- Speaker #0
Bienvenue à mon atelier.
- Speaker #1
Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat. Je vous fais découvrir les visages, ou plutôt les voix, de ces femmes et hommes qui ont décidé de passer leur vie à créer. Aujourd'hui, nous accueillons Fotini Pangos, designer chaussure. Avec Fotini, nous parlons de son parcours suite à une réorientation. Elle nous explique les caractéristiques de ses différentes formations, le studio Berceau, l'atelier Maurice Arnoux et l'Institut Colbert. On aborde également la place de la femme dans la botterie. Fotini nous explique comment elle voit l'avenir du boîtier français, entre industrie et artisanat. Je vous laisse découvrir son quotidien de designer. Belle écoute ! Bonjour Fautini et merci de m'accueillir dans ton atelier. Est-ce que tu peux nous raconter ton histoire Fautini ?
- Speaker #0
Alors mon histoire est un parcours sinueux, jalonnée de prises de conscience diverses et régulières. Donc j'ai commencé... J'ai fait le conservatoire, conservatoire de musique, donc je faisais études de musique, du saxophone pour être exacte, pendant tout mon collège et mon lycée. Et ensuite, je suis partie en fac de droit parce que je ne voulais pas faire musique en professionnel. Et puis comme j'étais une bonne élève, il pouvait faire plaisir à mes parents, je me suis dit qu'avocate, ça allait être sympa. Donc j'ai fait ça et au bout de deux ans, un été, je suis partie avec une association qui faisait des échanges de jeunes entre Québec et la France. Et ils s'occupaient cet été d'aider des jeunes en difficulté. C'était des jeunes qui venaient de la rue. Et donc, on allait faire des projets avec eux. Et là, on a rénové un parc naturel au Québec. Et on s'est occupé d'un site archéologique en centre-France. Et en fait, d'être confrontés... Ça faisait longtemps que je n'ai pas parlé de ça. D'être confrontés, ouais. D'être confrontés à des jeunes qui avaient vécu une vie... radicalement différent de la mienne qui avait été une vie quand même très protégée ça m'a fait me rendre compte que ce que je faisais n'était absolument pas ce que j'avais envie de faire. Et du coup que je ne savais pas ce que vraiment je voulais faire mais en tout cas je savais que c'était pas du droit. Et quand je suis rentrée j'ai cherché, j'ai lu des magazines, j'ai regardé des émissions télé et en fait je suis tombée sur un bouquin dans une brocante. Ça c'est une drôle d'anecdote. Je suis tombée sur un bouquin... Sur un bouquin, en fait, c'était un bouquin sur l'histoire de la mode, mais qu'une petite partie historique sur les créateurs des années 80-90. Donc Agnès Bé, Alaya, Jean-Paul Gaultier, Karl Lagerfeld, et ça m'a complètement fascinée. Et là, ça a été mon premier déclic, où je me suis dit, ah oui, je veux bosser dans la mode. Et donc, j'ai passé plusieurs concours dans plusieurs écoles, et j'ai été acceptée à une école qui s'appelle Studio Verso à Paris. Donc je suis venue à Paris parce que j'avais grandi à Lyon. Et du coup, j'ai fait Berceau pendant deux ans. Ensuite, stage, où j'ai fait un stage de fin d'année dans un bureau de presse qui s'occupait de créateurs haute couture, de mode. Et ensuite, j'ai travaillé dans un autre bureau de presse qui s'occupait... Donc là, c'était pas la haute couture, c'était toujours de la mode, mais c'était des plus grosses marques comme on connaît Mango, Minnelli, etc. Et là j'étais spécifiquement... en charge des, on appelle ça des budgets, des marques d'accessoires, donc chaussures, bijoux, sacs. Et là, la chaussure a commencé à me travailler un peu, jusqu'au moment où je me suis dit, tiens, j'aimerais bien lancer ma marque de chaussures. Sauf que je me suis rendu compte que je ne connaissais rien. Enfin, je n'avais jamais essayé de dessiner des chaussures. Si, j'en avais dessiné un peu à berceau. mais bon c'était dans le cadre d'un exercice donc je m'étais pas dit ça peut devenir un métier et je connaissais pas comment ça se fabriquait, enfin je connaissais rien du tout donc je me suis dit qu'il faudrait que je me forme et donc j'ai cherché comment apprendre les métiers de la chaussure et je suis tombée sur Atelier de Maurice Arnoux où il y avait deux bottiers donc Michel Boudou et Jacques Asselagnan qui m'ont donné mes... ma toute première formation dans la chaussure, donc ils m'ont appris à fabriquer mes premières chaussures. J'ai fait mon premier escarpin avec Jacques et Michel. Et ensuite, me rendant compte qu'il fallait quand même que je maîtrise un peu l'univers du design et des chiffres et de l'industrialisation, parce qu'aujourd'hui on ne fabrique plus des chaussures comme on le fabriquait à la main avant. Je suis rentrée dans une autre école, donc je suis retournée sur les bancs de l'école après de nombreuses années de travail. Cette école, c'est Institut Colbert, qui est à Cholet, où là, j'ai passé un an, c'est une formation où on ne s'occupe que de chaussures, du design à la fabrication. On apprend aussi les bases de marketing, comment présenter une collection, enfin vraiment un peu toutes les facettes du métier de styliste chaussure qu'on peut rencontrer après quand on... quand on est dans le milieu du travail. Et cette formation est sanctionnée par un stage. En fait, même si on réussit l'année, très bien, on n'a pas le diplôme si on ne valide pas un stage de 6 mois en entreprise. Et pour ce stage, je suis rentrée dans la maison Courage, où quand je suis arrivée, il n'y avait rien en chaussures. Enfin, il y avait quelques modèles qui dataient d'une époque lointaine et où il a fallu tout remettre en place. Donc le sourcing, enfin... un peu toute la mise en place du pôle chaussures accessoires dans lequel je suis restée quelques années où je suis montée jusqu'à être directrice de collection c'était sympa j'ai occupé des sacs, des ceintures, des bijoux, tous les access en fait et à ce moment-là j'avais trouvé une plateforme sur internet qui organisait un concours pour lancer sa marque de basket en l'occurrence J'avais postulé et créé un modèle de basket dessus. Parce qu'il se lançait en tant que plateforme. C'était Olai Shoes. Et le projet a tellement bien marché qu'ils m'ont appelée pour me débaucher et me faire venir travailler en Italie. Donc je suis partie travailler en Italie pendant quelques longs mois. Et ensuite, retour en France et installation en tant que freelance. Et je suis toujours freelance aujourd'hui.
- Speaker #1
Pour préparer cet épisode... Donc j'ai regardé ton parcours avant. Et donc j'ai vu cette formation Berceau que moi je ne connaissais absolument pas. Donc je me suis renseignée. En fait j'ai réalisé que c'était une école qui était très peu connue du grand public. Mais vraiment très connue dans le monde de la mode. Qui a été créée par Suzanne Berceau. Et qui, de ce que j'ai compris, c'est une école de mode qui est vraiment orientée sur le développement de soi. Et le développement soit en tant que créateur, plus que... la technique purement et j'ai l'impression qu'en fait ils essayent, enfin en tout cas de ce que j'ai lu, ils essayent vraiment de pas créer des des copies conformes de ce qui existe déjà sur le marché mais au contraire de faire en sorte que tu trouves toi même ton individualité en tant que créateur.
- Speaker #0
En fait c'est une école qui te donne toutes les bases techniques qui sont nécessaires à exercer ton métier de styliste mais aussi il y a un fort accent qui est mis sur ton développement personnel, le développement et l'acquisition de ton identité de créateur. Ce que tu vas aimer, ce que tu vas pouvoir proposer, de ton discours et comment tu vois les choses, et comment bien l'exprimer à travers le vêtement ou les accessoires en l'occurrence.
- Speaker #1
J'ai vu que c'était une formation qui était accessible aux plus de 18 ans juste sur dossier et entretien de motivation.
- Speaker #0
Oui. Il y a un entretien de motivation avec la directrice, Marie-Ruki, qui est très impressionnant quand on le fait. Il faut dessiner, il y a un petit dossier à remplir, il y a des questions. Et justement, c'est des questions qui sont en rapport avec ce qu'on disait, avec l'individualité, la personnalité. C'est des questions sur quel film tu regardes et tu aimes, quel genre de musique tu écoutes. C'est vraiment des questions sur la... plus sur la culture et l'inspiration que sur ton parcours que tu veux faire.
- Speaker #1
J'ai vu une interview d'un élève qui avait 32 ans dans cette école. Et d'ailleurs, toi, en fait, ça a été ça, entre le droit et la mode. Oui, la première réorientation. J'ai vu que ça peut être une école tremplin si on a envie de se développer dans le monde de la mode.
- Speaker #0
Oui. Après, il faut juste avoir la bonne personnalité pour... pour convaincre et arriver à y rentrer. Mais oui, oui, complètement.
- Speaker #1
Et donc ma question est, quel était ton rapport et ton expérience dans cette école ?
- Speaker #0
Alors mon rapport et mon expérience dans cette école étaient très spéciales en fait. Et d'ailleurs, je pense, je n'ai pas posé la question, mais je pense que chaque élève qui est passé par Berceau et sort de Berceau garde un lien très spécial avec cette école et avec... soit des anciens élèves ou des professeurs. Mon rapport était particulièrement spécial parce que c'était la première fois que je partais de chez mes parents, que j'étais dans une ville inconnue où je n'avais pas d'amis. Donc c'était la découverte totale d'une nouvelle ville, d'un nouveau métier. et de moi-même en même temps. Donc j'ai passé beaucoup de temps à faire la fête et à faire les boulots pendant la nuit pour pas arriver en retard en cours. Et du coup ça aide aussi à se forger ce fameux caractère tout était une découverte en fait. Et ça m'a créé des amitiés avec des gens avec lesquels je suis encore en contact aujourd'hui. Je trouve l'écosystème et un rapport très personnel.
- Speaker #1
J'ai l'impression que c'est ce qu'ils essaient de créer, donc objectif atteint.
- Speaker #0
Je pense que oui.
- Speaker #1
Bon bah tant mieux. La deuxième école dont je voulais parler, c'est Maurice Arnoux, qui est en fait un peu particulier. C'est une association, c'est ça ? Oui,
- Speaker #0
c'est sous forme d'association.
- Speaker #1
Et en fait, c'est une école particulière parce que tu travailles avec des artisans qui vont t'apprendre leur technique.
- Speaker #0
C'est ça, en fait tu deviens élève d'un... d'un maître artisan qui va te transmettre son savoir. Et ce qui est très particulier avec l'atelier Maurice Arnoux, c'est que Maurice Arnoux a été un des premiers bottiers, voire le premier bottier à accepter d'enseigner à des femmes. Et cette association a été créée par ses premières élèves pour le soutenir, continuer à perpétuer sa mémoire, et continuer dans cette mouvance et cette tradition de transmission.
- Speaker #1
Et donc ensuite, il y a la formation Colbert, qui encore une fois, je me suis renseignée et j'ai l'impression que c'est une formation assez reconnue dans le métier de la chaussure.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Félicitations en fait, parce que de vrais succès pour toi, Poutini.
- Speaker #0
J'espère que ça s'arrête.
- Speaker #1
Je te le souhaite. Donc Colbert, on en a un petit peu parlé avant. Tu m'as expliqué que c'est une école en fait où tu vas apprendre vraiment le travail de la chaussure à la fois dans le design et dans la fabrication.
- Speaker #0
C'est ça, mais toujours dans le côté industriel, le côté d'aujourd'hui en fait, c'est pas du tout de l'artisanat.
- Speaker #1
Ok, donc en fait c'est le contre-pied de Maurice Arnon. Complètement,
- Speaker #0
c'est le contre-pied et à la fois, et ça on parlera plus tard, mais il me semble que ça devra être le futur que les deux marchent ensemble et en parallèle.
- Speaker #1
Ah ! Mais tu veux peut-être nous dire pourquoi maintenant ?
- Speaker #0
Ah tu as eu du suspense ! Dans la dernière question sur l'avenir de ton artisanat. Ok,
- Speaker #1
on en reparlera dans l'avenir. Ok, très bien. Est-ce que tu peux nous parler de tes inspirations Fautini ?
- Speaker #0
Alors mes inspirations, mes inspirations. Déjà une inspiration quand on dessine, enfin moi je prends l'inspiration d'un peu partout. Les expos que je peux voir, ou n'importe ce qui se passe dans la rue ou qu'on caisse. Mais surtout, j'ai des petits thèmes de prédilection, des choses qui reviennent, qui font vraiment ça. Ça fait partie de mon identité stylistique, qui sont les papiers peints vintage. J'adore les motifs de papiers peints anciens, particulièrement les papiers peints de William Morris, qui sont très fournis. Alors ici, ça ne doit pas du tout.
- Speaker #1
Non, on n'a pas pour ce moment. Oui, parce qu'il faut savoir qu'en fait, on tourne chez Fotini, parce qu'on en parlera peut-être après.
- Speaker #0
On en parlera après. mais
- Speaker #1
Foutini a eu un problème d'atelier donc là on est chez Foutini et il n'y a pas de papier peint pas du tout,
- Speaker #0
il y a de la peinture blanche mais ça me laisse un espace pour épingler des images dans des cahiers où j'ai des fichiers dans mon ordinateur qui sont remplis de photos de papier peint j'adore ça tout ce qui est motifs, patterns j'ai même des boards sur Pinterest remplis de patterns, de motifs ça me nourrit beaucoup les papiers peints et les tissus d'ameublement.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Ce qui peut paraître très bizarre, mais oui.
- Speaker #1
Et donc, ça t'est déjà arrivé de faire une création en papier peint ou en tissu d'ameublement ?
- Speaker #0
Alors, en papier peint, comme c'est du papier, non. Mais quand j'étais à l'école, j'avais fabriqué une jupe avec des rideaux. Là, bientôt, je vais faire une chaussure dans un panneau de broderie qui a été récupéré d'un canapé. Ah oui ? Ouais.
- Speaker #1
Tu fais de l'upcycling ? Oui, beaucoup ! Éco-responsable, des collections éco-responsables pour Foutini. Ça te tient à corps ce mouvement mode éco-responsable ?
- Speaker #0
Oui, beaucoup. À la base, ce n'est pas parti du tout de ça. Pour moi, c'était vraiment parce que j'aime le détournement des choses et j'aime jouer avec les codes et fabriquer quelque chose avec une matière première qui n'est pas destinée à ça. Déjà, de base, ça m'amuse, donc c'est quelque chose que je fais naturellement. Mais après, ça m'a un peu ouvert à cette mouvance de l'upcycling, de la sustainability. Et d'ailleurs, dans ma vie personnelle, je suis végétarienne, à tendance vegan, et je fais attention. à mes déchets. C'est pas pour être dans la mode mais c'est vraiment parce que c'est des sujets avec lesquels je vis tous les jours.
- Speaker #1
Et mis à part les inspirations, est-ce que tu as des icônes un petit peu que tu suis ?
- Speaker #0
Oui, j'ai des icônes comme un peu des mentors ou des... Mais alors c'est pas du tout des blogueuses ou des gens de la mode d'aujourd'hui. J'aime beaucoup beaucoup Ferragamo et Perugia qui étaient deux créateurs de chaussures. qui sont pour moi la source de toutes les meilleures et très très bonnes créations de chaussures qu'on peut voir aujourd'hui. Ils ont été instigateurs de beaucoup de choses, tant en termes de design qu'en termes de fabrication. Par exemple, Perugia a créé la première chaussure sans talons dans les années 20.
- Speaker #1
Avant les années 20, il n'y avait pas de chaussures sans talons ?
- Speaker #0
Non, ça a été un lancement. Ferragamo a créé le premier compensé. En fait, ça a été vraiment des innovateurs dans leur... dans leur métier et ils ont été les deux premiers grands, en tout cas connus aujourd'hui, créateurs de chaussures. Donc à l'époque, c'était des bottiers, mais ils ont été les deux premiers à arriver à créer une identité comme ils marquent aujourd'hui, en fait, et à capitaliser sur leur nom et leur création. Donc pour moi, c'est un peu la source de tout.
- Speaker #1
OK. Il y a une question que je me pose régulièrement. Justement, tu parles de personnes qui ont réussi à... innover dans le métier de la chaussure. Je me pose la question de savoir si aujourd'hui, il est encore possible d'innover dans la mode et peut-être plus particulièrement dans la chaussure.
- Speaker #0
Gros débat et très grande question. On dit que la mode est un éternel recommencement. Ça, c'est complètement vrai. On le voit avec le retour de l'ambiance 90's. Ça, c'est clairement la mode et cyclique. Les sources d'innovation qu'il peut y avoir, je pense, sont et seront dans les matières premières et dans les matériaux. Notamment là, justement, avec tous ces mouvements de upcycling, de slow fashion et de la fashion revolution, tout ce qui s'est passé suite à l'effondrement du Rana Plaza. Donc ça, c'était vraiment dans l'habillement, mais ça a bien coulé vers les accessoires et la chaussure. L'innovation va être plutôt, il me semble, sociale ou dans les matières premières, la façon de faire ou la façon de fabriquer.
- Speaker #1
D'accord. Donc on peut encore innover.
- Speaker #0
Pas trop en termes de style, il me semble, mais...
- Speaker #1
On fait confiance pour innover sur le style.
- Speaker #0
Je l'essaierai.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous raconter une anecdote sur ton parcours de designer chaussure ?
- Speaker #0
Alors, une anecdote, j'en ai une pas mal sur mes tout débuts, en fait, quand j'ai commencé à vouloir me former à la chaussure. Je suis allée toquer à différentes portes, à différents ateliers. Au tout début, les premiers bottiers qui m'ont reçu m'ont complètement rayonnée. en me disant qu'une femme ne pouvait pas travailler dans l'univers de la boiterie et que la seule chose que je pouvais faire dans la chaussure c'était être piqueuse, c'est-à-dire la personne qui coud le dessus des chaussures, la machine à coudre, parce que ça c'est un métier de femme, et qu'il ne fallait pas que je m'abîme les mains. Donc depuis je me fais un point d'honneur à travailler les mains manucurées et à aller régulièrement me mettre du vernis pour garder de belles mains tout en faisant ce travail. très très dures qui dans leur tête étaient réservées qu'aux hommes.
- Speaker #1
C'était en quelle année ça ?
- Speaker #0
Ah bah c'était il n'y a pas si longtemps que ça, c'était en 2000... Je ne sais plus quand j'ai commencé, 2011, 12 il me semble ?
- Speaker #1
2011 ? C'est incroyable ! C'est incroyable qu'en 2010 on puisse avoir ce genre de nidskou. Est-ce que tu crois que c'est parce que c'est un artisanat encore un peu vieillot ?
- Speaker #0
Oui, c'est vrai parce qu'en fait, c'est vrai que c'est un métier d'homme à la base. Dans les ateliers... Merci. A l'ancienne, les femmes faisaient la piqûre et les hommes faisaient le montage.
- Speaker #1
D'où Maurice Arnoux.
- Speaker #0
Exactement. Et d'où le fait que Maurice Arnoux ait accepté d'enseigner à des femmes le montage, donc vraiment la botterie pure, était vraiment une très bonne chose. Même si c'est arrivé sur le tard, mais bon, ça ne se faisait pas du tout. Même les compagnons du devoir qui forment à la botterie traditionnelle de très tr��s haute qualité ont accepté les femmes. sur le terrain.
- Speaker #1
Donc, on va passer plus sur ton travail en tant que designer chaussure. On dit designer ou designeuse ? Je ne sais pas.
- Speaker #0
Designer. Ça serait bien qu'on puisse dire designeuse.
- Speaker #1
Allez, on lance le mouvement. Donc, est-ce que tu peux nous expliquer concrètement ton métier ? Et peut-être même en ce moment, tu es freelance. Est-ce que tu peux nous parler de ton quotidien de freelance en tant que designer chaussure ?
- Speaker #0
Alors, mon quotidien, mon métier de designer chaussure, moi je suis une designer un peu spéciale parce qu'à la fois j'ai cette casquette de l'artisanat et du savoir-faire manuel, ce qui n'est pas forcément le cas de tous les designers. Ça m'aide d'ailleurs quand je dessine parce que je sais comment le produit va être fabriqué. Donc j'arrive à avoir des dessins très efficaces. Et ça me donne aussi d'ailleurs l'avantage d'une certaine maîtrise des coûts. Parce que je vais savoir comment ça sera fabriqué. Du coup, le temps que ça va mettre, à peu près à la fourchette de prix. Donc je peux facilement rester dans une target pour un client par exemple. C'est un avantage très spécifique.
- Speaker #1
Oui, c'est du coup un avantage concurrentiel en tant que freelance.
- Speaker #0
Bah oui, enfin voilà. En tout cas, je pense que c'en est un. Alors le quotidien d'un freelance, je pense qu'il n'y a pas forcément de journée type. Pour moi, je fonctionne plutôt en demi-journée, parce que je sais que je me déconcentre assez vite et que j'ai du mal à rester concentrée toute une journée sur un seul projet, donc j'ai besoin de varier. On en est facilement et du coup j'aime beaucoup varier les activités. Donc je fonctionne par demi-journée, je fais une demi-journée par client. Comme ça, ça me permet de travailler sur des sujets différents pendant une même journée ou même pendant plusieurs jours. Donc je vais être plus efficace.
- Speaker #1
Tu as combien de clients aujourd'hui ? À peu près ?
- Speaker #0
Cinq. Cinq en design et deux projets en artisanat pur.
- Speaker #1
Où tu crées la chaussure pour eux ?
- Speaker #0
Je la crée et je la fabrique, oui. Alors que dans le design, je ne les fabrique pas forcément, même rarement.
- Speaker #1
Et tu arrives à faire de la production industrialisée ?
- Speaker #0
Je ne veux pas en faire. En tout cas, ce n'est pas moi qui la fais. Je n'en fais pas. Dans l'atelier, je vais faire du sur-mesure, des projets très spécifiques de création pour des artistes, par exemple.
- Speaker #1
Un prototypage, peut-être ?
- Speaker #0
Oui, de temps en temps, du prototypage. Mais je ne fais pas ce qu'on appelle la série. Donc, la production, même semi-industrielle, non.
- Speaker #1
D'accord. Juste avant qu'on enregistre cet épisode, tu me parlais de tes clients. Tu me disais que tu travaillais à la fois avec des grands groupes et des... Et des startups. Et des startups, des personnes qui veulent se lancer...
- Speaker #0
Complètement.
- Speaker #1
Dans la mode et dans la chaussure. Moi, j'avais une question. Par rapport à ça, on parlait que tu avais un avantage concurrentiel parce que tu pouvais travailler sur les coûts. Est-ce que, par exemple, quand tu travailles avec une start-up, c'est une question que je me pose parce que je suis assez curieuse et que je m'étais posé la question dans la mode. Je sais qu'il y a une chose qui est compliquée quand tu veux te lancer dans la mode, c'est trouver tes fournisseurs et tes producteurs. Du coup, est-ce que quand une personne a envie de se lancer dans la chaussure et qu'elle fait appel à toi, tu fais juste le dessin, peut-être le prototypage ? Et tu la conseilles sur qui aller voir pour produire et pour se fournir ? Oui,
- Speaker #0
en fait, moi, je vais travailler avec les startups. Je vais travailler sur une base de conseils. Je leur fais des dessins, oui, mais je leur fais tout l'accompagnement qui va avec. Qu'est-ce que c'est qu'une collection ? Il y a presque un peu un côté éducatif dans la démarche.
- Speaker #1
Oui, mais c'est nécessaire.
- Speaker #0
Oui. parce qu'on ne peut pas, moi j'estime qu'on ne peut pas être complètement déconnecté du produit si on veut créer une marque en fait, donc il faut comprendre où on va, il faut comprendre ce qu'on fait, même si on ne va pas finir par le faire soi-même, il faut quand même des bases de compréhension et de savoir où on va pour avoir une image un peu globale donc oui, il y a tout un accompagnement et notamment pour trouver des fabricants, même sur place ou à distance, ce qu'on appelle le suivi de développement, les relations avec le fabricant Merci. pour aboutir au produit final.
- Speaker #1
D'accord. Donc en fait, tu es un petit peu directrice de création freelance pour l'entreprise. Oui,
- Speaker #0
on peut dire ça,
- Speaker #1
oui. Et en parallèle de ce travail de freelance, tu as toujours, toi, ta marque personnelle.
- Speaker #0
Oui, ma marque Fottini Pampos.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous parler justement de tes projets par rapport à cette marque ?
- Speaker #0
Alors au départ, c'était une marque de baskets, où je faisais des baskets très colorées. avec des semelles roses ou bleues et des dessus vraiment avec des cuirs marines, roses, oranges, des couleurs. Maintenant il y a beaucoup moins ce côté produit, j'ai un peu pivoté la marque pour la recentrer sur l'atelier, travailler le sur mesure et les workshops.
- Speaker #1
D'accord, tu fais des ateliers ?
- Speaker #0
Ouverts au grand public.
- Speaker #1
Donc n'importe qui peut venir faire sa chaussure ?
- Speaker #0
Oui, alors en ce moment je fais des ateliers de sandales pour l'été. Je travaille avec une plateforme qui s'appelle We Can Do, qui m'aide sur l'organisation et la gestion de ces ateliers. Et sinon, par Instagram, on peut trouver des informations. Donc c'est des ateliers de fabrication où les gens viennent, fabriquent leur paire et repartent avec. Donc j'ai développé des techniques qui sont semi-artisanales et simplifiées pour que la fabrication soit accessible à celui qui veut.
- Speaker #1
Bon bah c'est top. Allez faire des ateliers, chère petite. Donc aujourd'hui, en fait, tu as ton travail de freelance, ta marque, que ce soit dans ton travail de freelance... ou dans ta marque propre, quels sont les principaux enjeux que tu rencontres aujourd'hui ?
- Speaker #0
Alors, les principaux enjeux, il y a des enjeux assez différents en fait dans le design et dans l'artisanat. Dans le design, par exemple, les enjeux que j'avais rencontrés dans ma marque lorsque je vendais vraiment des chaussures, c'était des enjeux de quantité, des enjeux de trouver des fabricants quand on débute et qu'on est obligé d'acheter des enjeux en stock. Ça, c'est une grosse difficulté au départ. qui aujourd'hui est encore bien présente et difficilement contournable, mais il y a de plus en plus de fabricants qui commencent à comprendre qu'il y a de plus en plus de gens qui se lancent et qui lancent leurs marques. Donc on peut trouver de plus en plus de fabricants qui acceptent les petites quantités, donc c'est déjà un grand pas. Et un autre enjeu très important, du côté plutôt de l'artisanat cette fois, c'est trouver un local. Donc trouver un local qui ne soit pas trop éloigné, enfin qui ne soit pas en périphérie de Paris, qui soit plus dans le centre de Paris. J'ai découvert qu'en fait il n'y a pas... Il y a beaucoup de locaux vides. Le seul inconvénient, c'est les prix de l'immobilier. Ça, c'est une grosse difficulté.
- Speaker #1
Pour conclure un petit peu cet épisode, j'ai l'habitude de poser une question. Quelle est la vision que tu as de ton artisanat pour le futur ?
- Speaker #0
Alors, on a un tout petit peu... Enfin, tout à l'heure, quand j'ai digressé sur une des questions, j'ai effleuré le sujet. Je pense qu'un artisan... Travailler dans la chaussure, un artisan bottier devrait s'intéresser aux techniques industrielles et qu'un industriel devrait s'intéresser aux techniques artisanales et que les deux devraient se nourrir. Je pense que les deux ne sont pas incompatibles, ne devraient pas évoluer que en parallèle mais en interdépendance. Un artisan, pour moi, devrait s'intéresser aux nouveaux outils, aux nouvelles méthodes et notamment à l'impression 3D parce que, par exemple, dans le sur-mesure, on peut très bien imaginer d'avoir dans un atelier artisanal une imprimante 3D pour imprimer les semelles. pour une commande d'un client, par exemple. Une imprimante 3D, c'est une technique ultra moderne. Et pour moi, ce n'est pas incompatible avec l'artisanat.
- Speaker #1
D'où le fait que tu disais que ce serait potentiellement bien que Maurice Arnoux et Colbert se rapprochent parce qu'en fait, c'est deux apprentissages, l'un industriel et l'autre très artisanal. Parce qu'en fait, c'est de ça que ça venait. Je ne sais pas si tu te souviens.
- Speaker #0
Oui, j'avais rebondi là-dessus. Je ne pense pas que Maurice Arnoux et Colbert se rapprochent. Je pense que les... les jeunes artisans devraient s'intéresser à ce qui se passe dans l'industrie et les jeunes qui vont travailler dans l'industrie devraient ne pas oublier de s'intéresser à l'artisanat. Parce que c'est comme ça qu'on pourra préserver les techniques artisanales et aussi les adapter aux techniques du futur.
- Speaker #1
On va peut-être les sensibiliser avec ce podcast. J'espère. Merci beaucoup Poutini.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que le parcours de Fotini vous aura inspiré. Si vous avez des questions, des suggestions, que vous souhaitez interagir, rendez-vous sur Facebook ou Instagram à Histoire d'artisan. N'hésitez pas à mettre une note sur iTunes pour faire découvrir les histoires d'artisan au plus grand nombre et à vous abonner sur votre plateforme de streaming préférée. Je vous dis à très vite avec une nouvelle histoire.