- Speaker #0
Bonjour, bienvenue dans mon atelier. J'ai envie de dire notre, j'arrive à le voir.
- Speaker #1
Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat. Je vous fais découvrir chaque jeudi les visages, ou plutôt les voix, de ces femmes et hommes qui ont décidé de passer leur vie à créer.
- Speaker #0
Aujourd'hui,
- Speaker #1
nous accueillons Emmanuel Aimon, céramiste chez Atelier Crut. Avec Emmanuelle, nous parlons de changement d'orientation, de créativité, de se retrouver et de partager. Emmanuelle est en train de quitter son travail dans la communication pour se consacrer à la céramique. Elle nous raconte comment la céramique lui a permis de se redécouvrir. Vous entendrez parler de magie et d'optimisme. Et j'espère que vous terminerez cet épisode comme moi,
- Speaker #0
avec le sourire.
- Speaker #1
Belle écoute ! Bonjour Emmanuelle et merci de m'accueillir dans ton ou votre atelier. Alors moi ce que je voudrais aujourd'hui c'est que tu me racontes un petit peu ton parcours, comment tu en es venue à faire de la scie ?
- Speaker #0
Comment j'en suis arrivée ? Ecoute, c'est assez simple, enfin c'est assez simple, non c'est pas simple, mais c'est un vrai parcours. Moi j'ai eu mon bac super jeune, à 16 ans, et du coup j'ai mis vraiment du temps à trouver ce que j'avais envie de faire, donc j'ai fait de la philo, j'ai fait de l'histoire de l'art, et c'est en histoire de l'art où je me suis rendue compte que la théorie m'intéressait pas ou plus ou pas assez en tout cas pour... en faire mon métier. Et donc, je me suis inscrite dans une école et j'ai préparé les arts déco et j'ai réussi les arts déco à Strasbourg. Et je suis allée, donc, après une licence d'histoire de l'art, je suis allée faire les arts déco à Strasbourg. C'est une école qui dure 5 ans, donc c'est quand même assez exigeant. Et c'est une école absolument géniale où tu peux aborder à peu près toutes les pratiques artistiques, mais aussi d'art appliqué. Parce que les arts déco, voilà, t'apprends des métiers, en fait. c'est balai de beaux-arts, même si tu as un vrai apprentissage de l'art en fait, c'est quand même un métier. C'est un peu bizarre les arts déco comme statut. Et donc là-bas, comme je suis un peu en pirate, j'ai fait plein de choses. Donc je me suis inscrite, au bout de la troisième année, je me suis inscrite dans la branche la plus ouverte, design, ce qui ne veut absolument rien dire. Donc tout ce qui ne veut rien dire, moi, ça me va bien. Mais il fallait quand même que j'aille voir un peu la communication visuelle, ça m'a beaucoup moins rêvé déjà, pour apprendre des choses. Et puis je suis donc diplômée depuis 2001 des arts des cours, en ayant fait plein de bidules, mais je ne vis que de la communication visuelle depuis maintenant 18 ans. Donc je suis directrice de création en agence de communication. Et puis donc au bout de 10 ans en agence, Je n'ai pas fait beaucoup d'agences, je suis assez stable, j'ai fait deux agences différentes, mais je m'ennuyais terriblement et surtout j'avais l'impression d'être totalement asséchée dans ma créativité. Or, même si c'est très institutionnel ces métiers et que la com c'est très asséchant, on a besoin d'être créatif, c'est ce qu'on vous demande malgré tout. Donc même si on s'est extrêmement cadré, cadrant et frustrant, s'il n'y a plus de créativité, c'est plus quoi faire quoi. et surtout on perd complètement le plaisir. Moi j'en suis arrivée à ce moment là, en 2014-2015, où je n'avais plus du tout envie de faire mon métier parce que je n'avais plus accès à mon imaginaire et à ma créativité en fait. C'est compliqué de savoir ce que ça veut dire la créativité mais en gros c'est ce qui vous permet d'imaginer ce qui n'a pas été fait avant.
- Speaker #1
Sans doute,
- Speaker #0
c'est une bonne définition. Or c'est vrai que dans le design graphique on est quand même beaucoup dans la reproduction. Ce qui marche, on le reproduit plus ou moins à bas tardi. Généralement on ne fait jamais mieux que ce qui a déjà été fait, on fait toujours plutôt moins. Ce n'est pas un constat très positif que je fais, ce métier est devenu un peu ça. J'avais besoin d'autre chose, mais je n'ai pas quitté mon boulot. J'ai une famille, non pas nombreuse, mais quand même qui a des besoins et moi aussi. mais je suis allée chercher la seule chose que je n'avais pas abordée pendant ces cinq ans en art déco, c'est-à-dire le modelage, le rapport à la terre. Donc j'ai fait ce que font les gens aujourd'hui dans les ateliers. J'ai cherché un atelier de céramique pas trop loin de chez moi, accessible dans mon peu de temps. À l'époque, j'étais encore au 5-5e, donc j'avais vraiment très peu de temps. Et j'ai pris un stage de deux week-ends chez une céramiste à Noisy-le-Sec. Et là ça a été vraiment une épiphanie quoi. Ça a été incroyable la sensation que j'ai eue. Incroyable. Je n'avais jamais eu cette sensation-là dans aucun autre médium. Voilà. Et quelle sensation ? C'est une absolue liberté. Et quand je dis ça, c'est vraiment à remettre en perspective. Une liberté, c'est-à-dire une liberté de tout faire, d'avoir tout dans les mains. et de ne pas être contraint par le regard de l'autre, ni par rien du tout. Donc j'ai senti une espèce de calme dans le rapport à la Terre et à ce que je pouvais en faire, mais qui était fou quoi, le contraire de ce que je vivais au quotidien en fait. Toujours à se dire, est-ce que ça va marcher, est-ce que ça va plaire ? Là, un espèce de rien à foutre et un calme. Et moi je suis quelqu'un de très angoissé, très speed. Là, j'étais vraiment... C'est comme si je revenais à moi-même. Dans ce premier rapport à la terre, qui a duré quoi ? Le stage, ça dure 6 heures, 7 heures. Et donc là, c'était... Là, je me suis dit, voilà, c'est une sensation que je ne veux pas perdre et que je veux faire grandir dans ma vie. Et c'est ce que j'ai fait.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu as fait avec Atelier Crut ?
- Speaker #0
Alors, ça n'a pas arrivé tout de suite. Forcément, c'est une petite graine, en fait, qui a été... planté dans un stage totalement amateur et une initiation. J'en ai fait de plus en plus avec cette céramide. Après, quand j'avais fait le tour de cette Ausha, je suis allée voir une autre céramiste et j'ai pris des cours hebdomadaires. En même temps, j'ai découvert Atelier Crut qui est plus proche de chez moi et par le biais de ma petite fille qui a aujourd'hui sept ans et à qui j'ai fait faire des cours de céramique parce que moi je l'avais touché à ça et que... Comme on est très fusionnel, je me suis dit que ça peut lui plaire. Et du coup, j'ai rencontré la céramiste qui partage cet espace et je fais partie d'eux maintenant complètement depuis trois ans. Je suis vraiment arrivée par la petite fenêtre et j'ai pris une demi-place en fait. Et je me suis formée en autodidacte, au contact avec les autres céramistes. C'est pour ça que je dis notre atelier. Pour moi, la notion de partage dans la terre, elle est essentielle. Et j'ai pris évidemment des cours, mais en fait, j'ai aussi doublé ça par regarder les gens faire ici, parler, discuter, poser des questions pas trop, m'imprégner et puis travailler et puis faire.
- Speaker #1
Tu m'as expliqué en amont de cet enregistrement, de ce podcast, que tu n'étais toujours pas à ton compte.
- Speaker #0
Non, je suis en phase de transition.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous expliquer cette transition ?
- Speaker #0
Oui, c'est toujours un peu long. Là, je vais quitter mon travail après 10 ans. Donc, si je me laisse partir, c'est un peu l'idée. D'ici quelques mois, je vais architecturer ma pratique de la céramique entre les cours pour enfants, pour adultes et ma pratique personnelle. Et je prépare les premières pièces que je soumettrai à une possible vente dans 6 mois, 7 mois. J'ai déjà reculé d'un an. J'avais dit dans un an, c'est dans un an. Mais comme je suis extrêmement perfectionniste et que j'ai malgré tout assez peu de temps entre mon travail alimentaire et ma vie, j'attends encore six mois. Et dans six mois, je peux présenter une collection.
- Speaker #1
Comment est-ce que tu passes du gap du métier alimentaire qui te permet d'avoir un revenu régulier à ça, à un métier ?
- Speaker #0
Alléatoire. Justement, j'architecture. Et quand je dis architecturer, C'est-à-dire que là, le rapport à la terre, ce n'est pas forcément la pièce centrale. Je ne pense pas que je vais gagner ma vie en étant artisan d'art. Je pense que je vais organiser les choses autour de la transmission. Et donc, transmission, je te dis, je vais donner les cours pour les enfants et pour les adultes, de façon régulière et ponctuelle, au sein de l'atelier CRUT, à partir de l'année prochaine. Ça c'est la transmission autour de la dame, mais je vais aussi continuer à donner des cours de direction artistique, de design graphique. Et en fait, mon idée, c'est d'amener les gens à découvrir la créativité et à la découvrir, que ce soit ici avec la dame, mais aussi ailleurs avec d'autres médiums que je maîtrise. Donc c'est ça mon plan de vie. La céramique, elle est au trois quarts dans ce dispositif. Mais j'espère bien pouvoir compléter aussi, tu vois, en école de dessin graphique ou pas, en école d'art. Est-ce que,
- Speaker #1
rapidement, tu peux nous en dire un peu plus sur la céramique et sur, toi, ton envie de céramique ? Parce qu'il y a plusieurs types de céramique. Donc peut-être nous raconter quel type de céramique tu as envie d'aborder ?
- Speaker #0
Oui, absolument. Alors déjà, avant de parler des pièces ou du style, c'est vrai que par le jour du rapport à la terre, ce que ça produit en soi, pour les autres, et ça pour moi c'est central. Donc cette idée de transmission qu'on va parler, elle est aussi de soi à soi. Et le médium incroyable, c'est la terre, qui en fait est totalement en dialogue avec toi. Et finalement, ce que tu es et ce que tu fais en céramique, c'est indissociable. Et c'est pour ça que quand tu vas rencontrer dans ton podcast des gens, tu vas rencontrer tellement de gens différents et qui ont un rapport qui sera toujours un peu décalé les uns par rapport aux autres, parce qu'on est tous différents en fait. Et donc moi... ce qu'on aborde un peu ici, mais je partage avec Joséphine, d'autres gens. C'est très artistique, donc je pense que je me place plus dans une céramique artistique qu'artisanale. La distinction, elle est très compliquée à définir, mais elle est sans doute, en tout cas pour moi, elle est sans doute du rapport à la technique. et à la façon dont tu apprends ta technique. Moi j'essaye, et c'est vrai que c'est le cas puisque j'ai pris de l'apprentissage de professionnels qui ont été hyper formés et qui m'ont transmis plein de choses très techniques, mais je suis aussi allée chercher une liberté par rapport à la technique. Et donc du coup, je m'autorise à avoir un rapport qui ne méprise absolument pas la technique. Et pas du tout. Et je vais continuer à apprendre, apprendre et apprendre. Et je ne vais jamais m'arrêter d'apprendre des techniques et d'affiner mon rapport à la technique. Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est vraiment ce que la Terre te rend, ce que tu lui racontes. C'est vraiment ce qu'il y a de le même. Donc du coup, pour l'instant, moi, je ne suis pas passée par le tournage. Mais c'est mon prochain chantier. L'année prochaine, je vais me former autour. avec quelqu'un qui fait partie de notre atelier. Donc on est sur ce rapport là.
- Speaker #1
Est-ce que peut-être tu peux nous expliquer les différentes techniques de céramique ?
- Speaker #0
Alors tu as le rapport du tour, donc voilà comment on tourne avec son tour, tournage.
- Speaker #1
Donc une machine qui tourne.
- Speaker #0
Une machine ancestrale qui tourne, électrique aujourd'hui. C'est pas toujours le cas. Tu peux aussi tourner manuellement avec une pédale, mais on a assez peu de nombreuses à faire ça. Il y a le rapport à l'estampage. On fait une technique à la plaque, le plus proche de la pâte à tarte. C'est ce que je vais te faire faire, Léa, tout à l'heure. On travaille à la plaque et après on monte de façon très géométrique ou avec une bosse ou un moule, on fait une forme qu'on vient... estampé en fait la plaque. Après en plus avec le travail de la plaque tu peux énormément travailler le décor, les empreintes c'est vrai avec tout mais c'est pas mal pour aborder le décor la plaque. Tu as le colombin qui est ma technique chouchoute maintenant qui est des petits boudins de terre que tu formes tu décides du diamètre en fonction de ta pièce et tu viens coller en fait tes ou les uns aux autres. Tu les agrèges, en fait, avec juste ta main ou alors un outil. Ça dépend. Le rapport à l'outil, c'est pareil. Tu peux travailler avec tes mains ou complètement qu'avec des outils. C'est toi qui le sens. Colombin, estampage, donc claque et pincée. Donc, tout simplement, tu as ta terre dans tes mains et puis tu travailles avec tes pouces et tu formes ton bol. Voilà. C'est le plus enfantin, on va dire, c'est le pinceau. Soit oublié, mais bon, c'est la principale. Oui,
- Speaker #1
il y a beaucoup de techniques de toute façon céramiques. Donc, tu nous as parlé de tes projets, de la façon dont tu voulais vivre de la céramique.
- Speaker #0
Je peux te parler aussi des pièces que j'imagine. Et voilà, je vais t'apprendre la future collection, parce que pour le coup, c'est... C'est assez divers en fait. C'est même très divers et c'est aussi pour ça que j'aime la thérapie. C'est que tu peux être complètement dans une approche fonctionnelle. Tu peux penser nourriture en fait et donc travailler tes pièces. C'est le cas pour moi, je suis totalement obsédée par la nourriture japonaise, par la culture japonaise. Alors ça c'est super fréquent pour les céramistes et les graphistes, mais c'est tellement un eldorado pour ça, pour des signes et des formes différentes de noms que c'est fascinant. Et donc je suis obsédée par la cuisine japonaise, donc je m'y essaye, etc. Donc j'ai eu super envie de créer un service. pour la nourriture japonais. Alors, très très très pas du tout minimaliste, qui a vraiment un rapport avec ce que ça m'éloque à moi. Donc on est presque dans de la sculpture, mais de la sculpture fonctionnelle. Où vraiment on pourra mettre les sushis, où il y a vraiment un saladier, etc. Tout un rapport à la texture, un rapport à la couleur, parce que je vais travailler le noir, et les différents émaux. Donc ça c'est un gros projet que j'ai déjà fait, deux prototypes. Donc je vais attaquer le troisième qui... Voilà, tu auras appris des deux premiers prototypes par rapport à l'émail justement.
- Speaker #1
Tu peux peut-être préciser ce que c'est l'émail ?
- Speaker #0
Oui, alors l'émail, on peut s'en passer. Il y a les céramiques qui ne sont pas émaillées, mais c'est vrai que c'est ce qui apporte, et pas seulement, mais la couleur et la texture brillante ou satinée. Ce qui permet surtout à la terre d'être plus du tout poreuse et que tu puisses laver ton assiette, manger dedans, boire dedans. C'est du verre, c'est de la chimie, enfin les émous sont essentiellement composés de silice et d'autres composants chimiques qui donnent les couleurs. Mais en gros, ça cuit dans la deuxième cuisson, la cuisson émail, 1250°C, donc c'est haute température, et ça fond, et donc ça nappe en fait, le verre fond, et ça nappe en fait ta pièce. Donc ça la termine en fait, c'est vraiment la dernière étape d'une pièce, c'est le four d'émail. Ouais, c'est ça. Mais c'est vraiment à la fin.
- Speaker #1
Donc, tu as travaillé sur ton service japonais ?
- Speaker #0
Ouais, c'est ça. Et j'ai aussi envie de travailler le décoratif. Même si moi, je suis vraiment pas typique à du décoratif. C'est ce que j'ai commencé à faire. Mais c'est normal parce qu'avec une formation de graphiste, tu es forcément tout de suite dans le décor. Donc, le fonctionnel est arrivé après. Mais j'ai hyper envie de travailler les luminaires. Et là j'ai un projet d'abat-jour en porcelaine assez ambitieux techniquement, d'une pièce en fait. Donc il faut réussir la forme en une seule pièce. Donc ça va sûrement prendre beaucoup d'essais, mais c'est dans les doigts les deux prochains projets. Et j'ai aussi un travail textile et porcelaine, sur un travail de rideau avec du lin ancien et de la porcelaine, des petits sequins en porcelaine que je vais venir recoudre sur un... un drap en lin qui va jouer avec la lumière. Donc tout un travail sur la lumière. Tu vois, ben voilà ce que je disais, nourriture et rapport à la lumière. La céramique vient toujours toucher une autre inspiration, un autre intérêt. Elle ne vit pas forcément seule. Puis il y a les fleurs évidemment. Évidemment il y a le rapport aux fleurs. Donc je suis une dinde aussi des fleurs. Donc je vais faire tout un travail sur les fleurs bientôt avec une fleuriste. On va lui proposer un travail de commande où elle me demande des choses et je réagis. C'est ça aussi qui m'intéresse dans la céramique. Tu vois, la nourriture, j'ai très envie de travailler avec un chef ou une chef jeune qui débute pour essayer de faire un dialogue entre c'est quoi le dîner que tu as envie de créer. On le fait dans deux mois. Dans deux mois, j'ai fait le service qui sera top avec ce que tu vas me cuisiner. Voilà, c'est des gens à la céramique, c'est des rencontres.
- Speaker #1
Est-ce que tu penses que ton besoin de sortir des sentiers battus comme ça, de mélanger des matières auxquelles on n'aurait pas forcément pensé, ça vient du fait que justement tu as été frustrée pendant dix ans ?
- Speaker #0
Alors, je pense que ça vient de mon moi petite fille. Et je pense que mon moi petite fille qui essayait toujours de faire tenir des choses ensemble et puis bon, la magie n'étant pas toujours là, ça ne marchait pas. Je pense que j'étais super frustrée que la magie n'existe pas. quand j'étais petite et que j'étais une enfant extrêmement rêveuse mais créative et donc touche à tout. Et le touche à tout qui ne fonctionne pas parce que la magie n'existe pas, m'a beaucoup frustrée. Et après, mon métier de directrice de création m'a énormément frustrée. Donc oui, ça a rejailli dans un deuxième moment de ma vie professionnelle, bien sûr. Mais ce n'est pas que la professionnelle, c'est vraiment la petite fille.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous raconter une anecdote sur ton métier de céramiste ?
- Speaker #0
Tu sais que tu vas apprendre de ton expérience de céramique. Mais moi je crois que métier c'est un super beau mot, mais je ne sais pas si je colle en fait, je ne sais pas si j'ai envie de coller au fait d'avoir un métier. J'ai vraiment envie de coller au fait d'avoir une pratique. Mais c'est vrai pour tout, pas seulement pour la céramique. Je suis à fond dans le yoga, c'est une pratique. Je suis vachement plus à l'aise avec cette notion de pratique et de pratiques qui se pratiquent tous les jours. Il n'y a pas un moment où tu as un métier, c'est aussi installé, etc. J'ai un problème avec l'installation, mais c'est normal à ce moment-là de ma vie, mais c'est dans mon caractère. Alors, une anecdote dans ce métier. Je crois que le premier truc que j'ai... Les anecdotes, elles sont toujours sur les échecs, mais c'est un lieu commun de dire que les échecs, ça t'apprend. Mais c'est tellement vrai, quoi. C'est tellement vrai. Donc, l'émail, et ça, j'en ai parlé tout à l'heure, c'est la dernière... C'est la dernière touche, c'est assez magique parce que les mags tu ne vois jamais la tête ou la couleur que ça aura. C'est toujours une poudre, enfin c'est un liquide qui devient très vite une poudre blanche qui se dépose sur ta pièce comme si elle était glacée et tu ne sais pas. Alors évidemment les émeaux, moi je n'en fais pas. Par exemple je ne décris pas mes émeaux, ce serait une phase ultérieure parce que c'est passionnant mais c'est incroyablement technique. ça prend des années d'apprendre à les faire. Mais tu sais que ça va être bleu quand même, grosso modo. Donc, quand tu as des... Je travaillais chez ma céramiste qui m'apprenait pas mal de trucs. Et donc, elle avait ces émots incroyables parce qu'elle était... Elle était créatrice d'émo et elle était super belle. Et donc, j'avais fait un saladier qui était bon, pas mal. J'étais hyper contente de cette pièce qui était... très travaillé, mais quand même qui était super joli. Et donc, j'y suis allée à fond avec les émaux. Donc, j'ai décidé qu'il y aurait un peu de rose, un peu de vert, etc. Et tout ça à l'aveugle, donc c'est encore OK. Et la pièce est sortie, mais c'était monstrueux. Mais monstrueux, mais monstrueux dans les couleurs, mais aussi monstrueux parce que l'émail avait boursouflé la forme. C'était un kitsch, mais absolu. Et du coup là j'ai compris qu'il fallait se méfier complètement des émots et puis du plus plus plus parce que du coup ça m'a appris les purs alors que j'étais pas du tout comme ça au départ. Et du coup j'apprends à retirer, à faire moins, à faire moins, à faire moins, toujours moins. Et c'était un super apprentissage. Alors que je viens en fait du graphisme, de l'ordinateur qui te permet d'en rajouter, Et même si dans le graphisme, je fais des choses qui sont maintenant très épurées, j'avais oublié cette leçon-là en céramique. Et elle me guide toujours à en retirer, toujours à en faire moins, toujours savoir s'arrêter. Oui,
- Speaker #1
et puis dans le graphisme, avec l'ordinateur, tu peux l'enlever.
- Speaker #0
C'est ça, le POMZ n'existe pas dans un atelier de céramique. Et tu ne peux pas savoir à quel point ça a fait du bien que le POMZ n'existe pas.
- Speaker #1
Donc tu nous as parlé de tes sources d'inspiration. Tu nous as parlé du Japon. Est-ce que tu as d'autres sources d'inspiration ?
- Speaker #0
Wow, carrément, carrément. Alors c'est marrant parce qu'à l'époque d'Instagram, moi je suis sur Instagram depuis vraiment très peu de temps. Je trouve ça hyper fascinant. Mon fil d'Instagram, c'est plus des Japonais, c'est trop cool. Mais en même temps... C'est pas du tout ça qui m'inspire en fait. Et je ne puisse pas avoir l'inspiration des images que je peux voir. Et je crois que c'est super important d'ailleurs. De savoir préserver une inspiration extrêmement personnelle. C'est la grande difficulté aujourd'hui. Et je le vois avec mes élèves. Ils ont toujours envie de faire un truc qu'ils ont vu quelque part. Donc là j'essaie toujours de creuser, sans être brutale, mais toujours de les aider à creuser un peu plus loin. Donc mes inspirations personnelles, alors là, on est en espèce de grand écart entre le Japon et l'Angleterre du 19ème siècle. Alice au Pays des Merveilles, les contes de fées, quand je te parlais de la petite fille frustrée, mais elle est où la magie ? Mais c'est ça en fait, mon univers personnel c'est vraiment un croisement entre Alice au Pays des Merveilles qui serait allé jusqu'au Japon, la nature. énormément, donc le rapport aux fleurs mais aussi au paysage. Moi je pense que le premier vase, j'étais super contente de moi. C'était une transcription d'un paysage en Bretagne, d'une falaise noire avec un haut. Vous voyez le haut qui était couvert par la lande et la couleur, le noir, le vert. Et j'en ai fait un vase. Donc voilà, c'est plein de choses comme ça. Mais je crois que je ne m'inspire pas du tout avec des images que j'ai devant les yeux. C'est toujours des souvenirs ou des lectures ou des rapports à l'enfance très forts. Donc voilà, enfance, contes, Angleterre. victorienne, japon, je crois que c'est... Et nature, ouais. C'est mes inspirations. Et ça, je ne sais pas si, en regardant mes pièces, on retrouve ça, mais c'est ce qui me... C'est ce qui fait bouger mes mains, en tout cas.
- Speaker #1
Est-ce que tu sens que ton rapport au monde, ta façon de le voir, a changé ?
- Speaker #0
Depuis que je fais la céramique ? Oui. Ouais, très clairement. Mais je crois que j'ai changé, en fait. Ce n'est même pas mon regard qui a changé, c'est... C'est moi, c'est la pratique de la thèse qui m'a complètement permis d'être ouverte aux autres et à questionner le rapport aux autres via l'échange, le partage et le respect des singularités et des personnes. Je vais dire un truc un peu grandiloquent, mais ça m'a rendu bien meilleure. Cette pratique m'a rendue meilleure, plus disponible, plus ouverte et beaucoup plus consciente de la fragilité de l'existence. Ça paraît un peu terrible, mais c'est vrai. Je suis aussi arrivée à la céramique dans des circonstances, après, quelque chose de très triste dans mon entourage. Donc, la fragilité et le respect des uns et des autres. Mais de cette planète et tout ça, voilà. Je suis une meilleure personne. Peut-être plus chiante aussi.
- Speaker #1
Juste avant qu'on commence l'enregistrement tu me parlais que tu étais une personne optimiste est-ce que tu crois que c'est justement depuis que tu as commencé ton rapport à la céramique ou tu l'as toujours été ?
- Speaker #0
Non je crois que j'ai perdu cet optimisme pendant longtemps vraiment longtemps je crois que là dans le domaine d'activité avec lequel je gagne ma vie depuis 20 ans On ne m'a pas rendu du tout optimiste, on m'a rendu extrêmement sinueuse. Et que ce n'est pas du tout ma nature profonde. Donc je suis revenue grâce à la Terre, à ma nature profonde, parce que c'est ça que ça fait la Terre en fait. Ça t'oblige à être en lien avec ce que tu es vraiment. Et donc à accepter ou à te bagarrer, ou à te confronter, parce qu'on se confronte. La Terre c'est un art super difficile. Très gratifiant mais difficile. Et donc du coup tu ne peux pas tricher. et tu ne peux pas mentir. Quand tu ne mens pas, généralement, c'est mieux. Donc, voilà.
- Speaker #1
Pour toi, quels sont les principaux enjeux que tu rencontres dans ta pratique de la céramique ?
- Speaker #0
Les enjeux que je rencontre en apprentie, c'est sur deux volets. La pratique personnelle. vraiment d'artiste, mais encore je préfère vraiment dire artiste qu'artisan, parce que c'est plus juste pour moi, elle est justement de ne pas se mentir et de ne pas être dans un confort, et du coup d'être toujours très aventurière, mais pas flemmarde, tu vois, par rapport à la technique, donc de continuer à apprendre. des techniques parce que moi je suis au début j'ai 4 ans de pratique c'est tellement le début donc de continuer à être très exigeante continuer à faire mieux à faire de plus en plus bien les choses, bien faisante mais de jamais lâcher le côté très aventurière, très créative de faire se coexister technicité apprentissage et risque, et goût du risque. J'ai un goût du risque qui est incroyablement fort dans l'inter. Je fais des trucs qui ne devraient pas tenir, mais ça tient. Et ça, je ne veux pas le perdre, tu vois. C'est mon enjeu. Et ça va un peu être en résonance avec mon enjeu d'accompagnatrice avec des gens qui veulent découvrir la céramique ou se perfectionner. C'est ça, c'est leur transmettre mais pas les écraser. avec une technicité, ce que je crois, ce que je pense, voilà, et les laisser complètement. Découvrir ce qui est bon pour eux et ce qui est juste pour eux. Ça c'est mon enjeu. Ça c'est ce que je pense que je réussis déjà un peu à faire. Mais je perfectionne ce rapport à la transmission qui est pour moi essentiel. C'est ça mon enjeu. C'est de permettre aux gens de découvrir comment ils sont sur un investissement. Même deux ans.
- Speaker #1
Comment tu vois ta pratique ? Comment tu te vois toi, Emmanuelle, dans cinq ans ?
- Speaker #0
Génial. Alors... Forcément, j'y pense énormément, puisque tu ne prends pas un pas comme ce que je suis en train de faire sans te projeter, même s'il ne faudrait pas se projeter en réalité, évidemment. Cette semaine, on m'a dit qu'en fait, le passé, c'était du virtuel, le futur, c'était du néant, et qu'il n'y avait que le présent pour éviter de passer du néant au virtuel ou du virtuel au néant. Ok, donc tu me demandes quand même de me projeter dans 5 ans. Donc d'un temps je pense que j'aurai un atelier qui ne sera pas forcément... ici, donc j'imagine un changement de vie, un lieu plus loin de Paris, plus en lien avec la nature, ça c'est essentiel pour moi, ma famille et puis même ma pratique de la terre, donc ailleurs, sans doute près de la mer, et j'espère avoir un atelier que je partagerai, je ne me vois pas du tout toute seule. Pas du tout. Je n'ai pas du tout envie de ce rapport-là à l'atelier. Parce que l'atelier, pour moi, c'est un lieu de partage, un lieu d'échange, un lieu de vie. Du coup, de partager un atelier comme celui-ci, mais ailleurs, et qui serait peut-être ouverte à d'autres disciplines. Et pour faire une vraie découverte transversale de la créativité, avec évidemment une grande partie de terre, mais pas que. C'est comme ça que je vois. Et puis avec des... Des cheveux blancs, des petites lunettes. Je vais toujours être stylée, c'est quand même super important.
- Speaker #1
Et comment tu vois l'avenir de ton artisanat en général ?
- Speaker #0
Pour le coup, je suis hyper optimiste. Parce que même s'il y a un effet de mode évident qui peut un peu m'angoisser en ce moment, m'angoisser parce que j'ai peur que ça s'arrête, je trouve quand même que la céramique, elle est... Elle est à la mode aussi parce qu'elle est juste, en fait. C'est dans le rapport au monde et au rapport que les humains prennent conscience qu'ils doivent avoir au monde. Donc, je suis optimiste là-dessus parce que je pense qu'on aura besoin, en fait, on a besoin de faire des choses nous-mêmes, de se réapproprier, se faire, absolument, parce que c'est pas seulement la céramique. Et que vraiment, je te mets au défi de faire la différence entre Voilà. boire dans une tasse que tu as faite ou boire dans un truc que tu as acheté ailleurs. L'expérience est tellement différente et les gens sont de plus en plus au courant de ça, mais c'est presque magique en fait. Donc je pense que ça va pas s'arrêter. Je sais pas si on a encore... je sais pas si on a besoin de céramistes en fait et c'est pas important. Je pense qu'on a besoin d'avoir un rapport à la terre et au fer et donc on va dire en anglais des makers. On va avoir de plus en plus de makers et je ne sais pas s'il y aura encore de l'argent dans 50 ans. Mais en tout cas, des gens qui font des choses, on en aura toujours. Mais après, je suis très radicale, mais je suis assez confiante. Je pense qu'on le fera toujours et qu'il y aura toujours. J'espère juste que ça ne va pas se pervertir, ce besoin de faire. Cette folie de l'artisanat, j'espère qu'elle va être... ancrée dans des choses essentielles et pas que cosmétiques ou mode quoi. Mais ouais je suis assez confiante en fait.
- Speaker #1
Est-ce que tu penses que les artisans céramistes pourront toujours en vivre ?
- Speaker #0
Mais je sais pas s'ils peuvent en vivre en fait aujourd'hui. Je suis pas certaine qu'il y ait beaucoup de gens qui peuvent vivre en fait de ça et la réponse est non d'ailleurs. Tu peux pas en vivre exclusivement. En tout cas... Si c'est exclusif, tu donnes énormément de cours. Donc, c'est aussi une façon d'en vivre. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui ont une deuxième pratique, une deuxième manière de faire. Je ne sais pas si c'est bien ou mal, mais je ne sais pas répondre à cette question. J'ai l'impression que les gens en vivent plus maintenant qu'avant déjà. Mais pour l'avenir de ça, je ne peux que le souhaiter, parce que ça fait du bien aux gens, en fait, qu'ils le font et qu'ils le reçoivent et qu'ils l'achètent. C'est un art, une pratique tellement vertueuse. Et que comme je suis optimiste, voilà, je fais pessimiste, j'aurais un autre discours, mais je suis optimiste, donc j'imagine que oui, je veux l'imaginer. Et c'est pour ça qu'il faut en parler, il faut le promouvoir, et c'est ce que tu fais d'ailleurs. Mais voilà, j'espère, tu ne fais qu'espérer. On a un petit peu de temps, on ne fait qu'espérer.
- Speaker #1
Est-ce que tu vois la céramique comme une thérapie ?
- Speaker #0
Oh là ! Waouh !
- Speaker #1
Tu peux dire non.
- Speaker #0
C'est possiblement ça, mais c'est pas ça. Il y a forcément des vertus thérapeutiques ou de découverte de soi. En fait, je pense que c'est un art génial pour se découvrir. Je pense que se découvrir, ça fait du bien. Donc, ça a des vertus thérapeutiques. voilà après je pense que ça ne peut pas forcément te guérir mais c'est un formidable art pour se découvrir et pour voir ou tu mens ou tu mens pas ou tu triches ou tu triches pas et c'est donc du coup forcément ça guérit mais il y a des gens qui ne le verront pas qui sont en train de mentir tous les céramistes ne sont pas des anges en fait c'est clair Justement, c'est ce que je te disais, les personnalités se révèlent tellement avec la céramique que tu as des anges, des démons. C'est génial. Il ne faut juste pas partager ton atelier avec des démons. Mais c'est vrai comme partout. En tout cas, oui, ça fait du bien. C'est vertueux. Je préfère dire ça que thérapie. ça m'angoisse un peu.
- Speaker #1
Ça fait trop médical.
- Speaker #0
Ouais, ouais, ouais, oui, et puis c'est surtout, tu sais quoi, ça fait trop médical, mais c'est surtout, on attend beaucoup de la thérapie. Quand tu te dis, ouais, je fais une thérapie, on attend tellement de choses, on a tellement d'expectatives, que je crois qu'avec la terre, il faut lâcher tout ça, il faut lâcher les attentes, et il faut... c'est un vrai art de lâcher prise. C'est tellement proche du yoga, en fait, la terre. Quand tu penses que ça va marcher, ça casse. Quand tu penses que ça ne va pas marcher, ça marche. Enfin, il faut arrêter d'attendre des choses. Voilà.
- Speaker #1
C'est une belle conclusion. Merci beaucoup, Emmanuelle. Merci. Pour ton accueil chez vous. Oui, chez nous.
- Speaker #0
Tu vois, même dans cinq ans, j'espère qu'on sera toujours chez nous, tu vois. Et pas chez moi. Ok.
- Speaker #1
Bon, je te le souhaite. Je te le souhaite. Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que le parcours d'Emmanuel vous aura inspiré. Si vous avez des questions, des suggestions ou que vous souhaitez interagir, rendez-vous sur Facebook ou Instagram à Histoire d'Artisan. N'hésitez pas à mettre une note sur iTunes pour faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre. Je vous dis à très vite avec une nouvelle histoire.