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#7 – Arnaud Gilles – L'écologie face au pouvoir : plaidoyer, stratégies et espoirs avec WWF France cover
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#7 – Arnaud Gilles – L'écologie face au pouvoir : plaidoyer, stratégies et espoirs avec WWF France

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37min |22/04/2025
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Description

L’écologie est-elle encore une priorité politique ? Comment faire entendre la voix de la nature quand les discours se durcissent et que les décisions prennent un autre cap ? Dans ce nouvel épisode d’Hémicycle, Pierre Laburthe reçoit Arnaud Gilles, porte parole chez WWF France, pour un échange dense et éclairant sur les coulisses de l’influence environnementale.


🎯 Arnaud nous fait entrer dans le quotidien d’un acteur stratégique de la transition écologique : produire des rapports d’expertise, convaincre les parlementaires, défier les résistances administratives, et surtout, saisir les bonnes fenêtres d’opportunité. Il revient notamment sur la campagne emblématique menée contre les SUV, et sur la manière d’interpeller un ministre… au bon moment.


💬 À travers son parcours, entre institutions internationales, ONG et administration publique, Arnaud dévoile une réalité exigeante : celle d’un combat souvent invisible, fait de patience, d’agilité, de moments de doute — mais aussi de petites victoires qui changent tout.

Dans cet épisode, on parle aussi de :


✅ Comment construire un plaidoyer crédible à partir de données scientifiques.
✅ Le rôle des COP, entre diplomatie et rapport de force.
✅ Ce qu’il faudrait faire si l’on disposait… de 10 milliards pour la transition.
✅ Pourquoi parler d’écologie autrement est devenu essentiel.
✅ Le regard d’un ours en Alaska comme déclic pour s’engager.


🌍 Arnaud évoque aussi sa prochaine aventure, loin des couloirs du pouvoir : embarquer sur un bateau, au plus près de la nature, pour mieux continuer à porter la voix du vivant.


🎧 Un épisode fort, à la croisée de la stratégie politique, de l’éthique et de l’émerveillement. Pour celles et ceux qui cherchent à comprendre comment l’écologie s’écrit… dans les marges de la loi.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On raisonne pour le politique et on se met à sa place. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. Tu prends un truc dans la tête que tu n'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Pas parce que ça fait un an et demi que les politiques ont déserté qu'il n'y a plus rien à dire sur le sujet. Vous ne moquez pas de nous, on fait de l'argent et il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Arnaud Gilles, directeur du plaidoyer de WWF France. Salut Arnaud Salut Est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs et auditrices

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Arnaud, je suis responsable international du WWF et porte-parole de cette organisation non gouvernementale, cette association pour la protection de l'environnement. Ça fait cinq ans maintenant que je arpente les couloirs des ministères, de l'Elysée quand il faut, et des réunions internationales aussi pour influencer les politiques en matière d'environnement.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours, ce qui t'a conduit vers les affaires publiques

  • Speaker #0

    Oui, moi j'ai fait des études qui m'ont permis d'étudier à la fois les sciences, Brut, donc physique, chimie, mathématiques, biologie et les sciences politiques. J'ai eu cette chance de conserver à la fois une entrée très scientifique sur des sujets très importants pour notre environnement et en même temps de découvrir ce que c'est l'histoire de notre République, l'économie, les finances publiques, le droit constitutionnel, le droit public. Et armé de toutes ces disciplines, enfin ce que j'ai pu en retenir au cours de mes études, je me suis orienté dans les politiques de l'environnement en fait. Et je suis d'abord passé par l'administration pour un temps. J'ai travaillé pour l'ex-ambassadrice des pôles Arctique et Antarctique, qui était Ségolène Royale à l'époque. J'ai travaillé aussi un petit peu dans la gestion des pêcheries Antarctique et Sub-Antarctique. Donc vous savez peut-être que la France a des territoires un peu perdus aux confins du monde, qui se situent dans les eaux australes, juste dans l'océan Indien. Et on administre autour de ces territoires, que sont les îles Kerguelen, l'île de Crozet, ou Saint-Paul et Amsterdam, on administre des pêcheries, puisqu'on y pêche des poissons qui se vendent très cher, notamment aux Etats-Unis et en Asie. Des poissons qui s'appellent par exemple la légine, qui est un poisson de fond qu'on appelle l'or blanc parce qu'il se vend très très cher. Et donc la France administre des pêcheries, elle donne des quotas à certains pêcheurs, elle contrôle et elle essaie de gérer un peu durablement ses stocks de poissons parce qu'ils ont été complètement dévastés dans les années 80 par notamment les pêcheries soviétiques. Mais bon, on en est revenu, ça s'est bien géré, j'y suis passé un petit peu. J'ai eu la chance d'aller voir ces territoires qui sont des merveilles de biodiversité. En fait, vous voyez des colonies de manchots à perte de vue, des éléphants de mer. des albatros, des animaux marins aussi quand on navigue, et tout ça, ça m'a donné évidemment beaucoup de fuel, et l'expression n'est pas très heureuse en écologie, mais c'est ça, c'est vraiment du carburant pour des années d'engagement. Et voilà, donc je suis passé par là, par les couloirs un peu de l'ONU aussi, où on m'a... J'étais que stagiaire à l'époque, mais on m'a filé des petites résolutions à négocier au sein de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Alors si vous voyez passer la journée mondiale des abeilles le 20 mai, sachez que, voilà, c'est Arnaud qui négociait en tant que bon stagiaire à l'époque. Et voilà, et donc un peu Un peu de Ségolène Royal et j'en suis arrivé à me dire qu'il était temps de m'engager, mais cette fois-ci du côté des ONG. Et donc j'ai rejoint il y a 5 ans le WWF à la base pour lancer une campagne contre les SUV. Ça on y reviendra peut-être, mais ça m'a occupé un certain temps.

  • Speaker #1

    Justement là tu parles de voyage, tu parles de négociation. C'est quoi le quotidien Quelles sont vraiment les actions que tu fais tous les jours pour faire avancer les choses

  • Speaker #0

    Alors je vais reprendre la formule d'un diplomate que je salue qui est aujourd'hui ambassadeur à Berlin, qui s'appelle François Delattre, qui était l'ambassadeur auprès de l'ONU quand j'ai fait ce stage, et qui m'a dit Arnaud, en fait parfois dans la diplomatie, il y a deux temps, il y a le temps du tennis et il y a le temps du ping-pong. Et il m'a dit La diplomatie à l'ONU, c'est du ping-pong, c'est-à-dire qu'on n'a pas le temps de se replacer pour frapper, il faut enchaîner les échanges très rapidement et tout va très vite. Alors que vous êtes parfois dans des positions beaucoup plus lentes, ou par exemple une ambassade dans un pays où on négocie tranquillement, ça c'est du tennis. Quand on frappe, on se positionne, on réfléchit au coup, on prend le temps. Et moi, ma vie ces dernières années a consisté à alterner entre ces deux postures. Quand j'étais dans les réunions internationales que sont les COP, vous avez peut-être entendu parler des COP pour le climat ou la biodiversité, c'est du ping-pong. En fait, tout va très vite. Vous croisez 15 fois la ministre française en une journée, vous avez des rendez-vous avec les diplomates toutes les 5 minutes parce que vous les croisez à la sortie d'une salle de négociation. Et tout ça, ça va très vite, il faut se repositionner, dire ce qu'on pense, conseiller la ministre sur où est-ce qu'on peut aller. Et c'est des échanges très très resserrés. Alors qu'à Paris, quand vous préparez un dossier, typiquement ce dossier sur les SUV sur lequel j'ai beaucoup travaillé, et bien là on prend énormément de temps avant de produire un rapport scientifique par exemple. Ça veut dire 3-4 mois de travail scientifique en interne, avec nos experts, avec des gens qui nous aident aussi, des institutions scientifiques. Tout ça c'est vraiment une phase de repli, avant de se dire, bon maintenant c'est le moment, on bombarde, on publie un rapport, on demande des comptes aux autorités publiques et on leur demande d'agir. Et donc, en termes de rythme, et cette expression ping-pong-tennis est parfois intéressante, c'est vraiment ça la vie d'une personne qui fait de l'influence politique. et de la communication politique pour une ONG, c'est savoir jongler entre ces phases d'accélération où tout d'un coup tout va très vite, il faut savoir réagir, être là, positionner la parole de son ONG dans le débat public, et à un moment il faut aussi savoir se replier, réfléchir, savoir si ce n'est pas le bon moment pour intervenir, qu'est-ce qu'on a besoin d'apporter au débat pour que le débat avance. Parfois vous n'avez pas besoin d'un rapport scientifique en fait. Le sujet SUV, il se trouve que pour nous, il n'était pas posé sur la table au moment où on s'en est saisi, personne ne savait vraiment ce que c'était un SUV, et donc on avait... formuler le constat qu'il fallait définir cet objet avant de s'y attaquer. Mais vous avez d'autres sujets qui sont très bien connus, documentés par d'autres, par exemple la réduction des pesticides qui est nécessaire parce qu'ils provoquent un certain nombre de maladies chez nos agriculteurs et chez les consommateurs. Ça c'est un sujet qui est plutôt bien documenté, sur lequel si je devais m'en saisir demain, je me dirais qu'on a à peu près le fond d'expertise nécessaire et que c'est plutôt d'autres leviers qu'il va falloir aller mobiliser. Donc ça aussi, le métier consiste à jongler entre ces échanges ping-pong-tennis, mais aussi entre des outils... Parce que parfois, il faut prendre le bon outil pour le bon sujet et auprès de la bonne cible.

  • Speaker #1

    Donc moi là, si je suis Arnaud, j'ai le rapport des chercheurs du côté des SUV. À qui je m'adresse Comment je fais Et aussi pendant la rédaction du rapport, comment je prépare le terrain

  • Speaker #0

    Il faut être en veille en fait. Ce sujet des SUV, on s'en est saisi parce qu'on a vu passer un rapport de l'Agence internationale de l'énergie qui disait que les SUV étaient dans le monde à l'échelle de la planète la deuxième source de croissance des émissions de CO2 ces dix dernières années. En fait, on a été un peu choqués de la statistique. On s'est dit, mais comment c'est possible Et surtout, est-ce que c'est la même chose en France Puisqu'on remarque que depuis des années, on a en fait une offre de ces modèles un peu plus gros, un peu plus lourds, qui se répand de manière beaucoup plus prégnante que c'était le cas il y a encore 10-15 ans. On est d'abord partis de cette démarche scientifique avec un ingénieur spécialisé, expert en mobilité durable, avec qui on a construit ce rapport. On s'est d'abord dit, on va regarder en France si la progression fulgurante des ventes de SUV depuis 10 ans... a aussi fait des SUV la deuxième source de croissance des émissions en France. Et le résultat, au bout de quatre mois de recherche, c'est que c'était bien le cas. Donc on a travaillé avec des institutions comme l'ADEME, qui est une agence de l'État qui travaille à la transition écologique dans plein de secteurs. On a travaillé avec des experts de chez eux sur les mobilités, aussi des experts de France Stratégie, qui était un organe rattaché au service du Premier ministre et qui travaille aussi sur un tas de sujets stratégiques, dont la transition notamment automobile. Et on a réuni une petite communauté d'experts. On a produit ces résultats et on a constaté, un peu avec stupeur, que les SUV, aussi en France, avaient constitué la deuxième source de croissance des émissions de CO2. Une fois que vous avez ça, ce n'est pas suffisant en fait. On a un résultat scientifique, mais le résultat scientifique, pour qu'un ministre le comprenne, pour que les médias s'en emparent, pour qu'on en parle et qu'enfin on ait un peu d'action sur ce sujet, il faut bien le formuler. Et c'est là qu'intervient une personne comme moi, qui est censée être expert en communication politique et en relations publiques. Il faut savoir comment le formuler, et typiquement là... Ce dont on a discuté avec l'expert avec qui je travaillais, c'était de savoir, mais si on prolonge la tendance et si les ventes de SUV continuent, est-ce que ça va compromettre les objectifs de réduction d'émissions de CO2 que la France s'est donnée Et résultat, oui, évidemment. Et donc, on a projeté les émissions associées au SUV sur 10 ans et on a regardé ce que ça donnerait. Et le message qu'on a pu apporter aux politiques, c'est non seulement ces 10 dernières années, ça a été la deuxième source de croissance des émissions, mais si on continue, ça va faire complètement exploser les plafonds. d'émissions de CO2 que vous êtes fixés pour réduire les émissions de la France et lutter contre le réchauffement climatique. Donc vous voyez vraiment ce raisonnement de on raisonne pour le politique et on se met à sa place. Et moi, si je vois un sujet qui me dit l'SUV ça émet trop, je vais faire ouais, ok, très bien, mais en fait, si on me dit l'SUV ça émet trop par rapport à ce à quoi je me suis engagé moi en tant que ministre français, et bien là, ça va me poser problème. On se met toujours un petit peu dans l'esprit des décideurs politiques pour comprendre qu'est-ce qui va les mobiliser. Et là, il était nécessaire de d'abord... poser le problème SUV sur la table, parce qu'à l'époque, et c'était il y a cinq ans, vous posiez le sujet SUV sur la table, des ministres comme Bruno Le Maire par exemple, les cartes aiment un revers de la main, et les services de l'administration aussi. Et ça c'est une démarche qui est importante pour nous, quand on prépare quelque chose comme ça, on parle avec des scientifiques évidemment, mais on va aussi un peu sonder les autorités publiques. On va les sonder à tous les niveaux, vous prenez l'administration, les services compétents dans les ministères à l'écologie, à l'énergie, à l'économie, tout ça, vous allez les voir, on leur demande ce qu'ils pensent de telle solution. comment ils appréhendent une mesure contre les SUV par exemple, et vous comprenez un peu les contours des blocages auxquels vous allez vous confronter. Et ça, c'est indispensable de bien baliser ça, mais on rentre là dans une seconde phase d'influence, qui est qu'une fois qu'on a posé le problème, il faut proposer une solution. Et là, il faut aussi être force de proposition et avoir un peu de créativité, parce que sinon, on s'en remet à des espèces de totems qui reviennent tout le temps et qui ont un peu découragé déjà les politiques depuis des années.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Et donc, il faut être force de proposition, mais vers qui Quels interlocuteurs tu choisis Et là, par exemple, comment ça se fait que Bruno Levemaire a pu retourner sa décision, retourner son opinion

  • Speaker #0

    C'est très simple. Bruno Levemaire, le jour où on a publié notre rapport sur les SUV, il était en matinale chez France Inter ou je ne sais plus quelle radio, et il a eu droit à une question sur les SUV. Et c'était très bien. Et c'était notre but, parce que le fait que le sujet politiquement soit posé sur sa table, et qui plus est en matinale politique un matin, ça va faire qu'il va se mobiliser, que deux minutes plus tard vous pouvez être sûr que son cabinet prend des consignes là-dessus, et que cinq minutes plus tard vous pouvez être sûr que l'administration qui travaille avec ce cabinet ministériel va prendre des consignes et va demander ce qu'on en pense, qu'est-ce qu'on peut faire et est-ce que c'est envisageable. Donc, si vous voulez, quand on interpelle un ministre politiquement, derrière il y a toute une cascade de commandes, d'ordres, de demandes qui vont faire... engranger toute une machine politique qui va se mettre en route, normalement pour traiter le problème, alors avec plus ou moins de bonne foi, plus ou moins de moyens aussi, mais en tout cas, on a enclenché quelque chose. Quand on s'attaque à un sujet, la première question, c'est qu'est-ce qui va pouvoir le régler Qui est la personne Comme tu me disais, c'est qui la cible Et ça, c'est très important pour nous. Moi, sur un sujet comme les SUV, la cible, c'était d'abord le ministre de l'économie à l'époque, parce que c'est lui qui tient les cordons de la bourse, et c'est lui qui décide de, par exemple, mettre en place une nouvelle taxe sur les voitures les plus lourdes, pour en décourager l'achat. Et donc, ça a fait de ce ministre, à l'époque, une cible prioritaire pour nous.

  • Speaker #1

    Dans ce cas-là, on passe par l'opinion publique, entre guillemets, par une opinion qui arrive aux journalistes, qui arrive à la matinale de France Inter. Est-ce qu'il y a des cas où on passe directement par des parlementaires Est-ce que vous avez d'autres canaux d'échange

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas toujours le cas. On n'a pas toujours besoin de passer par une interpellation publique avec une prise à partie de l'opinion publique, même si souvent, en fait, on a des découvertes dans nos rapports scientifiques qui méritent d'être portées à la connaissance de tout le monde. Parce qu'il y a des choses assez révoltantes et parce qu'il y a des solutions hyper enthousiasmantes. Donc on essaie toujours de communiquer auprès du grand public pour leur dire, Regardez, déjà ça c'est un scandale, mais surtout on a des solutions, donc soutenez-les parce que ça peut aller dans le bon sens. Néanmoins, il y a parfois des moments où la politique va tellement vite que si on n'a pas un rapport sous la main, ou si on n'a pas toute une campagne de mobilisation et de communication... On peut quand même intervenir parce qu'on a des liens étroits avec les autorités publiques. Typiquement, les COP. Les COP, c'est des moments où, tu sais, il y a toute une délégation qui se rend aux négociations internationales. Moi, j'ai été à une COP à Dubaï, alors ça pouvait interroger d'un point de vue écologique. À Cali, très récemment, sur la biodiversité. Et ça, c'est des moments où, quand la ministre vous demande, avec d'autres ONG, ce que vous pensez du texte qui est mis sur la table et que tout le monde va adopter dans quelques heures, ben là, on n'a pas le temps d'aller interpeller un ministre en plateau public. On est dans des réunions très, très informelles. on se croise au détour d'un couloir, on pointe du doigt un paragraphe en disant ça, ça va pas du tout dans le bon sens, par contre ça, deux paragraphes plus loin, c'est très bien parce que peut-être que les pays vont s'engager à sortir des énergies fossiles. Et donc on est dans des conseils très informels dont nous, on se rend redevables après auprès de nos publics, on communique là-dessus, mais c'est des moments où en pleine nuit, moi je vais pas réveiller les Français si à Dubaï on demande notre avis entre 3 et 4 heures du matin sur un texte qui doit être adopté par les 190 et quelques pays de la planète au petit matin. Donc il y a parfois, et là on rejoint cette idée de ping-pong et tennis, mais il y a des moments où on n'a pas le temps et il faut aller vite. Et de toute façon, on sait quoi porter et on rendra des comptes quand ça sera fait.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression que c'est souvent autour des ministres ou directement du gouvernement que vous agissez. Est-ce que ça vous arrive de travailler avec des parlementaires ou d'essayer d'influencer un amendement, une proposition de loi ou autre

  • Speaker #0

    Oui, tout dépend du sujet, tout dépend des pouvoirs des gens à qui on s'adresse. Mais typiquement, depuis les quelques mois qui sont passés depuis la dissolution, de l'Assemblée nationale et la réélection, on se rend bien compte que le capital politique et le pouvoir politique s'est un peu rééquilibré et que peut-être, vu la valse des gouvernements qu'on a connus ces derniers mois, peut-être qu'un ministre n'a peut-être pas autant de pouvoir maintenant qu'un député qui porterait une proposition de loi avec une vaste majorité derrière lui parce qu'il a réussi à construire quelque chose autour d'un sujet. Donc les députés et les sénateurs, sénatrices, c'est très important pour nous parce que déjà, ça permet de socialiser un problème, de tester un peu les équilibres politiques. Et surtout, ça permet de les institutionnaliser. Si jamais on se dit qu'il y a un sujet et qu'un député, une députée est prêt à le porter, ça nous donne de l'écho.

  • Speaker #1

    Le gouvernement dit en ce moment qu'il n'y a plus d'argent. Or, on a besoin de milliards pour réussir notre transition environnementale. Où est-ce qu'on peut les trouver, ces milliards Qu'est-ce que tu voudrais leur dire à notre classe politique

  • Speaker #0

    En fait, le gouvernement, ils sont marrants parce que nous, ça fait des années qu'on leur dit déjà que, et ce n'est pas que nous, l'Inspection Générale des Finances en a fait un rapport très clair, dans le budget de l'État chaque année. En fait, tu as 10 milliards d'euros de dépenses publiques, donc du contribuable, c'est notre argent à nous tous, qui participent à détruire la nature. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. C'est des activités qui, par exemple, subventionnent les énergies fossiles ou subventionnent une agriculture qui est mauvaise pour la biodiversité. Et tout ça, c'est donc notre argent qui sort de notre poche parce qu'on paye les impôts et qui va participer à abîmer la biodiversité dans nos campagnes, sur notre littoral, ou participer à booster les émissions de gaz à effet de serre parce qu'on a les mauvaises énergies encore et que... on pollue trop et on consomme trop d'énergie fossile. Donc ça, première chose qu'on leur dit, c'est l'argent, déjà commencez par arrêter de le dépenser là où vous faites du tort. Et ça, c'est la première des urgences. Par ailleurs, et je reviens au sujet des SUV, mais parfois c'est facile de trouver de l'argent, et parfois ça fait à la fois sens économique, écologique et budgétaire de trouver de l'argent pour la transition écologique. Typiquement les SUV, on a remarqué que si on mettait en place une taxe assez légère pour les petites voitures, les petits SUV, mais beaucoup plus lourde pour les voitures les plus chères, que les plus aisées peuvent se permettre d'acheter, et bien on peut dégager près de 2 milliards d'euros par an, de ressources supplémentaires donc pour le budget de l'État. charge au gouvernement de décider quoi en faire mais on pourrait financer la rénovation thermique de nos bâtiments, la mise en place de pratiques agricoles plus vertueuses, la transition dans nos pêches, enfin voilà tout un tas de trucs. Mais il y a des gisements, parfois on est assis sur des trésors financiers et pour l'écologie et on veut pas les voir et donc nous notre premier rôle en tant que spécialiste comme ça de l'environnement et de l'influence politique autour de ça c'est de signaler et de dire mais vous moquez pas de nous en fait l'argent il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit. Et il y a quelque chose du bon sens d'aller le chercher sur des voitures qui vont polluer et qui vont nous coûter plus cher plus tard en maladies, en dépenses de santé et autres.

  • Speaker #1

    Et si tu avais les 10 milliards, toi, actuellement, qu'est-ce que tu en ferais C'est quoi la priorité du point de vue de WWF France ou du tien

  • Speaker #0

    On a effectivement besoin de beaucoup d'argent. Il y a plein de programmes à enclencher. Typiquement, la rénovation thermique des bâtiments, c'est un sujet à la fois de santé, d'égalité sociale aussi, parce qu'il y a plein de passoires thermiques qui continuent à dilapider l'argent des gens qui essaient de se chauffer. C'est un sujet aussi de climat parce que le bâtiment est le... Le chauffage, c'est encore, pour la plupart d'ailleurs en France, au gaz. Et donc, ça émet énormément de CO2. Et donc, on gagnerait sur tous les plans à rénover, mais de manière globale. On ne parle pas de remplacer une fenêtre, parce que ça, ça ne marche pas. Et on a vu qu'on avait parfois un peu tendance à faire des gestes dispersés. On gagnerait à financer les vastes programmes de rénovation énergétique, par exemple. Le problème, c'est que, et c'est ce qui se passe depuis un an, parfois, le politique a tendance à se doter de bons objectifs. Donc, ils se disent, vas-y, on va rénover tant de logements. chaque année et à un certain rythme, au bout de quelques années, on arrivera au bon endroit et on aura rénové assez de logements pour qu'on n'émette plus beaucoup de CO2. Ça, c'est très bien. Le gouvernement s'est dit qu'on allait sortir je ne sais pas combien de milliers de logements de la catégorie des passoires thermiques parce qu'on les aura rénovés. Le problème, c'est que la manière dont tu mesures ces passoires thermiques, ça, ça a changé. Il y a un logiciel qui s'appelle le DPE, le Diagnostic de Performance Énergétique. Et très récemment, il y a un peu plus d'un an, le gouvernement a dit... On change rien, on s'engage toujours à sortir tant de passoires thermiques, on va les rénover et on va en sortir, mais par contre on va changer un petit peu la manière dont on calcule ce qui est une passoire thermique et ce qui n'en est pas. C'est passé inaperçu parce que c'est des techniques de ministères et que ça se fait dans les grands tableaux Excel dans les ministères à la Défense ou dans Paris, mais en fait, en changeant le logiciel, tu trafiques tout et donc tu réduis l'ambition que tu as prise pour dans quelques années. Donc c'est très facile et on a fait exactement, enfin le gouvernement a fait exactement la même chose sur les pesticides. Tu te dis, on s'est engagé à réduire les pesticides de temps d'ici 2030. Très bien, sauf que si le gouvernement change la manière dont on mesure les pesticides, tu peux avoir changé l'indicateur, si bien que tu ne t'engages quasiment pas à réduire. Donc il y a ces trafics d'indicateurs qui sont extrêmement préoccupants pour nous, parce que ça permet au gouvernement de dire, en fait je garde la face, mon ambition c'est la même, je n'ai rien changé les gars, mais dans le fond, parce qu'ils mesurent différemment la manière dont ils vont atteindre ces objectifs, tout change. Et donc voilà, sur les pesticides, la rénovation, c'est des choses qui passent un peu inaperçues, mais qui disent beaucoup en tout cas sur la manière dont le gouvernement est en train un peu d'abandonner certains chantiers écologiques. Et tu me disais donc, où doit aller l'argent Rénovation thermique, c'est un exemple. Transition, sortie de la voiture thermique, ça c'est très important. Sortie des SUV aussi, qui sont plus lourds, qui polluent beaucoup plus, qui font plus d'accidents en plus, parce que c'est du risque pour notre sécurité routière. Et tout ça, c'est important d'accompagner par exemple les ménages qui sont dépendants de la voiture, pour leur proposer une solution plus... petites, plus électriques, qui polluent moins, mais qui leur permettent quand même de se déplacer parce qu'il n'est pas question de les priver de leurs moyens de locomotion. D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi votre stratégie à venir en termes d'influence Alors là, il y a un contexte international qui ne vous est pas favorable. J'ai vu que vous aviez une chaîne TikTok, par exemple. Est-ce que vous misez sur les jeunes Quelles sont les prochaines étapes pour vous Alors là,

  • Speaker #0

    tu m'invites à parler d'un diagnostic très personnel, c'est que... Effectivement, pour avoir parlé aux politiques et à l'administration publique depuis quelques années, je me rends compte qu'il va nous falloir diversifier, parce que ça fait un an que, sur l'écologie, on a en gros des responsables politiques qui désertent un peu le champ et qui se disent que c'est plus tant un sujet. Voilà, ça fait un an, un an et demi que, en gros, depuis l'arrivée du gouvernement de Gabriel Attal, on nous a mis coup sur coup sur des sujets très importants, comme typiquement la réduction des pesticides. qui concerne quand même notre santé et la santé des agriculteurs. Sur des sujets, je l'évoquais, de la rénovation thermique des bâtiments, ça c'est très important aussi. Les sujets de transition automobile aussi, là on n'en entend plus parler du tout. Au début, il y a eu un peu ce truc de on change juste les indicateurs et on garde la même ambition, comme je l'expliquais. Et maintenant, il y a un peu un truc très assumé que l'écologie n'est plus un sujet, que de toute façon ça embête tout le monde, politiques compris. Mais c'est du gros raccourci et c'est très malheureux parce qu'on va se le prendre en retour de bâton, choix mille dans quelques temps. Typiquement, à ce moment, on se dit, en Europe, on est en train de se demander comment les pays européens vont réagir à toute la tension commerciale, notamment qui émerge de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau président aux États-Unis, des tensions avec la Chine. Et bien typiquement, il y a plein de domaines dans lesquels l'Europe gagnerait à faire de l'écologie parce que ça la renforcerait en termes d'économie. Les SUV, par exemple, prenez les... Les SUV, c'est quelque chose sur lequel les Français et les Européens produisent en moyenne beaucoup moins lourd que ce qu'on produit à l'étranger en termes de voitures américaines. Et là, si on joue là-dessus, qu'on met en place une taxe sur les voitures lourdes, automatiquement, tu vas créer un espèce de delta, de différence de compétitivité entre les voitures européennes plus légères, donc plus accessibles, et les voitures plus lourdes, étrangères, qu'on va taxer. Et donc, ça serait une manière de redonner les marges de compétitivité et de développement économique pour des constructeurs et des industriels européens. Ça c'est un exemple. Il y a un autre sujet qui est beaucoup plus flagrant, c'est pourquoi on utilise notre eau en France et en Europe en général. On sait que l'eau là, ça va passer sous tension bientôt, non pas parce qu'il y en a moins, mais parce qu'elle est répartie sur le territoire de manière beaucoup moins homogène et que ça va être beaucoup plus fluctuant dans le temps et dans l'espace et qu'il y aura des zones où on en manquera, des zones où on en aura trop. On voit les inondations qui ont touché le nord de la France il n'y a pas longtemps et qui ont touché le nord de l'Espagne aussi il n'y a pas longtemps. Là-dessus, nous, on continue d'utiliser beaucoup d'eau pour produire du maïs, par exemple. Et le maïs, on va l'utiliser, pourquoi Pour l'exporter. Et pourquoi on l'exporte Pour aller nourrir du bétail à l'étranger, pour doper la consommation de viande à l'étranger. Ça, c'est pas du bon sens. On est en train, en gros, de dilapider notre ressource en eau, d'assécher notre territoire, pour aller encourager les étrangers à bouffer de la viande. Voilà, ce qui n'est pas du tout dans notre intérêt, nous, a priori, et qui est en plus cause du tort à la planète. Donc, il y a des réflexes à avoir. Typiquement, autre sujet, l'énergie. On voit à quel point on prend des pressions américaines pour acheter le pétrole américain en ce moment. On voit à quel point on a dû se couper de la dépendance à l'égard du gaz russe. On aurait tout intérêt, le plus vite possible, à déployer des moyens de production autonomes sur notre territoire, ce qui nous empêchera d'aller acheter au prix fort du pétrole américain ou de je ne sais quel autre pays et de payer une énorme facture pour continuer à polluer. Si on a des éoliennes ou des panneaux solaires en Europe, c'est des solutions quand même beaucoup moins chères, sur lesquelles on a beaucoup plus la main et qui nous permettront d'être beaucoup plus autonomes stratégiquement. Voilà, donc en fait, on a du bon sens à avoir et une manière dont on peut allier à la fois les intérêts économiques et stratégiques de l'Europe et de la France et le besoin de traiter ce sujet de l'environnement.

  • Speaker #1

    Si je vais sur un côté plus personnel, quand un Trump arrive au pouvoir ou quand l'extrême droite est aux portes du pouvoir en France, est-ce que ça nous donne envie de quitter le travail qu'on est en train de faire parce qu'en une semaine, on a 15 ans de boulot qui est écrasé

  • Speaker #0

    Non, non, c'est jamais écrasé. Ça donne envie de s'acharner encore plus dans le travail. C'est pas perdu, en fait. C'est pas parce qu'on va parler dans le vide pendant quelques années, c'est pas parce que, comme je le disais, ça fait un an et demi que les politiques ont déserté, qu'il n'y a plus rien à dire sur nos sujets. Et c'est là où, pardon, je reprends ta question de tout à l'heure, du coup, tu me demandais, on a un nouveau TikTok, est-ce que ça fait partie d'une stratégie Évidemment, en fait, qu'il faut aller parler à d'autres personnes que les conseillers ministériels, les ministres et les conseillers du président de la République à l'Élysée. et surtout parce qu'il faut réconcilier et rassembler, et ça c'est un diagnostic très personnel mais force est de constater que nos sujets d'écologie, quand tu dis écologie déjà c'est rebutoir pour un certain nombre de personnes qu'on le veuille ou non, et force est de constater qu'ils n'ont pas été très fédérateurs ces sujets pour beaucoup de monde et qu'aujourd'hui tu dis écologie, on va penser éolienne, voiture électrique et un tas de choses qui n'inspirent pas forcément une bonne réception pour tout le monde et ça je suis sûr qu'il y a des manières de redessiner un peu ce que c'est l'écologie Pour les gens qui ont envie, qui sont assez quand même curieux, je pense, qui voient bien qu'il y a un problème avec la planète, qu'on se prend des inondations dans la tranche, que la biodiversité disparaît, qu'on a de moins en moins d'oiseaux, d'insectes. On a quand même des coraux en France, par nos territoires d'outre-mer, qui sont en train de disparaître, en tout cas qui sont largement abîmés. Je pense que tout le monde voit un petit peu ces trucs-là, en outre-mer comme en métropole, et qu'il y a quand même une soif de savoir et de comprendre ce qui se passe. Mais pour l'instant, la manière dont on a abordé ça, c'était très clivant. Et ce n'est pas nous les ONG, parce qu'en plus au WWF, on... On fait ça de manière très constructive, à chaque fois on apporte des solutions, on montre qu'on peut faire beaucoup mieux et que ça peut bénéficier à plein de monde. Mais il faut quand même réconcilier, je pense, un certain nombre de Français avec ces sujets. Ça veut dire en parler différemment, prendre différentes postures, et surtout ça veut dire ne plus être seulement à Paris dans les arcades du pouvoir.

  • Speaker #1

    Là tu parles de débouchés, d'espoir. J'aimerais savoir si à moi tu peux me renouer de l'espoir. Pour te donner un peu de contexte, j'ai fait un master en développement durable, spécialité RSE. J'avais pour objectif de sauver le monde, comme plein de gens. Et puis je me suis trouvé à la sortie de mes études avec deux choix, soit travailler pour une asso... et avoir un salaire qui me permettait pas de rester à Paris ou soit d'aller dans des grosses tours à la Défense et faire du greenwashing avec un salaire qui allait très bien. Et alors t'as fait quoi finalement Et bah alors j'ai pas su prendre de décision, j'ai fait complètement autre chose et je suis parti, j'ai déserté ce monde-là à ce moment-là et j'avais l'impression que j'avais le choix d'être du bon côté de l'histoire mais pas d'avoir de l'espoir.

  • Speaker #0

    Je comprends que... Il puisse y avoir un peu de frustration, avoir un certain nombre de gens qui ont vu des formations, qui ont normalement eu toute l'information nécessaire sur l'urgence, qui a agi et qui se dirigent pourtant vers des carrières où tu te dis que ça ne va pas forcément aider notre problème dans les prochaines années. Je comprends parce qu'on voit qu'effectivement, c'est plus confortable d'un point de vue matériel. En plus, la vie est chère, surtout si tu vis dans les grandes villes. C'est quelque chose qui est préoccupant. Maintenant, je dirais que c'est à chacun d'arbitrer. Moi, l'argent ne m'aurait pas acheté... une conscience très agréable au quotidien, donc je préfère rogner là-dessus et me dire que tous les matins que je fais quelque chose qui va plutôt dans le bon sens, plutôt que faire une croix là-dessus et avoir un confort matériel et je peux partir. En plus de ça, de cet aménagement, et ça c'est vraiment chacun le fait, il y a quelque chose de l'ordre de nos désirs, c'est quoi qui nous fait kiffer. Est-ce que partir pour deux jours en Sicile et revenir le lundi ou le dimanche soir, c'est un kiff au même titre que prendre le train, avoir le temps de sentir que tu traverses du paysage. reprendre un peu de temps et de lenteur. Je pense qu'il faut aussi s'ouvrir à des nouvelles manières de se faire plaisir, de comprendre le monde, de l'aller l'arpenter. En fait, c'est aussi un peu une mine d'or. Il y a plein de nouvelles choses à découvrir. Les modèles qu'on nous a inculqués, qui nous disent qu'en fait, un bon salaire, ça va te permettre d'aller faire plein de trucs très vite. Je pense qu'il y a des attentes qui peuvent être réorientées vers des trucs encore plus kiffants et que c'est un peu la responsabilité de notre génération d'aller explorer ça parce qu'on ne nous l'a pas montré. Et donc ça, j'ai pleinement confiance. Je sais qu'il y a plein de nouvelles manières d'inventer le voyage, par exemple, d'aller en vacances. Je pense qu'il y a pas mal de gens qui, après le Covid, se sont dit peut-être qu'en France, il y a déjà des trucs super sympas à voir. Moi, je pense que je n'aurais pas assez de ma vie pour aller voir tous les petits coins de France, là où tu as des fonds de vallées de fous, tu es tranquille, des littoraux aussi assez préservés, des petits villages. Et puis l'Europe est ouverte par le train, on peut circuler librement, c'est une chance énorme. Si on s'y prend un peu à l'avance, c'est aussi un de nos combats que les billets de train soient un peu moins chers. et surtout que ça se rééquilibre par rapport au prix des billets d'avion. Mais le jour où ce sera le cas, là, ça va ouvrir des territoires d'exploration et de découverte pour les gens, et notamment les plus jeunes, ce qui va être incroyable.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que, alors justement, moi, il y avait une phrase que j'aimais bien quand j'étais en études, qui était la phrase de Gandhi qui dit Sois le changement que tu veux voir dans le monde Et alors justement, toi, tu parlais tout à l'heure du paradoxe que tu avais à... aller à Dubaï, prendre l'avion souvent pour représenter les intérêts de WWF. Comment tu vis avec ça

  • Speaker #0

    Avec plein de questions. C'est sûr que prendre l'avion pour aller à Dubaï, a priori, ce n'était pas dans mon programme quand j'ai signé pour la protection d'environnement. Mais on fait un calcul très froid. On se dit, si on n'y va pas, qui va y aller À Dubaï, il y avait un nombre record de lobbyistes fossiles. Moi, j'ai croisé des gars à Dubaï qui te disent dans les yeux que... En fait, eux, s'ils n'étaient pas venus pour leur boîte, ils n'auraient pas voulu laisser la parole à d'autres boîtes. Et en fait, il y a un espèce de phénomène de place de marché qui se crée, où tout le monde veut être là, et tout le monde se raconte un peu l'histoire que s'il n'est pas là, le monde irait moins bien. Je pense que c'est quand même nécessaire pour les ONG d'y être. Les COP, c'est des moments, qu'on le veuille ou non, qui sont très importants. C'est le seul moment où tu as des petits pays qui peuvent demander des comptes aux grands pays. Il y a eu une COP très marquante, au début des COP, il y a une sorte de cérémonie où tous les chefs d'État prennent la parole. Ça dure deux jours parce qu'il y a plein de chefs d'État. Et il y a un chef d'État qui a envoyé une vidéo. C'était un chef d'État d'une petite île du Pacifique. Et il s'est filmé avec son pupitre, discours. Sauf qu'il avait les pieds dans l'eau. Et donc il avait l'eau aux genoux. En costard et tout, mais... Pupitre, discours, costard, tout allait comme normal, mais juste les pieds dans l'eau. Et il a dit, en fait, moi, mon pays, c'est une île. Mon île, elle va disparaître dans quelques années parce que l'eau est en train de monter. Et ça, c'était une manière d'interpeller les chefs d'État. notamment les chefs d'État des pays les plus riches, États-Unis, Europe, même Asie pour certains pays, pour leur dire qu'il y a urgence à agir. Et ces COP, c'est le seul moment où les petits pays peuvent parler aux grands pays et qu'on peut demander des comptes. Et donc là-dessus, il y a un besoin d'avoir le soutien des organisations, ONG, militants et tout, et c'est important qu'on soit là pour ça. C'est le seul moment où on peut le faire, et franchement, s'il n'y avait pas les COP, je pense qu'il y a certains ministres, notamment les ministres français, qui ne se seraient pas rendus compte de l'urgence qu'il y a dans certains pays. Et parfois, ça les chamboule. Moi, j'ai croisé des ministres qui se disent En fait, je viens de voir tel ministre de tel pays. Je suis choqué. Je ne savais pas que c'était ça leur enjeu. Donc ça va créer des petits électrochocs. Nous, ça crée des espaces aussi. On va demander des comptes. Si Macron ou le président, peu importe, arrive à une COP et dit… Pour parler du climat, on va lui dire t'as prévu quoi parce que là, c'est l'urgence, la France n'est pas dans les clous. Et donc, c'est des moments d'interpellation aussi. Donc, pour toutes ces raisons, évidemment que ça ne me fait pas plaisir de prendre un vol et qu'en plus, ce n'est pas un kiff du tout de prendre l'avion. Mais pour toutes ces raisons, ça vaut le coup d'aller se faire deux semaines de négociations où on ne dort pas beaucoup, c'est vrai, où on est épuisé à la fin. Mais en tout cas, on a essayé de soutenir des collègues dans des ONG des pays du Sud qui, eux, parfois risquent beaucoup plus que ça. On a eu une COP en Égypte. qui se tenait à un moment très particulier parce qu'il y avait une grève de la faim dans une prison pour des questions politiques. Il y avait tout un soutien de la société civile et les gens qui soutenaient, notamment en Égypte, pouvaient être inquiétés par le gouvernement et les forces de l'ordre sur place. Et donc ça, c'est des leçons de courage que nous, on prend en pleine face parce que moi, évidemment, je me donne dans mon travail. Mais jusque là, et peut-être que ça ne durera pas, mais je n'ai pas été inquiété pour mon travail et pour mes prises de position écologiques. Et bien, il y a des collègues pour qui c'est le cas. Et quand on défend les droits de l'homme, Quand on défend l'environnement dans certains pays, je pense que ça peut être un acte encore plus courageux parce qu'on peut se mettre en danger. Ça, on le réalise aussi au COP. Pour toutes ces raisons, c'est vrai que ce n'est pas une bonne chose de prendre l'avion, mais on a estimé que ça valait le coup d'aller travailler là-bas deux semaines.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit avant l'entretien que tu allais vers une nouvelle aventure. Pour terminer avec ce chapitre d'affaires publiques, quel serait le conseil que tu donnerais à la personne qui va te remplacer là, si moi je devais prendre ton poste maintenant et que tu avais une minute pour me dire Tout ce que tu avais appris, en tout cas, ce qu'il faut éviter ou ce qu'il faut faire, qu'est-ce que ça serait

  • Speaker #0

    C'est technique en une minute, mais tu as raison, c'est une bonne question. Je dirais qu'il faut être assez offensif et agile, en fait, et qu'il ne faut pas laisser passer les chances, parce que moi, j'ai mesuré qu'en 5 ans, les chances de faire passer une mesure pour l'écologie, pour la protection de l'environnement, ça ne se représente pas deux fois. Et donc, si ça arrive et que tu n'es pas prêt parce que tu voulais publier un tout beau rapport, que tu avais prévu de faire ça et ça avant d'en parler, en fait, il faut quand même y aller parce que... l'opportunité ne se représentera pas. Donc je crois que tous les gens qui travaillent dans les affaires publiques le mesurent, c'est un calendrier qu'on ne contrôle pas, qui peut partir dans un sens que même les meilleurs scénarios de Canal+, n'ont pas imaginé, même s'ils font des très bons scénarios. Et donc il faut vraiment se ruer sur l'occasion et aller avec toute la retenue, la rigueur scientifique, vraiment la discipline qui fait qu'on est carré quand on parle de ces sujets et qu'on nous écoute. Je dirais qu'il y a beaucoup de discipline et en même temps qu'il faut être très agile quand on intervient. Si demain on me dit... il va être discuté en Conseil des ministres, un sujet qui m'intéresse. J'en ai peut-être pas deux fois l'occasion de le faire dans mon travail, donc je multiplie tout ce qu'il faut de démarches pour aller parler aux bonnes personnes.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de ta prochaine aventure et du pourquoi de cette évolution

  • Speaker #0

    Oui, je parlais de fuel et de carburant pour l'engagement. En fait, l'écologie, on y tombe de plein de manières, qu'on appelle ça écologie ou non d'ailleurs. Le souci de protéger l'environnement, d'améliorer la vie des concitoyens. C'est quelque chose qui peut venir de plein de trucs. Je ne sais pas, tu peux lire un rapport du GIEC et te dire c'est quoi ce bazar, il y a urgence à agir. Et tu peux entrer par d'autres manières. Moi, je suis entré parce que j'ai vu des ours en Alaska. C'était il y a très longtemps. J'ai traversé le Canada en stop quand j'étais étudiant là-bas. Et ça m'a pris deux mois. Je suis parti de Toronto, à l'est du Canada, pour arriver à Vancouver, à l'ouest. Et ensuite de Vancouver, j'ai remonté jusqu'en Alaska. Donc ça a repris un mois de remontée jusqu'à... dans les grands parcs nationaux, l'Alaska, notamment là où a été tourné Into the Wild. En fait, j'ai été vachement secoué par le regard d'un ours, ça peut paraître anodin, mais moi ça me met toujours en émotion quand j'en parle. Quand tu croises le regard du truc, il te renifle, il t'appréhende, et tout d'un coup, tu prends un truc dans la tête que t'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Tu vois à quel point t'es petit, déjà t'es dans des espaces immenses, tu vois que t'es un peu recontextualisé dans l'espace naturel. T'es plus... T'es plus le boss du truc, quand tu te balades en forêt à Fontainebleau, t'es à peu près sûr que tu vas pas être mis en danger, ou que t'es pas le... Voilà, là, t'es dans les grands espaces, tu dois faire attention à où tu mets ta bouffe quand tu vas dormir en tente, t'es pas tout seul, il faut respecter les équilibres, y'a même des parcs naturels où on te dit, si tu déplaces une pierre, tu la remets au bon endroit, parce que sous la pierre, t'as une colonie de fourmis, t'as des trucs, donc t'es vraiment dans une optique où tu te recontextualises un peu, et tu te remets à ta place, et ça, ça met un petit coup, et après j'ai eu des rencontres... Comme je le disais, je travaillais un peu dans les pêches vers l'Antarctique. J'ai pris le bateau pendant un mois. J'étais un larmin à bord de ce bateau, donc je me faisais réveiller la nuit pour faire des plannings d'hélicoptères parce qu'il fallait déverser du matériel, des vivres, des scientifiques. Enfin, je faisais tout un tas de trucs, mais voir le regard d'un dauphin qui saute dans les vagues quand tu es à bord, ou voir les colonies de manchots dont tu apprends plus tard qu'elles sont en danger parce que les os se réchauffent, ils doivent aller chercher leur bouffe de plus en plus loin. et que quand la maman au manchot elle va chercher la bouffe, ou le papa manchot d'ailleurs parce qu'il se partage les tâches et ben il revient pas parce que il s'est épuisé en route là tu te dis wow, il faut faire quelque chose et donc moi je suis vraiment rentré là dedans par cette émotion et l'émerveillement et la chance d'avoir été confronté à ces gros trucs hyper impressionnants Et je me dis qu'il est temps d'aller reprendre un peu de carburant. Et je vais me former au métier de marin pour les prochains mois, pour apprendre auprès de ces gens-là qui sont confrontés à la nature et qui travaillent au plus près de la nature, qui en ont besoin et qui ont des énormes défis devant eux parce qu'il faut que l'activité se transforme. Que ce soit les transports de passagers, que ce soit la pêche, il y a plein de trucs à changer. Et donc je vais me mettre en immersion là-dedans pour comprendre un peu et continuer à communiquer auprès des gens. Je ne sais pas si ça sera un TikTok. Si ce sera d'autres formats où on pourra se réunir et parler un peu de ça. Mais essayer de leur parler autrement d'écologie, parce que j'aurais eu un pied à bord d'un bateau, j'aurais appris un peu plus que juste les arcanes du pouvoir. J'ai envie un peu de naviguer entre les couloirs du pouvoir, les coulisses, et ce qui se fait dans le pays sur l'écologie.

  • Speaker #1

    Merci Arnaud. Pour conclure, est-ce que tu as une recommandation culturelle à nous partager J'ai une recommandation qui m'a beaucoup marqué.

  • Speaker #0

    C'est un livre de Romain Garry qui s'appelle Les racines du ciel que j'ai lu il y a quelques années. qui raconte l'histoire dans une Afrique à l'époque coloniale, donc administrée par des pouvoirs coloniaux, qui raconte l'engagement d'un militant qui s'appelle Morel, qui se bat en fait contre la chasse aux éléphants, et qui explique, et ça fait tristement écho à notre temps, mais à un moment on lui demande pourquoi il se bat pour tout ça, et il explique qu'il a été incarcéré dans des camps nazis pendant la guerre, et que dans les camps nazis, il était avec certains camarades de cellules. dans une optique de survie, et que pour survivre, alors qu'ils avaient des gardes qui se faisaient battre, toute l'horreur de l'incarcération sous le régime nazi, qu'ils s'imaginaient des éléphants courir dans la nature et braver tous les grands espaces, et qu'en fait cet élan de liberté, que rien ne pouvait arrêter, et bien lui ça le faisait rire, il explique, c'est dit de manière super belle, mais que les gars étaient là à rire tout seuls dans la cellule, et qu'ils avaient quelque chose que les criminels nazis ne pouvaient pas leur enlever, et que ça rendait fous les criminels, mais que eux... se figurer quelque part cette liberté dans les méfants qui courent dans la nature, c'était en fait une méthode de survie que jamais personne ne pourrait leur enlever. Et je me suis dit, mais moi, tant qu'il y a des gens qui écrivent comme ça déjà, et tant qu'il y a effectivement ces grandes consens de la nature, ou même ces petites bêtes qui, quelque part, sont en liberté et sont protégées, c'est du carburant encore là pour continuer à vivre. Voilà, donc les racines du ciel de Romain Guéry, c'est un passage vraiment monstrueux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Arnaud, merci pour cet entretien.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    C'était hyper cool et puis à la prochaine.

  • Speaker #0

    Oui, salut.

  • Speaker #1

    Salut. Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

Description

L’écologie est-elle encore une priorité politique ? Comment faire entendre la voix de la nature quand les discours se durcissent et que les décisions prennent un autre cap ? Dans ce nouvel épisode d’Hémicycle, Pierre Laburthe reçoit Arnaud Gilles, porte parole chez WWF France, pour un échange dense et éclairant sur les coulisses de l’influence environnementale.


🎯 Arnaud nous fait entrer dans le quotidien d’un acteur stratégique de la transition écologique : produire des rapports d’expertise, convaincre les parlementaires, défier les résistances administratives, et surtout, saisir les bonnes fenêtres d’opportunité. Il revient notamment sur la campagne emblématique menée contre les SUV, et sur la manière d’interpeller un ministre… au bon moment.


💬 À travers son parcours, entre institutions internationales, ONG et administration publique, Arnaud dévoile une réalité exigeante : celle d’un combat souvent invisible, fait de patience, d’agilité, de moments de doute — mais aussi de petites victoires qui changent tout.

Dans cet épisode, on parle aussi de :


✅ Comment construire un plaidoyer crédible à partir de données scientifiques.
✅ Le rôle des COP, entre diplomatie et rapport de force.
✅ Ce qu’il faudrait faire si l’on disposait… de 10 milliards pour la transition.
✅ Pourquoi parler d’écologie autrement est devenu essentiel.
✅ Le regard d’un ours en Alaska comme déclic pour s’engager.


🌍 Arnaud évoque aussi sa prochaine aventure, loin des couloirs du pouvoir : embarquer sur un bateau, au plus près de la nature, pour mieux continuer à porter la voix du vivant.


🎧 Un épisode fort, à la croisée de la stratégie politique, de l’éthique et de l’émerveillement. Pour celles et ceux qui cherchent à comprendre comment l’écologie s’écrit… dans les marges de la loi.

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Transcription

  • Speaker #0

    On raisonne pour le politique et on se met à sa place. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. Tu prends un truc dans la tête que tu n'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Pas parce que ça fait un an et demi que les politiques ont déserté qu'il n'y a plus rien à dire sur le sujet. Vous ne moquez pas de nous, on fait de l'argent et il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Arnaud Gilles, directeur du plaidoyer de WWF France. Salut Arnaud Salut Est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs et auditrices

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Arnaud, je suis responsable international du WWF et porte-parole de cette organisation non gouvernementale, cette association pour la protection de l'environnement. Ça fait cinq ans maintenant que je arpente les couloirs des ministères, de l'Elysée quand il faut, et des réunions internationales aussi pour influencer les politiques en matière d'environnement.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours, ce qui t'a conduit vers les affaires publiques

  • Speaker #0

    Oui, moi j'ai fait des études qui m'ont permis d'étudier à la fois les sciences, Brut, donc physique, chimie, mathématiques, biologie et les sciences politiques. J'ai eu cette chance de conserver à la fois une entrée très scientifique sur des sujets très importants pour notre environnement et en même temps de découvrir ce que c'est l'histoire de notre République, l'économie, les finances publiques, le droit constitutionnel, le droit public. Et armé de toutes ces disciplines, enfin ce que j'ai pu en retenir au cours de mes études, je me suis orienté dans les politiques de l'environnement en fait. Et je suis d'abord passé par l'administration pour un temps. J'ai travaillé pour l'ex-ambassadrice des pôles Arctique et Antarctique, qui était Ségolène Royale à l'époque. J'ai travaillé aussi un petit peu dans la gestion des pêcheries Antarctique et Sub-Antarctique. Donc vous savez peut-être que la France a des territoires un peu perdus aux confins du monde, qui se situent dans les eaux australes, juste dans l'océan Indien. Et on administre autour de ces territoires, que sont les îles Kerguelen, l'île de Crozet, ou Saint-Paul et Amsterdam, on administre des pêcheries, puisqu'on y pêche des poissons qui se vendent très cher, notamment aux Etats-Unis et en Asie. Des poissons qui s'appellent par exemple la légine, qui est un poisson de fond qu'on appelle l'or blanc parce qu'il se vend très très cher. Et donc la France administre des pêcheries, elle donne des quotas à certains pêcheurs, elle contrôle et elle essaie de gérer un peu durablement ses stocks de poissons parce qu'ils ont été complètement dévastés dans les années 80 par notamment les pêcheries soviétiques. Mais bon, on en est revenu, ça s'est bien géré, j'y suis passé un petit peu. J'ai eu la chance d'aller voir ces territoires qui sont des merveilles de biodiversité. En fait, vous voyez des colonies de manchots à perte de vue, des éléphants de mer. des albatros, des animaux marins aussi quand on navigue, et tout ça, ça m'a donné évidemment beaucoup de fuel, et l'expression n'est pas très heureuse en écologie, mais c'est ça, c'est vraiment du carburant pour des années d'engagement. Et voilà, donc je suis passé par là, par les couloirs un peu de l'ONU aussi, où on m'a... J'étais que stagiaire à l'époque, mais on m'a filé des petites résolutions à négocier au sein de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Alors si vous voyez passer la journée mondiale des abeilles le 20 mai, sachez que, voilà, c'est Arnaud qui négociait en tant que bon stagiaire à l'époque. Et voilà, et donc un peu Un peu de Ségolène Royal et j'en suis arrivé à me dire qu'il était temps de m'engager, mais cette fois-ci du côté des ONG. Et donc j'ai rejoint il y a 5 ans le WWF à la base pour lancer une campagne contre les SUV. Ça on y reviendra peut-être, mais ça m'a occupé un certain temps.

  • Speaker #1

    Justement là tu parles de voyage, tu parles de négociation. C'est quoi le quotidien Quelles sont vraiment les actions que tu fais tous les jours pour faire avancer les choses

  • Speaker #0

    Alors je vais reprendre la formule d'un diplomate que je salue qui est aujourd'hui ambassadeur à Berlin, qui s'appelle François Delattre, qui était l'ambassadeur auprès de l'ONU quand j'ai fait ce stage, et qui m'a dit Arnaud, en fait parfois dans la diplomatie, il y a deux temps, il y a le temps du tennis et il y a le temps du ping-pong. Et il m'a dit La diplomatie à l'ONU, c'est du ping-pong, c'est-à-dire qu'on n'a pas le temps de se replacer pour frapper, il faut enchaîner les échanges très rapidement et tout va très vite. Alors que vous êtes parfois dans des positions beaucoup plus lentes, ou par exemple une ambassade dans un pays où on négocie tranquillement, ça c'est du tennis. Quand on frappe, on se positionne, on réfléchit au coup, on prend le temps. Et moi, ma vie ces dernières années a consisté à alterner entre ces deux postures. Quand j'étais dans les réunions internationales que sont les COP, vous avez peut-être entendu parler des COP pour le climat ou la biodiversité, c'est du ping-pong. En fait, tout va très vite. Vous croisez 15 fois la ministre française en une journée, vous avez des rendez-vous avec les diplomates toutes les 5 minutes parce que vous les croisez à la sortie d'une salle de négociation. Et tout ça, ça va très vite, il faut se repositionner, dire ce qu'on pense, conseiller la ministre sur où est-ce qu'on peut aller. Et c'est des échanges très très resserrés. Alors qu'à Paris, quand vous préparez un dossier, typiquement ce dossier sur les SUV sur lequel j'ai beaucoup travaillé, et bien là on prend énormément de temps avant de produire un rapport scientifique par exemple. Ça veut dire 3-4 mois de travail scientifique en interne, avec nos experts, avec des gens qui nous aident aussi, des institutions scientifiques. Tout ça c'est vraiment une phase de repli, avant de se dire, bon maintenant c'est le moment, on bombarde, on publie un rapport, on demande des comptes aux autorités publiques et on leur demande d'agir. Et donc, en termes de rythme, et cette expression ping-pong-tennis est parfois intéressante, c'est vraiment ça la vie d'une personne qui fait de l'influence politique. et de la communication politique pour une ONG, c'est savoir jongler entre ces phases d'accélération où tout d'un coup tout va très vite, il faut savoir réagir, être là, positionner la parole de son ONG dans le débat public, et à un moment il faut aussi savoir se replier, réfléchir, savoir si ce n'est pas le bon moment pour intervenir, qu'est-ce qu'on a besoin d'apporter au débat pour que le débat avance. Parfois vous n'avez pas besoin d'un rapport scientifique en fait. Le sujet SUV, il se trouve que pour nous, il n'était pas posé sur la table au moment où on s'en est saisi, personne ne savait vraiment ce que c'était un SUV, et donc on avait... formuler le constat qu'il fallait définir cet objet avant de s'y attaquer. Mais vous avez d'autres sujets qui sont très bien connus, documentés par d'autres, par exemple la réduction des pesticides qui est nécessaire parce qu'ils provoquent un certain nombre de maladies chez nos agriculteurs et chez les consommateurs. Ça c'est un sujet qui est plutôt bien documenté, sur lequel si je devais m'en saisir demain, je me dirais qu'on a à peu près le fond d'expertise nécessaire et que c'est plutôt d'autres leviers qu'il va falloir aller mobiliser. Donc ça aussi, le métier consiste à jongler entre ces échanges ping-pong-tennis, mais aussi entre des outils... Parce que parfois, il faut prendre le bon outil pour le bon sujet et auprès de la bonne cible.

  • Speaker #1

    Donc moi là, si je suis Arnaud, j'ai le rapport des chercheurs du côté des SUV. À qui je m'adresse Comment je fais Et aussi pendant la rédaction du rapport, comment je prépare le terrain

  • Speaker #0

    Il faut être en veille en fait. Ce sujet des SUV, on s'en est saisi parce qu'on a vu passer un rapport de l'Agence internationale de l'énergie qui disait que les SUV étaient dans le monde à l'échelle de la planète la deuxième source de croissance des émissions de CO2 ces dix dernières années. En fait, on a été un peu choqués de la statistique. On s'est dit, mais comment c'est possible Et surtout, est-ce que c'est la même chose en France Puisqu'on remarque que depuis des années, on a en fait une offre de ces modèles un peu plus gros, un peu plus lourds, qui se répand de manière beaucoup plus prégnante que c'était le cas il y a encore 10-15 ans. On est d'abord partis de cette démarche scientifique avec un ingénieur spécialisé, expert en mobilité durable, avec qui on a construit ce rapport. On s'est d'abord dit, on va regarder en France si la progression fulgurante des ventes de SUV depuis 10 ans... a aussi fait des SUV la deuxième source de croissance des émissions en France. Et le résultat, au bout de quatre mois de recherche, c'est que c'était bien le cas. Donc on a travaillé avec des institutions comme l'ADEME, qui est une agence de l'État qui travaille à la transition écologique dans plein de secteurs. On a travaillé avec des experts de chez eux sur les mobilités, aussi des experts de France Stratégie, qui était un organe rattaché au service du Premier ministre et qui travaille aussi sur un tas de sujets stratégiques, dont la transition notamment automobile. Et on a réuni une petite communauté d'experts. On a produit ces résultats et on a constaté, un peu avec stupeur, que les SUV, aussi en France, avaient constitué la deuxième source de croissance des émissions de CO2. Une fois que vous avez ça, ce n'est pas suffisant en fait. On a un résultat scientifique, mais le résultat scientifique, pour qu'un ministre le comprenne, pour que les médias s'en emparent, pour qu'on en parle et qu'enfin on ait un peu d'action sur ce sujet, il faut bien le formuler. Et c'est là qu'intervient une personne comme moi, qui est censée être expert en communication politique et en relations publiques. Il faut savoir comment le formuler, et typiquement là... Ce dont on a discuté avec l'expert avec qui je travaillais, c'était de savoir, mais si on prolonge la tendance et si les ventes de SUV continuent, est-ce que ça va compromettre les objectifs de réduction d'émissions de CO2 que la France s'est donnée Et résultat, oui, évidemment. Et donc, on a projeté les émissions associées au SUV sur 10 ans et on a regardé ce que ça donnerait. Et le message qu'on a pu apporter aux politiques, c'est non seulement ces 10 dernières années, ça a été la deuxième source de croissance des émissions, mais si on continue, ça va faire complètement exploser les plafonds. d'émissions de CO2 que vous êtes fixés pour réduire les émissions de la France et lutter contre le réchauffement climatique. Donc vous voyez vraiment ce raisonnement de on raisonne pour le politique et on se met à sa place. Et moi, si je vois un sujet qui me dit l'SUV ça émet trop, je vais faire ouais, ok, très bien, mais en fait, si on me dit l'SUV ça émet trop par rapport à ce à quoi je me suis engagé moi en tant que ministre français, et bien là, ça va me poser problème. On se met toujours un petit peu dans l'esprit des décideurs politiques pour comprendre qu'est-ce qui va les mobiliser. Et là, il était nécessaire de d'abord... poser le problème SUV sur la table, parce qu'à l'époque, et c'était il y a cinq ans, vous posiez le sujet SUV sur la table, des ministres comme Bruno Le Maire par exemple, les cartes aiment un revers de la main, et les services de l'administration aussi. Et ça c'est une démarche qui est importante pour nous, quand on prépare quelque chose comme ça, on parle avec des scientifiques évidemment, mais on va aussi un peu sonder les autorités publiques. On va les sonder à tous les niveaux, vous prenez l'administration, les services compétents dans les ministères à l'écologie, à l'énergie, à l'économie, tout ça, vous allez les voir, on leur demande ce qu'ils pensent de telle solution. comment ils appréhendent une mesure contre les SUV par exemple, et vous comprenez un peu les contours des blocages auxquels vous allez vous confronter. Et ça, c'est indispensable de bien baliser ça, mais on rentre là dans une seconde phase d'influence, qui est qu'une fois qu'on a posé le problème, il faut proposer une solution. Et là, il faut aussi être force de proposition et avoir un peu de créativité, parce que sinon, on s'en remet à des espèces de totems qui reviennent tout le temps et qui ont un peu découragé déjà les politiques depuis des années.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Et donc, il faut être force de proposition, mais vers qui Quels interlocuteurs tu choisis Et là, par exemple, comment ça se fait que Bruno Levemaire a pu retourner sa décision, retourner son opinion

  • Speaker #0

    C'est très simple. Bruno Levemaire, le jour où on a publié notre rapport sur les SUV, il était en matinale chez France Inter ou je ne sais plus quelle radio, et il a eu droit à une question sur les SUV. Et c'était très bien. Et c'était notre but, parce que le fait que le sujet politiquement soit posé sur sa table, et qui plus est en matinale politique un matin, ça va faire qu'il va se mobiliser, que deux minutes plus tard vous pouvez être sûr que son cabinet prend des consignes là-dessus, et que cinq minutes plus tard vous pouvez être sûr que l'administration qui travaille avec ce cabinet ministériel va prendre des consignes et va demander ce qu'on en pense, qu'est-ce qu'on peut faire et est-ce que c'est envisageable. Donc, si vous voulez, quand on interpelle un ministre politiquement, derrière il y a toute une cascade de commandes, d'ordres, de demandes qui vont faire... engranger toute une machine politique qui va se mettre en route, normalement pour traiter le problème, alors avec plus ou moins de bonne foi, plus ou moins de moyens aussi, mais en tout cas, on a enclenché quelque chose. Quand on s'attaque à un sujet, la première question, c'est qu'est-ce qui va pouvoir le régler Qui est la personne Comme tu me disais, c'est qui la cible Et ça, c'est très important pour nous. Moi, sur un sujet comme les SUV, la cible, c'était d'abord le ministre de l'économie à l'époque, parce que c'est lui qui tient les cordons de la bourse, et c'est lui qui décide de, par exemple, mettre en place une nouvelle taxe sur les voitures les plus lourdes, pour en décourager l'achat. Et donc, ça a fait de ce ministre, à l'époque, une cible prioritaire pour nous.

  • Speaker #1

    Dans ce cas-là, on passe par l'opinion publique, entre guillemets, par une opinion qui arrive aux journalistes, qui arrive à la matinale de France Inter. Est-ce qu'il y a des cas où on passe directement par des parlementaires Est-ce que vous avez d'autres canaux d'échange

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas toujours le cas. On n'a pas toujours besoin de passer par une interpellation publique avec une prise à partie de l'opinion publique, même si souvent, en fait, on a des découvertes dans nos rapports scientifiques qui méritent d'être portées à la connaissance de tout le monde. Parce qu'il y a des choses assez révoltantes et parce qu'il y a des solutions hyper enthousiasmantes. Donc on essaie toujours de communiquer auprès du grand public pour leur dire, Regardez, déjà ça c'est un scandale, mais surtout on a des solutions, donc soutenez-les parce que ça peut aller dans le bon sens. Néanmoins, il y a parfois des moments où la politique va tellement vite que si on n'a pas un rapport sous la main, ou si on n'a pas toute une campagne de mobilisation et de communication... On peut quand même intervenir parce qu'on a des liens étroits avec les autorités publiques. Typiquement, les COP. Les COP, c'est des moments où, tu sais, il y a toute une délégation qui se rend aux négociations internationales. Moi, j'ai été à une COP à Dubaï, alors ça pouvait interroger d'un point de vue écologique. À Cali, très récemment, sur la biodiversité. Et ça, c'est des moments où, quand la ministre vous demande, avec d'autres ONG, ce que vous pensez du texte qui est mis sur la table et que tout le monde va adopter dans quelques heures, ben là, on n'a pas le temps d'aller interpeller un ministre en plateau public. On est dans des réunions très, très informelles. on se croise au détour d'un couloir, on pointe du doigt un paragraphe en disant ça, ça va pas du tout dans le bon sens, par contre ça, deux paragraphes plus loin, c'est très bien parce que peut-être que les pays vont s'engager à sortir des énergies fossiles. Et donc on est dans des conseils très informels dont nous, on se rend redevables après auprès de nos publics, on communique là-dessus, mais c'est des moments où en pleine nuit, moi je vais pas réveiller les Français si à Dubaï on demande notre avis entre 3 et 4 heures du matin sur un texte qui doit être adopté par les 190 et quelques pays de la planète au petit matin. Donc il y a parfois, et là on rejoint cette idée de ping-pong et tennis, mais il y a des moments où on n'a pas le temps et il faut aller vite. Et de toute façon, on sait quoi porter et on rendra des comptes quand ça sera fait.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression que c'est souvent autour des ministres ou directement du gouvernement que vous agissez. Est-ce que ça vous arrive de travailler avec des parlementaires ou d'essayer d'influencer un amendement, une proposition de loi ou autre

  • Speaker #0

    Oui, tout dépend du sujet, tout dépend des pouvoirs des gens à qui on s'adresse. Mais typiquement, depuis les quelques mois qui sont passés depuis la dissolution, de l'Assemblée nationale et la réélection, on se rend bien compte que le capital politique et le pouvoir politique s'est un peu rééquilibré et que peut-être, vu la valse des gouvernements qu'on a connus ces derniers mois, peut-être qu'un ministre n'a peut-être pas autant de pouvoir maintenant qu'un député qui porterait une proposition de loi avec une vaste majorité derrière lui parce qu'il a réussi à construire quelque chose autour d'un sujet. Donc les députés et les sénateurs, sénatrices, c'est très important pour nous parce que déjà, ça permet de socialiser un problème, de tester un peu les équilibres politiques. Et surtout, ça permet de les institutionnaliser. Si jamais on se dit qu'il y a un sujet et qu'un député, une députée est prêt à le porter, ça nous donne de l'écho.

  • Speaker #1

    Le gouvernement dit en ce moment qu'il n'y a plus d'argent. Or, on a besoin de milliards pour réussir notre transition environnementale. Où est-ce qu'on peut les trouver, ces milliards Qu'est-ce que tu voudrais leur dire à notre classe politique

  • Speaker #0

    En fait, le gouvernement, ils sont marrants parce que nous, ça fait des années qu'on leur dit déjà que, et ce n'est pas que nous, l'Inspection Générale des Finances en a fait un rapport très clair, dans le budget de l'État chaque année. En fait, tu as 10 milliards d'euros de dépenses publiques, donc du contribuable, c'est notre argent à nous tous, qui participent à détruire la nature. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. C'est des activités qui, par exemple, subventionnent les énergies fossiles ou subventionnent une agriculture qui est mauvaise pour la biodiversité. Et tout ça, c'est donc notre argent qui sort de notre poche parce qu'on paye les impôts et qui va participer à abîmer la biodiversité dans nos campagnes, sur notre littoral, ou participer à booster les émissions de gaz à effet de serre parce qu'on a les mauvaises énergies encore et que... on pollue trop et on consomme trop d'énergie fossile. Donc ça, première chose qu'on leur dit, c'est l'argent, déjà commencez par arrêter de le dépenser là où vous faites du tort. Et ça, c'est la première des urgences. Par ailleurs, et je reviens au sujet des SUV, mais parfois c'est facile de trouver de l'argent, et parfois ça fait à la fois sens économique, écologique et budgétaire de trouver de l'argent pour la transition écologique. Typiquement les SUV, on a remarqué que si on mettait en place une taxe assez légère pour les petites voitures, les petits SUV, mais beaucoup plus lourde pour les voitures les plus chères, que les plus aisées peuvent se permettre d'acheter, et bien on peut dégager près de 2 milliards d'euros par an, de ressources supplémentaires donc pour le budget de l'État. charge au gouvernement de décider quoi en faire mais on pourrait financer la rénovation thermique de nos bâtiments, la mise en place de pratiques agricoles plus vertueuses, la transition dans nos pêches, enfin voilà tout un tas de trucs. Mais il y a des gisements, parfois on est assis sur des trésors financiers et pour l'écologie et on veut pas les voir et donc nous notre premier rôle en tant que spécialiste comme ça de l'environnement et de l'influence politique autour de ça c'est de signaler et de dire mais vous moquez pas de nous en fait l'argent il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit. Et il y a quelque chose du bon sens d'aller le chercher sur des voitures qui vont polluer et qui vont nous coûter plus cher plus tard en maladies, en dépenses de santé et autres.

  • Speaker #1

    Et si tu avais les 10 milliards, toi, actuellement, qu'est-ce que tu en ferais C'est quoi la priorité du point de vue de WWF France ou du tien

  • Speaker #0

    On a effectivement besoin de beaucoup d'argent. Il y a plein de programmes à enclencher. Typiquement, la rénovation thermique des bâtiments, c'est un sujet à la fois de santé, d'égalité sociale aussi, parce qu'il y a plein de passoires thermiques qui continuent à dilapider l'argent des gens qui essaient de se chauffer. C'est un sujet aussi de climat parce que le bâtiment est le... Le chauffage, c'est encore, pour la plupart d'ailleurs en France, au gaz. Et donc, ça émet énormément de CO2. Et donc, on gagnerait sur tous les plans à rénover, mais de manière globale. On ne parle pas de remplacer une fenêtre, parce que ça, ça ne marche pas. Et on a vu qu'on avait parfois un peu tendance à faire des gestes dispersés. On gagnerait à financer les vastes programmes de rénovation énergétique, par exemple. Le problème, c'est que, et c'est ce qui se passe depuis un an, parfois, le politique a tendance à se doter de bons objectifs. Donc, ils se disent, vas-y, on va rénover tant de logements. chaque année et à un certain rythme, au bout de quelques années, on arrivera au bon endroit et on aura rénové assez de logements pour qu'on n'émette plus beaucoup de CO2. Ça, c'est très bien. Le gouvernement s'est dit qu'on allait sortir je ne sais pas combien de milliers de logements de la catégorie des passoires thermiques parce qu'on les aura rénovés. Le problème, c'est que la manière dont tu mesures ces passoires thermiques, ça, ça a changé. Il y a un logiciel qui s'appelle le DPE, le Diagnostic de Performance Énergétique. Et très récemment, il y a un peu plus d'un an, le gouvernement a dit... On change rien, on s'engage toujours à sortir tant de passoires thermiques, on va les rénover et on va en sortir, mais par contre on va changer un petit peu la manière dont on calcule ce qui est une passoire thermique et ce qui n'en est pas. C'est passé inaperçu parce que c'est des techniques de ministères et que ça se fait dans les grands tableaux Excel dans les ministères à la Défense ou dans Paris, mais en fait, en changeant le logiciel, tu trafiques tout et donc tu réduis l'ambition que tu as prise pour dans quelques années. Donc c'est très facile et on a fait exactement, enfin le gouvernement a fait exactement la même chose sur les pesticides. Tu te dis, on s'est engagé à réduire les pesticides de temps d'ici 2030. Très bien, sauf que si le gouvernement change la manière dont on mesure les pesticides, tu peux avoir changé l'indicateur, si bien que tu ne t'engages quasiment pas à réduire. Donc il y a ces trafics d'indicateurs qui sont extrêmement préoccupants pour nous, parce que ça permet au gouvernement de dire, en fait je garde la face, mon ambition c'est la même, je n'ai rien changé les gars, mais dans le fond, parce qu'ils mesurent différemment la manière dont ils vont atteindre ces objectifs, tout change. Et donc voilà, sur les pesticides, la rénovation, c'est des choses qui passent un peu inaperçues, mais qui disent beaucoup en tout cas sur la manière dont le gouvernement est en train un peu d'abandonner certains chantiers écologiques. Et tu me disais donc, où doit aller l'argent Rénovation thermique, c'est un exemple. Transition, sortie de la voiture thermique, ça c'est très important. Sortie des SUV aussi, qui sont plus lourds, qui polluent beaucoup plus, qui font plus d'accidents en plus, parce que c'est du risque pour notre sécurité routière. Et tout ça, c'est important d'accompagner par exemple les ménages qui sont dépendants de la voiture, pour leur proposer une solution plus... petites, plus électriques, qui polluent moins, mais qui leur permettent quand même de se déplacer parce qu'il n'est pas question de les priver de leurs moyens de locomotion. D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi votre stratégie à venir en termes d'influence Alors là, il y a un contexte international qui ne vous est pas favorable. J'ai vu que vous aviez une chaîne TikTok, par exemple. Est-ce que vous misez sur les jeunes Quelles sont les prochaines étapes pour vous Alors là,

  • Speaker #0

    tu m'invites à parler d'un diagnostic très personnel, c'est que... Effectivement, pour avoir parlé aux politiques et à l'administration publique depuis quelques années, je me rends compte qu'il va nous falloir diversifier, parce que ça fait un an que, sur l'écologie, on a en gros des responsables politiques qui désertent un peu le champ et qui se disent que c'est plus tant un sujet. Voilà, ça fait un an, un an et demi que, en gros, depuis l'arrivée du gouvernement de Gabriel Attal, on nous a mis coup sur coup sur des sujets très importants, comme typiquement la réduction des pesticides. qui concerne quand même notre santé et la santé des agriculteurs. Sur des sujets, je l'évoquais, de la rénovation thermique des bâtiments, ça c'est très important aussi. Les sujets de transition automobile aussi, là on n'en entend plus parler du tout. Au début, il y a eu un peu ce truc de on change juste les indicateurs et on garde la même ambition, comme je l'expliquais. Et maintenant, il y a un peu un truc très assumé que l'écologie n'est plus un sujet, que de toute façon ça embête tout le monde, politiques compris. Mais c'est du gros raccourci et c'est très malheureux parce qu'on va se le prendre en retour de bâton, choix mille dans quelques temps. Typiquement, à ce moment, on se dit, en Europe, on est en train de se demander comment les pays européens vont réagir à toute la tension commerciale, notamment qui émerge de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau président aux États-Unis, des tensions avec la Chine. Et bien typiquement, il y a plein de domaines dans lesquels l'Europe gagnerait à faire de l'écologie parce que ça la renforcerait en termes d'économie. Les SUV, par exemple, prenez les... Les SUV, c'est quelque chose sur lequel les Français et les Européens produisent en moyenne beaucoup moins lourd que ce qu'on produit à l'étranger en termes de voitures américaines. Et là, si on joue là-dessus, qu'on met en place une taxe sur les voitures lourdes, automatiquement, tu vas créer un espèce de delta, de différence de compétitivité entre les voitures européennes plus légères, donc plus accessibles, et les voitures plus lourdes, étrangères, qu'on va taxer. Et donc, ça serait une manière de redonner les marges de compétitivité et de développement économique pour des constructeurs et des industriels européens. Ça c'est un exemple. Il y a un autre sujet qui est beaucoup plus flagrant, c'est pourquoi on utilise notre eau en France et en Europe en général. On sait que l'eau là, ça va passer sous tension bientôt, non pas parce qu'il y en a moins, mais parce qu'elle est répartie sur le territoire de manière beaucoup moins homogène et que ça va être beaucoup plus fluctuant dans le temps et dans l'espace et qu'il y aura des zones où on en manquera, des zones où on en aura trop. On voit les inondations qui ont touché le nord de la France il n'y a pas longtemps et qui ont touché le nord de l'Espagne aussi il n'y a pas longtemps. Là-dessus, nous, on continue d'utiliser beaucoup d'eau pour produire du maïs, par exemple. Et le maïs, on va l'utiliser, pourquoi Pour l'exporter. Et pourquoi on l'exporte Pour aller nourrir du bétail à l'étranger, pour doper la consommation de viande à l'étranger. Ça, c'est pas du bon sens. On est en train, en gros, de dilapider notre ressource en eau, d'assécher notre territoire, pour aller encourager les étrangers à bouffer de la viande. Voilà, ce qui n'est pas du tout dans notre intérêt, nous, a priori, et qui est en plus cause du tort à la planète. Donc, il y a des réflexes à avoir. Typiquement, autre sujet, l'énergie. On voit à quel point on prend des pressions américaines pour acheter le pétrole américain en ce moment. On voit à quel point on a dû se couper de la dépendance à l'égard du gaz russe. On aurait tout intérêt, le plus vite possible, à déployer des moyens de production autonomes sur notre territoire, ce qui nous empêchera d'aller acheter au prix fort du pétrole américain ou de je ne sais quel autre pays et de payer une énorme facture pour continuer à polluer. Si on a des éoliennes ou des panneaux solaires en Europe, c'est des solutions quand même beaucoup moins chères, sur lesquelles on a beaucoup plus la main et qui nous permettront d'être beaucoup plus autonomes stratégiquement. Voilà, donc en fait, on a du bon sens à avoir et une manière dont on peut allier à la fois les intérêts économiques et stratégiques de l'Europe et de la France et le besoin de traiter ce sujet de l'environnement.

  • Speaker #1

    Si je vais sur un côté plus personnel, quand un Trump arrive au pouvoir ou quand l'extrême droite est aux portes du pouvoir en France, est-ce que ça nous donne envie de quitter le travail qu'on est en train de faire parce qu'en une semaine, on a 15 ans de boulot qui est écrasé

  • Speaker #0

    Non, non, c'est jamais écrasé. Ça donne envie de s'acharner encore plus dans le travail. C'est pas perdu, en fait. C'est pas parce qu'on va parler dans le vide pendant quelques années, c'est pas parce que, comme je le disais, ça fait un an et demi que les politiques ont déserté, qu'il n'y a plus rien à dire sur nos sujets. Et c'est là où, pardon, je reprends ta question de tout à l'heure, du coup, tu me demandais, on a un nouveau TikTok, est-ce que ça fait partie d'une stratégie Évidemment, en fait, qu'il faut aller parler à d'autres personnes que les conseillers ministériels, les ministres et les conseillers du président de la République à l'Élysée. et surtout parce qu'il faut réconcilier et rassembler, et ça c'est un diagnostic très personnel mais force est de constater que nos sujets d'écologie, quand tu dis écologie déjà c'est rebutoir pour un certain nombre de personnes qu'on le veuille ou non, et force est de constater qu'ils n'ont pas été très fédérateurs ces sujets pour beaucoup de monde et qu'aujourd'hui tu dis écologie, on va penser éolienne, voiture électrique et un tas de choses qui n'inspirent pas forcément une bonne réception pour tout le monde et ça je suis sûr qu'il y a des manières de redessiner un peu ce que c'est l'écologie Pour les gens qui ont envie, qui sont assez quand même curieux, je pense, qui voient bien qu'il y a un problème avec la planète, qu'on se prend des inondations dans la tranche, que la biodiversité disparaît, qu'on a de moins en moins d'oiseaux, d'insectes. On a quand même des coraux en France, par nos territoires d'outre-mer, qui sont en train de disparaître, en tout cas qui sont largement abîmés. Je pense que tout le monde voit un petit peu ces trucs-là, en outre-mer comme en métropole, et qu'il y a quand même une soif de savoir et de comprendre ce qui se passe. Mais pour l'instant, la manière dont on a abordé ça, c'était très clivant. Et ce n'est pas nous les ONG, parce qu'en plus au WWF, on... On fait ça de manière très constructive, à chaque fois on apporte des solutions, on montre qu'on peut faire beaucoup mieux et que ça peut bénéficier à plein de monde. Mais il faut quand même réconcilier, je pense, un certain nombre de Français avec ces sujets. Ça veut dire en parler différemment, prendre différentes postures, et surtout ça veut dire ne plus être seulement à Paris dans les arcades du pouvoir.

  • Speaker #1

    Là tu parles de débouchés, d'espoir. J'aimerais savoir si à moi tu peux me renouer de l'espoir. Pour te donner un peu de contexte, j'ai fait un master en développement durable, spécialité RSE. J'avais pour objectif de sauver le monde, comme plein de gens. Et puis je me suis trouvé à la sortie de mes études avec deux choix, soit travailler pour une asso... et avoir un salaire qui me permettait pas de rester à Paris ou soit d'aller dans des grosses tours à la Défense et faire du greenwashing avec un salaire qui allait très bien. Et alors t'as fait quoi finalement Et bah alors j'ai pas su prendre de décision, j'ai fait complètement autre chose et je suis parti, j'ai déserté ce monde-là à ce moment-là et j'avais l'impression que j'avais le choix d'être du bon côté de l'histoire mais pas d'avoir de l'espoir.

  • Speaker #0

    Je comprends que... Il puisse y avoir un peu de frustration, avoir un certain nombre de gens qui ont vu des formations, qui ont normalement eu toute l'information nécessaire sur l'urgence, qui a agi et qui se dirigent pourtant vers des carrières où tu te dis que ça ne va pas forcément aider notre problème dans les prochaines années. Je comprends parce qu'on voit qu'effectivement, c'est plus confortable d'un point de vue matériel. En plus, la vie est chère, surtout si tu vis dans les grandes villes. C'est quelque chose qui est préoccupant. Maintenant, je dirais que c'est à chacun d'arbitrer. Moi, l'argent ne m'aurait pas acheté... une conscience très agréable au quotidien, donc je préfère rogner là-dessus et me dire que tous les matins que je fais quelque chose qui va plutôt dans le bon sens, plutôt que faire une croix là-dessus et avoir un confort matériel et je peux partir. En plus de ça, de cet aménagement, et ça c'est vraiment chacun le fait, il y a quelque chose de l'ordre de nos désirs, c'est quoi qui nous fait kiffer. Est-ce que partir pour deux jours en Sicile et revenir le lundi ou le dimanche soir, c'est un kiff au même titre que prendre le train, avoir le temps de sentir que tu traverses du paysage. reprendre un peu de temps et de lenteur. Je pense qu'il faut aussi s'ouvrir à des nouvelles manières de se faire plaisir, de comprendre le monde, de l'aller l'arpenter. En fait, c'est aussi un peu une mine d'or. Il y a plein de nouvelles choses à découvrir. Les modèles qu'on nous a inculqués, qui nous disent qu'en fait, un bon salaire, ça va te permettre d'aller faire plein de trucs très vite. Je pense qu'il y a des attentes qui peuvent être réorientées vers des trucs encore plus kiffants et que c'est un peu la responsabilité de notre génération d'aller explorer ça parce qu'on ne nous l'a pas montré. Et donc ça, j'ai pleinement confiance. Je sais qu'il y a plein de nouvelles manières d'inventer le voyage, par exemple, d'aller en vacances. Je pense qu'il y a pas mal de gens qui, après le Covid, se sont dit peut-être qu'en France, il y a déjà des trucs super sympas à voir. Moi, je pense que je n'aurais pas assez de ma vie pour aller voir tous les petits coins de France, là où tu as des fonds de vallées de fous, tu es tranquille, des littoraux aussi assez préservés, des petits villages. Et puis l'Europe est ouverte par le train, on peut circuler librement, c'est une chance énorme. Si on s'y prend un peu à l'avance, c'est aussi un de nos combats que les billets de train soient un peu moins chers. et surtout que ça se rééquilibre par rapport au prix des billets d'avion. Mais le jour où ce sera le cas, là, ça va ouvrir des territoires d'exploration et de découverte pour les gens, et notamment les plus jeunes, ce qui va être incroyable.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que, alors justement, moi, il y avait une phrase que j'aimais bien quand j'étais en études, qui était la phrase de Gandhi qui dit Sois le changement que tu veux voir dans le monde Et alors justement, toi, tu parlais tout à l'heure du paradoxe que tu avais à... aller à Dubaï, prendre l'avion souvent pour représenter les intérêts de WWF. Comment tu vis avec ça

  • Speaker #0

    Avec plein de questions. C'est sûr que prendre l'avion pour aller à Dubaï, a priori, ce n'était pas dans mon programme quand j'ai signé pour la protection d'environnement. Mais on fait un calcul très froid. On se dit, si on n'y va pas, qui va y aller À Dubaï, il y avait un nombre record de lobbyistes fossiles. Moi, j'ai croisé des gars à Dubaï qui te disent dans les yeux que... En fait, eux, s'ils n'étaient pas venus pour leur boîte, ils n'auraient pas voulu laisser la parole à d'autres boîtes. Et en fait, il y a un espèce de phénomène de place de marché qui se crée, où tout le monde veut être là, et tout le monde se raconte un peu l'histoire que s'il n'est pas là, le monde irait moins bien. Je pense que c'est quand même nécessaire pour les ONG d'y être. Les COP, c'est des moments, qu'on le veuille ou non, qui sont très importants. C'est le seul moment où tu as des petits pays qui peuvent demander des comptes aux grands pays. Il y a eu une COP très marquante, au début des COP, il y a une sorte de cérémonie où tous les chefs d'État prennent la parole. Ça dure deux jours parce qu'il y a plein de chefs d'État. Et il y a un chef d'État qui a envoyé une vidéo. C'était un chef d'État d'une petite île du Pacifique. Et il s'est filmé avec son pupitre, discours. Sauf qu'il avait les pieds dans l'eau. Et donc il avait l'eau aux genoux. En costard et tout, mais... Pupitre, discours, costard, tout allait comme normal, mais juste les pieds dans l'eau. Et il a dit, en fait, moi, mon pays, c'est une île. Mon île, elle va disparaître dans quelques années parce que l'eau est en train de monter. Et ça, c'était une manière d'interpeller les chefs d'État. notamment les chefs d'État des pays les plus riches, États-Unis, Europe, même Asie pour certains pays, pour leur dire qu'il y a urgence à agir. Et ces COP, c'est le seul moment où les petits pays peuvent parler aux grands pays et qu'on peut demander des comptes. Et donc là-dessus, il y a un besoin d'avoir le soutien des organisations, ONG, militants et tout, et c'est important qu'on soit là pour ça. C'est le seul moment où on peut le faire, et franchement, s'il n'y avait pas les COP, je pense qu'il y a certains ministres, notamment les ministres français, qui ne se seraient pas rendus compte de l'urgence qu'il y a dans certains pays. Et parfois, ça les chamboule. Moi, j'ai croisé des ministres qui se disent En fait, je viens de voir tel ministre de tel pays. Je suis choqué. Je ne savais pas que c'était ça leur enjeu. Donc ça va créer des petits électrochocs. Nous, ça crée des espaces aussi. On va demander des comptes. Si Macron ou le président, peu importe, arrive à une COP et dit… Pour parler du climat, on va lui dire t'as prévu quoi parce que là, c'est l'urgence, la France n'est pas dans les clous. Et donc, c'est des moments d'interpellation aussi. Donc, pour toutes ces raisons, évidemment que ça ne me fait pas plaisir de prendre un vol et qu'en plus, ce n'est pas un kiff du tout de prendre l'avion. Mais pour toutes ces raisons, ça vaut le coup d'aller se faire deux semaines de négociations où on ne dort pas beaucoup, c'est vrai, où on est épuisé à la fin. Mais en tout cas, on a essayé de soutenir des collègues dans des ONG des pays du Sud qui, eux, parfois risquent beaucoup plus que ça. On a eu une COP en Égypte. qui se tenait à un moment très particulier parce qu'il y avait une grève de la faim dans une prison pour des questions politiques. Il y avait tout un soutien de la société civile et les gens qui soutenaient, notamment en Égypte, pouvaient être inquiétés par le gouvernement et les forces de l'ordre sur place. Et donc ça, c'est des leçons de courage que nous, on prend en pleine face parce que moi, évidemment, je me donne dans mon travail. Mais jusque là, et peut-être que ça ne durera pas, mais je n'ai pas été inquiété pour mon travail et pour mes prises de position écologiques. Et bien, il y a des collègues pour qui c'est le cas. Et quand on défend les droits de l'homme, Quand on défend l'environnement dans certains pays, je pense que ça peut être un acte encore plus courageux parce qu'on peut se mettre en danger. Ça, on le réalise aussi au COP. Pour toutes ces raisons, c'est vrai que ce n'est pas une bonne chose de prendre l'avion, mais on a estimé que ça valait le coup d'aller travailler là-bas deux semaines.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit avant l'entretien que tu allais vers une nouvelle aventure. Pour terminer avec ce chapitre d'affaires publiques, quel serait le conseil que tu donnerais à la personne qui va te remplacer là, si moi je devais prendre ton poste maintenant et que tu avais une minute pour me dire Tout ce que tu avais appris, en tout cas, ce qu'il faut éviter ou ce qu'il faut faire, qu'est-ce que ça serait

  • Speaker #0

    C'est technique en une minute, mais tu as raison, c'est une bonne question. Je dirais qu'il faut être assez offensif et agile, en fait, et qu'il ne faut pas laisser passer les chances, parce que moi, j'ai mesuré qu'en 5 ans, les chances de faire passer une mesure pour l'écologie, pour la protection de l'environnement, ça ne se représente pas deux fois. Et donc, si ça arrive et que tu n'es pas prêt parce que tu voulais publier un tout beau rapport, que tu avais prévu de faire ça et ça avant d'en parler, en fait, il faut quand même y aller parce que... l'opportunité ne se représentera pas. Donc je crois que tous les gens qui travaillent dans les affaires publiques le mesurent, c'est un calendrier qu'on ne contrôle pas, qui peut partir dans un sens que même les meilleurs scénarios de Canal+, n'ont pas imaginé, même s'ils font des très bons scénarios. Et donc il faut vraiment se ruer sur l'occasion et aller avec toute la retenue, la rigueur scientifique, vraiment la discipline qui fait qu'on est carré quand on parle de ces sujets et qu'on nous écoute. Je dirais qu'il y a beaucoup de discipline et en même temps qu'il faut être très agile quand on intervient. Si demain on me dit... il va être discuté en Conseil des ministres, un sujet qui m'intéresse. J'en ai peut-être pas deux fois l'occasion de le faire dans mon travail, donc je multiplie tout ce qu'il faut de démarches pour aller parler aux bonnes personnes.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de ta prochaine aventure et du pourquoi de cette évolution

  • Speaker #0

    Oui, je parlais de fuel et de carburant pour l'engagement. En fait, l'écologie, on y tombe de plein de manières, qu'on appelle ça écologie ou non d'ailleurs. Le souci de protéger l'environnement, d'améliorer la vie des concitoyens. C'est quelque chose qui peut venir de plein de trucs. Je ne sais pas, tu peux lire un rapport du GIEC et te dire c'est quoi ce bazar, il y a urgence à agir. Et tu peux entrer par d'autres manières. Moi, je suis entré parce que j'ai vu des ours en Alaska. C'était il y a très longtemps. J'ai traversé le Canada en stop quand j'étais étudiant là-bas. Et ça m'a pris deux mois. Je suis parti de Toronto, à l'est du Canada, pour arriver à Vancouver, à l'ouest. Et ensuite de Vancouver, j'ai remonté jusqu'en Alaska. Donc ça a repris un mois de remontée jusqu'à... dans les grands parcs nationaux, l'Alaska, notamment là où a été tourné Into the Wild. En fait, j'ai été vachement secoué par le regard d'un ours, ça peut paraître anodin, mais moi ça me met toujours en émotion quand j'en parle. Quand tu croises le regard du truc, il te renifle, il t'appréhende, et tout d'un coup, tu prends un truc dans la tête que t'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Tu vois à quel point t'es petit, déjà t'es dans des espaces immenses, tu vois que t'es un peu recontextualisé dans l'espace naturel. T'es plus... T'es plus le boss du truc, quand tu te balades en forêt à Fontainebleau, t'es à peu près sûr que tu vas pas être mis en danger, ou que t'es pas le... Voilà, là, t'es dans les grands espaces, tu dois faire attention à où tu mets ta bouffe quand tu vas dormir en tente, t'es pas tout seul, il faut respecter les équilibres, y'a même des parcs naturels où on te dit, si tu déplaces une pierre, tu la remets au bon endroit, parce que sous la pierre, t'as une colonie de fourmis, t'as des trucs, donc t'es vraiment dans une optique où tu te recontextualises un peu, et tu te remets à ta place, et ça, ça met un petit coup, et après j'ai eu des rencontres... Comme je le disais, je travaillais un peu dans les pêches vers l'Antarctique. J'ai pris le bateau pendant un mois. J'étais un larmin à bord de ce bateau, donc je me faisais réveiller la nuit pour faire des plannings d'hélicoptères parce qu'il fallait déverser du matériel, des vivres, des scientifiques. Enfin, je faisais tout un tas de trucs, mais voir le regard d'un dauphin qui saute dans les vagues quand tu es à bord, ou voir les colonies de manchots dont tu apprends plus tard qu'elles sont en danger parce que les os se réchauffent, ils doivent aller chercher leur bouffe de plus en plus loin. et que quand la maman au manchot elle va chercher la bouffe, ou le papa manchot d'ailleurs parce qu'il se partage les tâches et ben il revient pas parce que il s'est épuisé en route là tu te dis wow, il faut faire quelque chose et donc moi je suis vraiment rentré là dedans par cette émotion et l'émerveillement et la chance d'avoir été confronté à ces gros trucs hyper impressionnants Et je me dis qu'il est temps d'aller reprendre un peu de carburant. Et je vais me former au métier de marin pour les prochains mois, pour apprendre auprès de ces gens-là qui sont confrontés à la nature et qui travaillent au plus près de la nature, qui en ont besoin et qui ont des énormes défis devant eux parce qu'il faut que l'activité se transforme. Que ce soit les transports de passagers, que ce soit la pêche, il y a plein de trucs à changer. Et donc je vais me mettre en immersion là-dedans pour comprendre un peu et continuer à communiquer auprès des gens. Je ne sais pas si ça sera un TikTok. Si ce sera d'autres formats où on pourra se réunir et parler un peu de ça. Mais essayer de leur parler autrement d'écologie, parce que j'aurais eu un pied à bord d'un bateau, j'aurais appris un peu plus que juste les arcanes du pouvoir. J'ai envie un peu de naviguer entre les couloirs du pouvoir, les coulisses, et ce qui se fait dans le pays sur l'écologie.

  • Speaker #1

    Merci Arnaud. Pour conclure, est-ce que tu as une recommandation culturelle à nous partager J'ai une recommandation qui m'a beaucoup marqué.

  • Speaker #0

    C'est un livre de Romain Garry qui s'appelle Les racines du ciel que j'ai lu il y a quelques années. qui raconte l'histoire dans une Afrique à l'époque coloniale, donc administrée par des pouvoirs coloniaux, qui raconte l'engagement d'un militant qui s'appelle Morel, qui se bat en fait contre la chasse aux éléphants, et qui explique, et ça fait tristement écho à notre temps, mais à un moment on lui demande pourquoi il se bat pour tout ça, et il explique qu'il a été incarcéré dans des camps nazis pendant la guerre, et que dans les camps nazis, il était avec certains camarades de cellules. dans une optique de survie, et que pour survivre, alors qu'ils avaient des gardes qui se faisaient battre, toute l'horreur de l'incarcération sous le régime nazi, qu'ils s'imaginaient des éléphants courir dans la nature et braver tous les grands espaces, et qu'en fait cet élan de liberté, que rien ne pouvait arrêter, et bien lui ça le faisait rire, il explique, c'est dit de manière super belle, mais que les gars étaient là à rire tout seuls dans la cellule, et qu'ils avaient quelque chose que les criminels nazis ne pouvaient pas leur enlever, et que ça rendait fous les criminels, mais que eux... se figurer quelque part cette liberté dans les méfants qui courent dans la nature, c'était en fait une méthode de survie que jamais personne ne pourrait leur enlever. Et je me suis dit, mais moi, tant qu'il y a des gens qui écrivent comme ça déjà, et tant qu'il y a effectivement ces grandes consens de la nature, ou même ces petites bêtes qui, quelque part, sont en liberté et sont protégées, c'est du carburant encore là pour continuer à vivre. Voilà, donc les racines du ciel de Romain Guéry, c'est un passage vraiment monstrueux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Arnaud, merci pour cet entretien.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    C'était hyper cool et puis à la prochaine.

  • Speaker #0

    Oui, salut.

  • Speaker #1

    Salut. Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

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Description

L’écologie est-elle encore une priorité politique ? Comment faire entendre la voix de la nature quand les discours se durcissent et que les décisions prennent un autre cap ? Dans ce nouvel épisode d’Hémicycle, Pierre Laburthe reçoit Arnaud Gilles, porte parole chez WWF France, pour un échange dense et éclairant sur les coulisses de l’influence environnementale.


🎯 Arnaud nous fait entrer dans le quotidien d’un acteur stratégique de la transition écologique : produire des rapports d’expertise, convaincre les parlementaires, défier les résistances administratives, et surtout, saisir les bonnes fenêtres d’opportunité. Il revient notamment sur la campagne emblématique menée contre les SUV, et sur la manière d’interpeller un ministre… au bon moment.


💬 À travers son parcours, entre institutions internationales, ONG et administration publique, Arnaud dévoile une réalité exigeante : celle d’un combat souvent invisible, fait de patience, d’agilité, de moments de doute — mais aussi de petites victoires qui changent tout.

Dans cet épisode, on parle aussi de :


✅ Comment construire un plaidoyer crédible à partir de données scientifiques.
✅ Le rôle des COP, entre diplomatie et rapport de force.
✅ Ce qu’il faudrait faire si l’on disposait… de 10 milliards pour la transition.
✅ Pourquoi parler d’écologie autrement est devenu essentiel.
✅ Le regard d’un ours en Alaska comme déclic pour s’engager.


🌍 Arnaud évoque aussi sa prochaine aventure, loin des couloirs du pouvoir : embarquer sur un bateau, au plus près de la nature, pour mieux continuer à porter la voix du vivant.


🎧 Un épisode fort, à la croisée de la stratégie politique, de l’éthique et de l’émerveillement. Pour celles et ceux qui cherchent à comprendre comment l’écologie s’écrit… dans les marges de la loi.

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Transcription

  • Speaker #0

    On raisonne pour le politique et on se met à sa place. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. Tu prends un truc dans la tête que tu n'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Pas parce que ça fait un an et demi que les politiques ont déserté qu'il n'y a plus rien à dire sur le sujet. Vous ne moquez pas de nous, on fait de l'argent et il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Arnaud Gilles, directeur du plaidoyer de WWF France. Salut Arnaud Salut Est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs et auditrices

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Arnaud, je suis responsable international du WWF et porte-parole de cette organisation non gouvernementale, cette association pour la protection de l'environnement. Ça fait cinq ans maintenant que je arpente les couloirs des ministères, de l'Elysée quand il faut, et des réunions internationales aussi pour influencer les politiques en matière d'environnement.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours, ce qui t'a conduit vers les affaires publiques

  • Speaker #0

    Oui, moi j'ai fait des études qui m'ont permis d'étudier à la fois les sciences, Brut, donc physique, chimie, mathématiques, biologie et les sciences politiques. J'ai eu cette chance de conserver à la fois une entrée très scientifique sur des sujets très importants pour notre environnement et en même temps de découvrir ce que c'est l'histoire de notre République, l'économie, les finances publiques, le droit constitutionnel, le droit public. Et armé de toutes ces disciplines, enfin ce que j'ai pu en retenir au cours de mes études, je me suis orienté dans les politiques de l'environnement en fait. Et je suis d'abord passé par l'administration pour un temps. J'ai travaillé pour l'ex-ambassadrice des pôles Arctique et Antarctique, qui était Ségolène Royale à l'époque. J'ai travaillé aussi un petit peu dans la gestion des pêcheries Antarctique et Sub-Antarctique. Donc vous savez peut-être que la France a des territoires un peu perdus aux confins du monde, qui se situent dans les eaux australes, juste dans l'océan Indien. Et on administre autour de ces territoires, que sont les îles Kerguelen, l'île de Crozet, ou Saint-Paul et Amsterdam, on administre des pêcheries, puisqu'on y pêche des poissons qui se vendent très cher, notamment aux Etats-Unis et en Asie. Des poissons qui s'appellent par exemple la légine, qui est un poisson de fond qu'on appelle l'or blanc parce qu'il se vend très très cher. Et donc la France administre des pêcheries, elle donne des quotas à certains pêcheurs, elle contrôle et elle essaie de gérer un peu durablement ses stocks de poissons parce qu'ils ont été complètement dévastés dans les années 80 par notamment les pêcheries soviétiques. Mais bon, on en est revenu, ça s'est bien géré, j'y suis passé un petit peu. J'ai eu la chance d'aller voir ces territoires qui sont des merveilles de biodiversité. En fait, vous voyez des colonies de manchots à perte de vue, des éléphants de mer. des albatros, des animaux marins aussi quand on navigue, et tout ça, ça m'a donné évidemment beaucoup de fuel, et l'expression n'est pas très heureuse en écologie, mais c'est ça, c'est vraiment du carburant pour des années d'engagement. Et voilà, donc je suis passé par là, par les couloirs un peu de l'ONU aussi, où on m'a... J'étais que stagiaire à l'époque, mais on m'a filé des petites résolutions à négocier au sein de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Alors si vous voyez passer la journée mondiale des abeilles le 20 mai, sachez que, voilà, c'est Arnaud qui négociait en tant que bon stagiaire à l'époque. Et voilà, et donc un peu Un peu de Ségolène Royal et j'en suis arrivé à me dire qu'il était temps de m'engager, mais cette fois-ci du côté des ONG. Et donc j'ai rejoint il y a 5 ans le WWF à la base pour lancer une campagne contre les SUV. Ça on y reviendra peut-être, mais ça m'a occupé un certain temps.

  • Speaker #1

    Justement là tu parles de voyage, tu parles de négociation. C'est quoi le quotidien Quelles sont vraiment les actions que tu fais tous les jours pour faire avancer les choses

  • Speaker #0

    Alors je vais reprendre la formule d'un diplomate que je salue qui est aujourd'hui ambassadeur à Berlin, qui s'appelle François Delattre, qui était l'ambassadeur auprès de l'ONU quand j'ai fait ce stage, et qui m'a dit Arnaud, en fait parfois dans la diplomatie, il y a deux temps, il y a le temps du tennis et il y a le temps du ping-pong. Et il m'a dit La diplomatie à l'ONU, c'est du ping-pong, c'est-à-dire qu'on n'a pas le temps de se replacer pour frapper, il faut enchaîner les échanges très rapidement et tout va très vite. Alors que vous êtes parfois dans des positions beaucoup plus lentes, ou par exemple une ambassade dans un pays où on négocie tranquillement, ça c'est du tennis. Quand on frappe, on se positionne, on réfléchit au coup, on prend le temps. Et moi, ma vie ces dernières années a consisté à alterner entre ces deux postures. Quand j'étais dans les réunions internationales que sont les COP, vous avez peut-être entendu parler des COP pour le climat ou la biodiversité, c'est du ping-pong. En fait, tout va très vite. Vous croisez 15 fois la ministre française en une journée, vous avez des rendez-vous avec les diplomates toutes les 5 minutes parce que vous les croisez à la sortie d'une salle de négociation. Et tout ça, ça va très vite, il faut se repositionner, dire ce qu'on pense, conseiller la ministre sur où est-ce qu'on peut aller. Et c'est des échanges très très resserrés. Alors qu'à Paris, quand vous préparez un dossier, typiquement ce dossier sur les SUV sur lequel j'ai beaucoup travaillé, et bien là on prend énormément de temps avant de produire un rapport scientifique par exemple. Ça veut dire 3-4 mois de travail scientifique en interne, avec nos experts, avec des gens qui nous aident aussi, des institutions scientifiques. Tout ça c'est vraiment une phase de repli, avant de se dire, bon maintenant c'est le moment, on bombarde, on publie un rapport, on demande des comptes aux autorités publiques et on leur demande d'agir. Et donc, en termes de rythme, et cette expression ping-pong-tennis est parfois intéressante, c'est vraiment ça la vie d'une personne qui fait de l'influence politique. et de la communication politique pour une ONG, c'est savoir jongler entre ces phases d'accélération où tout d'un coup tout va très vite, il faut savoir réagir, être là, positionner la parole de son ONG dans le débat public, et à un moment il faut aussi savoir se replier, réfléchir, savoir si ce n'est pas le bon moment pour intervenir, qu'est-ce qu'on a besoin d'apporter au débat pour que le débat avance. Parfois vous n'avez pas besoin d'un rapport scientifique en fait. Le sujet SUV, il se trouve que pour nous, il n'était pas posé sur la table au moment où on s'en est saisi, personne ne savait vraiment ce que c'était un SUV, et donc on avait... formuler le constat qu'il fallait définir cet objet avant de s'y attaquer. Mais vous avez d'autres sujets qui sont très bien connus, documentés par d'autres, par exemple la réduction des pesticides qui est nécessaire parce qu'ils provoquent un certain nombre de maladies chez nos agriculteurs et chez les consommateurs. Ça c'est un sujet qui est plutôt bien documenté, sur lequel si je devais m'en saisir demain, je me dirais qu'on a à peu près le fond d'expertise nécessaire et que c'est plutôt d'autres leviers qu'il va falloir aller mobiliser. Donc ça aussi, le métier consiste à jongler entre ces échanges ping-pong-tennis, mais aussi entre des outils... Parce que parfois, il faut prendre le bon outil pour le bon sujet et auprès de la bonne cible.

  • Speaker #1

    Donc moi là, si je suis Arnaud, j'ai le rapport des chercheurs du côté des SUV. À qui je m'adresse Comment je fais Et aussi pendant la rédaction du rapport, comment je prépare le terrain

  • Speaker #0

    Il faut être en veille en fait. Ce sujet des SUV, on s'en est saisi parce qu'on a vu passer un rapport de l'Agence internationale de l'énergie qui disait que les SUV étaient dans le monde à l'échelle de la planète la deuxième source de croissance des émissions de CO2 ces dix dernières années. En fait, on a été un peu choqués de la statistique. On s'est dit, mais comment c'est possible Et surtout, est-ce que c'est la même chose en France Puisqu'on remarque que depuis des années, on a en fait une offre de ces modèles un peu plus gros, un peu plus lourds, qui se répand de manière beaucoup plus prégnante que c'était le cas il y a encore 10-15 ans. On est d'abord partis de cette démarche scientifique avec un ingénieur spécialisé, expert en mobilité durable, avec qui on a construit ce rapport. On s'est d'abord dit, on va regarder en France si la progression fulgurante des ventes de SUV depuis 10 ans... a aussi fait des SUV la deuxième source de croissance des émissions en France. Et le résultat, au bout de quatre mois de recherche, c'est que c'était bien le cas. Donc on a travaillé avec des institutions comme l'ADEME, qui est une agence de l'État qui travaille à la transition écologique dans plein de secteurs. On a travaillé avec des experts de chez eux sur les mobilités, aussi des experts de France Stratégie, qui était un organe rattaché au service du Premier ministre et qui travaille aussi sur un tas de sujets stratégiques, dont la transition notamment automobile. Et on a réuni une petite communauté d'experts. On a produit ces résultats et on a constaté, un peu avec stupeur, que les SUV, aussi en France, avaient constitué la deuxième source de croissance des émissions de CO2. Une fois que vous avez ça, ce n'est pas suffisant en fait. On a un résultat scientifique, mais le résultat scientifique, pour qu'un ministre le comprenne, pour que les médias s'en emparent, pour qu'on en parle et qu'enfin on ait un peu d'action sur ce sujet, il faut bien le formuler. Et c'est là qu'intervient une personne comme moi, qui est censée être expert en communication politique et en relations publiques. Il faut savoir comment le formuler, et typiquement là... Ce dont on a discuté avec l'expert avec qui je travaillais, c'était de savoir, mais si on prolonge la tendance et si les ventes de SUV continuent, est-ce que ça va compromettre les objectifs de réduction d'émissions de CO2 que la France s'est donnée Et résultat, oui, évidemment. Et donc, on a projeté les émissions associées au SUV sur 10 ans et on a regardé ce que ça donnerait. Et le message qu'on a pu apporter aux politiques, c'est non seulement ces 10 dernières années, ça a été la deuxième source de croissance des émissions, mais si on continue, ça va faire complètement exploser les plafonds. d'émissions de CO2 que vous êtes fixés pour réduire les émissions de la France et lutter contre le réchauffement climatique. Donc vous voyez vraiment ce raisonnement de on raisonne pour le politique et on se met à sa place. Et moi, si je vois un sujet qui me dit l'SUV ça émet trop, je vais faire ouais, ok, très bien, mais en fait, si on me dit l'SUV ça émet trop par rapport à ce à quoi je me suis engagé moi en tant que ministre français, et bien là, ça va me poser problème. On se met toujours un petit peu dans l'esprit des décideurs politiques pour comprendre qu'est-ce qui va les mobiliser. Et là, il était nécessaire de d'abord... poser le problème SUV sur la table, parce qu'à l'époque, et c'était il y a cinq ans, vous posiez le sujet SUV sur la table, des ministres comme Bruno Le Maire par exemple, les cartes aiment un revers de la main, et les services de l'administration aussi. Et ça c'est une démarche qui est importante pour nous, quand on prépare quelque chose comme ça, on parle avec des scientifiques évidemment, mais on va aussi un peu sonder les autorités publiques. On va les sonder à tous les niveaux, vous prenez l'administration, les services compétents dans les ministères à l'écologie, à l'énergie, à l'économie, tout ça, vous allez les voir, on leur demande ce qu'ils pensent de telle solution. comment ils appréhendent une mesure contre les SUV par exemple, et vous comprenez un peu les contours des blocages auxquels vous allez vous confronter. Et ça, c'est indispensable de bien baliser ça, mais on rentre là dans une seconde phase d'influence, qui est qu'une fois qu'on a posé le problème, il faut proposer une solution. Et là, il faut aussi être force de proposition et avoir un peu de créativité, parce que sinon, on s'en remet à des espèces de totems qui reviennent tout le temps et qui ont un peu découragé déjà les politiques depuis des années.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Et donc, il faut être force de proposition, mais vers qui Quels interlocuteurs tu choisis Et là, par exemple, comment ça se fait que Bruno Levemaire a pu retourner sa décision, retourner son opinion

  • Speaker #0

    C'est très simple. Bruno Levemaire, le jour où on a publié notre rapport sur les SUV, il était en matinale chez France Inter ou je ne sais plus quelle radio, et il a eu droit à une question sur les SUV. Et c'était très bien. Et c'était notre but, parce que le fait que le sujet politiquement soit posé sur sa table, et qui plus est en matinale politique un matin, ça va faire qu'il va se mobiliser, que deux minutes plus tard vous pouvez être sûr que son cabinet prend des consignes là-dessus, et que cinq minutes plus tard vous pouvez être sûr que l'administration qui travaille avec ce cabinet ministériel va prendre des consignes et va demander ce qu'on en pense, qu'est-ce qu'on peut faire et est-ce que c'est envisageable. Donc, si vous voulez, quand on interpelle un ministre politiquement, derrière il y a toute une cascade de commandes, d'ordres, de demandes qui vont faire... engranger toute une machine politique qui va se mettre en route, normalement pour traiter le problème, alors avec plus ou moins de bonne foi, plus ou moins de moyens aussi, mais en tout cas, on a enclenché quelque chose. Quand on s'attaque à un sujet, la première question, c'est qu'est-ce qui va pouvoir le régler Qui est la personne Comme tu me disais, c'est qui la cible Et ça, c'est très important pour nous. Moi, sur un sujet comme les SUV, la cible, c'était d'abord le ministre de l'économie à l'époque, parce que c'est lui qui tient les cordons de la bourse, et c'est lui qui décide de, par exemple, mettre en place une nouvelle taxe sur les voitures les plus lourdes, pour en décourager l'achat. Et donc, ça a fait de ce ministre, à l'époque, une cible prioritaire pour nous.

  • Speaker #1

    Dans ce cas-là, on passe par l'opinion publique, entre guillemets, par une opinion qui arrive aux journalistes, qui arrive à la matinale de France Inter. Est-ce qu'il y a des cas où on passe directement par des parlementaires Est-ce que vous avez d'autres canaux d'échange

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas toujours le cas. On n'a pas toujours besoin de passer par une interpellation publique avec une prise à partie de l'opinion publique, même si souvent, en fait, on a des découvertes dans nos rapports scientifiques qui méritent d'être portées à la connaissance de tout le monde. Parce qu'il y a des choses assez révoltantes et parce qu'il y a des solutions hyper enthousiasmantes. Donc on essaie toujours de communiquer auprès du grand public pour leur dire, Regardez, déjà ça c'est un scandale, mais surtout on a des solutions, donc soutenez-les parce que ça peut aller dans le bon sens. Néanmoins, il y a parfois des moments où la politique va tellement vite que si on n'a pas un rapport sous la main, ou si on n'a pas toute une campagne de mobilisation et de communication... On peut quand même intervenir parce qu'on a des liens étroits avec les autorités publiques. Typiquement, les COP. Les COP, c'est des moments où, tu sais, il y a toute une délégation qui se rend aux négociations internationales. Moi, j'ai été à une COP à Dubaï, alors ça pouvait interroger d'un point de vue écologique. À Cali, très récemment, sur la biodiversité. Et ça, c'est des moments où, quand la ministre vous demande, avec d'autres ONG, ce que vous pensez du texte qui est mis sur la table et que tout le monde va adopter dans quelques heures, ben là, on n'a pas le temps d'aller interpeller un ministre en plateau public. On est dans des réunions très, très informelles. on se croise au détour d'un couloir, on pointe du doigt un paragraphe en disant ça, ça va pas du tout dans le bon sens, par contre ça, deux paragraphes plus loin, c'est très bien parce que peut-être que les pays vont s'engager à sortir des énergies fossiles. Et donc on est dans des conseils très informels dont nous, on se rend redevables après auprès de nos publics, on communique là-dessus, mais c'est des moments où en pleine nuit, moi je vais pas réveiller les Français si à Dubaï on demande notre avis entre 3 et 4 heures du matin sur un texte qui doit être adopté par les 190 et quelques pays de la planète au petit matin. Donc il y a parfois, et là on rejoint cette idée de ping-pong et tennis, mais il y a des moments où on n'a pas le temps et il faut aller vite. Et de toute façon, on sait quoi porter et on rendra des comptes quand ça sera fait.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression que c'est souvent autour des ministres ou directement du gouvernement que vous agissez. Est-ce que ça vous arrive de travailler avec des parlementaires ou d'essayer d'influencer un amendement, une proposition de loi ou autre

  • Speaker #0

    Oui, tout dépend du sujet, tout dépend des pouvoirs des gens à qui on s'adresse. Mais typiquement, depuis les quelques mois qui sont passés depuis la dissolution, de l'Assemblée nationale et la réélection, on se rend bien compte que le capital politique et le pouvoir politique s'est un peu rééquilibré et que peut-être, vu la valse des gouvernements qu'on a connus ces derniers mois, peut-être qu'un ministre n'a peut-être pas autant de pouvoir maintenant qu'un député qui porterait une proposition de loi avec une vaste majorité derrière lui parce qu'il a réussi à construire quelque chose autour d'un sujet. Donc les députés et les sénateurs, sénatrices, c'est très important pour nous parce que déjà, ça permet de socialiser un problème, de tester un peu les équilibres politiques. Et surtout, ça permet de les institutionnaliser. Si jamais on se dit qu'il y a un sujet et qu'un député, une députée est prêt à le porter, ça nous donne de l'écho.

  • Speaker #1

    Le gouvernement dit en ce moment qu'il n'y a plus d'argent. Or, on a besoin de milliards pour réussir notre transition environnementale. Où est-ce qu'on peut les trouver, ces milliards Qu'est-ce que tu voudrais leur dire à notre classe politique

  • Speaker #0

    En fait, le gouvernement, ils sont marrants parce que nous, ça fait des années qu'on leur dit déjà que, et ce n'est pas que nous, l'Inspection Générale des Finances en a fait un rapport très clair, dans le budget de l'État chaque année. En fait, tu as 10 milliards d'euros de dépenses publiques, donc du contribuable, c'est notre argent à nous tous, qui participent à détruire la nature. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. C'est des activités qui, par exemple, subventionnent les énergies fossiles ou subventionnent une agriculture qui est mauvaise pour la biodiversité. Et tout ça, c'est donc notre argent qui sort de notre poche parce qu'on paye les impôts et qui va participer à abîmer la biodiversité dans nos campagnes, sur notre littoral, ou participer à booster les émissions de gaz à effet de serre parce qu'on a les mauvaises énergies encore et que... on pollue trop et on consomme trop d'énergie fossile. Donc ça, première chose qu'on leur dit, c'est l'argent, déjà commencez par arrêter de le dépenser là où vous faites du tort. Et ça, c'est la première des urgences. Par ailleurs, et je reviens au sujet des SUV, mais parfois c'est facile de trouver de l'argent, et parfois ça fait à la fois sens économique, écologique et budgétaire de trouver de l'argent pour la transition écologique. Typiquement les SUV, on a remarqué que si on mettait en place une taxe assez légère pour les petites voitures, les petits SUV, mais beaucoup plus lourde pour les voitures les plus chères, que les plus aisées peuvent se permettre d'acheter, et bien on peut dégager près de 2 milliards d'euros par an, de ressources supplémentaires donc pour le budget de l'État. charge au gouvernement de décider quoi en faire mais on pourrait financer la rénovation thermique de nos bâtiments, la mise en place de pratiques agricoles plus vertueuses, la transition dans nos pêches, enfin voilà tout un tas de trucs. Mais il y a des gisements, parfois on est assis sur des trésors financiers et pour l'écologie et on veut pas les voir et donc nous notre premier rôle en tant que spécialiste comme ça de l'environnement et de l'influence politique autour de ça c'est de signaler et de dire mais vous moquez pas de nous en fait l'argent il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit. Et il y a quelque chose du bon sens d'aller le chercher sur des voitures qui vont polluer et qui vont nous coûter plus cher plus tard en maladies, en dépenses de santé et autres.

  • Speaker #1

    Et si tu avais les 10 milliards, toi, actuellement, qu'est-ce que tu en ferais C'est quoi la priorité du point de vue de WWF France ou du tien

  • Speaker #0

    On a effectivement besoin de beaucoup d'argent. Il y a plein de programmes à enclencher. Typiquement, la rénovation thermique des bâtiments, c'est un sujet à la fois de santé, d'égalité sociale aussi, parce qu'il y a plein de passoires thermiques qui continuent à dilapider l'argent des gens qui essaient de se chauffer. C'est un sujet aussi de climat parce que le bâtiment est le... Le chauffage, c'est encore, pour la plupart d'ailleurs en France, au gaz. Et donc, ça émet énormément de CO2. Et donc, on gagnerait sur tous les plans à rénover, mais de manière globale. On ne parle pas de remplacer une fenêtre, parce que ça, ça ne marche pas. Et on a vu qu'on avait parfois un peu tendance à faire des gestes dispersés. On gagnerait à financer les vastes programmes de rénovation énergétique, par exemple. Le problème, c'est que, et c'est ce qui se passe depuis un an, parfois, le politique a tendance à se doter de bons objectifs. Donc, ils se disent, vas-y, on va rénover tant de logements. chaque année et à un certain rythme, au bout de quelques années, on arrivera au bon endroit et on aura rénové assez de logements pour qu'on n'émette plus beaucoup de CO2. Ça, c'est très bien. Le gouvernement s'est dit qu'on allait sortir je ne sais pas combien de milliers de logements de la catégorie des passoires thermiques parce qu'on les aura rénovés. Le problème, c'est que la manière dont tu mesures ces passoires thermiques, ça, ça a changé. Il y a un logiciel qui s'appelle le DPE, le Diagnostic de Performance Énergétique. Et très récemment, il y a un peu plus d'un an, le gouvernement a dit... On change rien, on s'engage toujours à sortir tant de passoires thermiques, on va les rénover et on va en sortir, mais par contre on va changer un petit peu la manière dont on calcule ce qui est une passoire thermique et ce qui n'en est pas. C'est passé inaperçu parce que c'est des techniques de ministères et que ça se fait dans les grands tableaux Excel dans les ministères à la Défense ou dans Paris, mais en fait, en changeant le logiciel, tu trafiques tout et donc tu réduis l'ambition que tu as prise pour dans quelques années. Donc c'est très facile et on a fait exactement, enfin le gouvernement a fait exactement la même chose sur les pesticides. Tu te dis, on s'est engagé à réduire les pesticides de temps d'ici 2030. Très bien, sauf que si le gouvernement change la manière dont on mesure les pesticides, tu peux avoir changé l'indicateur, si bien que tu ne t'engages quasiment pas à réduire. Donc il y a ces trafics d'indicateurs qui sont extrêmement préoccupants pour nous, parce que ça permet au gouvernement de dire, en fait je garde la face, mon ambition c'est la même, je n'ai rien changé les gars, mais dans le fond, parce qu'ils mesurent différemment la manière dont ils vont atteindre ces objectifs, tout change. Et donc voilà, sur les pesticides, la rénovation, c'est des choses qui passent un peu inaperçues, mais qui disent beaucoup en tout cas sur la manière dont le gouvernement est en train un peu d'abandonner certains chantiers écologiques. Et tu me disais donc, où doit aller l'argent Rénovation thermique, c'est un exemple. Transition, sortie de la voiture thermique, ça c'est très important. Sortie des SUV aussi, qui sont plus lourds, qui polluent beaucoup plus, qui font plus d'accidents en plus, parce que c'est du risque pour notre sécurité routière. Et tout ça, c'est important d'accompagner par exemple les ménages qui sont dépendants de la voiture, pour leur proposer une solution plus... petites, plus électriques, qui polluent moins, mais qui leur permettent quand même de se déplacer parce qu'il n'est pas question de les priver de leurs moyens de locomotion. D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi votre stratégie à venir en termes d'influence Alors là, il y a un contexte international qui ne vous est pas favorable. J'ai vu que vous aviez une chaîne TikTok, par exemple. Est-ce que vous misez sur les jeunes Quelles sont les prochaines étapes pour vous Alors là,

  • Speaker #0

    tu m'invites à parler d'un diagnostic très personnel, c'est que... Effectivement, pour avoir parlé aux politiques et à l'administration publique depuis quelques années, je me rends compte qu'il va nous falloir diversifier, parce que ça fait un an que, sur l'écologie, on a en gros des responsables politiques qui désertent un peu le champ et qui se disent que c'est plus tant un sujet. Voilà, ça fait un an, un an et demi que, en gros, depuis l'arrivée du gouvernement de Gabriel Attal, on nous a mis coup sur coup sur des sujets très importants, comme typiquement la réduction des pesticides. qui concerne quand même notre santé et la santé des agriculteurs. Sur des sujets, je l'évoquais, de la rénovation thermique des bâtiments, ça c'est très important aussi. Les sujets de transition automobile aussi, là on n'en entend plus parler du tout. Au début, il y a eu un peu ce truc de on change juste les indicateurs et on garde la même ambition, comme je l'expliquais. Et maintenant, il y a un peu un truc très assumé que l'écologie n'est plus un sujet, que de toute façon ça embête tout le monde, politiques compris. Mais c'est du gros raccourci et c'est très malheureux parce qu'on va se le prendre en retour de bâton, choix mille dans quelques temps. Typiquement, à ce moment, on se dit, en Europe, on est en train de se demander comment les pays européens vont réagir à toute la tension commerciale, notamment qui émerge de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau président aux États-Unis, des tensions avec la Chine. Et bien typiquement, il y a plein de domaines dans lesquels l'Europe gagnerait à faire de l'écologie parce que ça la renforcerait en termes d'économie. Les SUV, par exemple, prenez les... Les SUV, c'est quelque chose sur lequel les Français et les Européens produisent en moyenne beaucoup moins lourd que ce qu'on produit à l'étranger en termes de voitures américaines. Et là, si on joue là-dessus, qu'on met en place une taxe sur les voitures lourdes, automatiquement, tu vas créer un espèce de delta, de différence de compétitivité entre les voitures européennes plus légères, donc plus accessibles, et les voitures plus lourdes, étrangères, qu'on va taxer. Et donc, ça serait une manière de redonner les marges de compétitivité et de développement économique pour des constructeurs et des industriels européens. Ça c'est un exemple. Il y a un autre sujet qui est beaucoup plus flagrant, c'est pourquoi on utilise notre eau en France et en Europe en général. On sait que l'eau là, ça va passer sous tension bientôt, non pas parce qu'il y en a moins, mais parce qu'elle est répartie sur le territoire de manière beaucoup moins homogène et que ça va être beaucoup plus fluctuant dans le temps et dans l'espace et qu'il y aura des zones où on en manquera, des zones où on en aura trop. On voit les inondations qui ont touché le nord de la France il n'y a pas longtemps et qui ont touché le nord de l'Espagne aussi il n'y a pas longtemps. Là-dessus, nous, on continue d'utiliser beaucoup d'eau pour produire du maïs, par exemple. Et le maïs, on va l'utiliser, pourquoi Pour l'exporter. Et pourquoi on l'exporte Pour aller nourrir du bétail à l'étranger, pour doper la consommation de viande à l'étranger. Ça, c'est pas du bon sens. On est en train, en gros, de dilapider notre ressource en eau, d'assécher notre territoire, pour aller encourager les étrangers à bouffer de la viande. Voilà, ce qui n'est pas du tout dans notre intérêt, nous, a priori, et qui est en plus cause du tort à la planète. Donc, il y a des réflexes à avoir. Typiquement, autre sujet, l'énergie. On voit à quel point on prend des pressions américaines pour acheter le pétrole américain en ce moment. On voit à quel point on a dû se couper de la dépendance à l'égard du gaz russe. On aurait tout intérêt, le plus vite possible, à déployer des moyens de production autonomes sur notre territoire, ce qui nous empêchera d'aller acheter au prix fort du pétrole américain ou de je ne sais quel autre pays et de payer une énorme facture pour continuer à polluer. Si on a des éoliennes ou des panneaux solaires en Europe, c'est des solutions quand même beaucoup moins chères, sur lesquelles on a beaucoup plus la main et qui nous permettront d'être beaucoup plus autonomes stratégiquement. Voilà, donc en fait, on a du bon sens à avoir et une manière dont on peut allier à la fois les intérêts économiques et stratégiques de l'Europe et de la France et le besoin de traiter ce sujet de l'environnement.

  • Speaker #1

    Si je vais sur un côté plus personnel, quand un Trump arrive au pouvoir ou quand l'extrême droite est aux portes du pouvoir en France, est-ce que ça nous donne envie de quitter le travail qu'on est en train de faire parce qu'en une semaine, on a 15 ans de boulot qui est écrasé

  • Speaker #0

    Non, non, c'est jamais écrasé. Ça donne envie de s'acharner encore plus dans le travail. C'est pas perdu, en fait. C'est pas parce qu'on va parler dans le vide pendant quelques années, c'est pas parce que, comme je le disais, ça fait un an et demi que les politiques ont déserté, qu'il n'y a plus rien à dire sur nos sujets. Et c'est là où, pardon, je reprends ta question de tout à l'heure, du coup, tu me demandais, on a un nouveau TikTok, est-ce que ça fait partie d'une stratégie Évidemment, en fait, qu'il faut aller parler à d'autres personnes que les conseillers ministériels, les ministres et les conseillers du président de la République à l'Élysée. et surtout parce qu'il faut réconcilier et rassembler, et ça c'est un diagnostic très personnel mais force est de constater que nos sujets d'écologie, quand tu dis écologie déjà c'est rebutoir pour un certain nombre de personnes qu'on le veuille ou non, et force est de constater qu'ils n'ont pas été très fédérateurs ces sujets pour beaucoup de monde et qu'aujourd'hui tu dis écologie, on va penser éolienne, voiture électrique et un tas de choses qui n'inspirent pas forcément une bonne réception pour tout le monde et ça je suis sûr qu'il y a des manières de redessiner un peu ce que c'est l'écologie Pour les gens qui ont envie, qui sont assez quand même curieux, je pense, qui voient bien qu'il y a un problème avec la planète, qu'on se prend des inondations dans la tranche, que la biodiversité disparaît, qu'on a de moins en moins d'oiseaux, d'insectes. On a quand même des coraux en France, par nos territoires d'outre-mer, qui sont en train de disparaître, en tout cas qui sont largement abîmés. Je pense que tout le monde voit un petit peu ces trucs-là, en outre-mer comme en métropole, et qu'il y a quand même une soif de savoir et de comprendre ce qui se passe. Mais pour l'instant, la manière dont on a abordé ça, c'était très clivant. Et ce n'est pas nous les ONG, parce qu'en plus au WWF, on... On fait ça de manière très constructive, à chaque fois on apporte des solutions, on montre qu'on peut faire beaucoup mieux et que ça peut bénéficier à plein de monde. Mais il faut quand même réconcilier, je pense, un certain nombre de Français avec ces sujets. Ça veut dire en parler différemment, prendre différentes postures, et surtout ça veut dire ne plus être seulement à Paris dans les arcades du pouvoir.

  • Speaker #1

    Là tu parles de débouchés, d'espoir. J'aimerais savoir si à moi tu peux me renouer de l'espoir. Pour te donner un peu de contexte, j'ai fait un master en développement durable, spécialité RSE. J'avais pour objectif de sauver le monde, comme plein de gens. Et puis je me suis trouvé à la sortie de mes études avec deux choix, soit travailler pour une asso... et avoir un salaire qui me permettait pas de rester à Paris ou soit d'aller dans des grosses tours à la Défense et faire du greenwashing avec un salaire qui allait très bien. Et alors t'as fait quoi finalement Et bah alors j'ai pas su prendre de décision, j'ai fait complètement autre chose et je suis parti, j'ai déserté ce monde-là à ce moment-là et j'avais l'impression que j'avais le choix d'être du bon côté de l'histoire mais pas d'avoir de l'espoir.

  • Speaker #0

    Je comprends que... Il puisse y avoir un peu de frustration, avoir un certain nombre de gens qui ont vu des formations, qui ont normalement eu toute l'information nécessaire sur l'urgence, qui a agi et qui se dirigent pourtant vers des carrières où tu te dis que ça ne va pas forcément aider notre problème dans les prochaines années. Je comprends parce qu'on voit qu'effectivement, c'est plus confortable d'un point de vue matériel. En plus, la vie est chère, surtout si tu vis dans les grandes villes. C'est quelque chose qui est préoccupant. Maintenant, je dirais que c'est à chacun d'arbitrer. Moi, l'argent ne m'aurait pas acheté... une conscience très agréable au quotidien, donc je préfère rogner là-dessus et me dire que tous les matins que je fais quelque chose qui va plutôt dans le bon sens, plutôt que faire une croix là-dessus et avoir un confort matériel et je peux partir. En plus de ça, de cet aménagement, et ça c'est vraiment chacun le fait, il y a quelque chose de l'ordre de nos désirs, c'est quoi qui nous fait kiffer. Est-ce que partir pour deux jours en Sicile et revenir le lundi ou le dimanche soir, c'est un kiff au même titre que prendre le train, avoir le temps de sentir que tu traverses du paysage. reprendre un peu de temps et de lenteur. Je pense qu'il faut aussi s'ouvrir à des nouvelles manières de se faire plaisir, de comprendre le monde, de l'aller l'arpenter. En fait, c'est aussi un peu une mine d'or. Il y a plein de nouvelles choses à découvrir. Les modèles qu'on nous a inculqués, qui nous disent qu'en fait, un bon salaire, ça va te permettre d'aller faire plein de trucs très vite. Je pense qu'il y a des attentes qui peuvent être réorientées vers des trucs encore plus kiffants et que c'est un peu la responsabilité de notre génération d'aller explorer ça parce qu'on ne nous l'a pas montré. Et donc ça, j'ai pleinement confiance. Je sais qu'il y a plein de nouvelles manières d'inventer le voyage, par exemple, d'aller en vacances. Je pense qu'il y a pas mal de gens qui, après le Covid, se sont dit peut-être qu'en France, il y a déjà des trucs super sympas à voir. Moi, je pense que je n'aurais pas assez de ma vie pour aller voir tous les petits coins de France, là où tu as des fonds de vallées de fous, tu es tranquille, des littoraux aussi assez préservés, des petits villages. Et puis l'Europe est ouverte par le train, on peut circuler librement, c'est une chance énorme. Si on s'y prend un peu à l'avance, c'est aussi un de nos combats que les billets de train soient un peu moins chers. et surtout que ça se rééquilibre par rapport au prix des billets d'avion. Mais le jour où ce sera le cas, là, ça va ouvrir des territoires d'exploration et de découverte pour les gens, et notamment les plus jeunes, ce qui va être incroyable.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que, alors justement, moi, il y avait une phrase que j'aimais bien quand j'étais en études, qui était la phrase de Gandhi qui dit Sois le changement que tu veux voir dans le monde Et alors justement, toi, tu parlais tout à l'heure du paradoxe que tu avais à... aller à Dubaï, prendre l'avion souvent pour représenter les intérêts de WWF. Comment tu vis avec ça

  • Speaker #0

    Avec plein de questions. C'est sûr que prendre l'avion pour aller à Dubaï, a priori, ce n'était pas dans mon programme quand j'ai signé pour la protection d'environnement. Mais on fait un calcul très froid. On se dit, si on n'y va pas, qui va y aller À Dubaï, il y avait un nombre record de lobbyistes fossiles. Moi, j'ai croisé des gars à Dubaï qui te disent dans les yeux que... En fait, eux, s'ils n'étaient pas venus pour leur boîte, ils n'auraient pas voulu laisser la parole à d'autres boîtes. Et en fait, il y a un espèce de phénomène de place de marché qui se crée, où tout le monde veut être là, et tout le monde se raconte un peu l'histoire que s'il n'est pas là, le monde irait moins bien. Je pense que c'est quand même nécessaire pour les ONG d'y être. Les COP, c'est des moments, qu'on le veuille ou non, qui sont très importants. C'est le seul moment où tu as des petits pays qui peuvent demander des comptes aux grands pays. Il y a eu une COP très marquante, au début des COP, il y a une sorte de cérémonie où tous les chefs d'État prennent la parole. Ça dure deux jours parce qu'il y a plein de chefs d'État. Et il y a un chef d'État qui a envoyé une vidéo. C'était un chef d'État d'une petite île du Pacifique. Et il s'est filmé avec son pupitre, discours. Sauf qu'il avait les pieds dans l'eau. Et donc il avait l'eau aux genoux. En costard et tout, mais... Pupitre, discours, costard, tout allait comme normal, mais juste les pieds dans l'eau. Et il a dit, en fait, moi, mon pays, c'est une île. Mon île, elle va disparaître dans quelques années parce que l'eau est en train de monter. Et ça, c'était une manière d'interpeller les chefs d'État. notamment les chefs d'État des pays les plus riches, États-Unis, Europe, même Asie pour certains pays, pour leur dire qu'il y a urgence à agir. Et ces COP, c'est le seul moment où les petits pays peuvent parler aux grands pays et qu'on peut demander des comptes. Et donc là-dessus, il y a un besoin d'avoir le soutien des organisations, ONG, militants et tout, et c'est important qu'on soit là pour ça. C'est le seul moment où on peut le faire, et franchement, s'il n'y avait pas les COP, je pense qu'il y a certains ministres, notamment les ministres français, qui ne se seraient pas rendus compte de l'urgence qu'il y a dans certains pays. Et parfois, ça les chamboule. Moi, j'ai croisé des ministres qui se disent En fait, je viens de voir tel ministre de tel pays. Je suis choqué. Je ne savais pas que c'était ça leur enjeu. Donc ça va créer des petits électrochocs. Nous, ça crée des espaces aussi. On va demander des comptes. Si Macron ou le président, peu importe, arrive à une COP et dit… Pour parler du climat, on va lui dire t'as prévu quoi parce que là, c'est l'urgence, la France n'est pas dans les clous. Et donc, c'est des moments d'interpellation aussi. Donc, pour toutes ces raisons, évidemment que ça ne me fait pas plaisir de prendre un vol et qu'en plus, ce n'est pas un kiff du tout de prendre l'avion. Mais pour toutes ces raisons, ça vaut le coup d'aller se faire deux semaines de négociations où on ne dort pas beaucoup, c'est vrai, où on est épuisé à la fin. Mais en tout cas, on a essayé de soutenir des collègues dans des ONG des pays du Sud qui, eux, parfois risquent beaucoup plus que ça. On a eu une COP en Égypte. qui se tenait à un moment très particulier parce qu'il y avait une grève de la faim dans une prison pour des questions politiques. Il y avait tout un soutien de la société civile et les gens qui soutenaient, notamment en Égypte, pouvaient être inquiétés par le gouvernement et les forces de l'ordre sur place. Et donc ça, c'est des leçons de courage que nous, on prend en pleine face parce que moi, évidemment, je me donne dans mon travail. Mais jusque là, et peut-être que ça ne durera pas, mais je n'ai pas été inquiété pour mon travail et pour mes prises de position écologiques. Et bien, il y a des collègues pour qui c'est le cas. Et quand on défend les droits de l'homme, Quand on défend l'environnement dans certains pays, je pense que ça peut être un acte encore plus courageux parce qu'on peut se mettre en danger. Ça, on le réalise aussi au COP. Pour toutes ces raisons, c'est vrai que ce n'est pas une bonne chose de prendre l'avion, mais on a estimé que ça valait le coup d'aller travailler là-bas deux semaines.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit avant l'entretien que tu allais vers une nouvelle aventure. Pour terminer avec ce chapitre d'affaires publiques, quel serait le conseil que tu donnerais à la personne qui va te remplacer là, si moi je devais prendre ton poste maintenant et que tu avais une minute pour me dire Tout ce que tu avais appris, en tout cas, ce qu'il faut éviter ou ce qu'il faut faire, qu'est-ce que ça serait

  • Speaker #0

    C'est technique en une minute, mais tu as raison, c'est une bonne question. Je dirais qu'il faut être assez offensif et agile, en fait, et qu'il ne faut pas laisser passer les chances, parce que moi, j'ai mesuré qu'en 5 ans, les chances de faire passer une mesure pour l'écologie, pour la protection de l'environnement, ça ne se représente pas deux fois. Et donc, si ça arrive et que tu n'es pas prêt parce que tu voulais publier un tout beau rapport, que tu avais prévu de faire ça et ça avant d'en parler, en fait, il faut quand même y aller parce que... l'opportunité ne se représentera pas. Donc je crois que tous les gens qui travaillent dans les affaires publiques le mesurent, c'est un calendrier qu'on ne contrôle pas, qui peut partir dans un sens que même les meilleurs scénarios de Canal+, n'ont pas imaginé, même s'ils font des très bons scénarios. Et donc il faut vraiment se ruer sur l'occasion et aller avec toute la retenue, la rigueur scientifique, vraiment la discipline qui fait qu'on est carré quand on parle de ces sujets et qu'on nous écoute. Je dirais qu'il y a beaucoup de discipline et en même temps qu'il faut être très agile quand on intervient. Si demain on me dit... il va être discuté en Conseil des ministres, un sujet qui m'intéresse. J'en ai peut-être pas deux fois l'occasion de le faire dans mon travail, donc je multiplie tout ce qu'il faut de démarches pour aller parler aux bonnes personnes.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de ta prochaine aventure et du pourquoi de cette évolution

  • Speaker #0

    Oui, je parlais de fuel et de carburant pour l'engagement. En fait, l'écologie, on y tombe de plein de manières, qu'on appelle ça écologie ou non d'ailleurs. Le souci de protéger l'environnement, d'améliorer la vie des concitoyens. C'est quelque chose qui peut venir de plein de trucs. Je ne sais pas, tu peux lire un rapport du GIEC et te dire c'est quoi ce bazar, il y a urgence à agir. Et tu peux entrer par d'autres manières. Moi, je suis entré parce que j'ai vu des ours en Alaska. C'était il y a très longtemps. J'ai traversé le Canada en stop quand j'étais étudiant là-bas. Et ça m'a pris deux mois. Je suis parti de Toronto, à l'est du Canada, pour arriver à Vancouver, à l'ouest. Et ensuite de Vancouver, j'ai remonté jusqu'en Alaska. Donc ça a repris un mois de remontée jusqu'à... dans les grands parcs nationaux, l'Alaska, notamment là où a été tourné Into the Wild. En fait, j'ai été vachement secoué par le regard d'un ours, ça peut paraître anodin, mais moi ça me met toujours en émotion quand j'en parle. Quand tu croises le regard du truc, il te renifle, il t'appréhende, et tout d'un coup, tu prends un truc dans la tête que t'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Tu vois à quel point t'es petit, déjà t'es dans des espaces immenses, tu vois que t'es un peu recontextualisé dans l'espace naturel. T'es plus... T'es plus le boss du truc, quand tu te balades en forêt à Fontainebleau, t'es à peu près sûr que tu vas pas être mis en danger, ou que t'es pas le... Voilà, là, t'es dans les grands espaces, tu dois faire attention à où tu mets ta bouffe quand tu vas dormir en tente, t'es pas tout seul, il faut respecter les équilibres, y'a même des parcs naturels où on te dit, si tu déplaces une pierre, tu la remets au bon endroit, parce que sous la pierre, t'as une colonie de fourmis, t'as des trucs, donc t'es vraiment dans une optique où tu te recontextualises un peu, et tu te remets à ta place, et ça, ça met un petit coup, et après j'ai eu des rencontres... Comme je le disais, je travaillais un peu dans les pêches vers l'Antarctique. J'ai pris le bateau pendant un mois. J'étais un larmin à bord de ce bateau, donc je me faisais réveiller la nuit pour faire des plannings d'hélicoptères parce qu'il fallait déverser du matériel, des vivres, des scientifiques. Enfin, je faisais tout un tas de trucs, mais voir le regard d'un dauphin qui saute dans les vagues quand tu es à bord, ou voir les colonies de manchots dont tu apprends plus tard qu'elles sont en danger parce que les os se réchauffent, ils doivent aller chercher leur bouffe de plus en plus loin. et que quand la maman au manchot elle va chercher la bouffe, ou le papa manchot d'ailleurs parce qu'il se partage les tâches et ben il revient pas parce que il s'est épuisé en route là tu te dis wow, il faut faire quelque chose et donc moi je suis vraiment rentré là dedans par cette émotion et l'émerveillement et la chance d'avoir été confronté à ces gros trucs hyper impressionnants Et je me dis qu'il est temps d'aller reprendre un peu de carburant. Et je vais me former au métier de marin pour les prochains mois, pour apprendre auprès de ces gens-là qui sont confrontés à la nature et qui travaillent au plus près de la nature, qui en ont besoin et qui ont des énormes défis devant eux parce qu'il faut que l'activité se transforme. Que ce soit les transports de passagers, que ce soit la pêche, il y a plein de trucs à changer. Et donc je vais me mettre en immersion là-dedans pour comprendre un peu et continuer à communiquer auprès des gens. Je ne sais pas si ça sera un TikTok. Si ce sera d'autres formats où on pourra se réunir et parler un peu de ça. Mais essayer de leur parler autrement d'écologie, parce que j'aurais eu un pied à bord d'un bateau, j'aurais appris un peu plus que juste les arcanes du pouvoir. J'ai envie un peu de naviguer entre les couloirs du pouvoir, les coulisses, et ce qui se fait dans le pays sur l'écologie.

  • Speaker #1

    Merci Arnaud. Pour conclure, est-ce que tu as une recommandation culturelle à nous partager J'ai une recommandation qui m'a beaucoup marqué.

  • Speaker #0

    C'est un livre de Romain Garry qui s'appelle Les racines du ciel que j'ai lu il y a quelques années. qui raconte l'histoire dans une Afrique à l'époque coloniale, donc administrée par des pouvoirs coloniaux, qui raconte l'engagement d'un militant qui s'appelle Morel, qui se bat en fait contre la chasse aux éléphants, et qui explique, et ça fait tristement écho à notre temps, mais à un moment on lui demande pourquoi il se bat pour tout ça, et il explique qu'il a été incarcéré dans des camps nazis pendant la guerre, et que dans les camps nazis, il était avec certains camarades de cellules. dans une optique de survie, et que pour survivre, alors qu'ils avaient des gardes qui se faisaient battre, toute l'horreur de l'incarcération sous le régime nazi, qu'ils s'imaginaient des éléphants courir dans la nature et braver tous les grands espaces, et qu'en fait cet élan de liberté, que rien ne pouvait arrêter, et bien lui ça le faisait rire, il explique, c'est dit de manière super belle, mais que les gars étaient là à rire tout seuls dans la cellule, et qu'ils avaient quelque chose que les criminels nazis ne pouvaient pas leur enlever, et que ça rendait fous les criminels, mais que eux... se figurer quelque part cette liberté dans les méfants qui courent dans la nature, c'était en fait une méthode de survie que jamais personne ne pourrait leur enlever. Et je me suis dit, mais moi, tant qu'il y a des gens qui écrivent comme ça déjà, et tant qu'il y a effectivement ces grandes consens de la nature, ou même ces petites bêtes qui, quelque part, sont en liberté et sont protégées, c'est du carburant encore là pour continuer à vivre. Voilà, donc les racines du ciel de Romain Guéry, c'est un passage vraiment monstrueux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Arnaud, merci pour cet entretien.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    C'était hyper cool et puis à la prochaine.

  • Speaker #0

    Oui, salut.

  • Speaker #1

    Salut. Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

Description

L’écologie est-elle encore une priorité politique ? Comment faire entendre la voix de la nature quand les discours se durcissent et que les décisions prennent un autre cap ? Dans ce nouvel épisode d’Hémicycle, Pierre Laburthe reçoit Arnaud Gilles, porte parole chez WWF France, pour un échange dense et éclairant sur les coulisses de l’influence environnementale.


🎯 Arnaud nous fait entrer dans le quotidien d’un acteur stratégique de la transition écologique : produire des rapports d’expertise, convaincre les parlementaires, défier les résistances administratives, et surtout, saisir les bonnes fenêtres d’opportunité. Il revient notamment sur la campagne emblématique menée contre les SUV, et sur la manière d’interpeller un ministre… au bon moment.


💬 À travers son parcours, entre institutions internationales, ONG et administration publique, Arnaud dévoile une réalité exigeante : celle d’un combat souvent invisible, fait de patience, d’agilité, de moments de doute — mais aussi de petites victoires qui changent tout.

Dans cet épisode, on parle aussi de :


✅ Comment construire un plaidoyer crédible à partir de données scientifiques.
✅ Le rôle des COP, entre diplomatie et rapport de force.
✅ Ce qu’il faudrait faire si l’on disposait… de 10 milliards pour la transition.
✅ Pourquoi parler d’écologie autrement est devenu essentiel.
✅ Le regard d’un ours en Alaska comme déclic pour s’engager.


🌍 Arnaud évoque aussi sa prochaine aventure, loin des couloirs du pouvoir : embarquer sur un bateau, au plus près de la nature, pour mieux continuer à porter la voix du vivant.


🎧 Un épisode fort, à la croisée de la stratégie politique, de l’éthique et de l’émerveillement. Pour celles et ceux qui cherchent à comprendre comment l’écologie s’écrit… dans les marges de la loi.

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Transcription

  • Speaker #0

    On raisonne pour le politique et on se met à sa place. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. Tu prends un truc dans la tête que tu n'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Pas parce que ça fait un an et demi que les politiques ont déserté qu'il n'y a plus rien à dire sur le sujet. Vous ne moquez pas de nous, on fait de l'argent et il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle LegiWatch, et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Arnaud Gilles, directeur du plaidoyer de WWF France. Salut Arnaud Salut Est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs et auditrices

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Arnaud, je suis responsable international du WWF et porte-parole de cette organisation non gouvernementale, cette association pour la protection de l'environnement. Ça fait cinq ans maintenant que je arpente les couloirs des ministères, de l'Elysée quand il faut, et des réunions internationales aussi pour influencer les politiques en matière d'environnement.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours, ce qui t'a conduit vers les affaires publiques

  • Speaker #0

    Oui, moi j'ai fait des études qui m'ont permis d'étudier à la fois les sciences, Brut, donc physique, chimie, mathématiques, biologie et les sciences politiques. J'ai eu cette chance de conserver à la fois une entrée très scientifique sur des sujets très importants pour notre environnement et en même temps de découvrir ce que c'est l'histoire de notre République, l'économie, les finances publiques, le droit constitutionnel, le droit public. Et armé de toutes ces disciplines, enfin ce que j'ai pu en retenir au cours de mes études, je me suis orienté dans les politiques de l'environnement en fait. Et je suis d'abord passé par l'administration pour un temps. J'ai travaillé pour l'ex-ambassadrice des pôles Arctique et Antarctique, qui était Ségolène Royale à l'époque. J'ai travaillé aussi un petit peu dans la gestion des pêcheries Antarctique et Sub-Antarctique. Donc vous savez peut-être que la France a des territoires un peu perdus aux confins du monde, qui se situent dans les eaux australes, juste dans l'océan Indien. Et on administre autour de ces territoires, que sont les îles Kerguelen, l'île de Crozet, ou Saint-Paul et Amsterdam, on administre des pêcheries, puisqu'on y pêche des poissons qui se vendent très cher, notamment aux Etats-Unis et en Asie. Des poissons qui s'appellent par exemple la légine, qui est un poisson de fond qu'on appelle l'or blanc parce qu'il se vend très très cher. Et donc la France administre des pêcheries, elle donne des quotas à certains pêcheurs, elle contrôle et elle essaie de gérer un peu durablement ses stocks de poissons parce qu'ils ont été complètement dévastés dans les années 80 par notamment les pêcheries soviétiques. Mais bon, on en est revenu, ça s'est bien géré, j'y suis passé un petit peu. J'ai eu la chance d'aller voir ces territoires qui sont des merveilles de biodiversité. En fait, vous voyez des colonies de manchots à perte de vue, des éléphants de mer. des albatros, des animaux marins aussi quand on navigue, et tout ça, ça m'a donné évidemment beaucoup de fuel, et l'expression n'est pas très heureuse en écologie, mais c'est ça, c'est vraiment du carburant pour des années d'engagement. Et voilà, donc je suis passé par là, par les couloirs un peu de l'ONU aussi, où on m'a... J'étais que stagiaire à l'époque, mais on m'a filé des petites résolutions à négocier au sein de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Alors si vous voyez passer la journée mondiale des abeilles le 20 mai, sachez que, voilà, c'est Arnaud qui négociait en tant que bon stagiaire à l'époque. Et voilà, et donc un peu Un peu de Ségolène Royal et j'en suis arrivé à me dire qu'il était temps de m'engager, mais cette fois-ci du côté des ONG. Et donc j'ai rejoint il y a 5 ans le WWF à la base pour lancer une campagne contre les SUV. Ça on y reviendra peut-être, mais ça m'a occupé un certain temps.

  • Speaker #1

    Justement là tu parles de voyage, tu parles de négociation. C'est quoi le quotidien Quelles sont vraiment les actions que tu fais tous les jours pour faire avancer les choses

  • Speaker #0

    Alors je vais reprendre la formule d'un diplomate que je salue qui est aujourd'hui ambassadeur à Berlin, qui s'appelle François Delattre, qui était l'ambassadeur auprès de l'ONU quand j'ai fait ce stage, et qui m'a dit Arnaud, en fait parfois dans la diplomatie, il y a deux temps, il y a le temps du tennis et il y a le temps du ping-pong. Et il m'a dit La diplomatie à l'ONU, c'est du ping-pong, c'est-à-dire qu'on n'a pas le temps de se replacer pour frapper, il faut enchaîner les échanges très rapidement et tout va très vite. Alors que vous êtes parfois dans des positions beaucoup plus lentes, ou par exemple une ambassade dans un pays où on négocie tranquillement, ça c'est du tennis. Quand on frappe, on se positionne, on réfléchit au coup, on prend le temps. Et moi, ma vie ces dernières années a consisté à alterner entre ces deux postures. Quand j'étais dans les réunions internationales que sont les COP, vous avez peut-être entendu parler des COP pour le climat ou la biodiversité, c'est du ping-pong. En fait, tout va très vite. Vous croisez 15 fois la ministre française en une journée, vous avez des rendez-vous avec les diplomates toutes les 5 minutes parce que vous les croisez à la sortie d'une salle de négociation. Et tout ça, ça va très vite, il faut se repositionner, dire ce qu'on pense, conseiller la ministre sur où est-ce qu'on peut aller. Et c'est des échanges très très resserrés. Alors qu'à Paris, quand vous préparez un dossier, typiquement ce dossier sur les SUV sur lequel j'ai beaucoup travaillé, et bien là on prend énormément de temps avant de produire un rapport scientifique par exemple. Ça veut dire 3-4 mois de travail scientifique en interne, avec nos experts, avec des gens qui nous aident aussi, des institutions scientifiques. Tout ça c'est vraiment une phase de repli, avant de se dire, bon maintenant c'est le moment, on bombarde, on publie un rapport, on demande des comptes aux autorités publiques et on leur demande d'agir. Et donc, en termes de rythme, et cette expression ping-pong-tennis est parfois intéressante, c'est vraiment ça la vie d'une personne qui fait de l'influence politique. et de la communication politique pour une ONG, c'est savoir jongler entre ces phases d'accélération où tout d'un coup tout va très vite, il faut savoir réagir, être là, positionner la parole de son ONG dans le débat public, et à un moment il faut aussi savoir se replier, réfléchir, savoir si ce n'est pas le bon moment pour intervenir, qu'est-ce qu'on a besoin d'apporter au débat pour que le débat avance. Parfois vous n'avez pas besoin d'un rapport scientifique en fait. Le sujet SUV, il se trouve que pour nous, il n'était pas posé sur la table au moment où on s'en est saisi, personne ne savait vraiment ce que c'était un SUV, et donc on avait... formuler le constat qu'il fallait définir cet objet avant de s'y attaquer. Mais vous avez d'autres sujets qui sont très bien connus, documentés par d'autres, par exemple la réduction des pesticides qui est nécessaire parce qu'ils provoquent un certain nombre de maladies chez nos agriculteurs et chez les consommateurs. Ça c'est un sujet qui est plutôt bien documenté, sur lequel si je devais m'en saisir demain, je me dirais qu'on a à peu près le fond d'expertise nécessaire et que c'est plutôt d'autres leviers qu'il va falloir aller mobiliser. Donc ça aussi, le métier consiste à jongler entre ces échanges ping-pong-tennis, mais aussi entre des outils... Parce que parfois, il faut prendre le bon outil pour le bon sujet et auprès de la bonne cible.

  • Speaker #1

    Donc moi là, si je suis Arnaud, j'ai le rapport des chercheurs du côté des SUV. À qui je m'adresse Comment je fais Et aussi pendant la rédaction du rapport, comment je prépare le terrain

  • Speaker #0

    Il faut être en veille en fait. Ce sujet des SUV, on s'en est saisi parce qu'on a vu passer un rapport de l'Agence internationale de l'énergie qui disait que les SUV étaient dans le monde à l'échelle de la planète la deuxième source de croissance des émissions de CO2 ces dix dernières années. En fait, on a été un peu choqués de la statistique. On s'est dit, mais comment c'est possible Et surtout, est-ce que c'est la même chose en France Puisqu'on remarque que depuis des années, on a en fait une offre de ces modèles un peu plus gros, un peu plus lourds, qui se répand de manière beaucoup plus prégnante que c'était le cas il y a encore 10-15 ans. On est d'abord partis de cette démarche scientifique avec un ingénieur spécialisé, expert en mobilité durable, avec qui on a construit ce rapport. On s'est d'abord dit, on va regarder en France si la progression fulgurante des ventes de SUV depuis 10 ans... a aussi fait des SUV la deuxième source de croissance des émissions en France. Et le résultat, au bout de quatre mois de recherche, c'est que c'était bien le cas. Donc on a travaillé avec des institutions comme l'ADEME, qui est une agence de l'État qui travaille à la transition écologique dans plein de secteurs. On a travaillé avec des experts de chez eux sur les mobilités, aussi des experts de France Stratégie, qui était un organe rattaché au service du Premier ministre et qui travaille aussi sur un tas de sujets stratégiques, dont la transition notamment automobile. Et on a réuni une petite communauté d'experts. On a produit ces résultats et on a constaté, un peu avec stupeur, que les SUV, aussi en France, avaient constitué la deuxième source de croissance des émissions de CO2. Une fois que vous avez ça, ce n'est pas suffisant en fait. On a un résultat scientifique, mais le résultat scientifique, pour qu'un ministre le comprenne, pour que les médias s'en emparent, pour qu'on en parle et qu'enfin on ait un peu d'action sur ce sujet, il faut bien le formuler. Et c'est là qu'intervient une personne comme moi, qui est censée être expert en communication politique et en relations publiques. Il faut savoir comment le formuler, et typiquement là... Ce dont on a discuté avec l'expert avec qui je travaillais, c'était de savoir, mais si on prolonge la tendance et si les ventes de SUV continuent, est-ce que ça va compromettre les objectifs de réduction d'émissions de CO2 que la France s'est donnée Et résultat, oui, évidemment. Et donc, on a projeté les émissions associées au SUV sur 10 ans et on a regardé ce que ça donnerait. Et le message qu'on a pu apporter aux politiques, c'est non seulement ces 10 dernières années, ça a été la deuxième source de croissance des émissions, mais si on continue, ça va faire complètement exploser les plafonds. d'émissions de CO2 que vous êtes fixés pour réduire les émissions de la France et lutter contre le réchauffement climatique. Donc vous voyez vraiment ce raisonnement de on raisonne pour le politique et on se met à sa place. Et moi, si je vois un sujet qui me dit l'SUV ça émet trop, je vais faire ouais, ok, très bien, mais en fait, si on me dit l'SUV ça émet trop par rapport à ce à quoi je me suis engagé moi en tant que ministre français, et bien là, ça va me poser problème. On se met toujours un petit peu dans l'esprit des décideurs politiques pour comprendre qu'est-ce qui va les mobiliser. Et là, il était nécessaire de d'abord... poser le problème SUV sur la table, parce qu'à l'époque, et c'était il y a cinq ans, vous posiez le sujet SUV sur la table, des ministres comme Bruno Le Maire par exemple, les cartes aiment un revers de la main, et les services de l'administration aussi. Et ça c'est une démarche qui est importante pour nous, quand on prépare quelque chose comme ça, on parle avec des scientifiques évidemment, mais on va aussi un peu sonder les autorités publiques. On va les sonder à tous les niveaux, vous prenez l'administration, les services compétents dans les ministères à l'écologie, à l'énergie, à l'économie, tout ça, vous allez les voir, on leur demande ce qu'ils pensent de telle solution. comment ils appréhendent une mesure contre les SUV par exemple, et vous comprenez un peu les contours des blocages auxquels vous allez vous confronter. Et ça, c'est indispensable de bien baliser ça, mais on rentre là dans une seconde phase d'influence, qui est qu'une fois qu'on a posé le problème, il faut proposer une solution. Et là, il faut aussi être force de proposition et avoir un peu de créativité, parce que sinon, on s'en remet à des espèces de totems qui reviennent tout le temps et qui ont un peu découragé déjà les politiques depuis des années.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Et donc, il faut être force de proposition, mais vers qui Quels interlocuteurs tu choisis Et là, par exemple, comment ça se fait que Bruno Levemaire a pu retourner sa décision, retourner son opinion

  • Speaker #0

    C'est très simple. Bruno Levemaire, le jour où on a publié notre rapport sur les SUV, il était en matinale chez France Inter ou je ne sais plus quelle radio, et il a eu droit à une question sur les SUV. Et c'était très bien. Et c'était notre but, parce que le fait que le sujet politiquement soit posé sur sa table, et qui plus est en matinale politique un matin, ça va faire qu'il va se mobiliser, que deux minutes plus tard vous pouvez être sûr que son cabinet prend des consignes là-dessus, et que cinq minutes plus tard vous pouvez être sûr que l'administration qui travaille avec ce cabinet ministériel va prendre des consignes et va demander ce qu'on en pense, qu'est-ce qu'on peut faire et est-ce que c'est envisageable. Donc, si vous voulez, quand on interpelle un ministre politiquement, derrière il y a toute une cascade de commandes, d'ordres, de demandes qui vont faire... engranger toute une machine politique qui va se mettre en route, normalement pour traiter le problème, alors avec plus ou moins de bonne foi, plus ou moins de moyens aussi, mais en tout cas, on a enclenché quelque chose. Quand on s'attaque à un sujet, la première question, c'est qu'est-ce qui va pouvoir le régler Qui est la personne Comme tu me disais, c'est qui la cible Et ça, c'est très important pour nous. Moi, sur un sujet comme les SUV, la cible, c'était d'abord le ministre de l'économie à l'époque, parce que c'est lui qui tient les cordons de la bourse, et c'est lui qui décide de, par exemple, mettre en place une nouvelle taxe sur les voitures les plus lourdes, pour en décourager l'achat. Et donc, ça a fait de ce ministre, à l'époque, une cible prioritaire pour nous.

  • Speaker #1

    Dans ce cas-là, on passe par l'opinion publique, entre guillemets, par une opinion qui arrive aux journalistes, qui arrive à la matinale de France Inter. Est-ce qu'il y a des cas où on passe directement par des parlementaires Est-ce que vous avez d'autres canaux d'échange

  • Speaker #0

    Oui, ce n'est pas toujours le cas. On n'a pas toujours besoin de passer par une interpellation publique avec une prise à partie de l'opinion publique, même si souvent, en fait, on a des découvertes dans nos rapports scientifiques qui méritent d'être portées à la connaissance de tout le monde. Parce qu'il y a des choses assez révoltantes et parce qu'il y a des solutions hyper enthousiasmantes. Donc on essaie toujours de communiquer auprès du grand public pour leur dire, Regardez, déjà ça c'est un scandale, mais surtout on a des solutions, donc soutenez-les parce que ça peut aller dans le bon sens. Néanmoins, il y a parfois des moments où la politique va tellement vite que si on n'a pas un rapport sous la main, ou si on n'a pas toute une campagne de mobilisation et de communication... On peut quand même intervenir parce qu'on a des liens étroits avec les autorités publiques. Typiquement, les COP. Les COP, c'est des moments où, tu sais, il y a toute une délégation qui se rend aux négociations internationales. Moi, j'ai été à une COP à Dubaï, alors ça pouvait interroger d'un point de vue écologique. À Cali, très récemment, sur la biodiversité. Et ça, c'est des moments où, quand la ministre vous demande, avec d'autres ONG, ce que vous pensez du texte qui est mis sur la table et que tout le monde va adopter dans quelques heures, ben là, on n'a pas le temps d'aller interpeller un ministre en plateau public. On est dans des réunions très, très informelles. on se croise au détour d'un couloir, on pointe du doigt un paragraphe en disant ça, ça va pas du tout dans le bon sens, par contre ça, deux paragraphes plus loin, c'est très bien parce que peut-être que les pays vont s'engager à sortir des énergies fossiles. Et donc on est dans des conseils très informels dont nous, on se rend redevables après auprès de nos publics, on communique là-dessus, mais c'est des moments où en pleine nuit, moi je vais pas réveiller les Français si à Dubaï on demande notre avis entre 3 et 4 heures du matin sur un texte qui doit être adopté par les 190 et quelques pays de la planète au petit matin. Donc il y a parfois, et là on rejoint cette idée de ping-pong et tennis, mais il y a des moments où on n'a pas le temps et il faut aller vite. Et de toute façon, on sait quoi porter et on rendra des comptes quand ça sera fait.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression que c'est souvent autour des ministres ou directement du gouvernement que vous agissez. Est-ce que ça vous arrive de travailler avec des parlementaires ou d'essayer d'influencer un amendement, une proposition de loi ou autre

  • Speaker #0

    Oui, tout dépend du sujet, tout dépend des pouvoirs des gens à qui on s'adresse. Mais typiquement, depuis les quelques mois qui sont passés depuis la dissolution, de l'Assemblée nationale et la réélection, on se rend bien compte que le capital politique et le pouvoir politique s'est un peu rééquilibré et que peut-être, vu la valse des gouvernements qu'on a connus ces derniers mois, peut-être qu'un ministre n'a peut-être pas autant de pouvoir maintenant qu'un député qui porterait une proposition de loi avec une vaste majorité derrière lui parce qu'il a réussi à construire quelque chose autour d'un sujet. Donc les députés et les sénateurs, sénatrices, c'est très important pour nous parce que déjà, ça permet de socialiser un problème, de tester un peu les équilibres politiques. Et surtout, ça permet de les institutionnaliser. Si jamais on se dit qu'il y a un sujet et qu'un député, une députée est prêt à le porter, ça nous donne de l'écho.

  • Speaker #1

    Le gouvernement dit en ce moment qu'il n'y a plus d'argent. Or, on a besoin de milliards pour réussir notre transition environnementale. Où est-ce qu'on peut les trouver, ces milliards Qu'est-ce que tu voudrais leur dire à notre classe politique

  • Speaker #0

    En fait, le gouvernement, ils sont marrants parce que nous, ça fait des années qu'on leur dit déjà que, et ce n'est pas que nous, l'Inspection Générale des Finances en a fait un rapport très clair, dans le budget de l'État chaque année. En fait, tu as 10 milliards d'euros de dépenses publiques, donc du contribuable, c'est notre argent à nous tous, qui participent à détruire la nature. C'est comme si on avait des subventions pour détruire la nature. C'est des activités qui, par exemple, subventionnent les énergies fossiles ou subventionnent une agriculture qui est mauvaise pour la biodiversité. Et tout ça, c'est donc notre argent qui sort de notre poche parce qu'on paye les impôts et qui va participer à abîmer la biodiversité dans nos campagnes, sur notre littoral, ou participer à booster les émissions de gaz à effet de serre parce qu'on a les mauvaises énergies encore et que... on pollue trop et on consomme trop d'énergie fossile. Donc ça, première chose qu'on leur dit, c'est l'argent, déjà commencez par arrêter de le dépenser là où vous faites du tort. Et ça, c'est la première des urgences. Par ailleurs, et je reviens au sujet des SUV, mais parfois c'est facile de trouver de l'argent, et parfois ça fait à la fois sens économique, écologique et budgétaire de trouver de l'argent pour la transition écologique. Typiquement les SUV, on a remarqué que si on mettait en place une taxe assez légère pour les petites voitures, les petits SUV, mais beaucoup plus lourde pour les voitures les plus chères, que les plus aisées peuvent se permettre d'acheter, et bien on peut dégager près de 2 milliards d'euros par an, de ressources supplémentaires donc pour le budget de l'État. charge au gouvernement de décider quoi en faire mais on pourrait financer la rénovation thermique de nos bâtiments, la mise en place de pratiques agricoles plus vertueuses, la transition dans nos pêches, enfin voilà tout un tas de trucs. Mais il y a des gisements, parfois on est assis sur des trésors financiers et pour l'écologie et on veut pas les voir et donc nous notre premier rôle en tant que spécialiste comme ça de l'environnement et de l'influence politique autour de ça c'est de signaler et de dire mais vous moquez pas de nous en fait l'argent il est quand même disponible si vous allez chercher au bon endroit. Et il y a quelque chose du bon sens d'aller le chercher sur des voitures qui vont polluer et qui vont nous coûter plus cher plus tard en maladies, en dépenses de santé et autres.

  • Speaker #1

    Et si tu avais les 10 milliards, toi, actuellement, qu'est-ce que tu en ferais C'est quoi la priorité du point de vue de WWF France ou du tien

  • Speaker #0

    On a effectivement besoin de beaucoup d'argent. Il y a plein de programmes à enclencher. Typiquement, la rénovation thermique des bâtiments, c'est un sujet à la fois de santé, d'égalité sociale aussi, parce qu'il y a plein de passoires thermiques qui continuent à dilapider l'argent des gens qui essaient de se chauffer. C'est un sujet aussi de climat parce que le bâtiment est le... Le chauffage, c'est encore, pour la plupart d'ailleurs en France, au gaz. Et donc, ça émet énormément de CO2. Et donc, on gagnerait sur tous les plans à rénover, mais de manière globale. On ne parle pas de remplacer une fenêtre, parce que ça, ça ne marche pas. Et on a vu qu'on avait parfois un peu tendance à faire des gestes dispersés. On gagnerait à financer les vastes programmes de rénovation énergétique, par exemple. Le problème, c'est que, et c'est ce qui se passe depuis un an, parfois, le politique a tendance à se doter de bons objectifs. Donc, ils se disent, vas-y, on va rénover tant de logements. chaque année et à un certain rythme, au bout de quelques années, on arrivera au bon endroit et on aura rénové assez de logements pour qu'on n'émette plus beaucoup de CO2. Ça, c'est très bien. Le gouvernement s'est dit qu'on allait sortir je ne sais pas combien de milliers de logements de la catégorie des passoires thermiques parce qu'on les aura rénovés. Le problème, c'est que la manière dont tu mesures ces passoires thermiques, ça, ça a changé. Il y a un logiciel qui s'appelle le DPE, le Diagnostic de Performance Énergétique. Et très récemment, il y a un peu plus d'un an, le gouvernement a dit... On change rien, on s'engage toujours à sortir tant de passoires thermiques, on va les rénover et on va en sortir, mais par contre on va changer un petit peu la manière dont on calcule ce qui est une passoire thermique et ce qui n'en est pas. C'est passé inaperçu parce que c'est des techniques de ministères et que ça se fait dans les grands tableaux Excel dans les ministères à la Défense ou dans Paris, mais en fait, en changeant le logiciel, tu trafiques tout et donc tu réduis l'ambition que tu as prise pour dans quelques années. Donc c'est très facile et on a fait exactement, enfin le gouvernement a fait exactement la même chose sur les pesticides. Tu te dis, on s'est engagé à réduire les pesticides de temps d'ici 2030. Très bien, sauf que si le gouvernement change la manière dont on mesure les pesticides, tu peux avoir changé l'indicateur, si bien que tu ne t'engages quasiment pas à réduire. Donc il y a ces trafics d'indicateurs qui sont extrêmement préoccupants pour nous, parce que ça permet au gouvernement de dire, en fait je garde la face, mon ambition c'est la même, je n'ai rien changé les gars, mais dans le fond, parce qu'ils mesurent différemment la manière dont ils vont atteindre ces objectifs, tout change. Et donc voilà, sur les pesticides, la rénovation, c'est des choses qui passent un peu inaperçues, mais qui disent beaucoup en tout cas sur la manière dont le gouvernement est en train un peu d'abandonner certains chantiers écologiques. Et tu me disais donc, où doit aller l'argent Rénovation thermique, c'est un exemple. Transition, sortie de la voiture thermique, ça c'est très important. Sortie des SUV aussi, qui sont plus lourds, qui polluent beaucoup plus, qui font plus d'accidents en plus, parce que c'est du risque pour notre sécurité routière. Et tout ça, c'est important d'accompagner par exemple les ménages qui sont dépendants de la voiture, pour leur proposer une solution plus... petites, plus électriques, qui polluent moins, mais qui leur permettent quand même de se déplacer parce qu'il n'est pas question de les priver de leurs moyens de locomotion. D'accord.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi votre stratégie à venir en termes d'influence Alors là, il y a un contexte international qui ne vous est pas favorable. J'ai vu que vous aviez une chaîne TikTok, par exemple. Est-ce que vous misez sur les jeunes Quelles sont les prochaines étapes pour vous Alors là,

  • Speaker #0

    tu m'invites à parler d'un diagnostic très personnel, c'est que... Effectivement, pour avoir parlé aux politiques et à l'administration publique depuis quelques années, je me rends compte qu'il va nous falloir diversifier, parce que ça fait un an que, sur l'écologie, on a en gros des responsables politiques qui désertent un peu le champ et qui se disent que c'est plus tant un sujet. Voilà, ça fait un an, un an et demi que, en gros, depuis l'arrivée du gouvernement de Gabriel Attal, on nous a mis coup sur coup sur des sujets très importants, comme typiquement la réduction des pesticides. qui concerne quand même notre santé et la santé des agriculteurs. Sur des sujets, je l'évoquais, de la rénovation thermique des bâtiments, ça c'est très important aussi. Les sujets de transition automobile aussi, là on n'en entend plus parler du tout. Au début, il y a eu un peu ce truc de on change juste les indicateurs et on garde la même ambition, comme je l'expliquais. Et maintenant, il y a un peu un truc très assumé que l'écologie n'est plus un sujet, que de toute façon ça embête tout le monde, politiques compris. Mais c'est du gros raccourci et c'est très malheureux parce qu'on va se le prendre en retour de bâton, choix mille dans quelques temps. Typiquement, à ce moment, on se dit, en Europe, on est en train de se demander comment les pays européens vont réagir à toute la tension commerciale, notamment qui émerge de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau président aux États-Unis, des tensions avec la Chine. Et bien typiquement, il y a plein de domaines dans lesquels l'Europe gagnerait à faire de l'écologie parce que ça la renforcerait en termes d'économie. Les SUV, par exemple, prenez les... Les SUV, c'est quelque chose sur lequel les Français et les Européens produisent en moyenne beaucoup moins lourd que ce qu'on produit à l'étranger en termes de voitures américaines. Et là, si on joue là-dessus, qu'on met en place une taxe sur les voitures lourdes, automatiquement, tu vas créer un espèce de delta, de différence de compétitivité entre les voitures européennes plus légères, donc plus accessibles, et les voitures plus lourdes, étrangères, qu'on va taxer. Et donc, ça serait une manière de redonner les marges de compétitivité et de développement économique pour des constructeurs et des industriels européens. Ça c'est un exemple. Il y a un autre sujet qui est beaucoup plus flagrant, c'est pourquoi on utilise notre eau en France et en Europe en général. On sait que l'eau là, ça va passer sous tension bientôt, non pas parce qu'il y en a moins, mais parce qu'elle est répartie sur le territoire de manière beaucoup moins homogène et que ça va être beaucoup plus fluctuant dans le temps et dans l'espace et qu'il y aura des zones où on en manquera, des zones où on en aura trop. On voit les inondations qui ont touché le nord de la France il n'y a pas longtemps et qui ont touché le nord de l'Espagne aussi il n'y a pas longtemps. Là-dessus, nous, on continue d'utiliser beaucoup d'eau pour produire du maïs, par exemple. Et le maïs, on va l'utiliser, pourquoi Pour l'exporter. Et pourquoi on l'exporte Pour aller nourrir du bétail à l'étranger, pour doper la consommation de viande à l'étranger. Ça, c'est pas du bon sens. On est en train, en gros, de dilapider notre ressource en eau, d'assécher notre territoire, pour aller encourager les étrangers à bouffer de la viande. Voilà, ce qui n'est pas du tout dans notre intérêt, nous, a priori, et qui est en plus cause du tort à la planète. Donc, il y a des réflexes à avoir. Typiquement, autre sujet, l'énergie. On voit à quel point on prend des pressions américaines pour acheter le pétrole américain en ce moment. On voit à quel point on a dû se couper de la dépendance à l'égard du gaz russe. On aurait tout intérêt, le plus vite possible, à déployer des moyens de production autonomes sur notre territoire, ce qui nous empêchera d'aller acheter au prix fort du pétrole américain ou de je ne sais quel autre pays et de payer une énorme facture pour continuer à polluer. Si on a des éoliennes ou des panneaux solaires en Europe, c'est des solutions quand même beaucoup moins chères, sur lesquelles on a beaucoup plus la main et qui nous permettront d'être beaucoup plus autonomes stratégiquement. Voilà, donc en fait, on a du bon sens à avoir et une manière dont on peut allier à la fois les intérêts économiques et stratégiques de l'Europe et de la France et le besoin de traiter ce sujet de l'environnement.

  • Speaker #1

    Si je vais sur un côté plus personnel, quand un Trump arrive au pouvoir ou quand l'extrême droite est aux portes du pouvoir en France, est-ce que ça nous donne envie de quitter le travail qu'on est en train de faire parce qu'en une semaine, on a 15 ans de boulot qui est écrasé

  • Speaker #0

    Non, non, c'est jamais écrasé. Ça donne envie de s'acharner encore plus dans le travail. C'est pas perdu, en fait. C'est pas parce qu'on va parler dans le vide pendant quelques années, c'est pas parce que, comme je le disais, ça fait un an et demi que les politiques ont déserté, qu'il n'y a plus rien à dire sur nos sujets. Et c'est là où, pardon, je reprends ta question de tout à l'heure, du coup, tu me demandais, on a un nouveau TikTok, est-ce que ça fait partie d'une stratégie Évidemment, en fait, qu'il faut aller parler à d'autres personnes que les conseillers ministériels, les ministres et les conseillers du président de la République à l'Élysée. et surtout parce qu'il faut réconcilier et rassembler, et ça c'est un diagnostic très personnel mais force est de constater que nos sujets d'écologie, quand tu dis écologie déjà c'est rebutoir pour un certain nombre de personnes qu'on le veuille ou non, et force est de constater qu'ils n'ont pas été très fédérateurs ces sujets pour beaucoup de monde et qu'aujourd'hui tu dis écologie, on va penser éolienne, voiture électrique et un tas de choses qui n'inspirent pas forcément une bonne réception pour tout le monde et ça je suis sûr qu'il y a des manières de redessiner un peu ce que c'est l'écologie Pour les gens qui ont envie, qui sont assez quand même curieux, je pense, qui voient bien qu'il y a un problème avec la planète, qu'on se prend des inondations dans la tranche, que la biodiversité disparaît, qu'on a de moins en moins d'oiseaux, d'insectes. On a quand même des coraux en France, par nos territoires d'outre-mer, qui sont en train de disparaître, en tout cas qui sont largement abîmés. Je pense que tout le monde voit un petit peu ces trucs-là, en outre-mer comme en métropole, et qu'il y a quand même une soif de savoir et de comprendre ce qui se passe. Mais pour l'instant, la manière dont on a abordé ça, c'était très clivant. Et ce n'est pas nous les ONG, parce qu'en plus au WWF, on... On fait ça de manière très constructive, à chaque fois on apporte des solutions, on montre qu'on peut faire beaucoup mieux et que ça peut bénéficier à plein de monde. Mais il faut quand même réconcilier, je pense, un certain nombre de Français avec ces sujets. Ça veut dire en parler différemment, prendre différentes postures, et surtout ça veut dire ne plus être seulement à Paris dans les arcades du pouvoir.

  • Speaker #1

    Là tu parles de débouchés, d'espoir. J'aimerais savoir si à moi tu peux me renouer de l'espoir. Pour te donner un peu de contexte, j'ai fait un master en développement durable, spécialité RSE. J'avais pour objectif de sauver le monde, comme plein de gens. Et puis je me suis trouvé à la sortie de mes études avec deux choix, soit travailler pour une asso... et avoir un salaire qui me permettait pas de rester à Paris ou soit d'aller dans des grosses tours à la Défense et faire du greenwashing avec un salaire qui allait très bien. Et alors t'as fait quoi finalement Et bah alors j'ai pas su prendre de décision, j'ai fait complètement autre chose et je suis parti, j'ai déserté ce monde-là à ce moment-là et j'avais l'impression que j'avais le choix d'être du bon côté de l'histoire mais pas d'avoir de l'espoir.

  • Speaker #0

    Je comprends que... Il puisse y avoir un peu de frustration, avoir un certain nombre de gens qui ont vu des formations, qui ont normalement eu toute l'information nécessaire sur l'urgence, qui a agi et qui se dirigent pourtant vers des carrières où tu te dis que ça ne va pas forcément aider notre problème dans les prochaines années. Je comprends parce qu'on voit qu'effectivement, c'est plus confortable d'un point de vue matériel. En plus, la vie est chère, surtout si tu vis dans les grandes villes. C'est quelque chose qui est préoccupant. Maintenant, je dirais que c'est à chacun d'arbitrer. Moi, l'argent ne m'aurait pas acheté... une conscience très agréable au quotidien, donc je préfère rogner là-dessus et me dire que tous les matins que je fais quelque chose qui va plutôt dans le bon sens, plutôt que faire une croix là-dessus et avoir un confort matériel et je peux partir. En plus de ça, de cet aménagement, et ça c'est vraiment chacun le fait, il y a quelque chose de l'ordre de nos désirs, c'est quoi qui nous fait kiffer. Est-ce que partir pour deux jours en Sicile et revenir le lundi ou le dimanche soir, c'est un kiff au même titre que prendre le train, avoir le temps de sentir que tu traverses du paysage. reprendre un peu de temps et de lenteur. Je pense qu'il faut aussi s'ouvrir à des nouvelles manières de se faire plaisir, de comprendre le monde, de l'aller l'arpenter. En fait, c'est aussi un peu une mine d'or. Il y a plein de nouvelles choses à découvrir. Les modèles qu'on nous a inculqués, qui nous disent qu'en fait, un bon salaire, ça va te permettre d'aller faire plein de trucs très vite. Je pense qu'il y a des attentes qui peuvent être réorientées vers des trucs encore plus kiffants et que c'est un peu la responsabilité de notre génération d'aller explorer ça parce qu'on ne nous l'a pas montré. Et donc ça, j'ai pleinement confiance. Je sais qu'il y a plein de nouvelles manières d'inventer le voyage, par exemple, d'aller en vacances. Je pense qu'il y a pas mal de gens qui, après le Covid, se sont dit peut-être qu'en France, il y a déjà des trucs super sympas à voir. Moi, je pense que je n'aurais pas assez de ma vie pour aller voir tous les petits coins de France, là où tu as des fonds de vallées de fous, tu es tranquille, des littoraux aussi assez préservés, des petits villages. Et puis l'Europe est ouverte par le train, on peut circuler librement, c'est une chance énorme. Si on s'y prend un peu à l'avance, c'est aussi un de nos combats que les billets de train soient un peu moins chers. et surtout que ça se rééquilibre par rapport au prix des billets d'avion. Mais le jour où ce sera le cas, là, ça va ouvrir des territoires d'exploration et de découverte pour les gens, et notamment les plus jeunes, ce qui va être incroyable.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que, alors justement, moi, il y avait une phrase que j'aimais bien quand j'étais en études, qui était la phrase de Gandhi qui dit Sois le changement que tu veux voir dans le monde Et alors justement, toi, tu parlais tout à l'heure du paradoxe que tu avais à... aller à Dubaï, prendre l'avion souvent pour représenter les intérêts de WWF. Comment tu vis avec ça

  • Speaker #0

    Avec plein de questions. C'est sûr que prendre l'avion pour aller à Dubaï, a priori, ce n'était pas dans mon programme quand j'ai signé pour la protection d'environnement. Mais on fait un calcul très froid. On se dit, si on n'y va pas, qui va y aller À Dubaï, il y avait un nombre record de lobbyistes fossiles. Moi, j'ai croisé des gars à Dubaï qui te disent dans les yeux que... En fait, eux, s'ils n'étaient pas venus pour leur boîte, ils n'auraient pas voulu laisser la parole à d'autres boîtes. Et en fait, il y a un espèce de phénomène de place de marché qui se crée, où tout le monde veut être là, et tout le monde se raconte un peu l'histoire que s'il n'est pas là, le monde irait moins bien. Je pense que c'est quand même nécessaire pour les ONG d'y être. Les COP, c'est des moments, qu'on le veuille ou non, qui sont très importants. C'est le seul moment où tu as des petits pays qui peuvent demander des comptes aux grands pays. Il y a eu une COP très marquante, au début des COP, il y a une sorte de cérémonie où tous les chefs d'État prennent la parole. Ça dure deux jours parce qu'il y a plein de chefs d'État. Et il y a un chef d'État qui a envoyé une vidéo. C'était un chef d'État d'une petite île du Pacifique. Et il s'est filmé avec son pupitre, discours. Sauf qu'il avait les pieds dans l'eau. Et donc il avait l'eau aux genoux. En costard et tout, mais... Pupitre, discours, costard, tout allait comme normal, mais juste les pieds dans l'eau. Et il a dit, en fait, moi, mon pays, c'est une île. Mon île, elle va disparaître dans quelques années parce que l'eau est en train de monter. Et ça, c'était une manière d'interpeller les chefs d'État. notamment les chefs d'État des pays les plus riches, États-Unis, Europe, même Asie pour certains pays, pour leur dire qu'il y a urgence à agir. Et ces COP, c'est le seul moment où les petits pays peuvent parler aux grands pays et qu'on peut demander des comptes. Et donc là-dessus, il y a un besoin d'avoir le soutien des organisations, ONG, militants et tout, et c'est important qu'on soit là pour ça. C'est le seul moment où on peut le faire, et franchement, s'il n'y avait pas les COP, je pense qu'il y a certains ministres, notamment les ministres français, qui ne se seraient pas rendus compte de l'urgence qu'il y a dans certains pays. Et parfois, ça les chamboule. Moi, j'ai croisé des ministres qui se disent En fait, je viens de voir tel ministre de tel pays. Je suis choqué. Je ne savais pas que c'était ça leur enjeu. Donc ça va créer des petits électrochocs. Nous, ça crée des espaces aussi. On va demander des comptes. Si Macron ou le président, peu importe, arrive à une COP et dit… Pour parler du climat, on va lui dire t'as prévu quoi parce que là, c'est l'urgence, la France n'est pas dans les clous. Et donc, c'est des moments d'interpellation aussi. Donc, pour toutes ces raisons, évidemment que ça ne me fait pas plaisir de prendre un vol et qu'en plus, ce n'est pas un kiff du tout de prendre l'avion. Mais pour toutes ces raisons, ça vaut le coup d'aller se faire deux semaines de négociations où on ne dort pas beaucoup, c'est vrai, où on est épuisé à la fin. Mais en tout cas, on a essayé de soutenir des collègues dans des ONG des pays du Sud qui, eux, parfois risquent beaucoup plus que ça. On a eu une COP en Égypte. qui se tenait à un moment très particulier parce qu'il y avait une grève de la faim dans une prison pour des questions politiques. Il y avait tout un soutien de la société civile et les gens qui soutenaient, notamment en Égypte, pouvaient être inquiétés par le gouvernement et les forces de l'ordre sur place. Et donc ça, c'est des leçons de courage que nous, on prend en pleine face parce que moi, évidemment, je me donne dans mon travail. Mais jusque là, et peut-être que ça ne durera pas, mais je n'ai pas été inquiété pour mon travail et pour mes prises de position écologiques. Et bien, il y a des collègues pour qui c'est le cas. Et quand on défend les droits de l'homme, Quand on défend l'environnement dans certains pays, je pense que ça peut être un acte encore plus courageux parce qu'on peut se mettre en danger. Ça, on le réalise aussi au COP. Pour toutes ces raisons, c'est vrai que ce n'est pas une bonne chose de prendre l'avion, mais on a estimé que ça valait le coup d'aller travailler là-bas deux semaines.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit avant l'entretien que tu allais vers une nouvelle aventure. Pour terminer avec ce chapitre d'affaires publiques, quel serait le conseil que tu donnerais à la personne qui va te remplacer là, si moi je devais prendre ton poste maintenant et que tu avais une minute pour me dire Tout ce que tu avais appris, en tout cas, ce qu'il faut éviter ou ce qu'il faut faire, qu'est-ce que ça serait

  • Speaker #0

    C'est technique en une minute, mais tu as raison, c'est une bonne question. Je dirais qu'il faut être assez offensif et agile, en fait, et qu'il ne faut pas laisser passer les chances, parce que moi, j'ai mesuré qu'en 5 ans, les chances de faire passer une mesure pour l'écologie, pour la protection de l'environnement, ça ne se représente pas deux fois. Et donc, si ça arrive et que tu n'es pas prêt parce que tu voulais publier un tout beau rapport, que tu avais prévu de faire ça et ça avant d'en parler, en fait, il faut quand même y aller parce que... l'opportunité ne se représentera pas. Donc je crois que tous les gens qui travaillent dans les affaires publiques le mesurent, c'est un calendrier qu'on ne contrôle pas, qui peut partir dans un sens que même les meilleurs scénarios de Canal+, n'ont pas imaginé, même s'ils font des très bons scénarios. Et donc il faut vraiment se ruer sur l'occasion et aller avec toute la retenue, la rigueur scientifique, vraiment la discipline qui fait qu'on est carré quand on parle de ces sujets et qu'on nous écoute. Je dirais qu'il y a beaucoup de discipline et en même temps qu'il faut être très agile quand on intervient. Si demain on me dit... il va être discuté en Conseil des ministres, un sujet qui m'intéresse. J'en ai peut-être pas deux fois l'occasion de le faire dans mon travail, donc je multiplie tout ce qu'il faut de démarches pour aller parler aux bonnes personnes.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de ta prochaine aventure et du pourquoi de cette évolution

  • Speaker #0

    Oui, je parlais de fuel et de carburant pour l'engagement. En fait, l'écologie, on y tombe de plein de manières, qu'on appelle ça écologie ou non d'ailleurs. Le souci de protéger l'environnement, d'améliorer la vie des concitoyens. C'est quelque chose qui peut venir de plein de trucs. Je ne sais pas, tu peux lire un rapport du GIEC et te dire c'est quoi ce bazar, il y a urgence à agir. Et tu peux entrer par d'autres manières. Moi, je suis entré parce que j'ai vu des ours en Alaska. C'était il y a très longtemps. J'ai traversé le Canada en stop quand j'étais étudiant là-bas. Et ça m'a pris deux mois. Je suis parti de Toronto, à l'est du Canada, pour arriver à Vancouver, à l'ouest. Et ensuite de Vancouver, j'ai remonté jusqu'en Alaska. Donc ça a repris un mois de remontée jusqu'à... dans les grands parcs nationaux, l'Alaska, notamment là où a été tourné Into the Wild. En fait, j'ai été vachement secoué par le regard d'un ours, ça peut paraître anodin, mais moi ça me met toujours en émotion quand j'en parle. Quand tu croises le regard du truc, il te renifle, il t'appréhende, et tout d'un coup, tu prends un truc dans la tête que t'as pas pris en 20 années de vie, c'est-à-dire ta place dans la nature. Tu vois à quel point t'es petit, déjà t'es dans des espaces immenses, tu vois que t'es un peu recontextualisé dans l'espace naturel. T'es plus... T'es plus le boss du truc, quand tu te balades en forêt à Fontainebleau, t'es à peu près sûr que tu vas pas être mis en danger, ou que t'es pas le... Voilà, là, t'es dans les grands espaces, tu dois faire attention à où tu mets ta bouffe quand tu vas dormir en tente, t'es pas tout seul, il faut respecter les équilibres, y'a même des parcs naturels où on te dit, si tu déplaces une pierre, tu la remets au bon endroit, parce que sous la pierre, t'as une colonie de fourmis, t'as des trucs, donc t'es vraiment dans une optique où tu te recontextualises un peu, et tu te remets à ta place, et ça, ça met un petit coup, et après j'ai eu des rencontres... Comme je le disais, je travaillais un peu dans les pêches vers l'Antarctique. J'ai pris le bateau pendant un mois. J'étais un larmin à bord de ce bateau, donc je me faisais réveiller la nuit pour faire des plannings d'hélicoptères parce qu'il fallait déverser du matériel, des vivres, des scientifiques. Enfin, je faisais tout un tas de trucs, mais voir le regard d'un dauphin qui saute dans les vagues quand tu es à bord, ou voir les colonies de manchots dont tu apprends plus tard qu'elles sont en danger parce que les os se réchauffent, ils doivent aller chercher leur bouffe de plus en plus loin. et que quand la maman au manchot elle va chercher la bouffe, ou le papa manchot d'ailleurs parce qu'il se partage les tâches et ben il revient pas parce que il s'est épuisé en route là tu te dis wow, il faut faire quelque chose et donc moi je suis vraiment rentré là dedans par cette émotion et l'émerveillement et la chance d'avoir été confronté à ces gros trucs hyper impressionnants Et je me dis qu'il est temps d'aller reprendre un peu de carburant. Et je vais me former au métier de marin pour les prochains mois, pour apprendre auprès de ces gens-là qui sont confrontés à la nature et qui travaillent au plus près de la nature, qui en ont besoin et qui ont des énormes défis devant eux parce qu'il faut que l'activité se transforme. Que ce soit les transports de passagers, que ce soit la pêche, il y a plein de trucs à changer. Et donc je vais me mettre en immersion là-dedans pour comprendre un peu et continuer à communiquer auprès des gens. Je ne sais pas si ça sera un TikTok. Si ce sera d'autres formats où on pourra se réunir et parler un peu de ça. Mais essayer de leur parler autrement d'écologie, parce que j'aurais eu un pied à bord d'un bateau, j'aurais appris un peu plus que juste les arcanes du pouvoir. J'ai envie un peu de naviguer entre les couloirs du pouvoir, les coulisses, et ce qui se fait dans le pays sur l'écologie.

  • Speaker #1

    Merci Arnaud. Pour conclure, est-ce que tu as une recommandation culturelle à nous partager J'ai une recommandation qui m'a beaucoup marqué.

  • Speaker #0

    C'est un livre de Romain Garry qui s'appelle Les racines du ciel que j'ai lu il y a quelques années. qui raconte l'histoire dans une Afrique à l'époque coloniale, donc administrée par des pouvoirs coloniaux, qui raconte l'engagement d'un militant qui s'appelle Morel, qui se bat en fait contre la chasse aux éléphants, et qui explique, et ça fait tristement écho à notre temps, mais à un moment on lui demande pourquoi il se bat pour tout ça, et il explique qu'il a été incarcéré dans des camps nazis pendant la guerre, et que dans les camps nazis, il était avec certains camarades de cellules. dans une optique de survie, et que pour survivre, alors qu'ils avaient des gardes qui se faisaient battre, toute l'horreur de l'incarcération sous le régime nazi, qu'ils s'imaginaient des éléphants courir dans la nature et braver tous les grands espaces, et qu'en fait cet élan de liberté, que rien ne pouvait arrêter, et bien lui ça le faisait rire, il explique, c'est dit de manière super belle, mais que les gars étaient là à rire tout seuls dans la cellule, et qu'ils avaient quelque chose que les criminels nazis ne pouvaient pas leur enlever, et que ça rendait fous les criminels, mais que eux... se figurer quelque part cette liberté dans les méfants qui courent dans la nature, c'était en fait une méthode de survie que jamais personne ne pourrait leur enlever. Et je me suis dit, mais moi, tant qu'il y a des gens qui écrivent comme ça déjà, et tant qu'il y a effectivement ces grandes consens de la nature, ou même ces petites bêtes qui, quelque part, sont en liberté et sont protégées, c'est du carburant encore là pour continuer à vivre. Voilà, donc les racines du ciel de Romain Guéry, c'est un passage vraiment monstrueux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Arnaud, merci pour cet entretien.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    C'était hyper cool et puis à la prochaine.

  • Speaker #0

    Oui, salut.

  • Speaker #1

    Salut. Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. À bientôt.

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