50 - Laurie Archambault, relieure et marbreuse cover
50 - Laurie Archambault, relieure et marbreuse cover
Histoires d'Artisans

50 - Laurie Archambault, relieure et marbreuse

50 - Laurie Archambault, relieure et marbreuse

42min |16/05/2024
Play
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Histoires d'Artisans

50 - Laurie Archambault, relieure et marbreuse

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42min |16/05/2024
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Description

Dans ce deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie&LesPetitesMains, relieure et créatrice de papier marbré. Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d’eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport à ses deux métiers et nous montrons qu’il n’y a pas une seule façon de vivre son métier d’art. 


Avec Laurie nous vous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c’est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant cinq ans, je voulais vous remercier davantage. Aussi, à la fin de cet épisode, vous aurez une astuce pour doubler vos chances de gagner !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Laurie Archambault - Laurie & Les Petites Mains

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Pour en savoir plus sur L’Outil en Main : https://www.loutilenmain.fr/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan, je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie et les petites mains, relieur et créatrice de papier marbré. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du papier marbré. Dans celui-ci, Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d'eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport avec ses deux métiers et nous montrons qu'il n'y a pas qu'une seule façon de vivre son métier d'art. Cet épisode est le cinquantième du podcast. Je voulais en profiter pour vous remercier de nous être fidèles. C'est une source de motivation constante de voir l'impact que le podcast peut avoir sur vous. Je ne m'éternise pas plus, mais sachez qu'en fin d'épisode, je vous parlerai d'une belle surprise. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Laurie, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Laurie, tu es relieur et créatrice de Papier Marbré. Est-ce que tu peux nous raconter, peut-être, alors, tu as des métiers, je crois que je peux dire, la rencontre avec tes métiers ? Et pas la rencontre avec un métier puis l'autre, parce que je crois que c'est assez simultané.

  • Speaker #0

    Oui, tout est un peu lié, c'est le cas de le dire. Donc effectivement, je vais rencontrer mon métier parce que je m'engage dans une filière en art appliqué très tôt dans mon parcours, très jeune, dès le lycée. J'ai la chance à l'époque de rentrer à l'école Estienne dès le lycée, puisque cette formation est proposée encore à l'époque. Et en fait, en classe de seconde, dès la classe de seconde, on a des petits modules proposés tous les mercredis après-midi en rapport avec les études supérieures qu'on pourra faire plus tard. Donc, si on s'engage dans une voie qui concerne les formations proposées, on peut le savoir assez tôt, dès la seconde. Et c'est l'atelier de relure qui sera vraiment le coup de cœur. Le lieu, les machines qui vont avec, l'odeur, les matériaux. Évidemment, l'enseignante qui est là, Odile Doué, une femme passionnée et passionnante, qui a fait intervenir Marianne Peters. Donc, Marianne Peters, en fait, elle est marbreur. Historiquement, elle est plutôt autodidacte, même si elle a collaboré, elle a travaillé avec Michel Duval, elle a travaillé avec d'autres personnes, Claude Delpierre, Marie-Ange Douazy. Elle appartient vraiment à cette lignée de personnes reliées à la relure, dans le monde du papier, dans le monde des métiers de l'imprimerie et de la relure. Et donc finalement, elle intervient grâce à Odile Doué pour un workshop. de papier marbré. Donc ça signifie qu'avant même de commencer à faire de la relure, même si on avait commencé un petit peu de prototypage, de couture avec Odile, il y a eu vraiment cette découverte du travail à la surface de l'eau, des couleurs. Alors il n'y avait pas forcément l'approche, parce que ce sont des ateliers très courts, de fabriquer le pigment, etc. Il n'y avait pas forcément toute cette histoire. Ça m'a juste donné envie, finalement, ça m'a donné l'élan de me dire, cette technique existe, c'est hyper intéressant, il y a un truc à creuser. Et ce qui va me servir de passerelle, puisque je comprends bien à l'époque et encore aujourd'hui, il n'y a pas d'enseignement de la marbrure. Donc je comprends qu'il va falloir que je trouve une passerelle et un métier vraiment reconnu en France qui me permettrait d'arriver à la marbrure peut-être plus tard, comme l'a fait Marianne et comme l'ont fait d'autres avant. Donc je vais me pencher sur cette formation en relure à l'école estienne. Et ça a été vraiment très très riche, puisque du coup, il y a eu ces trois années. On a rappliqué plus les deux années en études supérieures à l'atelier de relure, avec plein de techniques, plein de connaissances, toute l'histoire qui va avec. Et après, comment se créer son propre environnement et sa propre démarche, soi-même, sortie de ces études-là.

  • Speaker #2

    Donc en fait, tu voulais d'abord être créatrice de papier marbré, on dit marbreuse. On dit marbreur comme on dit relieur.

  • Speaker #0

    On dit marbreur comme on dit relieur. C'est pour ça que moi, j'utilise le terme de créatrice de papier marbré. Ça permet de féminiser. Il y en a qui disent relieuse, marbreuse. Il n'y a pas de souci. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Contrairement à la relieuse qui est un outil, la marbreuse n'est pas un outil.

  • Speaker #0

    Non, la marbreuse n'est pas un outil. On peut dire marbreuse.

  • Speaker #2

    Si je comprends bien, tu voulais être créatrice de papier marbré avant d'être relieuse.

  • Speaker #0

    Relieur ? C'est un bien grand mot, parce qu'en fait, juste gros coup de cœur pour la technique, et je me dis, il va y avoir un truc à l'avenir qui va forcément revenir à ça. Enfin, c'était évident que je n'allais pas lâcher cette technique, et que j'allais me poser plein de questions, me renseigner, lire des livres, m'y intéresser. Et c'est ce qui s'est passé, c'est-à-dire que pendant un laps de temps de quelques années, le temps que je me lance, donc tout le lycée, plus mes études supérieures, on va dire, allez, cinq ans. J'ai fait des stages, j'ai lu plein de livres sur le sujet et j'avoue que je me suis lancée très tôt en tant que relieur. J'ai créé mon atelier en 2011 à peine. Sortie diplômée, parce que j'avais mes premiers clients et mes premières commandes, donc j'ai pas tardé. J'ai sauté sur le tremplin tant qu'il était là, quoi. Et je me suis dit, c'est une technique qui demande de la pratique, donc plutôt je m'y mets, plutôt j'aurai de la pratique, et plutôt je me sentirai légitime. Même si parfois, il y en a qui pensent devoir être légitimes avant de se lancer, moi, je me suis lancée d'un coup d'un seul. Et pendant quelques années, je me suis fournie en papier marbré, puisque en relure, on utilise du papier marbré. Donc voilà, il y a des marbreurs qui sont assez connus, donc Marianne Peter et d'autres chez qui je vais acheter mes papiers. Et c'est comme ça que je suis arrivée à rencontrer Baris. Au bout de quelques années, je me suis aperçue qu'il y avait un marbreur à Paris. Déjà, c'est rare.

  • Speaker #2

    Donc Baris Bekul, qui est turc, qui connaît la technique. Ancestral, qui a été formé par un maître.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En Turquie. Oui.

  • Speaker #2

    Et du coup, qui est venu en France et que tu as rencontré à Paris.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, il commercialisait son papier. Il débutait à Paris, même s'il avait pratiqué et était formé en Turquie. Et donc, il avait des papiers bien spécifiques, avec des couleurs qu'on ne voyait pas partout, des motifs cailloutés, une très belle richesse de motifs un peu différents des peignes italiens qu'on trouve souvent en relure. Donc moi, ça va attirer ma curiosité. Je vais au départ pas tellement oser aller à sa rencontre, mais plutôt acheter ses papiers là où ils sont vendus. Au fil du temps, je vais apprendre à faire connaître. Je vais oser le contacter et donc je vais pouvoir acheter son papier en direct. Donc ça, c'est pour la partie la plus récente parce que j'ai vraiment été très timide et j'avançais vraiment pas à pas sur la pointe des pieds au fur et à mesure de mon parcours artistique et professionnel. Mais grâce à cette rencontre, je me suis aperçue qu'il créait ses couleurs sur mesure. Donc on en est venu à parler technique et c'est un peu comme ça que j'ai mis le doigt dans l'engrenage de manière plus sérieuse, plus pro. Et que lui, il y a eu aussi une opportunité. parce qu'il cherchait à travailler avec quelqu'un. Donc cette transmission, elle s'est faite par le biais de la relure. avec une certaine curiosité. Et puis, le fait que j'ai déjà eu un certain nombre de connaissances sur les motifs, sur l'histoire, lui ne voulait pas forcément, entre guillemets, perdre de temps là-dessus. Il était plus intéressé sur la partie technique. Et donc, ça nous a permis de vraiment développer cette partie-là. Comment créer tel motif ? Quels sont les gestes ? Qu'est-ce qu'il faut faire, ne pas faire, etc. Donc là, c'est vraiment de la technique pure, de manière répétée. Faire des erreurs, se tromper, recommencer jusqu'à réussir. Et donc, c'est très, très technique. En fait, cette technique... On peut être dans la contemplation au premier abord, mais en fait, pour arriver à un beau papier, il y a énormément de travail en amont. Donc c'est passionnant. Et ça, ça m'a énormément plu de voir cette rigueur, cette précision du pinceau en passant par l'encre et en arrivant à la surface de l'eau. Même la texture de l'eau, il y a différentes recettes pour épaissir l'eau. C'est tellement immense, c'est un monde infini où tout est possible. On peut tout créer sur cette queue.

  • Speaker #2

    C'est vrai que de prime abord, on n'a pas l'impression que ça nécessite... Tant de techniques que ça. En fait, c'est ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est que tout a un sens, alors qu'on dirait que juste, vous avez déposé trois gouttes de colorant et fait des pirouettes, et puis voilà quoi, alors que pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant dans cette pratique, c'est que justement, parce que c'est inclusif et que ça paraît simple, ça m'apporte un public. Aujourd'hui, la marbre, on pourrait se dire, mais comment ce domaine peut-il fonctionner ? Comment peut-on avoir un public ? Mais justement, parce que ça paraît simple. Si ça paraissait compliqué, les gens ne se sentiraient pas d'essayer quoi que ce soit, de s'interroger. Et la simplicité, la beauté de cette simplicité, c'est ce qui crée l'approche et la connexion entre le monde extérieur, si on peut dire ça comme ça, et mon domaine.

  • Speaker #2

    Tu as parlé de ta formation, tu as parlé de ce que tu as fait à la fin de ta formation. Est-ce que tu peux nous expliquer ta relation avec tes métiers aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, aujourd'hui, la relure, la marbrure, ça va se définir comme étant des activités qui interpellent. Donc moi, j'ouvre mon atelier de relure et de marbrure il y a deux ans, dans le 13e arrondissement, dans un quartier où il y a beaucoup d'habitations, d'écoles, des enfants, et je m'adapte à mon milieu. C'est un lieu que je ne connaissais pas avant ces deux ans où je me suis installée. Et donc là, au moment présent, c'est plutôt dans une démarche de rendre accessible, de transmettre, de promouvoir, de faire vivre cet art avec les gens du quartier, avec ce quartier, avec des gens venus d'ailleurs. C'est vrai que parfois, ça arrive qu'il y ait des gens qui viennent aussi de loin parce qu'on n'est pas beaucoup à faire relure et marbrure. On est encore moins à faire de la marbrure. La relure, c'est quelque chose d'un tout petit peu plus courant, mais quand même, il y a encore des personnes qui toquent à ma porte et qui me demandent, excusez-moi, mais la relure, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous faites exactement ? Donc en général, ce que je réponds, c'est que je peux autant faire un petit carnet relié, donc quelque chose qui toucherait au domaine de la papeterie, fait main. Ça peut passer par la relure traditionnelle, si un livre est ce qu'on appelle brochet, un livre poche, qu'il faut relier au format rigide, avec des couvertures. Que ce soit du cuir, du papier marbré, de la toile, tout est possible. Ça peut toucher un petit peu à la restauration quand le livre est un peu plus ancien, abîmé, et qu'il faut consolider le papier, voire même combler les lacunes. Quand le livre a déjà été relié et qu'il est tellement tout abîmé qu'il faut complètement le recoudre, donc là, gros travail, parce que souvent il faut remettre le papier à plat, il ne peut pas garder sa forme initiale, donc il y a tout un travail de remise à zéro en préservant quand même le mieux possible les matériaux d'origine. Et puis après, il y a la relure de création, où là, c'est plus des livres rares, des livres de bibliophilie, je sais pas, moi par exemple, avec des illustrations originales, ou même ce qui pourrait toucher un petit peu aux livres d'artistes, et où là, il faut apporter un décor complètement nouveau, on n'est pas dans un code de il faut faire une relure avec des coins, avec un dos en cuir, etc. On crée un décor avec des matériaux, on fait des propositions, voilà, c'est considéré comme une œuvre. Donc là, c'est encore autre chose. Et en marbrure, c'est pareil, c'est très Ça peut être un papier marbré de création, ça peut être un papier marbré qui reproduit un papier marbré d'époque, ancien, où il faut que je restitue les couleurs d'origine, le motif, etc. Donc ça peut être des papiers marbrés que je fais pour des ateliers de relure, donc des restaurateurs. Ça peut être des papiers qui vont servir à des graphistes. Pour la création textile, création de packaging, enfin vraiment la marbrure c'est pareil, c'est aussi diversifié que la relure mais peut-être que c'est plus inclusif. que la relure. Peut-être que les papiers marbrés sont des supports qu'on peut utiliser pour tellement plein de choses. On peut se faire un éventail, un abat-jour de l'origami. Le support papier, c'est un support d'expression. Il y a le fait de créer le papier et ce qu'on en fait derrière. Donc en soi, ça englobe énormément de choses. J'ai une petite routine dans la mise en œuvre, dans la façon dont je travaille, mais les journées ne se ressemblent pas. Les demandes sont très variées, très différentes. Les rencontres aussi, c'est riche.

  • Speaker #2

    J'allais te demander, parce que là on est dans ton atelier, justement il n'y a pas que du livre. Tu as aussi fait des pots à crayons, je vois que tu as fait des mobiles. Je sais quand on s'est rencontrés, là je vois des boucles d'oreilles, des colliers. Tu dis que les gens ne savent pas trop ce que c'est que le métier de relieur, mais initialement j'avais plutôt tendance à penser que vous ne travaillez que sur des livres. Mais en fait, c'est un peu plus large que ça.

  • Speaker #0

    Je dirais que ça dépend du relieur et ça dépend de ce qu'on privilégie dans son travail. Et ça, c'est propre à chacun. Mais c'est vrai que moi, j'ai plus un esprit libre d'artiste et un esprit créateur qu'un esprit d'artisan. Donc je suis plus proche de l'artisanat d'art ou de l'art que de l'artisanat tout court, dans le sens où je ne me mets aucune frontière, aucune barrière. Et c'est vrai qu'il y a des boucles d'oreilles en papier japonais, en papier marbré, en papier uni. Les boucles d'oreilles, par exemple, le pliage, C'est ce par quoi j'ai commencé. J'ai commencé à faire des bijoux, j'avais même pas lancé mon entreprise. Et les personnes qui m'ont donné, qui m'ont insufflé ça, c'est des personnes qui ont une très forte influence. Et dans un parcours, quand on est jeune, c'est hyper important. C'est Odile Doué, qui était mon enseignante en relure, qui m'a dit Elles sont géniales ces boucles d'oreilles, le volume est important, mais c'est léger. Et c'est vrai que le matériau papier, il a des propriétés techniques que n'ont pas les autres matériaux. Et les relieurs en général ? Quand ils se forment, ils se spécialisent en fait. Ensuite, quand ils se lancent, quand ils se forment et quand ils se professionnalisent, ils décident du matériau qui les définiront. Souvent, il y a un peu ce truc-là. Il y a un peu le relieur qui va utiliser tel type de cuir ou celui spécialisé en parchemin. Parce qu'en fait, c'est tellement complet de savoir utiliser un matériau déjà. qualitative, que ça suffit à créer un secteur de métier dans la relure. Donc moi, si je devais donner un matériau, c'est le papier. Ça serait plutôt le papier. Maintenant, c'est vrai qu'au niveau du papier, ça part dans toutes les directions. Je ne fais pas que de la relure avec le papier, parce que le papier, il offre une liberté vers laquelle je vais, je fonce sans hésiter. Maintenant, peut-être qu'il y a des relieurs qui ne font que de la relure avec les papiers. Je pense que chacun fait comme il l'entend. On est complètement libre de choisir une direction.

  • Speaker #2

    C'est ça qui fait la richesse et c'est ça qui fait la complexité aussi pour le grand public de comprendre. C'est que moi, à un moment, je m'étais posé la question de savoir comment capitaliser sur mon carnet d'adresses d'artisans. Et je m'étais dit, pourquoi pas lancer une plateforme ? Et en fait, lancer une plateforme de mise en relation, ça nécessite de mettre les gens dans des cases. Et ma réflexion ? À force de rencontrer des artisans, c'est qu'on ne peut pas vous mettre dans des cases. Deux relieurs vont avoir complètement des connaissances différentes. Et d'ailleurs, avec Histoire d'artisan, j'ai lancé un répertoire des artisans qui n'est qu'en fait juste... Un Google Forms dans lequel je pose les questions de Quelle machine avez-vous ? Quelles sont vos techniques de prédilection ? Mais parce que je pense que celui qui parle le mieux, peut-être au grand public, c'est le métier de maroquinière. Et notamment, on en parle avec Robert Mercier dans l'épisode précédent-précédent. C'est certes, un artisan du cœur va travailler le cuir, mais il y a tellement de façons de travailler le cuir. Et une entreprise ou un particulier qui va dire Moi, j'ai tel projet, c'est du papier dont je vais aller chercher un relieur. Bah non, c'est pas comme ça que ça fonctionne. Et c'est pareil avec le métal, c'est pareil avec le verre. Quand je travaillais chez Jérémy Maxwell-Ventrebert, souffleur de verre, je me souviens très bien d'une fois, un appel à projet qu'on reçoit, où on nous dit, il faut faire un cube en verre. Bah, essayer de faire un cube en verre, en soufflage de verre, ça nécessite de développer tout un moule hyper complexe. C'est pas possible en fait. Et c'est la même chose, en l'occurrence, un verrier pourra faire un cube de verre, mais avec du verre à plat. Et là, pourra faire un cube en verre. Si vous demandez à Jérémy de faire une perle, il va vous dire, je sais pas faire, moi. Moi, je sais te faire un globe, mais je sais pas te faire une perle, parce qu'une perle, c'est un souffleur de verre au chalumeau, qui travaille sur des toutes petites surfaces. Et c'est pour ça qu'elle est là, la richesse, mais elle est aussi là, la complexité pour le grand public, et même... Pour les donneurs d'ordre, je sais pas, typiquement, tu me parlais de ton atelier avec la nana qui voulait faire son papier peint. Bah en fait, toi, ton métier, c'est pas de faire des papiers peints, parce qu'en l'occurrence, est-ce que ton papier, il va se terminer pour pouvoir bien commencer de l'autre côté ? Non, il va y avoir une cassure, donc ça sera pas forcément très joli. Et il y a des gens qui sont spécialisés dans la production de papier peint. Enfin bref, voilà. Moi, quand je te pose la question de savoir ce que t'en fais, c'est pas ce qu'en font les relieurs, mais c'est toi. Comment tu vis ton métier ? Parce qu'il y a des tas de façons de vivre son propre métier.

  • Speaker #0

    Pour autant, ce qui m'arrange sur l'anecdote du papier peint, c'est qu'il y a aussi des éditeurs de papier peint qui, eux, sont capables. Ils ont les manufactures, ils sont éditeurs de papier peint, vont demander des motifs. Ça, c'est un peu plus cohérent. Donc oui, sur la diversité des possibilités, c'est plus au niveau du motif où je peux avoir quelque chose à apporter, par exemple.

  • Speaker #2

    Oui, ce que tu veux dire, c'est que t'en es capable. C'est juste qu'il faut certaines contraintes, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense qu'il faut faire ça tous les jours pour répondre au carnet de commandes. C'est vrai que quelqu'un qui vient s'initier en espace de 1h30, surtout que ce sont des petits cours collectifs, on n'est pas nombreux, on est trois, mais on ne s'improvise pas forcément marbreur. La technique est inclusive, elle est assez facile d'accès, mais techniquement, pour arriver à un joli motif qui se répète, et là, c'était un peu ça l'esprit, il faut quand même un minimum de pratique. Donc voilà, l'idée, c'est de pouvoir tenter des choses, mais il ne faut pas... Ça va arriver avec certaines exigences quand on vient s'initier.

  • Speaker #2

    Eh bien, ça fait une très bonne transition sur la prochaine question qui est est-ce que tu aurais une anecdote à nous raconter ?

  • Speaker #0

    J'en ai tout plein, mais je pense que je vais peut-être aller au plus récent, en lien avec la marbrure. En visitant l'atelier tout à l'heure, on parlait de ma nouvelle cuve, la cuve un petit peu plus récente, que j'ai nommée la cuve 2.0. Donc en fait, il faut savoir qu'une cuve, en général, c'est un support en métal qu'on vient remplir, qu'on vide entièrement manuellement. Et au bout de quelques années de pratique, je me suis lancée là, dans une cuve, avec un écoulement d'eau, une évacuation d'eau. Évidemment, comme l'eau doit rester dans la cuve, cette évacuation d'eau est elle-même raccordée à quelque chose qui permet de garder l'eau, donc un robinet, on va dire. et on remplit la cuve et on peut la nettoyer. Donc c'est un peu comme une vasque, en quelque sorte, mais à la forme d'une cuve. Et ça a été une sacrée mission, c'est-à-dire qu'en gros, je suis partie d'éléments récupérés, même pour habiller la cuve, donc des morceaux de bois que j'ai sciés pour rendre joli le fait qu'elle soit posée là, qu'elle se confonde dans son milieu, c'est-à-dire qu'elle est posée sur du mobilier en bois, donc je l'ai recouverte de bois. Donc c'est peut-être la dernière anecdote concernant l'atelier.

  • Speaker #2

    Et donc, tu as fait un circuit fermé ?

  • Speaker #0

    Voilà, j'ai fait un circuit. On peut remplir par un bout avec une petite douchette, avec différents types de jets pour nettoyer, pour remplir. Donc, voilà. Et après, il y a une évacuation avec un système de levier pour garder l'eau dedans, puisque le but, c'est que je fasse mon papier. Ce n'est pas juste d'avoir une évacuation comme on aurait une vasque. Et un bouchon n'aurait pas suffi, malheureusement, puisqu'il faut que ce soit parfaitement hermétique. Donc, on ne peut pas avoir les systèmes qu'on a sur un évier. standard. J'ai vraiment étudié la chose et j'ai fabriqué tout ça toute seule. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Trop bien. Moi, je pensais que tu allais me raconter ça pour la question sur la recherche et l'innovation.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça aurait pu.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu as un projet de recherche ou d'innovation dont tu pourrais nous parler ?

  • Speaker #0

    Oui, ça peut toucher à l'innovation. Je ne sais pas si c'est un projet qui verra le jour. Mais c'est un gros, gros projet. En fait, j'ai accueilli récemment sur un atelier un monsieur qui s'occupe des référentiels, donc à savoir les domaines d'enseignement. Comme je le disais dans l'épisode 1 et celui-ci, il n'y a pas d'enseignement en marbrure. Et un des gros projets, quelque chose que j'ai dans un coin de la tête, c'est de transmettre cette maîtrise, cette fabrication des pinceaux traditionnels, la fabrication des pigments. En fait, il faut savoir qu'il y a très peu d'ouvrages, il y a très peu de choses écrites. Sur ces traditions, il y a vraiment quelques livres qui sont d'ailleurs plus réimprimés, plus édités, très compliqués à avoir chez soi. Et donc ce savoir qui normalement se transmet à l'oral. Il faut à un moment donné qu'en France, on accepte de le mettre par écrit, qu'il y ait un référentiel autour de cette pratique, la marbrure. Je pense que ça peut englober pas seulement la marbrure hébro-traditionnelle, ça peut aussi englober ce que je racontais sur l'histoire des sominagashi. Je pense que le mot marbrure peut être un thème, un métier, dans lequel on peut se spécialiser en marbrure sominagashi, en marbrure hébro-traditionnelle ottomane, en marbrure italienne. Mais en tout cas, pour que ce soit le cas et pour qu'on ne perde pas ces recettes, ces techniques et cette richesse, il faut la transmettre. Il n'y a pas de contrat d'apprentissage. Tout est informel dans le métier et le projet d'innovation, ce serait de créer une mention complémentaire, par exemple, une formation en un an accessible dans le public, ou autre chose, mais en tout cas, quelque chose qui touche à la formation, transmission de ces pratiques qu'il faut absolument inscrire dans notre culture. On peut dire aujourd'hui, dès lors qu'un artisan s'installe en France, ça fait partie de notre culture, il faut le soutenir. Et il faut accompagner les personnes.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a des métiers comme ça qui se perdent malheureusement et qui font partie de notre patrimoine. Et que demain, on va se demander, ah, ils faisaient comment ? Et en fait, on va reperdre du temps à rechercher des techniques juste parce qu'on ne les a pas transmises. Et c'est marrant parce que notre discussion qu'on avait juste avant, avant d'enregistrer, elle est le témoin aussi de je ne te transmets pas, pas forcément parce que je ne veux pas et que je suis une personne aigrie et que c'est mon savoir-faire. Mais plus parce qu'en fait, transmettre, c'est du temps. Le temps. C'est de l'argent et si je transmets, je ne fais pas autre chose à côté et du coup je ne peux pas payer mon loyer, je ne peux pas me payer moi, je ne peux pas manger, je ne peux pas vivre. Et en fait, je trouve qu'il y a une réflexion plus globale de se dire, certes il y a des artisans qui ont des savoir-faire et qui peuvent transmettre, mais quelle est la raison pour laquelle ils ne le font pas ? Et potentiellement, c'est là où les fondations, les associations, en l'occurrence des fondations, il en existe la Fondation Banque Populaire, tu as la Fondation Réunis Cointreau, tu as la Fondation Mérimée, qui est une fondation spécialisée aussi dans le patrimoine. Est-ce qu'ils considèrent ça comme du patrimoine et que potentiellement, ils peuvent t'aider à financer ce genre de recherche et ce genre de production de contenu, en fait ? Parce qu'il y a aussi de ça.

  • Speaker #0

    En fait, je pense que le petit souci, c'est que c'est du ponctuel, dans le sens où ça peut être un financement pour... Je ne sais pas si ça serait produire un livre, par exemple, avec du contenu, auquel cas, malheureusement, ce n'est pas parce qu'on a un livre de recettes qu'on arrive à réaliser le contenu de cette recette. Donc ça, ça ne suffirait pas. Parfois, ça peut être mener à bien un binôme. Par exemple, je trouve quelqu'un de confiance et je décide de transmettre mon savoir à cette personne. Ça pourrait être soutenu. Moi, c'est vrai que ce que je recherche, c'est quelque chose d'un peu plus pérenne. Même si une mention complémentaire ne peut pas ouvrir parce qu'on n'a pas le nombre de candidats attendus, au moins elle existe, au moins il y a un référentiel. Ce que je me suis fait expliquer, c'est qu'il fallait qu'on soit minimum 10 personnes à pratiquer la marbrure pour ensemble se rassembler et voir qu'est-ce qu'il faut savoir faire, vraiment établir ce référentiel.

  • Speaker #1

    Les bases à connaître.

  • Speaker #0

    Voilà, et ensuite, les personnes qui sont ces professionnels pourraient potentiellement être... les enseignants pour ces formations. Après, aujourd'hui, ça appartient au privé, c'est-à-dire qu'à titre privé et sur le bon vouloir, c'est pas un CAP, il n'y a pas de certification en tant que tel, on peut se former. Moi, j'accueille des artistes, des personnes qui sont curieuses et qui ont envie de se mettre à la marbrure et qui vont pouvoir, à qui je vais expliquer comment fabriquer les pigments, etc. Mais c'est dans un cercle privé de personnes qui financent ces formations-là à titre personnel, et ça n'appartient Pas à l'enseignement public, et c'est ça que j'aimerais, c'est plutôt proposer quelque chose dans cet enseignement auquel j'ai eu droit en relure. Ça ne m'a pas empêchée aujourd'hui d'être marbreur, mais il faut dire que j'ai eu vraiment énormément de chance, comme par hasard, de faire un workshop avec Marianne Peter. Aujourd'hui, je fais des workshops à l'école Estienne, donc voilà, il y a des pages qui se tournent. Oui, des étudiants découvrent la marbreur dans la même école où j'ai découvert la marbreur, mais est-ce que ça suffit ? Pour être marbreur ? Non, puisqu'après il faut trouver un marbreur qui a du temps, et c'est vrai que ce que tu expliques, Baris m'a offert de son temps, j'ai également utilisé mon temps, je me suis retrouvée pendant plusieurs années à faire du 7 jours sur 7, aussi en tant que personne qui apprenait, pour aujourd'hui pouvoir pratiquer. On peut se poser la question, effectivement, et je pense qu'il y a vraiment quelque chose à faire, à réfléchir, à penser et à mettre en place.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça passionnant et je pense que la transmission, on en parle, Bétancourt est absolument fan de cette thématique. Il y a beaucoup de fondations qui, justement, se sont spécialisées dans la thématique de la transmission parce qu'on est en train de perdre un patrimoine et c'est primordial. En fait, ce qui est frustrant, c'est que c'est primordial, mais du coup, ça retombe sur les gens qui sont... indépendants et qui, en effet, prennent de leur temps précieux où, ce temps-là, ils ne vont pas le passer à produire et à obtenir un salaire. Donc, je comprends très bien ce dont tu parles et je pense que c'est une question centrale de ces métiers-là. Ça fait soit une transition, soit ça te met dans un pétrin pas possible pour la question des projets futurs.

  • Speaker #0

    Ah oui, en fait, je réponds aux questions à l'avance. C'est l'avant-garde. Si tu veux,

  • Speaker #1

    tu peux répondre à la question de l'anecdote maintenant.

  • Speaker #0

    Et pour de vrai ? Bon, alors...

  • Speaker #1

    Non, mais j'imagine que tu as plein de projets.

  • Speaker #0

    Projets futurs, il y en a plein. Ça dépend ce qu'on entend par projet, mais il y en a de toutes sortes. Après, je ne peux pas forcément donner le détail de ces projets, mais j'ai un super projet sur lequel je travaille en marbrure, en création de motifs pour une maison de luxe, et c'est passionnant. Demain aussi, je démarre un projet, un manuscrit d'écolier en études scientifiques qu'un monsieur, qu'un particulier m'a déposé à relier. Qu'est-ce que j'ai en projet ? Là, j'ai l'objectif de fin d'année sur le feu, puisque je suis formatrice en CAPR. de la relure... Au lycée Tolbiac pour les Greta, donc du coup il faut que je clôture cette année, donc le projet ça serait de réussir effectivement à mener à bien cette année de formation avec cette promotion de candidats qui sont 11 cette année, bel effectif, avec mon bidôme Laura Carlu-Favenec également relieur. Voilà, autre projet, j'espère pouvoir accompagner du mieux que je peux mes deux stagiaires, une de l'école Estienne et une justement du lycée Tolbiac en formation CAP, elles apprennent l'une plutôt la marbrure et l'autre... La marbreur, ça s'englobe dans sa formation en typographie et art graphique en général, mais en fait on fait énormément de choses, on est très polyvalent à l'atelier. Comme projet, je ne sais pas, en fait il y a énormément de choses sur le feu.

  • Speaker #1

    C'est positif. Ça veut dire qu'il y a plein de choses à faire et que les ouvertures sont nombreuses.

  • Speaker #0

    Oui. Ah si, il y a un projet dont je pourrais parler. C'est une collective que nous avons créée avec plusieurs relieurs. On est tous un peu éparpillés à l'étranger, aux quatre coins de la France. Et on s'appelle BIND.

  • Speaker #1

    Alors attends, BIND, B-I-N-D ?

  • Speaker #0

    BEND B-E-N-D BINDBENDBOND comme la c'est du verbe relié en anglais juste quand on apprend BINDBENDBOND ahhh

  • Speaker #1

    Oh là là, je connais pas mes mots irréguliers.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça, c'est le verbe relier.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Bon, ça fait un peu collective.

  • Speaker #1

    Je croyais qu'il y avait un jeu de mots avec bande, B-A-N-D.

  • Speaker #0

    Ça aurait pu. On est une bande, c'est vrai. Mais bon, il faut que je raccroche les wagons parce que j'ai pas été très présente récemment, mais je vais me replonger dans cette aventure collective.

  • Speaker #1

    Donc si, elle, vous êtes que des femmes ? Oui. Donc si elles nous écoutent, on les rassure. Laurie revient bientôt.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Eh bien, on arrive au mot de la fin. Je pense que pareil, on a déjà anticipé la question, mais je vais quand même la poser parce que parfois, ça amène des débats. Est-ce qu'en mot de la fin, tu peux nous dire ce que tu souhaites pour tes métiers ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je souhaite pour mes métiers ? Alors, qu'il y ait un avenir pour ces métiers, qu'il y ait un chemin qu'on puisse emprunter. Je pense que ce qui est rassurant aujourd'hui, c'est que le chemin de l'artisanat est plus facile à emprunter qu'à l'époque où je l'ai emprunté, il me semble. Il me semble que les parents d'aujourd'hui sont peut-être un peu moins bridés. Un peu moins strict sur les horizons professionnels. Et ça, ça a du bon, je pense. Ce côté plus ouvert. Maintenant, ce n'est pas parce qu'il y a plus de monde qui veut s'engager dans cette voie que ça rend les choses plus simples. Parce qu'il faut justement, je rebondis sur ce que je disais tout à l'heure, mais en termes d'enseignement, de domaines à perfectionner, se former, etc. Ça va avec. Il faut qu'il y ait du répondant des deux côtés. S'il y a un public, il faut aussi qu'il y ait les structures pour accueillir ce public.

  • Speaker #1

    Et j'allais même dire, il faut aussi qu'il y ait le marché derrière.

  • Speaker #0

    Voilà, aussi en plus. Après... Ce qui est bien, c'est qu'on peut se spécialiser. Je ne suis pas allée jusque-là tout à l'heure, mais je parlais de plusieurs matériaux. Si par exemple, demain, je peux avoir plusieurs contrats d'apprentissage avec de futurs marbreurs, par exemple, ils pourraient se spécialiser dans la marbreur imprimée textile, sur les marbreurs sur tranches, par exemple, des livres. Ce qui touche plutôt à des techniques anciennes. Il pourrait y avoir quelqu'un qui fabrique les pigments et les pinceaux, puisque ces pigments et ces pinceaux n'existent pas dans le commerce. Donc je suis sûre qu'il y aurait une clientèle pour le marbreur du dimanche qui veut faire ses papiers dans sa maison de campagne. Eh bien, il pourrait acheter ses pigments. Ça serait dingue. Voilà, aujourd'hui, il y a des choses qui ne sont pas accessibles économiquement. Je suis sûre qu'il y a des choses à développer de ce côté-là. En relure, c'est pareil. Il y a des personnes qui sont venues faire des ateliers de relure et qui ont lancé leur marque de papeterie. Donc j'ai la certitude que chacun a sa place. Maintenant, ça ne peut pas passer que par le privé. Ça doit passer par le public, encore une fois. Je remets le couvert là-dessus, mais c'est vraiment important. Et aussi que dans le public, on ne sert pas trop la bride sur le côté traditionnel et historique. Il est important de soutenir les élèves dans tous leurs projets et de ne pas penser que la relure, ça n'est que de la relure traditionnelle. Bien sûr, il faut apprendre la technique. pour ensuite trouver son propre univers de création. Et ça passe par un socle technique qui est là et qui est fixe, qui est rigide. Mais il ne faut pas oublier de dire à nos candidats que quoi qu'il se passe, ils feront ce qu'ils veulent derrière. Enfin, chacun trouve sa propre démarche et son propre univers. Ça pourrait donner un peu plus envie aux gens de se lancer et d'oser le plus vite possible à s'établir et à proposer quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça me permet de rebondir sur... Quelque chose que tu m'as raconté en off, c'est que toi, quand t'as dit à tes parents que tu voulais te lancer dans la reliure, ils t'ont dit... On est vraiment sûr de ça ? Est-ce qu'il y a vraiment un marché ? Donc tu m'as dit que c'était dans les années 2007-2010.

  • Speaker #0

    Alors moi, je me suis lancée en 2011. Ce n'est pas tant pour la relure qu'ils ont grincé des dents. C'est quand j'étais au collège et que j'ai voulu faire les arts appliqués. Je n'avais pas forcément précisé où. Donc quand j'ai juste dit bac général et technologique, ils se sont dit que ce n'était pas un bac général. C'est vrai que voilà, comme tous les parents à l'époque, il fallait plutôt faire un bac LES ou S. Donc un bac général. Bac pro, il ne fallait même pas en parler. Et bac général. Les technologies, c'était un peu l'entre-deux de on n'est pas très bon à l'école, ça se tente. Sauf qu'en fait, je ne savais pas plus ce que ça dessinait. Certes, j'étais peut-être déjà un petit peu lente. J'avais un esprit créatif, une imagination débordante, mais rien de très concret. Et donc, mes parents se sont dit que j'allais m'y perdre. Et ils ont eu très, très peur. Donc, il a fallu qu'en classe de troisième, j'essaie de les convaincre. Et c'est passé par convaincre les professeurs. Au collège, à qui j'ai demandé de faire des lettres de recommandation pour que mes parents se rendent compte de à quel point j'étais motivée. Et bien sûr, il y a eu les portes ouvertes auxquelles je suis allée toute seule, en cachette. Ça veut dire que l'atelier de relure, en soi, j'y étais déjà allée secrètement en troisième. Voilà, bon.

  • Speaker #1

    Ils le savent aujourd'hui ou ils vont l'apprendre dans le podcast ?

  • Speaker #0

    Non, je leur en ai parlé.

  • Speaker #1

    Bon alors.

  • Speaker #0

    Mais voilà, comme quoi, il y a une détermination, il y a un truc, et je pense qu'il faut en profiter quand on est jeune, qu'on est naïf et qu'on n'attend rien et qu'on est prêt à tout. Parce que quand on grandit, quand on est trop adulte... On s'empêche des choses. Donc je crois qu'il faut suivre son instinct. Il faut suivre son inspiration. Il faut suivre son intuition.

  • Speaker #1

    Il faut absolument que tu écoutes l'épisode de Pauline Loctin. Tu l'as écouté ou pas ? Non. On parle de ça justement. Je lui pose...

  • Speaker #0

    Trop bien.

  • Speaker #1

    Alors Pauline Loctin, elle est sculptrice de papier. Et je lui ai posé la question de la créativité. Parce que moi, c'est un peu une question qui me turlupine. Parce que je pense sincèrement que j'aurais pu faire de l'artisanat. Mais juste, j'ai pas découvert assez tôt. le métier qui aurait pu m'intéresser. Et donc, j'ai toujours été un peu frustrée de me considérer comme non créative, en tout cas non douée. Et en fait, aujourd'hui, je m'épanouis vachement dans ce que je fais, mais il m'a fallu du temps pour me dire si en fait je suis hyper créative. Certes, quand j'ai de la céramique devant moi, je ne sais pas ce que je vais en faire, je ne sais pas comment je vais le décorer, mais dans les faits, je peux inventer des concepts, penser à... à des façons de raconter des choses. Enfin, voilà. Et du coup, je lui ai posé cette question de la créativité. Et je pense qu'en effet, on se brime vachement en tant qu'adulte. Et elle dit, en fait, la question que j'ai posée, c'est est-ce que tu penses qu'on est tous créatifs ? Et elle, sans réfléchir, elle m'a dit oui, parce qu'en fait, tous les enfants sont créatifs. C'est vrai. Tu donnes un stylo et un papier à un enfant et il va y aller. Et j'ai trouvé ça tellement beau et moi, ça m'a vachement marquée. Et je pense que ça a fait un déclic en moi, pour moi.

  • Speaker #0

    Oui, sachant que même sans support papier, sans stylo, on s'invente son propre support et son... propre stylo tellement on a d'imagination on trouve n'importe quoi, un morceau de bois sur du sable tout est possible un pêtre sur un mur voilà bon moins sympa à nettoyer et c'est ça qui est génial je crois qu'il faut profiter de ce court moment Après, je ne sais pas, ça dépend à quel âge on se sent plus mature et à quel moment on commence à se mettre des barrières et des contraintes. Mais voilà, ce côté un peu, on fonce, on a un instinct, on a un truc qui nous guide et c'est chouette, je trouve, même si mes parents ont eu un peu peur pour moi, parce qu'ils étaient aimants et bienveillants. Ils m'ont quand même laissé suivre mon parcours, ils m'ont laissé faire ce que j'avais envie de faire, ils m'ont écoutée et voilà, c'est une chance. Parce que je pense qu'il y a des personnes qui, malgré les lettres... de recommandations, malgré les portes ouvertes et touches. Je pense qu'il y en a aussi dont les barrières n'ont été mises par les parents de manière beaucoup plus stricte et beaucoup plus rigide encore qu'un simple refus. C'est sûr que ce n'est pas évident.

  • Speaker #1

    Alors moi, je vais apporter ma petite touche négative à tes propos sur Tu penses que ça a changé ? Je suis en mi-temps à la Chambre de métier et de l'artisanat et je suis chargée de mission pour valoriser l'apprentissage auprès des jeunes. Donc mon métier, c'est de remplir les centres de formation d'apprentis. Eh bien, ça reste avec les mêmes idées reçues sur mais non, mais tu ne peux pas faire un CAP, c'est pour les débiles Ah, ok. Ah ouais, ouais, ouais. Et en fait, c'est hyper dur. Aujourd'hui encore, l'artisanat, alors là, je te parle d'artisanat encore plus large que ce que nous, on côtoie au jour le jour. Mais l'artisanat a encore des grosses idées reçues et encore perçues comme une voie de garage.

  • Speaker #0

    Ouais, l'étiquette ouvrier, quoi. Oui,

  • Speaker #1

    t'es mauvais. tu vas faire un CAP. C'est encore le cas. T'es bon, tu vas faire un bac plus 5, tu vas devenir col blanc. Et pourtant, je le dis vraiment, aujourd'hui, un plombier gagne tellement mieux sa vie, en tout cas que moi. Et c'est pareil avec un électricien. On est tellement dans une société où on ne sait plus rien faire de nos mains qu'on appelle le plombier et l'électricien à tout bout de champ. Ils, vraiment, vivent... hyper bien. Et donc, on n'a pas encore déconstruit ce truc. Peut-être que les métiers d'art sont un peu plus sexy et qu'on commence peut-être un peu plus à déconstruire et qu'on arrive dans une vague où il y a de plus en plus d'étudiants qui s'y intéressent. Mais l'artisanat, c'est encore hyper victime de ces idées reçues. Et c'est dommage, en fait. C'est dommage parce que du coup, on se retrouve en fait avec des classes. Soit c'est des enfants hyper passionnés qui vraiment ont dit si, si. C'est ce que je veux faire. C'est d'ailleurs une discussion que j'ai eue avec mon coiffeur qui me disait, en fait, j'ai dit à mes parents vous n'avez pas le choix, je vais faire un CAP coiffure. C'est comme ça. Alors qu'il était bon à l'école. Et il dit, vous n'avez pas le choix, j'irai. Et il l'a fait. Donc c'est soit les passionnés qui savent, lui il me dit, depuis l'âge de 8 ans, je savais que je voulais être coiffeur. Et il n'a pas changé. Soit c'est des passionnés, soit c'est des enfants qui ne se retrouvent pas dans le système classique, soit c'est des enfants qui, à travers l'apprentissage, vont chercher à avoir un salaire. Et on est quand même vraiment dans ces idées reçues là, et moi je trouve ça hyper dommage. On met en l'air des carrières.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr. Et parfois, même quand on est obligé d'allier les deux, d'avoir une condition, d'être autonome financièrement. Moi, ce que j'ai fait à l'époque, c'est que j'avais un boulot à côté, ça ne m'a pas empêché d'être en cours. Après, c'est un rythme, mais chacun trouve son équilibre. En tout cas, c'est sûr qu'il faut être partie prenante, motivée. Peut-être qu'il y a un truc aujourd'hui avec les écrans qui nous fait nous rendre plus spectateurs qu'acteurs. Donc ça c'est peut-être un truc sur lequel il faut travailler pour les générations futures, de dire si c'est possible vous pouvez faire, parce que ça peut être invalidant. Et on peut ne pas se sentir capable de là où la jeunesse à laquelle j'appartenais, il n'y avait pas ce truc-là. Donc il faut faire gaffe à ça, parce que c'est à double tranchant. Ces écrans, oui, c'est du savoir, c'est un accès immédiat à plein de choses, mais ça peut être un peu invalidant. Vraiment, on est trop, trop, trop spectateur. Parfois, on devient même un peu collé aux écrans. Moi, je le vois en inspiration. Je me fais un peu avoir, donc je me défends d'être trop longtemps derrière mon écran. Les podcasts, pour ça, c'est top, parce qu'on peut se le mettre... En fond, et bosser en même temps, donc ça c'est cool. Mais le côté image, le côté on voit faire, je crois qu'il faut proposer des ateliers, des choses, enfin il faut rendre accessible le côté pratique et le côté je mets les mains dedans et je me lance, et le plus tôt possible, le plus jeune possible. Et évidemment, les parents aussi sont toujours très contents de mettre les mains dans la cuve et de participer aussi. C'est très familial.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un très beau mot de la fin. Je vais faire une pub pour une asso que j'aime beaucoup. qui justement va dans ton sens qui s'appelle l'outil en main je sais pas si tu connais l'outil en main cette année il fait de l'or 30 ans ça a été créé par une envie de rassembler les artisans à la retraite et les jeunes et en fait initialement c'est des artisans retraités qui transmettent leur savoir et leur métier à des jeunes entre 9 et 16 ans Donc c'est comme toi, t'as pu aller au basket, au tennis ou à la danse, les mercredis après-midi. Ces enfants, ils vont à l'outil en main et ils vont découvrir comment on fait des crêpes, comment on fait de la plomberie, comment on fait de la tapisserie d'ameublement, comment on répare un vélo. Il y a vraiment de tout. Et moi, vraiment, alors déjà c'est les copains, premièrement, mais vraiment, je trouve ça tellement sincère. Et je suis allée dans une des associations, c'est mes... Incroyable. Les enfants sont heureux et les bénévoles te disent mais c'est ma famille, c'est mes gamins en fait. Vraiment, à chaque fois, ils les appellent, c'est mes gamins. Et il y a une connexion qui se crée, puisque du coup, tu les suis toute l'année, et il y a une connexion qui se crée entre ces deux générations qui est incroyable et... qui, je pense, est une mission. Alors, ils ont plus de 250 associations dans toute la France, donc qui commencent à avoir un peu un impact national. Mais je me dis, c'est ces initiatives-là qui, justement, peuvent déconstruire et montrer que, en fait, tu peux être plombier, c'est génial.

  • Speaker #0

    Il y a le côté intergénérationnel aussi que je trouve intéressant dans ce que tu me décris Donc j'ai fait la pub pour cette association que j'aime beaucoup Tu fais bien, c'est génial

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Laurie, merci pour ton temps Merci à toi Lisa Tu as un très bel atelier, très confortable Ton image, en fait, très zen. Tu en as fait quelque chose de très sympa. Donc,

  • Speaker #0

    félicitations. C'est vrai que je n'en ai pas du tout parlé de l'atelier, mais c'est un local de la ville de Paris. On peut tous postuler sur des locaux libres à la ville de Paris. C'est géré par GIE Paris Commerce, qui sont l'entreprise qui sous-traite les demandes. Et donc, j'ai fait cette demande en plein Covid, là où les locaux étaient désertés, les Parisiens... On quittait le navire et puis c'était le moment où moi je me suis embarquée dans ce petit navire de dossier de 50 pages.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est lourd.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est assez lourd et puis on s'engage, attention c'est un bail commercial 369, donc il faut avoir les moyens de le payer, le local derrière. Donc voilà, c'est un loyer en plus, mais c'est la promesse de recevoir du public, de partager, de recevoir des stagiaires, de faire plein de choses. Je suis contente, ça fait deux ans que ça dure et j'espère que ça continuera comme ça le plus longtemps possible.

  • Speaker #1

    On te le souhaite. En tout cas, il est très chouette encore une fois. Merci beaucoup Laurie.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie de t'avoir accueillie.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Je suis ravie d'avoir pu enregistrer tes propos. C'est très chouette. Je te dis à très vite. J'espère.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Laurie, relieuse et marbreuse, vous aura plu. Avec Laurie, nous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c'est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant 5 ans. Je voulais vous remercier davantage. Aussi, lorsque le concours sera en ligne, en plus des règles classiques, vous pourrez ajouter un émoji micro à votre commentaire. Cela doublera vos opportunités de gagner. Bonne chance ! Je vous ai mis les informations sur l'association L'outil en main en description. N'hésitez pas à aller découvrir ce beau projet que j'aime tant. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram. Donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast.histoired'artisan.com En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

Description

Dans ce deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie&LesPetitesMains, relieure et créatrice de papier marbré. Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d’eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport à ses deux métiers et nous montrons qu’il n’y a pas une seule façon de vivre son métier d’art. 


Avec Laurie nous vous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c’est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant cinq ans, je voulais vous remercier davantage. Aussi, à la fin de cet épisode, vous aurez une astuce pour doubler vos chances de gagner !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Laurie Archambault - Laurie & Les Petites Mains

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Pour en savoir plus sur L’Outil en Main : https://www.loutilenmain.fr/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan, je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie et les petites mains, relieur et créatrice de papier marbré. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du papier marbré. Dans celui-ci, Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d'eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport avec ses deux métiers et nous montrons qu'il n'y a pas qu'une seule façon de vivre son métier d'art. Cet épisode est le cinquantième du podcast. Je voulais en profiter pour vous remercier de nous être fidèles. C'est une source de motivation constante de voir l'impact que le podcast peut avoir sur vous. Je ne m'éternise pas plus, mais sachez qu'en fin d'épisode, je vous parlerai d'une belle surprise. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Laurie, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Laurie, tu es relieur et créatrice de Papier Marbré. Est-ce que tu peux nous raconter, peut-être, alors, tu as des métiers, je crois que je peux dire, la rencontre avec tes métiers ? Et pas la rencontre avec un métier puis l'autre, parce que je crois que c'est assez simultané.

  • Speaker #0

    Oui, tout est un peu lié, c'est le cas de le dire. Donc effectivement, je vais rencontrer mon métier parce que je m'engage dans une filière en art appliqué très tôt dans mon parcours, très jeune, dès le lycée. J'ai la chance à l'époque de rentrer à l'école Estienne dès le lycée, puisque cette formation est proposée encore à l'époque. Et en fait, en classe de seconde, dès la classe de seconde, on a des petits modules proposés tous les mercredis après-midi en rapport avec les études supérieures qu'on pourra faire plus tard. Donc, si on s'engage dans une voie qui concerne les formations proposées, on peut le savoir assez tôt, dès la seconde. Et c'est l'atelier de relure qui sera vraiment le coup de cœur. Le lieu, les machines qui vont avec, l'odeur, les matériaux. Évidemment, l'enseignante qui est là, Odile Doué, une femme passionnée et passionnante, qui a fait intervenir Marianne Peters. Donc, Marianne Peters, en fait, elle est marbreur. Historiquement, elle est plutôt autodidacte, même si elle a collaboré, elle a travaillé avec Michel Duval, elle a travaillé avec d'autres personnes, Claude Delpierre, Marie-Ange Douazy. Elle appartient vraiment à cette lignée de personnes reliées à la relure, dans le monde du papier, dans le monde des métiers de l'imprimerie et de la relure. Et donc finalement, elle intervient grâce à Odile Doué pour un workshop. de papier marbré. Donc ça signifie qu'avant même de commencer à faire de la relure, même si on avait commencé un petit peu de prototypage, de couture avec Odile, il y a eu vraiment cette découverte du travail à la surface de l'eau, des couleurs. Alors il n'y avait pas forcément l'approche, parce que ce sont des ateliers très courts, de fabriquer le pigment, etc. Il n'y avait pas forcément toute cette histoire. Ça m'a juste donné envie, finalement, ça m'a donné l'élan de me dire, cette technique existe, c'est hyper intéressant, il y a un truc à creuser. Et ce qui va me servir de passerelle, puisque je comprends bien à l'époque et encore aujourd'hui, il n'y a pas d'enseignement de la marbrure. Donc je comprends qu'il va falloir que je trouve une passerelle et un métier vraiment reconnu en France qui me permettrait d'arriver à la marbrure peut-être plus tard, comme l'a fait Marianne et comme l'ont fait d'autres avant. Donc je vais me pencher sur cette formation en relure à l'école estienne. Et ça a été vraiment très très riche, puisque du coup, il y a eu ces trois années. On a rappliqué plus les deux années en études supérieures à l'atelier de relure, avec plein de techniques, plein de connaissances, toute l'histoire qui va avec. Et après, comment se créer son propre environnement et sa propre démarche, soi-même, sortie de ces études-là.

  • Speaker #2

    Donc en fait, tu voulais d'abord être créatrice de papier marbré, on dit marbreuse. On dit marbreur comme on dit relieur.

  • Speaker #0

    On dit marbreur comme on dit relieur. C'est pour ça que moi, j'utilise le terme de créatrice de papier marbré. Ça permet de féminiser. Il y en a qui disent relieuse, marbreuse. Il n'y a pas de souci. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Contrairement à la relieuse qui est un outil, la marbreuse n'est pas un outil.

  • Speaker #0

    Non, la marbreuse n'est pas un outil. On peut dire marbreuse.

  • Speaker #2

    Si je comprends bien, tu voulais être créatrice de papier marbré avant d'être relieuse.

  • Speaker #0

    Relieur ? C'est un bien grand mot, parce qu'en fait, juste gros coup de cœur pour la technique, et je me dis, il va y avoir un truc à l'avenir qui va forcément revenir à ça. Enfin, c'était évident que je n'allais pas lâcher cette technique, et que j'allais me poser plein de questions, me renseigner, lire des livres, m'y intéresser. Et c'est ce qui s'est passé, c'est-à-dire que pendant un laps de temps de quelques années, le temps que je me lance, donc tout le lycée, plus mes études supérieures, on va dire, allez, cinq ans. J'ai fait des stages, j'ai lu plein de livres sur le sujet et j'avoue que je me suis lancée très tôt en tant que relieur. J'ai créé mon atelier en 2011 à peine. Sortie diplômée, parce que j'avais mes premiers clients et mes premières commandes, donc j'ai pas tardé. J'ai sauté sur le tremplin tant qu'il était là, quoi. Et je me suis dit, c'est une technique qui demande de la pratique, donc plutôt je m'y mets, plutôt j'aurai de la pratique, et plutôt je me sentirai légitime. Même si parfois, il y en a qui pensent devoir être légitimes avant de se lancer, moi, je me suis lancée d'un coup d'un seul. Et pendant quelques années, je me suis fournie en papier marbré, puisque en relure, on utilise du papier marbré. Donc voilà, il y a des marbreurs qui sont assez connus, donc Marianne Peter et d'autres chez qui je vais acheter mes papiers. Et c'est comme ça que je suis arrivée à rencontrer Baris. Au bout de quelques années, je me suis aperçue qu'il y avait un marbreur à Paris. Déjà, c'est rare.

  • Speaker #2

    Donc Baris Bekul, qui est turc, qui connaît la technique. Ancestral, qui a été formé par un maître.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En Turquie. Oui.

  • Speaker #2

    Et du coup, qui est venu en France et que tu as rencontré à Paris.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, il commercialisait son papier. Il débutait à Paris, même s'il avait pratiqué et était formé en Turquie. Et donc, il avait des papiers bien spécifiques, avec des couleurs qu'on ne voyait pas partout, des motifs cailloutés, une très belle richesse de motifs un peu différents des peignes italiens qu'on trouve souvent en relure. Donc moi, ça va attirer ma curiosité. Je vais au départ pas tellement oser aller à sa rencontre, mais plutôt acheter ses papiers là où ils sont vendus. Au fil du temps, je vais apprendre à faire connaître. Je vais oser le contacter et donc je vais pouvoir acheter son papier en direct. Donc ça, c'est pour la partie la plus récente parce que j'ai vraiment été très timide et j'avançais vraiment pas à pas sur la pointe des pieds au fur et à mesure de mon parcours artistique et professionnel. Mais grâce à cette rencontre, je me suis aperçue qu'il créait ses couleurs sur mesure. Donc on en est venu à parler technique et c'est un peu comme ça que j'ai mis le doigt dans l'engrenage de manière plus sérieuse, plus pro. Et que lui, il y a eu aussi une opportunité. parce qu'il cherchait à travailler avec quelqu'un. Donc cette transmission, elle s'est faite par le biais de la relure. avec une certaine curiosité. Et puis, le fait que j'ai déjà eu un certain nombre de connaissances sur les motifs, sur l'histoire, lui ne voulait pas forcément, entre guillemets, perdre de temps là-dessus. Il était plus intéressé sur la partie technique. Et donc, ça nous a permis de vraiment développer cette partie-là. Comment créer tel motif ? Quels sont les gestes ? Qu'est-ce qu'il faut faire, ne pas faire, etc. Donc là, c'est vraiment de la technique pure, de manière répétée. Faire des erreurs, se tromper, recommencer jusqu'à réussir. Et donc, c'est très, très technique. En fait, cette technique... On peut être dans la contemplation au premier abord, mais en fait, pour arriver à un beau papier, il y a énormément de travail en amont. Donc c'est passionnant. Et ça, ça m'a énormément plu de voir cette rigueur, cette précision du pinceau en passant par l'encre et en arrivant à la surface de l'eau. Même la texture de l'eau, il y a différentes recettes pour épaissir l'eau. C'est tellement immense, c'est un monde infini où tout est possible. On peut tout créer sur cette queue.

  • Speaker #2

    C'est vrai que de prime abord, on n'a pas l'impression que ça nécessite... Tant de techniques que ça. En fait, c'est ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est que tout a un sens, alors qu'on dirait que juste, vous avez déposé trois gouttes de colorant et fait des pirouettes, et puis voilà quoi, alors que pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant dans cette pratique, c'est que justement, parce que c'est inclusif et que ça paraît simple, ça m'apporte un public. Aujourd'hui, la marbre, on pourrait se dire, mais comment ce domaine peut-il fonctionner ? Comment peut-on avoir un public ? Mais justement, parce que ça paraît simple. Si ça paraissait compliqué, les gens ne se sentiraient pas d'essayer quoi que ce soit, de s'interroger. Et la simplicité, la beauté de cette simplicité, c'est ce qui crée l'approche et la connexion entre le monde extérieur, si on peut dire ça comme ça, et mon domaine.

  • Speaker #2

    Tu as parlé de ta formation, tu as parlé de ce que tu as fait à la fin de ta formation. Est-ce que tu peux nous expliquer ta relation avec tes métiers aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, aujourd'hui, la relure, la marbrure, ça va se définir comme étant des activités qui interpellent. Donc moi, j'ouvre mon atelier de relure et de marbrure il y a deux ans, dans le 13e arrondissement, dans un quartier où il y a beaucoup d'habitations, d'écoles, des enfants, et je m'adapte à mon milieu. C'est un lieu que je ne connaissais pas avant ces deux ans où je me suis installée. Et donc là, au moment présent, c'est plutôt dans une démarche de rendre accessible, de transmettre, de promouvoir, de faire vivre cet art avec les gens du quartier, avec ce quartier, avec des gens venus d'ailleurs. C'est vrai que parfois, ça arrive qu'il y ait des gens qui viennent aussi de loin parce qu'on n'est pas beaucoup à faire relure et marbrure. On est encore moins à faire de la marbrure. La relure, c'est quelque chose d'un tout petit peu plus courant, mais quand même, il y a encore des personnes qui toquent à ma porte et qui me demandent, excusez-moi, mais la relure, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous faites exactement ? Donc en général, ce que je réponds, c'est que je peux autant faire un petit carnet relié, donc quelque chose qui toucherait au domaine de la papeterie, fait main. Ça peut passer par la relure traditionnelle, si un livre est ce qu'on appelle brochet, un livre poche, qu'il faut relier au format rigide, avec des couvertures. Que ce soit du cuir, du papier marbré, de la toile, tout est possible. Ça peut toucher un petit peu à la restauration quand le livre est un peu plus ancien, abîmé, et qu'il faut consolider le papier, voire même combler les lacunes. Quand le livre a déjà été relié et qu'il est tellement tout abîmé qu'il faut complètement le recoudre, donc là, gros travail, parce que souvent il faut remettre le papier à plat, il ne peut pas garder sa forme initiale, donc il y a tout un travail de remise à zéro en préservant quand même le mieux possible les matériaux d'origine. Et puis après, il y a la relure de création, où là, c'est plus des livres rares, des livres de bibliophilie, je sais pas, moi par exemple, avec des illustrations originales, ou même ce qui pourrait toucher un petit peu aux livres d'artistes, et où là, il faut apporter un décor complètement nouveau, on n'est pas dans un code de il faut faire une relure avec des coins, avec un dos en cuir, etc. On crée un décor avec des matériaux, on fait des propositions, voilà, c'est considéré comme une œuvre. Donc là, c'est encore autre chose. Et en marbrure, c'est pareil, c'est très Ça peut être un papier marbré de création, ça peut être un papier marbré qui reproduit un papier marbré d'époque, ancien, où il faut que je restitue les couleurs d'origine, le motif, etc. Donc ça peut être des papiers marbrés que je fais pour des ateliers de relure, donc des restaurateurs. Ça peut être des papiers qui vont servir à des graphistes. Pour la création textile, création de packaging, enfin vraiment la marbrure c'est pareil, c'est aussi diversifié que la relure mais peut-être que c'est plus inclusif. que la relure. Peut-être que les papiers marbrés sont des supports qu'on peut utiliser pour tellement plein de choses. On peut se faire un éventail, un abat-jour de l'origami. Le support papier, c'est un support d'expression. Il y a le fait de créer le papier et ce qu'on en fait derrière. Donc en soi, ça englobe énormément de choses. J'ai une petite routine dans la mise en œuvre, dans la façon dont je travaille, mais les journées ne se ressemblent pas. Les demandes sont très variées, très différentes. Les rencontres aussi, c'est riche.

  • Speaker #2

    J'allais te demander, parce que là on est dans ton atelier, justement il n'y a pas que du livre. Tu as aussi fait des pots à crayons, je vois que tu as fait des mobiles. Je sais quand on s'est rencontrés, là je vois des boucles d'oreilles, des colliers. Tu dis que les gens ne savent pas trop ce que c'est que le métier de relieur, mais initialement j'avais plutôt tendance à penser que vous ne travaillez que sur des livres. Mais en fait, c'est un peu plus large que ça.

  • Speaker #0

    Je dirais que ça dépend du relieur et ça dépend de ce qu'on privilégie dans son travail. Et ça, c'est propre à chacun. Mais c'est vrai que moi, j'ai plus un esprit libre d'artiste et un esprit créateur qu'un esprit d'artisan. Donc je suis plus proche de l'artisanat d'art ou de l'art que de l'artisanat tout court, dans le sens où je ne me mets aucune frontière, aucune barrière. Et c'est vrai qu'il y a des boucles d'oreilles en papier japonais, en papier marbré, en papier uni. Les boucles d'oreilles, par exemple, le pliage, C'est ce par quoi j'ai commencé. J'ai commencé à faire des bijoux, j'avais même pas lancé mon entreprise. Et les personnes qui m'ont donné, qui m'ont insufflé ça, c'est des personnes qui ont une très forte influence. Et dans un parcours, quand on est jeune, c'est hyper important. C'est Odile Doué, qui était mon enseignante en relure, qui m'a dit Elles sont géniales ces boucles d'oreilles, le volume est important, mais c'est léger. Et c'est vrai que le matériau papier, il a des propriétés techniques que n'ont pas les autres matériaux. Et les relieurs en général ? Quand ils se forment, ils se spécialisent en fait. Ensuite, quand ils se lancent, quand ils se forment et quand ils se professionnalisent, ils décident du matériau qui les définiront. Souvent, il y a un peu ce truc-là. Il y a un peu le relieur qui va utiliser tel type de cuir ou celui spécialisé en parchemin. Parce qu'en fait, c'est tellement complet de savoir utiliser un matériau déjà. qualitative, que ça suffit à créer un secteur de métier dans la relure. Donc moi, si je devais donner un matériau, c'est le papier. Ça serait plutôt le papier. Maintenant, c'est vrai qu'au niveau du papier, ça part dans toutes les directions. Je ne fais pas que de la relure avec le papier, parce que le papier, il offre une liberté vers laquelle je vais, je fonce sans hésiter. Maintenant, peut-être qu'il y a des relieurs qui ne font que de la relure avec les papiers. Je pense que chacun fait comme il l'entend. On est complètement libre de choisir une direction.

  • Speaker #2

    C'est ça qui fait la richesse et c'est ça qui fait la complexité aussi pour le grand public de comprendre. C'est que moi, à un moment, je m'étais posé la question de savoir comment capitaliser sur mon carnet d'adresses d'artisans. Et je m'étais dit, pourquoi pas lancer une plateforme ? Et en fait, lancer une plateforme de mise en relation, ça nécessite de mettre les gens dans des cases. Et ma réflexion ? À force de rencontrer des artisans, c'est qu'on ne peut pas vous mettre dans des cases. Deux relieurs vont avoir complètement des connaissances différentes. Et d'ailleurs, avec Histoire d'artisan, j'ai lancé un répertoire des artisans qui n'est qu'en fait juste... Un Google Forms dans lequel je pose les questions de Quelle machine avez-vous ? Quelles sont vos techniques de prédilection ? Mais parce que je pense que celui qui parle le mieux, peut-être au grand public, c'est le métier de maroquinière. Et notamment, on en parle avec Robert Mercier dans l'épisode précédent-précédent. C'est certes, un artisan du cœur va travailler le cuir, mais il y a tellement de façons de travailler le cuir. Et une entreprise ou un particulier qui va dire Moi, j'ai tel projet, c'est du papier dont je vais aller chercher un relieur. Bah non, c'est pas comme ça que ça fonctionne. Et c'est pareil avec le métal, c'est pareil avec le verre. Quand je travaillais chez Jérémy Maxwell-Ventrebert, souffleur de verre, je me souviens très bien d'une fois, un appel à projet qu'on reçoit, où on nous dit, il faut faire un cube en verre. Bah, essayer de faire un cube en verre, en soufflage de verre, ça nécessite de développer tout un moule hyper complexe. C'est pas possible en fait. Et c'est la même chose, en l'occurrence, un verrier pourra faire un cube de verre, mais avec du verre à plat. Et là, pourra faire un cube en verre. Si vous demandez à Jérémy de faire une perle, il va vous dire, je sais pas faire, moi. Moi, je sais te faire un globe, mais je sais pas te faire une perle, parce qu'une perle, c'est un souffleur de verre au chalumeau, qui travaille sur des toutes petites surfaces. Et c'est pour ça qu'elle est là, la richesse, mais elle est aussi là, la complexité pour le grand public, et même... Pour les donneurs d'ordre, je sais pas, typiquement, tu me parlais de ton atelier avec la nana qui voulait faire son papier peint. Bah en fait, toi, ton métier, c'est pas de faire des papiers peints, parce qu'en l'occurrence, est-ce que ton papier, il va se terminer pour pouvoir bien commencer de l'autre côté ? Non, il va y avoir une cassure, donc ça sera pas forcément très joli. Et il y a des gens qui sont spécialisés dans la production de papier peint. Enfin bref, voilà. Moi, quand je te pose la question de savoir ce que t'en fais, c'est pas ce qu'en font les relieurs, mais c'est toi. Comment tu vis ton métier ? Parce qu'il y a des tas de façons de vivre son propre métier.

  • Speaker #0

    Pour autant, ce qui m'arrange sur l'anecdote du papier peint, c'est qu'il y a aussi des éditeurs de papier peint qui, eux, sont capables. Ils ont les manufactures, ils sont éditeurs de papier peint, vont demander des motifs. Ça, c'est un peu plus cohérent. Donc oui, sur la diversité des possibilités, c'est plus au niveau du motif où je peux avoir quelque chose à apporter, par exemple.

  • Speaker #2

    Oui, ce que tu veux dire, c'est que t'en es capable. C'est juste qu'il faut certaines contraintes, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense qu'il faut faire ça tous les jours pour répondre au carnet de commandes. C'est vrai que quelqu'un qui vient s'initier en espace de 1h30, surtout que ce sont des petits cours collectifs, on n'est pas nombreux, on est trois, mais on ne s'improvise pas forcément marbreur. La technique est inclusive, elle est assez facile d'accès, mais techniquement, pour arriver à un joli motif qui se répète, et là, c'était un peu ça l'esprit, il faut quand même un minimum de pratique. Donc voilà, l'idée, c'est de pouvoir tenter des choses, mais il ne faut pas... Ça va arriver avec certaines exigences quand on vient s'initier.

  • Speaker #2

    Eh bien, ça fait une très bonne transition sur la prochaine question qui est est-ce que tu aurais une anecdote à nous raconter ?

  • Speaker #0

    J'en ai tout plein, mais je pense que je vais peut-être aller au plus récent, en lien avec la marbrure. En visitant l'atelier tout à l'heure, on parlait de ma nouvelle cuve, la cuve un petit peu plus récente, que j'ai nommée la cuve 2.0. Donc en fait, il faut savoir qu'une cuve, en général, c'est un support en métal qu'on vient remplir, qu'on vide entièrement manuellement. Et au bout de quelques années de pratique, je me suis lancée là, dans une cuve, avec un écoulement d'eau, une évacuation d'eau. Évidemment, comme l'eau doit rester dans la cuve, cette évacuation d'eau est elle-même raccordée à quelque chose qui permet de garder l'eau, donc un robinet, on va dire. et on remplit la cuve et on peut la nettoyer. Donc c'est un peu comme une vasque, en quelque sorte, mais à la forme d'une cuve. Et ça a été une sacrée mission, c'est-à-dire qu'en gros, je suis partie d'éléments récupérés, même pour habiller la cuve, donc des morceaux de bois que j'ai sciés pour rendre joli le fait qu'elle soit posée là, qu'elle se confonde dans son milieu, c'est-à-dire qu'elle est posée sur du mobilier en bois, donc je l'ai recouverte de bois. Donc c'est peut-être la dernière anecdote concernant l'atelier.

  • Speaker #2

    Et donc, tu as fait un circuit fermé ?

  • Speaker #0

    Voilà, j'ai fait un circuit. On peut remplir par un bout avec une petite douchette, avec différents types de jets pour nettoyer, pour remplir. Donc, voilà. Et après, il y a une évacuation avec un système de levier pour garder l'eau dedans, puisque le but, c'est que je fasse mon papier. Ce n'est pas juste d'avoir une évacuation comme on aurait une vasque. Et un bouchon n'aurait pas suffi, malheureusement, puisqu'il faut que ce soit parfaitement hermétique. Donc, on ne peut pas avoir les systèmes qu'on a sur un évier. standard. J'ai vraiment étudié la chose et j'ai fabriqué tout ça toute seule. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Trop bien. Moi, je pensais que tu allais me raconter ça pour la question sur la recherche et l'innovation.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça aurait pu.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu as un projet de recherche ou d'innovation dont tu pourrais nous parler ?

  • Speaker #0

    Oui, ça peut toucher à l'innovation. Je ne sais pas si c'est un projet qui verra le jour. Mais c'est un gros, gros projet. En fait, j'ai accueilli récemment sur un atelier un monsieur qui s'occupe des référentiels, donc à savoir les domaines d'enseignement. Comme je le disais dans l'épisode 1 et celui-ci, il n'y a pas d'enseignement en marbrure. Et un des gros projets, quelque chose que j'ai dans un coin de la tête, c'est de transmettre cette maîtrise, cette fabrication des pinceaux traditionnels, la fabrication des pigments. En fait, il faut savoir qu'il y a très peu d'ouvrages, il y a très peu de choses écrites. Sur ces traditions, il y a vraiment quelques livres qui sont d'ailleurs plus réimprimés, plus édités, très compliqués à avoir chez soi. Et donc ce savoir qui normalement se transmet à l'oral. Il faut à un moment donné qu'en France, on accepte de le mettre par écrit, qu'il y ait un référentiel autour de cette pratique, la marbrure. Je pense que ça peut englober pas seulement la marbrure hébro-traditionnelle, ça peut aussi englober ce que je racontais sur l'histoire des sominagashi. Je pense que le mot marbrure peut être un thème, un métier, dans lequel on peut se spécialiser en marbrure sominagashi, en marbrure hébro-traditionnelle ottomane, en marbrure italienne. Mais en tout cas, pour que ce soit le cas et pour qu'on ne perde pas ces recettes, ces techniques et cette richesse, il faut la transmettre. Il n'y a pas de contrat d'apprentissage. Tout est informel dans le métier et le projet d'innovation, ce serait de créer une mention complémentaire, par exemple, une formation en un an accessible dans le public, ou autre chose, mais en tout cas, quelque chose qui touche à la formation, transmission de ces pratiques qu'il faut absolument inscrire dans notre culture. On peut dire aujourd'hui, dès lors qu'un artisan s'installe en France, ça fait partie de notre culture, il faut le soutenir. Et il faut accompagner les personnes.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a des métiers comme ça qui se perdent malheureusement et qui font partie de notre patrimoine. Et que demain, on va se demander, ah, ils faisaient comment ? Et en fait, on va reperdre du temps à rechercher des techniques juste parce qu'on ne les a pas transmises. Et c'est marrant parce que notre discussion qu'on avait juste avant, avant d'enregistrer, elle est le témoin aussi de je ne te transmets pas, pas forcément parce que je ne veux pas et que je suis une personne aigrie et que c'est mon savoir-faire. Mais plus parce qu'en fait, transmettre, c'est du temps. Le temps. C'est de l'argent et si je transmets, je ne fais pas autre chose à côté et du coup je ne peux pas payer mon loyer, je ne peux pas me payer moi, je ne peux pas manger, je ne peux pas vivre. Et en fait, je trouve qu'il y a une réflexion plus globale de se dire, certes il y a des artisans qui ont des savoir-faire et qui peuvent transmettre, mais quelle est la raison pour laquelle ils ne le font pas ? Et potentiellement, c'est là où les fondations, les associations, en l'occurrence des fondations, il en existe la Fondation Banque Populaire, tu as la Fondation Réunis Cointreau, tu as la Fondation Mérimée, qui est une fondation spécialisée aussi dans le patrimoine. Est-ce qu'ils considèrent ça comme du patrimoine et que potentiellement, ils peuvent t'aider à financer ce genre de recherche et ce genre de production de contenu, en fait ? Parce qu'il y a aussi de ça.

  • Speaker #0

    En fait, je pense que le petit souci, c'est que c'est du ponctuel, dans le sens où ça peut être un financement pour... Je ne sais pas si ça serait produire un livre, par exemple, avec du contenu, auquel cas, malheureusement, ce n'est pas parce qu'on a un livre de recettes qu'on arrive à réaliser le contenu de cette recette. Donc ça, ça ne suffirait pas. Parfois, ça peut être mener à bien un binôme. Par exemple, je trouve quelqu'un de confiance et je décide de transmettre mon savoir à cette personne. Ça pourrait être soutenu. Moi, c'est vrai que ce que je recherche, c'est quelque chose d'un peu plus pérenne. Même si une mention complémentaire ne peut pas ouvrir parce qu'on n'a pas le nombre de candidats attendus, au moins elle existe, au moins il y a un référentiel. Ce que je me suis fait expliquer, c'est qu'il fallait qu'on soit minimum 10 personnes à pratiquer la marbrure pour ensemble se rassembler et voir qu'est-ce qu'il faut savoir faire, vraiment établir ce référentiel.

  • Speaker #1

    Les bases à connaître.

  • Speaker #0

    Voilà, et ensuite, les personnes qui sont ces professionnels pourraient potentiellement être... les enseignants pour ces formations. Après, aujourd'hui, ça appartient au privé, c'est-à-dire qu'à titre privé et sur le bon vouloir, c'est pas un CAP, il n'y a pas de certification en tant que tel, on peut se former. Moi, j'accueille des artistes, des personnes qui sont curieuses et qui ont envie de se mettre à la marbrure et qui vont pouvoir, à qui je vais expliquer comment fabriquer les pigments, etc. Mais c'est dans un cercle privé de personnes qui financent ces formations-là à titre personnel, et ça n'appartient Pas à l'enseignement public, et c'est ça que j'aimerais, c'est plutôt proposer quelque chose dans cet enseignement auquel j'ai eu droit en relure. Ça ne m'a pas empêchée aujourd'hui d'être marbreur, mais il faut dire que j'ai eu vraiment énormément de chance, comme par hasard, de faire un workshop avec Marianne Peter. Aujourd'hui, je fais des workshops à l'école Estienne, donc voilà, il y a des pages qui se tournent. Oui, des étudiants découvrent la marbreur dans la même école où j'ai découvert la marbreur, mais est-ce que ça suffit ? Pour être marbreur ? Non, puisqu'après il faut trouver un marbreur qui a du temps, et c'est vrai que ce que tu expliques, Baris m'a offert de son temps, j'ai également utilisé mon temps, je me suis retrouvée pendant plusieurs années à faire du 7 jours sur 7, aussi en tant que personne qui apprenait, pour aujourd'hui pouvoir pratiquer. On peut se poser la question, effectivement, et je pense qu'il y a vraiment quelque chose à faire, à réfléchir, à penser et à mettre en place.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça passionnant et je pense que la transmission, on en parle, Bétancourt est absolument fan de cette thématique. Il y a beaucoup de fondations qui, justement, se sont spécialisées dans la thématique de la transmission parce qu'on est en train de perdre un patrimoine et c'est primordial. En fait, ce qui est frustrant, c'est que c'est primordial, mais du coup, ça retombe sur les gens qui sont... indépendants et qui, en effet, prennent de leur temps précieux où, ce temps-là, ils ne vont pas le passer à produire et à obtenir un salaire. Donc, je comprends très bien ce dont tu parles et je pense que c'est une question centrale de ces métiers-là. Ça fait soit une transition, soit ça te met dans un pétrin pas possible pour la question des projets futurs.

  • Speaker #0

    Ah oui, en fait, je réponds aux questions à l'avance. C'est l'avant-garde. Si tu veux,

  • Speaker #1

    tu peux répondre à la question de l'anecdote maintenant.

  • Speaker #0

    Et pour de vrai ? Bon, alors...

  • Speaker #1

    Non, mais j'imagine que tu as plein de projets.

  • Speaker #0

    Projets futurs, il y en a plein. Ça dépend ce qu'on entend par projet, mais il y en a de toutes sortes. Après, je ne peux pas forcément donner le détail de ces projets, mais j'ai un super projet sur lequel je travaille en marbrure, en création de motifs pour une maison de luxe, et c'est passionnant. Demain aussi, je démarre un projet, un manuscrit d'écolier en études scientifiques qu'un monsieur, qu'un particulier m'a déposé à relier. Qu'est-ce que j'ai en projet ? Là, j'ai l'objectif de fin d'année sur le feu, puisque je suis formatrice en CAPR. de la relure... Au lycée Tolbiac pour les Greta, donc du coup il faut que je clôture cette année, donc le projet ça serait de réussir effectivement à mener à bien cette année de formation avec cette promotion de candidats qui sont 11 cette année, bel effectif, avec mon bidôme Laura Carlu-Favenec également relieur. Voilà, autre projet, j'espère pouvoir accompagner du mieux que je peux mes deux stagiaires, une de l'école Estienne et une justement du lycée Tolbiac en formation CAP, elles apprennent l'une plutôt la marbrure et l'autre... La marbreur, ça s'englobe dans sa formation en typographie et art graphique en général, mais en fait on fait énormément de choses, on est très polyvalent à l'atelier. Comme projet, je ne sais pas, en fait il y a énormément de choses sur le feu.

  • Speaker #1

    C'est positif. Ça veut dire qu'il y a plein de choses à faire et que les ouvertures sont nombreuses.

  • Speaker #0

    Oui. Ah si, il y a un projet dont je pourrais parler. C'est une collective que nous avons créée avec plusieurs relieurs. On est tous un peu éparpillés à l'étranger, aux quatre coins de la France. Et on s'appelle BIND.

  • Speaker #1

    Alors attends, BIND, B-I-N-D ?

  • Speaker #0

    BEND B-E-N-D BINDBENDBOND comme la c'est du verbe relié en anglais juste quand on apprend BINDBENDBOND ahhh

  • Speaker #1

    Oh là là, je connais pas mes mots irréguliers.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça, c'est le verbe relier.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Bon, ça fait un peu collective.

  • Speaker #1

    Je croyais qu'il y avait un jeu de mots avec bande, B-A-N-D.

  • Speaker #0

    Ça aurait pu. On est une bande, c'est vrai. Mais bon, il faut que je raccroche les wagons parce que j'ai pas été très présente récemment, mais je vais me replonger dans cette aventure collective.

  • Speaker #1

    Donc si, elle, vous êtes que des femmes ? Oui. Donc si elles nous écoutent, on les rassure. Laurie revient bientôt.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Eh bien, on arrive au mot de la fin. Je pense que pareil, on a déjà anticipé la question, mais je vais quand même la poser parce que parfois, ça amène des débats. Est-ce qu'en mot de la fin, tu peux nous dire ce que tu souhaites pour tes métiers ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je souhaite pour mes métiers ? Alors, qu'il y ait un avenir pour ces métiers, qu'il y ait un chemin qu'on puisse emprunter. Je pense que ce qui est rassurant aujourd'hui, c'est que le chemin de l'artisanat est plus facile à emprunter qu'à l'époque où je l'ai emprunté, il me semble. Il me semble que les parents d'aujourd'hui sont peut-être un peu moins bridés. Un peu moins strict sur les horizons professionnels. Et ça, ça a du bon, je pense. Ce côté plus ouvert. Maintenant, ce n'est pas parce qu'il y a plus de monde qui veut s'engager dans cette voie que ça rend les choses plus simples. Parce qu'il faut justement, je rebondis sur ce que je disais tout à l'heure, mais en termes d'enseignement, de domaines à perfectionner, se former, etc. Ça va avec. Il faut qu'il y ait du répondant des deux côtés. S'il y a un public, il faut aussi qu'il y ait les structures pour accueillir ce public.

  • Speaker #1

    Et j'allais même dire, il faut aussi qu'il y ait le marché derrière.

  • Speaker #0

    Voilà, aussi en plus. Après... Ce qui est bien, c'est qu'on peut se spécialiser. Je ne suis pas allée jusque-là tout à l'heure, mais je parlais de plusieurs matériaux. Si par exemple, demain, je peux avoir plusieurs contrats d'apprentissage avec de futurs marbreurs, par exemple, ils pourraient se spécialiser dans la marbreur imprimée textile, sur les marbreurs sur tranches, par exemple, des livres. Ce qui touche plutôt à des techniques anciennes. Il pourrait y avoir quelqu'un qui fabrique les pigments et les pinceaux, puisque ces pigments et ces pinceaux n'existent pas dans le commerce. Donc je suis sûre qu'il y aurait une clientèle pour le marbreur du dimanche qui veut faire ses papiers dans sa maison de campagne. Eh bien, il pourrait acheter ses pigments. Ça serait dingue. Voilà, aujourd'hui, il y a des choses qui ne sont pas accessibles économiquement. Je suis sûre qu'il y a des choses à développer de ce côté-là. En relure, c'est pareil. Il y a des personnes qui sont venues faire des ateliers de relure et qui ont lancé leur marque de papeterie. Donc j'ai la certitude que chacun a sa place. Maintenant, ça ne peut pas passer que par le privé. Ça doit passer par le public, encore une fois. Je remets le couvert là-dessus, mais c'est vraiment important. Et aussi que dans le public, on ne sert pas trop la bride sur le côté traditionnel et historique. Il est important de soutenir les élèves dans tous leurs projets et de ne pas penser que la relure, ça n'est que de la relure traditionnelle. Bien sûr, il faut apprendre la technique. pour ensuite trouver son propre univers de création. Et ça passe par un socle technique qui est là et qui est fixe, qui est rigide. Mais il ne faut pas oublier de dire à nos candidats que quoi qu'il se passe, ils feront ce qu'ils veulent derrière. Enfin, chacun trouve sa propre démarche et son propre univers. Ça pourrait donner un peu plus envie aux gens de se lancer et d'oser le plus vite possible à s'établir et à proposer quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça me permet de rebondir sur... Quelque chose que tu m'as raconté en off, c'est que toi, quand t'as dit à tes parents que tu voulais te lancer dans la reliure, ils t'ont dit... On est vraiment sûr de ça ? Est-ce qu'il y a vraiment un marché ? Donc tu m'as dit que c'était dans les années 2007-2010.

  • Speaker #0

    Alors moi, je me suis lancée en 2011. Ce n'est pas tant pour la relure qu'ils ont grincé des dents. C'est quand j'étais au collège et que j'ai voulu faire les arts appliqués. Je n'avais pas forcément précisé où. Donc quand j'ai juste dit bac général et technologique, ils se sont dit que ce n'était pas un bac général. C'est vrai que voilà, comme tous les parents à l'époque, il fallait plutôt faire un bac LES ou S. Donc un bac général. Bac pro, il ne fallait même pas en parler. Et bac général. Les technologies, c'était un peu l'entre-deux de on n'est pas très bon à l'école, ça se tente. Sauf qu'en fait, je ne savais pas plus ce que ça dessinait. Certes, j'étais peut-être déjà un petit peu lente. J'avais un esprit créatif, une imagination débordante, mais rien de très concret. Et donc, mes parents se sont dit que j'allais m'y perdre. Et ils ont eu très, très peur. Donc, il a fallu qu'en classe de troisième, j'essaie de les convaincre. Et c'est passé par convaincre les professeurs. Au collège, à qui j'ai demandé de faire des lettres de recommandation pour que mes parents se rendent compte de à quel point j'étais motivée. Et bien sûr, il y a eu les portes ouvertes auxquelles je suis allée toute seule, en cachette. Ça veut dire que l'atelier de relure, en soi, j'y étais déjà allée secrètement en troisième. Voilà, bon.

  • Speaker #1

    Ils le savent aujourd'hui ou ils vont l'apprendre dans le podcast ?

  • Speaker #0

    Non, je leur en ai parlé.

  • Speaker #1

    Bon alors.

  • Speaker #0

    Mais voilà, comme quoi, il y a une détermination, il y a un truc, et je pense qu'il faut en profiter quand on est jeune, qu'on est naïf et qu'on n'attend rien et qu'on est prêt à tout. Parce que quand on grandit, quand on est trop adulte... On s'empêche des choses. Donc je crois qu'il faut suivre son instinct. Il faut suivre son inspiration. Il faut suivre son intuition.

  • Speaker #1

    Il faut absolument que tu écoutes l'épisode de Pauline Loctin. Tu l'as écouté ou pas ? Non. On parle de ça justement. Je lui pose...

  • Speaker #0

    Trop bien.

  • Speaker #1

    Alors Pauline Loctin, elle est sculptrice de papier. Et je lui ai posé la question de la créativité. Parce que moi, c'est un peu une question qui me turlupine. Parce que je pense sincèrement que j'aurais pu faire de l'artisanat. Mais juste, j'ai pas découvert assez tôt. le métier qui aurait pu m'intéresser. Et donc, j'ai toujours été un peu frustrée de me considérer comme non créative, en tout cas non douée. Et en fait, aujourd'hui, je m'épanouis vachement dans ce que je fais, mais il m'a fallu du temps pour me dire si en fait je suis hyper créative. Certes, quand j'ai de la céramique devant moi, je ne sais pas ce que je vais en faire, je ne sais pas comment je vais le décorer, mais dans les faits, je peux inventer des concepts, penser à... à des façons de raconter des choses. Enfin, voilà. Et du coup, je lui ai posé cette question de la créativité. Et je pense qu'en effet, on se brime vachement en tant qu'adulte. Et elle dit, en fait, la question que j'ai posée, c'est est-ce que tu penses qu'on est tous créatifs ? Et elle, sans réfléchir, elle m'a dit oui, parce qu'en fait, tous les enfants sont créatifs. C'est vrai. Tu donnes un stylo et un papier à un enfant et il va y aller. Et j'ai trouvé ça tellement beau et moi, ça m'a vachement marquée. Et je pense que ça a fait un déclic en moi, pour moi.

  • Speaker #0

    Oui, sachant que même sans support papier, sans stylo, on s'invente son propre support et son... propre stylo tellement on a d'imagination on trouve n'importe quoi, un morceau de bois sur du sable tout est possible un pêtre sur un mur voilà bon moins sympa à nettoyer et c'est ça qui est génial je crois qu'il faut profiter de ce court moment Après, je ne sais pas, ça dépend à quel âge on se sent plus mature et à quel moment on commence à se mettre des barrières et des contraintes. Mais voilà, ce côté un peu, on fonce, on a un instinct, on a un truc qui nous guide et c'est chouette, je trouve, même si mes parents ont eu un peu peur pour moi, parce qu'ils étaient aimants et bienveillants. Ils m'ont quand même laissé suivre mon parcours, ils m'ont laissé faire ce que j'avais envie de faire, ils m'ont écoutée et voilà, c'est une chance. Parce que je pense qu'il y a des personnes qui, malgré les lettres... de recommandations, malgré les portes ouvertes et touches. Je pense qu'il y en a aussi dont les barrières n'ont été mises par les parents de manière beaucoup plus stricte et beaucoup plus rigide encore qu'un simple refus. C'est sûr que ce n'est pas évident.

  • Speaker #1

    Alors moi, je vais apporter ma petite touche négative à tes propos sur Tu penses que ça a changé ? Je suis en mi-temps à la Chambre de métier et de l'artisanat et je suis chargée de mission pour valoriser l'apprentissage auprès des jeunes. Donc mon métier, c'est de remplir les centres de formation d'apprentis. Eh bien, ça reste avec les mêmes idées reçues sur mais non, mais tu ne peux pas faire un CAP, c'est pour les débiles Ah, ok. Ah ouais, ouais, ouais. Et en fait, c'est hyper dur. Aujourd'hui encore, l'artisanat, alors là, je te parle d'artisanat encore plus large que ce que nous, on côtoie au jour le jour. Mais l'artisanat a encore des grosses idées reçues et encore perçues comme une voie de garage.

  • Speaker #0

    Ouais, l'étiquette ouvrier, quoi. Oui,

  • Speaker #1

    t'es mauvais. tu vas faire un CAP. C'est encore le cas. T'es bon, tu vas faire un bac plus 5, tu vas devenir col blanc. Et pourtant, je le dis vraiment, aujourd'hui, un plombier gagne tellement mieux sa vie, en tout cas que moi. Et c'est pareil avec un électricien. On est tellement dans une société où on ne sait plus rien faire de nos mains qu'on appelle le plombier et l'électricien à tout bout de champ. Ils, vraiment, vivent... hyper bien. Et donc, on n'a pas encore déconstruit ce truc. Peut-être que les métiers d'art sont un peu plus sexy et qu'on commence peut-être un peu plus à déconstruire et qu'on arrive dans une vague où il y a de plus en plus d'étudiants qui s'y intéressent. Mais l'artisanat, c'est encore hyper victime de ces idées reçues. Et c'est dommage, en fait. C'est dommage parce que du coup, on se retrouve en fait avec des classes. Soit c'est des enfants hyper passionnés qui vraiment ont dit si, si. C'est ce que je veux faire. C'est d'ailleurs une discussion que j'ai eue avec mon coiffeur qui me disait, en fait, j'ai dit à mes parents vous n'avez pas le choix, je vais faire un CAP coiffure. C'est comme ça. Alors qu'il était bon à l'école. Et il dit, vous n'avez pas le choix, j'irai. Et il l'a fait. Donc c'est soit les passionnés qui savent, lui il me dit, depuis l'âge de 8 ans, je savais que je voulais être coiffeur. Et il n'a pas changé. Soit c'est des passionnés, soit c'est des enfants qui ne se retrouvent pas dans le système classique, soit c'est des enfants qui, à travers l'apprentissage, vont chercher à avoir un salaire. Et on est quand même vraiment dans ces idées reçues là, et moi je trouve ça hyper dommage. On met en l'air des carrières.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr. Et parfois, même quand on est obligé d'allier les deux, d'avoir une condition, d'être autonome financièrement. Moi, ce que j'ai fait à l'époque, c'est que j'avais un boulot à côté, ça ne m'a pas empêché d'être en cours. Après, c'est un rythme, mais chacun trouve son équilibre. En tout cas, c'est sûr qu'il faut être partie prenante, motivée. Peut-être qu'il y a un truc aujourd'hui avec les écrans qui nous fait nous rendre plus spectateurs qu'acteurs. Donc ça c'est peut-être un truc sur lequel il faut travailler pour les générations futures, de dire si c'est possible vous pouvez faire, parce que ça peut être invalidant. Et on peut ne pas se sentir capable de là où la jeunesse à laquelle j'appartenais, il n'y avait pas ce truc-là. Donc il faut faire gaffe à ça, parce que c'est à double tranchant. Ces écrans, oui, c'est du savoir, c'est un accès immédiat à plein de choses, mais ça peut être un peu invalidant. Vraiment, on est trop, trop, trop spectateur. Parfois, on devient même un peu collé aux écrans. Moi, je le vois en inspiration. Je me fais un peu avoir, donc je me défends d'être trop longtemps derrière mon écran. Les podcasts, pour ça, c'est top, parce qu'on peut se le mettre... En fond, et bosser en même temps, donc ça c'est cool. Mais le côté image, le côté on voit faire, je crois qu'il faut proposer des ateliers, des choses, enfin il faut rendre accessible le côté pratique et le côté je mets les mains dedans et je me lance, et le plus tôt possible, le plus jeune possible. Et évidemment, les parents aussi sont toujours très contents de mettre les mains dans la cuve et de participer aussi. C'est très familial.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un très beau mot de la fin. Je vais faire une pub pour une asso que j'aime beaucoup. qui justement va dans ton sens qui s'appelle l'outil en main je sais pas si tu connais l'outil en main cette année il fait de l'or 30 ans ça a été créé par une envie de rassembler les artisans à la retraite et les jeunes et en fait initialement c'est des artisans retraités qui transmettent leur savoir et leur métier à des jeunes entre 9 et 16 ans Donc c'est comme toi, t'as pu aller au basket, au tennis ou à la danse, les mercredis après-midi. Ces enfants, ils vont à l'outil en main et ils vont découvrir comment on fait des crêpes, comment on fait de la plomberie, comment on fait de la tapisserie d'ameublement, comment on répare un vélo. Il y a vraiment de tout. Et moi, vraiment, alors déjà c'est les copains, premièrement, mais vraiment, je trouve ça tellement sincère. Et je suis allée dans une des associations, c'est mes... Incroyable. Les enfants sont heureux et les bénévoles te disent mais c'est ma famille, c'est mes gamins en fait. Vraiment, à chaque fois, ils les appellent, c'est mes gamins. Et il y a une connexion qui se crée, puisque du coup, tu les suis toute l'année, et il y a une connexion qui se crée entre ces deux générations qui est incroyable et... qui, je pense, est une mission. Alors, ils ont plus de 250 associations dans toute la France, donc qui commencent à avoir un peu un impact national. Mais je me dis, c'est ces initiatives-là qui, justement, peuvent déconstruire et montrer que, en fait, tu peux être plombier, c'est génial.

  • Speaker #0

    Il y a le côté intergénérationnel aussi que je trouve intéressant dans ce que tu me décris Donc j'ai fait la pub pour cette association que j'aime beaucoup Tu fais bien, c'est génial

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Laurie, merci pour ton temps Merci à toi Lisa Tu as un très bel atelier, très confortable Ton image, en fait, très zen. Tu en as fait quelque chose de très sympa. Donc,

  • Speaker #0

    félicitations. C'est vrai que je n'en ai pas du tout parlé de l'atelier, mais c'est un local de la ville de Paris. On peut tous postuler sur des locaux libres à la ville de Paris. C'est géré par GIE Paris Commerce, qui sont l'entreprise qui sous-traite les demandes. Et donc, j'ai fait cette demande en plein Covid, là où les locaux étaient désertés, les Parisiens... On quittait le navire et puis c'était le moment où moi je me suis embarquée dans ce petit navire de dossier de 50 pages.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est lourd.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est assez lourd et puis on s'engage, attention c'est un bail commercial 369, donc il faut avoir les moyens de le payer, le local derrière. Donc voilà, c'est un loyer en plus, mais c'est la promesse de recevoir du public, de partager, de recevoir des stagiaires, de faire plein de choses. Je suis contente, ça fait deux ans que ça dure et j'espère que ça continuera comme ça le plus longtemps possible.

  • Speaker #1

    On te le souhaite. En tout cas, il est très chouette encore une fois. Merci beaucoup Laurie.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie de t'avoir accueillie.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Je suis ravie d'avoir pu enregistrer tes propos. C'est très chouette. Je te dis à très vite. J'espère.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Laurie, relieuse et marbreuse, vous aura plu. Avec Laurie, nous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c'est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant 5 ans. Je voulais vous remercier davantage. Aussi, lorsque le concours sera en ligne, en plus des règles classiques, vous pourrez ajouter un émoji micro à votre commentaire. Cela doublera vos opportunités de gagner. Bonne chance ! Je vous ai mis les informations sur l'association L'outil en main en description. N'hésitez pas à aller découvrir ce beau projet que j'aime tant. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram. Donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast.histoired'artisan.com En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

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Description

Dans ce deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie&LesPetitesMains, relieure et créatrice de papier marbré. Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d’eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport à ses deux métiers et nous montrons qu’il n’y a pas une seule façon de vivre son métier d’art. 


Avec Laurie nous vous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c’est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant cinq ans, je voulais vous remercier davantage. Aussi, à la fin de cet épisode, vous aurez une astuce pour doubler vos chances de gagner !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Laurie Archambault - Laurie & Les Petites Mains

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Pour en savoir plus sur L’Outil en Main : https://www.loutilenmain.fr/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan, je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie et les petites mains, relieur et créatrice de papier marbré. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du papier marbré. Dans celui-ci, Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d'eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport avec ses deux métiers et nous montrons qu'il n'y a pas qu'une seule façon de vivre son métier d'art. Cet épisode est le cinquantième du podcast. Je voulais en profiter pour vous remercier de nous être fidèles. C'est une source de motivation constante de voir l'impact que le podcast peut avoir sur vous. Je ne m'éternise pas plus, mais sachez qu'en fin d'épisode, je vous parlerai d'une belle surprise. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Laurie, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Laurie, tu es relieur et créatrice de Papier Marbré. Est-ce que tu peux nous raconter, peut-être, alors, tu as des métiers, je crois que je peux dire, la rencontre avec tes métiers ? Et pas la rencontre avec un métier puis l'autre, parce que je crois que c'est assez simultané.

  • Speaker #0

    Oui, tout est un peu lié, c'est le cas de le dire. Donc effectivement, je vais rencontrer mon métier parce que je m'engage dans une filière en art appliqué très tôt dans mon parcours, très jeune, dès le lycée. J'ai la chance à l'époque de rentrer à l'école Estienne dès le lycée, puisque cette formation est proposée encore à l'époque. Et en fait, en classe de seconde, dès la classe de seconde, on a des petits modules proposés tous les mercredis après-midi en rapport avec les études supérieures qu'on pourra faire plus tard. Donc, si on s'engage dans une voie qui concerne les formations proposées, on peut le savoir assez tôt, dès la seconde. Et c'est l'atelier de relure qui sera vraiment le coup de cœur. Le lieu, les machines qui vont avec, l'odeur, les matériaux. Évidemment, l'enseignante qui est là, Odile Doué, une femme passionnée et passionnante, qui a fait intervenir Marianne Peters. Donc, Marianne Peters, en fait, elle est marbreur. Historiquement, elle est plutôt autodidacte, même si elle a collaboré, elle a travaillé avec Michel Duval, elle a travaillé avec d'autres personnes, Claude Delpierre, Marie-Ange Douazy. Elle appartient vraiment à cette lignée de personnes reliées à la relure, dans le monde du papier, dans le monde des métiers de l'imprimerie et de la relure. Et donc finalement, elle intervient grâce à Odile Doué pour un workshop. de papier marbré. Donc ça signifie qu'avant même de commencer à faire de la relure, même si on avait commencé un petit peu de prototypage, de couture avec Odile, il y a eu vraiment cette découverte du travail à la surface de l'eau, des couleurs. Alors il n'y avait pas forcément l'approche, parce que ce sont des ateliers très courts, de fabriquer le pigment, etc. Il n'y avait pas forcément toute cette histoire. Ça m'a juste donné envie, finalement, ça m'a donné l'élan de me dire, cette technique existe, c'est hyper intéressant, il y a un truc à creuser. Et ce qui va me servir de passerelle, puisque je comprends bien à l'époque et encore aujourd'hui, il n'y a pas d'enseignement de la marbrure. Donc je comprends qu'il va falloir que je trouve une passerelle et un métier vraiment reconnu en France qui me permettrait d'arriver à la marbrure peut-être plus tard, comme l'a fait Marianne et comme l'ont fait d'autres avant. Donc je vais me pencher sur cette formation en relure à l'école estienne. Et ça a été vraiment très très riche, puisque du coup, il y a eu ces trois années. On a rappliqué plus les deux années en études supérieures à l'atelier de relure, avec plein de techniques, plein de connaissances, toute l'histoire qui va avec. Et après, comment se créer son propre environnement et sa propre démarche, soi-même, sortie de ces études-là.

  • Speaker #2

    Donc en fait, tu voulais d'abord être créatrice de papier marbré, on dit marbreuse. On dit marbreur comme on dit relieur.

  • Speaker #0

    On dit marbreur comme on dit relieur. C'est pour ça que moi, j'utilise le terme de créatrice de papier marbré. Ça permet de féminiser. Il y en a qui disent relieuse, marbreuse. Il n'y a pas de souci. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Contrairement à la relieuse qui est un outil, la marbreuse n'est pas un outil.

  • Speaker #0

    Non, la marbreuse n'est pas un outil. On peut dire marbreuse.

  • Speaker #2

    Si je comprends bien, tu voulais être créatrice de papier marbré avant d'être relieuse.

  • Speaker #0

    Relieur ? C'est un bien grand mot, parce qu'en fait, juste gros coup de cœur pour la technique, et je me dis, il va y avoir un truc à l'avenir qui va forcément revenir à ça. Enfin, c'était évident que je n'allais pas lâcher cette technique, et que j'allais me poser plein de questions, me renseigner, lire des livres, m'y intéresser. Et c'est ce qui s'est passé, c'est-à-dire que pendant un laps de temps de quelques années, le temps que je me lance, donc tout le lycée, plus mes études supérieures, on va dire, allez, cinq ans. J'ai fait des stages, j'ai lu plein de livres sur le sujet et j'avoue que je me suis lancée très tôt en tant que relieur. J'ai créé mon atelier en 2011 à peine. Sortie diplômée, parce que j'avais mes premiers clients et mes premières commandes, donc j'ai pas tardé. J'ai sauté sur le tremplin tant qu'il était là, quoi. Et je me suis dit, c'est une technique qui demande de la pratique, donc plutôt je m'y mets, plutôt j'aurai de la pratique, et plutôt je me sentirai légitime. Même si parfois, il y en a qui pensent devoir être légitimes avant de se lancer, moi, je me suis lancée d'un coup d'un seul. Et pendant quelques années, je me suis fournie en papier marbré, puisque en relure, on utilise du papier marbré. Donc voilà, il y a des marbreurs qui sont assez connus, donc Marianne Peter et d'autres chez qui je vais acheter mes papiers. Et c'est comme ça que je suis arrivée à rencontrer Baris. Au bout de quelques années, je me suis aperçue qu'il y avait un marbreur à Paris. Déjà, c'est rare.

  • Speaker #2

    Donc Baris Bekul, qui est turc, qui connaît la technique. Ancestral, qui a été formé par un maître.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En Turquie. Oui.

  • Speaker #2

    Et du coup, qui est venu en France et que tu as rencontré à Paris.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, il commercialisait son papier. Il débutait à Paris, même s'il avait pratiqué et était formé en Turquie. Et donc, il avait des papiers bien spécifiques, avec des couleurs qu'on ne voyait pas partout, des motifs cailloutés, une très belle richesse de motifs un peu différents des peignes italiens qu'on trouve souvent en relure. Donc moi, ça va attirer ma curiosité. Je vais au départ pas tellement oser aller à sa rencontre, mais plutôt acheter ses papiers là où ils sont vendus. Au fil du temps, je vais apprendre à faire connaître. Je vais oser le contacter et donc je vais pouvoir acheter son papier en direct. Donc ça, c'est pour la partie la plus récente parce que j'ai vraiment été très timide et j'avançais vraiment pas à pas sur la pointe des pieds au fur et à mesure de mon parcours artistique et professionnel. Mais grâce à cette rencontre, je me suis aperçue qu'il créait ses couleurs sur mesure. Donc on en est venu à parler technique et c'est un peu comme ça que j'ai mis le doigt dans l'engrenage de manière plus sérieuse, plus pro. Et que lui, il y a eu aussi une opportunité. parce qu'il cherchait à travailler avec quelqu'un. Donc cette transmission, elle s'est faite par le biais de la relure. avec une certaine curiosité. Et puis, le fait que j'ai déjà eu un certain nombre de connaissances sur les motifs, sur l'histoire, lui ne voulait pas forcément, entre guillemets, perdre de temps là-dessus. Il était plus intéressé sur la partie technique. Et donc, ça nous a permis de vraiment développer cette partie-là. Comment créer tel motif ? Quels sont les gestes ? Qu'est-ce qu'il faut faire, ne pas faire, etc. Donc là, c'est vraiment de la technique pure, de manière répétée. Faire des erreurs, se tromper, recommencer jusqu'à réussir. Et donc, c'est très, très technique. En fait, cette technique... On peut être dans la contemplation au premier abord, mais en fait, pour arriver à un beau papier, il y a énormément de travail en amont. Donc c'est passionnant. Et ça, ça m'a énormément plu de voir cette rigueur, cette précision du pinceau en passant par l'encre et en arrivant à la surface de l'eau. Même la texture de l'eau, il y a différentes recettes pour épaissir l'eau. C'est tellement immense, c'est un monde infini où tout est possible. On peut tout créer sur cette queue.

  • Speaker #2

    C'est vrai que de prime abord, on n'a pas l'impression que ça nécessite... Tant de techniques que ça. En fait, c'est ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est que tout a un sens, alors qu'on dirait que juste, vous avez déposé trois gouttes de colorant et fait des pirouettes, et puis voilà quoi, alors que pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant dans cette pratique, c'est que justement, parce que c'est inclusif et que ça paraît simple, ça m'apporte un public. Aujourd'hui, la marbre, on pourrait se dire, mais comment ce domaine peut-il fonctionner ? Comment peut-on avoir un public ? Mais justement, parce que ça paraît simple. Si ça paraissait compliqué, les gens ne se sentiraient pas d'essayer quoi que ce soit, de s'interroger. Et la simplicité, la beauté de cette simplicité, c'est ce qui crée l'approche et la connexion entre le monde extérieur, si on peut dire ça comme ça, et mon domaine.

  • Speaker #2

    Tu as parlé de ta formation, tu as parlé de ce que tu as fait à la fin de ta formation. Est-ce que tu peux nous expliquer ta relation avec tes métiers aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, aujourd'hui, la relure, la marbrure, ça va se définir comme étant des activités qui interpellent. Donc moi, j'ouvre mon atelier de relure et de marbrure il y a deux ans, dans le 13e arrondissement, dans un quartier où il y a beaucoup d'habitations, d'écoles, des enfants, et je m'adapte à mon milieu. C'est un lieu que je ne connaissais pas avant ces deux ans où je me suis installée. Et donc là, au moment présent, c'est plutôt dans une démarche de rendre accessible, de transmettre, de promouvoir, de faire vivre cet art avec les gens du quartier, avec ce quartier, avec des gens venus d'ailleurs. C'est vrai que parfois, ça arrive qu'il y ait des gens qui viennent aussi de loin parce qu'on n'est pas beaucoup à faire relure et marbrure. On est encore moins à faire de la marbrure. La relure, c'est quelque chose d'un tout petit peu plus courant, mais quand même, il y a encore des personnes qui toquent à ma porte et qui me demandent, excusez-moi, mais la relure, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous faites exactement ? Donc en général, ce que je réponds, c'est que je peux autant faire un petit carnet relié, donc quelque chose qui toucherait au domaine de la papeterie, fait main. Ça peut passer par la relure traditionnelle, si un livre est ce qu'on appelle brochet, un livre poche, qu'il faut relier au format rigide, avec des couvertures. Que ce soit du cuir, du papier marbré, de la toile, tout est possible. Ça peut toucher un petit peu à la restauration quand le livre est un peu plus ancien, abîmé, et qu'il faut consolider le papier, voire même combler les lacunes. Quand le livre a déjà été relié et qu'il est tellement tout abîmé qu'il faut complètement le recoudre, donc là, gros travail, parce que souvent il faut remettre le papier à plat, il ne peut pas garder sa forme initiale, donc il y a tout un travail de remise à zéro en préservant quand même le mieux possible les matériaux d'origine. Et puis après, il y a la relure de création, où là, c'est plus des livres rares, des livres de bibliophilie, je sais pas, moi par exemple, avec des illustrations originales, ou même ce qui pourrait toucher un petit peu aux livres d'artistes, et où là, il faut apporter un décor complètement nouveau, on n'est pas dans un code de il faut faire une relure avec des coins, avec un dos en cuir, etc. On crée un décor avec des matériaux, on fait des propositions, voilà, c'est considéré comme une œuvre. Donc là, c'est encore autre chose. Et en marbrure, c'est pareil, c'est très Ça peut être un papier marbré de création, ça peut être un papier marbré qui reproduit un papier marbré d'époque, ancien, où il faut que je restitue les couleurs d'origine, le motif, etc. Donc ça peut être des papiers marbrés que je fais pour des ateliers de relure, donc des restaurateurs. Ça peut être des papiers qui vont servir à des graphistes. Pour la création textile, création de packaging, enfin vraiment la marbrure c'est pareil, c'est aussi diversifié que la relure mais peut-être que c'est plus inclusif. que la relure. Peut-être que les papiers marbrés sont des supports qu'on peut utiliser pour tellement plein de choses. On peut se faire un éventail, un abat-jour de l'origami. Le support papier, c'est un support d'expression. Il y a le fait de créer le papier et ce qu'on en fait derrière. Donc en soi, ça englobe énormément de choses. J'ai une petite routine dans la mise en œuvre, dans la façon dont je travaille, mais les journées ne se ressemblent pas. Les demandes sont très variées, très différentes. Les rencontres aussi, c'est riche.

  • Speaker #2

    J'allais te demander, parce que là on est dans ton atelier, justement il n'y a pas que du livre. Tu as aussi fait des pots à crayons, je vois que tu as fait des mobiles. Je sais quand on s'est rencontrés, là je vois des boucles d'oreilles, des colliers. Tu dis que les gens ne savent pas trop ce que c'est que le métier de relieur, mais initialement j'avais plutôt tendance à penser que vous ne travaillez que sur des livres. Mais en fait, c'est un peu plus large que ça.

  • Speaker #0

    Je dirais que ça dépend du relieur et ça dépend de ce qu'on privilégie dans son travail. Et ça, c'est propre à chacun. Mais c'est vrai que moi, j'ai plus un esprit libre d'artiste et un esprit créateur qu'un esprit d'artisan. Donc je suis plus proche de l'artisanat d'art ou de l'art que de l'artisanat tout court, dans le sens où je ne me mets aucune frontière, aucune barrière. Et c'est vrai qu'il y a des boucles d'oreilles en papier japonais, en papier marbré, en papier uni. Les boucles d'oreilles, par exemple, le pliage, C'est ce par quoi j'ai commencé. J'ai commencé à faire des bijoux, j'avais même pas lancé mon entreprise. Et les personnes qui m'ont donné, qui m'ont insufflé ça, c'est des personnes qui ont une très forte influence. Et dans un parcours, quand on est jeune, c'est hyper important. C'est Odile Doué, qui était mon enseignante en relure, qui m'a dit Elles sont géniales ces boucles d'oreilles, le volume est important, mais c'est léger. Et c'est vrai que le matériau papier, il a des propriétés techniques que n'ont pas les autres matériaux. Et les relieurs en général ? Quand ils se forment, ils se spécialisent en fait. Ensuite, quand ils se lancent, quand ils se forment et quand ils se professionnalisent, ils décident du matériau qui les définiront. Souvent, il y a un peu ce truc-là. Il y a un peu le relieur qui va utiliser tel type de cuir ou celui spécialisé en parchemin. Parce qu'en fait, c'est tellement complet de savoir utiliser un matériau déjà. qualitative, que ça suffit à créer un secteur de métier dans la relure. Donc moi, si je devais donner un matériau, c'est le papier. Ça serait plutôt le papier. Maintenant, c'est vrai qu'au niveau du papier, ça part dans toutes les directions. Je ne fais pas que de la relure avec le papier, parce que le papier, il offre une liberté vers laquelle je vais, je fonce sans hésiter. Maintenant, peut-être qu'il y a des relieurs qui ne font que de la relure avec les papiers. Je pense que chacun fait comme il l'entend. On est complètement libre de choisir une direction.

  • Speaker #2

    C'est ça qui fait la richesse et c'est ça qui fait la complexité aussi pour le grand public de comprendre. C'est que moi, à un moment, je m'étais posé la question de savoir comment capitaliser sur mon carnet d'adresses d'artisans. Et je m'étais dit, pourquoi pas lancer une plateforme ? Et en fait, lancer une plateforme de mise en relation, ça nécessite de mettre les gens dans des cases. Et ma réflexion ? À force de rencontrer des artisans, c'est qu'on ne peut pas vous mettre dans des cases. Deux relieurs vont avoir complètement des connaissances différentes. Et d'ailleurs, avec Histoire d'artisan, j'ai lancé un répertoire des artisans qui n'est qu'en fait juste... Un Google Forms dans lequel je pose les questions de Quelle machine avez-vous ? Quelles sont vos techniques de prédilection ? Mais parce que je pense que celui qui parle le mieux, peut-être au grand public, c'est le métier de maroquinière. Et notamment, on en parle avec Robert Mercier dans l'épisode précédent-précédent. C'est certes, un artisan du cœur va travailler le cuir, mais il y a tellement de façons de travailler le cuir. Et une entreprise ou un particulier qui va dire Moi, j'ai tel projet, c'est du papier dont je vais aller chercher un relieur. Bah non, c'est pas comme ça que ça fonctionne. Et c'est pareil avec le métal, c'est pareil avec le verre. Quand je travaillais chez Jérémy Maxwell-Ventrebert, souffleur de verre, je me souviens très bien d'une fois, un appel à projet qu'on reçoit, où on nous dit, il faut faire un cube en verre. Bah, essayer de faire un cube en verre, en soufflage de verre, ça nécessite de développer tout un moule hyper complexe. C'est pas possible en fait. Et c'est la même chose, en l'occurrence, un verrier pourra faire un cube de verre, mais avec du verre à plat. Et là, pourra faire un cube en verre. Si vous demandez à Jérémy de faire une perle, il va vous dire, je sais pas faire, moi. Moi, je sais te faire un globe, mais je sais pas te faire une perle, parce qu'une perle, c'est un souffleur de verre au chalumeau, qui travaille sur des toutes petites surfaces. Et c'est pour ça qu'elle est là, la richesse, mais elle est aussi là, la complexité pour le grand public, et même... Pour les donneurs d'ordre, je sais pas, typiquement, tu me parlais de ton atelier avec la nana qui voulait faire son papier peint. Bah en fait, toi, ton métier, c'est pas de faire des papiers peints, parce qu'en l'occurrence, est-ce que ton papier, il va se terminer pour pouvoir bien commencer de l'autre côté ? Non, il va y avoir une cassure, donc ça sera pas forcément très joli. Et il y a des gens qui sont spécialisés dans la production de papier peint. Enfin bref, voilà. Moi, quand je te pose la question de savoir ce que t'en fais, c'est pas ce qu'en font les relieurs, mais c'est toi. Comment tu vis ton métier ? Parce qu'il y a des tas de façons de vivre son propre métier.

  • Speaker #0

    Pour autant, ce qui m'arrange sur l'anecdote du papier peint, c'est qu'il y a aussi des éditeurs de papier peint qui, eux, sont capables. Ils ont les manufactures, ils sont éditeurs de papier peint, vont demander des motifs. Ça, c'est un peu plus cohérent. Donc oui, sur la diversité des possibilités, c'est plus au niveau du motif où je peux avoir quelque chose à apporter, par exemple.

  • Speaker #2

    Oui, ce que tu veux dire, c'est que t'en es capable. C'est juste qu'il faut certaines contraintes, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense qu'il faut faire ça tous les jours pour répondre au carnet de commandes. C'est vrai que quelqu'un qui vient s'initier en espace de 1h30, surtout que ce sont des petits cours collectifs, on n'est pas nombreux, on est trois, mais on ne s'improvise pas forcément marbreur. La technique est inclusive, elle est assez facile d'accès, mais techniquement, pour arriver à un joli motif qui se répète, et là, c'était un peu ça l'esprit, il faut quand même un minimum de pratique. Donc voilà, l'idée, c'est de pouvoir tenter des choses, mais il ne faut pas... Ça va arriver avec certaines exigences quand on vient s'initier.

  • Speaker #2

    Eh bien, ça fait une très bonne transition sur la prochaine question qui est est-ce que tu aurais une anecdote à nous raconter ?

  • Speaker #0

    J'en ai tout plein, mais je pense que je vais peut-être aller au plus récent, en lien avec la marbrure. En visitant l'atelier tout à l'heure, on parlait de ma nouvelle cuve, la cuve un petit peu plus récente, que j'ai nommée la cuve 2.0. Donc en fait, il faut savoir qu'une cuve, en général, c'est un support en métal qu'on vient remplir, qu'on vide entièrement manuellement. Et au bout de quelques années de pratique, je me suis lancée là, dans une cuve, avec un écoulement d'eau, une évacuation d'eau. Évidemment, comme l'eau doit rester dans la cuve, cette évacuation d'eau est elle-même raccordée à quelque chose qui permet de garder l'eau, donc un robinet, on va dire. et on remplit la cuve et on peut la nettoyer. Donc c'est un peu comme une vasque, en quelque sorte, mais à la forme d'une cuve. Et ça a été une sacrée mission, c'est-à-dire qu'en gros, je suis partie d'éléments récupérés, même pour habiller la cuve, donc des morceaux de bois que j'ai sciés pour rendre joli le fait qu'elle soit posée là, qu'elle se confonde dans son milieu, c'est-à-dire qu'elle est posée sur du mobilier en bois, donc je l'ai recouverte de bois. Donc c'est peut-être la dernière anecdote concernant l'atelier.

  • Speaker #2

    Et donc, tu as fait un circuit fermé ?

  • Speaker #0

    Voilà, j'ai fait un circuit. On peut remplir par un bout avec une petite douchette, avec différents types de jets pour nettoyer, pour remplir. Donc, voilà. Et après, il y a une évacuation avec un système de levier pour garder l'eau dedans, puisque le but, c'est que je fasse mon papier. Ce n'est pas juste d'avoir une évacuation comme on aurait une vasque. Et un bouchon n'aurait pas suffi, malheureusement, puisqu'il faut que ce soit parfaitement hermétique. Donc, on ne peut pas avoir les systèmes qu'on a sur un évier. standard. J'ai vraiment étudié la chose et j'ai fabriqué tout ça toute seule. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Trop bien. Moi, je pensais que tu allais me raconter ça pour la question sur la recherche et l'innovation.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça aurait pu.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu as un projet de recherche ou d'innovation dont tu pourrais nous parler ?

  • Speaker #0

    Oui, ça peut toucher à l'innovation. Je ne sais pas si c'est un projet qui verra le jour. Mais c'est un gros, gros projet. En fait, j'ai accueilli récemment sur un atelier un monsieur qui s'occupe des référentiels, donc à savoir les domaines d'enseignement. Comme je le disais dans l'épisode 1 et celui-ci, il n'y a pas d'enseignement en marbrure. Et un des gros projets, quelque chose que j'ai dans un coin de la tête, c'est de transmettre cette maîtrise, cette fabrication des pinceaux traditionnels, la fabrication des pigments. En fait, il faut savoir qu'il y a très peu d'ouvrages, il y a très peu de choses écrites. Sur ces traditions, il y a vraiment quelques livres qui sont d'ailleurs plus réimprimés, plus édités, très compliqués à avoir chez soi. Et donc ce savoir qui normalement se transmet à l'oral. Il faut à un moment donné qu'en France, on accepte de le mettre par écrit, qu'il y ait un référentiel autour de cette pratique, la marbrure. Je pense que ça peut englober pas seulement la marbrure hébro-traditionnelle, ça peut aussi englober ce que je racontais sur l'histoire des sominagashi. Je pense que le mot marbrure peut être un thème, un métier, dans lequel on peut se spécialiser en marbrure sominagashi, en marbrure hébro-traditionnelle ottomane, en marbrure italienne. Mais en tout cas, pour que ce soit le cas et pour qu'on ne perde pas ces recettes, ces techniques et cette richesse, il faut la transmettre. Il n'y a pas de contrat d'apprentissage. Tout est informel dans le métier et le projet d'innovation, ce serait de créer une mention complémentaire, par exemple, une formation en un an accessible dans le public, ou autre chose, mais en tout cas, quelque chose qui touche à la formation, transmission de ces pratiques qu'il faut absolument inscrire dans notre culture. On peut dire aujourd'hui, dès lors qu'un artisan s'installe en France, ça fait partie de notre culture, il faut le soutenir. Et il faut accompagner les personnes.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a des métiers comme ça qui se perdent malheureusement et qui font partie de notre patrimoine. Et que demain, on va se demander, ah, ils faisaient comment ? Et en fait, on va reperdre du temps à rechercher des techniques juste parce qu'on ne les a pas transmises. Et c'est marrant parce que notre discussion qu'on avait juste avant, avant d'enregistrer, elle est le témoin aussi de je ne te transmets pas, pas forcément parce que je ne veux pas et que je suis une personne aigrie et que c'est mon savoir-faire. Mais plus parce qu'en fait, transmettre, c'est du temps. Le temps. C'est de l'argent et si je transmets, je ne fais pas autre chose à côté et du coup je ne peux pas payer mon loyer, je ne peux pas me payer moi, je ne peux pas manger, je ne peux pas vivre. Et en fait, je trouve qu'il y a une réflexion plus globale de se dire, certes il y a des artisans qui ont des savoir-faire et qui peuvent transmettre, mais quelle est la raison pour laquelle ils ne le font pas ? Et potentiellement, c'est là où les fondations, les associations, en l'occurrence des fondations, il en existe la Fondation Banque Populaire, tu as la Fondation Réunis Cointreau, tu as la Fondation Mérimée, qui est une fondation spécialisée aussi dans le patrimoine. Est-ce qu'ils considèrent ça comme du patrimoine et que potentiellement, ils peuvent t'aider à financer ce genre de recherche et ce genre de production de contenu, en fait ? Parce qu'il y a aussi de ça.

  • Speaker #0

    En fait, je pense que le petit souci, c'est que c'est du ponctuel, dans le sens où ça peut être un financement pour... Je ne sais pas si ça serait produire un livre, par exemple, avec du contenu, auquel cas, malheureusement, ce n'est pas parce qu'on a un livre de recettes qu'on arrive à réaliser le contenu de cette recette. Donc ça, ça ne suffirait pas. Parfois, ça peut être mener à bien un binôme. Par exemple, je trouve quelqu'un de confiance et je décide de transmettre mon savoir à cette personne. Ça pourrait être soutenu. Moi, c'est vrai que ce que je recherche, c'est quelque chose d'un peu plus pérenne. Même si une mention complémentaire ne peut pas ouvrir parce qu'on n'a pas le nombre de candidats attendus, au moins elle existe, au moins il y a un référentiel. Ce que je me suis fait expliquer, c'est qu'il fallait qu'on soit minimum 10 personnes à pratiquer la marbrure pour ensemble se rassembler et voir qu'est-ce qu'il faut savoir faire, vraiment établir ce référentiel.

  • Speaker #1

    Les bases à connaître.

  • Speaker #0

    Voilà, et ensuite, les personnes qui sont ces professionnels pourraient potentiellement être... les enseignants pour ces formations. Après, aujourd'hui, ça appartient au privé, c'est-à-dire qu'à titre privé et sur le bon vouloir, c'est pas un CAP, il n'y a pas de certification en tant que tel, on peut se former. Moi, j'accueille des artistes, des personnes qui sont curieuses et qui ont envie de se mettre à la marbrure et qui vont pouvoir, à qui je vais expliquer comment fabriquer les pigments, etc. Mais c'est dans un cercle privé de personnes qui financent ces formations-là à titre personnel, et ça n'appartient Pas à l'enseignement public, et c'est ça que j'aimerais, c'est plutôt proposer quelque chose dans cet enseignement auquel j'ai eu droit en relure. Ça ne m'a pas empêchée aujourd'hui d'être marbreur, mais il faut dire que j'ai eu vraiment énormément de chance, comme par hasard, de faire un workshop avec Marianne Peter. Aujourd'hui, je fais des workshops à l'école Estienne, donc voilà, il y a des pages qui se tournent. Oui, des étudiants découvrent la marbreur dans la même école où j'ai découvert la marbreur, mais est-ce que ça suffit ? Pour être marbreur ? Non, puisqu'après il faut trouver un marbreur qui a du temps, et c'est vrai que ce que tu expliques, Baris m'a offert de son temps, j'ai également utilisé mon temps, je me suis retrouvée pendant plusieurs années à faire du 7 jours sur 7, aussi en tant que personne qui apprenait, pour aujourd'hui pouvoir pratiquer. On peut se poser la question, effectivement, et je pense qu'il y a vraiment quelque chose à faire, à réfléchir, à penser et à mettre en place.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça passionnant et je pense que la transmission, on en parle, Bétancourt est absolument fan de cette thématique. Il y a beaucoup de fondations qui, justement, se sont spécialisées dans la thématique de la transmission parce qu'on est en train de perdre un patrimoine et c'est primordial. En fait, ce qui est frustrant, c'est que c'est primordial, mais du coup, ça retombe sur les gens qui sont... indépendants et qui, en effet, prennent de leur temps précieux où, ce temps-là, ils ne vont pas le passer à produire et à obtenir un salaire. Donc, je comprends très bien ce dont tu parles et je pense que c'est une question centrale de ces métiers-là. Ça fait soit une transition, soit ça te met dans un pétrin pas possible pour la question des projets futurs.

  • Speaker #0

    Ah oui, en fait, je réponds aux questions à l'avance. C'est l'avant-garde. Si tu veux,

  • Speaker #1

    tu peux répondre à la question de l'anecdote maintenant.

  • Speaker #0

    Et pour de vrai ? Bon, alors...

  • Speaker #1

    Non, mais j'imagine que tu as plein de projets.

  • Speaker #0

    Projets futurs, il y en a plein. Ça dépend ce qu'on entend par projet, mais il y en a de toutes sortes. Après, je ne peux pas forcément donner le détail de ces projets, mais j'ai un super projet sur lequel je travaille en marbrure, en création de motifs pour une maison de luxe, et c'est passionnant. Demain aussi, je démarre un projet, un manuscrit d'écolier en études scientifiques qu'un monsieur, qu'un particulier m'a déposé à relier. Qu'est-ce que j'ai en projet ? Là, j'ai l'objectif de fin d'année sur le feu, puisque je suis formatrice en CAPR. de la relure... Au lycée Tolbiac pour les Greta, donc du coup il faut que je clôture cette année, donc le projet ça serait de réussir effectivement à mener à bien cette année de formation avec cette promotion de candidats qui sont 11 cette année, bel effectif, avec mon bidôme Laura Carlu-Favenec également relieur. Voilà, autre projet, j'espère pouvoir accompagner du mieux que je peux mes deux stagiaires, une de l'école Estienne et une justement du lycée Tolbiac en formation CAP, elles apprennent l'une plutôt la marbrure et l'autre... La marbreur, ça s'englobe dans sa formation en typographie et art graphique en général, mais en fait on fait énormément de choses, on est très polyvalent à l'atelier. Comme projet, je ne sais pas, en fait il y a énormément de choses sur le feu.

  • Speaker #1

    C'est positif. Ça veut dire qu'il y a plein de choses à faire et que les ouvertures sont nombreuses.

  • Speaker #0

    Oui. Ah si, il y a un projet dont je pourrais parler. C'est une collective que nous avons créée avec plusieurs relieurs. On est tous un peu éparpillés à l'étranger, aux quatre coins de la France. Et on s'appelle BIND.

  • Speaker #1

    Alors attends, BIND, B-I-N-D ?

  • Speaker #0

    BEND B-E-N-D BINDBENDBOND comme la c'est du verbe relié en anglais juste quand on apprend BINDBENDBOND ahhh

  • Speaker #1

    Oh là là, je connais pas mes mots irréguliers.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça, c'est le verbe relier.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Bon, ça fait un peu collective.

  • Speaker #1

    Je croyais qu'il y avait un jeu de mots avec bande, B-A-N-D.

  • Speaker #0

    Ça aurait pu. On est une bande, c'est vrai. Mais bon, il faut que je raccroche les wagons parce que j'ai pas été très présente récemment, mais je vais me replonger dans cette aventure collective.

  • Speaker #1

    Donc si, elle, vous êtes que des femmes ? Oui. Donc si elles nous écoutent, on les rassure. Laurie revient bientôt.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Eh bien, on arrive au mot de la fin. Je pense que pareil, on a déjà anticipé la question, mais je vais quand même la poser parce que parfois, ça amène des débats. Est-ce qu'en mot de la fin, tu peux nous dire ce que tu souhaites pour tes métiers ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je souhaite pour mes métiers ? Alors, qu'il y ait un avenir pour ces métiers, qu'il y ait un chemin qu'on puisse emprunter. Je pense que ce qui est rassurant aujourd'hui, c'est que le chemin de l'artisanat est plus facile à emprunter qu'à l'époque où je l'ai emprunté, il me semble. Il me semble que les parents d'aujourd'hui sont peut-être un peu moins bridés. Un peu moins strict sur les horizons professionnels. Et ça, ça a du bon, je pense. Ce côté plus ouvert. Maintenant, ce n'est pas parce qu'il y a plus de monde qui veut s'engager dans cette voie que ça rend les choses plus simples. Parce qu'il faut justement, je rebondis sur ce que je disais tout à l'heure, mais en termes d'enseignement, de domaines à perfectionner, se former, etc. Ça va avec. Il faut qu'il y ait du répondant des deux côtés. S'il y a un public, il faut aussi qu'il y ait les structures pour accueillir ce public.

  • Speaker #1

    Et j'allais même dire, il faut aussi qu'il y ait le marché derrière.

  • Speaker #0

    Voilà, aussi en plus. Après... Ce qui est bien, c'est qu'on peut se spécialiser. Je ne suis pas allée jusque-là tout à l'heure, mais je parlais de plusieurs matériaux. Si par exemple, demain, je peux avoir plusieurs contrats d'apprentissage avec de futurs marbreurs, par exemple, ils pourraient se spécialiser dans la marbreur imprimée textile, sur les marbreurs sur tranches, par exemple, des livres. Ce qui touche plutôt à des techniques anciennes. Il pourrait y avoir quelqu'un qui fabrique les pigments et les pinceaux, puisque ces pigments et ces pinceaux n'existent pas dans le commerce. Donc je suis sûre qu'il y aurait une clientèle pour le marbreur du dimanche qui veut faire ses papiers dans sa maison de campagne. Eh bien, il pourrait acheter ses pigments. Ça serait dingue. Voilà, aujourd'hui, il y a des choses qui ne sont pas accessibles économiquement. Je suis sûre qu'il y a des choses à développer de ce côté-là. En relure, c'est pareil. Il y a des personnes qui sont venues faire des ateliers de relure et qui ont lancé leur marque de papeterie. Donc j'ai la certitude que chacun a sa place. Maintenant, ça ne peut pas passer que par le privé. Ça doit passer par le public, encore une fois. Je remets le couvert là-dessus, mais c'est vraiment important. Et aussi que dans le public, on ne sert pas trop la bride sur le côté traditionnel et historique. Il est important de soutenir les élèves dans tous leurs projets et de ne pas penser que la relure, ça n'est que de la relure traditionnelle. Bien sûr, il faut apprendre la technique. pour ensuite trouver son propre univers de création. Et ça passe par un socle technique qui est là et qui est fixe, qui est rigide. Mais il ne faut pas oublier de dire à nos candidats que quoi qu'il se passe, ils feront ce qu'ils veulent derrière. Enfin, chacun trouve sa propre démarche et son propre univers. Ça pourrait donner un peu plus envie aux gens de se lancer et d'oser le plus vite possible à s'établir et à proposer quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça me permet de rebondir sur... Quelque chose que tu m'as raconté en off, c'est que toi, quand t'as dit à tes parents que tu voulais te lancer dans la reliure, ils t'ont dit... On est vraiment sûr de ça ? Est-ce qu'il y a vraiment un marché ? Donc tu m'as dit que c'était dans les années 2007-2010.

  • Speaker #0

    Alors moi, je me suis lancée en 2011. Ce n'est pas tant pour la relure qu'ils ont grincé des dents. C'est quand j'étais au collège et que j'ai voulu faire les arts appliqués. Je n'avais pas forcément précisé où. Donc quand j'ai juste dit bac général et technologique, ils se sont dit que ce n'était pas un bac général. C'est vrai que voilà, comme tous les parents à l'époque, il fallait plutôt faire un bac LES ou S. Donc un bac général. Bac pro, il ne fallait même pas en parler. Et bac général. Les technologies, c'était un peu l'entre-deux de on n'est pas très bon à l'école, ça se tente. Sauf qu'en fait, je ne savais pas plus ce que ça dessinait. Certes, j'étais peut-être déjà un petit peu lente. J'avais un esprit créatif, une imagination débordante, mais rien de très concret. Et donc, mes parents se sont dit que j'allais m'y perdre. Et ils ont eu très, très peur. Donc, il a fallu qu'en classe de troisième, j'essaie de les convaincre. Et c'est passé par convaincre les professeurs. Au collège, à qui j'ai demandé de faire des lettres de recommandation pour que mes parents se rendent compte de à quel point j'étais motivée. Et bien sûr, il y a eu les portes ouvertes auxquelles je suis allée toute seule, en cachette. Ça veut dire que l'atelier de relure, en soi, j'y étais déjà allée secrètement en troisième. Voilà, bon.

  • Speaker #1

    Ils le savent aujourd'hui ou ils vont l'apprendre dans le podcast ?

  • Speaker #0

    Non, je leur en ai parlé.

  • Speaker #1

    Bon alors.

  • Speaker #0

    Mais voilà, comme quoi, il y a une détermination, il y a un truc, et je pense qu'il faut en profiter quand on est jeune, qu'on est naïf et qu'on n'attend rien et qu'on est prêt à tout. Parce que quand on grandit, quand on est trop adulte... On s'empêche des choses. Donc je crois qu'il faut suivre son instinct. Il faut suivre son inspiration. Il faut suivre son intuition.

  • Speaker #1

    Il faut absolument que tu écoutes l'épisode de Pauline Loctin. Tu l'as écouté ou pas ? Non. On parle de ça justement. Je lui pose...

  • Speaker #0

    Trop bien.

  • Speaker #1

    Alors Pauline Loctin, elle est sculptrice de papier. Et je lui ai posé la question de la créativité. Parce que moi, c'est un peu une question qui me turlupine. Parce que je pense sincèrement que j'aurais pu faire de l'artisanat. Mais juste, j'ai pas découvert assez tôt. le métier qui aurait pu m'intéresser. Et donc, j'ai toujours été un peu frustrée de me considérer comme non créative, en tout cas non douée. Et en fait, aujourd'hui, je m'épanouis vachement dans ce que je fais, mais il m'a fallu du temps pour me dire si en fait je suis hyper créative. Certes, quand j'ai de la céramique devant moi, je ne sais pas ce que je vais en faire, je ne sais pas comment je vais le décorer, mais dans les faits, je peux inventer des concepts, penser à... à des façons de raconter des choses. Enfin, voilà. Et du coup, je lui ai posé cette question de la créativité. Et je pense qu'en effet, on se brime vachement en tant qu'adulte. Et elle dit, en fait, la question que j'ai posée, c'est est-ce que tu penses qu'on est tous créatifs ? Et elle, sans réfléchir, elle m'a dit oui, parce qu'en fait, tous les enfants sont créatifs. C'est vrai. Tu donnes un stylo et un papier à un enfant et il va y aller. Et j'ai trouvé ça tellement beau et moi, ça m'a vachement marquée. Et je pense que ça a fait un déclic en moi, pour moi.

  • Speaker #0

    Oui, sachant que même sans support papier, sans stylo, on s'invente son propre support et son... propre stylo tellement on a d'imagination on trouve n'importe quoi, un morceau de bois sur du sable tout est possible un pêtre sur un mur voilà bon moins sympa à nettoyer et c'est ça qui est génial je crois qu'il faut profiter de ce court moment Après, je ne sais pas, ça dépend à quel âge on se sent plus mature et à quel moment on commence à se mettre des barrières et des contraintes. Mais voilà, ce côté un peu, on fonce, on a un instinct, on a un truc qui nous guide et c'est chouette, je trouve, même si mes parents ont eu un peu peur pour moi, parce qu'ils étaient aimants et bienveillants. Ils m'ont quand même laissé suivre mon parcours, ils m'ont laissé faire ce que j'avais envie de faire, ils m'ont écoutée et voilà, c'est une chance. Parce que je pense qu'il y a des personnes qui, malgré les lettres... de recommandations, malgré les portes ouvertes et touches. Je pense qu'il y en a aussi dont les barrières n'ont été mises par les parents de manière beaucoup plus stricte et beaucoup plus rigide encore qu'un simple refus. C'est sûr que ce n'est pas évident.

  • Speaker #1

    Alors moi, je vais apporter ma petite touche négative à tes propos sur Tu penses que ça a changé ? Je suis en mi-temps à la Chambre de métier et de l'artisanat et je suis chargée de mission pour valoriser l'apprentissage auprès des jeunes. Donc mon métier, c'est de remplir les centres de formation d'apprentis. Eh bien, ça reste avec les mêmes idées reçues sur mais non, mais tu ne peux pas faire un CAP, c'est pour les débiles Ah, ok. Ah ouais, ouais, ouais. Et en fait, c'est hyper dur. Aujourd'hui encore, l'artisanat, alors là, je te parle d'artisanat encore plus large que ce que nous, on côtoie au jour le jour. Mais l'artisanat a encore des grosses idées reçues et encore perçues comme une voie de garage.

  • Speaker #0

    Ouais, l'étiquette ouvrier, quoi. Oui,

  • Speaker #1

    t'es mauvais. tu vas faire un CAP. C'est encore le cas. T'es bon, tu vas faire un bac plus 5, tu vas devenir col blanc. Et pourtant, je le dis vraiment, aujourd'hui, un plombier gagne tellement mieux sa vie, en tout cas que moi. Et c'est pareil avec un électricien. On est tellement dans une société où on ne sait plus rien faire de nos mains qu'on appelle le plombier et l'électricien à tout bout de champ. Ils, vraiment, vivent... hyper bien. Et donc, on n'a pas encore déconstruit ce truc. Peut-être que les métiers d'art sont un peu plus sexy et qu'on commence peut-être un peu plus à déconstruire et qu'on arrive dans une vague où il y a de plus en plus d'étudiants qui s'y intéressent. Mais l'artisanat, c'est encore hyper victime de ces idées reçues. Et c'est dommage, en fait. C'est dommage parce que du coup, on se retrouve en fait avec des classes. Soit c'est des enfants hyper passionnés qui vraiment ont dit si, si. C'est ce que je veux faire. C'est d'ailleurs une discussion que j'ai eue avec mon coiffeur qui me disait, en fait, j'ai dit à mes parents vous n'avez pas le choix, je vais faire un CAP coiffure. C'est comme ça. Alors qu'il était bon à l'école. Et il dit, vous n'avez pas le choix, j'irai. Et il l'a fait. Donc c'est soit les passionnés qui savent, lui il me dit, depuis l'âge de 8 ans, je savais que je voulais être coiffeur. Et il n'a pas changé. Soit c'est des passionnés, soit c'est des enfants qui ne se retrouvent pas dans le système classique, soit c'est des enfants qui, à travers l'apprentissage, vont chercher à avoir un salaire. Et on est quand même vraiment dans ces idées reçues là, et moi je trouve ça hyper dommage. On met en l'air des carrières.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr. Et parfois, même quand on est obligé d'allier les deux, d'avoir une condition, d'être autonome financièrement. Moi, ce que j'ai fait à l'époque, c'est que j'avais un boulot à côté, ça ne m'a pas empêché d'être en cours. Après, c'est un rythme, mais chacun trouve son équilibre. En tout cas, c'est sûr qu'il faut être partie prenante, motivée. Peut-être qu'il y a un truc aujourd'hui avec les écrans qui nous fait nous rendre plus spectateurs qu'acteurs. Donc ça c'est peut-être un truc sur lequel il faut travailler pour les générations futures, de dire si c'est possible vous pouvez faire, parce que ça peut être invalidant. Et on peut ne pas se sentir capable de là où la jeunesse à laquelle j'appartenais, il n'y avait pas ce truc-là. Donc il faut faire gaffe à ça, parce que c'est à double tranchant. Ces écrans, oui, c'est du savoir, c'est un accès immédiat à plein de choses, mais ça peut être un peu invalidant. Vraiment, on est trop, trop, trop spectateur. Parfois, on devient même un peu collé aux écrans. Moi, je le vois en inspiration. Je me fais un peu avoir, donc je me défends d'être trop longtemps derrière mon écran. Les podcasts, pour ça, c'est top, parce qu'on peut se le mettre... En fond, et bosser en même temps, donc ça c'est cool. Mais le côté image, le côté on voit faire, je crois qu'il faut proposer des ateliers, des choses, enfin il faut rendre accessible le côté pratique et le côté je mets les mains dedans et je me lance, et le plus tôt possible, le plus jeune possible. Et évidemment, les parents aussi sont toujours très contents de mettre les mains dans la cuve et de participer aussi. C'est très familial.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un très beau mot de la fin. Je vais faire une pub pour une asso que j'aime beaucoup. qui justement va dans ton sens qui s'appelle l'outil en main je sais pas si tu connais l'outil en main cette année il fait de l'or 30 ans ça a été créé par une envie de rassembler les artisans à la retraite et les jeunes et en fait initialement c'est des artisans retraités qui transmettent leur savoir et leur métier à des jeunes entre 9 et 16 ans Donc c'est comme toi, t'as pu aller au basket, au tennis ou à la danse, les mercredis après-midi. Ces enfants, ils vont à l'outil en main et ils vont découvrir comment on fait des crêpes, comment on fait de la plomberie, comment on fait de la tapisserie d'ameublement, comment on répare un vélo. Il y a vraiment de tout. Et moi, vraiment, alors déjà c'est les copains, premièrement, mais vraiment, je trouve ça tellement sincère. Et je suis allée dans une des associations, c'est mes... Incroyable. Les enfants sont heureux et les bénévoles te disent mais c'est ma famille, c'est mes gamins en fait. Vraiment, à chaque fois, ils les appellent, c'est mes gamins. Et il y a une connexion qui se crée, puisque du coup, tu les suis toute l'année, et il y a une connexion qui se crée entre ces deux générations qui est incroyable et... qui, je pense, est une mission. Alors, ils ont plus de 250 associations dans toute la France, donc qui commencent à avoir un peu un impact national. Mais je me dis, c'est ces initiatives-là qui, justement, peuvent déconstruire et montrer que, en fait, tu peux être plombier, c'est génial.

  • Speaker #0

    Il y a le côté intergénérationnel aussi que je trouve intéressant dans ce que tu me décris Donc j'ai fait la pub pour cette association que j'aime beaucoup Tu fais bien, c'est génial

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Laurie, merci pour ton temps Merci à toi Lisa Tu as un très bel atelier, très confortable Ton image, en fait, très zen. Tu en as fait quelque chose de très sympa. Donc,

  • Speaker #0

    félicitations. C'est vrai que je n'en ai pas du tout parlé de l'atelier, mais c'est un local de la ville de Paris. On peut tous postuler sur des locaux libres à la ville de Paris. C'est géré par GIE Paris Commerce, qui sont l'entreprise qui sous-traite les demandes. Et donc, j'ai fait cette demande en plein Covid, là où les locaux étaient désertés, les Parisiens... On quittait le navire et puis c'était le moment où moi je me suis embarquée dans ce petit navire de dossier de 50 pages.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est lourd.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est assez lourd et puis on s'engage, attention c'est un bail commercial 369, donc il faut avoir les moyens de le payer, le local derrière. Donc voilà, c'est un loyer en plus, mais c'est la promesse de recevoir du public, de partager, de recevoir des stagiaires, de faire plein de choses. Je suis contente, ça fait deux ans que ça dure et j'espère que ça continuera comme ça le plus longtemps possible.

  • Speaker #1

    On te le souhaite. En tout cas, il est très chouette encore une fois. Merci beaucoup Laurie.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie de t'avoir accueillie.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Je suis ravie d'avoir pu enregistrer tes propos. C'est très chouette. Je te dis à très vite. J'espère.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Laurie, relieuse et marbreuse, vous aura plu. Avec Laurie, nous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c'est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant 5 ans. Je voulais vous remercier davantage. Aussi, lorsque le concours sera en ligne, en plus des règles classiques, vous pourrez ajouter un émoji micro à votre commentaire. Cela doublera vos opportunités de gagner. Bonne chance ! Je vous ai mis les informations sur l'association L'outil en main en description. N'hésitez pas à aller découvrir ce beau projet que j'aime tant. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram. Donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast.histoired'artisan.com En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

Description

Dans ce deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie&LesPetitesMains, relieure et créatrice de papier marbré. Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d’eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport à ses deux métiers et nous montrons qu’il n’y a pas une seule façon de vivre son métier d’art. 


Avec Laurie nous vous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c’est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant cinq ans, je voulais vous remercier davantage. Aussi, à la fin de cet épisode, vous aurez une astuce pour doubler vos chances de gagner !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Laurie Archambault - Laurie & Les Petites Mains

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Pour en savoir plus sur L’Outil en Main : https://www.loutilenmain.fr/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan, je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Laurie Archambault, fondatrice de Laurie et les petites mains, relieur et créatrice de papier marbré. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du papier marbré. Dans celui-ci, Laurie nous raconte son parcours, sa rencontre avec ses deux métiers et son cheminement pour acquérir le savoir dans chacun d'eux. Elle partage son souhait de mettre en place une formation publique à la production de papier marbré pour éviter que le savoir-faire ne se perde. Elle raconte également son rapport avec ses deux métiers et nous montrons qu'il n'y a pas qu'une seule façon de vivre son métier d'art. Cet épisode est le cinquantième du podcast. Je voulais en profiter pour vous remercier de nous être fidèles. C'est une source de motivation constante de voir l'impact que le podcast peut avoir sur vous. Je ne m'éternise pas plus, mais sachez qu'en fin d'épisode, je vous parlerai d'une belle surprise. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Laurie, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Laurie, tu es relieur et créatrice de Papier Marbré. Est-ce que tu peux nous raconter, peut-être, alors, tu as des métiers, je crois que je peux dire, la rencontre avec tes métiers ? Et pas la rencontre avec un métier puis l'autre, parce que je crois que c'est assez simultané.

  • Speaker #0

    Oui, tout est un peu lié, c'est le cas de le dire. Donc effectivement, je vais rencontrer mon métier parce que je m'engage dans une filière en art appliqué très tôt dans mon parcours, très jeune, dès le lycée. J'ai la chance à l'époque de rentrer à l'école Estienne dès le lycée, puisque cette formation est proposée encore à l'époque. Et en fait, en classe de seconde, dès la classe de seconde, on a des petits modules proposés tous les mercredis après-midi en rapport avec les études supérieures qu'on pourra faire plus tard. Donc, si on s'engage dans une voie qui concerne les formations proposées, on peut le savoir assez tôt, dès la seconde. Et c'est l'atelier de relure qui sera vraiment le coup de cœur. Le lieu, les machines qui vont avec, l'odeur, les matériaux. Évidemment, l'enseignante qui est là, Odile Doué, une femme passionnée et passionnante, qui a fait intervenir Marianne Peters. Donc, Marianne Peters, en fait, elle est marbreur. Historiquement, elle est plutôt autodidacte, même si elle a collaboré, elle a travaillé avec Michel Duval, elle a travaillé avec d'autres personnes, Claude Delpierre, Marie-Ange Douazy. Elle appartient vraiment à cette lignée de personnes reliées à la relure, dans le monde du papier, dans le monde des métiers de l'imprimerie et de la relure. Et donc finalement, elle intervient grâce à Odile Doué pour un workshop. de papier marbré. Donc ça signifie qu'avant même de commencer à faire de la relure, même si on avait commencé un petit peu de prototypage, de couture avec Odile, il y a eu vraiment cette découverte du travail à la surface de l'eau, des couleurs. Alors il n'y avait pas forcément l'approche, parce que ce sont des ateliers très courts, de fabriquer le pigment, etc. Il n'y avait pas forcément toute cette histoire. Ça m'a juste donné envie, finalement, ça m'a donné l'élan de me dire, cette technique existe, c'est hyper intéressant, il y a un truc à creuser. Et ce qui va me servir de passerelle, puisque je comprends bien à l'époque et encore aujourd'hui, il n'y a pas d'enseignement de la marbrure. Donc je comprends qu'il va falloir que je trouve une passerelle et un métier vraiment reconnu en France qui me permettrait d'arriver à la marbrure peut-être plus tard, comme l'a fait Marianne et comme l'ont fait d'autres avant. Donc je vais me pencher sur cette formation en relure à l'école estienne. Et ça a été vraiment très très riche, puisque du coup, il y a eu ces trois années. On a rappliqué plus les deux années en études supérieures à l'atelier de relure, avec plein de techniques, plein de connaissances, toute l'histoire qui va avec. Et après, comment se créer son propre environnement et sa propre démarche, soi-même, sortie de ces études-là.

  • Speaker #2

    Donc en fait, tu voulais d'abord être créatrice de papier marbré, on dit marbreuse. On dit marbreur comme on dit relieur.

  • Speaker #0

    On dit marbreur comme on dit relieur. C'est pour ça que moi, j'utilise le terme de créatrice de papier marbré. Ça permet de féminiser. Il y en a qui disent relieuse, marbreuse. Il n'y a pas de souci. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Contrairement à la relieuse qui est un outil, la marbreuse n'est pas un outil.

  • Speaker #0

    Non, la marbreuse n'est pas un outil. On peut dire marbreuse.

  • Speaker #2

    Si je comprends bien, tu voulais être créatrice de papier marbré avant d'être relieuse.

  • Speaker #0

    Relieur ? C'est un bien grand mot, parce qu'en fait, juste gros coup de cœur pour la technique, et je me dis, il va y avoir un truc à l'avenir qui va forcément revenir à ça. Enfin, c'était évident que je n'allais pas lâcher cette technique, et que j'allais me poser plein de questions, me renseigner, lire des livres, m'y intéresser. Et c'est ce qui s'est passé, c'est-à-dire que pendant un laps de temps de quelques années, le temps que je me lance, donc tout le lycée, plus mes études supérieures, on va dire, allez, cinq ans. J'ai fait des stages, j'ai lu plein de livres sur le sujet et j'avoue que je me suis lancée très tôt en tant que relieur. J'ai créé mon atelier en 2011 à peine. Sortie diplômée, parce que j'avais mes premiers clients et mes premières commandes, donc j'ai pas tardé. J'ai sauté sur le tremplin tant qu'il était là, quoi. Et je me suis dit, c'est une technique qui demande de la pratique, donc plutôt je m'y mets, plutôt j'aurai de la pratique, et plutôt je me sentirai légitime. Même si parfois, il y en a qui pensent devoir être légitimes avant de se lancer, moi, je me suis lancée d'un coup d'un seul. Et pendant quelques années, je me suis fournie en papier marbré, puisque en relure, on utilise du papier marbré. Donc voilà, il y a des marbreurs qui sont assez connus, donc Marianne Peter et d'autres chez qui je vais acheter mes papiers. Et c'est comme ça que je suis arrivée à rencontrer Baris. Au bout de quelques années, je me suis aperçue qu'il y avait un marbreur à Paris. Déjà, c'est rare.

  • Speaker #2

    Donc Baris Bekul, qui est turc, qui connaît la technique. Ancestral, qui a été formé par un maître.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En Turquie. Oui.

  • Speaker #2

    Et du coup, qui est venu en France et que tu as rencontré à Paris.

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, il commercialisait son papier. Il débutait à Paris, même s'il avait pratiqué et était formé en Turquie. Et donc, il avait des papiers bien spécifiques, avec des couleurs qu'on ne voyait pas partout, des motifs cailloutés, une très belle richesse de motifs un peu différents des peignes italiens qu'on trouve souvent en relure. Donc moi, ça va attirer ma curiosité. Je vais au départ pas tellement oser aller à sa rencontre, mais plutôt acheter ses papiers là où ils sont vendus. Au fil du temps, je vais apprendre à faire connaître. Je vais oser le contacter et donc je vais pouvoir acheter son papier en direct. Donc ça, c'est pour la partie la plus récente parce que j'ai vraiment été très timide et j'avançais vraiment pas à pas sur la pointe des pieds au fur et à mesure de mon parcours artistique et professionnel. Mais grâce à cette rencontre, je me suis aperçue qu'il créait ses couleurs sur mesure. Donc on en est venu à parler technique et c'est un peu comme ça que j'ai mis le doigt dans l'engrenage de manière plus sérieuse, plus pro. Et que lui, il y a eu aussi une opportunité. parce qu'il cherchait à travailler avec quelqu'un. Donc cette transmission, elle s'est faite par le biais de la relure. avec une certaine curiosité. Et puis, le fait que j'ai déjà eu un certain nombre de connaissances sur les motifs, sur l'histoire, lui ne voulait pas forcément, entre guillemets, perdre de temps là-dessus. Il était plus intéressé sur la partie technique. Et donc, ça nous a permis de vraiment développer cette partie-là. Comment créer tel motif ? Quels sont les gestes ? Qu'est-ce qu'il faut faire, ne pas faire, etc. Donc là, c'est vraiment de la technique pure, de manière répétée. Faire des erreurs, se tromper, recommencer jusqu'à réussir. Et donc, c'est très, très technique. En fait, cette technique... On peut être dans la contemplation au premier abord, mais en fait, pour arriver à un beau papier, il y a énormément de travail en amont. Donc c'est passionnant. Et ça, ça m'a énormément plu de voir cette rigueur, cette précision du pinceau en passant par l'encre et en arrivant à la surface de l'eau. Même la texture de l'eau, il y a différentes recettes pour épaissir l'eau. C'est tellement immense, c'est un monde infini où tout est possible. On peut tout créer sur cette queue.

  • Speaker #2

    C'est vrai que de prime abord, on n'a pas l'impression que ça nécessite... Tant de techniques que ça. En fait, c'est ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est que tout a un sens, alors qu'on dirait que juste, vous avez déposé trois gouttes de colorant et fait des pirouettes, et puis voilà quoi, alors que pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant dans cette pratique, c'est que justement, parce que c'est inclusif et que ça paraît simple, ça m'apporte un public. Aujourd'hui, la marbre, on pourrait se dire, mais comment ce domaine peut-il fonctionner ? Comment peut-on avoir un public ? Mais justement, parce que ça paraît simple. Si ça paraissait compliqué, les gens ne se sentiraient pas d'essayer quoi que ce soit, de s'interroger. Et la simplicité, la beauté de cette simplicité, c'est ce qui crée l'approche et la connexion entre le monde extérieur, si on peut dire ça comme ça, et mon domaine.

  • Speaker #2

    Tu as parlé de ta formation, tu as parlé de ce que tu as fait à la fin de ta formation. Est-ce que tu peux nous expliquer ta relation avec tes métiers aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors effectivement, aujourd'hui, la relure, la marbrure, ça va se définir comme étant des activités qui interpellent. Donc moi, j'ouvre mon atelier de relure et de marbrure il y a deux ans, dans le 13e arrondissement, dans un quartier où il y a beaucoup d'habitations, d'écoles, des enfants, et je m'adapte à mon milieu. C'est un lieu que je ne connaissais pas avant ces deux ans où je me suis installée. Et donc là, au moment présent, c'est plutôt dans une démarche de rendre accessible, de transmettre, de promouvoir, de faire vivre cet art avec les gens du quartier, avec ce quartier, avec des gens venus d'ailleurs. C'est vrai que parfois, ça arrive qu'il y ait des gens qui viennent aussi de loin parce qu'on n'est pas beaucoup à faire relure et marbrure. On est encore moins à faire de la marbrure. La relure, c'est quelque chose d'un tout petit peu plus courant, mais quand même, il y a encore des personnes qui toquent à ma porte et qui me demandent, excusez-moi, mais la relure, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous faites exactement ? Donc en général, ce que je réponds, c'est que je peux autant faire un petit carnet relié, donc quelque chose qui toucherait au domaine de la papeterie, fait main. Ça peut passer par la relure traditionnelle, si un livre est ce qu'on appelle brochet, un livre poche, qu'il faut relier au format rigide, avec des couvertures. Que ce soit du cuir, du papier marbré, de la toile, tout est possible. Ça peut toucher un petit peu à la restauration quand le livre est un peu plus ancien, abîmé, et qu'il faut consolider le papier, voire même combler les lacunes. Quand le livre a déjà été relié et qu'il est tellement tout abîmé qu'il faut complètement le recoudre, donc là, gros travail, parce que souvent il faut remettre le papier à plat, il ne peut pas garder sa forme initiale, donc il y a tout un travail de remise à zéro en préservant quand même le mieux possible les matériaux d'origine. Et puis après, il y a la relure de création, où là, c'est plus des livres rares, des livres de bibliophilie, je sais pas, moi par exemple, avec des illustrations originales, ou même ce qui pourrait toucher un petit peu aux livres d'artistes, et où là, il faut apporter un décor complètement nouveau, on n'est pas dans un code de il faut faire une relure avec des coins, avec un dos en cuir, etc. On crée un décor avec des matériaux, on fait des propositions, voilà, c'est considéré comme une œuvre. Donc là, c'est encore autre chose. Et en marbrure, c'est pareil, c'est très Ça peut être un papier marbré de création, ça peut être un papier marbré qui reproduit un papier marbré d'époque, ancien, où il faut que je restitue les couleurs d'origine, le motif, etc. Donc ça peut être des papiers marbrés que je fais pour des ateliers de relure, donc des restaurateurs. Ça peut être des papiers qui vont servir à des graphistes. Pour la création textile, création de packaging, enfin vraiment la marbrure c'est pareil, c'est aussi diversifié que la relure mais peut-être que c'est plus inclusif. que la relure. Peut-être que les papiers marbrés sont des supports qu'on peut utiliser pour tellement plein de choses. On peut se faire un éventail, un abat-jour de l'origami. Le support papier, c'est un support d'expression. Il y a le fait de créer le papier et ce qu'on en fait derrière. Donc en soi, ça englobe énormément de choses. J'ai une petite routine dans la mise en œuvre, dans la façon dont je travaille, mais les journées ne se ressemblent pas. Les demandes sont très variées, très différentes. Les rencontres aussi, c'est riche.

  • Speaker #2

    J'allais te demander, parce que là on est dans ton atelier, justement il n'y a pas que du livre. Tu as aussi fait des pots à crayons, je vois que tu as fait des mobiles. Je sais quand on s'est rencontrés, là je vois des boucles d'oreilles, des colliers. Tu dis que les gens ne savent pas trop ce que c'est que le métier de relieur, mais initialement j'avais plutôt tendance à penser que vous ne travaillez que sur des livres. Mais en fait, c'est un peu plus large que ça.

  • Speaker #0

    Je dirais que ça dépend du relieur et ça dépend de ce qu'on privilégie dans son travail. Et ça, c'est propre à chacun. Mais c'est vrai que moi, j'ai plus un esprit libre d'artiste et un esprit créateur qu'un esprit d'artisan. Donc je suis plus proche de l'artisanat d'art ou de l'art que de l'artisanat tout court, dans le sens où je ne me mets aucune frontière, aucune barrière. Et c'est vrai qu'il y a des boucles d'oreilles en papier japonais, en papier marbré, en papier uni. Les boucles d'oreilles, par exemple, le pliage, C'est ce par quoi j'ai commencé. J'ai commencé à faire des bijoux, j'avais même pas lancé mon entreprise. Et les personnes qui m'ont donné, qui m'ont insufflé ça, c'est des personnes qui ont une très forte influence. Et dans un parcours, quand on est jeune, c'est hyper important. C'est Odile Doué, qui était mon enseignante en relure, qui m'a dit Elles sont géniales ces boucles d'oreilles, le volume est important, mais c'est léger. Et c'est vrai que le matériau papier, il a des propriétés techniques que n'ont pas les autres matériaux. Et les relieurs en général ? Quand ils se forment, ils se spécialisent en fait. Ensuite, quand ils se lancent, quand ils se forment et quand ils se professionnalisent, ils décident du matériau qui les définiront. Souvent, il y a un peu ce truc-là. Il y a un peu le relieur qui va utiliser tel type de cuir ou celui spécialisé en parchemin. Parce qu'en fait, c'est tellement complet de savoir utiliser un matériau déjà. qualitative, que ça suffit à créer un secteur de métier dans la relure. Donc moi, si je devais donner un matériau, c'est le papier. Ça serait plutôt le papier. Maintenant, c'est vrai qu'au niveau du papier, ça part dans toutes les directions. Je ne fais pas que de la relure avec le papier, parce que le papier, il offre une liberté vers laquelle je vais, je fonce sans hésiter. Maintenant, peut-être qu'il y a des relieurs qui ne font que de la relure avec les papiers. Je pense que chacun fait comme il l'entend. On est complètement libre de choisir une direction.

  • Speaker #2

    C'est ça qui fait la richesse et c'est ça qui fait la complexité aussi pour le grand public de comprendre. C'est que moi, à un moment, je m'étais posé la question de savoir comment capitaliser sur mon carnet d'adresses d'artisans. Et je m'étais dit, pourquoi pas lancer une plateforme ? Et en fait, lancer une plateforme de mise en relation, ça nécessite de mettre les gens dans des cases. Et ma réflexion ? À force de rencontrer des artisans, c'est qu'on ne peut pas vous mettre dans des cases. Deux relieurs vont avoir complètement des connaissances différentes. Et d'ailleurs, avec Histoire d'artisan, j'ai lancé un répertoire des artisans qui n'est qu'en fait juste... Un Google Forms dans lequel je pose les questions de Quelle machine avez-vous ? Quelles sont vos techniques de prédilection ? Mais parce que je pense que celui qui parle le mieux, peut-être au grand public, c'est le métier de maroquinière. Et notamment, on en parle avec Robert Mercier dans l'épisode précédent-précédent. C'est certes, un artisan du cœur va travailler le cuir, mais il y a tellement de façons de travailler le cuir. Et une entreprise ou un particulier qui va dire Moi, j'ai tel projet, c'est du papier dont je vais aller chercher un relieur. Bah non, c'est pas comme ça que ça fonctionne. Et c'est pareil avec le métal, c'est pareil avec le verre. Quand je travaillais chez Jérémy Maxwell-Ventrebert, souffleur de verre, je me souviens très bien d'une fois, un appel à projet qu'on reçoit, où on nous dit, il faut faire un cube en verre. Bah, essayer de faire un cube en verre, en soufflage de verre, ça nécessite de développer tout un moule hyper complexe. C'est pas possible en fait. Et c'est la même chose, en l'occurrence, un verrier pourra faire un cube de verre, mais avec du verre à plat. Et là, pourra faire un cube en verre. Si vous demandez à Jérémy de faire une perle, il va vous dire, je sais pas faire, moi. Moi, je sais te faire un globe, mais je sais pas te faire une perle, parce qu'une perle, c'est un souffleur de verre au chalumeau, qui travaille sur des toutes petites surfaces. Et c'est pour ça qu'elle est là, la richesse, mais elle est aussi là, la complexité pour le grand public, et même... Pour les donneurs d'ordre, je sais pas, typiquement, tu me parlais de ton atelier avec la nana qui voulait faire son papier peint. Bah en fait, toi, ton métier, c'est pas de faire des papiers peints, parce qu'en l'occurrence, est-ce que ton papier, il va se terminer pour pouvoir bien commencer de l'autre côté ? Non, il va y avoir une cassure, donc ça sera pas forcément très joli. Et il y a des gens qui sont spécialisés dans la production de papier peint. Enfin bref, voilà. Moi, quand je te pose la question de savoir ce que t'en fais, c'est pas ce qu'en font les relieurs, mais c'est toi. Comment tu vis ton métier ? Parce qu'il y a des tas de façons de vivre son propre métier.

  • Speaker #0

    Pour autant, ce qui m'arrange sur l'anecdote du papier peint, c'est qu'il y a aussi des éditeurs de papier peint qui, eux, sont capables. Ils ont les manufactures, ils sont éditeurs de papier peint, vont demander des motifs. Ça, c'est un peu plus cohérent. Donc oui, sur la diversité des possibilités, c'est plus au niveau du motif où je peux avoir quelque chose à apporter, par exemple.

  • Speaker #2

    Oui, ce que tu veux dire, c'est que t'en es capable. C'est juste qu'il faut certaines contraintes, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis je pense qu'il faut faire ça tous les jours pour répondre au carnet de commandes. C'est vrai que quelqu'un qui vient s'initier en espace de 1h30, surtout que ce sont des petits cours collectifs, on n'est pas nombreux, on est trois, mais on ne s'improvise pas forcément marbreur. La technique est inclusive, elle est assez facile d'accès, mais techniquement, pour arriver à un joli motif qui se répète, et là, c'était un peu ça l'esprit, il faut quand même un minimum de pratique. Donc voilà, l'idée, c'est de pouvoir tenter des choses, mais il ne faut pas... Ça va arriver avec certaines exigences quand on vient s'initier.

  • Speaker #2

    Eh bien, ça fait une très bonne transition sur la prochaine question qui est est-ce que tu aurais une anecdote à nous raconter ?

  • Speaker #0

    J'en ai tout plein, mais je pense que je vais peut-être aller au plus récent, en lien avec la marbrure. En visitant l'atelier tout à l'heure, on parlait de ma nouvelle cuve, la cuve un petit peu plus récente, que j'ai nommée la cuve 2.0. Donc en fait, il faut savoir qu'une cuve, en général, c'est un support en métal qu'on vient remplir, qu'on vide entièrement manuellement. Et au bout de quelques années de pratique, je me suis lancée là, dans une cuve, avec un écoulement d'eau, une évacuation d'eau. Évidemment, comme l'eau doit rester dans la cuve, cette évacuation d'eau est elle-même raccordée à quelque chose qui permet de garder l'eau, donc un robinet, on va dire. et on remplit la cuve et on peut la nettoyer. Donc c'est un peu comme une vasque, en quelque sorte, mais à la forme d'une cuve. Et ça a été une sacrée mission, c'est-à-dire qu'en gros, je suis partie d'éléments récupérés, même pour habiller la cuve, donc des morceaux de bois que j'ai sciés pour rendre joli le fait qu'elle soit posée là, qu'elle se confonde dans son milieu, c'est-à-dire qu'elle est posée sur du mobilier en bois, donc je l'ai recouverte de bois. Donc c'est peut-être la dernière anecdote concernant l'atelier.

  • Speaker #2

    Et donc, tu as fait un circuit fermé ?

  • Speaker #0

    Voilà, j'ai fait un circuit. On peut remplir par un bout avec une petite douchette, avec différents types de jets pour nettoyer, pour remplir. Donc, voilà. Et après, il y a une évacuation avec un système de levier pour garder l'eau dedans, puisque le but, c'est que je fasse mon papier. Ce n'est pas juste d'avoir une évacuation comme on aurait une vasque. Et un bouchon n'aurait pas suffi, malheureusement, puisqu'il faut que ce soit parfaitement hermétique. Donc, on ne peut pas avoir les systèmes qu'on a sur un évier. standard. J'ai vraiment étudié la chose et j'ai fabriqué tout ça toute seule. Tout est possible.

  • Speaker #2

    Trop bien. Moi, je pensais que tu allais me raconter ça pour la question sur la recherche et l'innovation.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça aurait pu.

  • Speaker #2

    Est-ce que tu as un projet de recherche ou d'innovation dont tu pourrais nous parler ?

  • Speaker #0

    Oui, ça peut toucher à l'innovation. Je ne sais pas si c'est un projet qui verra le jour. Mais c'est un gros, gros projet. En fait, j'ai accueilli récemment sur un atelier un monsieur qui s'occupe des référentiels, donc à savoir les domaines d'enseignement. Comme je le disais dans l'épisode 1 et celui-ci, il n'y a pas d'enseignement en marbrure. Et un des gros projets, quelque chose que j'ai dans un coin de la tête, c'est de transmettre cette maîtrise, cette fabrication des pinceaux traditionnels, la fabrication des pigments. En fait, il faut savoir qu'il y a très peu d'ouvrages, il y a très peu de choses écrites. Sur ces traditions, il y a vraiment quelques livres qui sont d'ailleurs plus réimprimés, plus édités, très compliqués à avoir chez soi. Et donc ce savoir qui normalement se transmet à l'oral. Il faut à un moment donné qu'en France, on accepte de le mettre par écrit, qu'il y ait un référentiel autour de cette pratique, la marbrure. Je pense que ça peut englober pas seulement la marbrure hébro-traditionnelle, ça peut aussi englober ce que je racontais sur l'histoire des sominagashi. Je pense que le mot marbrure peut être un thème, un métier, dans lequel on peut se spécialiser en marbrure sominagashi, en marbrure hébro-traditionnelle ottomane, en marbrure italienne. Mais en tout cas, pour que ce soit le cas et pour qu'on ne perde pas ces recettes, ces techniques et cette richesse, il faut la transmettre. Il n'y a pas de contrat d'apprentissage. Tout est informel dans le métier et le projet d'innovation, ce serait de créer une mention complémentaire, par exemple, une formation en un an accessible dans le public, ou autre chose, mais en tout cas, quelque chose qui touche à la formation, transmission de ces pratiques qu'il faut absolument inscrire dans notre culture. On peut dire aujourd'hui, dès lors qu'un artisan s'installe en France, ça fait partie de notre culture, il faut le soutenir. Et il faut accompagner les personnes.

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a des métiers comme ça qui se perdent malheureusement et qui font partie de notre patrimoine. Et que demain, on va se demander, ah, ils faisaient comment ? Et en fait, on va reperdre du temps à rechercher des techniques juste parce qu'on ne les a pas transmises. Et c'est marrant parce que notre discussion qu'on avait juste avant, avant d'enregistrer, elle est le témoin aussi de je ne te transmets pas, pas forcément parce que je ne veux pas et que je suis une personne aigrie et que c'est mon savoir-faire. Mais plus parce qu'en fait, transmettre, c'est du temps. Le temps. C'est de l'argent et si je transmets, je ne fais pas autre chose à côté et du coup je ne peux pas payer mon loyer, je ne peux pas me payer moi, je ne peux pas manger, je ne peux pas vivre. Et en fait, je trouve qu'il y a une réflexion plus globale de se dire, certes il y a des artisans qui ont des savoir-faire et qui peuvent transmettre, mais quelle est la raison pour laquelle ils ne le font pas ? Et potentiellement, c'est là où les fondations, les associations, en l'occurrence des fondations, il en existe la Fondation Banque Populaire, tu as la Fondation Réunis Cointreau, tu as la Fondation Mérimée, qui est une fondation spécialisée aussi dans le patrimoine. Est-ce qu'ils considèrent ça comme du patrimoine et que potentiellement, ils peuvent t'aider à financer ce genre de recherche et ce genre de production de contenu, en fait ? Parce qu'il y a aussi de ça.

  • Speaker #0

    En fait, je pense que le petit souci, c'est que c'est du ponctuel, dans le sens où ça peut être un financement pour... Je ne sais pas si ça serait produire un livre, par exemple, avec du contenu, auquel cas, malheureusement, ce n'est pas parce qu'on a un livre de recettes qu'on arrive à réaliser le contenu de cette recette. Donc ça, ça ne suffirait pas. Parfois, ça peut être mener à bien un binôme. Par exemple, je trouve quelqu'un de confiance et je décide de transmettre mon savoir à cette personne. Ça pourrait être soutenu. Moi, c'est vrai que ce que je recherche, c'est quelque chose d'un peu plus pérenne. Même si une mention complémentaire ne peut pas ouvrir parce qu'on n'a pas le nombre de candidats attendus, au moins elle existe, au moins il y a un référentiel. Ce que je me suis fait expliquer, c'est qu'il fallait qu'on soit minimum 10 personnes à pratiquer la marbrure pour ensemble se rassembler et voir qu'est-ce qu'il faut savoir faire, vraiment établir ce référentiel.

  • Speaker #1

    Les bases à connaître.

  • Speaker #0

    Voilà, et ensuite, les personnes qui sont ces professionnels pourraient potentiellement être... les enseignants pour ces formations. Après, aujourd'hui, ça appartient au privé, c'est-à-dire qu'à titre privé et sur le bon vouloir, c'est pas un CAP, il n'y a pas de certification en tant que tel, on peut se former. Moi, j'accueille des artistes, des personnes qui sont curieuses et qui ont envie de se mettre à la marbrure et qui vont pouvoir, à qui je vais expliquer comment fabriquer les pigments, etc. Mais c'est dans un cercle privé de personnes qui financent ces formations-là à titre personnel, et ça n'appartient Pas à l'enseignement public, et c'est ça que j'aimerais, c'est plutôt proposer quelque chose dans cet enseignement auquel j'ai eu droit en relure. Ça ne m'a pas empêchée aujourd'hui d'être marbreur, mais il faut dire que j'ai eu vraiment énormément de chance, comme par hasard, de faire un workshop avec Marianne Peter. Aujourd'hui, je fais des workshops à l'école Estienne, donc voilà, il y a des pages qui se tournent. Oui, des étudiants découvrent la marbreur dans la même école où j'ai découvert la marbreur, mais est-ce que ça suffit ? Pour être marbreur ? Non, puisqu'après il faut trouver un marbreur qui a du temps, et c'est vrai que ce que tu expliques, Baris m'a offert de son temps, j'ai également utilisé mon temps, je me suis retrouvée pendant plusieurs années à faire du 7 jours sur 7, aussi en tant que personne qui apprenait, pour aujourd'hui pouvoir pratiquer. On peut se poser la question, effectivement, et je pense qu'il y a vraiment quelque chose à faire, à réfléchir, à penser et à mettre en place.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve ça passionnant et je pense que la transmission, on en parle, Bétancourt est absolument fan de cette thématique. Il y a beaucoup de fondations qui, justement, se sont spécialisées dans la thématique de la transmission parce qu'on est en train de perdre un patrimoine et c'est primordial. En fait, ce qui est frustrant, c'est que c'est primordial, mais du coup, ça retombe sur les gens qui sont... indépendants et qui, en effet, prennent de leur temps précieux où, ce temps-là, ils ne vont pas le passer à produire et à obtenir un salaire. Donc, je comprends très bien ce dont tu parles et je pense que c'est une question centrale de ces métiers-là. Ça fait soit une transition, soit ça te met dans un pétrin pas possible pour la question des projets futurs.

  • Speaker #0

    Ah oui, en fait, je réponds aux questions à l'avance. C'est l'avant-garde. Si tu veux,

  • Speaker #1

    tu peux répondre à la question de l'anecdote maintenant.

  • Speaker #0

    Et pour de vrai ? Bon, alors...

  • Speaker #1

    Non, mais j'imagine que tu as plein de projets.

  • Speaker #0

    Projets futurs, il y en a plein. Ça dépend ce qu'on entend par projet, mais il y en a de toutes sortes. Après, je ne peux pas forcément donner le détail de ces projets, mais j'ai un super projet sur lequel je travaille en marbrure, en création de motifs pour une maison de luxe, et c'est passionnant. Demain aussi, je démarre un projet, un manuscrit d'écolier en études scientifiques qu'un monsieur, qu'un particulier m'a déposé à relier. Qu'est-ce que j'ai en projet ? Là, j'ai l'objectif de fin d'année sur le feu, puisque je suis formatrice en CAPR. de la relure... Au lycée Tolbiac pour les Greta, donc du coup il faut que je clôture cette année, donc le projet ça serait de réussir effectivement à mener à bien cette année de formation avec cette promotion de candidats qui sont 11 cette année, bel effectif, avec mon bidôme Laura Carlu-Favenec également relieur. Voilà, autre projet, j'espère pouvoir accompagner du mieux que je peux mes deux stagiaires, une de l'école Estienne et une justement du lycée Tolbiac en formation CAP, elles apprennent l'une plutôt la marbrure et l'autre... La marbreur, ça s'englobe dans sa formation en typographie et art graphique en général, mais en fait on fait énormément de choses, on est très polyvalent à l'atelier. Comme projet, je ne sais pas, en fait il y a énormément de choses sur le feu.

  • Speaker #1

    C'est positif. Ça veut dire qu'il y a plein de choses à faire et que les ouvertures sont nombreuses.

  • Speaker #0

    Oui. Ah si, il y a un projet dont je pourrais parler. C'est une collective que nous avons créée avec plusieurs relieurs. On est tous un peu éparpillés à l'étranger, aux quatre coins de la France. Et on s'appelle BIND.

  • Speaker #1

    Alors attends, BIND, B-I-N-D ?

  • Speaker #0

    BEND B-E-N-D BINDBENDBOND comme la c'est du verbe relié en anglais juste quand on apprend BINDBENDBOND ahhh

  • Speaker #1

    Oh là là, je connais pas mes mots irréguliers.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça, c'est le verbe relier.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Bon, ça fait un peu collective.

  • Speaker #1

    Je croyais qu'il y avait un jeu de mots avec bande, B-A-N-D.

  • Speaker #0

    Ça aurait pu. On est une bande, c'est vrai. Mais bon, il faut que je raccroche les wagons parce que j'ai pas été très présente récemment, mais je vais me replonger dans cette aventure collective.

  • Speaker #1

    Donc si, elle, vous êtes que des femmes ? Oui. Donc si elles nous écoutent, on les rassure. Laurie revient bientôt.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Eh bien, on arrive au mot de la fin. Je pense que pareil, on a déjà anticipé la question, mais je vais quand même la poser parce que parfois, ça amène des débats. Est-ce qu'en mot de la fin, tu peux nous dire ce que tu souhaites pour tes métiers ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que je souhaite pour mes métiers ? Alors, qu'il y ait un avenir pour ces métiers, qu'il y ait un chemin qu'on puisse emprunter. Je pense que ce qui est rassurant aujourd'hui, c'est que le chemin de l'artisanat est plus facile à emprunter qu'à l'époque où je l'ai emprunté, il me semble. Il me semble que les parents d'aujourd'hui sont peut-être un peu moins bridés. Un peu moins strict sur les horizons professionnels. Et ça, ça a du bon, je pense. Ce côté plus ouvert. Maintenant, ce n'est pas parce qu'il y a plus de monde qui veut s'engager dans cette voie que ça rend les choses plus simples. Parce qu'il faut justement, je rebondis sur ce que je disais tout à l'heure, mais en termes d'enseignement, de domaines à perfectionner, se former, etc. Ça va avec. Il faut qu'il y ait du répondant des deux côtés. S'il y a un public, il faut aussi qu'il y ait les structures pour accueillir ce public.

  • Speaker #1

    Et j'allais même dire, il faut aussi qu'il y ait le marché derrière.

  • Speaker #0

    Voilà, aussi en plus. Après... Ce qui est bien, c'est qu'on peut se spécialiser. Je ne suis pas allée jusque-là tout à l'heure, mais je parlais de plusieurs matériaux. Si par exemple, demain, je peux avoir plusieurs contrats d'apprentissage avec de futurs marbreurs, par exemple, ils pourraient se spécialiser dans la marbreur imprimée textile, sur les marbreurs sur tranches, par exemple, des livres. Ce qui touche plutôt à des techniques anciennes. Il pourrait y avoir quelqu'un qui fabrique les pigments et les pinceaux, puisque ces pigments et ces pinceaux n'existent pas dans le commerce. Donc je suis sûre qu'il y aurait une clientèle pour le marbreur du dimanche qui veut faire ses papiers dans sa maison de campagne. Eh bien, il pourrait acheter ses pigments. Ça serait dingue. Voilà, aujourd'hui, il y a des choses qui ne sont pas accessibles économiquement. Je suis sûre qu'il y a des choses à développer de ce côté-là. En relure, c'est pareil. Il y a des personnes qui sont venues faire des ateliers de relure et qui ont lancé leur marque de papeterie. Donc j'ai la certitude que chacun a sa place. Maintenant, ça ne peut pas passer que par le privé. Ça doit passer par le public, encore une fois. Je remets le couvert là-dessus, mais c'est vraiment important. Et aussi que dans le public, on ne sert pas trop la bride sur le côté traditionnel et historique. Il est important de soutenir les élèves dans tous leurs projets et de ne pas penser que la relure, ça n'est que de la relure traditionnelle. Bien sûr, il faut apprendre la technique. pour ensuite trouver son propre univers de création. Et ça passe par un socle technique qui est là et qui est fixe, qui est rigide. Mais il ne faut pas oublier de dire à nos candidats que quoi qu'il se passe, ils feront ce qu'ils veulent derrière. Enfin, chacun trouve sa propre démarche et son propre univers. Ça pourrait donner un peu plus envie aux gens de se lancer et d'oser le plus vite possible à s'établir et à proposer quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça me permet de rebondir sur... Quelque chose que tu m'as raconté en off, c'est que toi, quand t'as dit à tes parents que tu voulais te lancer dans la reliure, ils t'ont dit... On est vraiment sûr de ça ? Est-ce qu'il y a vraiment un marché ? Donc tu m'as dit que c'était dans les années 2007-2010.

  • Speaker #0

    Alors moi, je me suis lancée en 2011. Ce n'est pas tant pour la relure qu'ils ont grincé des dents. C'est quand j'étais au collège et que j'ai voulu faire les arts appliqués. Je n'avais pas forcément précisé où. Donc quand j'ai juste dit bac général et technologique, ils se sont dit que ce n'était pas un bac général. C'est vrai que voilà, comme tous les parents à l'époque, il fallait plutôt faire un bac LES ou S. Donc un bac général. Bac pro, il ne fallait même pas en parler. Et bac général. Les technologies, c'était un peu l'entre-deux de on n'est pas très bon à l'école, ça se tente. Sauf qu'en fait, je ne savais pas plus ce que ça dessinait. Certes, j'étais peut-être déjà un petit peu lente. J'avais un esprit créatif, une imagination débordante, mais rien de très concret. Et donc, mes parents se sont dit que j'allais m'y perdre. Et ils ont eu très, très peur. Donc, il a fallu qu'en classe de troisième, j'essaie de les convaincre. Et c'est passé par convaincre les professeurs. Au collège, à qui j'ai demandé de faire des lettres de recommandation pour que mes parents se rendent compte de à quel point j'étais motivée. Et bien sûr, il y a eu les portes ouvertes auxquelles je suis allée toute seule, en cachette. Ça veut dire que l'atelier de relure, en soi, j'y étais déjà allée secrètement en troisième. Voilà, bon.

  • Speaker #1

    Ils le savent aujourd'hui ou ils vont l'apprendre dans le podcast ?

  • Speaker #0

    Non, je leur en ai parlé.

  • Speaker #1

    Bon alors.

  • Speaker #0

    Mais voilà, comme quoi, il y a une détermination, il y a un truc, et je pense qu'il faut en profiter quand on est jeune, qu'on est naïf et qu'on n'attend rien et qu'on est prêt à tout. Parce que quand on grandit, quand on est trop adulte... On s'empêche des choses. Donc je crois qu'il faut suivre son instinct. Il faut suivre son inspiration. Il faut suivre son intuition.

  • Speaker #1

    Il faut absolument que tu écoutes l'épisode de Pauline Loctin. Tu l'as écouté ou pas ? Non. On parle de ça justement. Je lui pose...

  • Speaker #0

    Trop bien.

  • Speaker #1

    Alors Pauline Loctin, elle est sculptrice de papier. Et je lui ai posé la question de la créativité. Parce que moi, c'est un peu une question qui me turlupine. Parce que je pense sincèrement que j'aurais pu faire de l'artisanat. Mais juste, j'ai pas découvert assez tôt. le métier qui aurait pu m'intéresser. Et donc, j'ai toujours été un peu frustrée de me considérer comme non créative, en tout cas non douée. Et en fait, aujourd'hui, je m'épanouis vachement dans ce que je fais, mais il m'a fallu du temps pour me dire si en fait je suis hyper créative. Certes, quand j'ai de la céramique devant moi, je ne sais pas ce que je vais en faire, je ne sais pas comment je vais le décorer, mais dans les faits, je peux inventer des concepts, penser à... à des façons de raconter des choses. Enfin, voilà. Et du coup, je lui ai posé cette question de la créativité. Et je pense qu'en effet, on se brime vachement en tant qu'adulte. Et elle dit, en fait, la question que j'ai posée, c'est est-ce que tu penses qu'on est tous créatifs ? Et elle, sans réfléchir, elle m'a dit oui, parce qu'en fait, tous les enfants sont créatifs. C'est vrai. Tu donnes un stylo et un papier à un enfant et il va y aller. Et j'ai trouvé ça tellement beau et moi, ça m'a vachement marquée. Et je pense que ça a fait un déclic en moi, pour moi.

  • Speaker #0

    Oui, sachant que même sans support papier, sans stylo, on s'invente son propre support et son... propre stylo tellement on a d'imagination on trouve n'importe quoi, un morceau de bois sur du sable tout est possible un pêtre sur un mur voilà bon moins sympa à nettoyer et c'est ça qui est génial je crois qu'il faut profiter de ce court moment Après, je ne sais pas, ça dépend à quel âge on se sent plus mature et à quel moment on commence à se mettre des barrières et des contraintes. Mais voilà, ce côté un peu, on fonce, on a un instinct, on a un truc qui nous guide et c'est chouette, je trouve, même si mes parents ont eu un peu peur pour moi, parce qu'ils étaient aimants et bienveillants. Ils m'ont quand même laissé suivre mon parcours, ils m'ont laissé faire ce que j'avais envie de faire, ils m'ont écoutée et voilà, c'est une chance. Parce que je pense qu'il y a des personnes qui, malgré les lettres... de recommandations, malgré les portes ouvertes et touches. Je pense qu'il y en a aussi dont les barrières n'ont été mises par les parents de manière beaucoup plus stricte et beaucoup plus rigide encore qu'un simple refus. C'est sûr que ce n'est pas évident.

  • Speaker #1

    Alors moi, je vais apporter ma petite touche négative à tes propos sur Tu penses que ça a changé ? Je suis en mi-temps à la Chambre de métier et de l'artisanat et je suis chargée de mission pour valoriser l'apprentissage auprès des jeunes. Donc mon métier, c'est de remplir les centres de formation d'apprentis. Eh bien, ça reste avec les mêmes idées reçues sur mais non, mais tu ne peux pas faire un CAP, c'est pour les débiles Ah, ok. Ah ouais, ouais, ouais. Et en fait, c'est hyper dur. Aujourd'hui encore, l'artisanat, alors là, je te parle d'artisanat encore plus large que ce que nous, on côtoie au jour le jour. Mais l'artisanat a encore des grosses idées reçues et encore perçues comme une voie de garage.

  • Speaker #0

    Ouais, l'étiquette ouvrier, quoi. Oui,

  • Speaker #1

    t'es mauvais. tu vas faire un CAP. C'est encore le cas. T'es bon, tu vas faire un bac plus 5, tu vas devenir col blanc. Et pourtant, je le dis vraiment, aujourd'hui, un plombier gagne tellement mieux sa vie, en tout cas que moi. Et c'est pareil avec un électricien. On est tellement dans une société où on ne sait plus rien faire de nos mains qu'on appelle le plombier et l'électricien à tout bout de champ. Ils, vraiment, vivent... hyper bien. Et donc, on n'a pas encore déconstruit ce truc. Peut-être que les métiers d'art sont un peu plus sexy et qu'on commence peut-être un peu plus à déconstruire et qu'on arrive dans une vague où il y a de plus en plus d'étudiants qui s'y intéressent. Mais l'artisanat, c'est encore hyper victime de ces idées reçues. Et c'est dommage, en fait. C'est dommage parce que du coup, on se retrouve en fait avec des classes. Soit c'est des enfants hyper passionnés qui vraiment ont dit si, si. C'est ce que je veux faire. C'est d'ailleurs une discussion que j'ai eue avec mon coiffeur qui me disait, en fait, j'ai dit à mes parents vous n'avez pas le choix, je vais faire un CAP coiffure. C'est comme ça. Alors qu'il était bon à l'école. Et il dit, vous n'avez pas le choix, j'irai. Et il l'a fait. Donc c'est soit les passionnés qui savent, lui il me dit, depuis l'âge de 8 ans, je savais que je voulais être coiffeur. Et il n'a pas changé. Soit c'est des passionnés, soit c'est des enfants qui ne se retrouvent pas dans le système classique, soit c'est des enfants qui, à travers l'apprentissage, vont chercher à avoir un salaire. Et on est quand même vraiment dans ces idées reçues là, et moi je trouve ça hyper dommage. On met en l'air des carrières.

  • Speaker #0

    Oui, c'est sûr. Et parfois, même quand on est obligé d'allier les deux, d'avoir une condition, d'être autonome financièrement. Moi, ce que j'ai fait à l'époque, c'est que j'avais un boulot à côté, ça ne m'a pas empêché d'être en cours. Après, c'est un rythme, mais chacun trouve son équilibre. En tout cas, c'est sûr qu'il faut être partie prenante, motivée. Peut-être qu'il y a un truc aujourd'hui avec les écrans qui nous fait nous rendre plus spectateurs qu'acteurs. Donc ça c'est peut-être un truc sur lequel il faut travailler pour les générations futures, de dire si c'est possible vous pouvez faire, parce que ça peut être invalidant. Et on peut ne pas se sentir capable de là où la jeunesse à laquelle j'appartenais, il n'y avait pas ce truc-là. Donc il faut faire gaffe à ça, parce que c'est à double tranchant. Ces écrans, oui, c'est du savoir, c'est un accès immédiat à plein de choses, mais ça peut être un peu invalidant. Vraiment, on est trop, trop, trop spectateur. Parfois, on devient même un peu collé aux écrans. Moi, je le vois en inspiration. Je me fais un peu avoir, donc je me défends d'être trop longtemps derrière mon écran. Les podcasts, pour ça, c'est top, parce qu'on peut se le mettre... En fond, et bosser en même temps, donc ça c'est cool. Mais le côté image, le côté on voit faire, je crois qu'il faut proposer des ateliers, des choses, enfin il faut rendre accessible le côté pratique et le côté je mets les mains dedans et je me lance, et le plus tôt possible, le plus jeune possible. Et évidemment, les parents aussi sont toujours très contents de mettre les mains dans la cuve et de participer aussi. C'est très familial.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un très beau mot de la fin. Je vais faire une pub pour une asso que j'aime beaucoup. qui justement va dans ton sens qui s'appelle l'outil en main je sais pas si tu connais l'outil en main cette année il fait de l'or 30 ans ça a été créé par une envie de rassembler les artisans à la retraite et les jeunes et en fait initialement c'est des artisans retraités qui transmettent leur savoir et leur métier à des jeunes entre 9 et 16 ans Donc c'est comme toi, t'as pu aller au basket, au tennis ou à la danse, les mercredis après-midi. Ces enfants, ils vont à l'outil en main et ils vont découvrir comment on fait des crêpes, comment on fait de la plomberie, comment on fait de la tapisserie d'ameublement, comment on répare un vélo. Il y a vraiment de tout. Et moi, vraiment, alors déjà c'est les copains, premièrement, mais vraiment, je trouve ça tellement sincère. Et je suis allée dans une des associations, c'est mes... Incroyable. Les enfants sont heureux et les bénévoles te disent mais c'est ma famille, c'est mes gamins en fait. Vraiment, à chaque fois, ils les appellent, c'est mes gamins. Et il y a une connexion qui se crée, puisque du coup, tu les suis toute l'année, et il y a une connexion qui se crée entre ces deux générations qui est incroyable et... qui, je pense, est une mission. Alors, ils ont plus de 250 associations dans toute la France, donc qui commencent à avoir un peu un impact national. Mais je me dis, c'est ces initiatives-là qui, justement, peuvent déconstruire et montrer que, en fait, tu peux être plombier, c'est génial.

  • Speaker #0

    Il y a le côté intergénérationnel aussi que je trouve intéressant dans ce que tu me décris Donc j'ai fait la pub pour cette association que j'aime beaucoup Tu fais bien, c'est génial

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Laurie, merci pour ton temps Merci à toi Lisa Tu as un très bel atelier, très confortable Ton image, en fait, très zen. Tu en as fait quelque chose de très sympa. Donc,

  • Speaker #0

    félicitations. C'est vrai que je n'en ai pas du tout parlé de l'atelier, mais c'est un local de la ville de Paris. On peut tous postuler sur des locaux libres à la ville de Paris. C'est géré par GIE Paris Commerce, qui sont l'entreprise qui sous-traite les demandes. Et donc, j'ai fait cette demande en plein Covid, là où les locaux étaient désertés, les Parisiens... On quittait le navire et puis c'était le moment où moi je me suis embarquée dans ce petit navire de dossier de 50 pages.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est lourd.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est assez lourd et puis on s'engage, attention c'est un bail commercial 369, donc il faut avoir les moyens de le payer, le local derrière. Donc voilà, c'est un loyer en plus, mais c'est la promesse de recevoir du public, de partager, de recevoir des stagiaires, de faire plein de choses. Je suis contente, ça fait deux ans que ça dure et j'espère que ça continuera comme ça le plus longtemps possible.

  • Speaker #1

    On te le souhaite. En tout cas, il est très chouette encore une fois. Merci beaucoup Laurie.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie de t'avoir accueillie.

  • Speaker #1

    Moi aussi. Je suis ravie d'avoir pu enregistrer tes propos. C'est très chouette. Je te dis à très vite. J'espère.

  • Speaker #0

    A bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Laurie, relieuse et marbreuse, vous aura plu. Avec Laurie, nous avons préparé une surprise. Dans les prochains jours, sur Instagram, vous pourrez participer à un beau concours. Parce que c'est grâce à vous que ce podcast existe et vit depuis maintenant 5 ans. Je voulais vous remercier davantage. Aussi, lorsque le concours sera en ligne, en plus des règles classiques, vous pourrez ajouter un émoji micro à votre commentaire. Cela doublera vos opportunités de gagner. Bonne chance ! Je vous ai mis les informations sur l'association L'outil en main en description. N'hésitez pas à aller découvrir ce beau projet que j'aime tant. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram. Donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast.histoired'artisan.com En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

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