- Speaker #0
Bonjour Lisa, bienvenue dans mon atelier.
- Speaker #1
Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet, présidente de l'association Eponyme. Histoire d'artisan valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Aujourd'hui, nous accueillons Delphine Mangerey, cartonnière coloriste. Elle nous raconte le rôle du cartonnier dans la production de tapisseries et l'évolution de ce métier dans le temps. Métier communautaire, Il est surtout utilisé par les manufactures de tapisserie. Cet épisode a pu exister grâce au soutien de la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson. Consacré au rayonnement de la tapisserie, ce musée et centre de formation est né à la suite de l'inscription de la tapisserie d'Aubusson au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO en 2009. Cet épisode est donc une façon de contribuer au rayonnement de ces savoir-faire français renommés. Belle écoute ! Bonjour Delphine et merci de m'accueillir dans ce qui n'est pas du tout ton atelier. Nous avons menti, nous sommes des grosses mentesses. Donc on enregistre à la cité de la tapisserie d'Aubusson, qui est un musée qui a été créé, si je ne me trompe pas, il y a 14 ans,
- Speaker #0
pour valoriser le savoir-faire de la tapisserie d'Aubusson.
- Speaker #1
Et j'allais même dire en fait l'écosystème d'Aubusson qui est vraiment tourné autour de la tapisserie, on en parlait tout à l'heure. Et là, on enregistre dans un endroit merveilleux. un centre de formation de lissier.
- Speaker #0
C'est ça. Alors effectivement, la Cité internationale de la tapisserie à Aubusson n'est pas qu'un musée, c'est aussi un lieu de formation. Dans ce centre de formation qui se trouve au dernier étage de la cité, on enseigne le métier de lissier en deux ans. Donc nos stagiaires passent un CAP art du tapis et de la tapisserie de lisse en fin de première année et un brevet des métiers d'art, art et technique du tapis et de la tapisserie de lisse. en deuxième année, donc une formation en deux ans. Cette formation, elle est pilotée par le Greta du Limousin, un organisme de formation pour adultes. Et voilà, donc la session dernière qui a passé son BMA, son brevet des métiers d'art, en juin 2024, donc a terminé sa session. Et là, à partir du 2 septembre 2024, une nouvelle session va prendre place dans ce centre de formation qui comprend 14 stagiaires et qui seront là. pour deux ans et qui vont apprendre en deux ans le métier de lissier, l'art de la lisse. Donc, ils vont apprendre à travailler les couleurs, les matières, à faire des cartons et à tisser. Et voilà, et apprendre aussi toute l'histoire de la tapisserie et l'histoire de l'art en général.
- Speaker #1
Et donc, la raison pour laquelle on est là, c'est que toi, tu enseignes dans ces deux formations chacune en un an. Toi, Delphine, tu es cartonnière.
- Speaker #0
Alors moi, je suis dessinatrice cartonnière et coloriste. Effectivement, j'interviens au centre de formation en tant que... coordinatrice et j'enseigne la couleur et le carton. Donc,
- Speaker #1
on reviendra dans l'épisode 2 sur vraiment ton rôle et comment tu évolues dans ce métier. Mais là, dans cet épisode, on va plus se concentrer sur le métier de cartonnier en général. Et ma première question qui va permettre un peu à tout le monde de rendre les choses un peu moins floues. Quel est ton rôle ?
- Speaker #0
Alors moi, j'interviens sur toute la partie préparation d'une tapisserie. Avant de passer à l'étape du tissage, avant que les lissiers s'installent sur le métier à tisser et jouent avec les fils de chaîne et les fils de trame pour construire la tapisserie, il y a tout un travail de préparation qui va passer dans un premier temps par un travail de collaboration avec l'artiste. En fait, une tapisserie, c'est avant tout un projet d'artiste. Donc l'artiste arrive avec un projet, ce qu'on appelle une maquette. Alors la maquette, ça peut être un projet artistique à la taille de la tapisserie, qui est à l'échelle 1, mais ça peut être aussi une version plus réduite du projet. Donc l'artiste arrive à Aubusson avec cette maquette, dans le but de la faire retranscrire en tapisserie. Donc dans un premier temps, il y a tout un travail de compréhension, d'échange avec l'artiste, il faut que je rentre dans son univers pour pouvoir l'interpréter. Donc, voilà, avec l'artiste, on va avoir des tapisseries, je lui présente des fils, je lui présente des propositions. Quel type de fil on pourrait utiliser pour traduire tel effet ? Quelle grosseur de tissage ? Quel type de matière ? Puisque en tapisserie, on utilise principalement la laine, mais pas que. On peut aussi tisser le lin, la soie, le bambou, le fil de rayonne. Enfin voilà, il y a plein de fils qui ont des effets différents une fois tissés, qui peuvent être tissés. en tapisserie. Voilà, donc, il y a tout ce travail d'échange avec l'artiste qui se fait pour que je puisse bien comprendre l'univers dans lequel il souhaite qu'on entraîne la tapisserie. Et une fois que ça, c'est bien compris, eh bien, voilà, il y a le travail de recherche des fils, les différents fils, le travail de la mise au point de la gamme de couleurs, puisque en tapisserie, en fait, on peut mélanger les fils et mélanger les couleurs. Le fil de trame peut être composé de plusieurs fils, de couleurs différentes et de matières différentes. Donc, pour mettre au point la gamme de couleurs, je vais passer par la peinture. Je vais en fait réaliser des gammes, des bandes de petits carrés de couleurs peintes, et je vais comme ça décliner en valeur les différentes couleurs, en pensant au fait... que les couleurs vont pouvoir se mélanger. Donc je vais pouvoir en fait réduire mon nombre de couleurs car je sais que quand je vais les mélanger, je vais pouvoir obtenir toutes ces couleurs intermédiaires. Donc la gamme de couleurs aussi, elle est propre à la technique de la tapisserie. Elle se crée en fonction de cette possibilité de mélange. Une fois que j'estime que les nuanciers colorés réalisés en peinture sont bons, que ça fonctionne, qu'il y a assez de couleurs pour traduire l'ensemble du projet de l'artiste en tapisserie, il y a un travail de collaboration avec la teinturière. Là, actuellement, je travaille avec Nadia Petkovic, qui a son atelier de teinture à Aubusson. Je lui apporte une reproduction de la maquette de l'artiste, les gammes de couleurs en peinture. Nadia, une fois que les fils sont choisis, elle va traduire les couleurs peintures en couleurs fils. Elle va réaliser tout le travail de transposition des couleurs peintures en couleurs fils. Moi j'y mets ma sensibilité et Nadia y met aussi sa sensibilité. Donc chacune en fait, on interprète cet univers de l'artiste faisant attention bien sûr de bien avoir le projet de l'artiste en tête car ce qui compte c'est la tapisserie au final et il faut qu'on réponde à l'univers de l'artiste. Donc voilà, il y a un fort travail de collaboration avec la teinturière Nadia et ensemble on va monter, mettre en place cette gamme de couleurs. Et... pendant que Nadia réalise les couleurs, eh bien, moi, je vais passer au travail du carton. Donc, le carton, c'est une image sur papier qui est à la taille de la tapisserie et qui va être placée sous les fils de chaîne et qui va servir de guide au lissier pendant tout le temps de la réalisation de la tapisserie. Le carton, c'est un peu comme le... patron et donc le carton depuis quelques années on le travaille sur une image imprimée en couleur donc ça nécessite en fait que le projet la maquette de l'artiste soit scannée en haute définition ou bien photographié en haute résolution et ensuite et bien on imprime cette image en couleur sur papier et une fois que l'image est imprimée sur papier il y a tout un travail de dessin qui se fait de codification puisque c'est cette image qui va servir de guide au lissier pendant tout le temps du tissage. Donc le carton, moi je le travaille à la fois avec des grands couleurs, de la peinture, de l'encre. Et puis, donc je vais sertir, une fois que j'ai retravaillé tous les effets de volume, tous les rapports de valeur, et bien je vais sertir chaque zone de couleur. Voilà, ce qui va donner en fait des indications au lissier pour le travail du tissage. On pourrait se dire, mais pourquoi on ne met pas l'image directement sous les fils de chaîne, sans passer par le travail du dessin ? Eh bien, en fait, il faut pouvoir adapter l'image. On passe quand même d'un projet peinture, photographique, de différents médiums réalisés par l'artiste, à une tapisserie. Donc, il y a une interprétation qui se fait. On n'est pas sur une reproduction à l'identique d'une image, mais il y a bien un travail de transcription. Comment on passe d'une peinture à une tapisserie ? La tapisserie, elle a sa propre esthétique, elle a sa propre technique, ses propres écritures. Et donc, voilà, c'est ce travail de transposition que je fais, moi, sur le carton. Donc, en fait, je suis dans l'interprétation, je suis interprète. Et donc, la tapisserie, elle a plusieurs possibilités plastiques qui passent par le fil, qui passent par la couleur, qui passent par les techniques, qui passent par les textures. Et c'est ce travail d'interprétation que je définis sur le carton.
- Speaker #1
Tu le disais tout à l'heure, c'est un métier qui est très communautaire, puisque toi, sans eux, tu n'existes pas. Et en tout cas... Nadia dont tu parlais qui est teinturière sans toi et sans les lissiers, elle n'existe pas non plus et d'ailleurs elle en parle dans le prochain épisode du coup je me posais la question de savoir à quel point c'est important de connaître le métier des autres alors effectivement sur le territoire creusois on a un écosystème,
- Speaker #0
il y a la tapisserie on a des filatures, on a les teinturiers, on a cartonniers, on a lissiers et on a même une partie restauration conservation donc...
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu appelles filature ?
- Speaker #0
Alors, filature, le filateur, c'est celui qui fabrique le fil. Donc, il part de la toison du mouton. Ensuite, la toison est lavée. Ensuite, elle est peignée. Enfin, voilà, il y a différentes étapes. Elle est cardée. Voilà, il va travailler la matière laine jusqu'à en faire un fil. Et c'est ce fil qui, ensuite, va être teint par la teinturière et tissé par l'hélicier. Donc, il y a toute une filière sur le territoire creusois. qui fait vivre la tapisserie à Aubusson et à Feltin, en Creuse. Effectivement, on est tous liés les uns aux autres. Il y a un travail collectif assez fort, un échange entre nous très marqué, très indispensable. On est liés forcément. Dès qu'on retire un corps de métier de cette chaîne, on est déséquilibrés, ça ne fonctionne pas.
- Speaker #1
Et du coup, tu dis en effet que vous êtes tous très liés. Est-ce que c'est important de connaître les autres ?
- Speaker #0
Alors, oui. C'est très très important. Moi quand j'ai appris la tapisserie, je suis rentrée à l'École nationale des arts décoratifs à Aubusson en 1995. Avant que la cité de la tapisserie soit citée de la tapisserie, c'était une école des arts déco dans laquelle on apprenait en trois ans le métier de lissier. Et donc j'ai un brevet des métiers d'art, art et technique du tapis et de la tapisserie de lisse. Donc j'ai appris le métier de lissier en trois ans. J'ai appris à travailler les fils, à travailler les couleurs, à faire les cartons mais aussi à tisser. Donc le fait de savoir tisser, c'est important pour pouvoir interpréter, pour pouvoir passer d'un projet d'artiste à une tapisserie, avoir le bon vocabulaire, avoir en tête les calibres de tissage, avoir en tête les écritures techniques, les textures et tout le vocabulaire qui va avec. Ça permet aussi, par la suite, quand je suis le tissage avec l'hélicier, quand il y a la mise en route du tissage, ça me permet aussi d'échanger de façon pertinente avec l'hélicier. technique même si je n'ai jamais exercé le métier de lissière. J'ai ces connaissances là qui sont très importantes pour mon travail de cartonnière et même enfin vous le verrez quand vous allez l'entendre quand Nadia parlera de son travail mais Nadia elle a appris à tisser aussi elle sait comment le fil se comporte une fois qu'il est tissé elle sait comment la couleur se comporte donc ça quand elle interprète les couleurs peintures en couleur fil elle a cette caractéristique en tête et elle intègre aussi dans l'interprétation qu'elle donne aux couleurs. Donc, c'est important de connaître tous ces éléments pour pouvoir interpréter au mieux les projets des artistes.
- Speaker #1
Et je me demandais, il y a beaucoup de cartonniers en France ?
- Speaker #0
Alors, le travail de cartonnier, le métier de cartonnier, il est propre en fait aux manufactures. C'est-à-dire qu'à Aubusson, Feltin, on a deux manufactures, la manufacture Robert Four, qui se trouve à Aubusson, et la manufacture Pinton, qui se trouve à Feltin. Et en fait, en manufacture, les différentes étapes de réalisation d'une tapisserie sont dissociées. On a donc le cartonnier qui va faire des recherches de matière, de couleurs et réaliser le carton. Et on a l'hélicier qui réalise les tapisseries. Alors que dans les ateliers, les petites structures, les ateliers privés, en fait, l'hélicier font tout. Ils font les cartons, ils font les recherches de matière, les recherches de couleurs, le tissage et tout le travail de finition. Le travail de couture qui est réalisé une fois la tapisserie tombée de métier. Et donc voilà, on est très très peu en fait de cartonniers. À ne faire que des cartons, on est très très peu. Mais après voilà, les lissiers qui ont leur propre structure sont aussi des cartonniers. Et donc en fait, la cité de la tapisserie, dans le cadre de ces grandes tentures tissées, au buisson Tistolkien et l'imaginaire de Hayao Miyazaki en tapisserie d'Aubusson, ce qui était faire appel à un cartonnier pour harmoniser en fait les différentes... tapisserie qui compose ces tentures. En fait, une tenture, c'est un ensemble de tapisseries et souvent elles ont un sujet narratif. Donc Tolkien, on est parti d'illustrations réalisées par Gérard Tolkien, qui font référence à ses romans, Le Seigneur des Anneaux, Le Hobbit, Le Cid Marillon. Et dans le cadre de l'imaginaire de Hayao Miyazaki en tapisserie d'Aubusson, eh bien, là aussi, on a une tenture composée de cinq tapisseries. Et en fait, ce sont des images extraites des différents films de Hayao Miyazaki. Princesse Mononoke, Le voyage de Shihiro, Le château ambulant. Là, actuellement, je travaille sur un extrait du film Mon voisin Totoro. Donc là, en fait, c'est différentes tapisseries afin de créer une ligne esthétique. La cité de la tapisserie à souhaiter faire appel à... une personne pour le travail des couleurs et pour le travail du carton et pour le suivi du tissage. Voilà, donc c'est pour ça que je me retrouve avec grand plaisir sur ces projets incroyables. Mais voilà, le travail de cartonnier, en fait, on est très peu à exercer ce métier.
- Speaker #1
J'ai hâte que tu nous racontes dans l'épisode 2 concrètement comment tu vis ton métier et comment tu le fais. Avant d'enregistrer, on a fait une petite visite du musée, assez rapide, et donc tu m'expliquais l'évolution de ce métier de cartonnier. Est-ce que tu pourrais nous en dire plus ?
- Speaker #0
Alors à Aubusson, on voit apparaître la tapisserie, enfin sur le territoire marchois plutôt, au XVe siècle. La tapisserie la plus ancienne que la cité de la tapisserie possède, c'est une licorne sur fond de mille fleurs, qui date donc du XVe siècle. À cette époque, les cartons étaient des cartons peints, c'était des peintures, soit sur toile, soit sur papier. Les cartonniers travaillaient les images à la taille de la tapisserie en peinture. Ensuite, quand on avance dans l'histoire, on a retiré la couleur et le carton est devenu une grisaille. Ça veut dire que les cartonniers travaillaient l'image avec différentes hauteurs de valeur de gris. le noir et le blanc. Et donc voilà, tout le travail de la lumière, du volume, des effets d'illusion du modelé étaient travaillés en grisaille. Et c'était les lissiers qui avaient quand même des consignes, mais qui travaillaient les couleurs, qui faisaient les mélanges de couleurs et qui posaient les couleurs sur le tissage. Et ensuite, 20e siècle, on voit apparaître avec Jean Lursa le carton numéroté, donc milieu du 20e siècle. Jean Lursa a défini... une gamme de couleurs en laine. Chaque couleur avait un numéro et en fait, il réalisait des cartons tout simplement au tracé lignes noires sur fond blanc et au lieu de poser la couleur sur le carton, il mettait un numéro qui correspondait à son nuancier coloré. Et là, nous, depuis quelques années, on travaille à partir d'images imprimées en couleur sur papier. Donc, ça nécessite en fait d'avoir une photo ou de scanner le projet de l'artiste en haute définition. Et ensuite, on fait imprimer l'image sur papier en couleur. Et après, il y a tout un travail d'adaptation qui se fait sur cette image agrandie qui passe par le dessin, par le rehaussement des valeurs. Et puis, toute une partie codification. Par exemple, quand j'indique une partie en pointillé, ça veut dire qu'il faut que le lissier trouve une façon de créer un lien fort entre deux zones. Ça, ça peut passer par une technique, une écriture technique qu'on utilise beaucoup en tapisserie qui s'appelle le battage. En fait, c'est un jeu de rayures de différentes épaisseurs qui va permettre de fondre les couleurs. Ou alors, ça peut passer par des mélanges proches. Après, le travail de la ligne en pointillé, elle indique au lissier qu'il faut créer un lien fort entre ces deux zones. Et puis, sinon, on n'hésite pas à écrire quand c'est un fil spécial qui est utilisé. Par exemple, ici, fil de bambou, on l'écrit directement sur la zone pour l'indiquer au lissier. Mais après... le carton c'est pas le seul élément qu'ils ont parce que moi en fait dans le cadre des projets que je mène avec la Cité de la Tapisserie je suis présente, je fais le suivi du tissage donc il y a aussi tout un échange avec les lissiers qui passent par les mots on est tout le temps en train d'échanger, de réfléchir ensemble aussi comment traduire sur le tissage parce que moi je l'imagine sur le carton mais en fait la réalité elle est sur le métier à tisser et en fait c'est les lissiers qui détiennent cette réalité et Et c'est vraiment quand eux passent au tissage qu'on voit si ça fonctionne ou pas. Donc, en fait, on est sans arrêt aussi en train d'adapter, réfléchir. Ce n'est pas une fois que le carton est fait, hop, on passe à la réalisation et hop, c'est terminé. Non, non, il y a tout un travail en cours de tissage qui se fait sur le métier à tisser et qui est très important et tellement riche. Enfin, c'est des moments d'échange très, très, très, très, très forts et très, très riches.
- Speaker #1
Moi, je me posais une question. Est-ce que tu as déjà travaillé sur un projet avec un photographe ?
- Speaker #0
Alors, un photographe, Clément Cogitor, on était sur une maquette, une image extraite d'une vidéo, une capture d'écran. Et donc là, en plus, une image de basse définition, donc il y avait tout un travail sur la traduction du pixel à réaliser. Voilà, là, c'était un extrait vidéo, une capture d'écran à un moment figé, extrait d'une vidéo. Mais en fait, on peut partir de n'importe quel médium. Le plus fréquemment, effectivement, on part plutôt de... peinture, mais ça peut être une gravure, ça peut être une photographie, ça peut être un extrait vidéo, ça peut être un dessin, ça peut être... Enfin voilà, il n'y a pas de limite dans le médium utilisé pour la réalisation de la maquette.
- Speaker #1
Je ne sais pas si c'est à toi que je dois poser la question, mais comment on fait pour devenir un artiste ? qui collabore avec la Cité internationale de la tapisserie.
- Speaker #0
La Cité de la tapisserie lance des appels à création. Là, par exemple, je travaille actuellement sur un hommage à Georges Sand, dont la maquette a été imaginée par l'artiste Françoise Petrovic. Et en fait, Françoise Petrovic a répondu à un appel à création de la Cité. Donc la Cité lance un cahier des charges. La thématique, hommage à Georges Sand. Cette tapisserie, sa particularité, c'est que c'est une tapisserie long format, une tapisserie ruban. C'est une pièce qui va faire 2,15 mètres de hauteur sur plus de 23 mètres de longueur. Donc ça, ça faisait partie du cahier des charges. Donc là, les artistes répondent à cet appel à création, donc écrivent une note d'intention, comment ils imaginent cette tapisserie, enfin voilà, comment ils imaginent cet hommage à Georges Sand. Et ils vont réaliser une maquette. Donc la maquette, c'est l'image du projet dans un format... plus réduit que la tapisserie. Et donc voilà, on a une cinquantaine d'artistes qui a répondu à cet appel à création. Il y en a cinq qui ont été retenus suite à une intention et donc cinq qui ont réalisé la maquette de ce projet. Et donc parmi ces cinq artistes, Françoise Petrovitch est l'artiste qui a été retenue. Donc c'est son projet hommage à Georges Sand qu'on est actuellement en train de tisser à Aubusson. C'est la manufacture Robert Four qui le tisse. Voilà, c'est suite à un appel à création. Et après, dans le cadre des grandes tentures au buisson de Tistolkien et l'imaginaire de Hayao Miyazaki en tapisserie d'Aubusson, eh bien là, c'est la Cité de la Tapisserie qui a contacté l'estate Tolkien et qui a proposé à la famille Tolkien de transposer en tapisserie les illustrations de J.R.R. Tolkien. Et idem pour le studio Ghibli, c'est la Cité de la Tapisserie qui a fait la démarche de contacter le studio Ghibli, Hayao Miyazaki. pour demander l'autorisation de transposer en tapisserie des extraits des films de Hayao Miyazaki. Dans le cadre du projet Tolkien, ça a été assez long. Il me semble que la cité a mis quatre ans avant d'avoir les droits pour obtenir l'autorisation de retranscrire en tapisserie ces illustrations de J.R.R. Tolkien. Et donc après, ça donne naissance à des collaborations incroyables, puisque Bailly Tolkien, la femme de Christopher Tolkien, le fils de J.R.R. Tolkien, a été très présente, donc la tenture vient de se terminer, on a 14 tapisseries et 2 tapis. Et donc, Bailly Tolkien a été très présente pendant tout le temps de la réalisation de ces tapisseries. Mon tissage a débuté en 2017, donc 14 tapisseries et 2 tapis, ça prend du temps. Et la dernière tapisserie, la 14e, est tombée de métier en juin dernier. Donc voilà, la tenture au buisson de Tiss Tolkien est complète. Et la tenture, l'imaginaire de Hayao Miyazaki en tapisserie d'Aubusson. n'est pas terminée, on a quatre tapisseries qui sont tombées de métier. Là actuellement je travaille sur la cinquième, mon voisin Totoro, et il y en a une sixième de prévue. Donc l'attenture sera complète peut-être d'ici deux ans.
- Speaker #1
Ce que tu me racontais aussi, je pense que c'est important d'insister parce que ça fait aussi la beauté du métier, c'est que certes tu as raconté que tu travaillais vraiment en étroite collaboration avec l'artiste. Mais quand les artistes, c'est Tolkien et Miyazaki, tu travailles avec des gens qui connaissent potentiellement intimement ces gens, ou qui ont connu intimement ces gens. Et je pense que ça fait aussi partie de la beauté du métier, c'est que tu dois rencontrer des gens extraordinaires.
- Speaker #0
Ah oui, ça c'est vraiment sensationnel, oui. Oui, oui, oui, Bapayi Tolkien. Incroyable ! Elle a presque assisté à toutes les tombées de métier. Et ce qui était très touchant aussi, c'est qu'à chaque tombée de métier, quand elle était là, elle ne venait pas seule, elle venait avec ses enfants, des amis, d'autres membres de la famille. Donc on a vraiment senti un investissement de la part de la famille Tolkien, fort. Et moi, dès que j'avais un doute sur une interprétation ou des questions, je savais que je pouvais la contacter et elle avait une réactivité assez impressionnante. Donc... très, très investie. Elle a vraiment suivi le projet de très, très près. Et vraiment, ce qui nous touche et ce qui nous ravit, c'est là, dernièrement, donc, présentation de l'ensemble de la Tenture Tolkien en juin dernier. Elle était présente avec des amis, des membres de la famille. On a senti qu'elle était très heureuse de voir les illustrations de son beau-père, comme ça, mises en valeur par l'intermédiaire de la tapisserie. on se dit qu'on a réussi à bien interpréter ces tapisseries et à bien interpréter l'univers de Tolkien et de voir le clan Tolkien aussi ravi de ça c'est j'ai
- Speaker #1
même pas le mot c'est époustouflant c'est incroyable je trouve depuis le début de cet épisode on parle quand même de sujets assez voire complètement contemporains donc tu nous raconteras plus en détail toi tes projets persos, mais moi, j'ai une vraie sensibilité pour Miyazaki. J'ai vu absolument tous ses films. Vraiment, j'adore. Et ce qu'on se racontait avant, c'est qu'en fait, rendre les sujets beaucoup plus contemporains, c'est aussi ramener de la jeunesse dans ces métiers ancestraux. Et tu me racontais que vraiment, tu as vu un avant-après avec l'arrivée de ces sujets contemporains.
- Speaker #0
Alors, effectivement, quand on regarde les sujets Les visiteurs, quand on se promène dans le musée et qu'on va à la rencontre des visiteurs, en fait, il y a toutes les générations. Et les tentures Tolkien et Miyazaki, elles ont vraiment permis ça. C'est-à-dire qu'on voit des jeunes personnes, des ados, des enfants, qui sont accompagnés de leurs parents, de leurs grands-parents. En fait, on a toutes les générations dans la cité de la tapisserie qui viennent voir les tapisseries. Et en fait, Tolkien et Hayao Miyazaki... ont vraiment permis ça. Et on se rend compte qu'on a des témoignages d'adolescents qui jamais n'auraient pensé venir dans un musée de la tapisserie et qui se retrouvent à venir à Aubusson voir ces tapisseries. Et du coup, effectivement, ils viennent voir les tapisseries Miyazaki, certainement en priorité, puisque la mise en lumière aussi de ces projets fait que l'information est arrivée jusqu'à eux et c'est un univers qu'ils affectionnent et qu'ils ont envie de voir ce que ça donne en tapisserie. Mais du coup, il voit aussi toutes les autres tapisseries. Donc, ça permet aussi de mettre en valeur et de mettre en lumière aussi toute la création contemporaine et pas que toutes nos tapisseries du 19e, 18e, 17e, 15e, 16e. Donc, c'est vraiment... Là, la Cité de la Tapisserie a réalisé quelque chose d'extraordinaire en nous faisant tisser ces projets-là.
- Speaker #1
Super, c'est un beau mot de la fin.
- Speaker #0
Et aussi, ce que j'aimerais dire, c'est que non seulement ça a eu un impact sur nos visiteurs, mais aussi sur notre centre de formation, puisque donc notre centre de formation, il reçoit 14 stagiaires tous les deux ans. Mais on se rend compte aussi qu'on a de plus en plus de candidats et de plus en plus jeunes. Voilà, ces projets-là, ils donnent envie aux jeunes personnes d'apprendre un savoir-faire, d'apprendre une technique et de faire partie de cette histoire-là. Et puis, ce qu'on peut constater aussi, c'est que ces grands projets, ils ont permis aussi à nos stagiaires sortis de la formation, d'intégrer des ateliers et de s'associer à d'autres lyciers, des lyciers expérimentés, et de poursuivre aussi leur apprentissage de la technique. Comme ce sont des très grandes pièces, les ateliers qui avaient des petits effectifs, qui étaient à deux, ils ont dû faire appel à d'autres lyciers pour pouvoir réaliser la tapisserie dans les temps. Et donc, ce qui est incroyable, c'est qu'on retrouve sur ces projets-là des stagiaires qui viennent d'avoir leur diplôme. et qui continuent d'apprendre. Et vraiment, ça, c'est quelque chose aussi... La transmission du savoir-faire dans le cadre de ces projets, elle a été très, très, très importante.
- Speaker #1
Génial. On adore quand il y a de la transmission. C'est une bonne nouvelle. Super. Écoute, c'est un beau mot de la fin pour ce premier épisode. Merci beaucoup, Delphine. Et puis, je te dis à très vite avec le deuxième.
- Speaker #0
Merci, Lisa. À très vite.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce premier épisode sur le métier de cartonnier coloriste avec Delphine mangerait. Cartonnière Coloriste vous aura plu. Dans le prochain épisode, Delphine nous racontera avec plus de détails comment elle est devenue cartonnière coloriste, sa participation au projet Obusson T. Stolkian, Ayaomi Yazaki et Georges Sand. et son rôle de transmission au sein de la Cité internationale de la tapisserie. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note, un commentaire et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Vous pouvez nous retrouver sur Instagram pour découvrir le métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoire-artisan.com A bientôt avec de nouvelles histoires !