- Speaker #0
Bonjour, bienvenue dans mon atelier. Je t'écoute ? Oui, écoute-moi. Ecoute-moi, écoute-moi. Je la connais. Je sais que tu l'écoutes.
- Speaker #1
Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lise Amillet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat. Je vous fais découvrir les visages, plutôt les voix. de ces femmes et hommes qui ont décidé de passer leur vie à Clé. Aujourd'hui, nous accueillons José Balenci, styliste. José est le premier artisan de ce podcast que je ne connaissais pas avant. C'est une collègue, merci Victoire, qui m'a présenté sa fille Eleonore, dont on parle beaucoup avec José. Cet épisode est plus long que la normale puisque la vie de José est d'une richesse inouïe. En 53 ans de carrière, José a connu les plus grands échecs comme les plus grandes réussites. Bien plus qu'un apprentissage sur la haute couture et sur le monde de la mode, José est une véritable source de motivation. La maxime de José est « Je ferai face » . On en parle souvent et elle résume magnifiquement bien sa vie. J'espère que son histoire aura le même impact sur vous comme il l'a eu sur moi. Tout est possible. Belle écoute ! Bonjour José, merci de m'accueillir chez toi, dans ton atelier. Est-ce que tu peux nous raconter ton histoire, José ?
- Speaker #0
Alors, mon histoire, elle débute quand je suis tout jeune et que je voulais faire des études aux Beaux-Arts, mais mes parents n'avaient pas les moyens de me payer ces études. Donc à l'époque, dans les années 60, le seul métier artistique le plus répandu, c'était la coiffure. Alors mes parents m'ont mis coiffeur. Et plus je devenais coiffeur et plus je travaillais, et moins ce métier me plaisait. Passer sa vie à écouter des anecdotes inutiles, c'était pas pour moi. C'était pas pour moi. Donc ça ruminait, je ruminais cette histoire et je me suis dit, il faut absolument que je fasse de la création quelque chose qui m'intéresse vraiment, que je réalise ma vie. Donc vers l'âge de 19-20 ans, j'ai décidé d'arrêter la coiffure. J'ai arrêté la coiffure et puis je me suis baladé le jour où j'ai donné ma dème. Je suis sorti, j'étais sur les Champs-Elysées et j'étais boire un café au galet du Lido en me demandant ce que j'allais devenir. Et là, le hasard ou la chance, je ne sais pas, un ami de mon père qui m'a vu naître est arrivé et il m'a demandé ce que je faisais là, j'ai expliqué, voilà, j'étais coiffeur, je vais raconter la vie, je ne veux plus le faire. Il m'a dit qu'est-ce que tu veux faire ? Je veux faire un travail artistique, je veux créer, mais je ne sais pas quoi. Et il m'a dit est-ce que tu saurais faire des robes et des vêtements ? Et moi je ne sais rien du tout de ce métier, mais je dis oui, oui je saurais. Alors si tu es capable, je me réponds si tu es capable, prépare des dessins et je te téléphone ce soir. Alors je rentre chez moi, avant j'achète des papiers, des crayons, des couleurs, et je vais me lancer dans un truc que je ne connais pas du tout, la mode. Et comme je sais dessiner mais je n'ai pas les dessins techniques de la mode, j'achète des magazines, j'achète du papier carbone, et je décalque les photos des mannequins sur les magazines. J'habille ces mannequins, ces dessins avec des... des vêtements que j'improvise, parce que je ne sais pas ce que je fais. J'improvise. Et puis il m'appelle et il me dit, « Voilà, si tu penses être prêt d'ici une semaine, on a rendez-vous avec quelqu'un que je vais te présenter. » Alors je lui dis, « Oui, je serai prêt, je serai prêt. » Et je travaille le moitié du jour à perfectionner mes dessins, à les rendre le plus jolis possible, à inventer des modèles de vêtements, sans savoir vraiment si ça tient la route. Je ne sais pas ce que je fais. Je le fais. Et puis au bout d'une semaine, il m'appelle, tu es prêt, je suis prêt. Alors on a rendez-vous telle date avec Daniel Echter. A l'époque, Daniel Echter, c'était le plus connu des gens du prêt-à-porter parce qu'à l'époque, il n'y avait pas beaucoup de gens qui fabriquaient du prêt-à-porter. Et puis le jour arrive et on a rendez-vous. Je suis là avec l'année de mon père dans le bureau de Daniel Echter. Daniel Echter est de l'autre côté, il regarde mes dessins, il ne dit rien. Moi, je ne dis rien non plus. Et il lâche le dessin et il me dit, bon écoutez, ça m'intéresse, si vous êtes d'accord, je vous engage à mi-temps à partir du 2 janvier 1967. Donc moi j'ai commencé ma carrière de styliste, entre parenthèses styliste parce qu'à l'époque je ne savais même pas ce que ça voulait dire, le 2 janvier 1967. Le 2 janvier je suis arrivé à l'atelier, à Haute-Prévise. Ils ont tous été très gentils avec moi. Il y avait trois autres filles qui étaient stylistes, mais confirmées, enfin qui savaient de quoi elles parlaient, déjà parce que c'était des femmes, et qui comprenaient vraiment des femmes. Moi je ne savais pas du tout ce que je faisais ici, mais j'avais envie de créer. Donc cette ambition, cette volonté me forçait à apprendre, et à comprendre ce que je fais. Donc j'ai fait beaucoup de bêtises. Je mélangeais tout, les robes, on les portait avec les pantalons à l'époque. Enfin, moi, je voulais que ça se passe comme ça. Et les filles autour de moi me disaient, mais non, c'est pas... Donc elles me donnaient des conseils. Et pendant six mois, j'ai appris mon travail. Et tous les matins, Daniel venait chercher des dessins pour les donner à exécuter. Il ne prenait jamais les miens. Et moi, j'étais déçu, je ne comprenais pas pourquoi il ne prenait jamais les miens. Et il ne prenait jamais les miens parce que c'était nul. et un jour il a pris un dessin, un manteau, un très beau manteau. J'étais arrivé à faire un manteau qui tenait la route. Et il l'a fabriqué, il l'a présenté. A partir de là, j'ai trouvé que j'étais... Je commençais à comprendre mon métier, je me suis senti reconnu un petit peu. Je faisais partie du groupe des trois autres filles, là. Je commençais à devenir un styliste. Bon, c'était bien. Mais ça ne me suffisait pas. Je voulais apprendre tout le reste de la technique de ce métier, le patronage, les toiles et tout ça. Donc j'ai été voir Daniel Echter. Et je lui ai dit, Monsieur Dayel, je voudrais travailler l'après-midi dans les patronages, apprendre la technique. Il a trouvé que c'était une bonne idée et il m'a engagé l'après-midi. Alors, à l'époque, je gagnais 700 francs à mi-temps le matin, plus 700 francs à mi-temps l'après-midi, ça faisait 1400 francs. C'était énorme pour l'époque, puisque mon père qui travaillait à Air Inter, qui était chauffeur de commandant de l'Air Inter, gagner 700 balles par mois pour toute la journée. Alors je me suis senti pousser des ailes parce que si on me payait, je me suis dit si on me payait aussi cher, c'est que je vaux le coup, je suis quelqu'un de valable. Donc j'ai travaillé au patronat, j'ai appris un peu et au bout d'un an je me suis senti invénérable, le meilleur des meilleurs parce que j'avais toujours eu dans la tête de devenir riche. Quand j'étais apprenti puffer, je me levais très tôt le matin pour aller travailler très loin de chez moi. Je me levais à 5h en écoutant « Il est 5h, Paris s'éveille » de Jacques Dutronc. Et tous les matins, je me disais « Bon, c'est fatigant, j'étais crevé, j'avais 15 ans ou 16 ans, il fallait absolument que j'aille travailler. » Et je me disais « C'est pas grave, tu travailles parce qu'un jour tu auras l'appartement de tes rêves, tu deviendras riche et il faut que tu travailles pour ça. » Donc ça me donnait du courage à aller travailler. Alors ça fait un an, j'estime que je suis prêt à devenir indépendant. Je voulais être à mon compte. Donc je vais voir la comptabilité chez Echeter et je dis je donne ma démission. Eux ils sont foutés parce que c'était pas important. Mais je leur dis, donnez-moi quand même, faites-moi un certificat de travail, comme quoi je travaillais un an chez vous. C'est très important pour moi, parce que j'avais compris que c'était très important d'avoir travaillé chez Echeter. Donc ils me donnent le certificat de travail, je m'en vais. Je me mets à mon compte, j'ouvre un compte bancaire, je me mets à mon compte. Et puis je prépare beaucoup de dessins, très très bien chiadés, beaucoup mieux qu'au début, qu'il y avait pas d'an auparavant. Et je prends le botin et je regarde tous les gens qui sont susceptibles de faire le même métier qu'Eschter, il n'y en a pas beaucoup. Je téléphone, je prends des rendez-vous, on veut me recevoir, j'y vais. On m'engage chez un concurrent d'Eschter, je ne savais pas que c'était son concurrent. Il est très content de m'accueillir parce que je travaille à Schester. Il me donne un bureau magnifique et je travaille. Et ce que je fais...
- Speaker #1
C'était qui ce concurrent ?
- Speaker #0
C'était Charles Maudret. Ce sont des gens qui n'existent plus aujourd'hui. Parce que moi j'ai commencé en 67, il y a 53 ans. Il y a beaucoup d'eau qui est passée sur le monde.
- Speaker #1
Juste pour te couper, ces gens, ils avaient leur propre marque ?
- Speaker #0
Oui, c'était leur propre marque.
- Speaker #1
D'accord. Donc tu créais pour ?
- Speaker #0
Pour eux. C'était des gens qui comptaient sur le marché du prêt-à-porter qui était neuf. Le prêt-à-porter était nouveau. A l'époque, il n'y avait pas beaucoup de prêt-à-porter. Il y avait des couturières privées qui faisaient les vêtements, des tailleurs pour robes, ou la haute couture, mais on ne pouvait pas rentrer dans une boutique et acheter un costume ou une robe. Il y avait très très peu de gens qui faisaient ça. Et ces deux-là, Echeter et Maudrey, les deux faisaient. Et ça marchait très bien. Et ce que je dessinais pour Echeter, pour Maudrey, ça a très bien marché. Donc j'ai commencé à gagner très bien ma vie, à éloigner ma timidité qui était maladive depuis toujours. et prendre sur moi pour devenir quelqu'un d'autre parce que je suis devenu quelqu'un d'autre comme j'étais indépendant On me suivait des contrats pour des collections et j'ai pris comme ça beaucoup de collections à travers Paris. Après d'ailleurs j'en ai fait à l'étranger, au Canada, aux Etats-Unis et en Italie, j'y fais beaucoup. Et ça m'a permis d'avoir une grosse clientèle, gagner beaucoup d'argent. Je me suis senti... j'étais content que... Qu'on dise de moi que j'étais un bon styliste, puisque c'est comme ça que ça s'appelait à l'époque, parce que moi-même j'y croyais pas. J'avais démarré dans la fumisterie, puisque je connaissais rien, en disant que je connaissais. J'ai appris mon métier, la technique de mon métier, et j'étais fier de ça. J'étais fier de pouvoir expliquer aux ouvrières comment ça se montait. Si une ouvrière avait un problème de compréhension, je pouvais me mettre à la machine et comprendre. Et pour pouvoir me mettre à la machine et leur faire comprendre, il fallait que moi-même je sache monter un vêtement. Donc, quand j'avais terminé mes journées de travail, je m'étais acheté une machine à coudre, j'ai acheté du tissu au marché Saint-Pierre, et je me fabriquais mes propres vêtements. Donc les premiers vêtements c'était à portable, jusqu'au moment où les gens de l'atelier m'ont dit que c'était bien, que c'était bien ce que je faisais, et c'était pour moi. Là j'ai compris que je commençais à maintenir la technique. Parce que la technique c'est le plus important dans ce métier. Si on dessine et qu'on ne sait pas comment est fait le vêtement qu'on a dessiné, on n'est rien.
- Speaker #1
Oui c'est ça que j'allais dire, c'est que pour moi ça m'étonne. Qu'un styliste ne sache pas coudre, puisqu'il ne sait pas comment ça va tomber, comment la couture va être réalisée.
- Speaker #0
Il y a énormément de stylistes qui ne savent que dessiner. Ils ne comprennent pas. Tu les mets à la machine, ils ne savent pas.
- Speaker #1
Oui mais du coup en fait ce qu'ils dessinent c'est du rêve, c'est du vent et...
- Speaker #0
C'est importable, c'est importable. Aujourd'hui il faut que ce soit portable, commercial, il faut que ce soit vendu beaucoup. Aujourd'hui on fait un truc de marché comme ça, il faut que ce soit vendu très très bien et beaucoup à l'international. Donc il faut connaître... Les vêtements c'est pas les mêmes volumes quand tu fabriques pour la française que quand tu fabriques pour l'allemande. parce que la française est plus menue, plus fine, l'allemande est plus charpentée, elle est plus épaulée. Ce n'est pas le même vêtement. Par exemple, en ce moment, depuis 30 ans, je fais des robes en dentelle stretch. très sexy mais jamais vulgaire, je fais très attention à ça, jamais vulgaire mais très sexy, ça va à un type de femme très fine, j'ai beaucoup de mal à vendre en Allemagne ou en Russie, il faut que les femmes soient filiformes, parce que c'est ce que j'ai choisi, j'ai choisi ce genre de créneau, c'est comme ça. mais si le styliste ne sait pas fabriquer un vêtement ne connait pas la technique d'un vêtement sans déterminer dessin ne sert à rien. Si aujourd'hui j'avais des élèves ou des stagiaires, c'est surtout ça que je leur apprendrais, à comprendre et à fabriquer un vêtement. Je les mettrais à la machine. Parce qu'après, il faut que tu expliques aux ouvrières, aux modélistes, les gens qui font les toiles. La toile, c'est un vêtement en toile. Le vêtement que tu as dessiné, il est fabriqué d'abord en toile. On voit tous les détails qui vont ou qui ne vont pas. On rectifie. Et quand il est bien rectifié, qu'il est bien au point, on démonte. On en fait un patronage papier, carton. Et après, on coupe dans le tissu et on remonte le vêtement comme il doit être fait. Donc, il faut que ce soit parfait. Parfait. Et je prends d'autres clients. Je travaillais un petit peu pour la haute couture. Je me souviens, j'avais été chez Scherer, j'ai enlevé Scherer, ça n'existe plus tout ça. Mais Scherer voulait m'engager et à la fin de l'entretien, je leur ai dit « Bon, qu'est-ce que vous prévoyez de me donner comme salaire ? » Et ils m'ont répondu « Mais rien du tout » . on ne vous donne rien. Alors j'étais très étonné, je dis comment rien ? Ils m'ont dit non, vous ne vous donnez rien, vous allez sortir de chez Scherer, une fois que vous allez travailler chez nous, vos cartes de visite sont bidables. J'ai dit mais enfin je ne vais pas manger avec la carte de visite moi. Donc c'est pas possible. Donc j'ai travaillé très peu pour la haute couture, je travaillais un peu pour Dior. Et comme je voulais gagner de l'argent, je me suis orienté vers le Sentier. Parce que le Sentier à l'époque, il y avait énormément de fabricants qui faisaient vraiment de la création pure. Au tel point que les gens de la haute couture venaient regarder les vitrines du Sentier pour s'inspirer. Moi, j'ai connu Carla Gerfeld dans les rues de Saint-Denis, dans la rue Saint-Denis, la rue du Sentier, pour regarder ce que les gens du Sentier faisaient, parce que c'est très, très créatif. Et là, j'ai pris beaucoup de contrats, j'ai beaucoup travaillé, beaucoup, beaucoup travaillé. Et j'ai gagné beaucoup d'argent, énormément d'argent. Vous travaillez chez le Sentier ? Non, je travaillais chez les gens. Je passais une heure chez l'un, une heure chez l'autre. et puis de fil en aiguille je suis devenu le directeur du style chez Koukaï Ça a duré pendant trois ans peut-être. Je suis parti parce que j'ai eu une altercation avec la directrice. Et quand je suis parti, moi j'avais toujours l'habitude de trouver du travail immédiatement quand je quittais le travail. Mais immédiatement. Et là je me suis dit, bon je les quitte, il n'y a aucun problème, mais je vais trouver du travail tout de suite. Eh ben non, je n'ai pas trouvé de travail tout de suite. Et ça a duré comme ça des mois. Et l'argent que j'avais gagné commençait à filer, j'ai commencé à avoir peur. Et je voulais avoir mes enfants. la fille venait de naître Je me suis dit c'est tout le moment de monter ma propre boîte. Donc j'ai ouvert ma boîte au sentier, j'ai acheté un magasin au sentier, j'ai hypothéqué ma maison et on a fabriqué des choses. Je me suis dit puisque ça a très bien marché chez Koukaï, il n'y a pas de raison que ça ne marche pas. Donc j'ai fait le même esprit, le même style que j'avais chez Koukaï, chez moi. Et bien ça n'a pas marché du tout, ça n'a pas marché. Et j'ai tenu comme ça 4 ans. Au bout de quatre ans, j'étais tellement sur-endetté parce que j'avais hypothéqué deux fois ma maison, j'avais été très très endetté. On m'a tout pris, tout a été récupéré. Donc quand je me suis retrouvé avec ma femme et mes deux petits-enfants, ils étaient tout petits, à ne pas savoir où dormir, j'ai été à Première Vision. Première Vision, c'est un salon qui se tient deux fois par an à Villepinte, actuellement aussi. et là on a tous les fabricants de tissus du monde entier qui exposent leur dernière création et tous les fabricants de vêtements du monde entier qui viennent acheter leur matière pour les collections à venir donc moi je suis allé alors que je n'avais plus de travail ni rien du tout pour avoir le lien avec le métier ne pas couper le fil avec le métier mais je ne savais pas pourquoi j'y allais donc j'y vais et puis Il y a une matière qui m'intéresse, c'est la dentelle. Je m'arrête sur le stand de Noyon, qui était une des plus grandes marques de dentelle française, des dentelles à Calais, une des plus grandes marques. Je vois une dentelle qui m'intéresse. Là, j'ai un monsieur qui vient vers moi et qui me reconnaît. Moi, je ne le reconnais pas. Il m'explique qu'il est directeur commercial de cette boîte. Quand je travaillais pour Le Sentier, je lui ai fait vendre beaucoup de tissus. Il se souvient de moi. Il me demande ce que je veux et je lui explique que je suis dans la mélasse, qu'il faut que je refasse surface, mais que je n'ai pas d'argent du tout pour acheter des tissus, mais qu'il y a une matière qui m'intéresse. Je lui montre la matière et il me dit « écoute, si tu veux, je vais t'envoyer un peu de matière pour que tu puisses faire quelque chose » . Donc il m'envoie 30 mètres de tissu, gratuitement, la dentelle qui est très chère. Et je suis chez moi, avant qu'on m'enlève ma maison, il me reste encore ma moquette. Je coupe sur la moquette des petites brassières toutes bêtes, très courtes, qui couvrent les seins, qui ont des petites manches. On les vend toujours à l'heure actuelle, je les vends toujours. Une fois qu'elles sont fabriquées, je me dis à qui je vais les vendre, je dessins Saint-Tropez. J'écule les plages de Saint-Tropez, on était en été, tout le monde me jette parce que personne ne veut voir ma tête. Donc je suis très en colère, il arrive 6h du soir, je suis dans le centre de Saint-Tropez, il me reste une seule boutique à voir, une ancienne cliente qui vient me voir au sentier, j'y vais, et là je lui montre ce que j'ai, elle aime bien. Elle l'a dans les mains, il y a une cliente, le magasin était plein de clientes, elle a la plus belle clientèle du monde, c'est ça. Il y a une cliente américaine qui passe, qui saisit la petite brassière et qui demande si elle peut l'essayer, elle va l'essayer en cabine. Et de la cabine, elle dit j'adore, j'achète, c'est combien ? Et ma cliente dit un prix. Et moi, je suis tellement énervé de ma journée, d'avoir été jeté par tout le monde. Et je suis énervé que cette femme ne m'ait même pas demandé le prix que je vends pour donner un prix de vente à cette cliente. Et je lui dis, mais de quel droit vous faites une chose pareille ? Vous ne savez même pas le prix que je vends. Alors elle me dit, dites-moi votre prix, je lui donne mon prix. C'est le double de ce qu'elle a annoncé. Elle double le prix, la cliente dit d'accord, je le prends. Et dans mon sac, j'avais ramené une vingtaine de petits brassières, parce que c'est tout ce que j'avais pu faire. Et elle me prend tout. Et dans la demi-heure qui suit, je vends tout. Elle vend tout, tout de suite. Donc elle me dit, j'en veux d'autres, est-ce que vous avez d'autres marchandises ? Je ne peux pas en avoir parce que j'ai tant de plates de tissus. Donc je lui dis, à Paris j'ai. Je n'avais rien. Mais à Paris j'ai. Alors elle me dit, montez vite à Paris, revenez me prouver, j'ai besoin de marchandises. Donc je remonte à Paris. Je téléphone à ma femme pour lui dire « T'inquiète pas, ça va marcher. » Je téléphone à mon copain et je lui explique la situation. Il me dit « Aucun problème, je vais te faire une ligne d'escompte de 20 000 francs. » C'est des euros à l'époque, je ne sais plus. merci des euros et tu me paieras quand tu voudras donc il m'envoie la marchandise et je fabrique les petits brassières que j'avais déjà vendues plus un cache-coeur qu'on voit aussi toujours depuis 30 ans on le vend tous les jours on fabrique ça grâce à un façonnier que j'avais aidé quand j'avais mes affaires au Sentier et qui me fait crédit lui aussi il est à s'harcèle et il fabrique la marchandise et quand il a fini parce qu'il a d'autres clients il vient je me rappelle il venait chez moi j'ai dit que pas les et à l'époque il venait chez moi à minuit à minuit il arrivait et me donner marchandise il me donnait à marchandise le soir à minuit le lendemain matin je prenais ma voiture avec la marchandise descendait d'un seul trait jusqu'à saint troupé Je vendais la marchandise, je prenais l'argent, j'allais dormir chez ma tante parce que j'avais plus en rond. J'allais dormir chez ma tante à Cannes, je reprenais la route le lendemain matin, à Paris j'étais épuisé, épuisé. Et je revenais travailler. Mais ça me permettait d'avoir confiance en moi encore à nouveau et de refaire surface. Donc j'ai fait ça, et puis ils m'ont pris la maison. Enfin ils ont tout pris d'ailleurs, ils ont tout pris. Et puis je savais pas comment j'allais dormir, comment j'allais faire dormir mes enfants. Mais malgré tout, je ne sais pas ce qui me pousse toujours à avoir confiance. J'ai confiance dans ma vie. J'ai confiance dans ma vie. Je me suis toujours dit que j'ai une bonne étoile et que chacun a une bonne étoile. Le tout, c'est d'y croire. Si on croit qu'on a une bonne étoile, elle se manifeste. Je vous assure que c'est vrai. elle se manifeste. Donc du coup je dis, il faut quand même que je trouve une maison. Donc je n'ai pas un sou, je n'ai pas un sou du tout, mais je regarde les petites annonces sur les petits journaux, bonjour, enfin les trucs qu'on donne dans le métro, et je trouve une maison très très loin de chez moi, 50 km de Paris, pour moi c'était le bout du monde. C'est toujours le bout du monde d'ailleurs, mais j'ai pris l'habitude, j'aime beaucoup.
- Speaker #1
C'est là où on enregistre aujourd'hui.
- Speaker #0
Oui, c'est là où on vous enregistre aujourd'hui. Aujourd'hui, elle m'appartient la maison. Elle est à moi. Oui,
- Speaker #1
et Léonore, ta fille, m'a dit que vous aviez acheté la maison il y a deux ans, c'est ça ?
- Speaker #0
Voilà, on l'a acheté il y a deux ans. Ça faisait 18 ans que je voulais l'acheter, mais le propriétaire ne voulait pas me la vendre. Donc, on était là, mais on était heureux. Et il y a deux ans, il est mort. Bon, j'ai pu l'acheter à ses héritiers. Et puis, pour arriver à cette maison, c'est qu'on arrive dans cette maison. La maison n'est pas entretenue du tout, mais d'abord il nous faut un toit. Et la maison plaît énormément à ma femme, alors qu'on n'a pas un sou. Et ma femme me dit « je la veux, je la veux, je la veux » et devant la personne qui loue la maison, c'est une claire de notaire, très gentille dame. Je ne sais pas comment elle a payé cette maison. Donc je me tourne vers la claire de notaire et je lui dis « écoutez, si cette maison nous plaît, si on la prend, la seule chose que je puisse vous donner comme garantie, c'est un bilan provisionnel. » Alors le bilan prévisionnel, si les gens ne savent pas ce que c'est, c'est un bilan commercial, un bilan d'entreprise qu'on fait exécuter par son comptable et qui prévoit de faire un certain chiffre d'affaires. C'est à dire que je ne sais rien dire. Je prévois de faire 200 millions l'année prochaine ou je prévois de faire 50 000 balles. Ça ne veut rien dire, aucune banque n'accepterait ça aujourd'hui Mais la dame se tourne vers moi, c'est pour ça que je dis que j'ai de la chance et de la bonne étoile, mais vraiment, elle se tourne vers moi, elle me regarde dans les yeux et elle me dit « je suis d'accord, je suis d'accord » . Donc d'accord, on a de la chance, je vais voir mon comptable, je lui demande de faire un bilan provisionnel raisonnable, j'ai tant de loyers, il me faut tant pour vivre, que ce soit raisonnable. Il me fait un bilan raisonnable qui est accepté, cas de problème. Seulement, il reste deux mois de caution à donner, et on me donne une quinzaine de jours pour les régler avant que j'habite la maison. Et je dis oui d'accord, vous les aurez, mais je ne sais pas comment je vais les faire. Donc je fabrique avec les tissus que mon ami m'a donnés sur la ligne d'escompte. Je fabrique des cacheteurs et des brassières, et je redescends à Saint-Tropez, mais je fais aussi Cannes, Monaco, Rennes-Yves, je vends à tout le monde. Tout le monde en veut. Donc je reviens à Paris, j'ai l'argent pour les loyers, et je reprends confiance vraiment en moi. Parce que c'est un métier, le métier d'artiste, c'est comme un métier, tous les artistes c'est les mêmes. Que ce soit un comédien, un chanteur, un styliste, tous ceux qui créent veulent qu'on les aime. Si on ne leur dit pas qu'on les aime, ils meurent. Mais c'est vrai, on a besoin d'être aimé. On est prêt à manger du pain seulement et de l'eau, mais qu'on nous dise que ce qu'on fait c'est bien et qu'on nous aime. Et quand on est en disgrâce, comme moi j'ai été en disgrâce, qui arrive à tous les artistes, on souffre et on perd confiance en soi. C'est très grave de perdre confiance en soi. Il faut être très bien soutenu. Moi je suis très bien soutenu par ma femme et mes enfants aujourd'hui, mais ma femme à l'époque. Et il faut... surmonter son incapacité à travailler en se disant qu'on a des emmerdes, mais on est capable, mais on a tout, mais on a été capable. Il faut se bourrer le crâne comme ça. Donc, je remonte, j'ai des clients à Paris, mais à Paris, c'était énorme. J'avais un client à Paris, à Saint-Germain-des-Prés, à Rue de Grenelle, parce que nos produits, ils sont tellement spécifiques. que je donne l'exclusivité par exemple paris avait deux clients qui avait ma marche dans tout paris et j'ai créé la demande est ce que les gens de deux clients dans une ville comme paris new york on a deux clients c'est partout comme ça à milan un client On crée la demande pour que les clientes qui aiment ce produit cherchent vraiment. Donc le client qui est dépositaire de la marque, il est très content parce qu'ils vendent très très bien. Et puis moi, ça a nourri une demande parce que j'aurais pu inonder le monde, mais je crois que j'aurais tenu deux ans, c'est tout. Après, on n'aurait plus voulu entendre parler de moi. J'aurais gâché le plaisir de tout le monde. Donc j'ai tenu, ça fait 27 ans que je fais ça. Ouais, 27 ans parce que c'est l'âge de ma fille. Ça marche encore. Et c'est le fait d'avoir distribué très très peu.
- Speaker #1
J'ai une question sur toi, ta définition de ton travail. Pour toi, tu fais du prêt-à-porter ou de la haute couture ?
- Speaker #0
Alors moi, mon histoire, quand j'ai commencé à faire la dentelle, j'ai vu que ça plaisait et que c'était des produits chers. J'ai dit, je vais faire de la couture au prix du prêt-à-porter. Et en fait, on fait de la couture au prix du prêt-à-porter. Je te montrerai des robes, si tu veux, qui sont... Je peux te montrer après. Des robes qui sont extrêmement brodées, travaillées. C'est de la haute couture. Mais on ne vend pas... Une robe en haute couture, comme moi je vais te montrer, ça vaut 50 000 balles. Moi, je ne vends pas 50 000 balles. Mais on a... La même manière, les mêmes façons, le même travail, les mêmes broderies, les mêmes techniques que de la haute couture.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qui t'a donné envie de faire de la haute couture au prix du prêt-à-porter ?
- Speaker #0
Pour pouvoir vendre... Je ne suis pas couturier, je ne suis pas reconnu comme étant un couturier, moi. La haute couture, je ne fais pas de la haute couture. Je ne fais pas partie de la chambre syndicale de la haute couture. Tu rentres dans un magasin qui nous vend, tu vas voir le corner Chanel. du corner Dior, du corner Vuitton, du corner Balenzi, du corner Alaya, eux-mêmes nous ont mis dans cette catégorie. Donc ça prouve qu'on a des produits similaires, mais beaucoup moins chers. Ce que je veux qu'une femme qui va acheter, qui achète aujourd'hui du Chanel ou du Dior, c'est un investissement qu'elle fait. Parce qu'aujourd'hui c'est tellement coté que même le jour où elle en a marre, elle le revend. elle est capable de le vendre le même prix qu'elle a acheté. Donc c'est un investissement. Moi, ce n'est pas un investissement. Je n'ai pas cette aura. Mais ce que je veux, c'est qu'elle ait envie de porter mes vêtements. La seule différence, c'est que mes vêtements ne se démottent pas. Elle les garde. Moi, j'ai des clientes qui me disent « je garde » . J'ai des trucs de chez vous depuis 15 ans, je les garde. Ça, c'est une grande gloire pour moi.
- Speaker #1
Ça ne se démotte pas et ça ne s'abîme pas.
- Speaker #0
Ah non, ça ne s'abîme pas. C'est de la très bonne qualité. Je fais attention à ça. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui font... Aujourd'hui, il y a des prêt-à-porter pour rien. Tu vas chez Zara, tu achètes des trucs à 10 balles. C'est de la merde. Tu la laves deux fois, puis tu jettes. C'est fait pour ça, pour que tu puisses racheter. C'est pas cher. Oui, bien sûr. C'est comme la nourriture. Mais moi, je veux pas ça. Moi, je veux qu'on garde les produits, qu'on ait du plaisir à les reporter. Moi, j'ai des... On a des photos de gens très connus qui portent mes vêtements ou alors j'ai des gens qui m'envoient des mails, parce qu'aujourd'hui on n'envoie plus, des mails du bout du monde. Une fois j'ai eu un mail d'une femme que je ne connais pas, qui était au Brésil, je ne sais plus où, et qui me disait « je veux un cache-cœur dans le verre que vous voudrez » . Je connais ces produits parce que j'ai une amie qui achète en France. Je veux ça, envoyez-moi, dites-moi combien je dois, je vous envoie l'argent d'avance. C'est ça qu'on a. Et ça, c'est... Quand je parlais de reconnaissance tout à l'heure, ça, c'est la reconnaissance. C'est le meilleur remerciement qu'on puisse me faire. C'est une merveille, ça. Je suis tellement content, la fierté de faire des produits que les gens aiment. Voilà, ça, c'est très important pour moi.
- Speaker #1
Quand on a discuté en amenant de l'enregistrement, tu as été un peu plus dans le détail de ton histoire. Et notamment, tu m'as parlé d'une expérience que j'ai retenue, parce que c'était ta première boutique.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Tu n'en as pas parlé.
- Speaker #0
Ma première boutique, c'est parce que quand j'étais styliste, donc après avoir quitté l'Histérie et tout ça, quand j'avais travaillé pour beaucoup de gens, j'ai travaillé pour un... un ancien façonnier qui fabriquait des pantalons. Donc il montre sa marque et il veut fabriquer des pantalons. Il entend parler de moi, il me fait venir, il m'engage, il me fait faire des pantalons. Et les pantalons, il me dit, si ça marche, je te paierai 1 franc par pantalon vendu. Donc je fais les pantalons, il fabrique, il vend. Il vend 3000 pantalons par jour. Donc 3000 pantalons par jour, ce qui faisait 3000 francs par jour. A l'époque, en 71, c'est beaucoup d'argent. C'est énormément d'argent. Et quand je suis descendu pour lui demander de me régler les 3000 euros depuis 6 mois, par jour, il m'a dit que c'était une plaisanterie, qu'il n'y en avait pas que ici. Moi je suis resté parce qu'il me payait quand même très très bien, mais je voulais arriver, j'ai toujours voulu devenir riche, et toujours me surpasser, toujours plus haut. Donc c'est l'époque des vacances, je suis en vacances sans famille, j'étais jeune à l'époque, je devais avoir 24 ans, 23 ans, 24 ans. Et je suis sur la plage avec mes soeurs et je lui dis, on rentre à Paris, je vais acheter un magasin à Saint-Germain-des-Prés. Alors elle rigole parce qu'elle gagne de l'argent mais elle n'a pas de quoi acheter un magasin à Saint-Germain-des-Prés. Elle rigole mais je lui dis, non non je le fais, c'est vrai, je le fais, je vous assure que c'est vrai. Je rentre à Paris, je regarde les petites annonces, j'en trouve un. Pas à Saint-Germain, à Saint-Michel, rue de la Harpe, côté de la rue de la Huchette, tout ça. Et une ancienne droguerie, c'était grand, c'était vachement bien. Et donc je dis, je vais vous la prendre, je vais vous prendre ce magasin. Je retourne à l'usine de pantalons qui m'emploie et je dis au patron, bon écoute, je te dis tout de suite, je vais ouvrir un magasin. Et j'ai fabriqué mes trucs, enfin je vais vendre mes trucs. Alors lui, il me dit, écoute, je pense qu'il avait peur que je le quitte. Il me dit, soyons associés. Comme ça, tu n'auras pas de problème d'argent. Moi, je suis riche et toi, tu n'en as pas beaucoup. Et on mettra tous les pantalons que tu crées à l'intérieur. Et on va acheter des Shetland en Irlande. De toutes les couleurs, on les assortira aux pantalons. Je trouve l'idée super. Donc, je me fais associer avec lui. On fait des travaux, on fait un joli magasin. On a les pantalons assortis aux Shetland. Et j'engage mes soeurs pour tenir le magasin, pour être en confiance, parce que moi je continue toujours à travailler pour les autres, je ne suis jamais là. Et il me dit, bon, tous les soirs, la comptabilité, l'argent, la recette, tu me les donnes, et puis ce sera la comptable de l'usine qui fera la comptabilité, on ne va pas engager un comptable. Moi je trouve ça bien, normal. Et puis je n'ai pas l'habitude des affaires, moi. Je n'ai pas du tout l'habitude des affaires. Donc tous les soirs, pendant un an. Je porte l'argent. Moi, je n'en vois pas la couleur parce que du moment qu'on paye mes soeurs, les employés, c'est bien. Moi, je n'ai pas besoin, je gagne de l'argent de l'autre côté. Mais je n'en vois pas la couleur. Je ne trouve pas... C'est normal pour moi. C'est normal. Alors que je suis associé. Et puis, un soir, j'ai ma tante qui vit à Marseille, qui a des affaires, qui vient, qui est à la maison et qui me demande des nouvelles de ma vie parce que les gens étaient très... et Fier et étonné qu'à 24 ans j'ai déjà tout ça. Donc je lui dis que tout va bien, que j'ai un magasin qui tourne. Pas beaucoup, mais il tourne. Et comment ça se passe, la comptabilité, ton associé, tout ça. Elle devait si baudoirer une histoire à la con. Et je lui explique que je les recette tous les soirs, je porte. Ah bon ? Et alors ? Elle me dit écoute, depuis un an tu reçois de l'argent ? Et je lui dis que non, je ne reçois rien du tout. « Méfie-toi parce qu'à mon avis, ils te volent. » Et quand elle me dit ça, je comprends tout de suite le sens de ce qu'elle veut me dire. Effectivement, je suis associée avec quelqu'un, je ne fais pas qu'à de mon affaire, je lui fais entièrement confiance, je suis un imbécile. Je suis un imbécile, je ne suis pas un homme d'affaires. Ça, il ne faut pas. Il faut que je devienne un homme d'affaires. Il a fallu tellement dans ma vie que je transforme mon caractère, tellement. Parce que de timide, de devenir quelqu'un qui affronte les gens, qui leur demande des sommes astronomiques pour faire des collections, tout en tremblant à l'intérieur parce que je n'étais pas... Il a fallu que je change ma personnalité tellement de fois pour arriver à être, aujourd'hui, quelqu'un de différent, que c'était très difficile pour moi. Toujours changer, toujours changer. Et ce changer, ça a été très dur pour moi. Donc je vais le trouver, je lui dis que ça suffit la comédie, on arrête, je reprends mes billes, je garde le magasin et on arrête l'association. Donc je garde le magasin, moi je gagne suffisamment d'argent pour payer ses parts, je paye ses parts, mes services restent au magasin, on a le truc, je commence à acheter des marchandises ailleurs, puisque c'est complètement tout ça, je vais acheter des marchandises, comme tout le monde, mais le magasin ne tourne pas. Il ne tourne pas, il ne tourne pas. Je l'ai gardé sept ans, le magasin. Je l'ai gardé sept ans. Mais je l'ai gardé sept ans parce que je gagnais beaucoup d'argent à l'extérieur et je reflouais le magasin pour payer les employés, la marchandise et tout ça. Mais il ne tournait pas. Mais en même temps, ça donnait du travail à mes soeurs. Et puis, je m'en foutais, je gagnais de l'argent. Mais au bout de sept ans, bon, ça va. Mes soeurs se marient. Je n'ai plus personne pour garder le magasin. Il ne tourne pas. je le vends et Bon, je suis content parce que j'ai eu un magasin déjà, j'ai fait ce que j'ai voulu. Et puis après, je suis rentré chez Gudule. A l'époque, Gudule, c'était l'alter ego de Sonia Riquel, très connue. Et je deviens le directeur artistique de cette boîte, en l'espace de trois mois. Parce que je suis rentré chez elle... Elle venait de se casser la jambe au ski, Eva, que j'aime beaucoup, j'aime beaucoup Eva, et elle m'a fait faire un essai, donc j'ai fait une robe, avec les feuilles de noyer, et on fait l'essayage chez elle, dans son appartement à Saint-Germain-des-Prés, la jambe dans le plâtre, et la robe, elle a tellement bien marché, et tellement vite, j'ai, sans prétention, cette robe, elle a... elle a marché mieux que tout le reste de la collection de Guizhou. Du coup, je venais d'arriver, ça faisait trois mois que j'étais là-bas, il y avait des stylistes, il y avait beaucoup de monde, beaucoup de personnel, beaucoup. Elle a décidé que j'étais son bras droit et que je devenais le directeur artistique. Donc c'était une merveille parce que je venais de lâcher ce magasin, mon magasin, et je devenais quelqu'un. Moi j'ai eu une période extraordinaire. de rêve dans ma vie. Même à l'heure actuelle, c'est une période de rêve. Mais cette période où j'étais jeune, où tout me souriait, et ça, ça donne encore plus envie de travailler, plus envie de faire de très belles choses, de prouver qu'on a eu confiance, pour remercier les gens de m'avoir fait confiance. Ça, c'est le meilleur moteur. C'est le meilleur moteur.
- Speaker #1
C'est... Dans tout ce que tu me racontes, dans toutes tes histoires, Je trouve qu'en fait, il y a une chose qui ressort, c'est qu'à chaque fois, tu oses. La personne que tu rencontres au Champs-Elysées, tu as osé dire oui, tu as osé te lancer. Tu as du travail en freelance à chaque fois, il faut oser dire oui, je vais en être capable.
- Speaker #0
Mais ce que je ne t'ai pas dit, j'ai une vie longue, c'est normal, 53 ans de travail. Je ne suis jamais arrêté, jamais de ma vie. J'ai voulu savoir tout. Donc... Hier je regardais les adieux de Jean-Paul Gaultier et on a travaillé ensemble, j'ai fait de la fourrure, je connais le travail de la fourrure. Je travaillais pour un des plus grands fourreurs de Paris, Chombert. Et Jean-Paul Gaultier faisait l'après-midi et moi je faisais le matin, on se croisait. D'ailleurs il a quatre ans de moi, on est de la même génération. J'ai fait de la fourrure, j'ai fait de la chaussure, je sais bien le travail de la chaussure, je le sais bien parce que je l'ai fait en usine, pas les dessins. Alors les dessins, je fais toujours des dessins, mais si je veux suivre le travail, la technique derrière, c'est ce qui m'intéresse le plus, savoir comment on fabrique. Et c'est très important de savoir ça. Je fais de la chaussure, des fourrures, de la maroquinerie, je travaille pour Hermès, des foulards pour Hermès. Je me suis lancé un petit peu dans le design de meubles parce que j'avais des idées et je voulais le faire. Mais ça, j'ai abandonné. Et puis, parce qu'on ne peut pas tout faire. Et c'était le plaisir de faire le premier pas et puis de proposer aux gens. Savoir si ça tenait la route. Et puis j'ai fait aussi de la vaisselle. De la vaisselle. Ça, ça me plaisait beaucoup. Les dessins de vaisselle nouveaux. J'en ai encore ici, des dessins. Alors ça, j'ai fait tout ça dans ma vie. et le... Ce qui m'a pris le plus, qui me prend encore, c'est la couture. Parce que la couture, c'est de la création perpétuelle. On se réinvente en permanence. Moi, je travaille, j'ai mon mannequin. Je ne fais plus de dessin maintenant. Ou alors très peu. Les dessins, c'était pour les autres parce que j'avais quelques... Je vais des gens qui m'engagent, il va falloir que je leur montre ce que j'allais faire. Mais quand je ne travaille que pour moi, je mets le tissu directement sur le mannequin et j'improvise.
- Speaker #1
Là-bas,
- Speaker #0
la toile. C'est la toile. Tu l'as tout dessus. Oui, mais la toile aujourd'hui, comme je fais des robes en stretch, je fais dans la dentelle stretch que je fais. Parce que tu ne peux pas faire, il faut que ce soit élastique. Donc ma toile, je mets la dentelle sur le mannequin et j'improvise. Tous les jours, actuellement on refait l'atelier, mais j'ai ça de patronage nouveau. Je ne plaisante pas comme ça. 1,52 m de patronage, empiler les uns sur les autres, parce que j'en fais tous les jours. Il y a de quoi alimenter des années de collection. Tous les jours, tous les jours, tous les jours. Donc le patronage,
- Speaker #1
c'est pas sorti ?
- Speaker #0
Non, c'est pas sorti. Ce que je fais faire au fur et à mesure, Parce qu'aujourd'hui je travaille, j'ai mon atelier où je fais mes modèles moi-même, tous les jours. Après j'ai une ouvrière qui s'est mise à son compte il y a un an, pour moi, qui est à Troyes, dans la ville de Troyes, dans la banlieue de Troyes. J'en ai deux comme ça, deux à Troyes. Et une brodeuse qui est à Tismons. qui travaille avec moi depuis 20 ans. Et on fait... Donc, chaque fois, je prends des nouveautés, je les fais faire, et voilà, on fait des nouveautés. Si c'est bien, on garde. Si c'est pas bien, on jette. Mais il y en a tellement de toutes façons. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de faire toujours, de travailler tous les jours. J'ai un besoin viscéral. Si tu m'enlèves ça... Tu sais, quand j'étais dans la mouise et qu'on avait tout perdu et tout ça... que personne ne voulait de moi il fallait bien que je travaille et je ne savais plus quoi faire et ma femme qui est une excellente cuisinière une grande cuisinière je lui ai goûté sa pâte au citron merengue qui était délicieuse tous les jours comme ça on mange comme au restaurant c'est tous les jours et elle m'a dit si tu veux on fait de la cuisine on monte un truc à l'époque on voulait faire un Food truck. Parce que j'étais parti aux Etats-Unis. Les food trucks américains, tu connais les Etats-Unis ? T'as vu comment c'est ? Oui, oui. On est comme ça. Je dis ça, on fait un malheur. On fait un malheur. Mais autant, j'aime beaucoup les affaires, franchement, je sais ce qui peut marcher, ce qui ne peut pas marcher, mais moi, je lui ai dit, tu me vois me faire des sandwichs le matin et le soir, alors que j'ai besoin de créer, j'en ai besoin, j'en ai besoin. Des fois, je suis malade, je t'assure, je suis malade, comme tout le monde. Normalement, je devrais être relis. Je me guéris en étant là-haut. Je me guéris en travaillant, parce que quand je travaille, j'oublie que je suis malade, parce que tout est 90% d'un tête-à-tête quand tu es malade. Tu oublies tout ça. Et je sors le soir à 7h, je suis guéri. J'ai passé ma journée à me guérir sans médicaments, avec mon travail. Donc ça, c'est pas possible. Je ne peux pas faire des services. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Je l'aurais fait si vraiment... C'est ta passion. Ah oui, c'est ma passion.
- Speaker #1
C'est parfait parce que j'en viens à une question sur tes processus de création.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Quels sont tes processus de création ?
- Speaker #0
Alors, je vais dire aujourd'hui mes processus de création. Comme je suis un vieillard, enfin vieillard, comme j'ai vécu les années 60, aujourd'hui je ne lis aucun magazine, plus rien, plus rien. Tout ce que vous avez en boutique aujourd'hui, tout, c'est les années 60. Les années 60, je n'ai pas de magazine, elles sont dans ma tête. La tête, le cerveau, c'est un ordinateur. J'ai tout gardé, j'ai une très bonne mémoire, j'ai tout gardé. Tout ce que j'ai fait dans les années 60, je le resserve aujourd'hui. Donc pour moi c'est un renouveau, parce que je ne l'ai pas fait depuis 50 ans. Mais c'est un renouveau. Et quand je fais les trucs, je le montre et ça plaît. Parce que les gens à qui je le montre ne connaissent pas. C'est ça mon processus de fabrication. Et puis, à force d'expérience, tu sais, tu pressens ce qui va marcher. Je pressens les couleurs, mais comme tout le monde, je ne suis pas non plus un prophète, je pressens les lignes, les matières. L'autre jour... Léo, elle lui a dit, oh non, non, pas de velours, pas de velours, pas de velours pour maintenant, pour l'hiver prochain. Ma fille, elle me dit pas de velours, pas de velours. Je regarde Instagram ce matin, un client américain à moi vient d'acheter du velours. Donc, elle a tort. Et moi, il ne faut pas que j'écoute les gens qui ne connaissent pas. Ça, c'est mon métier. Je le connais bien. Je ne peux pas me livrer entièrement à des gens, même si je les adore. Ma femme, mes enfants. Je ne peux pas leur faire confiance parce que c'est mon métier. Je sais ce que je dis. Je sais ce que je dis.
- Speaker #1
Aujourd'hui, tu anticipes la mode.
- Speaker #0
Tu dois anticiper. C'est ça ce métier, on anticipe. Et d'ailleurs, souvent on me dit, tu l'avais prévu. Mais oui, je l'avais prévu. Parce que comme c'est un éternel recommencement, la mode. Tu sais, quand tu as tout créé, tu ne peux pas... Ou alors tu fais des trucs invendables avec la manche ici et puis... le pantalon sur le bras, c'est des trucs de fous, mais si tu veux faire des choses qui se vendent, une jeune femme aujourd'hui, elle a envie, moi j'ai commencé à faire les robes en dentelle il y a 30 ans, parce que j'ai été nourri par le cinéma américain. Dans le cinéma américain, il y a des femmes, des superstars qui sont glamour à mort, c'est trop beau, et même encore, tu regardes les films de Drabburn aujourd'hui, aujourd'hui, une femme de 25 ans, elle regarde Drabburn et elle adore. C'est tellement beau ce qu'elle porte, c'est tellement chic qu'elle voudrait ressembler à ça. Donc c'est facile.
- Speaker #1
Oui, et puis la dentelle revient vachement. On regarde les rambles de mariés.
- Speaker #0
Bien sûr. C'est complètement de la dentelle. Mais comme c'était du glamour en 1960-1950 à Hollywood, moi j'ai fait ça. Les femmes, elles adorent. Une femme, quand elle est belle, elle veut qu'on le montre, elle veut qu'on lui dise que t'es belle. Elle ne va pas se cacher. Quoiqu'aujourd'hui, la mode n'est pas faite pour les femmes. Je trouve qu'elle cache toutes les formes. Ce qu'ils font, c'est tellement simple. Et c'est dommage parce qu'on a des concurrents terribles. On a les Zara, les H&M et tous les chinois qui fabriquent des choses pour rien. Et si nous, on n'a pas de créativité et qu'on laisse, on fait de la mode très plate, très simple. Une jupe, c'est… Aujourd'hui, tu regardes dans les magasins, les magazines, une jupe, c'est deux morceaux de tissu. Terminé. Un chemisier, c'est un col des manches. Terminé. Il n'y a plus de créativité. Si on laisse faire des choses comme ça, on est mort.
- Speaker #1
Quand tu dis « on » ,
- Speaker #0
c'est… La couture. La couture. Il faut qu'il y ait de la créativité, mais des choses qui donnent envie d'être portées.
- Speaker #1
Oui, des pièces exceptionnelles.
- Speaker #0
Des pièces exceptionnelles et des choses qu'on a envie d'avoir.
- Speaker #1
Et comment tu fais de l'exceptionnel tout en étant indémodable ?
- Speaker #0
Parce que l'exceptionnel, ça ne veut pas dire de l'extensicité à mort. Il faut que la femme ne soit pas ridicule. Il faut qu'elle soit élégante, distinguée. alors il faut que son vêtement la mette en valeur pas qu'on la regarde comme si c'était le carnaval à rio c'est ça la différence d'ailleurs tous les couturiers quand ils font des défilés des présentations ils montrent des choses de folie C'est pour la presse, c'est pour avoir des photos et qu'on parle d'eux, ça fait partie du truc. Mais ce qui se vend, c'est pas ça. Les clientes, une fois qu'elles ont vu ça, qu'elles ont applaudi, elles vont dans les maisons de couture et on leur montre les vraies collections, qui tiennent la route, les vrais tailleurs, les vrais manteaux, les vraies jupes, les vraies robes. Tu vois, tout ce qu'on montre là, c'est comme les défilés de Victor Lassetrette, c'est de la démence. C'est de la démence. Personne ne sait. Tu ne dirais pas, moi je vais porter des ailes sur le dos pour aller... Tu ne dirais pas. Tu dis c'est rigolo, c'est bon. Ça marque la marque. Ça marque la marque. C'est du show, du spectacle. Mais ce n'est pas ça qu'on vend. Et c'est pour ça qu'on peut faire des très chics indémodables. Moi je te montre des robes, il y a 20 ans, je peux te les montrer là. D'ailleurs je t'en ai montré. Tu me diras si c'est démodé ? Ce n'est pas démodé. Mes clients me le disent, ce n'est pas démodé. On a un pantalon, tout simple, pas de def. J'ai sorti les pattes def parce que je les ai portées moi-même. J'ai les pattes def de toutes les couleurs, moi et les autres. C'est vrai. Donc, les pattes def en dentelle, ça ne s'était jamais fait. La dentelle, c'était ou la lingerie ou les petits chemisiers. Nous, on fait les robes, le manteau, le pantalon. Tout ce qui est possible d'être fait, on le fait en dentelle. Et c'est beau. Le pantalon PADF, ça fait 30 ans qu'on le fait. 30 ans qu'on le fait. On le vend. Tu ne peux pas savoir comment on le vend. Tout le monde le veut. Je te donne un pantalon dentelle. Tu l'essayes. Toi-même, tu vas me dire, j'adore ce truc. Toi-même, tu es obligé de me le dire.
- Speaker #1
Alors que je trouve que le PADF ne me va pas du tout.
- Speaker #0
On fait en Paris et on va le faire tout à l'heure. Tu vas te montrer. Je t'assure que c'est vrai. Voilà. Avec la dentelle, c'est doublé, c'est bien foutu, mais la dentelle, qui est une matière très raffinée, très féminine, très très féminine, et le côté est fluide, mais en même temps c'est elastane chez moi, donc ça colle. Ça colle. Et toutes les femmes qui portent ça disent que c'est une seconde peau. Donc ça colle, ça donne un côté glamour qui prend beaucoup de gens au fond. C'est tout. Et ça, une femme... Toutes les femmes se font refaire les seins. C'est pour les montrer. Elles ne les font pas pour les cacher. Si aujourd'hui tu te fais refaire le sein et qu'on te propose un truc large et qui n'est pas en valeur, tu as perdu 7000 euros. C'est de la connerie. Tu en es resté les seins comme tu les étais. C'est de la connerie.
- Speaker #1
Mais c'est sien. Et ton fournisseur de dentelle, c'est toujours le même ?
- Speaker #0
C'est toujours le même, oui, c'est toujours le même. De toute façon, je ne fais que de la dentelle. Alors j'ai rajouté du crêpe, j'ai rajouté du velours. Là, on fait des trucs superbes en organza. En quoi ?
- Speaker #1
Je ne connais pas cette méthode.
- Speaker #0
Je vais te montrer. Organza, on fait beaucoup de choses. Du velours. Tu tules aussi, beaucoup de tules. On fait beaucoup de trucs, mais ce qu'on voit à 90% c'est la dentelle. Parce qu'à chaque fois qu'on présente des nouveautés, les gens aiment bien, mais ils reviennent toujours à la dentelle. Ils disent non. En fait, on est connu pour ça. Oui, c'est ça. Voilà, ils veulent que ça. Le reste, ils l'achèteront ailleurs, chez quelqu'un d'autre. mais de chez moi ils veulent que ça
- Speaker #1
Et donc si j'en reviens à ton processus de création, donc tu me dis que tu t'inspires des années 60 aujourd'hui parce que tu les as vécues. Ouais. Et ensuite, dans le processus vraiment de création, donc tu me dis, tu as 1m50 de patron.
- Speaker #0
Ouais.
- Speaker #1
C'est quoi ces... Donc tu m'as expliqué que tu te mettais devant ton...
- Speaker #0
Mannequin. Mannequin.
- Speaker #1
Tu découpes au hasard ?
- Speaker #0
Oui, je décide. Oui, je découpe au hasard. Ok.
- Speaker #1
Donc c'est vraiment de la...
- Speaker #0
L'aspiration, je laisse aller ma tête. Parce que la tête d'un artiste, la mémoire d'un artiste, c'est très spécial. Un artiste, il a besoin de marcher, de... Par exemple, je prends la voiture, je n'ai pas d'aspiration. Il y a des jours, j'ai pas d'aspiration. Ça m'emmerde, mais je n'en ai pas. Alors je prends la voiture, le fait d'être dans la voiture et de rouler, je libère mon esprit, j'ai plein de trucs qui viennent, plein d'idées qui me viennent. Et un artiste, il va marcher, il va parler avec des gens, il va aller au spectacle, il va marcher dans la campagne, il vit sa vie, mais ses yeux enregistrent ce qui l'intéresse. Il ne se rend pas compte. Il va capter un détail, il ne s'en rend pas compte. Il va capter une couleur, une forme. Il ne se rend pas compte. Et quand il est au moment de la création, ça revient. Donc, quand je suis devant mon mannequin, je ne sais pas ce que je vais faire. Je sais que je vais faire une robe, ou un chemisier, ou un truc. Ça, je sais. Comment ? Je ne sais pas. Ça revient. Tu mets en marche. Parce que le cerveau, c'est extraordinaire. C'est vraiment un ordinateur. Tu décides, tu appuies sur la touche et tu mets en marche les souvenirs. Les récents, ou les pas récents. Mais tu mets en marche les souvenirs. Et il te sort tout ça. C'est extraordinaire. Moi, j'analyse ma tête, tu vois. Parce que des fois, c'est incroyable. Des fois, j'ai passé des journées à crayonner et c'est zéro, c'est nul. C'est nul. Je n'y arrive pas. Et puis, tout d'un coup, je me mets devant le mannequin et ce que je fais... C'est top niveau.
- Speaker #1
Tu ne te trompes pas toujours avec un petit carnet ?
- Speaker #0
Si je le fais pendant des siècles, des siècles, partout. Là, je n'ai plus besoin parce que je suis toujours à la maison. Mais avant, je voyageais beaucoup, j'avais toujours un petit carnet et un crayon, toujours sur moi. Toujours, en permanence. Dans la voiture, j'ai toujours. Si, parce que je note. Maintenant, ce n'est même plus des dessins que je note. Je me comprends, donc je note des trucs. Et puis des fois, par exemple, je fais faire un modèle chez ma brodeuse, quand il sort, elle me dit « je ne trouve pas ça terrible » . Elle a le droit de me dire, parce qu'on se connaît depuis 20 ans et on travaille ensemble. Je dis franchement, j'ai envie de faire ça. Et moi-même, je dis « vous avez raison, je ne sais pas pourquoi je fais ça » . Bon écoutez, je vais l'emmener à la maison et je vais le voir tranquillement à la maison, parce qu'il a besoin d'être chez moi tranquille. Bon, et je rentre à la maison et ça s'est passé pour un truc... J'ai fait une robe en velours, moi je la trouvais très bien, je l'amène ici, et Léo me dit « Ah, mais il y a un col blanc en satin, moi je la trouve très jolie. » Elle me dit « C'est pas terrible. » Elle me fait douter, une fois elle m'emmerde, parce qu'elle me fait douter. Alors je devrais pas, je devrais pas, je devrais la remettre. Les meilleurs trucs, moi je les fais tout seul. Donc Léo, elle me dit, c'est pas bien, le velours, c'est pas bien, c'est pas bien. D'accord. Donc je la ramène à la maison. Puis je dis, on va faire autre chose. Et on a fait ça. Le regozas, c'est ça, c'est le col. Tu vois qu'une demi-robe.
- Speaker #1
C'est magnifique.
- Speaker #0
Elle est belle.
- Speaker #1
Pour la décrire un peu, c'est... C'est quoi ? C'est un bustier ?
- Speaker #0
Un bustier en dentelle ? C'est une robe. Non, mais il y a le bustier. Là, il va y avoir la manche aussi. C'est ça le mannequin, tu vois. Donc, c'est une robe. Il y a une ouverture décolletée devant. Il faut la regarder à moitié, tu vois. Comme ça. Et tu as un col et un nœud en arganza. Ah,
- Speaker #1
c'est ça l'arganza.
- Speaker #0
Oui. Mais la robe, c'est la même que je t'ai montrée tout à l'heure. Je n'ai pas peur. Merci. matière différente elle est superbe elle est magnifique, je crois que je la préfère en dentelle voilà toi aussi donc des fois si on connaît pas le métier on passe à côté d'un bon truc parce qu'on dit c'est pas bon, c'est pas bon, on gèle c'est peut-être la matière qui est pas la bonne c'est la matière qui est pas la bonne le fait de changer le col blanc tout noir ça c'est Léo qui m'a dit, fais le tout noir J'aime bien travailler en collaboration comme ça.
- Speaker #1
Et c'est intéressant ton processus de création, parce que tu parles de l'artiste, tu dis qu'il y a tout dans son cerveau et que parfois il faut un peu qu'il s'évade pour que ça revienne. Je pense que c'est le cas de tout le monde. Moi, je me suis rendue compte dans mes emplois que si j'étais dans un emploi très créatif, je devenais encore plus créative. Et si j'étais dans un emploi hyper répétitif, ma créativité partait.
- Speaker #0
Bien sûr. Et parfois,
- Speaker #1
j'arrivais de me dire, il faut que je trouve une idée, je vais partir en balade et prendre l'air, sortir. C'est du bien.
- Speaker #0
Si tu es créatif, de toute façon, c'est là. Seulement, tu ne la trouves pas. L'idée est là. mais tu ne la trouves pas. Tu es bloqué. C'est un blocage.
- Speaker #1
Et tu penses que certaines personnes sont créatives et d'autres non ? Ou que c'est quelque chose qui s'entretient ?
- Speaker #0
On est créatif toujours. Si on est créatif, c'est immédiat. Mais il y a des gens qui ne sont pas créatifs du tout.
- Speaker #1
Créatifs. Tout le monde est créatif, c'est juste que... certaines personnes, on ne leur a pas appris à être...
- Speaker #0
Il y a des gens qui sont créatifs, mais ils ne le savent pas parce qu'ils n'ont pas confiance en eux. Par exemple, ma femme, elle me dit « Moi, je ne savais jamais dessiner. » Je dis « Tu déconnerais, parce qu'elle brode aussi. » D'accord. Elle brode très bien. C'est super. Moi, j'ai une chemise qu'elle m'a brodée, avec des bunines, des machins. Mais tu sais le faire. Seulement, tu n'as pas confiance en toi. Tu sais le faire. Il faut que tu aies confiance. Les gens sont en admiration devant les artistes parce qu'ils sont sûrs qu'ils ne seraient pas capable de le faire. Ce n'est pas vrai. Tu veux faire de la peinture, prends, achète-toi des peintures, une toile et essaye. Tu verras.
- Speaker #1
Oui. C'est ce d'été et ce l'an dernier.
- Speaker #0
Il faut toujours. C'est ça la vie. C'est ça la vie. Il faut le faire. Oui. Ben oui, après, quand on a fait son temps, et ben... Le jour où c'est fini, on dit bon, j'ai pas de regrets, j'ai tout essayé, enfin j'ai essayé tout ce que j'avais envie de faire. J'ai vécu ma vie. Ça, ça s'appelle vivre sa vie. Pour moi.
- Speaker #1
Je trouve ton parcours hyper inspirant parce que justement, t'as créé, t'as échoué, t'as été dans des moments où financièrement ça n'allait pas, mais t'as toujours trouvé la solution pour t'en sortir. Et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui s'empêchent d'entreprendre, de créer, en se disant, et moi la première, potentiellement, financièrement, je ne m'en sortirai pas.
- Speaker #0
C'est tort. Tu as tort. De toute façon, à partir du moment où tu te poses la question, c'est que tu as un doute. Tu as un doute. Donc, si tu as un doute, c'est qu'il y a une possibilité. Oui. Alors ? Il faut la tenter, qu'est-ce que tu veux qu'il t'arrive ? Qu'est-ce que tu veux qu'il t'arrive ?
- Speaker #1
En termes de confort ?
- Speaker #0
Il est petit ton confort. C'est un petit confort. Il ne faut pas chercher petit confort. La vie, elle est là, il faut que tu prennes tout. Ce n'est pas une question d'être plus riche ou de posséder. C'est de... Quelles sont tes capacités ? Sortir, savoir qui tu es. ça te donne de la force ça te donne de la force tu sauras jamais ta force si tu te complais avec ton petit truc ton petit confort c'est de savoir si t'es capable d'affronter des choses c'est ça qui est oui c'est clair Que je sais dire maintenant... Moi quand j'étais petit, j'entendais toujours à la maison, ils disaient « José il est gentil » J'étais très tigné. « Mais qu'est-ce qu'il va devenir ? » Et moi j'entendais ça quand tu entends un enfant qui passe, qui s'amuse, tu crois qu'il entend pas, il entend tout. Il faut pas dire ça. Et moi ça, je vais vous montrer qui je suis. Tu vois, t'es tout petit, tout petit et tu sais que... Il faut pas ça, quelque chose qui va pas dans cette histoire. donc il faut prouver et ça, plus tu franchis ces épreuves de timidité plus tu te découvres et plus tu te renforces t'as la force,
- Speaker #1
t'as avancé plus rien ne me fait peur rien peut-être parce que t'as établi ton projet non parce que dans la vie rien n'est définitif
- Speaker #0
Tout est remis en question, tout peut être remis en question, tout, tout, tout. Mais ça fait partie de la vie. Comme c'est les saisons, un arbre il est vert et puis en automne il n'y a plus de feuilles. C'est comme ça, c'est inévitable, c'est inévitable. Il ne faut pas avoir peur, il faut pouvoir dire je vais affronter ça. Je ferai face, je ferai face, je vais affronter, il n'y a pas de problème, je trouverai la solution. Il faut se dire qu'on n'est pas le seul dans ce cas-là. Les autres sont comme toi, ils te regardent, ils prennent. Si toi tu as la force de dépasser ça, tu leur donnes le courage de faire la même chose. Si toi, tu vois, c'est un ensemble et toi tu t'inspires des autres aussi. Oui. Tu vois ? Oui, oui. Moi, j'écoutais Catherine, ma femme, elle me dit... Un que j'admire beaucoup, c'est Bernard Tapie. Je l'aime beaucoup. C'est un voleur, c'est tout ce qu'on veut, j'en ai rien à foutre. Pour moi, c'est Robin Desbois. Il me plaît, c'est comme ça. Pourquoi ? Parce que ce type, il est jamais par terre. Elle vient de me dire que malgré son cancer, il va refaire du théâtre. J'adore ce mec. J'adore. Parce que celui-là, il est comme moi, il veut vivre.
- Speaker #1
Il est pugnace.
- Speaker #0
Oui, il veut vivre. C'est ça, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Et c'est comme ça qu'il faut prendre des choses. Alors, encore, moi j'ai la chance de faire un métier vachement agréable. Il y a des gens qui sont... Je suis toujours en train de dire postier, parce que c'est chiant, je ne peux pas me dire postier. Mais postier, c'est répétitif. Quelle vie, toute ta vie comme ça, avec toi, c'est effroyable. Nous, on a la chance. On voit des gens de tarés, on est dans des magasins qui sentent le parfum, on voyage, c'est magnifique, c'est une vie magnifique. Alors, l'envers du décor, c'est qu'on est aimé, plus aimé, on est, voilà, ça fait partie du jeu. Pour tout le monde, c'est la même chose. Il y a un débat que je voulais avoir avec toi,
- Speaker #1
c'est qu'on a commencé juste avant d'enregistrer, c'est sur l'âge.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Tu me disais que tu avais un problème avec l'âge.
- Speaker #0
Non, je ne veux pas qu'on... à propos des photos, je te disais ça. Je n'ai jamais voulu montrer ma tête, sauf sur le site où on me voit de loin. Je suis en train de marcher à Como, là. On ne peut pas voir. parce que... D'abord je fais jeune, on ne croit pas que j'ai cet âge-là, et ça me sert beaucoup dans mon travail. Et je pense que si les gens savaient exactement l'âge que j'ai, maintenant je le dis mais bon, ça me desservirait parce que quand tu dis que ça fait 53 ans que tu travailles, tu fais ringard quoi. Autant un grand couturier, il est pas ringard parce qu'il a l'aura derrière lui. la flamboyance que les médias lui accordent. Mais quelqu'un qui n'est pas médiatisé comme moi, je ne veux pas paraître comme un vieux à la ramasse, parce que je ne suis pas à la ramasse.
- Speaker #1
Non, justement, c'est ça. C'est qu'il suffit de t'écouter pour voir que t'es même pas à la ramasse, t'es dans le futur.
- Speaker #0
Ben oui, mais c'est bête peut-être, mais je me suis... Léo, elle a voulu souvent, souvent me montrer ma tête.
- Speaker #1
T'as peur qu'on ait des a priori sur toi ?
- Speaker #0
Peut-être parce que je suis pas vaniteux non plus.
- Speaker #1
C'est une qualité.
- Speaker #0
Je suis très orgueilleux, je suis très ambitieux, je suis très indépendant. Je me démerde tout seul devant l'adversité. Plus tu me fais du mal, plus je vais te prouver que je vais gagner. Mais je ne suis pas vaniteux. Si je l'étais vaniteux, ça fait longtemps que j'aurais eu des attachés de presse qui auraient montré ma tronche partout. Et non. Et puis en plus, ça c'est la vérité. C'est la vérité. Mais en plus, quand on est très connu, quand on connaît ton visage, tu deviens très faible. Parce que quand on connaît ton visage et que tu es très connu, tu fais une collection qui marche en ton sens. Celle d'après, elle ne marche pas, on te piétine. Et tu deviens faible. Parce qu'on sait qui tu es. Après, on se souvient que tu as eu des mauvaises périodes. On se rappelle de ton visage. Mais un mec comme moi, on ne sait même pas la tranche que j'ai. On ne sait pas. Quand aujourd'hui, toi tu sais que j'ai 72 ans parce que je te les lis, mais si je vais voir un client, personne ne sait. Ils vont me donner 50 ans, 55 ans, ce qui va bien, je m'en fous. Mais ils vont penser que je suis encore les deux pieds dans l'histoire. Ils ne peuvent pas imaginer que ça fait 30 ans. Alors des fois, j'oublie que je ne vais pas leur dire mon âge, mais quand je leur dis que ça fait 53 ans, ils n'ont qu'à calculer. Ils ont compris. Mais c'est pour ça. Je ne veux pas montrer mon âge pour ça. Et puis, là tu m'interviews, mais... Je ne vais pas me poser comme donneur de leçons, donneur de conseils. Non.
- Speaker #1
Est-ce que c'est donneur de leçons ? Pour moi, c'est plus inspirant. Tu peux inspirer des tas de générations en montrant ce que toi, tu as su faire en te battant contre les préjugés qu'on avait sur toi.
- Speaker #0
Je ferai face.
- Speaker #1
Je ferai face.
- Speaker #0
Si tout le monde prend ça comme Maxime, il n'y a plus de problème. Je ferai face. J'ai fait face à la timidité, j'ai fait face à un métier que je ne connaissais pas en disant que je le connaissais. Un grand... Un peu plus doux. Après, j'ai fait face aux affaires... Parce que quand j'étais styliste, on me disait, vous achetez des tissus pour les collections, vous partez en Italie, vous partez à Hmarté. Et j'achetais ce que je voulais, mais je dépensais comme un fou, des millions. 3 mètres, 5 mètres, 10 mètres, 3 mètres, 5 mètres, 10 mètres, ça, ça, ça, ça. Quand les mecs recevaient la douloureuse, ils me disaient, « Mais vous vous rendez compte ce que vous achetez ? » Je ne prenais pas conscience de l'argent, ce n'était pas mon argent. Il a fallu que je devienne un homme d'affaires, et je peux te dire, et un gestionnaire, je suis un très bon gestionnaire. Aujourd'hui, mon affaire depuis 30 ans. Comme j'ai eu beaucoup de soucis avec les banques et tout ça il y a 30 ans, il y a 30 ans quand j'ai eu des soucis, la BNP, je suis toujours à la BNP, la BNP m'a retiré mes chéquiers, m'ont fait venir à jour. Ils ont ce plaisir, tu sais, les gens, les petites gens, ce sont des petites gens pour moi, parce qu'ils gagnent un salaire de merde, ils n'ont pas ma vie, mais ils se sentent supérieurs à toi parce que tu es dans la merde. Ils m'ont pris le chéquier, ils m'ont pris la carte bleue, et devant moi, ils se sont fait un plaisir de la copier à 6h. Je n'avais plus rien pour me descendre. Je dis, mais je n'ai plus rien. Ils s'en foutent. Ok. Je dis, vous savez quoi ? aucun problème je resterai pas comme je suis comme je suis vous verrez que je passe d'abord quand je suis revenu un jour j'étais à la banque ou parce que après tout oublie mais je restais dans la même banque même agence même et un jour elle s'est étudié parce que les chefs d'agence se change elle me dit monsieur balenci vous devriez prendre des actions du jeu de quoi tout ça pourquoi Pourquoi ? Si vous avez de l'argent, vous êtes riche. Je ne me suis pas rendu compte. Tu fais des affaires, tu ne te rends pas compte. Tu dépenses. Mais je ne ferai rien chez vous. Elle me dit, mais pourquoi monsieur Valenci ? Écoutez, j'imagine que la BNP a un historique des clients. Alors vous allez prendre mon nom, vous allez regarder l'historique. Et puis vous verrez que vous m'avez retiré en 1998. En 1998, vous m'avez retiré mon châquier. Vous m'avez coupé ma carte bleue. Je venais d'avoir mes enfants. J'étais petit, je vous ai dit... C'est difficile pour moi. Vous vous en foutiez complètement. Et vous m'avez laissé dans la merde. Aujourd'hui, il y a de l'argent qui dort parce que je ne peux pas faire autrement. C'est obligé d'avoir une banque. Mais jamais, jamais, jamais, j'achèterai quelque chose sinon. Ça, c'est pour vous punir. Donc, ça, je suis rancunier. Mais cette rancune, elle m'aide à vaincre. Elle m'aide à avancer. Parce que ça rend cul. Je ne suis pas le genre de mec à dire « Oh, ben j'oublie le pauvre, j'en veux pas. » Non, moi j'en veux. Moi j'en veux. Parce que moi je ne ferai jamais ça. Jamais, jamais. Chale J'ai compris la vie moi, j'ai compris ce que c'est que dans la merde, je comprends les gens qui sont dans la merde, jamais, jamais, jamais. Et si aujourd'hui, j'ai des gens qui travaillent avec moi, toujours, mais des gens qui travaillent avec moi, et je te dis tout à l'heure, je peux téléphoner maintenant un dimanche et dire, je viens d'avoir une commande, j'ai besoin d'une robe pour demain matin, tu vois, demain matin, les gens un dimanche, ils me la font. Pourquoi ? Parce que les gens, je les aime, ils sont tout pour moi et je suis tout, moi sans eux je ne suis rien. Et je n'ai jamais marchandé un salaire. Jamais, jamais. Tu viens chez moi, tu travailles pour moi. Si tu m'intéresses, si tu travailles comme je veux moi, tu me dis, si ça m'intéresse, je te le donne. Jamais je ne te dirai non, vous allez me faire moins cher ou essayer de grappiller. Les gens, je considère qu'ils travaillent comme moi, je travaille. On gagne notre vie. On n'est pas là pour faire la mendicité. Ce n'est pas un pour-lit qu'on te donne, c'est un salaire. Vous pouvez l'accepter. Donc, puisque moi je le fais, je suis rancunier. Si les gens me font ça, je ne pardonne pas. Je suis méchant. Oui,
- Speaker #1
mais ce qui t'a amené aussi, de par tes valeurs, à obtenir de l'aide des autres. Oui. Si on prend l'exemple de ton fond de dentelle, il t'a aidé parce que...
- Speaker #0
Mais c'était sans préméditation, moi. Oui. C'est préméditation. Pourquoi ? C'est bien, c'est bien. bien. Les gens qui font du bon travail, qui font des bonnes choses, il faut qu'ils soient payés. Il faut qu'ils vivent de leur travail. Mais moi, j'ai des relations formelles avec tout le monde, même à l'heure actuelle. Des gens que je ne vois plus qui ont arrêté de travailler, parce que moi, je devrais être arrêté. J'ai plus l'âge de travailler. Il y a des gens qui sont arrêtés et qui sont à la retraite, mais je leur téléphone, ils ont des relations formelles avec les gens. Parce que les gens... On travaille, c'est bien quand on gagne de l'argent, c'est bien quand on réussit, c'est bien tout ça. Mais ce qui est le mieux de tout, c'est d'avoir rencontré des gens super, avec qui on s'entend, avec qui on s'est entendus. Et parce que c'est ça la vie, c'est des petits bouts, des petits bouts, des petits bouts, jusqu'à la fin. C'est ça qui compte le plus important. On ne peut pas aimer tout le monde. Mais les gens que tu choisis ou qui t'ont choisi, protège-les. Fais attention à eux parce que c'est important. Vous vous êtes choisis. Faites le chemin ensemble. Ça, c'est le meilleur de la vie. Tu es fidèle. Pardon ?
- Speaker #1
Tu es fidèle.
- Speaker #0
Très, très fidèle. C'est pour ça que je ne supporte pas l'infidélité. La trahison, je ne supporte pas. On me trahit beaucoup, je ne supporte pas. Me trahir pour l'argent, c'est con. Il ne faut pas trahir pour l'argent. Non mais ça ne sert à rien. On ne l'emmène pas avec nous. C'est tellement bien de dire je n'ai rien fait de mal dans ma vie. C'est tellement extraordinaire de se coucher la nuit et de dire je dors bien. Quand tu fais une mauvaise action, tu le sais que tu as fait une mauvaise action. Tu le sais. Même si on te dit que tu es incapable, que tu as réussi à l'arnaquer, on te met en valeur. Toi, tu dis, ouais, je vais bien. Mais au fond de toi, tu sais que c'est dégueulasse ce que tu as fait. Tu ne dors pas bien la nuit. Tu ne dors pas bien. Ce qui compte, c'est de bien dormir la nuit. C'est ça qui compte. C'est ça la vie. Alors, tu réussis dans tes affaires, tant mieux. Mais ne fais pas pâtir ceux qui t'ont aidé. on ne réussit jamais tout seul. Jamais tout seul. Personne n'a réussi à le faire. Moi j'ai réussi, je m'autofinance depuis 30 ans, avec mon propre argent. Les banques n'interviennent jamais, jamais, jamais. Elles me donnent, mais je refuse. Je dis non, je veux. Mais c'est grâce aux gens qui travaillent avec moi. C'est grâce à eux que j'ai réussi. C'est pas tout seul, qu'est-ce que je fasse tout seul moi ? J'ai besoin de gens qui coudent, qui cousent, qui me donnent leurs idées. C'est un travail d'équipe. C'est un challenge. Bien sûr. C'est ça qui compte.
- Speaker #1
C'est très intéressant. J'en viens à la dernière question, José. Quel est pour toi le futur de ton artisanat ?
- Speaker #0
Tu vois, j'aurais aimé que ma fille reprenne. Ça m'aurait plu. Mais ma fille, elle a choisi un autre métier et c'est très bien. C'est très bien. Souvent, il y a des gens qui me disent « Mais qui va reprendre notre affaire ? » Ben, personne. Ça s'éteindra. Ça s'éteindra.
- Speaker #1
Tu n'as pas envie de trouver quelqu'un à former ?
- Speaker #0
Comme je travaille seul, souvent, il y a des filles qui me font des stages chez nous. Mais je n'ai pas le temps. Former quelqu'un comme moi, je vais le former. vraiment, pas survoler un stagiaire ou un stagiaire, il faut lui donner matière. Quand il sort de chez toi, il a encore des trucs à réfléchir. Il faut qu'il ait envie. Pour ça, c'est beaucoup de travail. Au détriment de long travail. Je ne peux pas le faire. Les autres, ils survolent, ils ont des gens qui font le boulot. Moi, je fais tout. Je ne peux pas me permettre. Ce que je ne fais pas aujourd'hui, il faudra que je le fasse demain. Je ne peux pas. C'est pour ça. Alors l'affaire, tant pis.
- Speaker #1
C'est triste.
- Speaker #0
Oui, c'est triste. Il restera toujours des tas de trucs, des patronages, des robes de chimie, tout ça. Ils les vendront.
- Speaker #1
Parmi les gens avec qui tu travailles, personne ne peut reprendre l'affaire.
- Speaker #0
Mais il faut que je te dise que les gens avec qui je travaille sont très âgés. Il n'y a plus de gens... Moi j'ai des gens qui me suivent depuis 25 ans, 30 ans. Donc forcément ils sont vieilles que moi. Eux ils travaillent pour moi, c'est tout. Ils veulent plus travailler pour les autres. Et c'est par amitié qu'ils travaillent. Parce que c'est excitant, parce que... Je vois ma brodeuse, je sais pas quel âge elle a, ma brodeuse elle a 65 ans, quelque chose comme ça. Ouais. Mais elle travaille que pour moi. De temps en temps, elle fait des trucs pour le cinéma ou pour Walt Disney, pour Disneyland, des trucs comme ça, parce que c'est rigolo. Mais ce qui lui plaît, c'est que Julie, elle me dit « moi, je ne veux pas être à la retraite, parce qu'avec vous, je suis toujours dans le bain, et c'est excitant, on fait des produits dingues. » Je vais te montrer. Je vais te montrer, ok ? Tu veux encore des questions de poser ? Alors on a fini ? Oui. Alors je vais te montrer le truc. Derrière, derrière. Merci.
- Speaker #1
Par la suite, José m'a montré les pièces qu'il confectionne. Il est difficile d'en décrire leur beauté. Je vous ai mis des photos sur le Facebook et l'Instagram d'Histoire d'artisan. Si vous souhaitez vous immerger totalement dans son travail. S'il y a une chose à retenir de l'histoire de José, c'est qu'il faut oser. Oser dire oui aux opportunités. Oser dire non aux personnes mal intentionnées. Oser accepter de l'aide lorsque l'on en a besoin. De mon côté, je vous dis merci. Merci pour votre écoute. Merci pour votre soutien qui m'est précieux pour continuer ce projet bénévole. Vous pouvez continuer à m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note sur iTunes et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Je vous dis à très vite avec une nouvelle histoire.