- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans mon atelier !
- Speaker #1
Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan, je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Aujourd'hui nous accueillons Lucille Boitelle, peintre ornemaniste. Elle nous parle de l'histoire de ce métier qui trouve des mentions dès le Moyen-Âge. Elle raconte son évolution, comment il s'est adapté aux artisans et aux besoins de son époque. Lucille nous explique que des artistes et écrivains tels que Monet, Matisse, Zola et Owen Jones ont participé à la reconnaissance de ces artisans à d'art en refutant toute distinction entre les beaux-arts et les arts appliqués. Chez Histoire d'Artisan, nous aimons beaucoup ce type d'anecdotes. Elle décrit également le lien historique entre peinture ornementale et politique. C'est passionnant ! Belle écoute ! Bonjour Lucille, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Lucille, tu es peintre ornomaniste, ça veut dire, si je ne me trompe pas, que tu peins des décors à la main.
- Speaker #0
C'est bien ça, je peins des décors, mais aussi des matières, des motifs au raccord, qui vont servir à faire du papier peint, du tapis, mais aussi plus largement de la céramique, de la laver-mailler, peu importe du support, finalement c'est une fonction d'ornementation pour le champ des arts décoratifs.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous parler justement un peu de ce métier ? de peintre ornemaniste et de son histoire.
- Speaker #0
Bien sûr. En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que la mention peintre ornemaniste, elle n'existe pas aujourd'hui dans la liste officielle des métiers d'art. C'est vraiment plus, il faut l'imaginer comme une sous-catégorie ou comme une spécialité de la peinture décorative. Et moi, quand j'ai fait mes recherches, j'ai à un moment eu besoin de trouver un terme qui correspondait exactement à ce que je faisais et qui n'était pas trop généraliste. Et à ce moment-là, en lisant, je pense un peu tout. Ce que j'ai pu trouver, que ce soit à Fornay ou aux arts décoratifs, je retombe régulièrement sur deux mentions. soit plutôt au Moyen-Âge sur l'idée de peintre imagier, donc qui a l'air à ce moment-là d'être l'équivalent de l'artiste peintre, mais dédié justement aux vitrailles, à la tapisserie, etc. Soit plutôt à partir du XVIe siècle, de la mention peintre ornemaniste. Et là, pour le coup, c'est assez flou, puisque du coup, il y a un premier texte qu'on parle, puis un deuxième, un troisième. Et moi, je ne sais pas forcément ce que ça représente. Sauf que quand je vais lire des définitions, je me dis, mais c'est tout à fait moi, puisque le peintre ornemaniste est là pour créer les ornements. ou les décorations qui vont servir justement à faire ensuite une autre production, que ce soit du décor mural, une tapisserie, etc. Et donc il y a vraiment l'idée d'imaginer que c'est imaginer, peindre et vendre aussi quelque part un décor qui sera singulier en vertu d'une application prochaine.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux peut-être préciser ce qu'on appelle un ornement ?
- Speaker #0
Alors du coup, il y a plusieurs manières, comme à chaque fois dès qu'on parle de mots, mais il y a plusieurs manières d'imaginer l'ornement. Plus on est 16e, 17e, et plus l'ornement est hyper défini. C'est-à-dire qu'on va parler des rinceaux, par exemple, donc ces grands feuillages. On va parler, je ne sais pas, ça va être tous les éléments décoratifs qui vont servir en architecture, donc soit sur des rembars d'escalier, sur des moulures en plâtre. sur des stucs, donc ça peut être les rinceaux, ça peut être les roseaux, ça peut être les fleurs de lys. Enfin voilà, ce sont des éléments soit animaux, soit végétaux, soit abstraits, mais qui apportent quelque chose en termes de symbolique. Et après, quand on parle maintenant d'ornement, donc là plutôt en 2024, on va plutôt imaginer tout ce qui va servir à décorer, à orner justement un autre support. Et donc c'est beaucoup plus large et on n'est pas forcément sur du petit élément, mais ça peut être typiquement du décor panoramique. On va parler d'ornement à l'échelle de l'architecture.
- Speaker #1
Ok, donc tu parlais de tapisserie et peinture murale. Oui. Mais aujourd'hui, on peut aussi s'en servir pour la tapisserie d'ameublement, pour les rideaux. Oui,
- Speaker #0
c'est hyper large pour le coup. En fait, c'est un métier qui est aussi passionnant parce que, comme il n'y a pas vraiment de limite définie de support, Par le métier, c'est vraiment une manière d'imaginer la peinture au service de quelque chose d'autre. Donc tu disais des rideaux, mais finalement c'est au service du textile dans ces cas-là. Et même dans le textile, ça peut être brodé après, ça peut être imprimé puis rebrodé, ça peut être tissé, on peut imprimer sur chaîne, on peut peindre directement sur une chaîne et retramer ensuite. Enfin, c'est vraiment une première porte d'entrée pour raconter une histoire, mais après, il y a vraiment autant de manières. de l'adapter que de personnes ou de collaborations qu'on pourrait voir naître.
- Speaker #1
Ce que tu me racontais aussi, c'est qu'à l'époque, au moment où visiblement ça s'est développé ou en tout cas la définition est apparue, ce n'était pas un métier d'atelier. Tu me parlais de métier d'itinérance.
- Speaker #0
Oui, en tout cas, c'est ce que j'ai pu lire à vraiment nombreuses reprises. C'est-à-dire que contrairement à d'autres métiers, par exemple, on imagine plus facilement les ébénistes ou les tailleurs de pierre fonctionnaient par guilde, notamment au Moyen-Âge. Et donc, du coup, ils travaillent pour un atelier précis avec un maître d'art qui va donner une formation à ses apprentis et qui va les accompagner sur la planète. la longueur. Le peintre a l'air à ce moment-là être vraiment en itinérance, c'est-à-dire qu'il va naviguer d'atelier en atelier en fonction des besoins. Et typiquement, je crois que c'est un mec qui s'appelait Nicolas Damien ou Nicolas Divre, parce que du coup, à chaque fois, ils ont plusieurs noms. Et du coup, on retrouve son travail aussi bien pour de la tapisserie vraiment classique, en haute lisse, que pour du vitrail en chambre en pagne, qu'il me semblait que c'était pour du textile, mais cette fois-ci en Provence. Et donc, du coup, ça veut bien dire... que ce personnage, même au Moyen-Âge, on a toujours une manière d'imaginer que le Moyen-Âge serait un peu obscur comme ça. Et au final, c'est quand même des métiers qui vont naviguer de chantier en chantier. Et c'est aussi hyper intéressant puisque, justement, contrairement à ces métiers qui ont des guildes ou des corporations hyper établies, ça veut dire aussi qu'il se dilue puisqu'il est au service d'autres métiers d'art.
- Speaker #1
Mais moi, la question que je me pose, c'est est-ce que quand tu es peintre ornemaniste, justement, tu parles du fait qu'il travaille à la fois dans le vitrail, dans le textile et tout ça. Est-ce que tu ne dois pas avoir une certaine notion de ces métiers d'art pour pouvoir produire les décors de ces métiers d'art ?
- Speaker #0
Alors, des notions, si. Je pense que c'est important d'être curieux, de poser les bonnes questions. C'est-à-dire qu'au moment où tu vas créer ton décor, il faut que tu aies en tête les contraintes techniques qui vont être liées à la matière sur laquelle ça va être exploité. Ça, c'est obligatoire. Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas besoin d'être expert dans la matière ou dans la manière de mettre en place un support. Et que si tu as bien discuté du projet en amont avec la personne qui, elle, est experte, ça doit normalement te suffire à toi proposer un décor qui soit logique, sensible. Parce que finalement, ce dont tu es le garant, c'est vraiment de l'histoire qu'on t'a demandé de raconter. Donc toi, tu vas apporter le sens général, le sens de la couleur, le travail de la forme et de la composition. Et ça, finalement, il n'y a pas forcément besoin d'être maître verrier ou maître, je ne sais pas, ornemaniste, mais cette fois-ci, sculpteur pierre. Pour le savoir, c'est vraiment juste des questions d'imaginer comment tu vas pouvoir travailler avec l'autre et donc poser les bonnes questions au bon moment du projet.
- Speaker #1
C'est marrant parce que finalement... Avant, ils travaillaient avec des métiers qui, aujourd'hui, en tout cas en France, n'en ont plus besoin. Si les vitraillistes, ils savent aussi bien faire leur carton que faire le vitrail.
- Speaker #0
Oui, c'est évident. Et à la fois, tu vois, par exemple, Petite, il y a quand même cette image hyper puissante. J'habitais Reims à l'époque et des vitraux de Chagall à l'église Saint-Jacques et sur la cathédrale. Et vraiment, d'avoir ce truc, une espèce d'émotion profonde. Et donc, Chagall n'est pas vitrailliste, c'est un peintre, mais qui est invité. Henri Matisse a aussi fait des vitraux. Enfin, je pense que... Effectivement, en tant que vitrailliste, tu n'as pas besoin forcément de quelqu'un d'autre, mais la collaboration, c'est quand même entre les différents artistes, artisans, et les deux combinés, c'est quand même toujours quelque chose qui est salvateur pour les deux parties.
- Speaker #1
C'est une excellente transition, si je ne me trompe pas, pour arriver sur la fin du XIXe siècle, où, de ce que j'ai compris, de ce que tu m'as raconté, en fait, le statut d'artiste peintre et le statut de peintre ornemaniste est beaucoup plus flou.
- Speaker #0
En fait, ce n'est pas tellement qu'il est plus flou, c'est-à-dire que fin Moyen-Âge, de toute façon, l'artiste et l'artisan, ils les mélangent. Il n'y a pas forcément de titre spécifique. La Renaissance va créer vraiment cette dichotomie entre un artiste qui serait vraiment les beaux-arts et l'artisan ou justement le peintre ornémaniste qui va être vraiment plutôt considéré comme un art mineur parce que décoratif. Et c'est quelque chose qui va rester longtemps, en tout cas, tous les écrits que j'ai pu trouver, jusqu'au XIXe siècle, où là, on a quand même des gens qui, justement, vont prendre le parti de la peinture décorative pour rechercher autre chose dans leur manière de pratiquer eux-mêmes leur peinture. Et donc... Ça va être le cas avec les impressionnistes qui vont énormément théoriser leur rôle dans la peinture décorative et qui justement se targuent de vouloir sortir de cette idée que la peinture décorative serait forcément un art mineur ou si bien si c'est une peinture de commande, une peinture moins intéressante ou moins flamboyante que si c'était un travail personnel. Et du coup, je trouve que c'est hyper intéressant puisque c'était déjà... Une vision moyenâgeuse, ça s'était séparé et à ce moment-là, ça se réunit. Et en plus, avec des gens qu'on n'imagine pas forcément. Voilà, on les voit à Orsay, on les voit au Louvre, etc. Et donc, ce n'est pas forcément des gens où on va se dire Ah, mais ils ont commencé par là Et du coup, c'est assez marrant puisque moi, dans ma propre pratique, j'ai entendu beaucoup, en tout cas au départ, Ah, mais vous n'êtes pas vraiment peintre ou ce genre de petites phrases. Et c'est en faisant des recherches que je me suis rendu compte que Henri Matisse avait commencé justement en faisant des dessins pour le textile. Monet a fait des peintures décoratives pour des hôtels particuliers, Manet aussi. Et du coup, d'un seul coup, tu te dis, les gars, vous n'allez pas reprocher à Monet de ne pas être peintre. Après, évidemment, entre ma pratique et celle de Monet, il y a un monde, qu'on soit bien d'accord. Mais il y a quand même une manière de réhabiliter la peinture décorative comme étant une voix pour exprimer quelque chose et pour exprimer justement. tout ce qui m'intéresse moi en termes de sensibilité, d'émotion et d'histoire à raconter.
- Speaker #1
Enfin finalement, c'est un sujet qu'on a abordé avec Pauline Loctin, mais à un moment, il faut que tu vives et que tu manges. Tu ne vends pas des tableaux tous les quatre matins. Il faut peut-être que tu trouves des solutions pour que tes connaissances en peinture soient plus diluées, on va dire, dans le quotidien et ne soient pas des œuvres d'art, mais soient achetables par une entreprise. C'est une des solutions. Oui,
- Speaker #0
enfin moi, plus je grandis dans mon métier, et plus je me dis que déjà, même là, je ne suis pas tout à fait... Alors que ce ne soit pas une pièce unique, c'est une chose. Que ce ne soit pas une œuvre d'un seul coup, je ne suis plus si sûre. Et aussi, je pense que des fois, on a besoin de se reposer d'une... Première pratique dans une autre pratique finalement, et de se dire, voilà, là, à un moment, j'ai fait un énorme travail sur la couleur, mais j'ai besoin de laisser un peu décanter. Finalement, faire un travail de commande qui va permettre de mettre à profit une partie des choses que j'aurais commencé à développer, c'est aussi trouver d'autres voies d'utilisation. Et ça veut dire aussi que sur un travail plus personnel derrière, j'aurai cette expérience-là supplémentaire pour avancer dans ce fameux travail que j'aurais amorcé, par exemple, sur la couleur. Donc je trouve que c'est aussi des liens qu'on met tout le temps en opposition, alors que pour moi, ce sont des travaux qui peuvent se nourrir l'un l'autre et qui sont hyper enrichissants au final, à la fois pour le travail vraiment de pièces uniques et à la fois pour le travail plus industriel. Moi, l'intention que j'y mets, c'est toujours la même. Je ne me dis pas, oh là là, c'est pour une entreprise, je vais faire moins bien. Ça n'arrive jamais. L'intention, c'est la même. Je travaille avec la même rigueur, avec la même volonté. Et après, il y a des manières d'imaginer le projet différemment en fonction pour qui on le fait.
- Speaker #1
Tu as commencé ta phrase en sous-entendant que c'était des pièces uniques.
- Speaker #0
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que quand je peins un décor justement pour une maison comme Fray ou Casamance, c'est forcément une pièce unique. En tout cas, moi, la manière dont je peins le carton. Qu'après, eux le reproduisent, c'est encore une autre question. Mais en tout cas, au départ, le travail que je fais pour eux à cet instant, c'est bien une pièce. qui n'existera qu'une fois. Et justement, on en a parlé plus tôt en préparant l'émission, mais on ne retrouverait pas un élément d'un décor dans un autre décor. C'est vraiment à chaque fois un objet qui n'existe que pour lui-même.
- Speaker #1
À la différence que j'avais parlé avec un ami qui travaille chez le photographe JR, et il m'avait dit que JR, il a des photos qu'il va tirer peut-être en un exemplaire, et des photos... qui décide de faire plus grand public ou qui va tirer en 200-300 exemplaires et forcément beaucoup moins cher. Du coup, ma question, c'était, quand eux, ils vendent un papy-pain, on est d'accord qu'il n'est pas numéroté ? Bien sûr. Donc ouais, la frontière, finalement... de quand la reproduction reste une œuvre d'art ou pas, je m'étais posé la question de savoir pourquoi il y a certaines œuvres qui sont considérées comme commerciales et certaines œuvres qui sont considérées comme œuvres d'art. Et d'ailleurs, c'est très drôle parce qu'en ce moment, il y a une exposition sur Brancusi au musée Pompidou. Et j'ai appris que Brancusi, qui est un peu l'inventeur de la sculpture moderne, il a eu un procès avec les États-Unis parce qu'il a un ami à qui il a offert ou vendu une pièce. Et en fait quand cet ami est revenu aux États-Unis, du coup il avait les frais de douane de l'œuvre d'art.
- Speaker #0
Du coup je connais l'histoire.
- Speaker #1
Et en fait les États-Unis ont dit bah non c'est une œuvre industrielle donc vous payez plus de douane. Et du coup ils étaient là bah non c'est une œuvre d'art. Donc enfin tout ça pour dire que...
- Speaker #0
Et que ça a fait jurisprudence.
- Speaker #1
Et que ça a fait jurisprudence ouais. Et tout ça pour dire qu'en fait, enfin vraiment moi je trouve que la définition de l'œuvre d'art, on m'a dit à partir du moment où elle est numérotée.
- Speaker #0
Ouais, c'est pas complètement faux, c'est juste qu'en tout cas, moi je fais la précision au départ quand je me mets un peu dans ma bulle et que je parle que de mon métier, parce que quand je peins, notamment des choses à l'atelier, au départ déjà je sais pas si ça sera vendu, donc la reproductibilité ne rentre pas en jeu à ce moment-là. Et une fois qu'elle est vendue, il peut encore lui arriver plein de vies différentes, c'est-à-dire qu'en fonction de à qui elle sera vendue, si c'est l'original que je vends, si c'est sa version numérique, enfin... C'est pour ça que je dis bien qu'à ce moment-là, par contre, il y a un tournant dans la manière d'imaginer le travail que je fais. Du coup, justement, de le placer ou non en termes d'œuvres d'art. Mais je trouve que c'est des questions qui sont hyper floues, justement, comme tu le disais, et hyper intéressantes aussi. Parce que si demain, on retrouve un carton de tapisserie, justement, de tissage de Joseph et Annie Albers, et qu'on l'expose, par exemple à Pompidou, puisque ce sera à priori là qu'il sera personne, n'ira justement renier leur qualité d'œuvre pour ce qu'elles sont. Aussi parce que du coup, il y a vraiment la manière d'imaginer cette pièce comme faisant partie d'un tout et du travail d'un artiste. Et du coup, mon travail à moi, il n'est pas forcément exposé, etc. Mais disons que je m'allège de ces idées reçues sur le fait que ça ne serait pas exposable ou pas des vraies œuvres ou pas une vraie peinture pour ne pas me recroqueviller comme ça un peu toute seule dans mon atelier en me disant mais ça ne marchera jamais. Mais plutôt pour me dire ok, en soi... potentiellement c'est possible et après c'est aussi des histoires de rencontres etc et c'est pour ça que je dis bien qu'il y a un gap et quand je le vends pour qu'il soit produit en grande quantité on n'est plus du tout sur le même niveau mais en tout cas l'intensité que je mets au départ dans la peinture elle a bien la même valeur qu'elle soit sur un tableau ou sur un carton c'est très intéressant enfin bon de toute façon cette frontière est toujours un débat intéressant j'aime bien parce que c'est flou c'est intéressant, mais plus tu creuses et plus tu as des éléments pour, des éléments contre, et à quasiment 50-50, et je trouve que c'est hyper riche de juste savoir finalement ce que tu prends dedans pour toi, de ce que tu laisses, mais en conscience, sans se dire, ah là là, je ne sais pas ce que je vais faire. Oui, c'est ça,
- Speaker #1
c'est peut-être se sortir d'une définition et dire, moi, comment je le ressens et si j'ai envie, on en parlera peut-être du coup dans l'épisode 2, mais si tu as envie de le vivre comme... artistique et du coup tu vas t'inscrire à la maison des artistes pour Kino, d'autant plus que comme tu le disais, ton métier n'est pas référencé dans les 281 métiers de l'Institut National des Métiers d'Art qui s'appelle maintenant l'Institut des Savoir-Faire Français donc t'as encore plus de légitimité à aller...
- Speaker #0
Et d'autant que par contre ça fait partie, je suis artiste-auteur ça fait partie des métiers qui sont par contre référencés en artiste-auteur, donc justement ces métiers, moi je les trouve passionnants parce que justement ils sont à la lisière comme ça de plusieurs mondes et là où plus jeune j'aurais eu beaucoup de difficultés en me disant oh là là mais je suis pas ça ou pas ça non plus bah là je me dis bah en fait c'est super j'ai un pied d'un côté,
- Speaker #1
un pied de l'autre et en fonction des projets je vais appuyer plus à droite plus à gauche encore une fois c'est une très bonne transition je trouve sur la troisième anecdote où tu me racontais qu'il y a un lien historique entre la peinture ornementale et la politique est-ce que tu peux nous en dire ? plus.
- Speaker #0
Ouais. En fait, c'est parce que moi, j'adore le travail, mais je pense comme plein de gens de William Morris, qui est connu, surtout en France, pour ses papiers peints de style arts and crafts, mais qui a aussi énormément théorisé, justement, ses rapports entre artistes, artisans, sur une vision plutôt anglaise du terme. Et donc, du coup, qui est quand même très différente. On ne vit pas les choses exactement de la même manière en France et en Angleterre. Et moi, c'est des écrits qui m'ont passionnée puisque William Morris, il est peintre. illustrateur, mais à la fin de sa vie, il a étudié la typographie, il a monté des usines, ça a été un homme politique aussi accompli, qui a milité sur l'équivalent du Parti Socialiste en Angleterre, mais en plus sur fin 1800, donc c'est pas exactement le même Parti Socialiste non plus que maintenant. Et c'est quelqu'un qui va s'engager énormément sur le fait d'imaginer que si un objet est beau, il sera beau pour la personne qui va l'acheter, mais il va être beau aussi pour l'artisan qui va le créer, et donc du coup il aura du sens. Et donc finalement qui va mettre en relation le travail de commande, le travail de l'artisan ou de l'ouvrier si on est en usine, et le travail artistique plus généralement. Je me suis dit, c'est hyper intéressant parce que je le lis maintenant alors que je crois que le livre que j'ai doit être daté de 1883. Et ça faisait une résonance hyper intense. Et en même temps, lui, toutes les références qu'il va trouver, il va les trouver justement sur le Moyen-Âge tardif, sur la Renaissance. Et donc, du coup, sur des thèmes qu'on a abordés plus tôt dans l'épisode ensemble. Et il retrace cette manière d'être politique en créant de la peinture ornementale, puisque c'est quand même quasiment systématiquement une peinture de commande. Ça va être une peinture de commande soit... pour des propriétaires qui ont des maisons, soit pour des manufactures parce qu'ils ont des objets à produire. Donc il y a toujours comme ça une manière de s'intégrer finalement dans un discours qui est plus global. Et moi, je trouve que c'est vraiment aussi la richesse de ce métier, puisque encore maintenant, à la fois, justement, on va imaginer du papier peint que c'est quand même un objet hyper populaire. Tout le monde a du papier peint chez soi. Et en même temps, la manière dont moi je travaille, c'est quand même pour des entreprises du luxe. Et donc ça pose à chaque fois comme ça des questions de à quel moment on fait un travail pour tous, sous quelle forme on le distribue, etc. Et je trouve que j'aurais du mal à imaginer ma peinture si elle ne s'intégrait pas dans une démarche plus globale, alors que je sais bien qu'en travaillant avec certains architectes plutôt qu'avec d'autres, etc., ça va dire quelque chose aussi de notre société contemporaine.
- Speaker #1
Très très intéressant. Et c'est vrai qu'on en parlait, on en a parlé la première fois qu'on s'est rencontrés, mais finalement... Tu pourrais faire des papiers peints pour une entreprise comme Laurent Merlin. Par rapport à ce que tu fais, en fait, c'est clairement pas aussi quali,
- Speaker #0
quoi. Et encore une fois, je pense que de mon côté, ça ne changerait pas énormément. C'est-à-dire que le procès, chez moi, il est rodé. Enfin, il est rodé. À chaque fois, il est toujours un petit peu différent quand même, sinon ce serait un peu triste. Mais en tout cas, il y a quand même toujours une manière d'imaginer une histoire, de venir raconter quelque chose par la manière dont je vais peindre après les différents éléments qui vont composer mon décor. Et en même temps, j'ai déjà vraiment toute jeune entrepreneur, j'avais travaillé avec Laurent Merlin, On était à des problématiques qui pour moi me dépassaient, du type des problématiques marketing ou de communication où on me disait non non mais ça ça marchera pas, c'est-à-dire qu'on laissait pas non plus beaucoup de place pour une proposition qui serait complète parce qu'on a besoin de s'intégrer dans une démarche de collection, qu'on a besoin de sortir vite les éléments, qu'on n'a pas envie d'acheter un décor sur lequel il y aura eu 20 jours de travail. Et donc du coup finalement c'est plutôt ces problématiques-là de commandes qui posent problème pour moi si jamais je devais travailler avec ces sociétés plutôt qu'un problème d'intention. puisque je ne pense pas que le beau soit réservé finalement à une seule partie d'une classe sociale, mais plutôt que c'est une manière d'imaginer finalement comment on vit dans un espace, etc. Et que de toute façon, le beau est éminemment culturel, et ce qui est beau pour moi ne sera pas forcément pour mon voisin. Donc c'est plutôt une histoire de dire à qui je vais raconter une histoire, qu'il va entendre, qu'il va comprendre, qu'il va apprécier, et qu'il aura envie de repartager lui-même.
- Speaker #1
C'est très très intéressant. Bon, et bien écoute, merci beaucoup Lucille. Merci beaucoup Merci pour cette première partie sur l'histoire des peintres ornemanistes et puis je te dis à très vite avec un nouvel épisode Merci,
- Speaker #0
à bientôt
- Speaker #1
Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce premier épisode sur l'histoire avec Lucille Boitelle, peintre ornomaniste, vous aura plu. Dans le prochain épisode, Lucille nous parlera de son parcours, sa rencontre avec son métier et sa façon très moderne de le réaliser. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoiremartisan.com. A bientôt avec une nouvelle histoire !