bref, tout ce qui touche à la santé incarne des valeurs, embarque des réactions, souvent épidermiques, et donc, en plus de ça, on est face à un sujet qui est extrêmement politique, régulé, avec un portefeuille d'acteurs qui ressemblent davantage à un millefeuille qu'à un portefeuille, avec des acteurs qui sont eux-mêmes complexes à traiter parce que différents niveaux de compétences, différents niveaux de responsabilités, on a des acteurs qui ne sont pas que français, mais aussi européens à prendre en compte. Bref, on est face à un sujet qui est complexe. Et de fait, quand c'est complexe, on a tendance à mal le traiter parce que soit on ne le connaît pas, soit on le méconnaît, et c'est souvent... le sujet quand on parle de santé, c'est un sujet qui est mal connu, alors que c'est quelque chose qui est présent quotidiennement dans la vie de chacun.

  • Speaker #1

    Tu dis que ça provoque beaucoup de réactions, mais donc que ce n'est pas forcément des réactions très pertinentes. Est-ce que c'est parce que les personnes qui devraient s'impliquer sur ces sujets le désertent ?

  • Speaker #0

    Je ne pense pas qu'il y ait une désertion du sujet de la santé. Au contraire, on sent que ça a une place quand même importante, au moins dans la sphère médiatique. Il ne se passe pas une journée désormais où on ne parle pas de la thématique santé, alors au sens très large, à la fois la santé humaine, la santé animale, la santé environnementale, ce que l'OMS appelle One Health, c'est un sujet qui est d'actualité. Donc des acteurs pour en parler, il y en a quand même beaucoup. Ensuite, une fois qu'on en parle, il faut agir. Là c'est déjà différent, parce que quand il s'agit d'action, à nouveau on est face à la complexité du secteur, autant technique qu'organisationnel que financier. À nouveau, quand on veut engager des actions, aussi opérationnelles soient-elles, parfois il n'y a pas de financement. Parfois le financement, pour aller le chercher, c'est très compliqué, d'abord parce que les interlocuteurs sont nombreux, parce que les sources de financement sont elles-mêmes nombreuses, parce que le moment politique n'est pas forcément le bon non plus. Donc une désertion, je ne le pense pas, en revanche une lecture un peu plus brouillée de ce secteur, oui, un brouillard encore plus, Mais quand il y a du brouillard, ça n'empêche pas de rouler. Il faut seulement changer de feu et de vitesse également.

  • Speaker #1

    Alexis, tu as été au cœur de la décision publique. Comment est-ce qu'on fait concrètement pour transformer un sujet de terrain en objet politique ?

  • Speaker #0

    Dans la décision publique, j'ai eu deux positions qui sont à la fois différentes mais extrêmement complémentaires. La première position que j'ai eue, c'était celle de rapporteur d'une mission ministérielle qui, au sein d'un cabinet ministériel, n'appartient pas. En tant que membre de ce cabinet, on a une fonction un peu satellite. On est des personnes qu'on appelle personnes qualifiées, des PQ, comme on le dit dans l'administration centrale. Et donc on a un rôle de conseil sans avoir une autorité dans la décision publique et dans la décision politique. On est souvent nommé sur décision politique. parce qu'on est expert ou parce qu'on a une présence dans le secteur qui est importante. Moi, par exemple, sur la mission initiale que j'ai copilotée avec Philippe Denormandie et Marine Kresgui, sur le sujet de la santé des professionnels de santé, la porte d'entrée de ma nomination, c'était mon passé militaire. C'était écrit stricto sensu sur la lettre de mission, identifier les bonnes pratiques, du service santé des armées en particulier, pour voir ce qui pouvait être redéployé dans le monde civil. On en était là. C'était la base de mon entrée dans la mission ministérielle. Et dans une seconde fonction que j'ai eue en octobre 2024, donc avec la mise en place du gouvernement Barnier, qui n'a pas duré très longtemps, c'était celle de conseiller ministériel. Et là, ça change quand même à la fois de posture, mais aussi de légitimité dans la décision publique. Parce que quand tu es conseiller, d'abord tu disparais derrière la parole de ton ministre. Il se trouvait que le ministre pour lequel j'ai travaillé était en raccord avec sa position, avec sa vision des choses, avec également les sujets qu'il avait estimés être prioritaires pour son Marocain.

  • Speaker #1

    C'est possible d'être conseiller et d'être en désaccord avec son ministre ?

  • Speaker #0

    Normalement, c'est plutôt une responsabilité individuelle. Normalement, lorsque tu acceptes d'être nommé conseiller, tu dois normalement avoir un feeling avec ton ministre. parce que moi j'aurais eu du mal à défendre quelqu'un. ou quelqu'une qui n'était pas raccord avec ma vision du monde et notamment du champ des solidarités, puisque je travaillais pour le ministre des Solidarités. En tant que conseiller, on est à la fois politique, parce qu'on gère le off politique, les coulisses de la vie politique, et on a également une fonction administrative, puisqu'on a une relation directe avec l'administration centrale et les parties prenantes qui évoluent dans ce secteur. Donc, comment on influence la décision publique ? Pour moi, il y a déjà un sujet autour de... la manière avec laquelle on va identifier les besoins de terrain. Parce qu'avant de construire un objet, il faut d'abord utiliser de la matière pour construire cet objet. Et les remontées de terrain aujourd'hui, elles sont nombreuses dans le secteur de la santé, et également des solidarités, mais on a du mal à se les approprier parce que ça remonte de partout, et finalement de nulle part, puisque ça brouille à nouveau les pistes, et parce que, également, je pense que la culture française n'est pas tout à fait adaptée à la... participation citoyenne. On le voit, lorsqu'il y a des remontées de terrain, souvent c'est repris, parce qu'il y a un intérêt de démontrer qu'on écoute les citoyens, mais en même temps, c'est souvent mal utilisé. Je reprends le sujet des pesticides, on est actuellement en plein dedans. Il y a une pétition qui a été signée par un million de personnes, qui se pose la question de quelle est la finalité de cette pétition, au-delà d'un débat parlementaire. Alors, je ne suis ni pour ni contre la loi, je n'ai pas de position à avoir sur ce sujet. Mais je m'interroge, en tout cas, sur la légitimité de la participation citoyenne, la manière avec laquelle cette parole va être utilisée.

  • Speaker #1

    Tu serais favorable, toi, à une sorte de référendum d'initiative citoyenne qui aurait plus de portée ?

  • Speaker #0

    De manière générale, je suis favorable à l'initiative citoyenne. On voit que ça fonctionne bien. Je prends l'exemple qui est un exemple de niche, mais en même temps assez significatif. Les ordres nationaux, Légion d'honneur, Ordre national du mérite, en tête, permettent aujourd'hui, dans leur promotion, d'intégrer une démarche d'initiative citoyenne. C'est cool. des citoyens qui se réunissent, je ne sais plus combien de citoyens exactement doivent se réunir, peuvent proposer à la chancellerie des personnes qui méritent d'être récompensées. Cette année, dans les promotions Légion d'honneur et en Nationale du Mérite, il y avait des médaillés issus de cette initiative citoyenne. Et honnêtement, ça fonctionne super bien, parce que ça veut dire qu'on va s'appuyer sur le terrain pour identifier des gens qui peut-être, potentiellement, passeront sous les radars pour différentes raisons. Ça ne veut pas dire qu'on doit faire du 100% initiative citoyenne, parce que sur un certain nombre de sujets, en fait, on ne s'en sortirait jamais. À un moment donné, d'abord, le rôle du politique, c'est aussi de prendre une décision et de faire des choix. Et en l'occurrence, si on ne s'appuie que sur les citoyens, on pourrait traiter quasiment tous les sujets de la Terre entière avec la même démarche. Donc, ça ne doit pas empêcher, en revanche, d'écouter ce que les gens racontent. Et c'est, pour moi, la base de la construction d'un objet politique. C'est s'appuyer sur le terrain. Lorsqu'on a été nommé sur la mission ministérielle liée à la santé des soignants, on a adopté, puisqu'on était trois soignants autour de la table, on a adopté une démarche de clinicien. Moi aujourd'hui quand je reçois un patient, avant de poser un diagnostic ou d'aider le médecin à poser un diagnostic, je regarde, je touche, je pronifle, je regarde son dossier, je lis et j'écoute ses plaintes. On a fait exactement la même chose. On a monté à l'initiative de la Direction Générale de l'Offre de Soins une consultation nationale auprès de 50 000 professionnels de santé pour à l'instant T avoir une cartographie de l'état de santé physique et psychique des soignants et de fait dessiner les priorités en 2023 de la santé des soignants et donc des actions à mener immédiatement. On a fait le tour, on a discuté avec les soignants. On est allé sur le terrain, on est allé identifier aussi des initiatives qui fonctionnaient. Et c'est avec cette manière de procéder qu'on a écrit notre rapport. Et aujourd'hui, ce rapport, les aléas de la vie politique ont fait qu'il y a eu un ralentissement et une suspension d'un certain nombre de décisions. Mais ça fait 15 jours ou 3 semaines que le comité de suivi ministériel a été créé à l'initiative du ministre chargé de l'accès aux soins et de la santé. Ça veut dire quand même que les choses évoluent et que les choses avancent. Et surtout, on a pu obtenir jusqu'à présent un sujet qui est transpartisan et donc neutre politiquement parce qu'il embarque tout le monde de fait.

  • Speaker #1

    Alors tu parles beaucoup de terrain. Est-ce que vous avez été approché par des chargés d'affaires publiques justement à ce moment-là ? Si vous étiez que trois, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'influence, voire peut-être plus de corruption si on va là-dedans ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors toutes les valises de billets, je les ai laissées au Bois de Vincennes, puisque j'habite près du Bois de Vincennes. Très bien. Je ne les ai pas encore utilisées, elles sont bien cachées, évidemment. que tu te fais approcher par des lobbyistes. Là, on est même au-delà des affaires publiques. C'est du vrai lobbying dans certains cas. Ça peut être à la fois des laboratoires, ça peut être des startups, ça peut être des promoteurs de solutions diverses et variées qui nous expliquent qu'ils détiennent une solution qui est formidable et qui va révolutionner et guérir, qui plus est, l'ensemble des soignants. Donc, le principe même, d'abord, c'était de conserver une forme d'éthique vis-à-vis de ces influences externes. que quand on a face à nous une centaine de parties prenantes, il faut faire le tri. Il faut prioriser également ce qui ressort comme étant légitime ou manquant de légitimité. Je ne dis pas illégitime parce qu'on parle de santé et finalement assez peu de choses qui sont illégitimes. Et puis, quel est le cap, c'est-à-dire comment on conserve une forme d'intérêt commun sur la décision qui sera donnée à l'issue. Et c'est comme ça qu'on a écrit notre rapport. D'abord, on n'en faisait pas une fin en soi de ce rapport. et comment on essayait de conserver une forme d'intérêt commun dans les recommandations qui allaient être proposées aux ministres et aux administrations centrales.

  • Speaker #1

    C'est une question dure à mesurer, je pense, mais d'après toi, quelle est la part d'influence entre terrain et entreprise représentant l'intérêt ? Qu'est-ce qui a le plus pesé dans l'écriture de la loi à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Lorsqu'on a écrit le rapport, ce qui a pesé davantage, c'était le terrain, les professionnels de santé eux-mêmes, puisque c'était eux. qui était notre sujet et notre terrain principal d'investigation. Ensuite, on a monté d'un étage, on est allé voir les décideurs, les administrations, les entreprises, publiques, privées, semi-privées ou semi-publiques, selon, dans le secteur de la santé, on appelle ça les ESPIC. On est allé également voir des entreprises, puisqu'il ne fallait quand même pas se fermer la porte, et voir comment le monde de l'industrie s'emparerait de cette thématique. Et à nouveau, comme je te l'ai dit, il faut faire le tri. D'abord parce que des solutions, il y en a beaucoup, que Est-ce que tout fonctionne ? On n'a pas la certitude. Et puis, quel est l'impact de ces actions, à la fois menées par des professionnels de santé, mais aussi par des entreprises ou des partenaires purement privés ? Et l'impact, on l'a étudié systématiquement. Aujourd'hui, ce rapport, lorsqu'on l'a remis à Agnès Fermin-Le Bodo, qui était ministre de l'époque, on s'est dit que ça n'allait pas être une fin en soi. Ça permettait de mettre le sujet dans le débat public et donc d'en faire un objet. Ça permettait également de mettre en lumière des initiatives qui étaient montées par le terrain, avec le terrain. Et c'était aussi l'occasion de rappeler au grand public que la santé de ceux qui prennent soin des autres, elle était prioritaire, quasi fondamentale, pour articuler avec le plus d'efficacité possible le système de santé et surtout garantir sa pérennité. qu'en fait le sujet de l'influence de représentants d'intérêt, on pourrait dire industriel, ça a été réduit à zéro parce que ce n'était pas le sujet de notre rapport. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas été confronté à ces personnes, mais on n'a pas fait une priorité dans notre travail. Et en tant que conseiller, pour te donner le regard de l'autre côté, évidemment, des représentants d'intérêt, on en croise beaucoup, des rendez-vous, il y en a énormément. Ce que j'ai rappelé lors de l'atelier que tu as évoqué en introduction, Beaucoup de cabinets de conseillers en affaires publiques qui accompagnent des entreprises, des fédérations, des ordres, des associations. Moi j'ai quand même été surpris de voir le niveau de certains cabinets ou de voir la qualité des livrables produits par certains cabinets. Pour certains c'est extrêmement qualitatif et les rendez-vous sont de fait productifs parce qu'une heure dans un agenda de ministre, c'est le cas de le dire, ou de conseiller, c'est assez précieux. Donc il faut que l'heure soit intéressante, qualitativement et intellectuellement productive. Il faut que ça débouche sur quelque chose. Si c'est seulement pour faire une photo avec le conseiller ou le ministre, globalement ça ne sert à rien, alors je ne suis pas contre les photos, mais je ne vois pas vraiment l'intérêt encore plus aujourd'hui, vu l'agitation de l'agenda politique, parce que le conseiller que vous rencontrez, je suis l'exemple, le conseiller que les gens rencontraient en novembre, au mois de janvier, il n'était plus là. Donc est-ce que ça vaut bien le coup de venir rencontrer pour rencontrer ? donc qu'est-ce qui est livré et livrable à l'issue de ce rendez-vous force est de constater que des cabinets ne l'ont pas bien compris et donc on avait face à nous du très quali et du pourri avec une base à 100% intelligence artificielle générative ou des notes d'argumentaire des notes de position, des propositions PPL étaient produites par Tchot-GPT pour ne pas citer la marque et là ça m'inquiète parce que quand je connais les prix pratiqués par certains cabinets. Évidemment, ce genre de clients, tu peux les enchaîner toute la journée puisque la requête sur ChatGPT, ça dure 30 secondes. Est-ce que c'est bien ça, aujourd'hui, la valeur ajoutée d'un cabinet ou d'un consultant d'affaires publiques ? Je ne le crois pas. La plus-value, et ce qu'on voyait avec des cabinets un peu plus chiadés ou des consultants un peu plus qualis, c'est la manière avec laquelle tu vas bien mettre en relation le terrain et les intérêts politiques. comment tu vas identifier les opportunités dans l'agenda politique ou institutionnel, et surtout, comment tu permets à la personne, non pas de seulement rencontrer le ministre, mais de créer du lien suffisamment robuste avec l'autorité, avec le directeur d'administration centrale, pour que cette personne se dise au moment où tel ou tel sujet arrive sur la table, « Ah oui, c'est vrai, on en a déjà parlé » . Pour moi, c'est la valeur ajoutée.

  • Speaker #1

    Alors justement, pour revenir sur le rapport, tu parles d'agitation dans les calendriers. Qu'est-ce qui devient ce rapport ? Comment est-ce qu'on peut le faire devenir un amendement, une proposition de loi ou autre ?

  • Speaker #0

    Alors ce rapport...

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a eu des suites déjà ?

  • Speaker #0

    Il a eu des suites. Il a eu des suites à retardement. C'était une bombe à retardement ce rapport, positivement. Rien n'a explosé au ministère, c'est promis. On l'a remis en octobre 2023 à Ernest-Germain-Lebaudot. Quelques mois après un remaniement, Agnès Firmand-Lebaudot quitte le gouvernement. Donc Philippe Denormandie et moi, notamment, on a repris ce sujet avec les nouveaux cabinets. On a continué à rencontrer et les ministres, et les conseillers, et l'administration centrale, et puis à travailler en parallèle aussi autour de ce sujet pour créer en quelque sorte une forme de, moi, ce que j'appelle lobbying culturel. Pourquoi ? Parce que quand on parle de lobbying, d'influence, elle n'est pas nécessairement que politique dans l'immédiat. A nouveau, est-ce que c'est bien utile de toujours aller serrer la main du ministre et de faire une photo avec lui pour lui dire « Coucou, on lui en a parlé, c'est important, vous voyez, on fait avancer les choses » . Donc, il faut mobiliser l'opinion publique, il faut mobiliser les parties prenantes, et puis il faut utiliser aussi les canaux, qui sont des canaux presque irréfutables. Et pour nous, l'un de ces outils, c'était la science. C'était produire du savoir et de la connaissance autour du sujet de la santé des soignants. Philippe de Normandie, avec la fondation dont il est délégué général, a investi dans des équipes de recherche pour que ces équipes produisent des travaux scientifiques sur le sujet de la santé des soignants. Moi, j'ai choisi de réunir l'ensemble des parties prenantes qu'on avait pu rencontrer au cours de la mission autour d'un ouvrage collectif qui était la première référence académique pluridisciplinaire sur le sujet de la santé des soignants, qui était préfacée par le vice-président du Conseil d'État, par exemple, qui nous permet aujourd'hui encore puisqu'il a été publié en mars 2025, donc il y a quand même peu de temps au moment où on enregistre, qui nous permet aujourd'hui de participer à des tables rondes, de communiquer sur les réseaux sociaux, de pouvoir aussi à chaque auteur de s'en emparer dans son coin et de l'utiliser comme un vecteur de promotion du sujet dans son écosystème. Et puis aujourd'hui, ce rapport, bon an, moins l'an, il a quand même pu produire et amener à la réalisation de... L'une de nos premières recommandations qui était la création d'un comité de suivi ministériel dédié à la santé des soignants.

  • Speaker #1

    Alors ça veut dire quoi ? Qu'est-ce que c'est concrètement ?

  • Speaker #0

    Le comité de suivi, il a pour fonction d'abord d'administrer le sujet. Parce qu'on a quand même souffert de différentes expériences où les aléas des nominations politiques font que, systématiquement, il faut ré-acculturer les cabinets, il faut ré-acculturer le ministre pour leur dire que... Aller sur tel ou tel sujet, en l'occurrence notre sujet de la santé des soignants, ça présente un intérêt. Il faut retravailler également avec les cabinets et les ministres pour identifier quel est son niveau d'appropriation du sujet. Parce que quand on parle de santé des soignants, certains peuvent regarder le sujet sous le seul angle de la santé au travail, d'autres vont plutôt le regarder sous l'angle de la qualité de vie et des conditions de travail, d'autres vont le regarder sous un angle de santé publique. Il faut se mettre à corps avec le ministre pour éviter que d'abord il y ait des défauts d'interprétation et qu'il y ait des quiproquos une fois qu'on amènera la création de telle ou telle proposition. Et donc ce comité pour nous il nous semblait important parce qu'il permet de sanctuariser le sujet du côté administratif. Ça permet aussi de continuer à battre le fer tant qu'il est chaud. Alors depuis 2023 il était un peu tiédi ce fer mais il restait quand même un petit peu malléable. Et ce fer c'est celui des parties prenantes. C'est les fédérations, les ordres, les associations, les syndicats, bref, toutes celles et ceux qui aujourd'hui déjà agissent pour cette thématique. Et puis c'est sur la base des recommandations qu'on avait formulées, sur la base des premières propositions qu'on avait dessinées en 2023, c'est proposer, et le ministre actuel a fixé cet objectif au comité de suivi, c'est proposer une feuille de route d'action et d'un pilotage d'ici la fin de l'année ou tout début de l'année prochaine.

  • Speaker #1

    Alors justement Alexis, si tu avais une réforme à proposer, si tu avais le pouvoir d'en amener une sur la table et de la faire passer, quelle serait-elle ?

  • Speaker #0

    Si j'avais du pouvoir, je ferais plein de choses. Alors pour moi, une réforme, je ne dirais peut-être pas jusqu'à utiliser le mot réforme, mais puisqu'on est dans un podcast qui parle d'affaires publiques et que c'est un sujet que je défends quand même régulièrement dans différentes séquences, moi je suis toujours surpris de voir le manque de culture institutionnelle et en affaires publiques. des professionnels de santé eux-mêmes. Alors que d'abord sont les bras armés des politiques publiques de santé, puisque aujourd'hui, si les politiques publiques se réalisent dans le secteur sanitaire, social et médico-social, c'est parce que les professionnels de ce secteur font en sorte que tous les jours, il y ait une production, il y a un livrat de ces politiques, mais à contrario, ils les connaissent à peine. Ils connaissent à peine l'institution qui les dirige, alors le terme est peut-être impropre, mais en tout cas qui... leur donne un cadre juridique, un cadre de compétences, un cadre fonctionnel tout simplement. En formation initiale, pour l'avoir vécu à deux reprises, à la fois en formation d'aide-soignants, mais aussi en formation d'infirmiers, il y a quand même assez peu où ça reste du saupoudrage sur l'acculturation et l'enseignement à qu'est-ce que le ministère de la Santé, quelles sont les instances qui gouvernent le secteur de la santé, qu'est-ce qu'une fédération, qu'est-ce qu'une fédération employeur, une fédération salarié, un syndic. à un ordre, c'est quoi la différence entre les deux ? On n'a aucun enseignement là-dessus et c'est très dépendant de l'institut de formation dans lequel tu vas suivre ta formation. Sauf que, c'est comme tout, pour conduire une voiture, il faut avoir le permis et pour avoir le permis, il faut maîtriser les grandes mécaniques de la voiture. Il faut détenir le code et puis il faut comprendre comment fonctionnent les pédales et le volant. Aujourd'hui, si on veut que des professionnels de santé soient acteurs encore plus en tout cas, du système de santé, il faut qu'ils aient un minimum de compréhension, une lecture fine des rouages, de la mécanique et de la manière avec laquelle l'institution santé, j'aime bien l'appeler comme ça, agit au quotidien et en même temps s'engage dans une vision prospective sur les grands enjeux de santé à l'échelle 2040, 2050 et plus si affinité. Parce que, et on le voit au niveau de la décision publique, je vais reprendre mon exemple en tant qu'infirmier, des conseillers ministériels qui appartiennent au corps paramédical, il y en a eu très peu jusqu'à présent, voire pas du tout. Ça veut dire quelque chose, ça veut dire que d'un côté il y a un cruel manque de formation. Il y a un manque de légitimité également. Et souvent, la formation peut amener davantage de légitimité parce que quand tu es dans la maîtrise d'un sujet, tu n'as pas peur de prendre la parole pour agir sur ce sujet. Donc pour moi, si j'avais une réforme à mener, ce serait davantage de formation initiale et continue dans le secteur des affaires publiques pour les professionnels de santé au sens très large du terme, parce qu'on peut très bien être agent de service hospitalier et avoir de bonnes idées, comme un professeur d'université peut en avoir de très mauvaises.

  • Speaker #1

    On va passer à la séquence vrai-faux, donc je vais t'énoncer des phrases, tu me réponds par vrai ou faux et tu peux évidemment développer si tu le souhaites. La première phrase c'est la santé reste dominée par les gros lobbies pharmaceutiques.

  • Speaker #0

    Vrai, l'industrie pharmaceutique et l'industrie de santé de manière générale d'abord ont un large coup d'avance sur l'ensemble des acteurs du secteur, parce que ça fait partie de leur culture d'entreprise. Faire des affaires publiques c'est indispensable à une industrie pour faire avancer son business, tout simplement au sens positif ou négatif du terme. je ne vais pas juger, mais pour faire avancer son business, il faut faire des affaires publiques. Donc oui, aujourd'hui, ça reste dominé, mais en même temps, on constate qu'il y a beaucoup d'acteurs, de nouveaux acteurs qui arrivent sur ce marché des affaires publiques, et il y a des fédérations qui font un travail formidable sur ce sujet-là, et des associations également. Je pense à une association dans mon champ, qui est l'association Soins Professionnels de Santé. Ils ont une activité d'influence et de lobbying qui est extrêmement forte et qui permet de faire avancer. un certain nombre de sujets et de causes.

  • Speaker #1

    La deuxième phrase c'est les jeunes élus ou les jeunes conseillers peut-être peuvent faire émerger des sujets s'ils jouent bien leurs cartes.

  • Speaker #0

    Vrai alors tout dépend de quelle carte tu joues et de la manière avec laquelle tu les abats tes cartes. Et pour bien connaître la mécanique du jeu, à mon sens, il faut se faire mentorer, il faut se faire tutoré, il faut se faire accompagner tout simplement. J'ai eu la chance d'être toujours accompagné, mentoré par des personnes qui avaient plus d'expérience que moi ou qui tout simplement étaient bienveillants. avec ma façon de travailler et donc m'ont toujours soutenu, accompagné et de temps en temps, même assez souvent, rappelé à l'ordre en disant bon là calme toi parce que c'est peut-être un peu too much que tu fais.

  • Speaker #1

    Et la dernière affirmation c'est l'intelligence artificielle va remplacer les collaborateurs parlementaires.

  • Speaker #0

    Non mais tout en restant vigilant, reprenant l'exemple de tout à l'heure, je dis l'IA générative elle est extrêmement présente, ça veut pas dire que c'est l'ensemble du marché et des cabinets de conseil qui le font, fort heureusement il y a quand même beaucoup encore qui conservent une large part d'éthique et de valeur professionnelle, mais il n'empêche que c'est là. Et donc c'est un peu comme dans le secteur de la santé, aujourd'hui on dit que l'IA va remplacer le médecin, parce qu'elle pose un diagnostic parfois plus fin que le médecin lui-même. Mais ce qu'on n'arrivera jamais à remplacer, c'est l'humain. Et en off, avant d'enregistrer le podcast, on discutait, et on s'est dit que le sujet relationnel, communicationnel, il était indispensable pour faire des affaires publiques. Eh bien l'IA ne remplacera aujourd'hui en tout cas pas encore la relation humaine, qui est nécessaire pour mener à bien un projet, un deal, une réunion et une relation de client avec ton partenaire en affaires publiques.

  • Speaker #1

    Tu as beaucoup parlé de formation pendant ce podcast. Est-ce que tu as un conseil pour une ou un jeune qui veut s'engager dans les affaires publiques de santé ?

  • Speaker #0

    D'abord se former, évidemment. La formation est nécessaire, mais un peu comme les métiers du soin, la formation est nécessaire pour comprendre comment fonctionne le client. corps comment fonctionnent les médicaments quelles sont les classes de tels ou tels dispositifs médical mais in fine et on apprend davantage sur le terrain parce qu'on a les mains dans le moteur d'une part et surtout parce que on le sait bien entre la théorie la pratique est quand même toujours un gars et encore plus quand on parle d'affaires publiques parce que il ya de la relation humaine et donc oui le plfss c'est bien joli d'en connaître toutes les subtilités et chaque ligne de compte mais en même temps c'est pas si simple que ça une fois que on est face à des parlementaires ou face à des collaborateurs parlementaires. ou face à l'administration centrale quand il s'agit de négocier point par point telle ou telle ligne de budget. Donc ça, à mon sens, il faut trouver dans la formation les terrains de stage les plus apprenants possibles. Et ne pas avoir peur de demander et de tenter sa chance dans des administrations ou dans des secteurs où potentiellement ça peut effrayer en se disant « non, ça ne s'est pas fait pour moi, j'en suis pas capable, je ne me sens pas légitime à nouveau » . Eh bien non, allez-y, tentez. Et puis se faire accompagner à nouveau. Et ne pas hésiter à poser des questions et à se renseigner. Aujourd'hui, on a quand même la chance sur Internet, via des podcasts comme le tien ou d'autres, de pouvoir monter en compétence doucement, tranquillement, en faisant son footing, en faisant du vélo, en prenant les transports, en faisant un trajet dans la voiture. Ne pas hésiter à se former différemment, justement avec des gens qui ont... un peu d'expérience, qui peuvent faire un retour sur cette expérience et qui peuvent donner les ficelles, les ficelles qu'on n'apprend pas à l'école, tout simplement.

  • Speaker #1

    Alexis, on arrive à la conclusion de ce podcast. Est-ce qu'il y a un sujet que tu voulais aborder que tu n'as pas encore eu le temps de développer ?

  • Speaker #0

    Pour moi, le sujet, c'est transformer la légitimité des professionnels de santé sur ce sujet des affaires publiques, y compris politiques, en disant que chacune et chacun ont cette capacité en eux, en elles. de pouvoir gravir les échelons, de pouvoir porter une parole, de pouvoir influencer la décision publique dans le secteur qui les concerne, à condition de le faire avec un minimum d'éthique et de valeur, qui restent individuelles, mais qui sont importantes à conserver, pour éviter d'aller sur des sujets d'abord trop sensibles, touchy, ou sales, tout simplement. Et si j'avais un conseil, lecture, pour justement permettre aux professionnels de santé peut-être de... d'ouvrir leur chakra sur le sujet des affaires publiques avec cet impératif d'éthique, c'est le livre Lobby Tommy, qui explique bien que dans le secteur de la santé, on a l'industrie du tabac, l'industrie pharmaceutique, bref, on perd des industries extrêmement sales, ou des lobbyings extrêmement sales. On doit conserver sa part d'éthique et choisir ses combats, tout simplement, et quand on est professionnel, je crois qu'on a cette capacité de choisir ses combats et de prioriser en fonction. de ce qui nous pousse tous à choisir cette voie professionnelle, c'est bien l'humain.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Alexis.

  • Speaker #0

    Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

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