52 - Lucille Boitelle, peintre ornemaniste cover
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Histoires d'Artisans

52 - Lucille Boitelle, peintre ornemaniste

52 - Lucille Boitelle, peintre ornemaniste

1h02 |20/06/2024
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52 - Lucille Boitelle, peintre ornemaniste

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Description

Découvrez le parcours unique de Lucille Boitelle, peintre ornemaniste, qui transforme son amour pour les arts décoratifs en une pratique contemporaine. Lucille nous raconte comment elle a façonné son métier, passant par des expériences dans des maisons prestigieuses telles que Kenzo et Pierre Frey, avant de créer son propre univers. Au fil de la discussion, explorez les secrets de la création de motifs sur mesure, ses inspirations issues de la nature, du cinéma et des archives historiques. Découvrez également son processus innovant de production qui marie techniques traditionnelles et outils numériques modernes. Cet épisode plonge au cœur d'un savoir-faire rare, mettant en lumière la richesse des collaborations avec des architectes et des éditeurs renommés. Belle écoute pour un voyage immersif dans le monde fascinant de la peinture ornementale !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.


Liens de l’épisode : 

Lucille Boitelle

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations

Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.

#artisanatdart #ornemaniste #ornement #décor  #peintreornemaniste #savoirfaire#peintreornemaniste #histoire #podcast #artiste


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier !

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Lucille Boisthel, peintre ornomaniste. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire de la peinture ornomaniste. Dans celui-ci, Lucille nous raconte son parcours, sa rencontre avec son métier. et sa façon très moderne de le réaliser. Ben, écoute ! Bonjour Lucille, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Lucille, tu es peintre ornemaniste. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier ?

  • Speaker #0

    Moi, c'est une rencontre qui est un peu particulière, parce que j'aime bien dire que j'ai rencontré mon métier alors que je le faisais déjà, puisque, comment je pourrais expliquer ça ? Ça fait 7 ans que je suis à mon compte. J'ai eu un premier parcours hyper... Pour le coup, je savais que ça serait dans l'art, donc j'ai fait tout le programme à rappliquer comme il fallait bien. Lycée, BTS, DSA en design industriel, en disant c'est bon, je serai un bon designer. Sauf que je quitte le master et je me dis, mais en fait, le design industriel, ce n'est pas du tout pour moi. Mais vraiment pas. Je me rends compte que vraiment, tous les stages que j'ai faits, etc., il y a un truc qui ne passe pas. J'aime la logique de la création de projet, mais je ne sais pas, il y a un manque. Et donc là, j'annonce à mes parents, après quatre ans d'études, que je repars en première année en textile pour leur plus grand bonheur. Et donc, je reprends un BTS et pas un autre DSA parce que je suis persuadée d'un truc, mais je ne sais pas encore quoi, mais que ça se fera par la matière. Et donc, je me dis, bon, peut-être que si je refais ce BTS textile, vu que j'ai déjà un parcours en design produit, il y a peut-être un moyen d'imaginer des textiles chez Quadrat dans ce genre d'entreprise. Donc, j'ai un peu cet objectif. Je sais que ça sera avec l'ameublement, mais je ne sais pas trop quoi. Et puis, la première année se passe. Je n'ai plus de cours généraux puisque j'ai déjà tout validé en amont. Et donc je n'ai que des cours d'atelier et dont la moitié où je suis toute seule puisque les autres forcément sont en cours. Et c'est un peu une grosse découverte. Je me rends compte que déjà je suis clairement plus fait pour la matière. J'ai quand même une appétence pour la couleur que j'avais sans doute avant mais qui se développe. Et à ce moment-là on me dit bah écoute la deuxième année ça sert peut-être à rien de rester ici. Est-ce que tu veux le faire en entreprise ? Et je rentre pour un an donc sur un stage long au sein de la maison Kenzo. Et là je rentre au print femme et je découvre une espèce de monde que je n'avais... Vraiment pas imaginé du tout, puisqu'on a l'impression que forcément, si c'est une grosse maison, il y a des grosses équipes, etc. Et à ce moment-là, au prix d'une femme, il y a une seule personne, et du coup, je suis son assistante. Et on travaille vraiment à faire des dessins de A à Z, toute la journée. Ça ne va pas, on recommence, on reproduit, on va rechercher des archives, etc. Et donc, à ce moment-là, je ne sais toujours pas exactement ce qu'est mon métier. Je ne me sens pas tout à fait designer dans le sens où ce n'est pas moi qui vais chercher des applications ou qui vais imaginer la structure d'un textile ou d'une broderie. Mais par contre, comment ça poindre en moi ce truc de il faut trouver une bonne histoire, il faut trouver un bon sens du rythme Il y a quand même des petites choses comme ça qui sont déjà marquées. Et quand je sors de ce stage, je rentre directement au sein de la maison Pierre Fray, qui est un éditeur de tissus et de papier-part dans l'ameublement, dans lequel j'avais déjà fait un premier stage. Je connaissais déjà les équipes et j'arrive et là, il y a quand même un truc où je me dis c'est marrant quand même ce truc de l'ameublement qui revient comme ça. Et de la même manière, je suis au studio de tissage puisque la Maison Pierrefrais a une usine dans le nord qui s'appelle Margrois et donc moi, je suis vraiment sur ce poste de création de dessin. pour du tissage. Et encore une fois, donc là, je vais y passer presque 5 ans, et il y a ce truc quand même, avec des petits mots-clés comme ça qui reviennent tout le temps, des arts décoratifs. Je me souviens que Monsieur Fréjot m'envoie emmener des échantillons chez Liègre, et là je découvre d'un seul coup un autre univers, on fait une visite chez Jacques Garcia. Enfin, il y a comme ça des choses où je me dis, mais c'est marrant, c'est quand même l'univers dans lequel moi j'ai envie d'évoluer, je découvre des choses qui me semblent un peu folles. Je ne sais pas exactement ce que je vais en faire, mais ce qui est sûr, c'est que je découvre aussi le travail d'archives et de Le dessin pas à la main, puisque au bout de notre bureau, il y a une porte qui ouvre vers les archives. Et là, tu as aussi bien des cartons du XVIe, du XVIIIe, du XXe siècle, des gouachés, etc. Et je me rends compte que la manière dont moi j'ai appris à faire du dessin au raccord pour faire du motif, elle est hyper sage et qu'il y a vraiment un truc dans la matière et dans la couleur que je peux retravailler. Et donc là, se passe quand même un premier shift dans ma vie, puisque du coup, je quitte cet emploi salarié pour dire Ok, je vais me lancer à mon compte pour faire ça. Je n'ai toujours pas ce fameux titre de métier qui est le mien maintenant de peintre ornemaniste. Et je pense que c'est vraiment une construction. C'est-à-dire que je ne me sens pas designer textile, je ne me sens pas illustrateur, je ne me sens pas tout à fait peintre. Mais ce qui est sûr, c'est que ma matière, c'est la peinture. que je raconte des histoires, et qui a une manière de s'inscrire systématiquement dans le champ des arts décoratifs. Et du coup, en faisant des recherches, c'est un peu ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est vraiment un travail de lecture, finalement, de curiosité aussi, d'aller chercher. Pourquoi moi je me sens pas tout à fait à ma place ici ? Que là je tombe un jour sur ce fameux terme de peintre ornemaniste et là je pense que c'est à ce moment-là où j'ai vraiment rencontré mon métier. Je pense que c'est le jour où j'ai pu le nommer, c'est la manière dont moi j'ai pu me l'approprier et d'un seul coup avoir vraiment un champ d'exploration qui était beaucoup plus libre.

  • Speaker #1

    Je t'imagine devant un bouquin en lisant la définition de peintre ornemaniste et de faire bah c'est évident

  • Speaker #0

    C'est vraiment ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi je t'imagine dans la bibliothèque Fornay et faire

  • Speaker #0

    Je trouvais ! Il y a un peu de ça. Il y a un peu Eureka quand même. Mais c'est aussi, tu sais, je pense que c'est un peu la même chose quand tu lis des choses, enfin même des trucs un peu idiots, un horoscope et que tu dis Mais c'est exactement ça ! Ils ont complètement raison. Mais c'est vraiment la manière d'un seul coup, quelque chose que tu pressens depuis longtemps. Prends forme parce que t'as le bon mot qui tombe au bon moment. Et que ce travail de recherche, je ne l'ai pas fait par hasard, je l'ai fait parce que j'avais déjà lancé mon activité, je n'arrivais pas à passer une espèce de palier de développement, mais à la fois en termes de chiffre d'affaires et à la fois en termes aussi d'esthétique, je sentais que j'étais un peu bloquée par moi-même. Et du coup, quand j'amorce ce travail de recherche, j'ai vraiment en tête de revoir finalement les bases de l'entreprise. d'imaginer ce que c'est mon territoire à moi. Et là, je tombe sur ce mot qui, d'un seul coup, me soulage d'une espèce de poids que je me traînais depuis, je ne sais pas, ça faisait déjà trois ans que j'avais l'entreprise, un truc comme ça. Et c'est quelque chose, justement, si on me disait Oui, mais vous n'êtes pas vraiment peintre. Chaque fois, moi, j'étais tétanisée. Je me disais Ah là là, mais il a peut-être raison. Et là, d'un seul coup, je me dis Mais non, mais c'est bon, en fait. C'est bien ça. C'est là où on se rend compte aussi de la puissance. que peut avoir juste le bon mot ou la bonne phrase au bon moment. Parce qu'en un seul coup, ça m'a donné juste la coquille suffisante pour après redévelopper d'autres choses plus personnelles dans ma peinture, etc. Et d'être un peu plus sûre de moi.

  • Speaker #1

    Je trouve ça rigolo parce que il y a de nombreux épisodes de podcast où finalement, on dit que l'étiquette peut faire du mal à un artisan. Et toi, au contraire, ça t'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Ouais, et en plus, je pense que c'est parce que... Il y a aussi cette manière de... c'est l'étiquette que j'ai choisie dans le sens où je suis allée la chercher, j'ai eu besoin de me situer parmi mes contemporains, on va dire, et ou parmi mes collègues qui peuvent être plus peintres en décor ou plus dessinateurs textiles, etc. Et là, moi... Ma pratique, elle n'était jamais tout à fait la même que celle des autres. Et donc, ça m'a permis aussi de m'organiser par rapport à cet écosystème, finalement. J'ai beaucoup d'amis qui sont arrivés par l'artisanat après des reconversions et qui souffrent parfois d'un syndrome de l'imposteur qui est terrible alors que leur travail vaut autant que celui d'un autre. Et en même temps, moi, j'avais quand même tout ce parcours qui était normalement celui à peu près fait pour. Et ça n'empêche pas que si tu n'as pas trouvé la situation dans laquelle tu es bien, Tu peux quand même te sentir imposteur alors que t'as fait, à la limite, là quand même j'avais fait tout le parcours comme il fallait, etc. Et donc du coup, trouver le mot, c'est aussi s'autoriser finalement à dire ok, ça c'est bon, on peut passer à la suite. Et ça permet après de nourrir aussi les recherches de manière beaucoup plus large. D'un seul coup, une fois que t'as le mot, tu dis du coup, qui c'est qui était peintre ornemaniste à telle époque ? Et puis là, d'un seul coup, tu peux faire d'autres ponts et donc ça réouvre vers d'autres champs.

  • Speaker #1

    et c'est beaucoup plus agréable une fois que tu sais où tu cherches tu parlais des peintres en décor et des dessinateurs textiles quelle est la différence concrètement avec toi ton métier puisqu'on disait dans l'épisode 1 que tu pouvais faire ce qu'il faisait, quelle est la différence ?

  • Speaker #0

    Ouais, le peintre en décor, je pense que plus généralement, il va faire un travail in situ, c'est-à-dire le travail de fresque, le travail de tag-lag, de show, etc., de préparation du mur. Moi, ça, c'est quand même un savoir-faire que je n'ai pas, que je n'ai pas forcément souhaité en plus développer. A contrario, le dessinateur textile, il est plus souvent réputé pour justement ne travailler que. Pour l'industrie textile et éventuellement papier peint, papeterie, mais on est toujours sur des tailles de raccords qui sont quand même similaires. Et du coup, sur aussi une logique, on en parlait dans l'épisode 1, mais une logique de production et de distribution qui est un peu différente, puisque du coup, dans ces cas-là, il y a quand même, même pour ceux qui peignent à la main, une logique quand même de collection qui est beaucoup plus importante que ce que moi je peux faire, puisque moi j'ai des collections qui sont ridiculement petites. Puisque je mets tellement de temps sur un seul dessin qu'il serait impossible pour moi d'en sortir 100 à l'année, alors que, je ne sais pas, des amis qui vont faire Première Vision, ce genre de salon vraiment dédié aux dessins textiles, vont amener des collections où on est plutôt sur 100, 200, 300 dessins. Donc on est vraiment sur des logiques différentes et pas tant sur des savoir-faire complètement différents à la base, mais c'est juste une manière après de pousser plus ou moins certains curseurs. Très clair.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne transition pour la seconde question qui est quel est ton rapport avec ton métier aujourd'hui ? Comment tu le fais ? On en a déjà parlé, toi et moi, mais on ne l'a pas enregistré. Je sais quand même que tu as un rapport particulier à ce métier. Comment concrètement ça se passe avec une maison comme la Maison Pierre-Cré ?

  • Speaker #0

    Déjà, si on peut peut-être revenir un tout petit peu en arrière, c'est que moi, j'ai deux axes de travail. Il y a vraiment un travail de collection, donc là qui est plutôt un travail que moi je vais faire à l'atelier de mon côté, pour lequel je n'ai pas de cahier des charges. J'ai en tête des tailles de raccords qui sont des tailles classiques dans l'ameublement, mais en général. Je me donne des thèmes, je fais beaucoup de recherches à ce moment-là iconographiques, mais qui ne sont pas forcément justement liées aux arts décoratifs, pour éviter comme ça d'être un peu trop enfermée sur moi-même, mais je vais plutôt aller chercher des inspirations ailleurs. Donc, je ne sais pas, en botanique, en cinéma d'animation, enfin voilà, je vais aller chercher des choses ailleurs pour nous. pour découvrir ma propre pratique. Et cette pratique-là me permet de développer ces fameuses collections. C'est une à deux par an, en fonction du travail de commande. Et dans chaque collection, il y a une dizaine de dessins. Donc c'est vraiment des toutes petites collections, ce que je disais avant. Une fois que ces collections sont prêtes, je vais les présenter chez les éditeurs ou chez les architectes. Et c'est là où potentiellement ça va amorcer aussi un travail de commande, qui est vraiment mon deuxième axe, puisque c'est toujours des histoires de rencontres et de dialogues entre un interlocuteur et moi-même. Et donc du coup c'est... Je sais pas, ils vont me dire Ah bah tiens, on adore ce feuillage Est-ce qu'on pourrait imaginer un décor panoramique avec ça ? Ou ah, c'est marrant, vous avez fait ça Bon, la coloration ne nous plaît pas du tout Mais par contre, on se disait peut-être que vous pourriez nous imaginer Un dessin pour du jacquard dans tel coloris Enfin, voilà, à chaque fois c'est un sujet à discussion C'est pas forcément lié d'ailleurs au travail que je propose Mais en tout cas, le travail que je propose va éveiller chez eux Une possibilité pour faire autre chose Et donc du coup, dans ces cas-là, je suis assez libre Je pense que c'est un peu une chance aussi qui est liée à la fois au secteur et au fait que je fasse ça depuis plusieurs années. Mais même quand on propose un thème, par exemple, là, il y a un dessin qui vient de sortir chez Casamance qui s'appelle Adachi. Et le thème, c'était juste jardin japonais, ce qui reste quand même très, très large parce que ça peut être un jardin clos, ça peut être un jardin ouvert. Chez Fray, ils travaillent plutôt avec moi sur de l'achat en collection. Mais donc du coup, ce qui peut arriver, c'est qu'on me dise, ah bah tiens, on a acheté celui-là, mais est-ce que tu peux nous faire le petit frère ? Donc le petit frère, ça va être le raccord plus petit. Donc c'est pas le dessin lui-même, mais c'est plutôt un dessin complémentaire. Ça veut dire que s'il y en a un sur le canapé, on peut imaginer l'autre en papier peint. Enfin voilà, il y a des manières d'imaginer des univers comme ça. Après, avec chaque client ou partenaire, parce que du coup, par exemple, j'aime pas trop les mots concurrence, j'ai pas vraiment de concurrence. Il y a des gens qui font des métiers similaires, mais on a tendance à travailler plus tous ensemble que vraiment l'un contre l'autre. Et du coup, avec eux, voilà, on va évoluer comme ça en fonction de leur... aux besoins, de la manière dont moi je vais pouvoir m'intégrer dans un projet qui est déjà existant, ou au contraire, comment je vais pouvoir proposer une histoire nouvelle, mais c'est très large.

  • Speaker #1

    Donc tu as expliqué justement que finalement, si on rapporte un peu à ce qu'on peut connaître, tu as la proposition, je produis, j'ai en stock et je vends, et la proposition, je te fais du sur-mesure. Oui. Mais si on fait encore un pas en arrière, bon là, tu as expliqué comment tu travailles avec ton client. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu concrètement rends à ton client ?

  • Speaker #0

    Parce que du coup, c'est toute la problématique, c'est que moi, tout n'est pas à la main. Mais un client comme Pierre Frey, qui va avoir besoin de rentrer en édition, donc en collection, et de pouvoir en sortir du métrage, évidemment que je ne vais pas aller à l'usine et peindre 100 mètres de papier peint. Ce serait impossible à tenir. Et en plus, 100 mètres, je suis gentille, ça peut être bien plus. Donc, il y a une manière à un moment de numériser mon travail. de le repasser sur Photoshop, de le remonter, puisque du coup, ce qu'on appelle un raccord, c'est le fait que ça se répète à gauche et à droite, et pour un motif aussi en hauteur, du coup bas et haut. Et on va imaginer le raccord sur Photoshop et livrer ce fichier digital, sachant que pour l'éditeur, je livre en général et le fichier digital, et l'original qui va rentrer du coup en archive chez eux. À partir de là, il y a aussi une manière d'imaginer que ce fichier digital, il ne doit pas être une espèce d'ersatz. de la peinture, mais il doit être plutôt un prolongement, c'est-à-dire que dans la manière dont je vais le numériser, la manière dont je vais détourer les éléments. J'expliquais plus tôt justement que même, par exemple, pour faire un détourage, aujourd'hui, on imagine souvent que Photoshop serait une espèce d'outil absolu, on clique sur une baguette magique et ça fait tout. Enfin, c'est possible, mais ça sera cracra, alors que moi, j'ai besoin vraiment que le dessin qui sorte... ce soit le dessin que j'ai imaginé et que j'ai peint à la main donc si j'ai des traits de pinceau etc il faut qu'on les retrouve sur le produit final et si jamais par exemple on veut faire un tissage avec alors là on n'aura peut-être pas le trait du pinceau mais ça veut dire aussi qu'il va falloir les accompagner en disant bah voilà ça c'est la manière dont j'ai imaginé le dessin ça c'est sa version qui va vous permettre de le tisser donc en couleur pure où je vais faire la translation et ça c'est ce que je vous conseille pour garder vraiment l'essence du truc Et après, ils vont garder ou pas, puisque une fois qu'ils l'ont acheté, c'est aussi entre leurs mains et donc quelque part, c'est à eux de décider. Mais c'est quand même souvent des discussions aussi. On va faire en sorte de garder l'essence de l'histoire initiale.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tu me racontais que tu partais vraiment d'une histoire que quand ils te demandent un feuillage, tu leur dis vous voulez un feuillage d'été, vous voulez un feuillage qui raconte un ciel gris. Enfin voilà, tu...

  • Speaker #0

    Ouais, je pense que c'est hyper important dans mon travail. C'est vrai que je le dis beaucoup le mot histoire depuis le début sans l'expliquer, mais il y a plein de manières d'imaginer des motifs et je ne suis pas sûre qu'il y ait une bonne manière. Mais en tout cas, pour moi, pour faire ce métier dans la longueur et pas me retrouver avec une espèce de panne sèche comme ça un matin en me disant... J'ai pas d'idée. Le subterfuge que j'ai trouvé, c'est vraiment de me dire, ok, on m'a demandé des sols pleureurs une fois, ok, mais le sol pleureur, c'est quoi ? Pour moi, le sol pleureur, c'était celui qu'il y avait devant chez ma grand-mère, parce qu'il y avait ce bruit hyper particulier du vent dans les feuillages, etc. Du coup, c'est aussi des lumières d'été, donc d'un seul coup, ça ré-ouvre, et sur une palette de couleurs, sur une sensation de mouvement, sur une vibration un peu particulière. Donc ça veut dire aussi que dans mon choix de peinture, je vais aller chercher cette vibration, et ça me permet d'avoir des travaux qui sont quand même... à la fois toujours les miens, où on va pouvoir reconnaître ma main, et en même temps toujours différents, puisqu'il n'y aurait rien de pire que d'avoir un dessin chez un éditeur qui serait trop proche de celui chez un autre. Et donc du coup, quelque part, garantir une histoire à chaque fois nouvelle, c'est garantir aussi que les propositions, elles seront toutes les miennes, et en même temps toutes différentes.

  • Speaker #1

    Quand on en parlait tout à l'heure, ça me faisait penser à Robert Mercier, je sais que tu es une grande fan du podcast. que tu as, je pense... Écoutez, celui de Robert Mercier.

  • Speaker #0

    C'était pour le cuir, parce que c'était peut-être plus par métier que je me souviens.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est un métier du cuir. Et lui, il racontait justement qu'il y a certaines techniques qu'il va développer pour une maison et qu'il ne refera pas pour une autre maison. Style le plissé, je crois que c'était pour Balmain. Si il m'écoute, il va me dire, oh non, c'était pas du tout ça. Mais bref, voilà, j'imagine que c'est la même chose pour toi. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais, ouais. Et c'est marrant parce que, ça aurait pu rentrer dans les anecdotes d'avant, mais il y a une manière d'imaginer tous les éditeurs chez qui je vais. C'est moins vrai avec les architectes, mais c'est vrai avec les éditeurs. Souvent, ils me font On est d'accord, là, vous ne sortez pas un dessin similaire chez un tel ? Et à chaque fois, je me dis Vraiment, déjà, non, ça n'est jamais arrivé, ça n'arrivera pas. Et moi, je m'en fais un point d'honneur un peu, puisque c'est aussi la garantie d'avoir du travail encore dans quelques années. Et c'est d'autant plus étonnant. que parce que moi je navigue entre ces maisons, je me rends bien compte qu'elles ont toutes leurs histoires propres et du coup toutes aussi leurs caractéristiques en termes d'identité graphique et donc autant c'est toujours ma main autant c'est toujours ma peinture et je sais que certains s'amusent à retrouver Ah tiens, t'as publié un truc chez un tel. Autant, ce qui est sûr, c'est que les histoires qui plaisent à l'un ne sont pas forcément les histoires qui plaisent à un autre. Et il y a vraiment, pour moi, des caractéristiques fortes en termes de composition, de couleurs, etc., qu'on ne retrouvera pas chez les uns et chez les autres. Donc c'est ça aussi, finalement, de raconter des histoires. Ça permet aussi de dire, tiens, toi, t'es plus comme ci, toi, t'es plutôt roman policier, toi, t'es plutôt roman, je ne sais pas, d'aventure. Et donc ça, ça permet aussi d'explorer des territoires qui sont propres aux maisons. sans trahir en même temps ma manière de peindre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce qui fait aussi son avantage quand tu commences à les connaître. C'est que, certes, vous pouvez passer par quelqu'un d'autre, mais moi, je sais qui vous êtes et je ne vais pas essayer de raconter une histoire qui ne vous convient pas.

  • Speaker #0

    Et en plus, je pense que les maisons avec lesquelles je travaille depuis longtemps, ça s'est fait sans se dire non plus. C'est-à-dire qu'à un moment, on n'a jamais eu un brainstorming en disant Ok, c'est quoi l'identité de marque de telle maison ? Et c'est plus des choses qui se font parce qu'à force de discussions, leur manière de réagir finalement aux présentations de dessins, etc. Je pense que l'air de rien, justement, je n'ai pas de micro avec moi, je ne les enregistre pas. Mais en même temps, je trouve qu'il y a une manière de vivre les choses de manière hyper humaine. Et donc du coup, forcément, je me dis Ah bah tiens, ça, non, je crois qu'il n'aimerait pas trop. Enfin voilà, donc je me projette beaucoup. Après... C'est aussi un jeu, je me fais avec moi-même, quand je dessine une collection, je me dis, ah ouais, ça c'est vraiment pour eux, et du coup je vois si après c'est bien eux qui l'achètent, etc.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander justement, quand tu fais tes collections, est-ce qu'il y a des moments où tu te dis, ah là là, je suis sûre, eux ils vont adorer.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais, et en général ça marche plutôt bien. J'ai quand même quelques surprises, mais je sais pas, 95% ça marche, mais j'ai quand même quelques surprises. Il y a des fois où je me dis, ah ouais, ils ont pris celui-là, bah j'aurais... Ou inversement, un dessin que je me suis dit Ah ouais, mais ça c'est sûr, c'est pour eux. Et vraiment de les voir passer en mode Ok, c'est vraiment intéressant. Et ce n'est pas très grave puisque déjà, ça n'arrive pas si souvent. Et en même temps, je me dis Ah bah tiens, ça c'est quand même que peut-être que là, j'ai projeté quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai. Ou en tout cas, pas dans ces coloris-là. Enfin, en tout cas, à chaque fois, je ne me dis pas, je ne suis pas heurtée par ça. Je me dis juste Ah, j'ai peut-être encore une petite subtilité à aller chercher.

  • Speaker #1

    Et bien, si je peux me permettre, ça veut aussi dire que tu as une qualité qui est l'empathie. Non, mais c'est important en fait, parce que du coup, vraiment, tu te mets dans les chaussures de ton client et tu te dis, qu'est-ce qu'il aimerait, qu'est-ce qu'il n'aimerait pas ? Et tu peux anticiper ses besoins. Je fais ma meuf d'école de commerce, mais c'est la base du marketing, l'empathie.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est marrant parce que tu n'es pas la première à me le dire et en même temps, moi, chaque fois, je suis un peu en mode, je ne sais pas. Non mais en tout cas tu vois j'aimerais pas non plus qu'on reconnaisse pas ma main il y a quand même un truc du travail personnel donc c'est pas non plus complètement se mettre dans ses souliers à lui mais c'est plutôt être vraiment une espèce de jeu de danse on avance ensemble et moi je trouve que c'est quand même les plus belles collaborations c'est celles où il y a vraiment eu un ping pong c'est à dire que ils m'ont dit ah bah tiens ça c'est super mais ça par contre est-ce que ça vaut le coup de l'imaginer comme ça ? Alors après on entend la différence c'est pas Il faut me changer le feuillage de 3 mm à droite. Mais justement, je trouve qu'à chaque fois qu'il y a des discussions, qu'on s'interroge sur la manière d'imaginer justement une composition, une couleur, etc. Il y a aussi une manière de projeter une histoire qui est commune. Et souvent, quand j'écris des dossiers, par exemple des dossiers de concours, dossiers de presse, ce genre de choses où c'est un peu plus académique, j'aime bien dire qu'avec mes clients, on essaye de servir une même idée de l'art décoratif. Chacun aura une idée différente, c'est-à-dire qu'évidemment que Nobili, Souffray ou un architecte n'aura pas la même vision à l'instant T de ce qu'est l'art décoratif en France en 2024. Et en même temps, moi je me dis c'est une petite porte avec lui, c'est une autre porte avec lui, et à chaque fois ça crée plutôt une espèce d'écosystème qui est total.

  • Speaker #1

    Après, si je peux me permettre, juste l'empathie, c'est pas de s'oublier. C'est de comprendre la personne.

  • Speaker #0

    C'est vrai aussi.

  • Speaker #1

    Et je pense que si c'est toi qu'ils viennent voir pour certaines choses, c'est parce qu'eux aussi, ils te connaissent et qu'ils savent que tu vas leur donner un esprit certain dans cette collection. Et c'est ça qui les intéresse.

  • Speaker #0

    Oui, c'est évident. Je pense que ça fait toujours un peu peur. Mais oui, c'est évident que c'est pas complètement s'oublier. C'était aussi bien replacé cette histoire de jeu à plusieurs choses. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ce qui fait aussi la beauté de quand tu travailles en indépendant pour plein de clients différents, c'est que tu vas à la fois toujours être toi, mais tu vas essayer de rendre l'autre heureux. Et donc, en fait, tu vas te poser des questions qui seront toujours nouvelles. Enfin, moi, c'est ce que j'aime trop dans le travail de freelance, en fait, d'indépendant. C'est justement se dire... Je pense que c'est d'ailleurs pour ça que j'ai vraiment du mal sur un CDI à 5 jours sur 5.

  • Speaker #0

    Et là, tu vois la déformation d'artisan, je me suis... Bon, pourquoi 5 jours sur 5 ?

  • Speaker #1

    Il n'y en a que

  • Speaker #0

    5 ? Non, mais c'est 7.

  • Speaker #1

    Alors non, il y en a qui travaillent, en l'occurrence, maintenant plus. Mais vraiment, quand je travaillais sur mes 5 jours de boulot classiques de CDI, les 5 jours pour un même projet, vraiment, au bout de 6 mois, 1 an, je finissais toujours par m'ennuyer. ou par perdre ma créativité. Et c'est trop drôle parce que là, à la chambre de métier de l'artisanat, mon directeur, il m'a dit, Elisa, tu sais, si tu veux plus de jours ? Et je lui ai dit, vraiment, François, tu veux pas. Vraiment, je t'assure. Parce qu'en fait, si je sors pas, si je rencontre pas d'autres clients, si je rencontre pas d'autres projets qui peuvent me nourrir, bah, je vais croupir là et je vais plus rien te pondre.

  • Speaker #0

    Il horrible ce mot. Je vais pas me nourrir.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça, ouais. C'est ça, je serais une vieille flaque debout.

  • Speaker #0

    Mais oui, je pense que t'as complètement raison. Enfin, moi, je trouve ça passionnant. Mais tu vois, justement, pareil, la manière dont on en parle, en disant, ben là, il y a un truc à ouvrir. Et là, on peut aller chercher ça. Et c'est aussi une manière de se réinventer soi-même. C'est quand même hyper cool d'avoir un travail où tu te dis pas, bon... Il va falloir faire un décor.

  • Speaker #1

    Mais bon, il va falloir faire un décor et puis il va falloir faire un énième sapin que je ne connais pas à cœur.

  • Speaker #0

    Alors que non, déjà, rien que ça, tu vois, c'est passionnant, mais tu te dis, ah ok, je dois dessiner un sapin. Mais ok, il y a le pain maritime, il y a le pain comme ça, il y a le pain... Mais d'un seul coup, tu vois, ça réouvre autre chose. C'est trop bien de se dire aussi que tout est support à réouvrir encore et encore, quoi.

  • Speaker #1

    J'étais en train de chercher les bouquins de botanique chez toi. J'en vois un là.

  • Speaker #0

    Sous-titrage Société Radio-Canada

  • Speaker #1

    Eh bien, on en vient à l'anecdote, dis donc. Je sais que tu nous en as préparé une très sympa.

  • Speaker #0

    En gros, c'est parce qu'il y a plein de petites anecdotes, il n'y a pas de très grosses anecdotes, mais il y a un truc que j'adore chez les éditeurs, et encore une fois, c'est pareil, ce n'est pas tout à fait vrai avec les architectes et les décorateurs, c'est quand même des fonctionnements différents. C'est que chez les éditeurs, il y a des espèces de règles tacites qui sont vraiment liées à une espèce de culture de l'amablement en France. Et du coup, par exemple, quand tu dessines des rosiers, des palmiers, des fleurs à épines, en général, on te demande systématiquement, d'ailleurs, ce n'est pas en général, on te demande systématiquement de retirer les épines, parce qu'il ne faudrait pas que ce soit trop pointu, trop ardu. Il y a une manière d'imaginer que si ça rentre dans l'espace intime, puisque ça va rentrer dans une maison, une chambre. Voilà, il ne faudrait pas que ça pique, il ne faudrait pas qu'il y ait une espèce de symbolique comme ça un peu caché. Et c'est vrai avec les rosiers, mais c'est vrai avec les ananas, il y a toujours une manière de représenter les ananas. Il faudrait que les feuillages soient hyper... tendre, alors qu'en vrai, le bord d'un ananas, c'est un peu coupant. Et non, non, à chaque fois, on te demande une espèce d'exotisme et qui est un peu fantasmé. Et c'est drôle parce que c'est des trucs où c'est jamais dit. On ne va pas dire non, l'ananas, on le fait comme ci, comme ça. Mais par contre, quand tu vas proposer quelque chose qui va être justement trop proche d'une illustration botanique, donc plus proche d'une certaine réalité, on va très vite te dire, oh là là, on ne va pas faire ça. On va lisser un peu. Et pareil, moi, j'adore cacher des petites choses dans mes décors. Donc. J'aime bien cacher des petits yeux dans les feuillages, ce genre de trucs. Et dès que c'est un peu trop étrange, il y a quand même toujours une petite appréhension. Ils sont là, ça vous l'avez fait exprès ?

  • Speaker #1

    Oui, non, non.

  • Speaker #0

    Oui. Oups,

  • Speaker #1

    j'ai fait une tâche et du coup, j'ai fait des yeux. Ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Alors qu'en fait, moi, j'adore me dire, tu vois, il y a un peu un truc de l'enfance aussi, de se dire, d'ailleurs, c'est gros feuillage exotique. Si tu as des yeux derrière, c'est quoi ? Est-ce que c'est un tigre ? Est-ce qu'il y a une panthère qui est là, qui est un peu cachée ? Ou est-ce qu'au contraire, c'est un animal hyper mignon qui se protège de la vue ?

  • Speaker #1

    Mais à tout moment, tu as un gosse qui fait un cauchemar parce que sur son papier peint, il y a des yeux. Oui,

  • Speaker #0

    mais on a tous des histoires de papier peint qui nous ont marquées. Tu vois, le papier peint chez ta grand-mère, parce qu'il était comme ci, comme ça.

  • Speaker #1

    C'est très drôle parce que nous, chez ma grand-mère, les chambres ont un nom en fonction du papier peint. La chambre au bateau, la chambre aux fleurs. C'est que le papier peint. La chambre aux palmiers.

  • Speaker #0

    Trop bien. Eh bien, tu vois, je te dis, on a tous une histoire avec... Quand j'en parle aux gens, des histoires d'enfance liées au papier peint, mais c'est fou. D'ailleurs, je devrais faire un podcast là-dessus.

  • Speaker #1

    Des micros d'épisodes. Non, mais c'est vrai. Je ne m'étais jamais posé la question, mais c'est vrai.

  • Speaker #0

    Une fois, elle m'a raconté une histoire terrifiante. Une cliente qui avait dans sa chambre petite une toile de jouy, donc tu vois, hyper pastorale, avec la bergère, ses moutons, etc. Et toutes les nuits, elle pensait que la bergère, elle avait laissé les moutons, qu'elle était partie se coucher, quoi, du coup. Et que du coup, le loup allait arriver manger les moutons. Oh non ! Terrifiant ! C'est trop triste ! Et du coup, elle allumait sa petite lumière comme ça pour être sûre que la bergère, elle était bien revenue. C'est pas trop mignon quand même ?

  • Speaker #1

    C'est adorable, c'est adorable.

  • Speaker #0

    Mais parce que je pense que justement le papier peint, c'est quand même une surface qui est au mur, qui te raconte quelque chose un peu malgré toi. Donc il y a quand même un truc comme ça.

  • Speaker #1

    J'allais dire, tu vas encore nous dire que ça raconte une histoire.

  • Speaker #0

    Je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    T'aurais pu, t'aurais pu. On aurait compris. D'ailleurs, je remarque que dans ton atelier, tu n'as pas de papier peint.

  • Speaker #0

    Non, mais parce que ça, c'est pas possible. Et chez moi non plus, parce qu'en fait... Je ne peux pas essayer d'imaginer d'autres choses. Et aussi, on a tous des travers. Par exemple, moi, j'ai eu une passion. Là, ça se voit à l'atelier. Une passion vert et bleu.

  • Speaker #1

    Ça se voit, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et je sais que cette passion-là, elle est en train de me quitter. Et donc, il va falloir que je vende ces dessins très vite. Mais du coup, je ne peux pas avoir quelque chose qui reste trop longtemps. Parce qu'après, c'est difficile pour moi de sortir des sentiers battus, d'aller chercher de nouvelles colorations, des choses que je n'ai pas encore faites. Si... constamment, je suis raccrochée à quelque chose que j'ai fait.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant, ça. Tu n'arrives pas à avoir de nouvelles idées si tu as un univers trop chargé.

  • Speaker #0

    Oui, et d'ailleurs, tu serais venue hier, l'atelier, c'était un bazar monstre, mais vraiment monstre, il y en avait partout. Parce qu'il y a des moments où j'ai besoin de ne pas trop me soucier de est-ce que ça tombe par terre ou pas. Et après, j'ai vraiment, mais vraiment besoin de tout cliner. Tout à l'heure, ma colocataire d'atelier m'a dit que c'était devenu stérile ici. tellement j'avais fait une espèce de ménage absolu. Mais en fait, ça fait du bien aussi quand tu commences un nouveau projet, te dire... Ok, j'ai la place pour... Si je veux sortir des livres pour regarder, c'est possible. Si je veux refaire de nouveaux découpages, tout mon mur, on peut punaiser dessus. Et vraiment, je peux réaccrocher, réenlever, etc. Et tout ça, ça participe aussi du process. C'est que tu peux faire table rase pour recommencer quelque chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je vois beaucoup de trous de punaise dans ton mur.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Ça a été beaucoup punaisé. Ça fait combien de temps que tu es ici ?

  • Speaker #0

    Je suis arrivée en août dernier.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on n'a pas parlé du lieu parce qu'il est assez incroyable. Tu parles de ta coloc, mais on peut peut-être faire une mise en situation.

  • Speaker #0

    Mais oui, puisque du coup, je suis résidente depuis le mois d'août au BDMMA, donc au Bureau de la mode, du design et des métiers d'art. Bon, vraiment, je n'arriverai jamais à le dire dans le bon sens. Et c'est intéressant parce que c'est un incubateur qui est géré par la mairie de Paris, qui est un service de la mairie de Paris, dans lequel on peut résider pendant deux ans, pour lesquels on a un espace. Donc là, moi, j'ai un atelier qui est top. Café d'herbe avec une super grande fenêtre. Et c'est bête comme ça joue beaucoup, mais c'est un atelier dans lequel on est bien, sur lequel on peut faire aussi tous les travaux dont on a besoin pour organiser l'activité. Quand on le loue, il est vide. Et donc, ça veut dire que tu peux vraiment organiser l'espace à la mesure de ton métier. Et ça, ça a vraiment une importance puisque moi, au rez-de-chaussée, j'ai mon atelier et en mezzanine, j'ai une colocataire qui fait du bijou. Et justement, on n'a forcément pas les mêmes besoins quand on établit, quand on a une grande table, etc. Et avec cet incubateur, il y a cet espace qui est quand même déjà pour moi une espèce de chance absolue, avec un loyer qui est un tout petit loyer par rapport à ce qu'on pourrait trouver ailleurs dans le privé à Paris. Et avec ça, tu as un accompagnement. Je ne me souviens plus de ton nombre de formations, si c'est cinq ou six formations, qui sont vraiment autour du marketing, du territoire de marque, le calcul de ton prix, la politique de salon, ce genre de choses. Et un certain nombre de rendez-vous individuels avec les experts qu'on peut consulter. D'ailleurs, même quand on n'est pas résident, je pense que c'est... Ça, ça vaut le coup de le dire, parce que souvent, les gens n'osent pas. Ils ont l'impression que ça nous est réservé. C'est vraiment pas très cher. Je crois que c'est 28 euros le rendez-vous. Sauf que ça permet vraiment de travailler sur des sujets précis. On peut prendre un rendez-vous, soit justement pour un calcul de prix qu'on ne sait pas faire. On peut prendre rendez-vous avec une avocate qui est spécialisée en propriété intellectuelle. Et ça, c'est... hyper bénéfique pour nous parce que se dédier à son activité, c'est une chose. Avoir une maîtrise du geste, c'est une chose. Je pense que quand on arrive ici, c'est quand même des choses qui sont déjà relativement bien acquises, même si ça évoluera tout au long de notre vie. Mais par contre, la posture entrepreneuriale, c'est quand même un autre délire, on peut le dire. Et malgré le fait, par exemple, moi, j'ai quand même fait deux accompagnements avant où je ne peux pas dire que c'était top. Ça m'a quand même ouvert plein de questionnements possibles, justement, de manière d'imaginer mon entreprise. Et malgré tout, il faut être honnête, on n'est pas tous commerciaux dans l'âme, on n'est pas tous, je ne sais pas, marketeurs, etc. Et là, vraiment, c'est hyper intéressant d'avoir des gens dont c'est le métier qui sont là pour nous guider, pour nous dire ça, c'est top, ça, moins bien, ça, tu peux regarder par là. Et je pense que ça, c'est vraiment une espèce d'accélérateur pour nous. D'autant qu'au BDMMA, il y a deux sites, il y a celui de Bastille et celui de Féderme. Mais ça veut dire qu'on est systématiquement, même si on est des ateliers, on partage avec une personne. Ça veut dire aussi qu'au même étage, tu rencontres des designers, d'autres artisans, des maisons de mode, des bijoutiers. Antona Mangin fait du tissage de cheveux, Audrey, elle fait de la marqueterie de cuir et elle a tout un travail autour du matériau souple. Enfin, ce que je veux dire, c'est que forcément, il va y avoir aussi des possibilités de s'interroger à la fois sur qu'est-ce que c'est qu'être un entrepreneur, parce qu'on aura tous les mêmes problématiques de temps, d'argent, de commandes, etc. Et en même temps... potentiellement de travailler ensemble sur des sujets, soit vraiment de mener des projets ensemble, soit sur des trucs très bêtes. Pour Milan, j'ai fait un mobile pour présenter justement un des tissus que j'avais fait pour un éditeur. Un truc tout con, mais pour percer du bambou, moi, je n'avais pas du tout les outils. J'avais une dremel qui était trop lourde et ça éclatait systématiquement le bambou. Julia Bartsch, qui est au-dessus de moi, elle a des dremels hyper fines pour la bijouterie et elle m'a fait les trous en moins de 10 secondes. C'est-à-dire que là où avant, il aurait fallu que j'investisse dans du matériel, que j'aille chez le roi Merlin trouver la bonne mèche, etc. Là, en 10 secondes, juste en en parlant, c'était réglé. À côté, elles m'ont posé le billet. Enfin bref, c'est des échanges qui permettent aussi d'aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite dans les créations. Trop bien.

  • Speaker #1

    Tu as bien vendu ces ateliers partagés et le BDMMA.

  • Speaker #0

    Le seul problème, c'est que ça ne dure que deux ans et qu'après, il faut trouver un autre atelier.

  • Speaker #1

    Oui, mais tu vas trouver. Ce qui est trop cool, c'est que des opportunités comme ça, il y en a de plus en plus.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est clair, il y en a vraiment de plus en plus. Et on voit bien aussi qu'il y en a plein des anciens résidents qui ont continué à occuper des lieux ensemble. Parce que quand il y a des affinités qui se font après, ça dure dans le temps aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et... ou d'innovation pour atteindre ton objectif.

  • Speaker #0

    Je m'en étais notée deux, mais... Peut-être qu'on peut se concentrer que sur Adachi. C'est un décor panoramique que j'ai dessiné pour la maison Casamance. Typiquement, j'en ai parlé un tout petit peu avant parce qu'il m'avait donné juste comme thème jardin japonais, ce qui était quand même très, très large. Et c'est un décor que j'ai présenté justement aussi à Milan. C'était intéressant de le présenter parce qu'il y avait cette démarche de recherche qui était hyper marquée, qui est quand même... présente dans l'ensemble de mon travail, c'est-à-dire qu'à chaque fois, je te l'expliquais en amont de l'enregistrement, mais à chaque fois que je vais imaginer une collection, un thème, un décor, moi j'ai besoin de me dire, ah bah tiens, quoi ça me fait penser, qu'est-ce que ça raconte, comment il faisait avant, enfin j'en sais rien. Ce qui donne des fois des recherches très drôles sur Google. Mais là, typiquement, le jardin japonais, il y avait un peu ce travers de se dire je peux faire un jardin sans me renseigner du tout et ça sera forcément un peu cliché, peut-être un peu naïf aussi. Et je n'ai rien contre la naïveté, au contraire. Mais je pense que quand elle est là, il faut savoir pourquoi elle est là. Est-ce qu'on a gardé ou pas de naïveté, finalement ? Et du coup, c'est quand même un panoramique pour lequel j'ai fait deux propositions au départ. Et j'avais vraiment imaginé un jardin clos, plus jardin de maison de thé, ce genre de choses, donc très lié à l'architecture, avec une composition hyper forte liée au claustra. Et un autre qui était un jardin ouvert, plutôt dédié aux éléments, avec ce système eau, sable, ciel. et ça je n'aurais pas pu le défendre avec autant de ferveur que si je n'avais pas été à la bibliothèque Forney justement qui a quand même un rayon autour du jardin qui est assez conséquent et typiquement c'est un dessin pour lequel j'ai fait à la fois des recherches sur comment on imagine le jardin au Japon qu'est-ce que ça représente en termes de symbolique quels sont les végétaux qu'on y retrouve c'est-à-dire que je n'ai aucun problème à mettre une fleur qui n'aurait pas lieu d'être à condition que je sache pourquoi moi je l'ai mise voilà donc il y a plein de petites choses comme ça et là pour le coup il y a eu... Je pense quasiment une bonne semaine de recherche, ce qui est rare quand même sur un seul dessin, mais parce que c'était un sujet dont je voulais pouvoir m'emparer pour pouvoir le peindre et le défendre sans avoir à rougir. Et aujourd'hui, je suis hyper heureuse quand je le présente de la sorte en disant que c'est vraiment mon regard d'occidentale sur ce que peut être le jardin japonais. Donc du coup, ce que j'en ai compris, ce que j'en ai entendu, en sachant qu'il y aura forcément des inexactitudes. Et que... Et que c'est pas grave parce qu'au final c'est aussi une manière de l'imaginer, de le fantasmer. Il y avait un, je ne retrouve pas le nom de la nana qui avait écrit ce livre, mais il y avait tout un livre, je me souviens très bien de la couverture par contre, verte et rose avec un grand rond. Et c'était hyper intéressant parce qu'elle détaillait dedans à la fois la symbolique propre à chaque jardin, sur les compositions, en disant bah voilà si les rochers sont comme ci, c'est parce qu'on a voulu dire ça, ça, ça. Ça, ça signifie plutôt la terre, ça signifie plutôt la montagne, etc. Et moi je trouvais ça... Hyper drôle parce que donc là elle en fait une analyse détaillée alors que moi c'est une analyse plus émotionnelle en me disant c'est marrant parce que moi quand je dessine cette grande bande blanche sur le décor pour moi c'est du sable ça a un peu cet effet un peu grève sur le bord de l'eau et du coup se dire qu'au final ça rappelle quelque chose qui est quand même préexistant dans leur manière de composer les jardins ça tend vers une espèce d'universel qui est aussi hyper touchant de se dire bah tiens C'est drôle parce que justement, moi, je trouvais que ça, ça faisait ça. Et tu dis qu'ils ont parfaitement réussi finalement à te faire sentir cette notion du vide, du plein, cette manière d'avoir des allées où tu as l'impression que tu peux comme ça naviguer. Et donc ça, pour le coup, c'était à la fois des recherches. Donc la première, vraiment recherche, documents iconographiques, tous les écrits autour de la symbolique du jardin, sur les espèces qu'il y avait dedans. Et après, du coup, c'est aussi une recherche plastique puisque c'est bien joli, mais une fois que tu as ça, tu n'as toujours pas vraiment ton décor. Et donc à partir de là c'est de se dire bah ok si ça ça doit être vraiment avoir cette légèreté que peut avoir le ciel, l'air frais etc. Bah moi qu'est-ce que je vais utiliser comme peinture, qu'est-ce que je vais utiliser comme teinte. Et du coup j'ai choisi de travailler sur des glacis donc c'est des couches très transparentes qu'on va accumuler. Donc je pars d'un fond foncé et après je vais faire des couches plus claires. Et donc une première, une deuxième, une troisième, à chaque fois ça sèche entre les deux. J'applique, je frotte, j'applique, je frotte, j'applique, je frotte. Et forcément, tu as quelque chose comme ça d'un peu vaporeux, où les contours ne sont pas complètement nets. Et ça participe justement de la symbolique générale que j'avais recherchée dans cette première recherche qui était plutôt documentaire.

  • Speaker #1

    Très intéressant, mais en effet, quand je t'ai posé la question, je me suis dit, mais en fait, tu fais de la recherche pour tout. Tu me racontais que tu as une collection qu'a développée Jardin Parisien. où tu t'es donné des thèmes et tu avais Jussieu dans mes souvenirs, Montmartre.

  • Speaker #0

    Oui, parce que je pense que les mots, on l'a compris, déjà le fait que j'ai trouvé moi les mots qui me parlaient, je pense que c'est hyper important dans ma démarche créative. Et je le disais tout à l'heure, les collections que je fais, effectivement, je m'invente un thème et je me dis, ah bah tiens, c'est toujours un peu la même construction. Je me dis, si je devais imaginer un petit dessin, ce qu'on appelle les petits dessins, c'est des dessins avec des raccords en dessous de 72 qui vont être utilisés, je ne sais pas moi, pour faire du jacquard, des textures, des choses comme ça. Ça veut dire quoi en dessous de 72 ? 72 de large, pardon. 72 centimètres. C'est en ameublement. Les raccords ont tendance à être assez grands pour qu'on ne voit pas trop la répétition. En fait, plus en plus on est luxe et plus les raccords sont grands. Mais l'idée, c'est de ne pas voir trop la répétition pour que justement l'œil puisse naviguer dans le décor sans avoir l'impression qu'on ait un rythme trop marqué. Alors que pour ce qu'on appelle les petits dessins, c'est un peu étrange comme terme, mais ça va plutôt être des granités, des faux unis, des choses où le dessin est moins perceptible. et qu'on va utiliser du coup pour du tissage, des broderies, mais des broderies sièges, donc des choses quand même assez denses. Enfin voilà, des imprimés, mais pareil, où ça va être plus petit. L'idée, c'est que ça se fonde un peu plus et que ce ne soit pas trop marqué. Alors que... Du coup, quand je crée une collection, je vais me dire, il me faut un petit dessin. Avec ça, je vais lui imaginer un grand dessin qui va avec. Comme ça, qu'est-ce qu'on pourrait mettre au mur avec ? Et puis, si je devais faire un dessin un peu intermédiaire, donc sur un grand raccord, mais quand même qui puisse vivre à la fenêtre, voilà ce que je vais faire. Et ça me permet comme ça d'avoir quatre, cinq, six dessins. Puisqu'en général, je vais jusqu'au panoramique, qui fonctionnent ensemble et en même temps qui peuvent vivre. indépendamment les uns des autres, puisque je ne sais pas à qui je vais les vendre, donc le but, ce n'est vraiment pas qu'ils soient trop liés, et qu'après, je sois bloquée si j'en vois un et pas les autres. Et du coup, ce travail de recherche que je fais, justement, c'est de se dire, ok, ça, c'est mon histoire générale. Mais après, typiquement un jardin parisien, qu'est-ce que c'est ? Ah bah moi, le jardin parisien, je te racontais je crois l'histoire de Pont-Neuf, donc en me disant, petite, moi j'adorais quand ma grand-mère m'emmenait sur les oiselleries du Pont-Neuf, où il y a aussi ce marché aux fleurs, et c'était de se dire, moi j'adorais ce côté hyper foisonnant, où tout était un peu, je sais pas comment c'est maintenant, mais à l'époque les pots étaient sur des espèces de stèles, un peu en hauteur, l'idée c'était d'occuper vraiment tout l'espace pour avoir... une espèce d'espace de vente maximum. Et donc, il y avait cette idée d'aller rechercher comme ça, à la fois des souvenirs et à la fois une écriture qui est hyper art moderne, avec des collages, plutôt à la Jane Harp, en me disant, c'est aussi l'époque. Et donc, Paris en 1920, ça doit être ça. Loisellerie en 1920, c'est aussi... Moi, j'adore la photo, donc c'est aussi d'aller se dire, tiens, dans les années 30, dans les années 50, etc. Quelles sont les images comme ça qui me reviennent un peu spontanément ? Et tout ça, ça me fait une espèce de... map mind d'un thème et ça me permet de faire des dessins qui sont un peu à l'abri des tendances aussi et qui vont quand même raconter quelque chose à peu près à tout le monde. Oui,

  • Speaker #1

    parce que tu me disais que les tendances, t'as tout intérêt à ne pas t'y tenir parce que le temps que ce soit développé, ce ne sera déjà plus une tendance.

  • Speaker #0

    surtout là sur de l'ameublement je peux vendre un dessin maintenant ça se trouve il sortira que dans 3 ans soit parce que l'éditeur qui me l'a acheté il a eu un coup de coeur pour le dessin mais au moment j'en sais rien j'ai vendu un dessin d'inspiration Amérique Latine et en fait en ce moment il fait une collection d'inspiration Eskimo bon bah évidemment que ça va pas rentrer dedans donc il faudra attendre la prochaine ça peut être ça, ça peut être il a pas trouvé la bonne qualité ce qu'on appelle la qualité c'est le support sur lequel soit ils vont broder, imprimer etc et dans ces cas là c'est pareil c'est pas parce que le dessin est mauvais parce que c'est pas le bon moment. Et donc, si je suis trop marquée sur la tendance, ils vont l'abandonner. Et moi, j'ai tout intérêt à ce qu'il sorte, puisque j'ai travaillé pour, etc. Donc, si je veux que ça fasse vivre aussi l'actualité de l'entreprise, je pense que c'est important d'avoir des dessins comme ça qui tendent quand même vers quelque chose de plus grand. Et aussi parce que je te disais tout à l'heure que contrairement à la mode où un dessin va vivre, je sais pas, une saison, deux saisons, si vraiment ça a été une espèce de best-seller, en ameublement, c'est pas le cas. Tant qu'un dessin se vend, Il reste en collection. Le jour où, par contre, sur deux saisons, rien n'est sorti, bon, là, il saute et c'est un peu normal. Il peut être un peu marqué dans son temps, mais il y a tout intérêt quand même à faire des dessins qui sont un peu hors du temps. Puis, je pense que ça correspond aussi à une certaine notion de l'art décoratif où il y a autant d'architectes et de décorateurs que de styles particuliers. Et donc, un dessin qu'on aurait imaginé pour une situation peut très bien vivre dans une autre à partir du moment où on lui offre un contexte qui lui convient. Mais du coup, ça, c'était la recherche vraiment sur la recherche. tel que je l'imagine, mais je crois que dans ta question, il y avait aussi un truc lié à l'innovation. Et ça, je pense que c'est une question aussi qu'on peut aborder rapidement parce qu'il y a une manière d'imaginer. En tout cas, moi, je me dis, la peinture, c'est quand même quelque chose qui existe depuis, je ne sais pas, la nuit des temps. Et on peint sur les murs depuis hyper longtemps. Donc, en termes d'innovation, je ne sais pas forcément ce qu'on va apporter maintenant. Si on parle d'innovation stricto sensu, ça a lié à la technique. Par contre, ce qui est sûr, c'est que je te... Je le racontais tout à l'heure, mais par exemple, pour faire un décor panoramique, moi j'ai mis en place des process de production. C'est la première fois qu'on s'est rencontrés où je me suis dit, en fait c'est ça mon niveau d'innovation, puisqu'en en parlant, je n'avais pas forcément pris conscience que c'en était une, mais les décors panoramiques, la manière dont je les imagine, je les imagine vraiment comme on imagine un décor pour du cinéma d'animation. C'est-à-dire qu'au lieu de le peindre une seule fois, comme on peindrait une très grande toile, je vais imaginer peindre le fond, le second plan, le premier plan, puis tous les détails sur des formats séparément. Et c'est ça. Cette logique de production, ça m'a quand même permis d'aller encore plus loin dans le sur-mesure, puisque après on peut changer, une fois que c'est renumérisé et remonté, ça permet quand même d'aller très loin sur, tiens je voudrais changer la coloration, mais juste de cette partie-là, de cette branche-là, de cette fleur-là. Et ça je pense que c'est aussi quelque chose qui est assez nouveau pour les artisans, c'est de se dire que l'outil informatique il n'est pas là. contre la main ou contre le geste, mais il peut vraiment accompagner et de plus en plus. Moi, je dis que ça fait partie du geste du dessinateur, puisque quand je vais détourer les éléments, je fais super attention à garder la finesse que j'aurais eue au moment de la peinture. Donc, si ma brindille, elle est très fine, je fais super attention de détourer de manière très, très fine, en gardant vraiment ce côté crénelé. S'il l'est, par exemple, sur un tronc, c'est jamais parfaitement droit ou parfaitement lisse. Imaginez comme ça des décors à la fois en pièces... taché et en même temps du coup il y avait une logique un peu productiviste où moi je suis quand même seule à l'atelier il m'arrive de prendre des stagiaires mais on peut pas déléguer sur des temps trop courts ce genre de décor qui quand même doivent faire transparaître ma main, mon identité, etc. Et dans ces cas-là, du coup, imaginez justement toutes ces pièces séparées en amont avec un petit tableau de production en disant, ben voilà, lui, il aura telle patine de fond, lui, il aura telle teinte, etc. Donc, ça permet de préparer toutes ces couleurs d'un coup. Ça permet aussi de, comment dire, si jamais je dois m'arrêter dans une tâche, de savoir exactement où j'en suis, puisque je peux cocher en disant, ben ça, ça, ça, tous les dessins sont faits, ça, ça, ça, tous les calques sont OK. Et donc, du coup... Imaginez ce logique, ça permet à la fois de gagner en temps, et du coup c'est mieux quand même pour nos tarifs journaliers, et aussi en sérénité puisque d'un seul coup, je n'ai plus à me dire, je n'arrive pas à retrouver la teinte que j'ai faite il y a trois semaines. C'est dans des petits bocaux, c'est pris en amont, enfin voilà. Et ça va permettre vraiment de garder une espèce de garantie que ça soit proche de la maquette vendue.

  • Speaker #1

    C'est vrai que tu m'as montré des projets, tes fiches projets, elles sont hyper cadrées, elles sont hyper carrées. Moi je trouve ça impressionnant et je pense en effet que ça fait partie du métier. Et... Je suis complètement d'accord avec toi sur le concept de c'est innovant, parce que tu as un peu une réflexion industrielle, mais tout en gardant de l'artisanat. Alors moi je disais, mais est-ce que ce n'est pas l'industrie qui s'est inspirée de l'artisanat ? Parce que je ne vois pas pourquoi les artisans, ils n'auraient pas avant l'industrie cherché à optimiser leur production. Tu vois, c'est clair que quand chez Histoire d'Artisan, on parle d'innovation, elle peut être hyper large, et en effet, l'innovation sur les procédés de production, il y en a qui disent ça n'en est pas pour moi ça en est à partir du moment où ça te permet de mieux vivre et ça te permet de faire un métier qui t'intéresse vraiment où toutes les tâches les moins intéressantes sont potentiellement optimisées enfin voilà moi je suis archi d'accord avec toi sur le concept de ça

  • Speaker #0

    c'est de l'innovation et en plus ça boucle parfaitement avec William Morris dans l'épisode 1 tout à fait c'est quand même clairement son positionnement et ouais c'est évident que bien imaginer le projet en amont C'est garantir aussi à ma posture d'artisan une vraie sérénité, parce qu'il faut quand même reconnaître qu'en tant qu'artisan, il y a l'expertise, mais il y a tout le reste qu'il faut gérer à côté. Ils ont été plusieurs dans le podcast à le dire, mais je pense que personne ne se rend compte à quel point il faut tout être. Il faut être le bon communicant, il faudrait être un super comptable, il faudrait être hyper au taquet sur les questions juridiques. Et en fait, il y a un moment si, en plus de tout ça, et en plus du travail qui est vraiment celui de la collection et du sur-mesure, Il faut rajouter une espèce de charge mentale hyper pressante de dire je ne me souviens plus de ma coloration que j'avais faite pour teindre le fond, est-ce que j'avais mis 2 grammes de terre de sienne ou 3 ? Ce n'est pas possible. Ça demande après un effort qui est presque un peu idiot quelque part, puisque c'est quand même prendre un risque de décevoir le client, de ne pas être en mesure, ou même de se décevoir soi-même, de ne pas être en mesure de retrouver exactement ce qu'on avait trouvé au départ. Alors qu'en produisant comme ça, c'est ce que je te disais aussi, c'est que c'est une technique que j'ai vraiment mise au point pour les très gros décors où il y a beaucoup de détails et qu'évidemment que sur des projets plus petits, ça ne va pas forcément avoir lieu d'être. Mais en tout cas, de l'imaginer comme ça, c'est aussi garantir qu'on puisse aller au bout d'un projet sans trop trop s'épuiser et encore, ça peut mieux. On peut quand même... Et encore. Et encore, puisque... Je le disais, il peut m'arriver aussi de faire des très grosses journées pour arriver au bout. Mais justement, si malgré ça, j'arrive encore avec des très grosses journées, ça veut bien dire qu'on ne peut pas passer à côté d'une organisation qui va permettre quand même d'alléger la construction du décompte. Sous-titrage ST'501

  • Speaker #1

    Et quels sont tes projets futurs ? Qu'est-ce que tu aimerais développer ?

  • Speaker #0

    À la limite, il y a deux choses sur les projets futurs. C'est que là, moi, c'est quand même... Je ne sais pas trop si j'ai le droit de le parler. Donc, je ne vais pas dire avec qui je travaille, mais j'ai un projet avec une architecte. Et c'était une architecte dont j'adorais le travail. Donc, méga heureuse de travailler sur ce décor. Et donc, c'est un projet global. Mais dans ce projet, il y a un décor de 8 mètres de long. Donc là, typiquement, je vais mettre en place quand même, dès que la maquette sera validée, Une logique de production derrière pour être sûre de ne pas oublier un petit élément dans un coin qui ne serait pas peint, du coup. Et donc ça, ça va m'occuper encore quand même pendant un moment, puisque l'air de rien, on n'imagine pas un projet de 8 mètres de long comme un projet de 36 centimètres de long. Il y a un tout petit peu plus de matière à fournir. Donc ça, c'est plutôt mes projets futurs et c'est quelque chose... qui va rejoindre mes envies futures, puisque j'ai beaucoup parlé des éditeurs aujourd'hui, mais il y a quand même cette ouverture depuis une bonne année à un marché plutôt avec des architectes et des décorateurs. Et ça... À la limite, c'est ce que j'ai envie de développer. Je n'en ai pas parlé avant, mais en octobre dernier, je participais à un salon qui s'appelle les Rendez-vous de la matière, qui est vraiment un salon qui est dédié justement à la présentation de matériaux ou de savoir-faire particulier sur un public, pour un public architecte, décorateur, mais aussi des grosses maisons, je ne sais pas, Louis Vuitton, Van Cleef, enfin ce genre de...

  • Speaker #1

    Qui d'ailleurs est organisée par le magazine Archistorm.

  • Speaker #0

    Exactement. Et du coup, ce salon, ça a été vraiment pour moi l'occasion de faire des pièces que je n'aurais pas eu l'occasion de faire si je n'étais pas rentrée dans cette logique de présentation de mon métier, avec quand même cette idée que ce salon, il est super, mais c'est des petits stands. Et on ne dit pas exactement la même chose de son métier sur 2m² que sur 10. Et donc, ça voulait dire qu'en très peu de temps, sachant que c'est un salon qui est hyper visité, il fallait qu'on puisse comprendre que, justement, je ne fais pas que du papier peint, même si j'en fais beaucoup. Je ne fais pas que du décor panoramique, même si pareil, j'en fais beaucoup. Et qu'en soi, moi, j'ai qu'une hâte, c'est qu'on m'interroge aussi sur d'autres... Et c'est déjà bien, finalement, bien lancé, mais qu'on m'interroge aussi sur d'autres supports. Et à l'occasion de ce salon, j'avais imaginé un projet que j'avais appelé Dialogue et où c'était un dessin. qui était un peu la mascotte de ma participation. Donc j'avais fait mes invitations, mon catalogue. C'est un dessin qui revenait un peu ponctué de ma participation et que j'ai proposé à trois studios de venir réinterpréter au vu de leurs matériaux de prédilection. Et du coup, j'ai interrogé Studiolaire, qui fait de la lave-émaillée en centre-Bretagne, Larsen, qui est un éditeur de tissus d'amablement, qui a fait une broderie, qui normalement ne fait pas de sur-mesure, mais qui se sont prêtés à l'exercice justement dans ce cadre-là, et Audrey Bigouin, qui est aussi résidente aux Ateliers de Paris, avec laquelle j'ai fait une marqueterie de cuir. Et l'idée, c'était de se dire que ce même dessin, il pouvait avoir vraiment des vies très, très différentes en fonction de comment on allait le traiter. Et justement, ça a donné lieu à plein de discussions passionnantes, en se disant, tiens, là, le feuillage, il est comme ça. nous on va faire un brossé parce que l'émail sur la lave va réagir comme si, comme ça, on va boucher à tel endroit. Ou au contraire, Audrey elle s'est dit, les feuillages ce serait trop bien qu'ils sortent, parce que c'est du cuir, c'est souple, on peut. Et ça c'est vraiment un travail que j'ai envie de continuer, et j'ai qu'une hâte, c'est d'avoir vraiment des partenariats comme ça. Parce que là c'était quand même de l'échantillonnage, mais non du coup sur des grands projets, où je vais pouvoir justement faire vivre ces dessins au vu d'un autre matériau. Et donc si on peut, je sais pas, si on refait une marquée très cuir, mais que je peux repeindre sur le cuir. Enfin voilà, il y a des discussions comme ça, on se dit, mais c'est hyper intéressant, parce qu'on peut aller super loin dans ce que raconte le dessin original. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ce que tu racontais sur l'histoire des peintres ornemanistes dans l'épisode 1, c'est que justement, ils faisaient des dessins pour des vitraillistes, pour... de nombreux métiers et collaborer aussi avec des vitraillistes et je pensais à César évidemment, il faut que tu le contactes donc César Bazar qui lui justement collabore avec des gens qui font des dessins, ça a du sens et c'est clair que c'est génial même de voir qu'un même dessin en fonction de comment il est interprété et de quel matériau est utilisé il va avoir des aspects complètement différents

  • Speaker #0

    Ouais et puis ce qui était très drôle, je te recherche encore la main, c'est que sur le salon il y avait vraiment ces trois échantillons qui étaient placés les uns à côté des autres. Et tu sentais, il y avait beaucoup d'architectes, des décorateurs, etc. Et quand ils passaient, il y avait vraiment leur préféré et c'était hyper marqué et ce n'était jamais le même. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas une production qui était meilleure, c'est juste que ça racontait quelque chose de leur propre projection qui était hyper belle. Puisqu'il y avait vraiment ceux qui arrivaient et qui disaient mais cette broderie, mais c'est super, cette main, etc. Et puis tu avais celui d'après qui disait oh ! Mais la lave, mais la profondeur, parce que c'est un peu vitrifié comme ça. Et du coup, ce qui est intéressant aussi, c'est de se dire que ce n'est pas parce qu'on imagine au départ un dessin sur un support qu'il doit finalement rester comme ça, très sage. C'est vraiment, je pense, moi j'aime bien imaginer le décor comme une fenêtre et donc c'est une manière de projeter autre chose, un autre environnement, d'autres profondeurs. Et ça, j'avoue qu'il y a des manufactures avec lesquelles je rêverais de travailler parce que je me dis... mais si on l'utilisait tel fil ou comme ci ou comme ça aussi parce que j'ai eu un jour j'ai eu ce poste un jour de dire ah bah tiens on pourrait utiliser plutôt tel armure ou tel montage et c'est resté enfin maintenant j'ai envie de le voir vivre les dessins sur d'autres environnements trop bien,

  • Speaker #1

    on te le souhaite et on a hâte de voir ça on arrive au mot de la fin Lucille, qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier qu'il y en ait plus peut-être ouais ça c'est évident on est quand même pas très nombreux

  • Speaker #0

    et pas très nombreuses parce que je pense qu'on est plus de filles quand même. Alors qu'on soit plus volontiers. Après, moi, je pense que c'est surtout aussi une question de... J'aimerais bien qu'il y ait une plus jolie mise en lumière, c'est-à-dire... Là, avec les décorateurs, c'est plus facile. Souvent, ils demandent de signer le décor. Ce n'est pas forcément vrai avec les éditeurs et les manufactures. Je pense que c'est important aujourd'hui de le faire parce que reconnaître qu'un artisan est passé par là, ce n'est pas un aveu de faiblesse. Au contraire, c'est de dire qu'il y a eu un discours derrière, il y a eu un dialogue, il y a eu une rencontre. Et moi, je pense que c'est passionnant. Quand même, c'est de se dire qu'à un moment donné, même des grosses entreprises, elles vont chercher une vision particulière et même des visions particulières, puisque ces maisons, elles travaillent avec plein d'autres dessinateurs. Et donc, du coup, je pense que la reconnaissance et le droit à la signature, il est important aujourd'hui pour que chacun puisse vivre finalement de son métier pleinement. Et après, du coup, je trouve que ça devrait permettre aussi finalement une certaine exigence, puisque je pense qu'il y a des choses qui, des fois, qui sont en termes de qualité, qui peuvent être assez variables. Et quand on signe... Un travail, en général, c'est qu'on l'assume, on y met une partie de sa personne, on affiche une partie de sa personne. Et je pense que c'est aussi un gain pour tout le monde d'avoir comme ça une espèce d'exigence dans ce qu'on raconte, pourquoi on le fait. Je pense qu'il n'y a rien de pire pour moi que des gens qui vous disent Ok, on a trouvé cet archive, on voudrait que vous refassiez la même Ben non. Enfin, en tout cas, pas moi. Et ça, je pense que ça ne peut plus se faire si derrière, on signe. Puisqu'après, il y aurait une espèce comme ça d'éthique qui serait forcément ébafouée et en même temps mise au grand jour. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh bien, je pense que c'est le souhait de beaucoup d'artisans. Et moi, j'avoue que, pareil, je vais parler de mon côté market, mais mon côté marketing ne comprend pas pourquoi les entreprises ne parlent pas de l'artisanat français. Parce qu'en fait, aujourd'hui, c'est sexy. Ça fait partie du storytelling de dire, cette pièce, elle a été créée dans un atelier parisien, elle a été réfléchie comme ci, comme ça. Et... Et je sais pas, il y a un truc de se dire non mais il faut laisser du mystère. Non, enfin oui, surtout que tu peux laisser du mystère. Genre c'est pas parce qu'on parle d'un artisan qu'on sait exactement tous les détails du projet. Mais il n'empêche qu'il y a à chaque fois des histoires à raconter et moi je déplore le fait que les entreprises qui font appel à des artisans, les architectes qui font appel à des artisans, ne se disent pas que c'est hyper intéressant d'utiliser cet argument en tant qu'argument marketing en disant bah c'est du bienfait, c'est du beau. C'est du local, c'est du bien-pensé. Il n'y a pas mieux que l'artisanat pour défendre ces valeurs-là. Et je ne comprends pas pourquoi ce n'est toujours pas dans l'esprit des marques. Oui,

  • Speaker #0

    et puis en plus, on sent qu'il y a quand même un changement. Il faut quand même avouer qu'il y a un changement. Il y a des maisons qui s'y mettent. Des fois, c'est encore un peu frileux. Ils le font un peu, mais pas trop. Mais en tout cas, il y a une volonté. On voit de changer. Mais on voit bien aussi que ce sont des fois des grosses machines. C'est-à-dire que... entre le studio de création, la partie marketing, la direction générale, les commerciaux, les showrooms. Au final, tout ça, c'est un écosystème aussi à part entière. Et des fois, je pense que c'est difficile de faire bouger des machines entières. Mais si on y arrive, on est à tout ça et gagné, mais aussi bien eux en tant qu'entreprise. que nous en tant que dessinateurs. Et quand je dis dessinateurs, c'est pas que ça. Typiquement, mes dessins, ils vont être imprimés sur des tissus d'amablement, donc ils vont être aussi utilisés par des tapissiers. Je trouve que c'est exactement... Pour le coup, c'est même au-delà de mon métier. Je pense que citer le tapissier, c'est aussi bien que citer la personne qui a fait, je sais pas, le vase justement dont je te parlais sur un shooting, etc. Donc je pense que c'est important parce que nommer, c'est aussi reconnaître qu'on travaille ensemble et c'est plutôt une force. Il n'y a pas trop de... Enfin, je sais pas, je vois pas trop en quoi ça serait honteux.

  • Speaker #1

    Justement, en t'écoutant, je me disais, en fait, je ne pense pas que c'est honteux. Je pense que je vais prendre l'exemple de la mode et du luxe. Je pense qu'en fait, si tu donnes tes noms, tu as peur de te les faire voler.

  • Speaker #0

    Oui, mais en même temps, c'est un peu hypocrite parce que, par exemple, quand je présente mes collections, tout le monde, il y a vraiment cette petite blague de Vous n'allez pas chez un tel juste après ? Et à un moment, je dis Bah... Je l'ai vu hier ou je le verrai demain, mais vous savez, forcément, ce sont des tout petits écosystèmes. Et donc, c'est évident que je vois tout le monde. Et d'ailleurs, c'est devenu un peu une blague, mais n'empêche que c'est dit. Et donc, ils savent qu'on se voit, etc. Et d'ailleurs, quand ils disent Oh, on a vu votre dessin sortir chez... Et donc, du coup, je trouve que c'est très hypocrite de dire Oui, ça serait pour protéger une espèce de secret de fabrication. Alors qu'au final, plus on grandit dans les métiers d'art et plus on se rend compte aussi qu'on se connaît tous. Et que du coup, on va forcément finir par savoir qui est le tapissier de tel fauteuil sur tel hôtel ou sur tel shooting. À Milan, j'ai été hyper étonnée et touchée aussi parce que, justement, en présentant le fameux décor jardin japonais qui s'appelle Adachi chez Casamance, il y a des galeries qui sont venues me voir en me disant Ah, mais nous, on est la galerie qui avons prêté la commande pour tel shooting ! Ah, mais... Et en fait, c'était hyper touchant parce qu'ils étaient... heureux de faire communauté aussi. Et donc après, on s'est rencontrés parce que justement, on avait été à un moment donné, sans le savoir, sur un même espace. Et donc, comme quoi, on se rencontre forcément et on se connaît forcément. Je trouve que l'argument de préservation d'un nom ou d'un fonctionnement, il est un peu obsolète.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et puis surtout, si on ne communique pas pour surtout que la personne n'aille. pas voir ailleurs et ne travaille pas avec le concurrent. Ce que tu fais, c'est que tu fais de cette personne une personne dépendante des projets qu'elle te donne et donc potentiellement mourante. Et c'est d'ailleurs ce qui s'est un peu passé avec Chanel et toutes les maisons qu'elle a rachetées. C'est qu'en fait, elle les a fait travailler pendant des années et elle n'avait pas le droit de communiquer sur les projets qu'elle faisait avec Chanel. Elle n'avait pas le droit... Je n'ai pas les détails, mais en fait, Chanel a racheté ses maisons. Mais potentiellement, elle n'aurait pas dû aller racheter si elle leur avait permis de communiquer dessus et de communiquer sur les projets Chanel et de montrer ce qu'ils savaient faire. C'est un cercle un peu vicieux où tu veux garder un savoir-faire pour toi d'une entreprise qui va être dépendante de toi. Mais si elle ne va pas voir ailleurs, mon petit chat, elle va mourir.

  • Speaker #0

    Et puis vraiment, on l'a dit plein de fois, mais... Je pense qu'en plus, on se nourrit beaucoup des nouvelles expériences. Donc, se dire, ah bah tiens, je vais développer telle technique pour un tel, ça ne veut pas dire que tu vas aller la refaire chez un autre, mais ça veut quand même dire que, toi, ça te fait un outil de plus et peut-être que ça va permettre d'étoffer la technique, par contre, que tu déploies habituellement pour cette marque. Et tout ça, c'est pour ça que je trouve qu'il y a quand même une manière aussi de valoriser les échanges. Enfin, tout ça, c'est quand même aussi des histoires de rencontres et de personnes, des fois, qui ont eu un peu le culot de dire, même au sein de leurs entreprises, dire, hop, hop, hop, ça serait bien qu'on travaillait qu'un tel, ou, ah, j'ai vu ça, et je trouve que... Justement, même pareil, dans les entreprises, on a toujours l'impression que c'est une seule et grande entité. Mais il y a des directeurs artistiques qui sont absolument formidables, qui ont vraiment un œil, etc. Une appétence, une curiosité pour aller vers l'autre. Et c'est trop dommage que ce soit un peu comme ça éteint, parce que je suis persuadée que ça passionnerait autant leur public. que d'autres artisans et que potentiellement ça peut aussi leur proposer d'autres manières de voir leurs propres produits et franchement c'est tellement dur des fois quand on est salarié de trouver la bonne personne pour travailler sur tel projet etc alors que plus on en parle au final plus on se dit ah mais attends mais moi je connais quelqu'un qui fait ça qui fait ça qui fait ça et donc voilà je pense qu'il y a vraiment tout à y gagner bref il faut communiquer oui je trouve que c'est un très beau mot de la fin bah merci beaucoup Lucille merci merci pour ton temps volontiers merci de m'avoir ouvert ton atelier un jour férié

  • Speaker #1

    Même si je sais qu'il n'y a pas de jour férié pour les indépendants, et encore moins pour les artisans. D'ailleurs, vous êtes beaucoup dans le couloir, à être présent. Donc c'est bien la preuve que jour férié au pas, ça n'existe pas. J'ai eu mes parents aux téléphonières, et ils m'ont dit Bah alors tu fais quoi pour ces deux jours fériés, hein ?

  • Speaker #0

    Ben, je travaille, évidemment. C'est pas férié pour moi.

  • Speaker #1

    Tu sais que c'est la blague ? Mes parents n'osent plus me poser la question. C'est-à-dire que souvent, tu sais, il y a ce truc de... Allô, tu fais... Euh... Ça va ? Ils n'osent plus dire tu fais quoi, parce qu'ils savent que systématiquement, je suis à l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu fais quoi ce week-end ? Je suis à l'atelier. Et lundi, je suis à l'atelier. Et tous les jours, sur le jour de la semaine et du mois,

  • Speaker #1

    je suis à l'atelier. Mais ce n'est pas bien de rester autant. Je ne peux pas le conseiller.

  • Speaker #0

    Ce qui ne serait pas bien, c'est que tu partes en burn-out.

  • Speaker #1

    Non, bien sûr. Mais bon, clairement, on est tous ici des graines de burn-out. Donc non, non, c'est pas bien. C'est bien de le rappeler.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Lucille. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoireartisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

Description

Découvrez le parcours unique de Lucille Boitelle, peintre ornemaniste, qui transforme son amour pour les arts décoratifs en une pratique contemporaine. Lucille nous raconte comment elle a façonné son métier, passant par des expériences dans des maisons prestigieuses telles que Kenzo et Pierre Frey, avant de créer son propre univers. Au fil de la discussion, explorez les secrets de la création de motifs sur mesure, ses inspirations issues de la nature, du cinéma et des archives historiques. Découvrez également son processus innovant de production qui marie techniques traditionnelles et outils numériques modernes. Cet épisode plonge au cœur d'un savoir-faire rare, mettant en lumière la richesse des collaborations avec des architectes et des éditeurs renommés. Belle écoute pour un voyage immersif dans le monde fascinant de la peinture ornementale !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.


Liens de l’épisode : 

Lucille Boitelle

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations

Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.

#artisanatdart #ornemaniste #ornement #décor  #peintreornemaniste #savoirfaire#peintreornemaniste #histoire #podcast #artiste


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier !

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Lucille Boisthel, peintre ornomaniste. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire de la peinture ornomaniste. Dans celui-ci, Lucille nous raconte son parcours, sa rencontre avec son métier. et sa façon très moderne de le réaliser. Ben, écoute ! Bonjour Lucille, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Lucille, tu es peintre ornemaniste. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier ?

  • Speaker #0

    Moi, c'est une rencontre qui est un peu particulière, parce que j'aime bien dire que j'ai rencontré mon métier alors que je le faisais déjà, puisque, comment je pourrais expliquer ça ? Ça fait 7 ans que je suis à mon compte. J'ai eu un premier parcours hyper... Pour le coup, je savais que ça serait dans l'art, donc j'ai fait tout le programme à rappliquer comme il fallait bien. Lycée, BTS, DSA en design industriel, en disant c'est bon, je serai un bon designer. Sauf que je quitte le master et je me dis, mais en fait, le design industriel, ce n'est pas du tout pour moi. Mais vraiment pas. Je me rends compte que vraiment, tous les stages que j'ai faits, etc., il y a un truc qui ne passe pas. J'aime la logique de la création de projet, mais je ne sais pas, il y a un manque. Et donc là, j'annonce à mes parents, après quatre ans d'études, que je repars en première année en textile pour leur plus grand bonheur. Et donc, je reprends un BTS et pas un autre DSA parce que je suis persuadée d'un truc, mais je ne sais pas encore quoi, mais que ça se fera par la matière. Et donc, je me dis, bon, peut-être que si je refais ce BTS textile, vu que j'ai déjà un parcours en design produit, il y a peut-être un moyen d'imaginer des textiles chez Quadrat dans ce genre d'entreprise. Donc, j'ai un peu cet objectif. Je sais que ça sera avec l'ameublement, mais je ne sais pas trop quoi. Et puis, la première année se passe. Je n'ai plus de cours généraux puisque j'ai déjà tout validé en amont. Et donc je n'ai que des cours d'atelier et dont la moitié où je suis toute seule puisque les autres forcément sont en cours. Et c'est un peu une grosse découverte. Je me rends compte que déjà je suis clairement plus fait pour la matière. J'ai quand même une appétence pour la couleur que j'avais sans doute avant mais qui se développe. Et à ce moment-là on me dit bah écoute la deuxième année ça sert peut-être à rien de rester ici. Est-ce que tu veux le faire en entreprise ? Et je rentre pour un an donc sur un stage long au sein de la maison Kenzo. Et là je rentre au print femme et je découvre une espèce de monde que je n'avais... Vraiment pas imaginé du tout, puisqu'on a l'impression que forcément, si c'est une grosse maison, il y a des grosses équipes, etc. Et à ce moment-là, au prix d'une femme, il y a une seule personne, et du coup, je suis son assistante. Et on travaille vraiment à faire des dessins de A à Z, toute la journée. Ça ne va pas, on recommence, on reproduit, on va rechercher des archives, etc. Et donc, à ce moment-là, je ne sais toujours pas exactement ce qu'est mon métier. Je ne me sens pas tout à fait designer dans le sens où ce n'est pas moi qui vais chercher des applications ou qui vais imaginer la structure d'un textile ou d'une broderie. Mais par contre, comment ça poindre en moi ce truc de il faut trouver une bonne histoire, il faut trouver un bon sens du rythme Il y a quand même des petites choses comme ça qui sont déjà marquées. Et quand je sors de ce stage, je rentre directement au sein de la maison Pierre Fray, qui est un éditeur de tissus et de papier-part dans l'ameublement, dans lequel j'avais déjà fait un premier stage. Je connaissais déjà les équipes et j'arrive et là, il y a quand même un truc où je me dis c'est marrant quand même ce truc de l'ameublement qui revient comme ça. Et de la même manière, je suis au studio de tissage puisque la Maison Pierrefrais a une usine dans le nord qui s'appelle Margrois et donc moi, je suis vraiment sur ce poste de création de dessin. pour du tissage. Et encore une fois, donc là, je vais y passer presque 5 ans, et il y a ce truc quand même, avec des petits mots-clés comme ça qui reviennent tout le temps, des arts décoratifs. Je me souviens que Monsieur Fréjot m'envoie emmener des échantillons chez Liègre, et là je découvre d'un seul coup un autre univers, on fait une visite chez Jacques Garcia. Enfin, il y a comme ça des choses où je me dis, mais c'est marrant, c'est quand même l'univers dans lequel moi j'ai envie d'évoluer, je découvre des choses qui me semblent un peu folles. Je ne sais pas exactement ce que je vais en faire, mais ce qui est sûr, c'est que je découvre aussi le travail d'archives et de Le dessin pas à la main, puisque au bout de notre bureau, il y a une porte qui ouvre vers les archives. Et là, tu as aussi bien des cartons du XVIe, du XVIIIe, du XXe siècle, des gouachés, etc. Et je me rends compte que la manière dont moi j'ai appris à faire du dessin au raccord pour faire du motif, elle est hyper sage et qu'il y a vraiment un truc dans la matière et dans la couleur que je peux retravailler. Et donc là, se passe quand même un premier shift dans ma vie, puisque du coup, je quitte cet emploi salarié pour dire Ok, je vais me lancer à mon compte pour faire ça. Je n'ai toujours pas ce fameux titre de métier qui est le mien maintenant de peintre ornemaniste. Et je pense que c'est vraiment une construction. C'est-à-dire que je ne me sens pas designer textile, je ne me sens pas illustrateur, je ne me sens pas tout à fait peintre. Mais ce qui est sûr, c'est que ma matière, c'est la peinture. que je raconte des histoires, et qui a une manière de s'inscrire systématiquement dans le champ des arts décoratifs. Et du coup, en faisant des recherches, c'est un peu ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est vraiment un travail de lecture, finalement, de curiosité aussi, d'aller chercher. Pourquoi moi je me sens pas tout à fait à ma place ici ? Que là je tombe un jour sur ce fameux terme de peintre ornemaniste et là je pense que c'est à ce moment-là où j'ai vraiment rencontré mon métier. Je pense que c'est le jour où j'ai pu le nommer, c'est la manière dont moi j'ai pu me l'approprier et d'un seul coup avoir vraiment un champ d'exploration qui était beaucoup plus libre.

  • Speaker #1

    Je t'imagine devant un bouquin en lisant la définition de peintre ornemaniste et de faire bah c'est évident

  • Speaker #0

    C'est vraiment ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi je t'imagine dans la bibliothèque Fornay et faire

  • Speaker #0

    Je trouvais ! Il y a un peu de ça. Il y a un peu Eureka quand même. Mais c'est aussi, tu sais, je pense que c'est un peu la même chose quand tu lis des choses, enfin même des trucs un peu idiots, un horoscope et que tu dis Mais c'est exactement ça ! Ils ont complètement raison. Mais c'est vraiment la manière d'un seul coup, quelque chose que tu pressens depuis longtemps. Prends forme parce que t'as le bon mot qui tombe au bon moment. Et que ce travail de recherche, je ne l'ai pas fait par hasard, je l'ai fait parce que j'avais déjà lancé mon activité, je n'arrivais pas à passer une espèce de palier de développement, mais à la fois en termes de chiffre d'affaires et à la fois en termes aussi d'esthétique, je sentais que j'étais un peu bloquée par moi-même. Et du coup, quand j'amorce ce travail de recherche, j'ai vraiment en tête de revoir finalement les bases de l'entreprise. d'imaginer ce que c'est mon territoire à moi. Et là, je tombe sur ce mot qui, d'un seul coup, me soulage d'une espèce de poids que je me traînais depuis, je ne sais pas, ça faisait déjà trois ans que j'avais l'entreprise, un truc comme ça. Et c'est quelque chose, justement, si on me disait Oui, mais vous n'êtes pas vraiment peintre. Chaque fois, moi, j'étais tétanisée. Je me disais Ah là là, mais il a peut-être raison. Et là, d'un seul coup, je me dis Mais non, mais c'est bon, en fait. C'est bien ça. C'est là où on se rend compte aussi de la puissance. que peut avoir juste le bon mot ou la bonne phrase au bon moment. Parce qu'en un seul coup, ça m'a donné juste la coquille suffisante pour après redévelopper d'autres choses plus personnelles dans ma peinture, etc. Et d'être un peu plus sûre de moi.

  • Speaker #1

    Je trouve ça rigolo parce que il y a de nombreux épisodes de podcast où finalement, on dit que l'étiquette peut faire du mal à un artisan. Et toi, au contraire, ça t'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Ouais, et en plus, je pense que c'est parce que... Il y a aussi cette manière de... c'est l'étiquette que j'ai choisie dans le sens où je suis allée la chercher, j'ai eu besoin de me situer parmi mes contemporains, on va dire, et ou parmi mes collègues qui peuvent être plus peintres en décor ou plus dessinateurs textiles, etc. Et là, moi... Ma pratique, elle n'était jamais tout à fait la même que celle des autres. Et donc, ça m'a permis aussi de m'organiser par rapport à cet écosystème, finalement. J'ai beaucoup d'amis qui sont arrivés par l'artisanat après des reconversions et qui souffrent parfois d'un syndrome de l'imposteur qui est terrible alors que leur travail vaut autant que celui d'un autre. Et en même temps, moi, j'avais quand même tout ce parcours qui était normalement celui à peu près fait pour. Et ça n'empêche pas que si tu n'as pas trouvé la situation dans laquelle tu es bien, Tu peux quand même te sentir imposteur alors que t'as fait, à la limite, là quand même j'avais fait tout le parcours comme il fallait, etc. Et donc du coup, trouver le mot, c'est aussi s'autoriser finalement à dire ok, ça c'est bon, on peut passer à la suite. Et ça permet après de nourrir aussi les recherches de manière beaucoup plus large. D'un seul coup, une fois que t'as le mot, tu dis du coup, qui c'est qui était peintre ornemaniste à telle époque ? Et puis là, d'un seul coup, tu peux faire d'autres ponts et donc ça réouvre vers d'autres champs.

  • Speaker #1

    et c'est beaucoup plus agréable une fois que tu sais où tu cherches tu parlais des peintres en décor et des dessinateurs textiles quelle est la différence concrètement avec toi ton métier puisqu'on disait dans l'épisode 1 que tu pouvais faire ce qu'il faisait, quelle est la différence ?

  • Speaker #0

    Ouais, le peintre en décor, je pense que plus généralement, il va faire un travail in situ, c'est-à-dire le travail de fresque, le travail de tag-lag, de show, etc., de préparation du mur. Moi, ça, c'est quand même un savoir-faire que je n'ai pas, que je n'ai pas forcément souhaité en plus développer. A contrario, le dessinateur textile, il est plus souvent réputé pour justement ne travailler que. Pour l'industrie textile et éventuellement papier peint, papeterie, mais on est toujours sur des tailles de raccords qui sont quand même similaires. Et du coup, sur aussi une logique, on en parlait dans l'épisode 1, mais une logique de production et de distribution qui est un peu différente, puisque du coup, dans ces cas-là, il y a quand même, même pour ceux qui peignent à la main, une logique quand même de collection qui est beaucoup plus importante que ce que moi je peux faire, puisque moi j'ai des collections qui sont ridiculement petites. Puisque je mets tellement de temps sur un seul dessin qu'il serait impossible pour moi d'en sortir 100 à l'année, alors que, je ne sais pas, des amis qui vont faire Première Vision, ce genre de salon vraiment dédié aux dessins textiles, vont amener des collections où on est plutôt sur 100, 200, 300 dessins. Donc on est vraiment sur des logiques différentes et pas tant sur des savoir-faire complètement différents à la base, mais c'est juste une manière après de pousser plus ou moins certains curseurs. Très clair.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne transition pour la seconde question qui est quel est ton rapport avec ton métier aujourd'hui ? Comment tu le fais ? On en a déjà parlé, toi et moi, mais on ne l'a pas enregistré. Je sais quand même que tu as un rapport particulier à ce métier. Comment concrètement ça se passe avec une maison comme la Maison Pierre-Cré ?

  • Speaker #0

    Déjà, si on peut peut-être revenir un tout petit peu en arrière, c'est que moi, j'ai deux axes de travail. Il y a vraiment un travail de collection, donc là qui est plutôt un travail que moi je vais faire à l'atelier de mon côté, pour lequel je n'ai pas de cahier des charges. J'ai en tête des tailles de raccords qui sont des tailles classiques dans l'ameublement, mais en général. Je me donne des thèmes, je fais beaucoup de recherches à ce moment-là iconographiques, mais qui ne sont pas forcément justement liées aux arts décoratifs, pour éviter comme ça d'être un peu trop enfermée sur moi-même, mais je vais plutôt aller chercher des inspirations ailleurs. Donc, je ne sais pas, en botanique, en cinéma d'animation, enfin voilà, je vais aller chercher des choses ailleurs pour nous. pour découvrir ma propre pratique. Et cette pratique-là me permet de développer ces fameuses collections. C'est une à deux par an, en fonction du travail de commande. Et dans chaque collection, il y a une dizaine de dessins. Donc c'est vraiment des toutes petites collections, ce que je disais avant. Une fois que ces collections sont prêtes, je vais les présenter chez les éditeurs ou chez les architectes. Et c'est là où potentiellement ça va amorcer aussi un travail de commande, qui est vraiment mon deuxième axe, puisque c'est toujours des histoires de rencontres et de dialogues entre un interlocuteur et moi-même. Et donc du coup c'est... Je sais pas, ils vont me dire Ah bah tiens, on adore ce feuillage Est-ce qu'on pourrait imaginer un décor panoramique avec ça ? Ou ah, c'est marrant, vous avez fait ça Bon, la coloration ne nous plaît pas du tout Mais par contre, on se disait peut-être que vous pourriez nous imaginer Un dessin pour du jacquard dans tel coloris Enfin, voilà, à chaque fois c'est un sujet à discussion C'est pas forcément lié d'ailleurs au travail que je propose Mais en tout cas, le travail que je propose va éveiller chez eux Une possibilité pour faire autre chose Et donc du coup, dans ces cas-là, je suis assez libre Je pense que c'est un peu une chance aussi qui est liée à la fois au secteur et au fait que je fasse ça depuis plusieurs années. Mais même quand on propose un thème, par exemple, là, il y a un dessin qui vient de sortir chez Casamance qui s'appelle Adachi. Et le thème, c'était juste jardin japonais, ce qui reste quand même très, très large parce que ça peut être un jardin clos, ça peut être un jardin ouvert. Chez Fray, ils travaillent plutôt avec moi sur de l'achat en collection. Mais donc du coup, ce qui peut arriver, c'est qu'on me dise, ah bah tiens, on a acheté celui-là, mais est-ce que tu peux nous faire le petit frère ? Donc le petit frère, ça va être le raccord plus petit. Donc c'est pas le dessin lui-même, mais c'est plutôt un dessin complémentaire. Ça veut dire que s'il y en a un sur le canapé, on peut imaginer l'autre en papier peint. Enfin voilà, il y a des manières d'imaginer des univers comme ça. Après, avec chaque client ou partenaire, parce que du coup, par exemple, j'aime pas trop les mots concurrence, j'ai pas vraiment de concurrence. Il y a des gens qui font des métiers similaires, mais on a tendance à travailler plus tous ensemble que vraiment l'un contre l'autre. Et du coup, avec eux, voilà, on va évoluer comme ça en fonction de leur... aux besoins, de la manière dont moi je vais pouvoir m'intégrer dans un projet qui est déjà existant, ou au contraire, comment je vais pouvoir proposer une histoire nouvelle, mais c'est très large.

  • Speaker #1

    Donc tu as expliqué justement que finalement, si on rapporte un peu à ce qu'on peut connaître, tu as la proposition, je produis, j'ai en stock et je vends, et la proposition, je te fais du sur-mesure. Oui. Mais si on fait encore un pas en arrière, bon là, tu as expliqué comment tu travailles avec ton client. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu concrètement rends à ton client ?

  • Speaker #0

    Parce que du coup, c'est toute la problématique, c'est que moi, tout n'est pas à la main. Mais un client comme Pierre Frey, qui va avoir besoin de rentrer en édition, donc en collection, et de pouvoir en sortir du métrage, évidemment que je ne vais pas aller à l'usine et peindre 100 mètres de papier peint. Ce serait impossible à tenir. Et en plus, 100 mètres, je suis gentille, ça peut être bien plus. Donc, il y a une manière à un moment de numériser mon travail. de le repasser sur Photoshop, de le remonter, puisque du coup, ce qu'on appelle un raccord, c'est le fait que ça se répète à gauche et à droite, et pour un motif aussi en hauteur, du coup bas et haut. Et on va imaginer le raccord sur Photoshop et livrer ce fichier digital, sachant que pour l'éditeur, je livre en général et le fichier digital, et l'original qui va rentrer du coup en archive chez eux. À partir de là, il y a aussi une manière d'imaginer que ce fichier digital, il ne doit pas être une espèce d'ersatz. de la peinture, mais il doit être plutôt un prolongement, c'est-à-dire que dans la manière dont je vais le numériser, la manière dont je vais détourer les éléments. J'expliquais plus tôt justement que même, par exemple, pour faire un détourage, aujourd'hui, on imagine souvent que Photoshop serait une espèce d'outil absolu, on clique sur une baguette magique et ça fait tout. Enfin, c'est possible, mais ça sera cracra, alors que moi, j'ai besoin vraiment que le dessin qui sorte... ce soit le dessin que j'ai imaginé et que j'ai peint à la main donc si j'ai des traits de pinceau etc il faut qu'on les retrouve sur le produit final et si jamais par exemple on veut faire un tissage avec alors là on n'aura peut-être pas le trait du pinceau mais ça veut dire aussi qu'il va falloir les accompagner en disant bah voilà ça c'est la manière dont j'ai imaginé le dessin ça c'est sa version qui va vous permettre de le tisser donc en couleur pure où je vais faire la translation et ça c'est ce que je vous conseille pour garder vraiment l'essence du truc Et après, ils vont garder ou pas, puisque une fois qu'ils l'ont acheté, c'est aussi entre leurs mains et donc quelque part, c'est à eux de décider. Mais c'est quand même souvent des discussions aussi. On va faire en sorte de garder l'essence de l'histoire initiale.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tu me racontais que tu partais vraiment d'une histoire que quand ils te demandent un feuillage, tu leur dis vous voulez un feuillage d'été, vous voulez un feuillage qui raconte un ciel gris. Enfin voilà, tu...

  • Speaker #0

    Ouais, je pense que c'est hyper important dans mon travail. C'est vrai que je le dis beaucoup le mot histoire depuis le début sans l'expliquer, mais il y a plein de manières d'imaginer des motifs et je ne suis pas sûre qu'il y ait une bonne manière. Mais en tout cas, pour moi, pour faire ce métier dans la longueur et pas me retrouver avec une espèce de panne sèche comme ça un matin en me disant... J'ai pas d'idée. Le subterfuge que j'ai trouvé, c'est vraiment de me dire, ok, on m'a demandé des sols pleureurs une fois, ok, mais le sol pleureur, c'est quoi ? Pour moi, le sol pleureur, c'était celui qu'il y avait devant chez ma grand-mère, parce qu'il y avait ce bruit hyper particulier du vent dans les feuillages, etc. Du coup, c'est aussi des lumières d'été, donc d'un seul coup, ça ré-ouvre, et sur une palette de couleurs, sur une sensation de mouvement, sur une vibration un peu particulière. Donc ça veut dire aussi que dans mon choix de peinture, je vais aller chercher cette vibration, et ça me permet d'avoir des travaux qui sont quand même... à la fois toujours les miens, où on va pouvoir reconnaître ma main, et en même temps toujours différents, puisqu'il n'y aurait rien de pire que d'avoir un dessin chez un éditeur qui serait trop proche de celui chez un autre. Et donc du coup, quelque part, garantir une histoire à chaque fois nouvelle, c'est garantir aussi que les propositions, elles seront toutes les miennes, et en même temps toutes différentes.

  • Speaker #1

    Quand on en parlait tout à l'heure, ça me faisait penser à Robert Mercier, je sais que tu es une grande fan du podcast. que tu as, je pense... Écoutez, celui de Robert Mercier.

  • Speaker #0

    C'était pour le cuir, parce que c'était peut-être plus par métier que je me souviens.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est un métier du cuir. Et lui, il racontait justement qu'il y a certaines techniques qu'il va développer pour une maison et qu'il ne refera pas pour une autre maison. Style le plissé, je crois que c'était pour Balmain. Si il m'écoute, il va me dire, oh non, c'était pas du tout ça. Mais bref, voilà, j'imagine que c'est la même chose pour toi. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais, ouais. Et c'est marrant parce que, ça aurait pu rentrer dans les anecdotes d'avant, mais il y a une manière d'imaginer tous les éditeurs chez qui je vais. C'est moins vrai avec les architectes, mais c'est vrai avec les éditeurs. Souvent, ils me font On est d'accord, là, vous ne sortez pas un dessin similaire chez un tel ? Et à chaque fois, je me dis Vraiment, déjà, non, ça n'est jamais arrivé, ça n'arrivera pas. Et moi, je m'en fais un point d'honneur un peu, puisque c'est aussi la garantie d'avoir du travail encore dans quelques années. Et c'est d'autant plus étonnant. que parce que moi je navigue entre ces maisons, je me rends bien compte qu'elles ont toutes leurs histoires propres et du coup toutes aussi leurs caractéristiques en termes d'identité graphique et donc autant c'est toujours ma main autant c'est toujours ma peinture et je sais que certains s'amusent à retrouver Ah tiens, t'as publié un truc chez un tel. Autant, ce qui est sûr, c'est que les histoires qui plaisent à l'un ne sont pas forcément les histoires qui plaisent à un autre. Et il y a vraiment, pour moi, des caractéristiques fortes en termes de composition, de couleurs, etc., qu'on ne retrouvera pas chez les uns et chez les autres. Donc c'est ça aussi, finalement, de raconter des histoires. Ça permet aussi de dire, tiens, toi, t'es plus comme ci, toi, t'es plutôt roman policier, toi, t'es plutôt roman, je ne sais pas, d'aventure. Et donc ça, ça permet aussi d'explorer des territoires qui sont propres aux maisons. sans trahir en même temps ma manière de peindre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce qui fait aussi son avantage quand tu commences à les connaître. C'est que, certes, vous pouvez passer par quelqu'un d'autre, mais moi, je sais qui vous êtes et je ne vais pas essayer de raconter une histoire qui ne vous convient pas.

  • Speaker #0

    Et en plus, je pense que les maisons avec lesquelles je travaille depuis longtemps, ça s'est fait sans se dire non plus. C'est-à-dire qu'à un moment, on n'a jamais eu un brainstorming en disant Ok, c'est quoi l'identité de marque de telle maison ? Et c'est plus des choses qui se font parce qu'à force de discussions, leur manière de réagir finalement aux présentations de dessins, etc. Je pense que l'air de rien, justement, je n'ai pas de micro avec moi, je ne les enregistre pas. Mais en même temps, je trouve qu'il y a une manière de vivre les choses de manière hyper humaine. Et donc du coup, forcément, je me dis Ah bah tiens, ça, non, je crois qu'il n'aimerait pas trop. Enfin voilà, donc je me projette beaucoup. Après... C'est aussi un jeu, je me fais avec moi-même, quand je dessine une collection, je me dis, ah ouais, ça c'est vraiment pour eux, et du coup je vois si après c'est bien eux qui l'achètent, etc.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander justement, quand tu fais tes collections, est-ce qu'il y a des moments où tu te dis, ah là là, je suis sûre, eux ils vont adorer.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais, et en général ça marche plutôt bien. J'ai quand même quelques surprises, mais je sais pas, 95% ça marche, mais j'ai quand même quelques surprises. Il y a des fois où je me dis, ah ouais, ils ont pris celui-là, bah j'aurais... Ou inversement, un dessin que je me suis dit Ah ouais, mais ça c'est sûr, c'est pour eux. Et vraiment de les voir passer en mode Ok, c'est vraiment intéressant. Et ce n'est pas très grave puisque déjà, ça n'arrive pas si souvent. Et en même temps, je me dis Ah bah tiens, ça c'est quand même que peut-être que là, j'ai projeté quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai. Ou en tout cas, pas dans ces coloris-là. Enfin, en tout cas, à chaque fois, je ne me dis pas, je ne suis pas heurtée par ça. Je me dis juste Ah, j'ai peut-être encore une petite subtilité à aller chercher.

  • Speaker #1

    Et bien, si je peux me permettre, ça veut aussi dire que tu as une qualité qui est l'empathie. Non, mais c'est important en fait, parce que du coup, vraiment, tu te mets dans les chaussures de ton client et tu te dis, qu'est-ce qu'il aimerait, qu'est-ce qu'il n'aimerait pas ? Et tu peux anticiper ses besoins. Je fais ma meuf d'école de commerce, mais c'est la base du marketing, l'empathie.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est marrant parce que tu n'es pas la première à me le dire et en même temps, moi, chaque fois, je suis un peu en mode, je ne sais pas. Non mais en tout cas tu vois j'aimerais pas non plus qu'on reconnaisse pas ma main il y a quand même un truc du travail personnel donc c'est pas non plus complètement se mettre dans ses souliers à lui mais c'est plutôt être vraiment une espèce de jeu de danse on avance ensemble et moi je trouve que c'est quand même les plus belles collaborations c'est celles où il y a vraiment eu un ping pong c'est à dire que ils m'ont dit ah bah tiens ça c'est super mais ça par contre est-ce que ça vaut le coup de l'imaginer comme ça ? Alors après on entend la différence c'est pas Il faut me changer le feuillage de 3 mm à droite. Mais justement, je trouve qu'à chaque fois qu'il y a des discussions, qu'on s'interroge sur la manière d'imaginer justement une composition, une couleur, etc. Il y a aussi une manière de projeter une histoire qui est commune. Et souvent, quand j'écris des dossiers, par exemple des dossiers de concours, dossiers de presse, ce genre de choses où c'est un peu plus académique, j'aime bien dire qu'avec mes clients, on essaye de servir une même idée de l'art décoratif. Chacun aura une idée différente, c'est-à-dire qu'évidemment que Nobili, Souffray ou un architecte n'aura pas la même vision à l'instant T de ce qu'est l'art décoratif en France en 2024. Et en même temps, moi je me dis c'est une petite porte avec lui, c'est une autre porte avec lui, et à chaque fois ça crée plutôt une espèce d'écosystème qui est total.

  • Speaker #1

    Après, si je peux me permettre, juste l'empathie, c'est pas de s'oublier. C'est de comprendre la personne.

  • Speaker #0

    C'est vrai aussi.

  • Speaker #1

    Et je pense que si c'est toi qu'ils viennent voir pour certaines choses, c'est parce qu'eux aussi, ils te connaissent et qu'ils savent que tu vas leur donner un esprit certain dans cette collection. Et c'est ça qui les intéresse.

  • Speaker #0

    Oui, c'est évident. Je pense que ça fait toujours un peu peur. Mais oui, c'est évident que c'est pas complètement s'oublier. C'était aussi bien replacé cette histoire de jeu à plusieurs choses. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ce qui fait aussi la beauté de quand tu travailles en indépendant pour plein de clients différents, c'est que tu vas à la fois toujours être toi, mais tu vas essayer de rendre l'autre heureux. Et donc, en fait, tu vas te poser des questions qui seront toujours nouvelles. Enfin, moi, c'est ce que j'aime trop dans le travail de freelance, en fait, d'indépendant. C'est justement se dire... Je pense que c'est d'ailleurs pour ça que j'ai vraiment du mal sur un CDI à 5 jours sur 5.

  • Speaker #0

    Et là, tu vois la déformation d'artisan, je me suis... Bon, pourquoi 5 jours sur 5 ?

  • Speaker #1

    Il n'y en a que

  • Speaker #0

    5 ? Non, mais c'est 7.

  • Speaker #1

    Alors non, il y en a qui travaillent, en l'occurrence, maintenant plus. Mais vraiment, quand je travaillais sur mes 5 jours de boulot classiques de CDI, les 5 jours pour un même projet, vraiment, au bout de 6 mois, 1 an, je finissais toujours par m'ennuyer. ou par perdre ma créativité. Et c'est trop drôle parce que là, à la chambre de métier de l'artisanat, mon directeur, il m'a dit, Elisa, tu sais, si tu veux plus de jours ? Et je lui ai dit, vraiment, François, tu veux pas. Vraiment, je t'assure. Parce qu'en fait, si je sors pas, si je rencontre pas d'autres clients, si je rencontre pas d'autres projets qui peuvent me nourrir, bah, je vais croupir là et je vais plus rien te pondre.

  • Speaker #0

    Il horrible ce mot. Je vais pas me nourrir.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça, ouais. C'est ça, je serais une vieille flaque debout.

  • Speaker #0

    Mais oui, je pense que t'as complètement raison. Enfin, moi, je trouve ça passionnant. Mais tu vois, justement, pareil, la manière dont on en parle, en disant, ben là, il y a un truc à ouvrir. Et là, on peut aller chercher ça. Et c'est aussi une manière de se réinventer soi-même. C'est quand même hyper cool d'avoir un travail où tu te dis pas, bon... Il va falloir faire un décor.

  • Speaker #1

    Mais bon, il va falloir faire un décor et puis il va falloir faire un énième sapin que je ne connais pas à cœur.

  • Speaker #0

    Alors que non, déjà, rien que ça, tu vois, c'est passionnant, mais tu te dis, ah ok, je dois dessiner un sapin. Mais ok, il y a le pain maritime, il y a le pain comme ça, il y a le pain... Mais d'un seul coup, tu vois, ça réouvre autre chose. C'est trop bien de se dire aussi que tout est support à réouvrir encore et encore, quoi.

  • Speaker #1

    J'étais en train de chercher les bouquins de botanique chez toi. J'en vois un là.

  • Speaker #0

    Sous-titrage Société Radio-Canada

  • Speaker #1

    Eh bien, on en vient à l'anecdote, dis donc. Je sais que tu nous en as préparé une très sympa.

  • Speaker #0

    En gros, c'est parce qu'il y a plein de petites anecdotes, il n'y a pas de très grosses anecdotes, mais il y a un truc que j'adore chez les éditeurs, et encore une fois, c'est pareil, ce n'est pas tout à fait vrai avec les architectes et les décorateurs, c'est quand même des fonctionnements différents. C'est que chez les éditeurs, il y a des espèces de règles tacites qui sont vraiment liées à une espèce de culture de l'amablement en France. Et du coup, par exemple, quand tu dessines des rosiers, des palmiers, des fleurs à épines, en général, on te demande systématiquement, d'ailleurs, ce n'est pas en général, on te demande systématiquement de retirer les épines, parce qu'il ne faudrait pas que ce soit trop pointu, trop ardu. Il y a une manière d'imaginer que si ça rentre dans l'espace intime, puisque ça va rentrer dans une maison, une chambre. Voilà, il ne faudrait pas que ça pique, il ne faudrait pas qu'il y ait une espèce de symbolique comme ça un peu caché. Et c'est vrai avec les rosiers, mais c'est vrai avec les ananas, il y a toujours une manière de représenter les ananas. Il faudrait que les feuillages soient hyper... tendre, alors qu'en vrai, le bord d'un ananas, c'est un peu coupant. Et non, non, à chaque fois, on te demande une espèce d'exotisme et qui est un peu fantasmé. Et c'est drôle parce que c'est des trucs où c'est jamais dit. On ne va pas dire non, l'ananas, on le fait comme ci, comme ça. Mais par contre, quand tu vas proposer quelque chose qui va être justement trop proche d'une illustration botanique, donc plus proche d'une certaine réalité, on va très vite te dire, oh là là, on ne va pas faire ça. On va lisser un peu. Et pareil, moi, j'adore cacher des petites choses dans mes décors. Donc. J'aime bien cacher des petits yeux dans les feuillages, ce genre de trucs. Et dès que c'est un peu trop étrange, il y a quand même toujours une petite appréhension. Ils sont là, ça vous l'avez fait exprès ?

  • Speaker #1

    Oui, non, non.

  • Speaker #0

    Oui. Oups,

  • Speaker #1

    j'ai fait une tâche et du coup, j'ai fait des yeux. Ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Alors qu'en fait, moi, j'adore me dire, tu vois, il y a un peu un truc de l'enfance aussi, de se dire, d'ailleurs, c'est gros feuillage exotique. Si tu as des yeux derrière, c'est quoi ? Est-ce que c'est un tigre ? Est-ce qu'il y a une panthère qui est là, qui est un peu cachée ? Ou est-ce qu'au contraire, c'est un animal hyper mignon qui se protège de la vue ?

  • Speaker #1

    Mais à tout moment, tu as un gosse qui fait un cauchemar parce que sur son papier peint, il y a des yeux. Oui,

  • Speaker #0

    mais on a tous des histoires de papier peint qui nous ont marquées. Tu vois, le papier peint chez ta grand-mère, parce qu'il était comme ci, comme ça.

  • Speaker #1

    C'est très drôle parce que nous, chez ma grand-mère, les chambres ont un nom en fonction du papier peint. La chambre au bateau, la chambre aux fleurs. C'est que le papier peint. La chambre aux palmiers.

  • Speaker #0

    Trop bien. Eh bien, tu vois, je te dis, on a tous une histoire avec... Quand j'en parle aux gens, des histoires d'enfance liées au papier peint, mais c'est fou. D'ailleurs, je devrais faire un podcast là-dessus.

  • Speaker #1

    Des micros d'épisodes. Non, mais c'est vrai. Je ne m'étais jamais posé la question, mais c'est vrai.

  • Speaker #0

    Une fois, elle m'a raconté une histoire terrifiante. Une cliente qui avait dans sa chambre petite une toile de jouy, donc tu vois, hyper pastorale, avec la bergère, ses moutons, etc. Et toutes les nuits, elle pensait que la bergère, elle avait laissé les moutons, qu'elle était partie se coucher, quoi, du coup. Et que du coup, le loup allait arriver manger les moutons. Oh non ! Terrifiant ! C'est trop triste ! Et du coup, elle allumait sa petite lumière comme ça pour être sûre que la bergère, elle était bien revenue. C'est pas trop mignon quand même ?

  • Speaker #1

    C'est adorable, c'est adorable.

  • Speaker #0

    Mais parce que je pense que justement le papier peint, c'est quand même une surface qui est au mur, qui te raconte quelque chose un peu malgré toi. Donc il y a quand même un truc comme ça.

  • Speaker #1

    J'allais dire, tu vas encore nous dire que ça raconte une histoire.

  • Speaker #0

    Je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    T'aurais pu, t'aurais pu. On aurait compris. D'ailleurs, je remarque que dans ton atelier, tu n'as pas de papier peint.

  • Speaker #0

    Non, mais parce que ça, c'est pas possible. Et chez moi non plus, parce qu'en fait... Je ne peux pas essayer d'imaginer d'autres choses. Et aussi, on a tous des travers. Par exemple, moi, j'ai eu une passion. Là, ça se voit à l'atelier. Une passion vert et bleu.

  • Speaker #1

    Ça se voit, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et je sais que cette passion-là, elle est en train de me quitter. Et donc, il va falloir que je vende ces dessins très vite. Mais du coup, je ne peux pas avoir quelque chose qui reste trop longtemps. Parce qu'après, c'est difficile pour moi de sortir des sentiers battus, d'aller chercher de nouvelles colorations, des choses que je n'ai pas encore faites. Si... constamment, je suis raccrochée à quelque chose que j'ai fait.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant, ça. Tu n'arrives pas à avoir de nouvelles idées si tu as un univers trop chargé.

  • Speaker #0

    Oui, et d'ailleurs, tu serais venue hier, l'atelier, c'était un bazar monstre, mais vraiment monstre, il y en avait partout. Parce qu'il y a des moments où j'ai besoin de ne pas trop me soucier de est-ce que ça tombe par terre ou pas. Et après, j'ai vraiment, mais vraiment besoin de tout cliner. Tout à l'heure, ma colocataire d'atelier m'a dit que c'était devenu stérile ici. tellement j'avais fait une espèce de ménage absolu. Mais en fait, ça fait du bien aussi quand tu commences un nouveau projet, te dire... Ok, j'ai la place pour... Si je veux sortir des livres pour regarder, c'est possible. Si je veux refaire de nouveaux découpages, tout mon mur, on peut punaiser dessus. Et vraiment, je peux réaccrocher, réenlever, etc. Et tout ça, ça participe aussi du process. C'est que tu peux faire table rase pour recommencer quelque chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je vois beaucoup de trous de punaise dans ton mur.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Ça a été beaucoup punaisé. Ça fait combien de temps que tu es ici ?

  • Speaker #0

    Je suis arrivée en août dernier.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on n'a pas parlé du lieu parce qu'il est assez incroyable. Tu parles de ta coloc, mais on peut peut-être faire une mise en situation.

  • Speaker #0

    Mais oui, puisque du coup, je suis résidente depuis le mois d'août au BDMMA, donc au Bureau de la mode, du design et des métiers d'art. Bon, vraiment, je n'arriverai jamais à le dire dans le bon sens. Et c'est intéressant parce que c'est un incubateur qui est géré par la mairie de Paris, qui est un service de la mairie de Paris, dans lequel on peut résider pendant deux ans, pour lesquels on a un espace. Donc là, moi, j'ai un atelier qui est top. Café d'herbe avec une super grande fenêtre. Et c'est bête comme ça joue beaucoup, mais c'est un atelier dans lequel on est bien, sur lequel on peut faire aussi tous les travaux dont on a besoin pour organiser l'activité. Quand on le loue, il est vide. Et donc, ça veut dire que tu peux vraiment organiser l'espace à la mesure de ton métier. Et ça, ça a vraiment une importance puisque moi, au rez-de-chaussée, j'ai mon atelier et en mezzanine, j'ai une colocataire qui fait du bijou. Et justement, on n'a forcément pas les mêmes besoins quand on établit, quand on a une grande table, etc. Et avec cet incubateur, il y a cet espace qui est quand même déjà pour moi une espèce de chance absolue, avec un loyer qui est un tout petit loyer par rapport à ce qu'on pourrait trouver ailleurs dans le privé à Paris. Et avec ça, tu as un accompagnement. Je ne me souviens plus de ton nombre de formations, si c'est cinq ou six formations, qui sont vraiment autour du marketing, du territoire de marque, le calcul de ton prix, la politique de salon, ce genre de choses. Et un certain nombre de rendez-vous individuels avec les experts qu'on peut consulter. D'ailleurs, même quand on n'est pas résident, je pense que c'est... Ça, ça vaut le coup de le dire, parce que souvent, les gens n'osent pas. Ils ont l'impression que ça nous est réservé. C'est vraiment pas très cher. Je crois que c'est 28 euros le rendez-vous. Sauf que ça permet vraiment de travailler sur des sujets précis. On peut prendre un rendez-vous, soit justement pour un calcul de prix qu'on ne sait pas faire. On peut prendre rendez-vous avec une avocate qui est spécialisée en propriété intellectuelle. Et ça, c'est... hyper bénéfique pour nous parce que se dédier à son activité, c'est une chose. Avoir une maîtrise du geste, c'est une chose. Je pense que quand on arrive ici, c'est quand même des choses qui sont déjà relativement bien acquises, même si ça évoluera tout au long de notre vie. Mais par contre, la posture entrepreneuriale, c'est quand même un autre délire, on peut le dire. Et malgré le fait, par exemple, moi, j'ai quand même fait deux accompagnements avant où je ne peux pas dire que c'était top. Ça m'a quand même ouvert plein de questionnements possibles, justement, de manière d'imaginer mon entreprise. Et malgré tout, il faut être honnête, on n'est pas tous commerciaux dans l'âme, on n'est pas tous, je ne sais pas, marketeurs, etc. Et là, vraiment, c'est hyper intéressant d'avoir des gens dont c'est le métier qui sont là pour nous guider, pour nous dire ça, c'est top, ça, moins bien, ça, tu peux regarder par là. Et je pense que ça, c'est vraiment une espèce d'accélérateur pour nous. D'autant qu'au BDMMA, il y a deux sites, il y a celui de Bastille et celui de Féderme. Mais ça veut dire qu'on est systématiquement, même si on est des ateliers, on partage avec une personne. Ça veut dire aussi qu'au même étage, tu rencontres des designers, d'autres artisans, des maisons de mode, des bijoutiers. Antona Mangin fait du tissage de cheveux, Audrey, elle fait de la marqueterie de cuir et elle a tout un travail autour du matériau souple. Enfin, ce que je veux dire, c'est que forcément, il va y avoir aussi des possibilités de s'interroger à la fois sur qu'est-ce que c'est qu'être un entrepreneur, parce qu'on aura tous les mêmes problématiques de temps, d'argent, de commandes, etc. Et en même temps... potentiellement de travailler ensemble sur des sujets, soit vraiment de mener des projets ensemble, soit sur des trucs très bêtes. Pour Milan, j'ai fait un mobile pour présenter justement un des tissus que j'avais fait pour un éditeur. Un truc tout con, mais pour percer du bambou, moi, je n'avais pas du tout les outils. J'avais une dremel qui était trop lourde et ça éclatait systématiquement le bambou. Julia Bartsch, qui est au-dessus de moi, elle a des dremels hyper fines pour la bijouterie et elle m'a fait les trous en moins de 10 secondes. C'est-à-dire que là où avant, il aurait fallu que j'investisse dans du matériel, que j'aille chez le roi Merlin trouver la bonne mèche, etc. Là, en 10 secondes, juste en en parlant, c'était réglé. À côté, elles m'ont posé le billet. Enfin bref, c'est des échanges qui permettent aussi d'aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite dans les créations. Trop bien.

  • Speaker #1

    Tu as bien vendu ces ateliers partagés et le BDMMA.

  • Speaker #0

    Le seul problème, c'est que ça ne dure que deux ans et qu'après, il faut trouver un autre atelier.

  • Speaker #1

    Oui, mais tu vas trouver. Ce qui est trop cool, c'est que des opportunités comme ça, il y en a de plus en plus.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est clair, il y en a vraiment de plus en plus. Et on voit bien aussi qu'il y en a plein des anciens résidents qui ont continué à occuper des lieux ensemble. Parce que quand il y a des affinités qui se font après, ça dure dans le temps aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et... ou d'innovation pour atteindre ton objectif.

  • Speaker #0

    Je m'en étais notée deux, mais... Peut-être qu'on peut se concentrer que sur Adachi. C'est un décor panoramique que j'ai dessiné pour la maison Casamance. Typiquement, j'en ai parlé un tout petit peu avant parce qu'il m'avait donné juste comme thème jardin japonais, ce qui était quand même très, très large. Et c'est un décor que j'ai présenté justement aussi à Milan. C'était intéressant de le présenter parce qu'il y avait cette démarche de recherche qui était hyper marquée, qui est quand même... présente dans l'ensemble de mon travail, c'est-à-dire qu'à chaque fois, je te l'expliquais en amont de l'enregistrement, mais à chaque fois que je vais imaginer une collection, un thème, un décor, moi j'ai besoin de me dire, ah bah tiens, quoi ça me fait penser, qu'est-ce que ça raconte, comment il faisait avant, enfin j'en sais rien. Ce qui donne des fois des recherches très drôles sur Google. Mais là, typiquement, le jardin japonais, il y avait un peu ce travers de se dire je peux faire un jardin sans me renseigner du tout et ça sera forcément un peu cliché, peut-être un peu naïf aussi. Et je n'ai rien contre la naïveté, au contraire. Mais je pense que quand elle est là, il faut savoir pourquoi elle est là. Est-ce qu'on a gardé ou pas de naïveté, finalement ? Et du coup, c'est quand même un panoramique pour lequel j'ai fait deux propositions au départ. Et j'avais vraiment imaginé un jardin clos, plus jardin de maison de thé, ce genre de choses, donc très lié à l'architecture, avec une composition hyper forte liée au claustra. Et un autre qui était un jardin ouvert, plutôt dédié aux éléments, avec ce système eau, sable, ciel. et ça je n'aurais pas pu le défendre avec autant de ferveur que si je n'avais pas été à la bibliothèque Forney justement qui a quand même un rayon autour du jardin qui est assez conséquent et typiquement c'est un dessin pour lequel j'ai fait à la fois des recherches sur comment on imagine le jardin au Japon qu'est-ce que ça représente en termes de symbolique quels sont les végétaux qu'on y retrouve c'est-à-dire que je n'ai aucun problème à mettre une fleur qui n'aurait pas lieu d'être à condition que je sache pourquoi moi je l'ai mise voilà donc il y a plein de petites choses comme ça et là pour le coup il y a eu... Je pense quasiment une bonne semaine de recherche, ce qui est rare quand même sur un seul dessin, mais parce que c'était un sujet dont je voulais pouvoir m'emparer pour pouvoir le peindre et le défendre sans avoir à rougir. Et aujourd'hui, je suis hyper heureuse quand je le présente de la sorte en disant que c'est vraiment mon regard d'occidentale sur ce que peut être le jardin japonais. Donc du coup, ce que j'en ai compris, ce que j'en ai entendu, en sachant qu'il y aura forcément des inexactitudes. Et que... Et que c'est pas grave parce qu'au final c'est aussi une manière de l'imaginer, de le fantasmer. Il y avait un, je ne retrouve pas le nom de la nana qui avait écrit ce livre, mais il y avait tout un livre, je me souviens très bien de la couverture par contre, verte et rose avec un grand rond. Et c'était hyper intéressant parce qu'elle détaillait dedans à la fois la symbolique propre à chaque jardin, sur les compositions, en disant bah voilà si les rochers sont comme ci, c'est parce qu'on a voulu dire ça, ça, ça. Ça, ça signifie plutôt la terre, ça signifie plutôt la montagne, etc. Et moi je trouvais ça... Hyper drôle parce que donc là elle en fait une analyse détaillée alors que moi c'est une analyse plus émotionnelle en me disant c'est marrant parce que moi quand je dessine cette grande bande blanche sur le décor pour moi c'est du sable ça a un peu cet effet un peu grève sur le bord de l'eau et du coup se dire qu'au final ça rappelle quelque chose qui est quand même préexistant dans leur manière de composer les jardins ça tend vers une espèce d'universel qui est aussi hyper touchant de se dire bah tiens C'est drôle parce que justement, moi, je trouvais que ça, ça faisait ça. Et tu dis qu'ils ont parfaitement réussi finalement à te faire sentir cette notion du vide, du plein, cette manière d'avoir des allées où tu as l'impression que tu peux comme ça naviguer. Et donc ça, pour le coup, c'était à la fois des recherches. Donc la première, vraiment recherche, documents iconographiques, tous les écrits autour de la symbolique du jardin, sur les espèces qu'il y avait dedans. Et après, du coup, c'est aussi une recherche plastique puisque c'est bien joli, mais une fois que tu as ça, tu n'as toujours pas vraiment ton décor. Et donc à partir de là c'est de se dire bah ok si ça ça doit être vraiment avoir cette légèreté que peut avoir le ciel, l'air frais etc. Bah moi qu'est-ce que je vais utiliser comme peinture, qu'est-ce que je vais utiliser comme teinte. Et du coup j'ai choisi de travailler sur des glacis donc c'est des couches très transparentes qu'on va accumuler. Donc je pars d'un fond foncé et après je vais faire des couches plus claires. Et donc une première, une deuxième, une troisième, à chaque fois ça sèche entre les deux. J'applique, je frotte, j'applique, je frotte, j'applique, je frotte. Et forcément, tu as quelque chose comme ça d'un peu vaporeux, où les contours ne sont pas complètement nets. Et ça participe justement de la symbolique générale que j'avais recherchée dans cette première recherche qui était plutôt documentaire.

  • Speaker #1

    Très intéressant, mais en effet, quand je t'ai posé la question, je me suis dit, mais en fait, tu fais de la recherche pour tout. Tu me racontais que tu as une collection qu'a développée Jardin Parisien. où tu t'es donné des thèmes et tu avais Jussieu dans mes souvenirs, Montmartre.

  • Speaker #0

    Oui, parce que je pense que les mots, on l'a compris, déjà le fait que j'ai trouvé moi les mots qui me parlaient, je pense que c'est hyper important dans ma démarche créative. Et je le disais tout à l'heure, les collections que je fais, effectivement, je m'invente un thème et je me dis, ah bah tiens, c'est toujours un peu la même construction. Je me dis, si je devais imaginer un petit dessin, ce qu'on appelle les petits dessins, c'est des dessins avec des raccords en dessous de 72 qui vont être utilisés, je ne sais pas moi, pour faire du jacquard, des textures, des choses comme ça. Ça veut dire quoi en dessous de 72 ? 72 de large, pardon. 72 centimètres. C'est en ameublement. Les raccords ont tendance à être assez grands pour qu'on ne voit pas trop la répétition. En fait, plus en plus on est luxe et plus les raccords sont grands. Mais l'idée, c'est de ne pas voir trop la répétition pour que justement l'œil puisse naviguer dans le décor sans avoir l'impression qu'on ait un rythme trop marqué. Alors que pour ce qu'on appelle les petits dessins, c'est un peu étrange comme terme, mais ça va plutôt être des granités, des faux unis, des choses où le dessin est moins perceptible. et qu'on va utiliser du coup pour du tissage, des broderies, mais des broderies sièges, donc des choses quand même assez denses. Enfin voilà, des imprimés, mais pareil, où ça va être plus petit. L'idée, c'est que ça se fonde un peu plus et que ce ne soit pas trop marqué. Alors que... Du coup, quand je crée une collection, je vais me dire, il me faut un petit dessin. Avec ça, je vais lui imaginer un grand dessin qui va avec. Comme ça, qu'est-ce qu'on pourrait mettre au mur avec ? Et puis, si je devais faire un dessin un peu intermédiaire, donc sur un grand raccord, mais quand même qui puisse vivre à la fenêtre, voilà ce que je vais faire. Et ça me permet comme ça d'avoir quatre, cinq, six dessins. Puisqu'en général, je vais jusqu'au panoramique, qui fonctionnent ensemble et en même temps qui peuvent vivre. indépendamment les uns des autres, puisque je ne sais pas à qui je vais les vendre, donc le but, ce n'est vraiment pas qu'ils soient trop liés, et qu'après, je sois bloquée si j'en vois un et pas les autres. Et du coup, ce travail de recherche que je fais, justement, c'est de se dire, ok, ça, c'est mon histoire générale. Mais après, typiquement un jardin parisien, qu'est-ce que c'est ? Ah bah moi, le jardin parisien, je te racontais je crois l'histoire de Pont-Neuf, donc en me disant, petite, moi j'adorais quand ma grand-mère m'emmenait sur les oiselleries du Pont-Neuf, où il y a aussi ce marché aux fleurs, et c'était de se dire, moi j'adorais ce côté hyper foisonnant, où tout était un peu, je sais pas comment c'est maintenant, mais à l'époque les pots étaient sur des espèces de stèles, un peu en hauteur, l'idée c'était d'occuper vraiment tout l'espace pour avoir... une espèce d'espace de vente maximum. Et donc, il y avait cette idée d'aller rechercher comme ça, à la fois des souvenirs et à la fois une écriture qui est hyper art moderne, avec des collages, plutôt à la Jane Harp, en me disant, c'est aussi l'époque. Et donc, Paris en 1920, ça doit être ça. Loisellerie en 1920, c'est aussi... Moi, j'adore la photo, donc c'est aussi d'aller se dire, tiens, dans les années 30, dans les années 50, etc. Quelles sont les images comme ça qui me reviennent un peu spontanément ? Et tout ça, ça me fait une espèce de... map mind d'un thème et ça me permet de faire des dessins qui sont un peu à l'abri des tendances aussi et qui vont quand même raconter quelque chose à peu près à tout le monde. Oui,

  • Speaker #1

    parce que tu me disais que les tendances, t'as tout intérêt à ne pas t'y tenir parce que le temps que ce soit développé, ce ne sera déjà plus une tendance.

  • Speaker #0

    surtout là sur de l'ameublement je peux vendre un dessin maintenant ça se trouve il sortira que dans 3 ans soit parce que l'éditeur qui me l'a acheté il a eu un coup de coeur pour le dessin mais au moment j'en sais rien j'ai vendu un dessin d'inspiration Amérique Latine et en fait en ce moment il fait une collection d'inspiration Eskimo bon bah évidemment que ça va pas rentrer dedans donc il faudra attendre la prochaine ça peut être ça, ça peut être il a pas trouvé la bonne qualité ce qu'on appelle la qualité c'est le support sur lequel soit ils vont broder, imprimer etc et dans ces cas là c'est pareil c'est pas parce que le dessin est mauvais parce que c'est pas le bon moment. Et donc, si je suis trop marquée sur la tendance, ils vont l'abandonner. Et moi, j'ai tout intérêt à ce qu'il sorte, puisque j'ai travaillé pour, etc. Donc, si je veux que ça fasse vivre aussi l'actualité de l'entreprise, je pense que c'est important d'avoir des dessins comme ça qui tendent quand même vers quelque chose de plus grand. Et aussi parce que je te disais tout à l'heure que contrairement à la mode où un dessin va vivre, je sais pas, une saison, deux saisons, si vraiment ça a été une espèce de best-seller, en ameublement, c'est pas le cas. Tant qu'un dessin se vend, Il reste en collection. Le jour où, par contre, sur deux saisons, rien n'est sorti, bon, là, il saute et c'est un peu normal. Il peut être un peu marqué dans son temps, mais il y a tout intérêt quand même à faire des dessins qui sont un peu hors du temps. Puis, je pense que ça correspond aussi à une certaine notion de l'art décoratif où il y a autant d'architectes et de décorateurs que de styles particuliers. Et donc, un dessin qu'on aurait imaginé pour une situation peut très bien vivre dans une autre à partir du moment où on lui offre un contexte qui lui convient. Mais du coup, ça, c'était la recherche vraiment sur la recherche. tel que je l'imagine, mais je crois que dans ta question, il y avait aussi un truc lié à l'innovation. Et ça, je pense que c'est une question aussi qu'on peut aborder rapidement parce qu'il y a une manière d'imaginer. En tout cas, moi, je me dis, la peinture, c'est quand même quelque chose qui existe depuis, je ne sais pas, la nuit des temps. Et on peint sur les murs depuis hyper longtemps. Donc, en termes d'innovation, je ne sais pas forcément ce qu'on va apporter maintenant. Si on parle d'innovation stricto sensu, ça a lié à la technique. Par contre, ce qui est sûr, c'est que je te... Je le racontais tout à l'heure, mais par exemple, pour faire un décor panoramique, moi j'ai mis en place des process de production. C'est la première fois qu'on s'est rencontrés où je me suis dit, en fait c'est ça mon niveau d'innovation, puisqu'en en parlant, je n'avais pas forcément pris conscience que c'en était une, mais les décors panoramiques, la manière dont je les imagine, je les imagine vraiment comme on imagine un décor pour du cinéma d'animation. C'est-à-dire qu'au lieu de le peindre une seule fois, comme on peindrait une très grande toile, je vais imaginer peindre le fond, le second plan, le premier plan, puis tous les détails sur des formats séparément. Et c'est ça. Cette logique de production, ça m'a quand même permis d'aller encore plus loin dans le sur-mesure, puisque après on peut changer, une fois que c'est renumérisé et remonté, ça permet quand même d'aller très loin sur, tiens je voudrais changer la coloration, mais juste de cette partie-là, de cette branche-là, de cette fleur-là. Et ça je pense que c'est aussi quelque chose qui est assez nouveau pour les artisans, c'est de se dire que l'outil informatique il n'est pas là. contre la main ou contre le geste, mais il peut vraiment accompagner et de plus en plus. Moi, je dis que ça fait partie du geste du dessinateur, puisque quand je vais détourer les éléments, je fais super attention à garder la finesse que j'aurais eue au moment de la peinture. Donc, si ma brindille, elle est très fine, je fais super attention de détourer de manière très, très fine, en gardant vraiment ce côté crénelé. S'il l'est, par exemple, sur un tronc, c'est jamais parfaitement droit ou parfaitement lisse. Imaginez comme ça des décors à la fois en pièces... taché et en même temps du coup il y avait une logique un peu productiviste où moi je suis quand même seule à l'atelier il m'arrive de prendre des stagiaires mais on peut pas déléguer sur des temps trop courts ce genre de décor qui quand même doivent faire transparaître ma main, mon identité, etc. Et dans ces cas-là, du coup, imaginez justement toutes ces pièces séparées en amont avec un petit tableau de production en disant, ben voilà, lui, il aura telle patine de fond, lui, il aura telle teinte, etc. Donc, ça permet de préparer toutes ces couleurs d'un coup. Ça permet aussi de, comment dire, si jamais je dois m'arrêter dans une tâche, de savoir exactement où j'en suis, puisque je peux cocher en disant, ben ça, ça, ça, tous les dessins sont faits, ça, ça, ça, tous les calques sont OK. Et donc, du coup... Imaginez ce logique, ça permet à la fois de gagner en temps, et du coup c'est mieux quand même pour nos tarifs journaliers, et aussi en sérénité puisque d'un seul coup, je n'ai plus à me dire, je n'arrive pas à retrouver la teinte que j'ai faite il y a trois semaines. C'est dans des petits bocaux, c'est pris en amont, enfin voilà. Et ça va permettre vraiment de garder une espèce de garantie que ça soit proche de la maquette vendue.

  • Speaker #1

    C'est vrai que tu m'as montré des projets, tes fiches projets, elles sont hyper cadrées, elles sont hyper carrées. Moi je trouve ça impressionnant et je pense en effet que ça fait partie du métier. Et... Je suis complètement d'accord avec toi sur le concept de c'est innovant, parce que tu as un peu une réflexion industrielle, mais tout en gardant de l'artisanat. Alors moi je disais, mais est-ce que ce n'est pas l'industrie qui s'est inspirée de l'artisanat ? Parce que je ne vois pas pourquoi les artisans, ils n'auraient pas avant l'industrie cherché à optimiser leur production. Tu vois, c'est clair que quand chez Histoire d'Artisan, on parle d'innovation, elle peut être hyper large, et en effet, l'innovation sur les procédés de production, il y en a qui disent ça n'en est pas pour moi ça en est à partir du moment où ça te permet de mieux vivre et ça te permet de faire un métier qui t'intéresse vraiment où toutes les tâches les moins intéressantes sont potentiellement optimisées enfin voilà moi je suis archi d'accord avec toi sur le concept de ça

  • Speaker #0

    c'est de l'innovation et en plus ça boucle parfaitement avec William Morris dans l'épisode 1 tout à fait c'est quand même clairement son positionnement et ouais c'est évident que bien imaginer le projet en amont C'est garantir aussi à ma posture d'artisan une vraie sérénité, parce qu'il faut quand même reconnaître qu'en tant qu'artisan, il y a l'expertise, mais il y a tout le reste qu'il faut gérer à côté. Ils ont été plusieurs dans le podcast à le dire, mais je pense que personne ne se rend compte à quel point il faut tout être. Il faut être le bon communicant, il faudrait être un super comptable, il faudrait être hyper au taquet sur les questions juridiques. Et en fait, il y a un moment si, en plus de tout ça, et en plus du travail qui est vraiment celui de la collection et du sur-mesure, Il faut rajouter une espèce de charge mentale hyper pressante de dire je ne me souviens plus de ma coloration que j'avais faite pour teindre le fond, est-ce que j'avais mis 2 grammes de terre de sienne ou 3 ? Ce n'est pas possible. Ça demande après un effort qui est presque un peu idiot quelque part, puisque c'est quand même prendre un risque de décevoir le client, de ne pas être en mesure, ou même de se décevoir soi-même, de ne pas être en mesure de retrouver exactement ce qu'on avait trouvé au départ. Alors qu'en produisant comme ça, c'est ce que je te disais aussi, c'est que c'est une technique que j'ai vraiment mise au point pour les très gros décors où il y a beaucoup de détails et qu'évidemment que sur des projets plus petits, ça ne va pas forcément avoir lieu d'être. Mais en tout cas, de l'imaginer comme ça, c'est aussi garantir qu'on puisse aller au bout d'un projet sans trop trop s'épuiser et encore, ça peut mieux. On peut quand même... Et encore. Et encore, puisque... Je le disais, il peut m'arriver aussi de faire des très grosses journées pour arriver au bout. Mais justement, si malgré ça, j'arrive encore avec des très grosses journées, ça veut bien dire qu'on ne peut pas passer à côté d'une organisation qui va permettre quand même d'alléger la construction du décompte. Sous-titrage ST'501

  • Speaker #1

    Et quels sont tes projets futurs ? Qu'est-ce que tu aimerais développer ?

  • Speaker #0

    À la limite, il y a deux choses sur les projets futurs. C'est que là, moi, c'est quand même... Je ne sais pas trop si j'ai le droit de le parler. Donc, je ne vais pas dire avec qui je travaille, mais j'ai un projet avec une architecte. Et c'était une architecte dont j'adorais le travail. Donc, méga heureuse de travailler sur ce décor. Et donc, c'est un projet global. Mais dans ce projet, il y a un décor de 8 mètres de long. Donc là, typiquement, je vais mettre en place quand même, dès que la maquette sera validée, Une logique de production derrière pour être sûre de ne pas oublier un petit élément dans un coin qui ne serait pas peint, du coup. Et donc ça, ça va m'occuper encore quand même pendant un moment, puisque l'air de rien, on n'imagine pas un projet de 8 mètres de long comme un projet de 36 centimètres de long. Il y a un tout petit peu plus de matière à fournir. Donc ça, c'est plutôt mes projets futurs et c'est quelque chose... qui va rejoindre mes envies futures, puisque j'ai beaucoup parlé des éditeurs aujourd'hui, mais il y a quand même cette ouverture depuis une bonne année à un marché plutôt avec des architectes et des décorateurs. Et ça... À la limite, c'est ce que j'ai envie de développer. Je n'en ai pas parlé avant, mais en octobre dernier, je participais à un salon qui s'appelle les Rendez-vous de la matière, qui est vraiment un salon qui est dédié justement à la présentation de matériaux ou de savoir-faire particulier sur un public, pour un public architecte, décorateur, mais aussi des grosses maisons, je ne sais pas, Louis Vuitton, Van Cleef, enfin ce genre de...

  • Speaker #1

    Qui d'ailleurs est organisée par le magazine Archistorm.

  • Speaker #0

    Exactement. Et du coup, ce salon, ça a été vraiment pour moi l'occasion de faire des pièces que je n'aurais pas eu l'occasion de faire si je n'étais pas rentrée dans cette logique de présentation de mon métier, avec quand même cette idée que ce salon, il est super, mais c'est des petits stands. Et on ne dit pas exactement la même chose de son métier sur 2m² que sur 10. Et donc, ça voulait dire qu'en très peu de temps, sachant que c'est un salon qui est hyper visité, il fallait qu'on puisse comprendre que, justement, je ne fais pas que du papier peint, même si j'en fais beaucoup. Je ne fais pas que du décor panoramique, même si pareil, j'en fais beaucoup. Et qu'en soi, moi, j'ai qu'une hâte, c'est qu'on m'interroge aussi sur d'autres... Et c'est déjà bien, finalement, bien lancé, mais qu'on m'interroge aussi sur d'autres supports. Et à l'occasion de ce salon, j'avais imaginé un projet que j'avais appelé Dialogue et où c'était un dessin. qui était un peu la mascotte de ma participation. Donc j'avais fait mes invitations, mon catalogue. C'est un dessin qui revenait un peu ponctué de ma participation et que j'ai proposé à trois studios de venir réinterpréter au vu de leurs matériaux de prédilection. Et du coup, j'ai interrogé Studiolaire, qui fait de la lave-émaillée en centre-Bretagne, Larsen, qui est un éditeur de tissus d'amablement, qui a fait une broderie, qui normalement ne fait pas de sur-mesure, mais qui se sont prêtés à l'exercice justement dans ce cadre-là, et Audrey Bigouin, qui est aussi résidente aux Ateliers de Paris, avec laquelle j'ai fait une marqueterie de cuir. Et l'idée, c'était de se dire que ce même dessin, il pouvait avoir vraiment des vies très, très différentes en fonction de comment on allait le traiter. Et justement, ça a donné lieu à plein de discussions passionnantes, en se disant, tiens, là, le feuillage, il est comme ça. nous on va faire un brossé parce que l'émail sur la lave va réagir comme si, comme ça, on va boucher à tel endroit. Ou au contraire, Audrey elle s'est dit, les feuillages ce serait trop bien qu'ils sortent, parce que c'est du cuir, c'est souple, on peut. Et ça c'est vraiment un travail que j'ai envie de continuer, et j'ai qu'une hâte, c'est d'avoir vraiment des partenariats comme ça. Parce que là c'était quand même de l'échantillonnage, mais non du coup sur des grands projets, où je vais pouvoir justement faire vivre ces dessins au vu d'un autre matériau. Et donc si on peut, je sais pas, si on refait une marquée très cuir, mais que je peux repeindre sur le cuir. Enfin voilà, il y a des discussions comme ça, on se dit, mais c'est hyper intéressant, parce qu'on peut aller super loin dans ce que raconte le dessin original. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ce que tu racontais sur l'histoire des peintres ornemanistes dans l'épisode 1, c'est que justement, ils faisaient des dessins pour des vitraillistes, pour... de nombreux métiers et collaborer aussi avec des vitraillistes et je pensais à César évidemment, il faut que tu le contactes donc César Bazar qui lui justement collabore avec des gens qui font des dessins, ça a du sens et c'est clair que c'est génial même de voir qu'un même dessin en fonction de comment il est interprété et de quel matériau est utilisé il va avoir des aspects complètement différents

  • Speaker #0

    Ouais et puis ce qui était très drôle, je te recherche encore la main, c'est que sur le salon il y avait vraiment ces trois échantillons qui étaient placés les uns à côté des autres. Et tu sentais, il y avait beaucoup d'architectes, des décorateurs, etc. Et quand ils passaient, il y avait vraiment leur préféré et c'était hyper marqué et ce n'était jamais le même. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas une production qui était meilleure, c'est juste que ça racontait quelque chose de leur propre projection qui était hyper belle. Puisqu'il y avait vraiment ceux qui arrivaient et qui disaient mais cette broderie, mais c'est super, cette main, etc. Et puis tu avais celui d'après qui disait oh ! Mais la lave, mais la profondeur, parce que c'est un peu vitrifié comme ça. Et du coup, ce qui est intéressant aussi, c'est de se dire que ce n'est pas parce qu'on imagine au départ un dessin sur un support qu'il doit finalement rester comme ça, très sage. C'est vraiment, je pense, moi j'aime bien imaginer le décor comme une fenêtre et donc c'est une manière de projeter autre chose, un autre environnement, d'autres profondeurs. Et ça, j'avoue qu'il y a des manufactures avec lesquelles je rêverais de travailler parce que je me dis... mais si on l'utilisait tel fil ou comme ci ou comme ça aussi parce que j'ai eu un jour j'ai eu ce poste un jour de dire ah bah tiens on pourrait utiliser plutôt tel armure ou tel montage et c'est resté enfin maintenant j'ai envie de le voir vivre les dessins sur d'autres environnements trop bien,

  • Speaker #1

    on te le souhaite et on a hâte de voir ça on arrive au mot de la fin Lucille, qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier qu'il y en ait plus peut-être ouais ça c'est évident on est quand même pas très nombreux

  • Speaker #0

    et pas très nombreuses parce que je pense qu'on est plus de filles quand même. Alors qu'on soit plus volontiers. Après, moi, je pense que c'est surtout aussi une question de... J'aimerais bien qu'il y ait une plus jolie mise en lumière, c'est-à-dire... Là, avec les décorateurs, c'est plus facile. Souvent, ils demandent de signer le décor. Ce n'est pas forcément vrai avec les éditeurs et les manufactures. Je pense que c'est important aujourd'hui de le faire parce que reconnaître qu'un artisan est passé par là, ce n'est pas un aveu de faiblesse. Au contraire, c'est de dire qu'il y a eu un discours derrière, il y a eu un dialogue, il y a eu une rencontre. Et moi, je pense que c'est passionnant. Quand même, c'est de se dire qu'à un moment donné, même des grosses entreprises, elles vont chercher une vision particulière et même des visions particulières, puisque ces maisons, elles travaillent avec plein d'autres dessinateurs. Et donc, du coup, je pense que la reconnaissance et le droit à la signature, il est important aujourd'hui pour que chacun puisse vivre finalement de son métier pleinement. Et après, du coup, je trouve que ça devrait permettre aussi finalement une certaine exigence, puisque je pense qu'il y a des choses qui, des fois, qui sont en termes de qualité, qui peuvent être assez variables. Et quand on signe... Un travail, en général, c'est qu'on l'assume, on y met une partie de sa personne, on affiche une partie de sa personne. Et je pense que c'est aussi un gain pour tout le monde d'avoir comme ça une espèce d'exigence dans ce qu'on raconte, pourquoi on le fait. Je pense qu'il n'y a rien de pire pour moi que des gens qui vous disent Ok, on a trouvé cet archive, on voudrait que vous refassiez la même Ben non. Enfin, en tout cas, pas moi. Et ça, je pense que ça ne peut plus se faire si derrière, on signe. Puisqu'après, il y aurait une espèce comme ça d'éthique qui serait forcément ébafouée et en même temps mise au grand jour. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh bien, je pense que c'est le souhait de beaucoup d'artisans. Et moi, j'avoue que, pareil, je vais parler de mon côté market, mais mon côté marketing ne comprend pas pourquoi les entreprises ne parlent pas de l'artisanat français. Parce qu'en fait, aujourd'hui, c'est sexy. Ça fait partie du storytelling de dire, cette pièce, elle a été créée dans un atelier parisien, elle a été réfléchie comme ci, comme ça. Et... Et je sais pas, il y a un truc de se dire non mais il faut laisser du mystère. Non, enfin oui, surtout que tu peux laisser du mystère. Genre c'est pas parce qu'on parle d'un artisan qu'on sait exactement tous les détails du projet. Mais il n'empêche qu'il y a à chaque fois des histoires à raconter et moi je déplore le fait que les entreprises qui font appel à des artisans, les architectes qui font appel à des artisans, ne se disent pas que c'est hyper intéressant d'utiliser cet argument en tant qu'argument marketing en disant bah c'est du bienfait, c'est du beau. C'est du local, c'est du bien-pensé. Il n'y a pas mieux que l'artisanat pour défendre ces valeurs-là. Et je ne comprends pas pourquoi ce n'est toujours pas dans l'esprit des marques. Oui,

  • Speaker #0

    et puis en plus, on sent qu'il y a quand même un changement. Il faut quand même avouer qu'il y a un changement. Il y a des maisons qui s'y mettent. Des fois, c'est encore un peu frileux. Ils le font un peu, mais pas trop. Mais en tout cas, il y a une volonté. On voit de changer. Mais on voit bien aussi que ce sont des fois des grosses machines. C'est-à-dire que... entre le studio de création, la partie marketing, la direction générale, les commerciaux, les showrooms. Au final, tout ça, c'est un écosystème aussi à part entière. Et des fois, je pense que c'est difficile de faire bouger des machines entières. Mais si on y arrive, on est à tout ça et gagné, mais aussi bien eux en tant qu'entreprise. que nous en tant que dessinateurs. Et quand je dis dessinateurs, c'est pas que ça. Typiquement, mes dessins, ils vont être imprimés sur des tissus d'amablement, donc ils vont être aussi utilisés par des tapissiers. Je trouve que c'est exactement... Pour le coup, c'est même au-delà de mon métier. Je pense que citer le tapissier, c'est aussi bien que citer la personne qui a fait, je sais pas, le vase justement dont je te parlais sur un shooting, etc. Donc je pense que c'est important parce que nommer, c'est aussi reconnaître qu'on travaille ensemble et c'est plutôt une force. Il n'y a pas trop de... Enfin, je sais pas, je vois pas trop en quoi ça serait honteux.

  • Speaker #1

    Justement, en t'écoutant, je me disais, en fait, je ne pense pas que c'est honteux. Je pense que je vais prendre l'exemple de la mode et du luxe. Je pense qu'en fait, si tu donnes tes noms, tu as peur de te les faire voler.

  • Speaker #0

    Oui, mais en même temps, c'est un peu hypocrite parce que, par exemple, quand je présente mes collections, tout le monde, il y a vraiment cette petite blague de Vous n'allez pas chez un tel juste après ? Et à un moment, je dis Bah... Je l'ai vu hier ou je le verrai demain, mais vous savez, forcément, ce sont des tout petits écosystèmes. Et donc, c'est évident que je vois tout le monde. Et d'ailleurs, c'est devenu un peu une blague, mais n'empêche que c'est dit. Et donc, ils savent qu'on se voit, etc. Et d'ailleurs, quand ils disent Oh, on a vu votre dessin sortir chez... Et donc, du coup, je trouve que c'est très hypocrite de dire Oui, ça serait pour protéger une espèce de secret de fabrication. Alors qu'au final, plus on grandit dans les métiers d'art et plus on se rend compte aussi qu'on se connaît tous. Et que du coup, on va forcément finir par savoir qui est le tapissier de tel fauteuil sur tel hôtel ou sur tel shooting. À Milan, j'ai été hyper étonnée et touchée aussi parce que, justement, en présentant le fameux décor jardin japonais qui s'appelle Adachi chez Casamance, il y a des galeries qui sont venues me voir en me disant Ah, mais nous, on est la galerie qui avons prêté la commande pour tel shooting ! Ah, mais... Et en fait, c'était hyper touchant parce qu'ils étaient... heureux de faire communauté aussi. Et donc après, on s'est rencontrés parce que justement, on avait été à un moment donné, sans le savoir, sur un même espace. Et donc, comme quoi, on se rencontre forcément et on se connaît forcément. Je trouve que l'argument de préservation d'un nom ou d'un fonctionnement, il est un peu obsolète.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et puis surtout, si on ne communique pas pour surtout que la personne n'aille. pas voir ailleurs et ne travaille pas avec le concurrent. Ce que tu fais, c'est que tu fais de cette personne une personne dépendante des projets qu'elle te donne et donc potentiellement mourante. Et c'est d'ailleurs ce qui s'est un peu passé avec Chanel et toutes les maisons qu'elle a rachetées. C'est qu'en fait, elle les a fait travailler pendant des années et elle n'avait pas le droit de communiquer sur les projets qu'elle faisait avec Chanel. Elle n'avait pas le droit... Je n'ai pas les détails, mais en fait, Chanel a racheté ses maisons. Mais potentiellement, elle n'aurait pas dû aller racheter si elle leur avait permis de communiquer dessus et de communiquer sur les projets Chanel et de montrer ce qu'ils savaient faire. C'est un cercle un peu vicieux où tu veux garder un savoir-faire pour toi d'une entreprise qui va être dépendante de toi. Mais si elle ne va pas voir ailleurs, mon petit chat, elle va mourir.

  • Speaker #0

    Et puis vraiment, on l'a dit plein de fois, mais... Je pense qu'en plus, on se nourrit beaucoup des nouvelles expériences. Donc, se dire, ah bah tiens, je vais développer telle technique pour un tel, ça ne veut pas dire que tu vas aller la refaire chez un autre, mais ça veut quand même dire que, toi, ça te fait un outil de plus et peut-être que ça va permettre d'étoffer la technique, par contre, que tu déploies habituellement pour cette marque. Et tout ça, c'est pour ça que je trouve qu'il y a quand même une manière aussi de valoriser les échanges. Enfin, tout ça, c'est quand même aussi des histoires de rencontres et de personnes, des fois, qui ont eu un peu le culot de dire, même au sein de leurs entreprises, dire, hop, hop, hop, ça serait bien qu'on travaillait qu'un tel, ou, ah, j'ai vu ça, et je trouve que... Justement, même pareil, dans les entreprises, on a toujours l'impression que c'est une seule et grande entité. Mais il y a des directeurs artistiques qui sont absolument formidables, qui ont vraiment un œil, etc. Une appétence, une curiosité pour aller vers l'autre. Et c'est trop dommage que ce soit un peu comme ça éteint, parce que je suis persuadée que ça passionnerait autant leur public. que d'autres artisans et que potentiellement ça peut aussi leur proposer d'autres manières de voir leurs propres produits et franchement c'est tellement dur des fois quand on est salarié de trouver la bonne personne pour travailler sur tel projet etc alors que plus on en parle au final plus on se dit ah mais attends mais moi je connais quelqu'un qui fait ça qui fait ça qui fait ça et donc voilà je pense qu'il y a vraiment tout à y gagner bref il faut communiquer oui je trouve que c'est un très beau mot de la fin bah merci beaucoup Lucille merci merci pour ton temps volontiers merci de m'avoir ouvert ton atelier un jour férié

  • Speaker #1

    Même si je sais qu'il n'y a pas de jour férié pour les indépendants, et encore moins pour les artisans. D'ailleurs, vous êtes beaucoup dans le couloir, à être présent. Donc c'est bien la preuve que jour férié au pas, ça n'existe pas. J'ai eu mes parents aux téléphonières, et ils m'ont dit Bah alors tu fais quoi pour ces deux jours fériés, hein ?

  • Speaker #0

    Ben, je travaille, évidemment. C'est pas férié pour moi.

  • Speaker #1

    Tu sais que c'est la blague ? Mes parents n'osent plus me poser la question. C'est-à-dire que souvent, tu sais, il y a ce truc de... Allô, tu fais... Euh... Ça va ? Ils n'osent plus dire tu fais quoi, parce qu'ils savent que systématiquement, je suis à l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu fais quoi ce week-end ? Je suis à l'atelier. Et lundi, je suis à l'atelier. Et tous les jours, sur le jour de la semaine et du mois,

  • Speaker #1

    je suis à l'atelier. Mais ce n'est pas bien de rester autant. Je ne peux pas le conseiller.

  • Speaker #0

    Ce qui ne serait pas bien, c'est que tu partes en burn-out.

  • Speaker #1

    Non, bien sûr. Mais bon, clairement, on est tous ici des graines de burn-out. Donc non, non, c'est pas bien. C'est bien de le rappeler.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Lucille. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoireartisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

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Description

Découvrez le parcours unique de Lucille Boitelle, peintre ornemaniste, qui transforme son amour pour les arts décoratifs en une pratique contemporaine. Lucille nous raconte comment elle a façonné son métier, passant par des expériences dans des maisons prestigieuses telles que Kenzo et Pierre Frey, avant de créer son propre univers. Au fil de la discussion, explorez les secrets de la création de motifs sur mesure, ses inspirations issues de la nature, du cinéma et des archives historiques. Découvrez également son processus innovant de production qui marie techniques traditionnelles et outils numériques modernes. Cet épisode plonge au cœur d'un savoir-faire rare, mettant en lumière la richesse des collaborations avec des architectes et des éditeurs renommés. Belle écoute pour un voyage immersif dans le monde fascinant de la peinture ornementale !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.


Liens de l’épisode : 

Lucille Boitelle

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations

Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.

#artisanatdart #ornemaniste #ornement #décor  #peintreornemaniste #savoirfaire#peintreornemaniste #histoire #podcast #artiste


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier !

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Lucille Boisthel, peintre ornomaniste. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire de la peinture ornomaniste. Dans celui-ci, Lucille nous raconte son parcours, sa rencontre avec son métier. et sa façon très moderne de le réaliser. Ben, écoute ! Bonjour Lucille, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Lucille, tu es peintre ornemaniste. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier ?

  • Speaker #0

    Moi, c'est une rencontre qui est un peu particulière, parce que j'aime bien dire que j'ai rencontré mon métier alors que je le faisais déjà, puisque, comment je pourrais expliquer ça ? Ça fait 7 ans que je suis à mon compte. J'ai eu un premier parcours hyper... Pour le coup, je savais que ça serait dans l'art, donc j'ai fait tout le programme à rappliquer comme il fallait bien. Lycée, BTS, DSA en design industriel, en disant c'est bon, je serai un bon designer. Sauf que je quitte le master et je me dis, mais en fait, le design industriel, ce n'est pas du tout pour moi. Mais vraiment pas. Je me rends compte que vraiment, tous les stages que j'ai faits, etc., il y a un truc qui ne passe pas. J'aime la logique de la création de projet, mais je ne sais pas, il y a un manque. Et donc là, j'annonce à mes parents, après quatre ans d'études, que je repars en première année en textile pour leur plus grand bonheur. Et donc, je reprends un BTS et pas un autre DSA parce que je suis persuadée d'un truc, mais je ne sais pas encore quoi, mais que ça se fera par la matière. Et donc, je me dis, bon, peut-être que si je refais ce BTS textile, vu que j'ai déjà un parcours en design produit, il y a peut-être un moyen d'imaginer des textiles chez Quadrat dans ce genre d'entreprise. Donc, j'ai un peu cet objectif. Je sais que ça sera avec l'ameublement, mais je ne sais pas trop quoi. Et puis, la première année se passe. Je n'ai plus de cours généraux puisque j'ai déjà tout validé en amont. Et donc je n'ai que des cours d'atelier et dont la moitié où je suis toute seule puisque les autres forcément sont en cours. Et c'est un peu une grosse découverte. Je me rends compte que déjà je suis clairement plus fait pour la matière. J'ai quand même une appétence pour la couleur que j'avais sans doute avant mais qui se développe. Et à ce moment-là on me dit bah écoute la deuxième année ça sert peut-être à rien de rester ici. Est-ce que tu veux le faire en entreprise ? Et je rentre pour un an donc sur un stage long au sein de la maison Kenzo. Et là je rentre au print femme et je découvre une espèce de monde que je n'avais... Vraiment pas imaginé du tout, puisqu'on a l'impression que forcément, si c'est une grosse maison, il y a des grosses équipes, etc. Et à ce moment-là, au prix d'une femme, il y a une seule personne, et du coup, je suis son assistante. Et on travaille vraiment à faire des dessins de A à Z, toute la journée. Ça ne va pas, on recommence, on reproduit, on va rechercher des archives, etc. Et donc, à ce moment-là, je ne sais toujours pas exactement ce qu'est mon métier. Je ne me sens pas tout à fait designer dans le sens où ce n'est pas moi qui vais chercher des applications ou qui vais imaginer la structure d'un textile ou d'une broderie. Mais par contre, comment ça poindre en moi ce truc de il faut trouver une bonne histoire, il faut trouver un bon sens du rythme Il y a quand même des petites choses comme ça qui sont déjà marquées. Et quand je sors de ce stage, je rentre directement au sein de la maison Pierre Fray, qui est un éditeur de tissus et de papier-part dans l'ameublement, dans lequel j'avais déjà fait un premier stage. Je connaissais déjà les équipes et j'arrive et là, il y a quand même un truc où je me dis c'est marrant quand même ce truc de l'ameublement qui revient comme ça. Et de la même manière, je suis au studio de tissage puisque la Maison Pierrefrais a une usine dans le nord qui s'appelle Margrois et donc moi, je suis vraiment sur ce poste de création de dessin. pour du tissage. Et encore une fois, donc là, je vais y passer presque 5 ans, et il y a ce truc quand même, avec des petits mots-clés comme ça qui reviennent tout le temps, des arts décoratifs. Je me souviens que Monsieur Fréjot m'envoie emmener des échantillons chez Liègre, et là je découvre d'un seul coup un autre univers, on fait une visite chez Jacques Garcia. Enfin, il y a comme ça des choses où je me dis, mais c'est marrant, c'est quand même l'univers dans lequel moi j'ai envie d'évoluer, je découvre des choses qui me semblent un peu folles. Je ne sais pas exactement ce que je vais en faire, mais ce qui est sûr, c'est que je découvre aussi le travail d'archives et de Le dessin pas à la main, puisque au bout de notre bureau, il y a une porte qui ouvre vers les archives. Et là, tu as aussi bien des cartons du XVIe, du XVIIIe, du XXe siècle, des gouachés, etc. Et je me rends compte que la manière dont moi j'ai appris à faire du dessin au raccord pour faire du motif, elle est hyper sage et qu'il y a vraiment un truc dans la matière et dans la couleur que je peux retravailler. Et donc là, se passe quand même un premier shift dans ma vie, puisque du coup, je quitte cet emploi salarié pour dire Ok, je vais me lancer à mon compte pour faire ça. Je n'ai toujours pas ce fameux titre de métier qui est le mien maintenant de peintre ornemaniste. Et je pense que c'est vraiment une construction. C'est-à-dire que je ne me sens pas designer textile, je ne me sens pas illustrateur, je ne me sens pas tout à fait peintre. Mais ce qui est sûr, c'est que ma matière, c'est la peinture. que je raconte des histoires, et qui a une manière de s'inscrire systématiquement dans le champ des arts décoratifs. Et du coup, en faisant des recherches, c'est un peu ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est vraiment un travail de lecture, finalement, de curiosité aussi, d'aller chercher. Pourquoi moi je me sens pas tout à fait à ma place ici ? Que là je tombe un jour sur ce fameux terme de peintre ornemaniste et là je pense que c'est à ce moment-là où j'ai vraiment rencontré mon métier. Je pense que c'est le jour où j'ai pu le nommer, c'est la manière dont moi j'ai pu me l'approprier et d'un seul coup avoir vraiment un champ d'exploration qui était beaucoup plus libre.

  • Speaker #1

    Je t'imagine devant un bouquin en lisant la définition de peintre ornemaniste et de faire bah c'est évident

  • Speaker #0

    C'est vraiment ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi je t'imagine dans la bibliothèque Fornay et faire

  • Speaker #0

    Je trouvais ! Il y a un peu de ça. Il y a un peu Eureka quand même. Mais c'est aussi, tu sais, je pense que c'est un peu la même chose quand tu lis des choses, enfin même des trucs un peu idiots, un horoscope et que tu dis Mais c'est exactement ça ! Ils ont complètement raison. Mais c'est vraiment la manière d'un seul coup, quelque chose que tu pressens depuis longtemps. Prends forme parce que t'as le bon mot qui tombe au bon moment. Et que ce travail de recherche, je ne l'ai pas fait par hasard, je l'ai fait parce que j'avais déjà lancé mon activité, je n'arrivais pas à passer une espèce de palier de développement, mais à la fois en termes de chiffre d'affaires et à la fois en termes aussi d'esthétique, je sentais que j'étais un peu bloquée par moi-même. Et du coup, quand j'amorce ce travail de recherche, j'ai vraiment en tête de revoir finalement les bases de l'entreprise. d'imaginer ce que c'est mon territoire à moi. Et là, je tombe sur ce mot qui, d'un seul coup, me soulage d'une espèce de poids que je me traînais depuis, je ne sais pas, ça faisait déjà trois ans que j'avais l'entreprise, un truc comme ça. Et c'est quelque chose, justement, si on me disait Oui, mais vous n'êtes pas vraiment peintre. Chaque fois, moi, j'étais tétanisée. Je me disais Ah là là, mais il a peut-être raison. Et là, d'un seul coup, je me dis Mais non, mais c'est bon, en fait. C'est bien ça. C'est là où on se rend compte aussi de la puissance. que peut avoir juste le bon mot ou la bonne phrase au bon moment. Parce qu'en un seul coup, ça m'a donné juste la coquille suffisante pour après redévelopper d'autres choses plus personnelles dans ma peinture, etc. Et d'être un peu plus sûre de moi.

  • Speaker #1

    Je trouve ça rigolo parce que il y a de nombreux épisodes de podcast où finalement, on dit que l'étiquette peut faire du mal à un artisan. Et toi, au contraire, ça t'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Ouais, et en plus, je pense que c'est parce que... Il y a aussi cette manière de... c'est l'étiquette que j'ai choisie dans le sens où je suis allée la chercher, j'ai eu besoin de me situer parmi mes contemporains, on va dire, et ou parmi mes collègues qui peuvent être plus peintres en décor ou plus dessinateurs textiles, etc. Et là, moi... Ma pratique, elle n'était jamais tout à fait la même que celle des autres. Et donc, ça m'a permis aussi de m'organiser par rapport à cet écosystème, finalement. J'ai beaucoup d'amis qui sont arrivés par l'artisanat après des reconversions et qui souffrent parfois d'un syndrome de l'imposteur qui est terrible alors que leur travail vaut autant que celui d'un autre. Et en même temps, moi, j'avais quand même tout ce parcours qui était normalement celui à peu près fait pour. Et ça n'empêche pas que si tu n'as pas trouvé la situation dans laquelle tu es bien, Tu peux quand même te sentir imposteur alors que t'as fait, à la limite, là quand même j'avais fait tout le parcours comme il fallait, etc. Et donc du coup, trouver le mot, c'est aussi s'autoriser finalement à dire ok, ça c'est bon, on peut passer à la suite. Et ça permet après de nourrir aussi les recherches de manière beaucoup plus large. D'un seul coup, une fois que t'as le mot, tu dis du coup, qui c'est qui était peintre ornemaniste à telle époque ? Et puis là, d'un seul coup, tu peux faire d'autres ponts et donc ça réouvre vers d'autres champs.

  • Speaker #1

    et c'est beaucoup plus agréable une fois que tu sais où tu cherches tu parlais des peintres en décor et des dessinateurs textiles quelle est la différence concrètement avec toi ton métier puisqu'on disait dans l'épisode 1 que tu pouvais faire ce qu'il faisait, quelle est la différence ?

  • Speaker #0

    Ouais, le peintre en décor, je pense que plus généralement, il va faire un travail in situ, c'est-à-dire le travail de fresque, le travail de tag-lag, de show, etc., de préparation du mur. Moi, ça, c'est quand même un savoir-faire que je n'ai pas, que je n'ai pas forcément souhaité en plus développer. A contrario, le dessinateur textile, il est plus souvent réputé pour justement ne travailler que. Pour l'industrie textile et éventuellement papier peint, papeterie, mais on est toujours sur des tailles de raccords qui sont quand même similaires. Et du coup, sur aussi une logique, on en parlait dans l'épisode 1, mais une logique de production et de distribution qui est un peu différente, puisque du coup, dans ces cas-là, il y a quand même, même pour ceux qui peignent à la main, une logique quand même de collection qui est beaucoup plus importante que ce que moi je peux faire, puisque moi j'ai des collections qui sont ridiculement petites. Puisque je mets tellement de temps sur un seul dessin qu'il serait impossible pour moi d'en sortir 100 à l'année, alors que, je ne sais pas, des amis qui vont faire Première Vision, ce genre de salon vraiment dédié aux dessins textiles, vont amener des collections où on est plutôt sur 100, 200, 300 dessins. Donc on est vraiment sur des logiques différentes et pas tant sur des savoir-faire complètement différents à la base, mais c'est juste une manière après de pousser plus ou moins certains curseurs. Très clair.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne transition pour la seconde question qui est quel est ton rapport avec ton métier aujourd'hui ? Comment tu le fais ? On en a déjà parlé, toi et moi, mais on ne l'a pas enregistré. Je sais quand même que tu as un rapport particulier à ce métier. Comment concrètement ça se passe avec une maison comme la Maison Pierre-Cré ?

  • Speaker #0

    Déjà, si on peut peut-être revenir un tout petit peu en arrière, c'est que moi, j'ai deux axes de travail. Il y a vraiment un travail de collection, donc là qui est plutôt un travail que moi je vais faire à l'atelier de mon côté, pour lequel je n'ai pas de cahier des charges. J'ai en tête des tailles de raccords qui sont des tailles classiques dans l'ameublement, mais en général. Je me donne des thèmes, je fais beaucoup de recherches à ce moment-là iconographiques, mais qui ne sont pas forcément justement liées aux arts décoratifs, pour éviter comme ça d'être un peu trop enfermée sur moi-même, mais je vais plutôt aller chercher des inspirations ailleurs. Donc, je ne sais pas, en botanique, en cinéma d'animation, enfin voilà, je vais aller chercher des choses ailleurs pour nous. pour découvrir ma propre pratique. Et cette pratique-là me permet de développer ces fameuses collections. C'est une à deux par an, en fonction du travail de commande. Et dans chaque collection, il y a une dizaine de dessins. Donc c'est vraiment des toutes petites collections, ce que je disais avant. Une fois que ces collections sont prêtes, je vais les présenter chez les éditeurs ou chez les architectes. Et c'est là où potentiellement ça va amorcer aussi un travail de commande, qui est vraiment mon deuxième axe, puisque c'est toujours des histoires de rencontres et de dialogues entre un interlocuteur et moi-même. Et donc du coup c'est... Je sais pas, ils vont me dire Ah bah tiens, on adore ce feuillage Est-ce qu'on pourrait imaginer un décor panoramique avec ça ? Ou ah, c'est marrant, vous avez fait ça Bon, la coloration ne nous plaît pas du tout Mais par contre, on se disait peut-être que vous pourriez nous imaginer Un dessin pour du jacquard dans tel coloris Enfin, voilà, à chaque fois c'est un sujet à discussion C'est pas forcément lié d'ailleurs au travail que je propose Mais en tout cas, le travail que je propose va éveiller chez eux Une possibilité pour faire autre chose Et donc du coup, dans ces cas-là, je suis assez libre Je pense que c'est un peu une chance aussi qui est liée à la fois au secteur et au fait que je fasse ça depuis plusieurs années. Mais même quand on propose un thème, par exemple, là, il y a un dessin qui vient de sortir chez Casamance qui s'appelle Adachi. Et le thème, c'était juste jardin japonais, ce qui reste quand même très, très large parce que ça peut être un jardin clos, ça peut être un jardin ouvert. Chez Fray, ils travaillent plutôt avec moi sur de l'achat en collection. Mais donc du coup, ce qui peut arriver, c'est qu'on me dise, ah bah tiens, on a acheté celui-là, mais est-ce que tu peux nous faire le petit frère ? Donc le petit frère, ça va être le raccord plus petit. Donc c'est pas le dessin lui-même, mais c'est plutôt un dessin complémentaire. Ça veut dire que s'il y en a un sur le canapé, on peut imaginer l'autre en papier peint. Enfin voilà, il y a des manières d'imaginer des univers comme ça. Après, avec chaque client ou partenaire, parce que du coup, par exemple, j'aime pas trop les mots concurrence, j'ai pas vraiment de concurrence. Il y a des gens qui font des métiers similaires, mais on a tendance à travailler plus tous ensemble que vraiment l'un contre l'autre. Et du coup, avec eux, voilà, on va évoluer comme ça en fonction de leur... aux besoins, de la manière dont moi je vais pouvoir m'intégrer dans un projet qui est déjà existant, ou au contraire, comment je vais pouvoir proposer une histoire nouvelle, mais c'est très large.

  • Speaker #1

    Donc tu as expliqué justement que finalement, si on rapporte un peu à ce qu'on peut connaître, tu as la proposition, je produis, j'ai en stock et je vends, et la proposition, je te fais du sur-mesure. Oui. Mais si on fait encore un pas en arrière, bon là, tu as expliqué comment tu travailles avec ton client. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu concrètement rends à ton client ?

  • Speaker #0

    Parce que du coup, c'est toute la problématique, c'est que moi, tout n'est pas à la main. Mais un client comme Pierre Frey, qui va avoir besoin de rentrer en édition, donc en collection, et de pouvoir en sortir du métrage, évidemment que je ne vais pas aller à l'usine et peindre 100 mètres de papier peint. Ce serait impossible à tenir. Et en plus, 100 mètres, je suis gentille, ça peut être bien plus. Donc, il y a une manière à un moment de numériser mon travail. de le repasser sur Photoshop, de le remonter, puisque du coup, ce qu'on appelle un raccord, c'est le fait que ça se répète à gauche et à droite, et pour un motif aussi en hauteur, du coup bas et haut. Et on va imaginer le raccord sur Photoshop et livrer ce fichier digital, sachant que pour l'éditeur, je livre en général et le fichier digital, et l'original qui va rentrer du coup en archive chez eux. À partir de là, il y a aussi une manière d'imaginer que ce fichier digital, il ne doit pas être une espèce d'ersatz. de la peinture, mais il doit être plutôt un prolongement, c'est-à-dire que dans la manière dont je vais le numériser, la manière dont je vais détourer les éléments. J'expliquais plus tôt justement que même, par exemple, pour faire un détourage, aujourd'hui, on imagine souvent que Photoshop serait une espèce d'outil absolu, on clique sur une baguette magique et ça fait tout. Enfin, c'est possible, mais ça sera cracra, alors que moi, j'ai besoin vraiment que le dessin qui sorte... ce soit le dessin que j'ai imaginé et que j'ai peint à la main donc si j'ai des traits de pinceau etc il faut qu'on les retrouve sur le produit final et si jamais par exemple on veut faire un tissage avec alors là on n'aura peut-être pas le trait du pinceau mais ça veut dire aussi qu'il va falloir les accompagner en disant bah voilà ça c'est la manière dont j'ai imaginé le dessin ça c'est sa version qui va vous permettre de le tisser donc en couleur pure où je vais faire la translation et ça c'est ce que je vous conseille pour garder vraiment l'essence du truc Et après, ils vont garder ou pas, puisque une fois qu'ils l'ont acheté, c'est aussi entre leurs mains et donc quelque part, c'est à eux de décider. Mais c'est quand même souvent des discussions aussi. On va faire en sorte de garder l'essence de l'histoire initiale.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tu me racontais que tu partais vraiment d'une histoire que quand ils te demandent un feuillage, tu leur dis vous voulez un feuillage d'été, vous voulez un feuillage qui raconte un ciel gris. Enfin voilà, tu...

  • Speaker #0

    Ouais, je pense que c'est hyper important dans mon travail. C'est vrai que je le dis beaucoup le mot histoire depuis le début sans l'expliquer, mais il y a plein de manières d'imaginer des motifs et je ne suis pas sûre qu'il y ait une bonne manière. Mais en tout cas, pour moi, pour faire ce métier dans la longueur et pas me retrouver avec une espèce de panne sèche comme ça un matin en me disant... J'ai pas d'idée. Le subterfuge que j'ai trouvé, c'est vraiment de me dire, ok, on m'a demandé des sols pleureurs une fois, ok, mais le sol pleureur, c'est quoi ? Pour moi, le sol pleureur, c'était celui qu'il y avait devant chez ma grand-mère, parce qu'il y avait ce bruit hyper particulier du vent dans les feuillages, etc. Du coup, c'est aussi des lumières d'été, donc d'un seul coup, ça ré-ouvre, et sur une palette de couleurs, sur une sensation de mouvement, sur une vibration un peu particulière. Donc ça veut dire aussi que dans mon choix de peinture, je vais aller chercher cette vibration, et ça me permet d'avoir des travaux qui sont quand même... à la fois toujours les miens, où on va pouvoir reconnaître ma main, et en même temps toujours différents, puisqu'il n'y aurait rien de pire que d'avoir un dessin chez un éditeur qui serait trop proche de celui chez un autre. Et donc du coup, quelque part, garantir une histoire à chaque fois nouvelle, c'est garantir aussi que les propositions, elles seront toutes les miennes, et en même temps toutes différentes.

  • Speaker #1

    Quand on en parlait tout à l'heure, ça me faisait penser à Robert Mercier, je sais que tu es une grande fan du podcast. que tu as, je pense... Écoutez, celui de Robert Mercier.

  • Speaker #0

    C'était pour le cuir, parce que c'était peut-être plus par métier que je me souviens.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est un métier du cuir. Et lui, il racontait justement qu'il y a certaines techniques qu'il va développer pour une maison et qu'il ne refera pas pour une autre maison. Style le plissé, je crois que c'était pour Balmain. Si il m'écoute, il va me dire, oh non, c'était pas du tout ça. Mais bref, voilà, j'imagine que c'est la même chose pour toi. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais, ouais. Et c'est marrant parce que, ça aurait pu rentrer dans les anecdotes d'avant, mais il y a une manière d'imaginer tous les éditeurs chez qui je vais. C'est moins vrai avec les architectes, mais c'est vrai avec les éditeurs. Souvent, ils me font On est d'accord, là, vous ne sortez pas un dessin similaire chez un tel ? Et à chaque fois, je me dis Vraiment, déjà, non, ça n'est jamais arrivé, ça n'arrivera pas. Et moi, je m'en fais un point d'honneur un peu, puisque c'est aussi la garantie d'avoir du travail encore dans quelques années. Et c'est d'autant plus étonnant. que parce que moi je navigue entre ces maisons, je me rends bien compte qu'elles ont toutes leurs histoires propres et du coup toutes aussi leurs caractéristiques en termes d'identité graphique et donc autant c'est toujours ma main autant c'est toujours ma peinture et je sais que certains s'amusent à retrouver Ah tiens, t'as publié un truc chez un tel. Autant, ce qui est sûr, c'est que les histoires qui plaisent à l'un ne sont pas forcément les histoires qui plaisent à un autre. Et il y a vraiment, pour moi, des caractéristiques fortes en termes de composition, de couleurs, etc., qu'on ne retrouvera pas chez les uns et chez les autres. Donc c'est ça aussi, finalement, de raconter des histoires. Ça permet aussi de dire, tiens, toi, t'es plus comme ci, toi, t'es plutôt roman policier, toi, t'es plutôt roman, je ne sais pas, d'aventure. Et donc ça, ça permet aussi d'explorer des territoires qui sont propres aux maisons. sans trahir en même temps ma manière de peindre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce qui fait aussi son avantage quand tu commences à les connaître. C'est que, certes, vous pouvez passer par quelqu'un d'autre, mais moi, je sais qui vous êtes et je ne vais pas essayer de raconter une histoire qui ne vous convient pas.

  • Speaker #0

    Et en plus, je pense que les maisons avec lesquelles je travaille depuis longtemps, ça s'est fait sans se dire non plus. C'est-à-dire qu'à un moment, on n'a jamais eu un brainstorming en disant Ok, c'est quoi l'identité de marque de telle maison ? Et c'est plus des choses qui se font parce qu'à force de discussions, leur manière de réagir finalement aux présentations de dessins, etc. Je pense que l'air de rien, justement, je n'ai pas de micro avec moi, je ne les enregistre pas. Mais en même temps, je trouve qu'il y a une manière de vivre les choses de manière hyper humaine. Et donc du coup, forcément, je me dis Ah bah tiens, ça, non, je crois qu'il n'aimerait pas trop. Enfin voilà, donc je me projette beaucoup. Après... C'est aussi un jeu, je me fais avec moi-même, quand je dessine une collection, je me dis, ah ouais, ça c'est vraiment pour eux, et du coup je vois si après c'est bien eux qui l'achètent, etc.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander justement, quand tu fais tes collections, est-ce qu'il y a des moments où tu te dis, ah là là, je suis sûre, eux ils vont adorer.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais, et en général ça marche plutôt bien. J'ai quand même quelques surprises, mais je sais pas, 95% ça marche, mais j'ai quand même quelques surprises. Il y a des fois où je me dis, ah ouais, ils ont pris celui-là, bah j'aurais... Ou inversement, un dessin que je me suis dit Ah ouais, mais ça c'est sûr, c'est pour eux. Et vraiment de les voir passer en mode Ok, c'est vraiment intéressant. Et ce n'est pas très grave puisque déjà, ça n'arrive pas si souvent. Et en même temps, je me dis Ah bah tiens, ça c'est quand même que peut-être que là, j'ai projeté quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai. Ou en tout cas, pas dans ces coloris-là. Enfin, en tout cas, à chaque fois, je ne me dis pas, je ne suis pas heurtée par ça. Je me dis juste Ah, j'ai peut-être encore une petite subtilité à aller chercher.

  • Speaker #1

    Et bien, si je peux me permettre, ça veut aussi dire que tu as une qualité qui est l'empathie. Non, mais c'est important en fait, parce que du coup, vraiment, tu te mets dans les chaussures de ton client et tu te dis, qu'est-ce qu'il aimerait, qu'est-ce qu'il n'aimerait pas ? Et tu peux anticiper ses besoins. Je fais ma meuf d'école de commerce, mais c'est la base du marketing, l'empathie.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est marrant parce que tu n'es pas la première à me le dire et en même temps, moi, chaque fois, je suis un peu en mode, je ne sais pas. Non mais en tout cas tu vois j'aimerais pas non plus qu'on reconnaisse pas ma main il y a quand même un truc du travail personnel donc c'est pas non plus complètement se mettre dans ses souliers à lui mais c'est plutôt être vraiment une espèce de jeu de danse on avance ensemble et moi je trouve que c'est quand même les plus belles collaborations c'est celles où il y a vraiment eu un ping pong c'est à dire que ils m'ont dit ah bah tiens ça c'est super mais ça par contre est-ce que ça vaut le coup de l'imaginer comme ça ? Alors après on entend la différence c'est pas Il faut me changer le feuillage de 3 mm à droite. Mais justement, je trouve qu'à chaque fois qu'il y a des discussions, qu'on s'interroge sur la manière d'imaginer justement une composition, une couleur, etc. Il y a aussi une manière de projeter une histoire qui est commune. Et souvent, quand j'écris des dossiers, par exemple des dossiers de concours, dossiers de presse, ce genre de choses où c'est un peu plus académique, j'aime bien dire qu'avec mes clients, on essaye de servir une même idée de l'art décoratif. Chacun aura une idée différente, c'est-à-dire qu'évidemment que Nobili, Souffray ou un architecte n'aura pas la même vision à l'instant T de ce qu'est l'art décoratif en France en 2024. Et en même temps, moi je me dis c'est une petite porte avec lui, c'est une autre porte avec lui, et à chaque fois ça crée plutôt une espèce d'écosystème qui est total.

  • Speaker #1

    Après, si je peux me permettre, juste l'empathie, c'est pas de s'oublier. C'est de comprendre la personne.

  • Speaker #0

    C'est vrai aussi.

  • Speaker #1

    Et je pense que si c'est toi qu'ils viennent voir pour certaines choses, c'est parce qu'eux aussi, ils te connaissent et qu'ils savent que tu vas leur donner un esprit certain dans cette collection. Et c'est ça qui les intéresse.

  • Speaker #0

    Oui, c'est évident. Je pense que ça fait toujours un peu peur. Mais oui, c'est évident que c'est pas complètement s'oublier. C'était aussi bien replacé cette histoire de jeu à plusieurs choses. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ce qui fait aussi la beauté de quand tu travailles en indépendant pour plein de clients différents, c'est que tu vas à la fois toujours être toi, mais tu vas essayer de rendre l'autre heureux. Et donc, en fait, tu vas te poser des questions qui seront toujours nouvelles. Enfin, moi, c'est ce que j'aime trop dans le travail de freelance, en fait, d'indépendant. C'est justement se dire... Je pense que c'est d'ailleurs pour ça que j'ai vraiment du mal sur un CDI à 5 jours sur 5.

  • Speaker #0

    Et là, tu vois la déformation d'artisan, je me suis... Bon, pourquoi 5 jours sur 5 ?

  • Speaker #1

    Il n'y en a que

  • Speaker #0

    5 ? Non, mais c'est 7.

  • Speaker #1

    Alors non, il y en a qui travaillent, en l'occurrence, maintenant plus. Mais vraiment, quand je travaillais sur mes 5 jours de boulot classiques de CDI, les 5 jours pour un même projet, vraiment, au bout de 6 mois, 1 an, je finissais toujours par m'ennuyer. ou par perdre ma créativité. Et c'est trop drôle parce que là, à la chambre de métier de l'artisanat, mon directeur, il m'a dit, Elisa, tu sais, si tu veux plus de jours ? Et je lui ai dit, vraiment, François, tu veux pas. Vraiment, je t'assure. Parce qu'en fait, si je sors pas, si je rencontre pas d'autres clients, si je rencontre pas d'autres projets qui peuvent me nourrir, bah, je vais croupir là et je vais plus rien te pondre.

  • Speaker #0

    Il horrible ce mot. Je vais pas me nourrir.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça, ouais. C'est ça, je serais une vieille flaque debout.

  • Speaker #0

    Mais oui, je pense que t'as complètement raison. Enfin, moi, je trouve ça passionnant. Mais tu vois, justement, pareil, la manière dont on en parle, en disant, ben là, il y a un truc à ouvrir. Et là, on peut aller chercher ça. Et c'est aussi une manière de se réinventer soi-même. C'est quand même hyper cool d'avoir un travail où tu te dis pas, bon... Il va falloir faire un décor.

  • Speaker #1

    Mais bon, il va falloir faire un décor et puis il va falloir faire un énième sapin que je ne connais pas à cœur.

  • Speaker #0

    Alors que non, déjà, rien que ça, tu vois, c'est passionnant, mais tu te dis, ah ok, je dois dessiner un sapin. Mais ok, il y a le pain maritime, il y a le pain comme ça, il y a le pain... Mais d'un seul coup, tu vois, ça réouvre autre chose. C'est trop bien de se dire aussi que tout est support à réouvrir encore et encore, quoi.

  • Speaker #1

    J'étais en train de chercher les bouquins de botanique chez toi. J'en vois un là.

  • Speaker #0

    Sous-titrage Société Radio-Canada

  • Speaker #1

    Eh bien, on en vient à l'anecdote, dis donc. Je sais que tu nous en as préparé une très sympa.

  • Speaker #0

    En gros, c'est parce qu'il y a plein de petites anecdotes, il n'y a pas de très grosses anecdotes, mais il y a un truc que j'adore chez les éditeurs, et encore une fois, c'est pareil, ce n'est pas tout à fait vrai avec les architectes et les décorateurs, c'est quand même des fonctionnements différents. C'est que chez les éditeurs, il y a des espèces de règles tacites qui sont vraiment liées à une espèce de culture de l'amablement en France. Et du coup, par exemple, quand tu dessines des rosiers, des palmiers, des fleurs à épines, en général, on te demande systématiquement, d'ailleurs, ce n'est pas en général, on te demande systématiquement de retirer les épines, parce qu'il ne faudrait pas que ce soit trop pointu, trop ardu. Il y a une manière d'imaginer que si ça rentre dans l'espace intime, puisque ça va rentrer dans une maison, une chambre. Voilà, il ne faudrait pas que ça pique, il ne faudrait pas qu'il y ait une espèce de symbolique comme ça un peu caché. Et c'est vrai avec les rosiers, mais c'est vrai avec les ananas, il y a toujours une manière de représenter les ananas. Il faudrait que les feuillages soient hyper... tendre, alors qu'en vrai, le bord d'un ananas, c'est un peu coupant. Et non, non, à chaque fois, on te demande une espèce d'exotisme et qui est un peu fantasmé. Et c'est drôle parce que c'est des trucs où c'est jamais dit. On ne va pas dire non, l'ananas, on le fait comme ci, comme ça. Mais par contre, quand tu vas proposer quelque chose qui va être justement trop proche d'une illustration botanique, donc plus proche d'une certaine réalité, on va très vite te dire, oh là là, on ne va pas faire ça. On va lisser un peu. Et pareil, moi, j'adore cacher des petites choses dans mes décors. Donc. J'aime bien cacher des petits yeux dans les feuillages, ce genre de trucs. Et dès que c'est un peu trop étrange, il y a quand même toujours une petite appréhension. Ils sont là, ça vous l'avez fait exprès ?

  • Speaker #1

    Oui, non, non.

  • Speaker #0

    Oui. Oups,

  • Speaker #1

    j'ai fait une tâche et du coup, j'ai fait des yeux. Ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Alors qu'en fait, moi, j'adore me dire, tu vois, il y a un peu un truc de l'enfance aussi, de se dire, d'ailleurs, c'est gros feuillage exotique. Si tu as des yeux derrière, c'est quoi ? Est-ce que c'est un tigre ? Est-ce qu'il y a une panthère qui est là, qui est un peu cachée ? Ou est-ce qu'au contraire, c'est un animal hyper mignon qui se protège de la vue ?

  • Speaker #1

    Mais à tout moment, tu as un gosse qui fait un cauchemar parce que sur son papier peint, il y a des yeux. Oui,

  • Speaker #0

    mais on a tous des histoires de papier peint qui nous ont marquées. Tu vois, le papier peint chez ta grand-mère, parce qu'il était comme ci, comme ça.

  • Speaker #1

    C'est très drôle parce que nous, chez ma grand-mère, les chambres ont un nom en fonction du papier peint. La chambre au bateau, la chambre aux fleurs. C'est que le papier peint. La chambre aux palmiers.

  • Speaker #0

    Trop bien. Eh bien, tu vois, je te dis, on a tous une histoire avec... Quand j'en parle aux gens, des histoires d'enfance liées au papier peint, mais c'est fou. D'ailleurs, je devrais faire un podcast là-dessus.

  • Speaker #1

    Des micros d'épisodes. Non, mais c'est vrai. Je ne m'étais jamais posé la question, mais c'est vrai.

  • Speaker #0

    Une fois, elle m'a raconté une histoire terrifiante. Une cliente qui avait dans sa chambre petite une toile de jouy, donc tu vois, hyper pastorale, avec la bergère, ses moutons, etc. Et toutes les nuits, elle pensait que la bergère, elle avait laissé les moutons, qu'elle était partie se coucher, quoi, du coup. Et que du coup, le loup allait arriver manger les moutons. Oh non ! Terrifiant ! C'est trop triste ! Et du coup, elle allumait sa petite lumière comme ça pour être sûre que la bergère, elle était bien revenue. C'est pas trop mignon quand même ?

  • Speaker #1

    C'est adorable, c'est adorable.

  • Speaker #0

    Mais parce que je pense que justement le papier peint, c'est quand même une surface qui est au mur, qui te raconte quelque chose un peu malgré toi. Donc il y a quand même un truc comme ça.

  • Speaker #1

    J'allais dire, tu vas encore nous dire que ça raconte une histoire.

  • Speaker #0

    Je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    T'aurais pu, t'aurais pu. On aurait compris. D'ailleurs, je remarque que dans ton atelier, tu n'as pas de papier peint.

  • Speaker #0

    Non, mais parce que ça, c'est pas possible. Et chez moi non plus, parce qu'en fait... Je ne peux pas essayer d'imaginer d'autres choses. Et aussi, on a tous des travers. Par exemple, moi, j'ai eu une passion. Là, ça se voit à l'atelier. Une passion vert et bleu.

  • Speaker #1

    Ça se voit, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et je sais que cette passion-là, elle est en train de me quitter. Et donc, il va falloir que je vende ces dessins très vite. Mais du coup, je ne peux pas avoir quelque chose qui reste trop longtemps. Parce qu'après, c'est difficile pour moi de sortir des sentiers battus, d'aller chercher de nouvelles colorations, des choses que je n'ai pas encore faites. Si... constamment, je suis raccrochée à quelque chose que j'ai fait.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant, ça. Tu n'arrives pas à avoir de nouvelles idées si tu as un univers trop chargé.

  • Speaker #0

    Oui, et d'ailleurs, tu serais venue hier, l'atelier, c'était un bazar monstre, mais vraiment monstre, il y en avait partout. Parce qu'il y a des moments où j'ai besoin de ne pas trop me soucier de est-ce que ça tombe par terre ou pas. Et après, j'ai vraiment, mais vraiment besoin de tout cliner. Tout à l'heure, ma colocataire d'atelier m'a dit que c'était devenu stérile ici. tellement j'avais fait une espèce de ménage absolu. Mais en fait, ça fait du bien aussi quand tu commences un nouveau projet, te dire... Ok, j'ai la place pour... Si je veux sortir des livres pour regarder, c'est possible. Si je veux refaire de nouveaux découpages, tout mon mur, on peut punaiser dessus. Et vraiment, je peux réaccrocher, réenlever, etc. Et tout ça, ça participe aussi du process. C'est que tu peux faire table rase pour recommencer quelque chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je vois beaucoup de trous de punaise dans ton mur.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Ça a été beaucoup punaisé. Ça fait combien de temps que tu es ici ?

  • Speaker #0

    Je suis arrivée en août dernier.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on n'a pas parlé du lieu parce qu'il est assez incroyable. Tu parles de ta coloc, mais on peut peut-être faire une mise en situation.

  • Speaker #0

    Mais oui, puisque du coup, je suis résidente depuis le mois d'août au BDMMA, donc au Bureau de la mode, du design et des métiers d'art. Bon, vraiment, je n'arriverai jamais à le dire dans le bon sens. Et c'est intéressant parce que c'est un incubateur qui est géré par la mairie de Paris, qui est un service de la mairie de Paris, dans lequel on peut résider pendant deux ans, pour lesquels on a un espace. Donc là, moi, j'ai un atelier qui est top. Café d'herbe avec une super grande fenêtre. Et c'est bête comme ça joue beaucoup, mais c'est un atelier dans lequel on est bien, sur lequel on peut faire aussi tous les travaux dont on a besoin pour organiser l'activité. Quand on le loue, il est vide. Et donc, ça veut dire que tu peux vraiment organiser l'espace à la mesure de ton métier. Et ça, ça a vraiment une importance puisque moi, au rez-de-chaussée, j'ai mon atelier et en mezzanine, j'ai une colocataire qui fait du bijou. Et justement, on n'a forcément pas les mêmes besoins quand on établit, quand on a une grande table, etc. Et avec cet incubateur, il y a cet espace qui est quand même déjà pour moi une espèce de chance absolue, avec un loyer qui est un tout petit loyer par rapport à ce qu'on pourrait trouver ailleurs dans le privé à Paris. Et avec ça, tu as un accompagnement. Je ne me souviens plus de ton nombre de formations, si c'est cinq ou six formations, qui sont vraiment autour du marketing, du territoire de marque, le calcul de ton prix, la politique de salon, ce genre de choses. Et un certain nombre de rendez-vous individuels avec les experts qu'on peut consulter. D'ailleurs, même quand on n'est pas résident, je pense que c'est... Ça, ça vaut le coup de le dire, parce que souvent, les gens n'osent pas. Ils ont l'impression que ça nous est réservé. C'est vraiment pas très cher. Je crois que c'est 28 euros le rendez-vous. Sauf que ça permet vraiment de travailler sur des sujets précis. On peut prendre un rendez-vous, soit justement pour un calcul de prix qu'on ne sait pas faire. On peut prendre rendez-vous avec une avocate qui est spécialisée en propriété intellectuelle. Et ça, c'est... hyper bénéfique pour nous parce que se dédier à son activité, c'est une chose. Avoir une maîtrise du geste, c'est une chose. Je pense que quand on arrive ici, c'est quand même des choses qui sont déjà relativement bien acquises, même si ça évoluera tout au long de notre vie. Mais par contre, la posture entrepreneuriale, c'est quand même un autre délire, on peut le dire. Et malgré le fait, par exemple, moi, j'ai quand même fait deux accompagnements avant où je ne peux pas dire que c'était top. Ça m'a quand même ouvert plein de questionnements possibles, justement, de manière d'imaginer mon entreprise. Et malgré tout, il faut être honnête, on n'est pas tous commerciaux dans l'âme, on n'est pas tous, je ne sais pas, marketeurs, etc. Et là, vraiment, c'est hyper intéressant d'avoir des gens dont c'est le métier qui sont là pour nous guider, pour nous dire ça, c'est top, ça, moins bien, ça, tu peux regarder par là. Et je pense que ça, c'est vraiment une espèce d'accélérateur pour nous. D'autant qu'au BDMMA, il y a deux sites, il y a celui de Bastille et celui de Féderme. Mais ça veut dire qu'on est systématiquement, même si on est des ateliers, on partage avec une personne. Ça veut dire aussi qu'au même étage, tu rencontres des designers, d'autres artisans, des maisons de mode, des bijoutiers. Antona Mangin fait du tissage de cheveux, Audrey, elle fait de la marqueterie de cuir et elle a tout un travail autour du matériau souple. Enfin, ce que je veux dire, c'est que forcément, il va y avoir aussi des possibilités de s'interroger à la fois sur qu'est-ce que c'est qu'être un entrepreneur, parce qu'on aura tous les mêmes problématiques de temps, d'argent, de commandes, etc. Et en même temps... potentiellement de travailler ensemble sur des sujets, soit vraiment de mener des projets ensemble, soit sur des trucs très bêtes. Pour Milan, j'ai fait un mobile pour présenter justement un des tissus que j'avais fait pour un éditeur. Un truc tout con, mais pour percer du bambou, moi, je n'avais pas du tout les outils. J'avais une dremel qui était trop lourde et ça éclatait systématiquement le bambou. Julia Bartsch, qui est au-dessus de moi, elle a des dremels hyper fines pour la bijouterie et elle m'a fait les trous en moins de 10 secondes. C'est-à-dire que là où avant, il aurait fallu que j'investisse dans du matériel, que j'aille chez le roi Merlin trouver la bonne mèche, etc. Là, en 10 secondes, juste en en parlant, c'était réglé. À côté, elles m'ont posé le billet. Enfin bref, c'est des échanges qui permettent aussi d'aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite dans les créations. Trop bien.

  • Speaker #1

    Tu as bien vendu ces ateliers partagés et le BDMMA.

  • Speaker #0

    Le seul problème, c'est que ça ne dure que deux ans et qu'après, il faut trouver un autre atelier.

  • Speaker #1

    Oui, mais tu vas trouver. Ce qui est trop cool, c'est que des opportunités comme ça, il y en a de plus en plus.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est clair, il y en a vraiment de plus en plus. Et on voit bien aussi qu'il y en a plein des anciens résidents qui ont continué à occuper des lieux ensemble. Parce que quand il y a des affinités qui se font après, ça dure dans le temps aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et... ou d'innovation pour atteindre ton objectif.

  • Speaker #0

    Je m'en étais notée deux, mais... Peut-être qu'on peut se concentrer que sur Adachi. C'est un décor panoramique que j'ai dessiné pour la maison Casamance. Typiquement, j'en ai parlé un tout petit peu avant parce qu'il m'avait donné juste comme thème jardin japonais, ce qui était quand même très, très large. Et c'est un décor que j'ai présenté justement aussi à Milan. C'était intéressant de le présenter parce qu'il y avait cette démarche de recherche qui était hyper marquée, qui est quand même... présente dans l'ensemble de mon travail, c'est-à-dire qu'à chaque fois, je te l'expliquais en amont de l'enregistrement, mais à chaque fois que je vais imaginer une collection, un thème, un décor, moi j'ai besoin de me dire, ah bah tiens, quoi ça me fait penser, qu'est-ce que ça raconte, comment il faisait avant, enfin j'en sais rien. Ce qui donne des fois des recherches très drôles sur Google. Mais là, typiquement, le jardin japonais, il y avait un peu ce travers de se dire je peux faire un jardin sans me renseigner du tout et ça sera forcément un peu cliché, peut-être un peu naïf aussi. Et je n'ai rien contre la naïveté, au contraire. Mais je pense que quand elle est là, il faut savoir pourquoi elle est là. Est-ce qu'on a gardé ou pas de naïveté, finalement ? Et du coup, c'est quand même un panoramique pour lequel j'ai fait deux propositions au départ. Et j'avais vraiment imaginé un jardin clos, plus jardin de maison de thé, ce genre de choses, donc très lié à l'architecture, avec une composition hyper forte liée au claustra. Et un autre qui était un jardin ouvert, plutôt dédié aux éléments, avec ce système eau, sable, ciel. et ça je n'aurais pas pu le défendre avec autant de ferveur que si je n'avais pas été à la bibliothèque Forney justement qui a quand même un rayon autour du jardin qui est assez conséquent et typiquement c'est un dessin pour lequel j'ai fait à la fois des recherches sur comment on imagine le jardin au Japon qu'est-ce que ça représente en termes de symbolique quels sont les végétaux qu'on y retrouve c'est-à-dire que je n'ai aucun problème à mettre une fleur qui n'aurait pas lieu d'être à condition que je sache pourquoi moi je l'ai mise voilà donc il y a plein de petites choses comme ça et là pour le coup il y a eu... Je pense quasiment une bonne semaine de recherche, ce qui est rare quand même sur un seul dessin, mais parce que c'était un sujet dont je voulais pouvoir m'emparer pour pouvoir le peindre et le défendre sans avoir à rougir. Et aujourd'hui, je suis hyper heureuse quand je le présente de la sorte en disant que c'est vraiment mon regard d'occidentale sur ce que peut être le jardin japonais. Donc du coup, ce que j'en ai compris, ce que j'en ai entendu, en sachant qu'il y aura forcément des inexactitudes. Et que... Et que c'est pas grave parce qu'au final c'est aussi une manière de l'imaginer, de le fantasmer. Il y avait un, je ne retrouve pas le nom de la nana qui avait écrit ce livre, mais il y avait tout un livre, je me souviens très bien de la couverture par contre, verte et rose avec un grand rond. Et c'était hyper intéressant parce qu'elle détaillait dedans à la fois la symbolique propre à chaque jardin, sur les compositions, en disant bah voilà si les rochers sont comme ci, c'est parce qu'on a voulu dire ça, ça, ça. Ça, ça signifie plutôt la terre, ça signifie plutôt la montagne, etc. Et moi je trouvais ça... Hyper drôle parce que donc là elle en fait une analyse détaillée alors que moi c'est une analyse plus émotionnelle en me disant c'est marrant parce que moi quand je dessine cette grande bande blanche sur le décor pour moi c'est du sable ça a un peu cet effet un peu grève sur le bord de l'eau et du coup se dire qu'au final ça rappelle quelque chose qui est quand même préexistant dans leur manière de composer les jardins ça tend vers une espèce d'universel qui est aussi hyper touchant de se dire bah tiens C'est drôle parce que justement, moi, je trouvais que ça, ça faisait ça. Et tu dis qu'ils ont parfaitement réussi finalement à te faire sentir cette notion du vide, du plein, cette manière d'avoir des allées où tu as l'impression que tu peux comme ça naviguer. Et donc ça, pour le coup, c'était à la fois des recherches. Donc la première, vraiment recherche, documents iconographiques, tous les écrits autour de la symbolique du jardin, sur les espèces qu'il y avait dedans. Et après, du coup, c'est aussi une recherche plastique puisque c'est bien joli, mais une fois que tu as ça, tu n'as toujours pas vraiment ton décor. Et donc à partir de là c'est de se dire bah ok si ça ça doit être vraiment avoir cette légèreté que peut avoir le ciel, l'air frais etc. Bah moi qu'est-ce que je vais utiliser comme peinture, qu'est-ce que je vais utiliser comme teinte. Et du coup j'ai choisi de travailler sur des glacis donc c'est des couches très transparentes qu'on va accumuler. Donc je pars d'un fond foncé et après je vais faire des couches plus claires. Et donc une première, une deuxième, une troisième, à chaque fois ça sèche entre les deux. J'applique, je frotte, j'applique, je frotte, j'applique, je frotte. Et forcément, tu as quelque chose comme ça d'un peu vaporeux, où les contours ne sont pas complètement nets. Et ça participe justement de la symbolique générale que j'avais recherchée dans cette première recherche qui était plutôt documentaire.

  • Speaker #1

    Très intéressant, mais en effet, quand je t'ai posé la question, je me suis dit, mais en fait, tu fais de la recherche pour tout. Tu me racontais que tu as une collection qu'a développée Jardin Parisien. où tu t'es donné des thèmes et tu avais Jussieu dans mes souvenirs, Montmartre.

  • Speaker #0

    Oui, parce que je pense que les mots, on l'a compris, déjà le fait que j'ai trouvé moi les mots qui me parlaient, je pense que c'est hyper important dans ma démarche créative. Et je le disais tout à l'heure, les collections que je fais, effectivement, je m'invente un thème et je me dis, ah bah tiens, c'est toujours un peu la même construction. Je me dis, si je devais imaginer un petit dessin, ce qu'on appelle les petits dessins, c'est des dessins avec des raccords en dessous de 72 qui vont être utilisés, je ne sais pas moi, pour faire du jacquard, des textures, des choses comme ça. Ça veut dire quoi en dessous de 72 ? 72 de large, pardon. 72 centimètres. C'est en ameublement. Les raccords ont tendance à être assez grands pour qu'on ne voit pas trop la répétition. En fait, plus en plus on est luxe et plus les raccords sont grands. Mais l'idée, c'est de ne pas voir trop la répétition pour que justement l'œil puisse naviguer dans le décor sans avoir l'impression qu'on ait un rythme trop marqué. Alors que pour ce qu'on appelle les petits dessins, c'est un peu étrange comme terme, mais ça va plutôt être des granités, des faux unis, des choses où le dessin est moins perceptible. et qu'on va utiliser du coup pour du tissage, des broderies, mais des broderies sièges, donc des choses quand même assez denses. Enfin voilà, des imprimés, mais pareil, où ça va être plus petit. L'idée, c'est que ça se fonde un peu plus et que ce ne soit pas trop marqué. Alors que... Du coup, quand je crée une collection, je vais me dire, il me faut un petit dessin. Avec ça, je vais lui imaginer un grand dessin qui va avec. Comme ça, qu'est-ce qu'on pourrait mettre au mur avec ? Et puis, si je devais faire un dessin un peu intermédiaire, donc sur un grand raccord, mais quand même qui puisse vivre à la fenêtre, voilà ce que je vais faire. Et ça me permet comme ça d'avoir quatre, cinq, six dessins. Puisqu'en général, je vais jusqu'au panoramique, qui fonctionnent ensemble et en même temps qui peuvent vivre. indépendamment les uns des autres, puisque je ne sais pas à qui je vais les vendre, donc le but, ce n'est vraiment pas qu'ils soient trop liés, et qu'après, je sois bloquée si j'en vois un et pas les autres. Et du coup, ce travail de recherche que je fais, justement, c'est de se dire, ok, ça, c'est mon histoire générale. Mais après, typiquement un jardin parisien, qu'est-ce que c'est ? Ah bah moi, le jardin parisien, je te racontais je crois l'histoire de Pont-Neuf, donc en me disant, petite, moi j'adorais quand ma grand-mère m'emmenait sur les oiselleries du Pont-Neuf, où il y a aussi ce marché aux fleurs, et c'était de se dire, moi j'adorais ce côté hyper foisonnant, où tout était un peu, je sais pas comment c'est maintenant, mais à l'époque les pots étaient sur des espèces de stèles, un peu en hauteur, l'idée c'était d'occuper vraiment tout l'espace pour avoir... une espèce d'espace de vente maximum. Et donc, il y avait cette idée d'aller rechercher comme ça, à la fois des souvenirs et à la fois une écriture qui est hyper art moderne, avec des collages, plutôt à la Jane Harp, en me disant, c'est aussi l'époque. Et donc, Paris en 1920, ça doit être ça. Loisellerie en 1920, c'est aussi... Moi, j'adore la photo, donc c'est aussi d'aller se dire, tiens, dans les années 30, dans les années 50, etc. Quelles sont les images comme ça qui me reviennent un peu spontanément ? Et tout ça, ça me fait une espèce de... map mind d'un thème et ça me permet de faire des dessins qui sont un peu à l'abri des tendances aussi et qui vont quand même raconter quelque chose à peu près à tout le monde. Oui,

  • Speaker #1

    parce que tu me disais que les tendances, t'as tout intérêt à ne pas t'y tenir parce que le temps que ce soit développé, ce ne sera déjà plus une tendance.

  • Speaker #0

    surtout là sur de l'ameublement je peux vendre un dessin maintenant ça se trouve il sortira que dans 3 ans soit parce que l'éditeur qui me l'a acheté il a eu un coup de coeur pour le dessin mais au moment j'en sais rien j'ai vendu un dessin d'inspiration Amérique Latine et en fait en ce moment il fait une collection d'inspiration Eskimo bon bah évidemment que ça va pas rentrer dedans donc il faudra attendre la prochaine ça peut être ça, ça peut être il a pas trouvé la bonne qualité ce qu'on appelle la qualité c'est le support sur lequel soit ils vont broder, imprimer etc et dans ces cas là c'est pareil c'est pas parce que le dessin est mauvais parce que c'est pas le bon moment. Et donc, si je suis trop marquée sur la tendance, ils vont l'abandonner. Et moi, j'ai tout intérêt à ce qu'il sorte, puisque j'ai travaillé pour, etc. Donc, si je veux que ça fasse vivre aussi l'actualité de l'entreprise, je pense que c'est important d'avoir des dessins comme ça qui tendent quand même vers quelque chose de plus grand. Et aussi parce que je te disais tout à l'heure que contrairement à la mode où un dessin va vivre, je sais pas, une saison, deux saisons, si vraiment ça a été une espèce de best-seller, en ameublement, c'est pas le cas. Tant qu'un dessin se vend, Il reste en collection. Le jour où, par contre, sur deux saisons, rien n'est sorti, bon, là, il saute et c'est un peu normal. Il peut être un peu marqué dans son temps, mais il y a tout intérêt quand même à faire des dessins qui sont un peu hors du temps. Puis, je pense que ça correspond aussi à une certaine notion de l'art décoratif où il y a autant d'architectes et de décorateurs que de styles particuliers. Et donc, un dessin qu'on aurait imaginé pour une situation peut très bien vivre dans une autre à partir du moment où on lui offre un contexte qui lui convient. Mais du coup, ça, c'était la recherche vraiment sur la recherche. tel que je l'imagine, mais je crois que dans ta question, il y avait aussi un truc lié à l'innovation. Et ça, je pense que c'est une question aussi qu'on peut aborder rapidement parce qu'il y a une manière d'imaginer. En tout cas, moi, je me dis, la peinture, c'est quand même quelque chose qui existe depuis, je ne sais pas, la nuit des temps. Et on peint sur les murs depuis hyper longtemps. Donc, en termes d'innovation, je ne sais pas forcément ce qu'on va apporter maintenant. Si on parle d'innovation stricto sensu, ça a lié à la technique. Par contre, ce qui est sûr, c'est que je te... Je le racontais tout à l'heure, mais par exemple, pour faire un décor panoramique, moi j'ai mis en place des process de production. C'est la première fois qu'on s'est rencontrés où je me suis dit, en fait c'est ça mon niveau d'innovation, puisqu'en en parlant, je n'avais pas forcément pris conscience que c'en était une, mais les décors panoramiques, la manière dont je les imagine, je les imagine vraiment comme on imagine un décor pour du cinéma d'animation. C'est-à-dire qu'au lieu de le peindre une seule fois, comme on peindrait une très grande toile, je vais imaginer peindre le fond, le second plan, le premier plan, puis tous les détails sur des formats séparément. Et c'est ça. Cette logique de production, ça m'a quand même permis d'aller encore plus loin dans le sur-mesure, puisque après on peut changer, une fois que c'est renumérisé et remonté, ça permet quand même d'aller très loin sur, tiens je voudrais changer la coloration, mais juste de cette partie-là, de cette branche-là, de cette fleur-là. Et ça je pense que c'est aussi quelque chose qui est assez nouveau pour les artisans, c'est de se dire que l'outil informatique il n'est pas là. contre la main ou contre le geste, mais il peut vraiment accompagner et de plus en plus. Moi, je dis que ça fait partie du geste du dessinateur, puisque quand je vais détourer les éléments, je fais super attention à garder la finesse que j'aurais eue au moment de la peinture. Donc, si ma brindille, elle est très fine, je fais super attention de détourer de manière très, très fine, en gardant vraiment ce côté crénelé. S'il l'est, par exemple, sur un tronc, c'est jamais parfaitement droit ou parfaitement lisse. Imaginez comme ça des décors à la fois en pièces... taché et en même temps du coup il y avait une logique un peu productiviste où moi je suis quand même seule à l'atelier il m'arrive de prendre des stagiaires mais on peut pas déléguer sur des temps trop courts ce genre de décor qui quand même doivent faire transparaître ma main, mon identité, etc. Et dans ces cas-là, du coup, imaginez justement toutes ces pièces séparées en amont avec un petit tableau de production en disant, ben voilà, lui, il aura telle patine de fond, lui, il aura telle teinte, etc. Donc, ça permet de préparer toutes ces couleurs d'un coup. Ça permet aussi de, comment dire, si jamais je dois m'arrêter dans une tâche, de savoir exactement où j'en suis, puisque je peux cocher en disant, ben ça, ça, ça, tous les dessins sont faits, ça, ça, ça, tous les calques sont OK. Et donc, du coup... Imaginez ce logique, ça permet à la fois de gagner en temps, et du coup c'est mieux quand même pour nos tarifs journaliers, et aussi en sérénité puisque d'un seul coup, je n'ai plus à me dire, je n'arrive pas à retrouver la teinte que j'ai faite il y a trois semaines. C'est dans des petits bocaux, c'est pris en amont, enfin voilà. Et ça va permettre vraiment de garder une espèce de garantie que ça soit proche de la maquette vendue.

  • Speaker #1

    C'est vrai que tu m'as montré des projets, tes fiches projets, elles sont hyper cadrées, elles sont hyper carrées. Moi je trouve ça impressionnant et je pense en effet que ça fait partie du métier. Et... Je suis complètement d'accord avec toi sur le concept de c'est innovant, parce que tu as un peu une réflexion industrielle, mais tout en gardant de l'artisanat. Alors moi je disais, mais est-ce que ce n'est pas l'industrie qui s'est inspirée de l'artisanat ? Parce que je ne vois pas pourquoi les artisans, ils n'auraient pas avant l'industrie cherché à optimiser leur production. Tu vois, c'est clair que quand chez Histoire d'Artisan, on parle d'innovation, elle peut être hyper large, et en effet, l'innovation sur les procédés de production, il y en a qui disent ça n'en est pas pour moi ça en est à partir du moment où ça te permet de mieux vivre et ça te permet de faire un métier qui t'intéresse vraiment où toutes les tâches les moins intéressantes sont potentiellement optimisées enfin voilà moi je suis archi d'accord avec toi sur le concept de ça

  • Speaker #0

    c'est de l'innovation et en plus ça boucle parfaitement avec William Morris dans l'épisode 1 tout à fait c'est quand même clairement son positionnement et ouais c'est évident que bien imaginer le projet en amont C'est garantir aussi à ma posture d'artisan une vraie sérénité, parce qu'il faut quand même reconnaître qu'en tant qu'artisan, il y a l'expertise, mais il y a tout le reste qu'il faut gérer à côté. Ils ont été plusieurs dans le podcast à le dire, mais je pense que personne ne se rend compte à quel point il faut tout être. Il faut être le bon communicant, il faudrait être un super comptable, il faudrait être hyper au taquet sur les questions juridiques. Et en fait, il y a un moment si, en plus de tout ça, et en plus du travail qui est vraiment celui de la collection et du sur-mesure, Il faut rajouter une espèce de charge mentale hyper pressante de dire je ne me souviens plus de ma coloration que j'avais faite pour teindre le fond, est-ce que j'avais mis 2 grammes de terre de sienne ou 3 ? Ce n'est pas possible. Ça demande après un effort qui est presque un peu idiot quelque part, puisque c'est quand même prendre un risque de décevoir le client, de ne pas être en mesure, ou même de se décevoir soi-même, de ne pas être en mesure de retrouver exactement ce qu'on avait trouvé au départ. Alors qu'en produisant comme ça, c'est ce que je te disais aussi, c'est que c'est une technique que j'ai vraiment mise au point pour les très gros décors où il y a beaucoup de détails et qu'évidemment que sur des projets plus petits, ça ne va pas forcément avoir lieu d'être. Mais en tout cas, de l'imaginer comme ça, c'est aussi garantir qu'on puisse aller au bout d'un projet sans trop trop s'épuiser et encore, ça peut mieux. On peut quand même... Et encore. Et encore, puisque... Je le disais, il peut m'arriver aussi de faire des très grosses journées pour arriver au bout. Mais justement, si malgré ça, j'arrive encore avec des très grosses journées, ça veut bien dire qu'on ne peut pas passer à côté d'une organisation qui va permettre quand même d'alléger la construction du décompte. Sous-titrage ST'501

  • Speaker #1

    Et quels sont tes projets futurs ? Qu'est-ce que tu aimerais développer ?

  • Speaker #0

    À la limite, il y a deux choses sur les projets futurs. C'est que là, moi, c'est quand même... Je ne sais pas trop si j'ai le droit de le parler. Donc, je ne vais pas dire avec qui je travaille, mais j'ai un projet avec une architecte. Et c'était une architecte dont j'adorais le travail. Donc, méga heureuse de travailler sur ce décor. Et donc, c'est un projet global. Mais dans ce projet, il y a un décor de 8 mètres de long. Donc là, typiquement, je vais mettre en place quand même, dès que la maquette sera validée, Une logique de production derrière pour être sûre de ne pas oublier un petit élément dans un coin qui ne serait pas peint, du coup. Et donc ça, ça va m'occuper encore quand même pendant un moment, puisque l'air de rien, on n'imagine pas un projet de 8 mètres de long comme un projet de 36 centimètres de long. Il y a un tout petit peu plus de matière à fournir. Donc ça, c'est plutôt mes projets futurs et c'est quelque chose... qui va rejoindre mes envies futures, puisque j'ai beaucoup parlé des éditeurs aujourd'hui, mais il y a quand même cette ouverture depuis une bonne année à un marché plutôt avec des architectes et des décorateurs. Et ça... À la limite, c'est ce que j'ai envie de développer. Je n'en ai pas parlé avant, mais en octobre dernier, je participais à un salon qui s'appelle les Rendez-vous de la matière, qui est vraiment un salon qui est dédié justement à la présentation de matériaux ou de savoir-faire particulier sur un public, pour un public architecte, décorateur, mais aussi des grosses maisons, je ne sais pas, Louis Vuitton, Van Cleef, enfin ce genre de...

  • Speaker #1

    Qui d'ailleurs est organisée par le magazine Archistorm.

  • Speaker #0

    Exactement. Et du coup, ce salon, ça a été vraiment pour moi l'occasion de faire des pièces que je n'aurais pas eu l'occasion de faire si je n'étais pas rentrée dans cette logique de présentation de mon métier, avec quand même cette idée que ce salon, il est super, mais c'est des petits stands. Et on ne dit pas exactement la même chose de son métier sur 2m² que sur 10. Et donc, ça voulait dire qu'en très peu de temps, sachant que c'est un salon qui est hyper visité, il fallait qu'on puisse comprendre que, justement, je ne fais pas que du papier peint, même si j'en fais beaucoup. Je ne fais pas que du décor panoramique, même si pareil, j'en fais beaucoup. Et qu'en soi, moi, j'ai qu'une hâte, c'est qu'on m'interroge aussi sur d'autres... Et c'est déjà bien, finalement, bien lancé, mais qu'on m'interroge aussi sur d'autres supports. Et à l'occasion de ce salon, j'avais imaginé un projet que j'avais appelé Dialogue et où c'était un dessin. qui était un peu la mascotte de ma participation. Donc j'avais fait mes invitations, mon catalogue. C'est un dessin qui revenait un peu ponctué de ma participation et que j'ai proposé à trois studios de venir réinterpréter au vu de leurs matériaux de prédilection. Et du coup, j'ai interrogé Studiolaire, qui fait de la lave-émaillée en centre-Bretagne, Larsen, qui est un éditeur de tissus d'amablement, qui a fait une broderie, qui normalement ne fait pas de sur-mesure, mais qui se sont prêtés à l'exercice justement dans ce cadre-là, et Audrey Bigouin, qui est aussi résidente aux Ateliers de Paris, avec laquelle j'ai fait une marqueterie de cuir. Et l'idée, c'était de se dire que ce même dessin, il pouvait avoir vraiment des vies très, très différentes en fonction de comment on allait le traiter. Et justement, ça a donné lieu à plein de discussions passionnantes, en se disant, tiens, là, le feuillage, il est comme ça. nous on va faire un brossé parce que l'émail sur la lave va réagir comme si, comme ça, on va boucher à tel endroit. Ou au contraire, Audrey elle s'est dit, les feuillages ce serait trop bien qu'ils sortent, parce que c'est du cuir, c'est souple, on peut. Et ça c'est vraiment un travail que j'ai envie de continuer, et j'ai qu'une hâte, c'est d'avoir vraiment des partenariats comme ça. Parce que là c'était quand même de l'échantillonnage, mais non du coup sur des grands projets, où je vais pouvoir justement faire vivre ces dessins au vu d'un autre matériau. Et donc si on peut, je sais pas, si on refait une marquée très cuir, mais que je peux repeindre sur le cuir. Enfin voilà, il y a des discussions comme ça, on se dit, mais c'est hyper intéressant, parce qu'on peut aller super loin dans ce que raconte le dessin original. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ce que tu racontais sur l'histoire des peintres ornemanistes dans l'épisode 1, c'est que justement, ils faisaient des dessins pour des vitraillistes, pour... de nombreux métiers et collaborer aussi avec des vitraillistes et je pensais à César évidemment, il faut que tu le contactes donc César Bazar qui lui justement collabore avec des gens qui font des dessins, ça a du sens et c'est clair que c'est génial même de voir qu'un même dessin en fonction de comment il est interprété et de quel matériau est utilisé il va avoir des aspects complètement différents

  • Speaker #0

    Ouais et puis ce qui était très drôle, je te recherche encore la main, c'est que sur le salon il y avait vraiment ces trois échantillons qui étaient placés les uns à côté des autres. Et tu sentais, il y avait beaucoup d'architectes, des décorateurs, etc. Et quand ils passaient, il y avait vraiment leur préféré et c'était hyper marqué et ce n'était jamais le même. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas une production qui était meilleure, c'est juste que ça racontait quelque chose de leur propre projection qui était hyper belle. Puisqu'il y avait vraiment ceux qui arrivaient et qui disaient mais cette broderie, mais c'est super, cette main, etc. Et puis tu avais celui d'après qui disait oh ! Mais la lave, mais la profondeur, parce que c'est un peu vitrifié comme ça. Et du coup, ce qui est intéressant aussi, c'est de se dire que ce n'est pas parce qu'on imagine au départ un dessin sur un support qu'il doit finalement rester comme ça, très sage. C'est vraiment, je pense, moi j'aime bien imaginer le décor comme une fenêtre et donc c'est une manière de projeter autre chose, un autre environnement, d'autres profondeurs. Et ça, j'avoue qu'il y a des manufactures avec lesquelles je rêverais de travailler parce que je me dis... mais si on l'utilisait tel fil ou comme ci ou comme ça aussi parce que j'ai eu un jour j'ai eu ce poste un jour de dire ah bah tiens on pourrait utiliser plutôt tel armure ou tel montage et c'est resté enfin maintenant j'ai envie de le voir vivre les dessins sur d'autres environnements trop bien,

  • Speaker #1

    on te le souhaite et on a hâte de voir ça on arrive au mot de la fin Lucille, qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier qu'il y en ait plus peut-être ouais ça c'est évident on est quand même pas très nombreux

  • Speaker #0

    et pas très nombreuses parce que je pense qu'on est plus de filles quand même. Alors qu'on soit plus volontiers. Après, moi, je pense que c'est surtout aussi une question de... J'aimerais bien qu'il y ait une plus jolie mise en lumière, c'est-à-dire... Là, avec les décorateurs, c'est plus facile. Souvent, ils demandent de signer le décor. Ce n'est pas forcément vrai avec les éditeurs et les manufactures. Je pense que c'est important aujourd'hui de le faire parce que reconnaître qu'un artisan est passé par là, ce n'est pas un aveu de faiblesse. Au contraire, c'est de dire qu'il y a eu un discours derrière, il y a eu un dialogue, il y a eu une rencontre. Et moi, je pense que c'est passionnant. Quand même, c'est de se dire qu'à un moment donné, même des grosses entreprises, elles vont chercher une vision particulière et même des visions particulières, puisque ces maisons, elles travaillent avec plein d'autres dessinateurs. Et donc, du coup, je pense que la reconnaissance et le droit à la signature, il est important aujourd'hui pour que chacun puisse vivre finalement de son métier pleinement. Et après, du coup, je trouve que ça devrait permettre aussi finalement une certaine exigence, puisque je pense qu'il y a des choses qui, des fois, qui sont en termes de qualité, qui peuvent être assez variables. Et quand on signe... Un travail, en général, c'est qu'on l'assume, on y met une partie de sa personne, on affiche une partie de sa personne. Et je pense que c'est aussi un gain pour tout le monde d'avoir comme ça une espèce d'exigence dans ce qu'on raconte, pourquoi on le fait. Je pense qu'il n'y a rien de pire pour moi que des gens qui vous disent Ok, on a trouvé cet archive, on voudrait que vous refassiez la même Ben non. Enfin, en tout cas, pas moi. Et ça, je pense que ça ne peut plus se faire si derrière, on signe. Puisqu'après, il y aurait une espèce comme ça d'éthique qui serait forcément ébafouée et en même temps mise au grand jour. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh bien, je pense que c'est le souhait de beaucoup d'artisans. Et moi, j'avoue que, pareil, je vais parler de mon côté market, mais mon côté marketing ne comprend pas pourquoi les entreprises ne parlent pas de l'artisanat français. Parce qu'en fait, aujourd'hui, c'est sexy. Ça fait partie du storytelling de dire, cette pièce, elle a été créée dans un atelier parisien, elle a été réfléchie comme ci, comme ça. Et... Et je sais pas, il y a un truc de se dire non mais il faut laisser du mystère. Non, enfin oui, surtout que tu peux laisser du mystère. Genre c'est pas parce qu'on parle d'un artisan qu'on sait exactement tous les détails du projet. Mais il n'empêche qu'il y a à chaque fois des histoires à raconter et moi je déplore le fait que les entreprises qui font appel à des artisans, les architectes qui font appel à des artisans, ne se disent pas que c'est hyper intéressant d'utiliser cet argument en tant qu'argument marketing en disant bah c'est du bienfait, c'est du beau. C'est du local, c'est du bien-pensé. Il n'y a pas mieux que l'artisanat pour défendre ces valeurs-là. Et je ne comprends pas pourquoi ce n'est toujours pas dans l'esprit des marques. Oui,

  • Speaker #0

    et puis en plus, on sent qu'il y a quand même un changement. Il faut quand même avouer qu'il y a un changement. Il y a des maisons qui s'y mettent. Des fois, c'est encore un peu frileux. Ils le font un peu, mais pas trop. Mais en tout cas, il y a une volonté. On voit de changer. Mais on voit bien aussi que ce sont des fois des grosses machines. C'est-à-dire que... entre le studio de création, la partie marketing, la direction générale, les commerciaux, les showrooms. Au final, tout ça, c'est un écosystème aussi à part entière. Et des fois, je pense que c'est difficile de faire bouger des machines entières. Mais si on y arrive, on est à tout ça et gagné, mais aussi bien eux en tant qu'entreprise. que nous en tant que dessinateurs. Et quand je dis dessinateurs, c'est pas que ça. Typiquement, mes dessins, ils vont être imprimés sur des tissus d'amablement, donc ils vont être aussi utilisés par des tapissiers. Je trouve que c'est exactement... Pour le coup, c'est même au-delà de mon métier. Je pense que citer le tapissier, c'est aussi bien que citer la personne qui a fait, je sais pas, le vase justement dont je te parlais sur un shooting, etc. Donc je pense que c'est important parce que nommer, c'est aussi reconnaître qu'on travaille ensemble et c'est plutôt une force. Il n'y a pas trop de... Enfin, je sais pas, je vois pas trop en quoi ça serait honteux.

  • Speaker #1

    Justement, en t'écoutant, je me disais, en fait, je ne pense pas que c'est honteux. Je pense que je vais prendre l'exemple de la mode et du luxe. Je pense qu'en fait, si tu donnes tes noms, tu as peur de te les faire voler.

  • Speaker #0

    Oui, mais en même temps, c'est un peu hypocrite parce que, par exemple, quand je présente mes collections, tout le monde, il y a vraiment cette petite blague de Vous n'allez pas chez un tel juste après ? Et à un moment, je dis Bah... Je l'ai vu hier ou je le verrai demain, mais vous savez, forcément, ce sont des tout petits écosystèmes. Et donc, c'est évident que je vois tout le monde. Et d'ailleurs, c'est devenu un peu une blague, mais n'empêche que c'est dit. Et donc, ils savent qu'on se voit, etc. Et d'ailleurs, quand ils disent Oh, on a vu votre dessin sortir chez... Et donc, du coup, je trouve que c'est très hypocrite de dire Oui, ça serait pour protéger une espèce de secret de fabrication. Alors qu'au final, plus on grandit dans les métiers d'art et plus on se rend compte aussi qu'on se connaît tous. Et que du coup, on va forcément finir par savoir qui est le tapissier de tel fauteuil sur tel hôtel ou sur tel shooting. À Milan, j'ai été hyper étonnée et touchée aussi parce que, justement, en présentant le fameux décor jardin japonais qui s'appelle Adachi chez Casamance, il y a des galeries qui sont venues me voir en me disant Ah, mais nous, on est la galerie qui avons prêté la commande pour tel shooting ! Ah, mais... Et en fait, c'était hyper touchant parce qu'ils étaient... heureux de faire communauté aussi. Et donc après, on s'est rencontrés parce que justement, on avait été à un moment donné, sans le savoir, sur un même espace. Et donc, comme quoi, on se rencontre forcément et on se connaît forcément. Je trouve que l'argument de préservation d'un nom ou d'un fonctionnement, il est un peu obsolète.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et puis surtout, si on ne communique pas pour surtout que la personne n'aille. pas voir ailleurs et ne travaille pas avec le concurrent. Ce que tu fais, c'est que tu fais de cette personne une personne dépendante des projets qu'elle te donne et donc potentiellement mourante. Et c'est d'ailleurs ce qui s'est un peu passé avec Chanel et toutes les maisons qu'elle a rachetées. C'est qu'en fait, elle les a fait travailler pendant des années et elle n'avait pas le droit de communiquer sur les projets qu'elle faisait avec Chanel. Elle n'avait pas le droit... Je n'ai pas les détails, mais en fait, Chanel a racheté ses maisons. Mais potentiellement, elle n'aurait pas dû aller racheter si elle leur avait permis de communiquer dessus et de communiquer sur les projets Chanel et de montrer ce qu'ils savaient faire. C'est un cercle un peu vicieux où tu veux garder un savoir-faire pour toi d'une entreprise qui va être dépendante de toi. Mais si elle ne va pas voir ailleurs, mon petit chat, elle va mourir.

  • Speaker #0

    Et puis vraiment, on l'a dit plein de fois, mais... Je pense qu'en plus, on se nourrit beaucoup des nouvelles expériences. Donc, se dire, ah bah tiens, je vais développer telle technique pour un tel, ça ne veut pas dire que tu vas aller la refaire chez un autre, mais ça veut quand même dire que, toi, ça te fait un outil de plus et peut-être que ça va permettre d'étoffer la technique, par contre, que tu déploies habituellement pour cette marque. Et tout ça, c'est pour ça que je trouve qu'il y a quand même une manière aussi de valoriser les échanges. Enfin, tout ça, c'est quand même aussi des histoires de rencontres et de personnes, des fois, qui ont eu un peu le culot de dire, même au sein de leurs entreprises, dire, hop, hop, hop, ça serait bien qu'on travaillait qu'un tel, ou, ah, j'ai vu ça, et je trouve que... Justement, même pareil, dans les entreprises, on a toujours l'impression que c'est une seule et grande entité. Mais il y a des directeurs artistiques qui sont absolument formidables, qui ont vraiment un œil, etc. Une appétence, une curiosité pour aller vers l'autre. Et c'est trop dommage que ce soit un peu comme ça éteint, parce que je suis persuadée que ça passionnerait autant leur public. que d'autres artisans et que potentiellement ça peut aussi leur proposer d'autres manières de voir leurs propres produits et franchement c'est tellement dur des fois quand on est salarié de trouver la bonne personne pour travailler sur tel projet etc alors que plus on en parle au final plus on se dit ah mais attends mais moi je connais quelqu'un qui fait ça qui fait ça qui fait ça et donc voilà je pense qu'il y a vraiment tout à y gagner bref il faut communiquer oui je trouve que c'est un très beau mot de la fin bah merci beaucoup Lucille merci merci pour ton temps volontiers merci de m'avoir ouvert ton atelier un jour férié

  • Speaker #1

    Même si je sais qu'il n'y a pas de jour férié pour les indépendants, et encore moins pour les artisans. D'ailleurs, vous êtes beaucoup dans le couloir, à être présent. Donc c'est bien la preuve que jour férié au pas, ça n'existe pas. J'ai eu mes parents aux téléphonières, et ils m'ont dit Bah alors tu fais quoi pour ces deux jours fériés, hein ?

  • Speaker #0

    Ben, je travaille, évidemment. C'est pas férié pour moi.

  • Speaker #1

    Tu sais que c'est la blague ? Mes parents n'osent plus me poser la question. C'est-à-dire que souvent, tu sais, il y a ce truc de... Allô, tu fais... Euh... Ça va ? Ils n'osent plus dire tu fais quoi, parce qu'ils savent que systématiquement, je suis à l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu fais quoi ce week-end ? Je suis à l'atelier. Et lundi, je suis à l'atelier. Et tous les jours, sur le jour de la semaine et du mois,

  • Speaker #1

    je suis à l'atelier. Mais ce n'est pas bien de rester autant. Je ne peux pas le conseiller.

  • Speaker #0

    Ce qui ne serait pas bien, c'est que tu partes en burn-out.

  • Speaker #1

    Non, bien sûr. Mais bon, clairement, on est tous ici des graines de burn-out. Donc non, non, c'est pas bien. C'est bien de le rappeler.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Lucille. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoireartisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

Description

Découvrez le parcours unique de Lucille Boitelle, peintre ornemaniste, qui transforme son amour pour les arts décoratifs en une pratique contemporaine. Lucille nous raconte comment elle a façonné son métier, passant par des expériences dans des maisons prestigieuses telles que Kenzo et Pierre Frey, avant de créer son propre univers. Au fil de la discussion, explorez les secrets de la création de motifs sur mesure, ses inspirations issues de la nature, du cinéma et des archives historiques. Découvrez également son processus innovant de production qui marie techniques traditionnelles et outils numériques modernes. Cet épisode plonge au cœur d'un savoir-faire rare, mettant en lumière la richesse des collaborations avec des architectes et des éditeurs renommés. Belle écoute pour un voyage immersif dans le monde fascinant de la peinture ornementale !


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.


Liens de l’épisode : 

Lucille Boitelle

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations

Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.

#artisanatdart #ornemaniste #ornement #décor  #peintreornemaniste #savoirfaire#peintreornemaniste #histoire #podcast #artiste


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier !

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Vous écoutez le deuxième épisode avec Lucille Boisthel, peintre ornomaniste. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire de la peinture ornomaniste. Dans celui-ci, Lucille nous raconte son parcours, sa rencontre avec son métier. et sa façon très moderne de le réaliser. Ben, écoute ! Bonjour Lucille, et merci de m'accueillir dans ton atelier. Lucille, tu es peintre ornemaniste. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier ?

  • Speaker #0

    Moi, c'est une rencontre qui est un peu particulière, parce que j'aime bien dire que j'ai rencontré mon métier alors que je le faisais déjà, puisque, comment je pourrais expliquer ça ? Ça fait 7 ans que je suis à mon compte. J'ai eu un premier parcours hyper... Pour le coup, je savais que ça serait dans l'art, donc j'ai fait tout le programme à rappliquer comme il fallait bien. Lycée, BTS, DSA en design industriel, en disant c'est bon, je serai un bon designer. Sauf que je quitte le master et je me dis, mais en fait, le design industriel, ce n'est pas du tout pour moi. Mais vraiment pas. Je me rends compte que vraiment, tous les stages que j'ai faits, etc., il y a un truc qui ne passe pas. J'aime la logique de la création de projet, mais je ne sais pas, il y a un manque. Et donc là, j'annonce à mes parents, après quatre ans d'études, que je repars en première année en textile pour leur plus grand bonheur. Et donc, je reprends un BTS et pas un autre DSA parce que je suis persuadée d'un truc, mais je ne sais pas encore quoi, mais que ça se fera par la matière. Et donc, je me dis, bon, peut-être que si je refais ce BTS textile, vu que j'ai déjà un parcours en design produit, il y a peut-être un moyen d'imaginer des textiles chez Quadrat dans ce genre d'entreprise. Donc, j'ai un peu cet objectif. Je sais que ça sera avec l'ameublement, mais je ne sais pas trop quoi. Et puis, la première année se passe. Je n'ai plus de cours généraux puisque j'ai déjà tout validé en amont. Et donc je n'ai que des cours d'atelier et dont la moitié où je suis toute seule puisque les autres forcément sont en cours. Et c'est un peu une grosse découverte. Je me rends compte que déjà je suis clairement plus fait pour la matière. J'ai quand même une appétence pour la couleur que j'avais sans doute avant mais qui se développe. Et à ce moment-là on me dit bah écoute la deuxième année ça sert peut-être à rien de rester ici. Est-ce que tu veux le faire en entreprise ? Et je rentre pour un an donc sur un stage long au sein de la maison Kenzo. Et là je rentre au print femme et je découvre une espèce de monde que je n'avais... Vraiment pas imaginé du tout, puisqu'on a l'impression que forcément, si c'est une grosse maison, il y a des grosses équipes, etc. Et à ce moment-là, au prix d'une femme, il y a une seule personne, et du coup, je suis son assistante. Et on travaille vraiment à faire des dessins de A à Z, toute la journée. Ça ne va pas, on recommence, on reproduit, on va rechercher des archives, etc. Et donc, à ce moment-là, je ne sais toujours pas exactement ce qu'est mon métier. Je ne me sens pas tout à fait designer dans le sens où ce n'est pas moi qui vais chercher des applications ou qui vais imaginer la structure d'un textile ou d'une broderie. Mais par contre, comment ça poindre en moi ce truc de il faut trouver une bonne histoire, il faut trouver un bon sens du rythme Il y a quand même des petites choses comme ça qui sont déjà marquées. Et quand je sors de ce stage, je rentre directement au sein de la maison Pierre Fray, qui est un éditeur de tissus et de papier-part dans l'ameublement, dans lequel j'avais déjà fait un premier stage. Je connaissais déjà les équipes et j'arrive et là, il y a quand même un truc où je me dis c'est marrant quand même ce truc de l'ameublement qui revient comme ça. Et de la même manière, je suis au studio de tissage puisque la Maison Pierrefrais a une usine dans le nord qui s'appelle Margrois et donc moi, je suis vraiment sur ce poste de création de dessin. pour du tissage. Et encore une fois, donc là, je vais y passer presque 5 ans, et il y a ce truc quand même, avec des petits mots-clés comme ça qui reviennent tout le temps, des arts décoratifs. Je me souviens que Monsieur Fréjot m'envoie emmener des échantillons chez Liègre, et là je découvre d'un seul coup un autre univers, on fait une visite chez Jacques Garcia. Enfin, il y a comme ça des choses où je me dis, mais c'est marrant, c'est quand même l'univers dans lequel moi j'ai envie d'évoluer, je découvre des choses qui me semblent un peu folles. Je ne sais pas exactement ce que je vais en faire, mais ce qui est sûr, c'est que je découvre aussi le travail d'archives et de Le dessin pas à la main, puisque au bout de notre bureau, il y a une porte qui ouvre vers les archives. Et là, tu as aussi bien des cartons du XVIe, du XVIIIe, du XXe siècle, des gouachés, etc. Et je me rends compte que la manière dont moi j'ai appris à faire du dessin au raccord pour faire du motif, elle est hyper sage et qu'il y a vraiment un truc dans la matière et dans la couleur que je peux retravailler. Et donc là, se passe quand même un premier shift dans ma vie, puisque du coup, je quitte cet emploi salarié pour dire Ok, je vais me lancer à mon compte pour faire ça. Je n'ai toujours pas ce fameux titre de métier qui est le mien maintenant de peintre ornemaniste. Et je pense que c'est vraiment une construction. C'est-à-dire que je ne me sens pas designer textile, je ne me sens pas illustrateur, je ne me sens pas tout à fait peintre. Mais ce qui est sûr, c'est que ma matière, c'est la peinture. que je raconte des histoires, et qui a une manière de s'inscrire systématiquement dans le champ des arts décoratifs. Et du coup, en faisant des recherches, c'est un peu ce qu'on expliquait dans l'épisode 1, c'est vraiment un travail de lecture, finalement, de curiosité aussi, d'aller chercher. Pourquoi moi je me sens pas tout à fait à ma place ici ? Que là je tombe un jour sur ce fameux terme de peintre ornemaniste et là je pense que c'est à ce moment-là où j'ai vraiment rencontré mon métier. Je pense que c'est le jour où j'ai pu le nommer, c'est la manière dont moi j'ai pu me l'approprier et d'un seul coup avoir vraiment un champ d'exploration qui était beaucoup plus libre.

  • Speaker #1

    Je t'imagine devant un bouquin en lisant la définition de peintre ornemaniste et de faire bah c'est évident

  • Speaker #0

    C'est vraiment ça.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi je t'imagine dans la bibliothèque Fornay et faire

  • Speaker #0

    Je trouvais ! Il y a un peu de ça. Il y a un peu Eureka quand même. Mais c'est aussi, tu sais, je pense que c'est un peu la même chose quand tu lis des choses, enfin même des trucs un peu idiots, un horoscope et que tu dis Mais c'est exactement ça ! Ils ont complètement raison. Mais c'est vraiment la manière d'un seul coup, quelque chose que tu pressens depuis longtemps. Prends forme parce que t'as le bon mot qui tombe au bon moment. Et que ce travail de recherche, je ne l'ai pas fait par hasard, je l'ai fait parce que j'avais déjà lancé mon activité, je n'arrivais pas à passer une espèce de palier de développement, mais à la fois en termes de chiffre d'affaires et à la fois en termes aussi d'esthétique, je sentais que j'étais un peu bloquée par moi-même. Et du coup, quand j'amorce ce travail de recherche, j'ai vraiment en tête de revoir finalement les bases de l'entreprise. d'imaginer ce que c'est mon territoire à moi. Et là, je tombe sur ce mot qui, d'un seul coup, me soulage d'une espèce de poids que je me traînais depuis, je ne sais pas, ça faisait déjà trois ans que j'avais l'entreprise, un truc comme ça. Et c'est quelque chose, justement, si on me disait Oui, mais vous n'êtes pas vraiment peintre. Chaque fois, moi, j'étais tétanisée. Je me disais Ah là là, mais il a peut-être raison. Et là, d'un seul coup, je me dis Mais non, mais c'est bon, en fait. C'est bien ça. C'est là où on se rend compte aussi de la puissance. que peut avoir juste le bon mot ou la bonne phrase au bon moment. Parce qu'en un seul coup, ça m'a donné juste la coquille suffisante pour après redévelopper d'autres choses plus personnelles dans ma peinture, etc. Et d'être un peu plus sûre de moi.

  • Speaker #1

    Je trouve ça rigolo parce que il y a de nombreux épisodes de podcast où finalement, on dit que l'étiquette peut faire du mal à un artisan. Et toi, au contraire, ça t'a fait du bien.

  • Speaker #0

    Ouais, et en plus, je pense que c'est parce que... Il y a aussi cette manière de... c'est l'étiquette que j'ai choisie dans le sens où je suis allée la chercher, j'ai eu besoin de me situer parmi mes contemporains, on va dire, et ou parmi mes collègues qui peuvent être plus peintres en décor ou plus dessinateurs textiles, etc. Et là, moi... Ma pratique, elle n'était jamais tout à fait la même que celle des autres. Et donc, ça m'a permis aussi de m'organiser par rapport à cet écosystème, finalement. J'ai beaucoup d'amis qui sont arrivés par l'artisanat après des reconversions et qui souffrent parfois d'un syndrome de l'imposteur qui est terrible alors que leur travail vaut autant que celui d'un autre. Et en même temps, moi, j'avais quand même tout ce parcours qui était normalement celui à peu près fait pour. Et ça n'empêche pas que si tu n'as pas trouvé la situation dans laquelle tu es bien, Tu peux quand même te sentir imposteur alors que t'as fait, à la limite, là quand même j'avais fait tout le parcours comme il fallait, etc. Et donc du coup, trouver le mot, c'est aussi s'autoriser finalement à dire ok, ça c'est bon, on peut passer à la suite. Et ça permet après de nourrir aussi les recherches de manière beaucoup plus large. D'un seul coup, une fois que t'as le mot, tu dis du coup, qui c'est qui était peintre ornemaniste à telle époque ? Et puis là, d'un seul coup, tu peux faire d'autres ponts et donc ça réouvre vers d'autres champs.

  • Speaker #1

    et c'est beaucoup plus agréable une fois que tu sais où tu cherches tu parlais des peintres en décor et des dessinateurs textiles quelle est la différence concrètement avec toi ton métier puisqu'on disait dans l'épisode 1 que tu pouvais faire ce qu'il faisait, quelle est la différence ?

  • Speaker #0

    Ouais, le peintre en décor, je pense que plus généralement, il va faire un travail in situ, c'est-à-dire le travail de fresque, le travail de tag-lag, de show, etc., de préparation du mur. Moi, ça, c'est quand même un savoir-faire que je n'ai pas, que je n'ai pas forcément souhaité en plus développer. A contrario, le dessinateur textile, il est plus souvent réputé pour justement ne travailler que. Pour l'industrie textile et éventuellement papier peint, papeterie, mais on est toujours sur des tailles de raccords qui sont quand même similaires. Et du coup, sur aussi une logique, on en parlait dans l'épisode 1, mais une logique de production et de distribution qui est un peu différente, puisque du coup, dans ces cas-là, il y a quand même, même pour ceux qui peignent à la main, une logique quand même de collection qui est beaucoup plus importante que ce que moi je peux faire, puisque moi j'ai des collections qui sont ridiculement petites. Puisque je mets tellement de temps sur un seul dessin qu'il serait impossible pour moi d'en sortir 100 à l'année, alors que, je ne sais pas, des amis qui vont faire Première Vision, ce genre de salon vraiment dédié aux dessins textiles, vont amener des collections où on est plutôt sur 100, 200, 300 dessins. Donc on est vraiment sur des logiques différentes et pas tant sur des savoir-faire complètement différents à la base, mais c'est juste une manière après de pousser plus ou moins certains curseurs. Très clair.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne transition pour la seconde question qui est quel est ton rapport avec ton métier aujourd'hui ? Comment tu le fais ? On en a déjà parlé, toi et moi, mais on ne l'a pas enregistré. Je sais quand même que tu as un rapport particulier à ce métier. Comment concrètement ça se passe avec une maison comme la Maison Pierre-Cré ?

  • Speaker #0

    Déjà, si on peut peut-être revenir un tout petit peu en arrière, c'est que moi, j'ai deux axes de travail. Il y a vraiment un travail de collection, donc là qui est plutôt un travail que moi je vais faire à l'atelier de mon côté, pour lequel je n'ai pas de cahier des charges. J'ai en tête des tailles de raccords qui sont des tailles classiques dans l'ameublement, mais en général. Je me donne des thèmes, je fais beaucoup de recherches à ce moment-là iconographiques, mais qui ne sont pas forcément justement liées aux arts décoratifs, pour éviter comme ça d'être un peu trop enfermée sur moi-même, mais je vais plutôt aller chercher des inspirations ailleurs. Donc, je ne sais pas, en botanique, en cinéma d'animation, enfin voilà, je vais aller chercher des choses ailleurs pour nous. pour découvrir ma propre pratique. Et cette pratique-là me permet de développer ces fameuses collections. C'est une à deux par an, en fonction du travail de commande. Et dans chaque collection, il y a une dizaine de dessins. Donc c'est vraiment des toutes petites collections, ce que je disais avant. Une fois que ces collections sont prêtes, je vais les présenter chez les éditeurs ou chez les architectes. Et c'est là où potentiellement ça va amorcer aussi un travail de commande, qui est vraiment mon deuxième axe, puisque c'est toujours des histoires de rencontres et de dialogues entre un interlocuteur et moi-même. Et donc du coup c'est... Je sais pas, ils vont me dire Ah bah tiens, on adore ce feuillage Est-ce qu'on pourrait imaginer un décor panoramique avec ça ? Ou ah, c'est marrant, vous avez fait ça Bon, la coloration ne nous plaît pas du tout Mais par contre, on se disait peut-être que vous pourriez nous imaginer Un dessin pour du jacquard dans tel coloris Enfin, voilà, à chaque fois c'est un sujet à discussion C'est pas forcément lié d'ailleurs au travail que je propose Mais en tout cas, le travail que je propose va éveiller chez eux Une possibilité pour faire autre chose Et donc du coup, dans ces cas-là, je suis assez libre Je pense que c'est un peu une chance aussi qui est liée à la fois au secteur et au fait que je fasse ça depuis plusieurs années. Mais même quand on propose un thème, par exemple, là, il y a un dessin qui vient de sortir chez Casamance qui s'appelle Adachi. Et le thème, c'était juste jardin japonais, ce qui reste quand même très, très large parce que ça peut être un jardin clos, ça peut être un jardin ouvert. Chez Fray, ils travaillent plutôt avec moi sur de l'achat en collection. Mais donc du coup, ce qui peut arriver, c'est qu'on me dise, ah bah tiens, on a acheté celui-là, mais est-ce que tu peux nous faire le petit frère ? Donc le petit frère, ça va être le raccord plus petit. Donc c'est pas le dessin lui-même, mais c'est plutôt un dessin complémentaire. Ça veut dire que s'il y en a un sur le canapé, on peut imaginer l'autre en papier peint. Enfin voilà, il y a des manières d'imaginer des univers comme ça. Après, avec chaque client ou partenaire, parce que du coup, par exemple, j'aime pas trop les mots concurrence, j'ai pas vraiment de concurrence. Il y a des gens qui font des métiers similaires, mais on a tendance à travailler plus tous ensemble que vraiment l'un contre l'autre. Et du coup, avec eux, voilà, on va évoluer comme ça en fonction de leur... aux besoins, de la manière dont moi je vais pouvoir m'intégrer dans un projet qui est déjà existant, ou au contraire, comment je vais pouvoir proposer une histoire nouvelle, mais c'est très large.

  • Speaker #1

    Donc tu as expliqué justement que finalement, si on rapporte un peu à ce qu'on peut connaître, tu as la proposition, je produis, j'ai en stock et je vends, et la proposition, je te fais du sur-mesure. Oui. Mais si on fait encore un pas en arrière, bon là, tu as expliqué comment tu travailles avec ton client. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu concrètement rends à ton client ?

  • Speaker #0

    Parce que du coup, c'est toute la problématique, c'est que moi, tout n'est pas à la main. Mais un client comme Pierre Frey, qui va avoir besoin de rentrer en édition, donc en collection, et de pouvoir en sortir du métrage, évidemment que je ne vais pas aller à l'usine et peindre 100 mètres de papier peint. Ce serait impossible à tenir. Et en plus, 100 mètres, je suis gentille, ça peut être bien plus. Donc, il y a une manière à un moment de numériser mon travail. de le repasser sur Photoshop, de le remonter, puisque du coup, ce qu'on appelle un raccord, c'est le fait que ça se répète à gauche et à droite, et pour un motif aussi en hauteur, du coup bas et haut. Et on va imaginer le raccord sur Photoshop et livrer ce fichier digital, sachant que pour l'éditeur, je livre en général et le fichier digital, et l'original qui va rentrer du coup en archive chez eux. À partir de là, il y a aussi une manière d'imaginer que ce fichier digital, il ne doit pas être une espèce d'ersatz. de la peinture, mais il doit être plutôt un prolongement, c'est-à-dire que dans la manière dont je vais le numériser, la manière dont je vais détourer les éléments. J'expliquais plus tôt justement que même, par exemple, pour faire un détourage, aujourd'hui, on imagine souvent que Photoshop serait une espèce d'outil absolu, on clique sur une baguette magique et ça fait tout. Enfin, c'est possible, mais ça sera cracra, alors que moi, j'ai besoin vraiment que le dessin qui sorte... ce soit le dessin que j'ai imaginé et que j'ai peint à la main donc si j'ai des traits de pinceau etc il faut qu'on les retrouve sur le produit final et si jamais par exemple on veut faire un tissage avec alors là on n'aura peut-être pas le trait du pinceau mais ça veut dire aussi qu'il va falloir les accompagner en disant bah voilà ça c'est la manière dont j'ai imaginé le dessin ça c'est sa version qui va vous permettre de le tisser donc en couleur pure où je vais faire la translation et ça c'est ce que je vous conseille pour garder vraiment l'essence du truc Et après, ils vont garder ou pas, puisque une fois qu'ils l'ont acheté, c'est aussi entre leurs mains et donc quelque part, c'est à eux de décider. Mais c'est quand même souvent des discussions aussi. On va faire en sorte de garder l'essence de l'histoire initiale.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tu me racontais que tu partais vraiment d'une histoire que quand ils te demandent un feuillage, tu leur dis vous voulez un feuillage d'été, vous voulez un feuillage qui raconte un ciel gris. Enfin voilà, tu...

  • Speaker #0

    Ouais, je pense que c'est hyper important dans mon travail. C'est vrai que je le dis beaucoup le mot histoire depuis le début sans l'expliquer, mais il y a plein de manières d'imaginer des motifs et je ne suis pas sûre qu'il y ait une bonne manière. Mais en tout cas, pour moi, pour faire ce métier dans la longueur et pas me retrouver avec une espèce de panne sèche comme ça un matin en me disant... J'ai pas d'idée. Le subterfuge que j'ai trouvé, c'est vraiment de me dire, ok, on m'a demandé des sols pleureurs une fois, ok, mais le sol pleureur, c'est quoi ? Pour moi, le sol pleureur, c'était celui qu'il y avait devant chez ma grand-mère, parce qu'il y avait ce bruit hyper particulier du vent dans les feuillages, etc. Du coup, c'est aussi des lumières d'été, donc d'un seul coup, ça ré-ouvre, et sur une palette de couleurs, sur une sensation de mouvement, sur une vibration un peu particulière. Donc ça veut dire aussi que dans mon choix de peinture, je vais aller chercher cette vibration, et ça me permet d'avoir des travaux qui sont quand même... à la fois toujours les miens, où on va pouvoir reconnaître ma main, et en même temps toujours différents, puisqu'il n'y aurait rien de pire que d'avoir un dessin chez un éditeur qui serait trop proche de celui chez un autre. Et donc du coup, quelque part, garantir une histoire à chaque fois nouvelle, c'est garantir aussi que les propositions, elles seront toutes les miennes, et en même temps toutes différentes.

  • Speaker #1

    Quand on en parlait tout à l'heure, ça me faisait penser à Robert Mercier, je sais que tu es une grande fan du podcast. que tu as, je pense... Écoutez, celui de Robert Mercier.

  • Speaker #0

    C'était pour le cuir, parce que c'était peut-être plus par métier que je me souviens.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est un métier du cuir. Et lui, il racontait justement qu'il y a certaines techniques qu'il va développer pour une maison et qu'il ne refera pas pour une autre maison. Style le plissé, je crois que c'était pour Balmain. Si il m'écoute, il va me dire, oh non, c'était pas du tout ça. Mais bref, voilà, j'imagine que c'est la même chose pour toi. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais, ouais. Et c'est marrant parce que, ça aurait pu rentrer dans les anecdotes d'avant, mais il y a une manière d'imaginer tous les éditeurs chez qui je vais. C'est moins vrai avec les architectes, mais c'est vrai avec les éditeurs. Souvent, ils me font On est d'accord, là, vous ne sortez pas un dessin similaire chez un tel ? Et à chaque fois, je me dis Vraiment, déjà, non, ça n'est jamais arrivé, ça n'arrivera pas. Et moi, je m'en fais un point d'honneur un peu, puisque c'est aussi la garantie d'avoir du travail encore dans quelques années. Et c'est d'autant plus étonnant. que parce que moi je navigue entre ces maisons, je me rends bien compte qu'elles ont toutes leurs histoires propres et du coup toutes aussi leurs caractéristiques en termes d'identité graphique et donc autant c'est toujours ma main autant c'est toujours ma peinture et je sais que certains s'amusent à retrouver Ah tiens, t'as publié un truc chez un tel. Autant, ce qui est sûr, c'est que les histoires qui plaisent à l'un ne sont pas forcément les histoires qui plaisent à un autre. Et il y a vraiment, pour moi, des caractéristiques fortes en termes de composition, de couleurs, etc., qu'on ne retrouvera pas chez les uns et chez les autres. Donc c'est ça aussi, finalement, de raconter des histoires. Ça permet aussi de dire, tiens, toi, t'es plus comme ci, toi, t'es plutôt roman policier, toi, t'es plutôt roman, je ne sais pas, d'aventure. Et donc ça, ça permet aussi d'explorer des territoires qui sont propres aux maisons. sans trahir en même temps ma manière de peindre.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ce qui fait aussi son avantage quand tu commences à les connaître. C'est que, certes, vous pouvez passer par quelqu'un d'autre, mais moi, je sais qui vous êtes et je ne vais pas essayer de raconter une histoire qui ne vous convient pas.

  • Speaker #0

    Et en plus, je pense que les maisons avec lesquelles je travaille depuis longtemps, ça s'est fait sans se dire non plus. C'est-à-dire qu'à un moment, on n'a jamais eu un brainstorming en disant Ok, c'est quoi l'identité de marque de telle maison ? Et c'est plus des choses qui se font parce qu'à force de discussions, leur manière de réagir finalement aux présentations de dessins, etc. Je pense que l'air de rien, justement, je n'ai pas de micro avec moi, je ne les enregistre pas. Mais en même temps, je trouve qu'il y a une manière de vivre les choses de manière hyper humaine. Et donc du coup, forcément, je me dis Ah bah tiens, ça, non, je crois qu'il n'aimerait pas trop. Enfin voilà, donc je me projette beaucoup. Après... C'est aussi un jeu, je me fais avec moi-même, quand je dessine une collection, je me dis, ah ouais, ça c'est vraiment pour eux, et du coup je vois si après c'est bien eux qui l'achètent, etc.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais te demander justement, quand tu fais tes collections, est-ce qu'il y a des moments où tu te dis, ah là là, je suis sûre, eux ils vont adorer.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais, et en général ça marche plutôt bien. J'ai quand même quelques surprises, mais je sais pas, 95% ça marche, mais j'ai quand même quelques surprises. Il y a des fois où je me dis, ah ouais, ils ont pris celui-là, bah j'aurais... Ou inversement, un dessin que je me suis dit Ah ouais, mais ça c'est sûr, c'est pour eux. Et vraiment de les voir passer en mode Ok, c'est vraiment intéressant. Et ce n'est pas très grave puisque déjà, ça n'arrive pas si souvent. Et en même temps, je me dis Ah bah tiens, ça c'est quand même que peut-être que là, j'ai projeté quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai. Ou en tout cas, pas dans ces coloris-là. Enfin, en tout cas, à chaque fois, je ne me dis pas, je ne suis pas heurtée par ça. Je me dis juste Ah, j'ai peut-être encore une petite subtilité à aller chercher.

  • Speaker #1

    Et bien, si je peux me permettre, ça veut aussi dire que tu as une qualité qui est l'empathie. Non, mais c'est important en fait, parce que du coup, vraiment, tu te mets dans les chaussures de ton client et tu te dis, qu'est-ce qu'il aimerait, qu'est-ce qu'il n'aimerait pas ? Et tu peux anticiper ses besoins. Je fais ma meuf d'école de commerce, mais c'est la base du marketing, l'empathie.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est marrant parce que tu n'es pas la première à me le dire et en même temps, moi, chaque fois, je suis un peu en mode, je ne sais pas. Non mais en tout cas tu vois j'aimerais pas non plus qu'on reconnaisse pas ma main il y a quand même un truc du travail personnel donc c'est pas non plus complètement se mettre dans ses souliers à lui mais c'est plutôt être vraiment une espèce de jeu de danse on avance ensemble et moi je trouve que c'est quand même les plus belles collaborations c'est celles où il y a vraiment eu un ping pong c'est à dire que ils m'ont dit ah bah tiens ça c'est super mais ça par contre est-ce que ça vaut le coup de l'imaginer comme ça ? Alors après on entend la différence c'est pas Il faut me changer le feuillage de 3 mm à droite. Mais justement, je trouve qu'à chaque fois qu'il y a des discussions, qu'on s'interroge sur la manière d'imaginer justement une composition, une couleur, etc. Il y a aussi une manière de projeter une histoire qui est commune. Et souvent, quand j'écris des dossiers, par exemple des dossiers de concours, dossiers de presse, ce genre de choses où c'est un peu plus académique, j'aime bien dire qu'avec mes clients, on essaye de servir une même idée de l'art décoratif. Chacun aura une idée différente, c'est-à-dire qu'évidemment que Nobili, Souffray ou un architecte n'aura pas la même vision à l'instant T de ce qu'est l'art décoratif en France en 2024. Et en même temps, moi je me dis c'est une petite porte avec lui, c'est une autre porte avec lui, et à chaque fois ça crée plutôt une espèce d'écosystème qui est total.

  • Speaker #1

    Après, si je peux me permettre, juste l'empathie, c'est pas de s'oublier. C'est de comprendre la personne.

  • Speaker #0

    C'est vrai aussi.

  • Speaker #1

    Et je pense que si c'est toi qu'ils viennent voir pour certaines choses, c'est parce qu'eux aussi, ils te connaissent et qu'ils savent que tu vas leur donner un esprit certain dans cette collection. Et c'est ça qui les intéresse.

  • Speaker #0

    Oui, c'est évident. Je pense que ça fait toujours un peu peur. Mais oui, c'est évident que c'est pas complètement s'oublier. C'était aussi bien replacé cette histoire de jeu à plusieurs choses. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ce qui fait aussi la beauté de quand tu travailles en indépendant pour plein de clients différents, c'est que tu vas à la fois toujours être toi, mais tu vas essayer de rendre l'autre heureux. Et donc, en fait, tu vas te poser des questions qui seront toujours nouvelles. Enfin, moi, c'est ce que j'aime trop dans le travail de freelance, en fait, d'indépendant. C'est justement se dire... Je pense que c'est d'ailleurs pour ça que j'ai vraiment du mal sur un CDI à 5 jours sur 5.

  • Speaker #0

    Et là, tu vois la déformation d'artisan, je me suis... Bon, pourquoi 5 jours sur 5 ?

  • Speaker #1

    Il n'y en a que

  • Speaker #0

    5 ? Non, mais c'est 7.

  • Speaker #1

    Alors non, il y en a qui travaillent, en l'occurrence, maintenant plus. Mais vraiment, quand je travaillais sur mes 5 jours de boulot classiques de CDI, les 5 jours pour un même projet, vraiment, au bout de 6 mois, 1 an, je finissais toujours par m'ennuyer. ou par perdre ma créativité. Et c'est trop drôle parce que là, à la chambre de métier de l'artisanat, mon directeur, il m'a dit, Elisa, tu sais, si tu veux plus de jours ? Et je lui ai dit, vraiment, François, tu veux pas. Vraiment, je t'assure. Parce qu'en fait, si je sors pas, si je rencontre pas d'autres clients, si je rencontre pas d'autres projets qui peuvent me nourrir, bah, je vais croupir là et je vais plus rien te pondre.

  • Speaker #0

    Il horrible ce mot. Je vais pas me nourrir.

  • Speaker #1

    C'est un peu ça, ouais. C'est ça, je serais une vieille flaque debout.

  • Speaker #0

    Mais oui, je pense que t'as complètement raison. Enfin, moi, je trouve ça passionnant. Mais tu vois, justement, pareil, la manière dont on en parle, en disant, ben là, il y a un truc à ouvrir. Et là, on peut aller chercher ça. Et c'est aussi une manière de se réinventer soi-même. C'est quand même hyper cool d'avoir un travail où tu te dis pas, bon... Il va falloir faire un décor.

  • Speaker #1

    Mais bon, il va falloir faire un décor et puis il va falloir faire un énième sapin que je ne connais pas à cœur.

  • Speaker #0

    Alors que non, déjà, rien que ça, tu vois, c'est passionnant, mais tu te dis, ah ok, je dois dessiner un sapin. Mais ok, il y a le pain maritime, il y a le pain comme ça, il y a le pain... Mais d'un seul coup, tu vois, ça réouvre autre chose. C'est trop bien de se dire aussi que tout est support à réouvrir encore et encore, quoi.

  • Speaker #1

    J'étais en train de chercher les bouquins de botanique chez toi. J'en vois un là.

  • Speaker #0

    Sous-titrage Société Radio-Canada

  • Speaker #1

    Eh bien, on en vient à l'anecdote, dis donc. Je sais que tu nous en as préparé une très sympa.

  • Speaker #0

    En gros, c'est parce qu'il y a plein de petites anecdotes, il n'y a pas de très grosses anecdotes, mais il y a un truc que j'adore chez les éditeurs, et encore une fois, c'est pareil, ce n'est pas tout à fait vrai avec les architectes et les décorateurs, c'est quand même des fonctionnements différents. C'est que chez les éditeurs, il y a des espèces de règles tacites qui sont vraiment liées à une espèce de culture de l'amablement en France. Et du coup, par exemple, quand tu dessines des rosiers, des palmiers, des fleurs à épines, en général, on te demande systématiquement, d'ailleurs, ce n'est pas en général, on te demande systématiquement de retirer les épines, parce qu'il ne faudrait pas que ce soit trop pointu, trop ardu. Il y a une manière d'imaginer que si ça rentre dans l'espace intime, puisque ça va rentrer dans une maison, une chambre. Voilà, il ne faudrait pas que ça pique, il ne faudrait pas qu'il y ait une espèce de symbolique comme ça un peu caché. Et c'est vrai avec les rosiers, mais c'est vrai avec les ananas, il y a toujours une manière de représenter les ananas. Il faudrait que les feuillages soient hyper... tendre, alors qu'en vrai, le bord d'un ananas, c'est un peu coupant. Et non, non, à chaque fois, on te demande une espèce d'exotisme et qui est un peu fantasmé. Et c'est drôle parce que c'est des trucs où c'est jamais dit. On ne va pas dire non, l'ananas, on le fait comme ci, comme ça. Mais par contre, quand tu vas proposer quelque chose qui va être justement trop proche d'une illustration botanique, donc plus proche d'une certaine réalité, on va très vite te dire, oh là là, on ne va pas faire ça. On va lisser un peu. Et pareil, moi, j'adore cacher des petites choses dans mes décors. Donc. J'aime bien cacher des petits yeux dans les feuillages, ce genre de trucs. Et dès que c'est un peu trop étrange, il y a quand même toujours une petite appréhension. Ils sont là, ça vous l'avez fait exprès ?

  • Speaker #1

    Oui, non, non.

  • Speaker #0

    Oui. Oups,

  • Speaker #1

    j'ai fait une tâche et du coup, j'ai fait des yeux. Ça fonctionne.

  • Speaker #0

    Alors qu'en fait, moi, j'adore me dire, tu vois, il y a un peu un truc de l'enfance aussi, de se dire, d'ailleurs, c'est gros feuillage exotique. Si tu as des yeux derrière, c'est quoi ? Est-ce que c'est un tigre ? Est-ce qu'il y a une panthère qui est là, qui est un peu cachée ? Ou est-ce qu'au contraire, c'est un animal hyper mignon qui se protège de la vue ?

  • Speaker #1

    Mais à tout moment, tu as un gosse qui fait un cauchemar parce que sur son papier peint, il y a des yeux. Oui,

  • Speaker #0

    mais on a tous des histoires de papier peint qui nous ont marquées. Tu vois, le papier peint chez ta grand-mère, parce qu'il était comme ci, comme ça.

  • Speaker #1

    C'est très drôle parce que nous, chez ma grand-mère, les chambres ont un nom en fonction du papier peint. La chambre au bateau, la chambre aux fleurs. C'est que le papier peint. La chambre aux palmiers.

  • Speaker #0

    Trop bien. Eh bien, tu vois, je te dis, on a tous une histoire avec... Quand j'en parle aux gens, des histoires d'enfance liées au papier peint, mais c'est fou. D'ailleurs, je devrais faire un podcast là-dessus.

  • Speaker #1

    Des micros d'épisodes. Non, mais c'est vrai. Je ne m'étais jamais posé la question, mais c'est vrai.

  • Speaker #0

    Une fois, elle m'a raconté une histoire terrifiante. Une cliente qui avait dans sa chambre petite une toile de jouy, donc tu vois, hyper pastorale, avec la bergère, ses moutons, etc. Et toutes les nuits, elle pensait que la bergère, elle avait laissé les moutons, qu'elle était partie se coucher, quoi, du coup. Et que du coup, le loup allait arriver manger les moutons. Oh non ! Terrifiant ! C'est trop triste ! Et du coup, elle allumait sa petite lumière comme ça pour être sûre que la bergère, elle était bien revenue. C'est pas trop mignon quand même ?

  • Speaker #1

    C'est adorable, c'est adorable.

  • Speaker #0

    Mais parce que je pense que justement le papier peint, c'est quand même une surface qui est au mur, qui te raconte quelque chose un peu malgré toi. Donc il y a quand même un truc comme ça.

  • Speaker #1

    J'allais dire, tu vas encore nous dire que ça raconte une histoire.

  • Speaker #0

    Je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    T'aurais pu, t'aurais pu. On aurait compris. D'ailleurs, je remarque que dans ton atelier, tu n'as pas de papier peint.

  • Speaker #0

    Non, mais parce que ça, c'est pas possible. Et chez moi non plus, parce qu'en fait... Je ne peux pas essayer d'imaginer d'autres choses. Et aussi, on a tous des travers. Par exemple, moi, j'ai eu une passion. Là, ça se voit à l'atelier. Une passion vert et bleu.

  • Speaker #1

    Ça se voit, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et je sais que cette passion-là, elle est en train de me quitter. Et donc, il va falloir que je vende ces dessins très vite. Mais du coup, je ne peux pas avoir quelque chose qui reste trop longtemps. Parce qu'après, c'est difficile pour moi de sortir des sentiers battus, d'aller chercher de nouvelles colorations, des choses que je n'ai pas encore faites. Si... constamment, je suis raccrochée à quelque chose que j'ai fait.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant, ça. Tu n'arrives pas à avoir de nouvelles idées si tu as un univers trop chargé.

  • Speaker #0

    Oui, et d'ailleurs, tu serais venue hier, l'atelier, c'était un bazar monstre, mais vraiment monstre, il y en avait partout. Parce qu'il y a des moments où j'ai besoin de ne pas trop me soucier de est-ce que ça tombe par terre ou pas. Et après, j'ai vraiment, mais vraiment besoin de tout cliner. Tout à l'heure, ma colocataire d'atelier m'a dit que c'était devenu stérile ici. tellement j'avais fait une espèce de ménage absolu. Mais en fait, ça fait du bien aussi quand tu commences un nouveau projet, te dire... Ok, j'ai la place pour... Si je veux sortir des livres pour regarder, c'est possible. Si je veux refaire de nouveaux découpages, tout mon mur, on peut punaiser dessus. Et vraiment, je peux réaccrocher, réenlever, etc. Et tout ça, ça participe aussi du process. C'est que tu peux faire table rase pour recommencer quelque chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai que je vois beaucoup de trous de punaise dans ton mur.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Ça a été beaucoup punaisé. Ça fait combien de temps que tu es ici ?

  • Speaker #0

    Je suis arrivée en août dernier.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on n'a pas parlé du lieu parce qu'il est assez incroyable. Tu parles de ta coloc, mais on peut peut-être faire une mise en situation.

  • Speaker #0

    Mais oui, puisque du coup, je suis résidente depuis le mois d'août au BDMMA, donc au Bureau de la mode, du design et des métiers d'art. Bon, vraiment, je n'arriverai jamais à le dire dans le bon sens. Et c'est intéressant parce que c'est un incubateur qui est géré par la mairie de Paris, qui est un service de la mairie de Paris, dans lequel on peut résider pendant deux ans, pour lesquels on a un espace. Donc là, moi, j'ai un atelier qui est top. Café d'herbe avec une super grande fenêtre. Et c'est bête comme ça joue beaucoup, mais c'est un atelier dans lequel on est bien, sur lequel on peut faire aussi tous les travaux dont on a besoin pour organiser l'activité. Quand on le loue, il est vide. Et donc, ça veut dire que tu peux vraiment organiser l'espace à la mesure de ton métier. Et ça, ça a vraiment une importance puisque moi, au rez-de-chaussée, j'ai mon atelier et en mezzanine, j'ai une colocataire qui fait du bijou. Et justement, on n'a forcément pas les mêmes besoins quand on établit, quand on a une grande table, etc. Et avec cet incubateur, il y a cet espace qui est quand même déjà pour moi une espèce de chance absolue, avec un loyer qui est un tout petit loyer par rapport à ce qu'on pourrait trouver ailleurs dans le privé à Paris. Et avec ça, tu as un accompagnement. Je ne me souviens plus de ton nombre de formations, si c'est cinq ou six formations, qui sont vraiment autour du marketing, du territoire de marque, le calcul de ton prix, la politique de salon, ce genre de choses. Et un certain nombre de rendez-vous individuels avec les experts qu'on peut consulter. D'ailleurs, même quand on n'est pas résident, je pense que c'est... Ça, ça vaut le coup de le dire, parce que souvent, les gens n'osent pas. Ils ont l'impression que ça nous est réservé. C'est vraiment pas très cher. Je crois que c'est 28 euros le rendez-vous. Sauf que ça permet vraiment de travailler sur des sujets précis. On peut prendre un rendez-vous, soit justement pour un calcul de prix qu'on ne sait pas faire. On peut prendre rendez-vous avec une avocate qui est spécialisée en propriété intellectuelle. Et ça, c'est... hyper bénéfique pour nous parce que se dédier à son activité, c'est une chose. Avoir une maîtrise du geste, c'est une chose. Je pense que quand on arrive ici, c'est quand même des choses qui sont déjà relativement bien acquises, même si ça évoluera tout au long de notre vie. Mais par contre, la posture entrepreneuriale, c'est quand même un autre délire, on peut le dire. Et malgré le fait, par exemple, moi, j'ai quand même fait deux accompagnements avant où je ne peux pas dire que c'était top. Ça m'a quand même ouvert plein de questionnements possibles, justement, de manière d'imaginer mon entreprise. Et malgré tout, il faut être honnête, on n'est pas tous commerciaux dans l'âme, on n'est pas tous, je ne sais pas, marketeurs, etc. Et là, vraiment, c'est hyper intéressant d'avoir des gens dont c'est le métier qui sont là pour nous guider, pour nous dire ça, c'est top, ça, moins bien, ça, tu peux regarder par là. Et je pense que ça, c'est vraiment une espèce d'accélérateur pour nous. D'autant qu'au BDMMA, il y a deux sites, il y a celui de Bastille et celui de Féderme. Mais ça veut dire qu'on est systématiquement, même si on est des ateliers, on partage avec une personne. Ça veut dire aussi qu'au même étage, tu rencontres des designers, d'autres artisans, des maisons de mode, des bijoutiers. Antona Mangin fait du tissage de cheveux, Audrey, elle fait de la marqueterie de cuir et elle a tout un travail autour du matériau souple. Enfin, ce que je veux dire, c'est que forcément, il va y avoir aussi des possibilités de s'interroger à la fois sur qu'est-ce que c'est qu'être un entrepreneur, parce qu'on aura tous les mêmes problématiques de temps, d'argent, de commandes, etc. Et en même temps... potentiellement de travailler ensemble sur des sujets, soit vraiment de mener des projets ensemble, soit sur des trucs très bêtes. Pour Milan, j'ai fait un mobile pour présenter justement un des tissus que j'avais fait pour un éditeur. Un truc tout con, mais pour percer du bambou, moi, je n'avais pas du tout les outils. J'avais une dremel qui était trop lourde et ça éclatait systématiquement le bambou. Julia Bartsch, qui est au-dessus de moi, elle a des dremels hyper fines pour la bijouterie et elle m'a fait les trous en moins de 10 secondes. C'est-à-dire que là où avant, il aurait fallu que j'investisse dans du matériel, que j'aille chez le roi Merlin trouver la bonne mèche, etc. Là, en 10 secondes, juste en en parlant, c'était réglé. À côté, elles m'ont posé le billet. Enfin bref, c'est des échanges qui permettent aussi d'aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite dans les créations. Trop bien.

  • Speaker #1

    Tu as bien vendu ces ateliers partagés et le BDMMA.

  • Speaker #0

    Le seul problème, c'est que ça ne dure que deux ans et qu'après, il faut trouver un autre atelier.

  • Speaker #1

    Oui, mais tu vas trouver. Ce qui est trop cool, c'est que des opportunités comme ça, il y en a de plus en plus.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est clair, il y en a vraiment de plus en plus. Et on voit bien aussi qu'il y en a plein des anciens résidents qui ont continué à occuper des lieux ensemble. Parce que quand il y a des affinités qui se font après, ça dure dans le temps aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous raconter un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et... ou d'innovation pour atteindre ton objectif.

  • Speaker #0

    Je m'en étais notée deux, mais... Peut-être qu'on peut se concentrer que sur Adachi. C'est un décor panoramique que j'ai dessiné pour la maison Casamance. Typiquement, j'en ai parlé un tout petit peu avant parce qu'il m'avait donné juste comme thème jardin japonais, ce qui était quand même très, très large. Et c'est un décor que j'ai présenté justement aussi à Milan. C'était intéressant de le présenter parce qu'il y avait cette démarche de recherche qui était hyper marquée, qui est quand même... présente dans l'ensemble de mon travail, c'est-à-dire qu'à chaque fois, je te l'expliquais en amont de l'enregistrement, mais à chaque fois que je vais imaginer une collection, un thème, un décor, moi j'ai besoin de me dire, ah bah tiens, quoi ça me fait penser, qu'est-ce que ça raconte, comment il faisait avant, enfin j'en sais rien. Ce qui donne des fois des recherches très drôles sur Google. Mais là, typiquement, le jardin japonais, il y avait un peu ce travers de se dire je peux faire un jardin sans me renseigner du tout et ça sera forcément un peu cliché, peut-être un peu naïf aussi. Et je n'ai rien contre la naïveté, au contraire. Mais je pense que quand elle est là, il faut savoir pourquoi elle est là. Est-ce qu'on a gardé ou pas de naïveté, finalement ? Et du coup, c'est quand même un panoramique pour lequel j'ai fait deux propositions au départ. Et j'avais vraiment imaginé un jardin clos, plus jardin de maison de thé, ce genre de choses, donc très lié à l'architecture, avec une composition hyper forte liée au claustra. Et un autre qui était un jardin ouvert, plutôt dédié aux éléments, avec ce système eau, sable, ciel. et ça je n'aurais pas pu le défendre avec autant de ferveur que si je n'avais pas été à la bibliothèque Forney justement qui a quand même un rayon autour du jardin qui est assez conséquent et typiquement c'est un dessin pour lequel j'ai fait à la fois des recherches sur comment on imagine le jardin au Japon qu'est-ce que ça représente en termes de symbolique quels sont les végétaux qu'on y retrouve c'est-à-dire que je n'ai aucun problème à mettre une fleur qui n'aurait pas lieu d'être à condition que je sache pourquoi moi je l'ai mise voilà donc il y a plein de petites choses comme ça et là pour le coup il y a eu... Je pense quasiment une bonne semaine de recherche, ce qui est rare quand même sur un seul dessin, mais parce que c'était un sujet dont je voulais pouvoir m'emparer pour pouvoir le peindre et le défendre sans avoir à rougir. Et aujourd'hui, je suis hyper heureuse quand je le présente de la sorte en disant que c'est vraiment mon regard d'occidentale sur ce que peut être le jardin japonais. Donc du coup, ce que j'en ai compris, ce que j'en ai entendu, en sachant qu'il y aura forcément des inexactitudes. Et que... Et que c'est pas grave parce qu'au final c'est aussi une manière de l'imaginer, de le fantasmer. Il y avait un, je ne retrouve pas le nom de la nana qui avait écrit ce livre, mais il y avait tout un livre, je me souviens très bien de la couverture par contre, verte et rose avec un grand rond. Et c'était hyper intéressant parce qu'elle détaillait dedans à la fois la symbolique propre à chaque jardin, sur les compositions, en disant bah voilà si les rochers sont comme ci, c'est parce qu'on a voulu dire ça, ça, ça. Ça, ça signifie plutôt la terre, ça signifie plutôt la montagne, etc. Et moi je trouvais ça... Hyper drôle parce que donc là elle en fait une analyse détaillée alors que moi c'est une analyse plus émotionnelle en me disant c'est marrant parce que moi quand je dessine cette grande bande blanche sur le décor pour moi c'est du sable ça a un peu cet effet un peu grève sur le bord de l'eau et du coup se dire qu'au final ça rappelle quelque chose qui est quand même préexistant dans leur manière de composer les jardins ça tend vers une espèce d'universel qui est aussi hyper touchant de se dire bah tiens C'est drôle parce que justement, moi, je trouvais que ça, ça faisait ça. Et tu dis qu'ils ont parfaitement réussi finalement à te faire sentir cette notion du vide, du plein, cette manière d'avoir des allées où tu as l'impression que tu peux comme ça naviguer. Et donc ça, pour le coup, c'était à la fois des recherches. Donc la première, vraiment recherche, documents iconographiques, tous les écrits autour de la symbolique du jardin, sur les espèces qu'il y avait dedans. Et après, du coup, c'est aussi une recherche plastique puisque c'est bien joli, mais une fois que tu as ça, tu n'as toujours pas vraiment ton décor. Et donc à partir de là c'est de se dire bah ok si ça ça doit être vraiment avoir cette légèreté que peut avoir le ciel, l'air frais etc. Bah moi qu'est-ce que je vais utiliser comme peinture, qu'est-ce que je vais utiliser comme teinte. Et du coup j'ai choisi de travailler sur des glacis donc c'est des couches très transparentes qu'on va accumuler. Donc je pars d'un fond foncé et après je vais faire des couches plus claires. Et donc une première, une deuxième, une troisième, à chaque fois ça sèche entre les deux. J'applique, je frotte, j'applique, je frotte, j'applique, je frotte. Et forcément, tu as quelque chose comme ça d'un peu vaporeux, où les contours ne sont pas complètement nets. Et ça participe justement de la symbolique générale que j'avais recherchée dans cette première recherche qui était plutôt documentaire.

  • Speaker #1

    Très intéressant, mais en effet, quand je t'ai posé la question, je me suis dit, mais en fait, tu fais de la recherche pour tout. Tu me racontais que tu as une collection qu'a développée Jardin Parisien. où tu t'es donné des thèmes et tu avais Jussieu dans mes souvenirs, Montmartre.

  • Speaker #0

    Oui, parce que je pense que les mots, on l'a compris, déjà le fait que j'ai trouvé moi les mots qui me parlaient, je pense que c'est hyper important dans ma démarche créative. Et je le disais tout à l'heure, les collections que je fais, effectivement, je m'invente un thème et je me dis, ah bah tiens, c'est toujours un peu la même construction. Je me dis, si je devais imaginer un petit dessin, ce qu'on appelle les petits dessins, c'est des dessins avec des raccords en dessous de 72 qui vont être utilisés, je ne sais pas moi, pour faire du jacquard, des textures, des choses comme ça. Ça veut dire quoi en dessous de 72 ? 72 de large, pardon. 72 centimètres. C'est en ameublement. Les raccords ont tendance à être assez grands pour qu'on ne voit pas trop la répétition. En fait, plus en plus on est luxe et plus les raccords sont grands. Mais l'idée, c'est de ne pas voir trop la répétition pour que justement l'œil puisse naviguer dans le décor sans avoir l'impression qu'on ait un rythme trop marqué. Alors que pour ce qu'on appelle les petits dessins, c'est un peu étrange comme terme, mais ça va plutôt être des granités, des faux unis, des choses où le dessin est moins perceptible. et qu'on va utiliser du coup pour du tissage, des broderies, mais des broderies sièges, donc des choses quand même assez denses. Enfin voilà, des imprimés, mais pareil, où ça va être plus petit. L'idée, c'est que ça se fonde un peu plus et que ce ne soit pas trop marqué. Alors que... Du coup, quand je crée une collection, je vais me dire, il me faut un petit dessin. Avec ça, je vais lui imaginer un grand dessin qui va avec. Comme ça, qu'est-ce qu'on pourrait mettre au mur avec ? Et puis, si je devais faire un dessin un peu intermédiaire, donc sur un grand raccord, mais quand même qui puisse vivre à la fenêtre, voilà ce que je vais faire. Et ça me permet comme ça d'avoir quatre, cinq, six dessins. Puisqu'en général, je vais jusqu'au panoramique, qui fonctionnent ensemble et en même temps qui peuvent vivre. indépendamment les uns des autres, puisque je ne sais pas à qui je vais les vendre, donc le but, ce n'est vraiment pas qu'ils soient trop liés, et qu'après, je sois bloquée si j'en vois un et pas les autres. Et du coup, ce travail de recherche que je fais, justement, c'est de se dire, ok, ça, c'est mon histoire générale. Mais après, typiquement un jardin parisien, qu'est-ce que c'est ? Ah bah moi, le jardin parisien, je te racontais je crois l'histoire de Pont-Neuf, donc en me disant, petite, moi j'adorais quand ma grand-mère m'emmenait sur les oiselleries du Pont-Neuf, où il y a aussi ce marché aux fleurs, et c'était de se dire, moi j'adorais ce côté hyper foisonnant, où tout était un peu, je sais pas comment c'est maintenant, mais à l'époque les pots étaient sur des espèces de stèles, un peu en hauteur, l'idée c'était d'occuper vraiment tout l'espace pour avoir... une espèce d'espace de vente maximum. Et donc, il y avait cette idée d'aller rechercher comme ça, à la fois des souvenirs et à la fois une écriture qui est hyper art moderne, avec des collages, plutôt à la Jane Harp, en me disant, c'est aussi l'époque. Et donc, Paris en 1920, ça doit être ça. Loisellerie en 1920, c'est aussi... Moi, j'adore la photo, donc c'est aussi d'aller se dire, tiens, dans les années 30, dans les années 50, etc. Quelles sont les images comme ça qui me reviennent un peu spontanément ? Et tout ça, ça me fait une espèce de... map mind d'un thème et ça me permet de faire des dessins qui sont un peu à l'abri des tendances aussi et qui vont quand même raconter quelque chose à peu près à tout le monde. Oui,

  • Speaker #1

    parce que tu me disais que les tendances, t'as tout intérêt à ne pas t'y tenir parce que le temps que ce soit développé, ce ne sera déjà plus une tendance.

  • Speaker #0

    surtout là sur de l'ameublement je peux vendre un dessin maintenant ça se trouve il sortira que dans 3 ans soit parce que l'éditeur qui me l'a acheté il a eu un coup de coeur pour le dessin mais au moment j'en sais rien j'ai vendu un dessin d'inspiration Amérique Latine et en fait en ce moment il fait une collection d'inspiration Eskimo bon bah évidemment que ça va pas rentrer dedans donc il faudra attendre la prochaine ça peut être ça, ça peut être il a pas trouvé la bonne qualité ce qu'on appelle la qualité c'est le support sur lequel soit ils vont broder, imprimer etc et dans ces cas là c'est pareil c'est pas parce que le dessin est mauvais parce que c'est pas le bon moment. Et donc, si je suis trop marquée sur la tendance, ils vont l'abandonner. Et moi, j'ai tout intérêt à ce qu'il sorte, puisque j'ai travaillé pour, etc. Donc, si je veux que ça fasse vivre aussi l'actualité de l'entreprise, je pense que c'est important d'avoir des dessins comme ça qui tendent quand même vers quelque chose de plus grand. Et aussi parce que je te disais tout à l'heure que contrairement à la mode où un dessin va vivre, je sais pas, une saison, deux saisons, si vraiment ça a été une espèce de best-seller, en ameublement, c'est pas le cas. Tant qu'un dessin se vend, Il reste en collection. Le jour où, par contre, sur deux saisons, rien n'est sorti, bon, là, il saute et c'est un peu normal. Il peut être un peu marqué dans son temps, mais il y a tout intérêt quand même à faire des dessins qui sont un peu hors du temps. Puis, je pense que ça correspond aussi à une certaine notion de l'art décoratif où il y a autant d'architectes et de décorateurs que de styles particuliers. Et donc, un dessin qu'on aurait imaginé pour une situation peut très bien vivre dans une autre à partir du moment où on lui offre un contexte qui lui convient. Mais du coup, ça, c'était la recherche vraiment sur la recherche. tel que je l'imagine, mais je crois que dans ta question, il y avait aussi un truc lié à l'innovation. Et ça, je pense que c'est une question aussi qu'on peut aborder rapidement parce qu'il y a une manière d'imaginer. En tout cas, moi, je me dis, la peinture, c'est quand même quelque chose qui existe depuis, je ne sais pas, la nuit des temps. Et on peint sur les murs depuis hyper longtemps. Donc, en termes d'innovation, je ne sais pas forcément ce qu'on va apporter maintenant. Si on parle d'innovation stricto sensu, ça a lié à la technique. Par contre, ce qui est sûr, c'est que je te... Je le racontais tout à l'heure, mais par exemple, pour faire un décor panoramique, moi j'ai mis en place des process de production. C'est la première fois qu'on s'est rencontrés où je me suis dit, en fait c'est ça mon niveau d'innovation, puisqu'en en parlant, je n'avais pas forcément pris conscience que c'en était une, mais les décors panoramiques, la manière dont je les imagine, je les imagine vraiment comme on imagine un décor pour du cinéma d'animation. C'est-à-dire qu'au lieu de le peindre une seule fois, comme on peindrait une très grande toile, je vais imaginer peindre le fond, le second plan, le premier plan, puis tous les détails sur des formats séparément. Et c'est ça. Cette logique de production, ça m'a quand même permis d'aller encore plus loin dans le sur-mesure, puisque après on peut changer, une fois que c'est renumérisé et remonté, ça permet quand même d'aller très loin sur, tiens je voudrais changer la coloration, mais juste de cette partie-là, de cette branche-là, de cette fleur-là. Et ça je pense que c'est aussi quelque chose qui est assez nouveau pour les artisans, c'est de se dire que l'outil informatique il n'est pas là. contre la main ou contre le geste, mais il peut vraiment accompagner et de plus en plus. Moi, je dis que ça fait partie du geste du dessinateur, puisque quand je vais détourer les éléments, je fais super attention à garder la finesse que j'aurais eue au moment de la peinture. Donc, si ma brindille, elle est très fine, je fais super attention de détourer de manière très, très fine, en gardant vraiment ce côté crénelé. S'il l'est, par exemple, sur un tronc, c'est jamais parfaitement droit ou parfaitement lisse. Imaginez comme ça des décors à la fois en pièces... taché et en même temps du coup il y avait une logique un peu productiviste où moi je suis quand même seule à l'atelier il m'arrive de prendre des stagiaires mais on peut pas déléguer sur des temps trop courts ce genre de décor qui quand même doivent faire transparaître ma main, mon identité, etc. Et dans ces cas-là, du coup, imaginez justement toutes ces pièces séparées en amont avec un petit tableau de production en disant, ben voilà, lui, il aura telle patine de fond, lui, il aura telle teinte, etc. Donc, ça permet de préparer toutes ces couleurs d'un coup. Ça permet aussi de, comment dire, si jamais je dois m'arrêter dans une tâche, de savoir exactement où j'en suis, puisque je peux cocher en disant, ben ça, ça, ça, tous les dessins sont faits, ça, ça, ça, tous les calques sont OK. Et donc, du coup... Imaginez ce logique, ça permet à la fois de gagner en temps, et du coup c'est mieux quand même pour nos tarifs journaliers, et aussi en sérénité puisque d'un seul coup, je n'ai plus à me dire, je n'arrive pas à retrouver la teinte que j'ai faite il y a trois semaines. C'est dans des petits bocaux, c'est pris en amont, enfin voilà. Et ça va permettre vraiment de garder une espèce de garantie que ça soit proche de la maquette vendue.

  • Speaker #1

    C'est vrai que tu m'as montré des projets, tes fiches projets, elles sont hyper cadrées, elles sont hyper carrées. Moi je trouve ça impressionnant et je pense en effet que ça fait partie du métier. Et... Je suis complètement d'accord avec toi sur le concept de c'est innovant, parce que tu as un peu une réflexion industrielle, mais tout en gardant de l'artisanat. Alors moi je disais, mais est-ce que ce n'est pas l'industrie qui s'est inspirée de l'artisanat ? Parce que je ne vois pas pourquoi les artisans, ils n'auraient pas avant l'industrie cherché à optimiser leur production. Tu vois, c'est clair que quand chez Histoire d'Artisan, on parle d'innovation, elle peut être hyper large, et en effet, l'innovation sur les procédés de production, il y en a qui disent ça n'en est pas pour moi ça en est à partir du moment où ça te permet de mieux vivre et ça te permet de faire un métier qui t'intéresse vraiment où toutes les tâches les moins intéressantes sont potentiellement optimisées enfin voilà moi je suis archi d'accord avec toi sur le concept de ça

  • Speaker #0

    c'est de l'innovation et en plus ça boucle parfaitement avec William Morris dans l'épisode 1 tout à fait c'est quand même clairement son positionnement et ouais c'est évident que bien imaginer le projet en amont C'est garantir aussi à ma posture d'artisan une vraie sérénité, parce qu'il faut quand même reconnaître qu'en tant qu'artisan, il y a l'expertise, mais il y a tout le reste qu'il faut gérer à côté. Ils ont été plusieurs dans le podcast à le dire, mais je pense que personne ne se rend compte à quel point il faut tout être. Il faut être le bon communicant, il faudrait être un super comptable, il faudrait être hyper au taquet sur les questions juridiques. Et en fait, il y a un moment si, en plus de tout ça, et en plus du travail qui est vraiment celui de la collection et du sur-mesure, Il faut rajouter une espèce de charge mentale hyper pressante de dire je ne me souviens plus de ma coloration que j'avais faite pour teindre le fond, est-ce que j'avais mis 2 grammes de terre de sienne ou 3 ? Ce n'est pas possible. Ça demande après un effort qui est presque un peu idiot quelque part, puisque c'est quand même prendre un risque de décevoir le client, de ne pas être en mesure, ou même de se décevoir soi-même, de ne pas être en mesure de retrouver exactement ce qu'on avait trouvé au départ. Alors qu'en produisant comme ça, c'est ce que je te disais aussi, c'est que c'est une technique que j'ai vraiment mise au point pour les très gros décors où il y a beaucoup de détails et qu'évidemment que sur des projets plus petits, ça ne va pas forcément avoir lieu d'être. Mais en tout cas, de l'imaginer comme ça, c'est aussi garantir qu'on puisse aller au bout d'un projet sans trop trop s'épuiser et encore, ça peut mieux. On peut quand même... Et encore. Et encore, puisque... Je le disais, il peut m'arriver aussi de faire des très grosses journées pour arriver au bout. Mais justement, si malgré ça, j'arrive encore avec des très grosses journées, ça veut bien dire qu'on ne peut pas passer à côté d'une organisation qui va permettre quand même d'alléger la construction du décompte. Sous-titrage ST'501

  • Speaker #1

    Et quels sont tes projets futurs ? Qu'est-ce que tu aimerais développer ?

  • Speaker #0

    À la limite, il y a deux choses sur les projets futurs. C'est que là, moi, c'est quand même... Je ne sais pas trop si j'ai le droit de le parler. Donc, je ne vais pas dire avec qui je travaille, mais j'ai un projet avec une architecte. Et c'était une architecte dont j'adorais le travail. Donc, méga heureuse de travailler sur ce décor. Et donc, c'est un projet global. Mais dans ce projet, il y a un décor de 8 mètres de long. Donc là, typiquement, je vais mettre en place quand même, dès que la maquette sera validée, Une logique de production derrière pour être sûre de ne pas oublier un petit élément dans un coin qui ne serait pas peint, du coup. Et donc ça, ça va m'occuper encore quand même pendant un moment, puisque l'air de rien, on n'imagine pas un projet de 8 mètres de long comme un projet de 36 centimètres de long. Il y a un tout petit peu plus de matière à fournir. Donc ça, c'est plutôt mes projets futurs et c'est quelque chose... qui va rejoindre mes envies futures, puisque j'ai beaucoup parlé des éditeurs aujourd'hui, mais il y a quand même cette ouverture depuis une bonne année à un marché plutôt avec des architectes et des décorateurs. Et ça... À la limite, c'est ce que j'ai envie de développer. Je n'en ai pas parlé avant, mais en octobre dernier, je participais à un salon qui s'appelle les Rendez-vous de la matière, qui est vraiment un salon qui est dédié justement à la présentation de matériaux ou de savoir-faire particulier sur un public, pour un public architecte, décorateur, mais aussi des grosses maisons, je ne sais pas, Louis Vuitton, Van Cleef, enfin ce genre de...

  • Speaker #1

    Qui d'ailleurs est organisée par le magazine Archistorm.

  • Speaker #0

    Exactement. Et du coup, ce salon, ça a été vraiment pour moi l'occasion de faire des pièces que je n'aurais pas eu l'occasion de faire si je n'étais pas rentrée dans cette logique de présentation de mon métier, avec quand même cette idée que ce salon, il est super, mais c'est des petits stands. Et on ne dit pas exactement la même chose de son métier sur 2m² que sur 10. Et donc, ça voulait dire qu'en très peu de temps, sachant que c'est un salon qui est hyper visité, il fallait qu'on puisse comprendre que, justement, je ne fais pas que du papier peint, même si j'en fais beaucoup. Je ne fais pas que du décor panoramique, même si pareil, j'en fais beaucoup. Et qu'en soi, moi, j'ai qu'une hâte, c'est qu'on m'interroge aussi sur d'autres... Et c'est déjà bien, finalement, bien lancé, mais qu'on m'interroge aussi sur d'autres supports. Et à l'occasion de ce salon, j'avais imaginé un projet que j'avais appelé Dialogue et où c'était un dessin. qui était un peu la mascotte de ma participation. Donc j'avais fait mes invitations, mon catalogue. C'est un dessin qui revenait un peu ponctué de ma participation et que j'ai proposé à trois studios de venir réinterpréter au vu de leurs matériaux de prédilection. Et du coup, j'ai interrogé Studiolaire, qui fait de la lave-émaillée en centre-Bretagne, Larsen, qui est un éditeur de tissus d'amablement, qui a fait une broderie, qui normalement ne fait pas de sur-mesure, mais qui se sont prêtés à l'exercice justement dans ce cadre-là, et Audrey Bigouin, qui est aussi résidente aux Ateliers de Paris, avec laquelle j'ai fait une marqueterie de cuir. Et l'idée, c'était de se dire que ce même dessin, il pouvait avoir vraiment des vies très, très différentes en fonction de comment on allait le traiter. Et justement, ça a donné lieu à plein de discussions passionnantes, en se disant, tiens, là, le feuillage, il est comme ça. nous on va faire un brossé parce que l'émail sur la lave va réagir comme si, comme ça, on va boucher à tel endroit. Ou au contraire, Audrey elle s'est dit, les feuillages ce serait trop bien qu'ils sortent, parce que c'est du cuir, c'est souple, on peut. Et ça c'est vraiment un travail que j'ai envie de continuer, et j'ai qu'une hâte, c'est d'avoir vraiment des partenariats comme ça. Parce que là c'était quand même de l'échantillonnage, mais non du coup sur des grands projets, où je vais pouvoir justement faire vivre ces dessins au vu d'un autre matériau. Et donc si on peut, je sais pas, si on refait une marquée très cuir, mais que je peux repeindre sur le cuir. Enfin voilà, il y a des discussions comme ça, on se dit, mais c'est hyper intéressant, parce qu'on peut aller super loin dans ce que raconte le dessin original. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ce que tu racontais sur l'histoire des peintres ornemanistes dans l'épisode 1, c'est que justement, ils faisaient des dessins pour des vitraillistes, pour... de nombreux métiers et collaborer aussi avec des vitraillistes et je pensais à César évidemment, il faut que tu le contactes donc César Bazar qui lui justement collabore avec des gens qui font des dessins, ça a du sens et c'est clair que c'est génial même de voir qu'un même dessin en fonction de comment il est interprété et de quel matériau est utilisé il va avoir des aspects complètement différents

  • Speaker #0

    Ouais et puis ce qui était très drôle, je te recherche encore la main, c'est que sur le salon il y avait vraiment ces trois échantillons qui étaient placés les uns à côté des autres. Et tu sentais, il y avait beaucoup d'architectes, des décorateurs, etc. Et quand ils passaient, il y avait vraiment leur préféré et c'était hyper marqué et ce n'était jamais le même. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas une production qui était meilleure, c'est juste que ça racontait quelque chose de leur propre projection qui était hyper belle. Puisqu'il y avait vraiment ceux qui arrivaient et qui disaient mais cette broderie, mais c'est super, cette main, etc. Et puis tu avais celui d'après qui disait oh ! Mais la lave, mais la profondeur, parce que c'est un peu vitrifié comme ça. Et du coup, ce qui est intéressant aussi, c'est de se dire que ce n'est pas parce qu'on imagine au départ un dessin sur un support qu'il doit finalement rester comme ça, très sage. C'est vraiment, je pense, moi j'aime bien imaginer le décor comme une fenêtre et donc c'est une manière de projeter autre chose, un autre environnement, d'autres profondeurs. Et ça, j'avoue qu'il y a des manufactures avec lesquelles je rêverais de travailler parce que je me dis... mais si on l'utilisait tel fil ou comme ci ou comme ça aussi parce que j'ai eu un jour j'ai eu ce poste un jour de dire ah bah tiens on pourrait utiliser plutôt tel armure ou tel montage et c'est resté enfin maintenant j'ai envie de le voir vivre les dessins sur d'autres environnements trop bien,

  • Speaker #1

    on te le souhaite et on a hâte de voir ça on arrive au mot de la fin Lucille, qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier qu'il y en ait plus peut-être ouais ça c'est évident on est quand même pas très nombreux

  • Speaker #0

    et pas très nombreuses parce que je pense qu'on est plus de filles quand même. Alors qu'on soit plus volontiers. Après, moi, je pense que c'est surtout aussi une question de... J'aimerais bien qu'il y ait une plus jolie mise en lumière, c'est-à-dire... Là, avec les décorateurs, c'est plus facile. Souvent, ils demandent de signer le décor. Ce n'est pas forcément vrai avec les éditeurs et les manufactures. Je pense que c'est important aujourd'hui de le faire parce que reconnaître qu'un artisan est passé par là, ce n'est pas un aveu de faiblesse. Au contraire, c'est de dire qu'il y a eu un discours derrière, il y a eu un dialogue, il y a eu une rencontre. Et moi, je pense que c'est passionnant. Quand même, c'est de se dire qu'à un moment donné, même des grosses entreprises, elles vont chercher une vision particulière et même des visions particulières, puisque ces maisons, elles travaillent avec plein d'autres dessinateurs. Et donc, du coup, je pense que la reconnaissance et le droit à la signature, il est important aujourd'hui pour que chacun puisse vivre finalement de son métier pleinement. Et après, du coup, je trouve que ça devrait permettre aussi finalement une certaine exigence, puisque je pense qu'il y a des choses qui, des fois, qui sont en termes de qualité, qui peuvent être assez variables. Et quand on signe... Un travail, en général, c'est qu'on l'assume, on y met une partie de sa personne, on affiche une partie de sa personne. Et je pense que c'est aussi un gain pour tout le monde d'avoir comme ça une espèce d'exigence dans ce qu'on raconte, pourquoi on le fait. Je pense qu'il n'y a rien de pire pour moi que des gens qui vous disent Ok, on a trouvé cet archive, on voudrait que vous refassiez la même Ben non. Enfin, en tout cas, pas moi. Et ça, je pense que ça ne peut plus se faire si derrière, on signe. Puisqu'après, il y aurait une espèce comme ça d'éthique qui serait forcément ébafouée et en même temps mise au grand jour. Très bien.

  • Speaker #1

    Eh bien, je pense que c'est le souhait de beaucoup d'artisans. Et moi, j'avoue que, pareil, je vais parler de mon côté market, mais mon côté marketing ne comprend pas pourquoi les entreprises ne parlent pas de l'artisanat français. Parce qu'en fait, aujourd'hui, c'est sexy. Ça fait partie du storytelling de dire, cette pièce, elle a été créée dans un atelier parisien, elle a été réfléchie comme ci, comme ça. Et... Et je sais pas, il y a un truc de se dire non mais il faut laisser du mystère. Non, enfin oui, surtout que tu peux laisser du mystère. Genre c'est pas parce qu'on parle d'un artisan qu'on sait exactement tous les détails du projet. Mais il n'empêche qu'il y a à chaque fois des histoires à raconter et moi je déplore le fait que les entreprises qui font appel à des artisans, les architectes qui font appel à des artisans, ne se disent pas que c'est hyper intéressant d'utiliser cet argument en tant qu'argument marketing en disant bah c'est du bienfait, c'est du beau. C'est du local, c'est du bien-pensé. Il n'y a pas mieux que l'artisanat pour défendre ces valeurs-là. Et je ne comprends pas pourquoi ce n'est toujours pas dans l'esprit des marques. Oui,

  • Speaker #0

    et puis en plus, on sent qu'il y a quand même un changement. Il faut quand même avouer qu'il y a un changement. Il y a des maisons qui s'y mettent. Des fois, c'est encore un peu frileux. Ils le font un peu, mais pas trop. Mais en tout cas, il y a une volonté. On voit de changer. Mais on voit bien aussi que ce sont des fois des grosses machines. C'est-à-dire que... entre le studio de création, la partie marketing, la direction générale, les commerciaux, les showrooms. Au final, tout ça, c'est un écosystème aussi à part entière. Et des fois, je pense que c'est difficile de faire bouger des machines entières. Mais si on y arrive, on est à tout ça et gagné, mais aussi bien eux en tant qu'entreprise. que nous en tant que dessinateurs. Et quand je dis dessinateurs, c'est pas que ça. Typiquement, mes dessins, ils vont être imprimés sur des tissus d'amablement, donc ils vont être aussi utilisés par des tapissiers. Je trouve que c'est exactement... Pour le coup, c'est même au-delà de mon métier. Je pense que citer le tapissier, c'est aussi bien que citer la personne qui a fait, je sais pas, le vase justement dont je te parlais sur un shooting, etc. Donc je pense que c'est important parce que nommer, c'est aussi reconnaître qu'on travaille ensemble et c'est plutôt une force. Il n'y a pas trop de... Enfin, je sais pas, je vois pas trop en quoi ça serait honteux.

  • Speaker #1

    Justement, en t'écoutant, je me disais, en fait, je ne pense pas que c'est honteux. Je pense que je vais prendre l'exemple de la mode et du luxe. Je pense qu'en fait, si tu donnes tes noms, tu as peur de te les faire voler.

  • Speaker #0

    Oui, mais en même temps, c'est un peu hypocrite parce que, par exemple, quand je présente mes collections, tout le monde, il y a vraiment cette petite blague de Vous n'allez pas chez un tel juste après ? Et à un moment, je dis Bah... Je l'ai vu hier ou je le verrai demain, mais vous savez, forcément, ce sont des tout petits écosystèmes. Et donc, c'est évident que je vois tout le monde. Et d'ailleurs, c'est devenu un peu une blague, mais n'empêche que c'est dit. Et donc, ils savent qu'on se voit, etc. Et d'ailleurs, quand ils disent Oh, on a vu votre dessin sortir chez... Et donc, du coup, je trouve que c'est très hypocrite de dire Oui, ça serait pour protéger une espèce de secret de fabrication. Alors qu'au final, plus on grandit dans les métiers d'art et plus on se rend compte aussi qu'on se connaît tous. Et que du coup, on va forcément finir par savoir qui est le tapissier de tel fauteuil sur tel hôtel ou sur tel shooting. À Milan, j'ai été hyper étonnée et touchée aussi parce que, justement, en présentant le fameux décor jardin japonais qui s'appelle Adachi chez Casamance, il y a des galeries qui sont venues me voir en me disant Ah, mais nous, on est la galerie qui avons prêté la commande pour tel shooting ! Ah, mais... Et en fait, c'était hyper touchant parce qu'ils étaient... heureux de faire communauté aussi. Et donc après, on s'est rencontrés parce que justement, on avait été à un moment donné, sans le savoir, sur un même espace. Et donc, comme quoi, on se rencontre forcément et on se connaît forcément. Je trouve que l'argument de préservation d'un nom ou d'un fonctionnement, il est un peu obsolète.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et puis surtout, si on ne communique pas pour surtout que la personne n'aille. pas voir ailleurs et ne travaille pas avec le concurrent. Ce que tu fais, c'est que tu fais de cette personne une personne dépendante des projets qu'elle te donne et donc potentiellement mourante. Et c'est d'ailleurs ce qui s'est un peu passé avec Chanel et toutes les maisons qu'elle a rachetées. C'est qu'en fait, elle les a fait travailler pendant des années et elle n'avait pas le droit de communiquer sur les projets qu'elle faisait avec Chanel. Elle n'avait pas le droit... Je n'ai pas les détails, mais en fait, Chanel a racheté ses maisons. Mais potentiellement, elle n'aurait pas dû aller racheter si elle leur avait permis de communiquer dessus et de communiquer sur les projets Chanel et de montrer ce qu'ils savaient faire. C'est un cercle un peu vicieux où tu veux garder un savoir-faire pour toi d'une entreprise qui va être dépendante de toi. Mais si elle ne va pas voir ailleurs, mon petit chat, elle va mourir.

  • Speaker #0

    Et puis vraiment, on l'a dit plein de fois, mais... Je pense qu'en plus, on se nourrit beaucoup des nouvelles expériences. Donc, se dire, ah bah tiens, je vais développer telle technique pour un tel, ça ne veut pas dire que tu vas aller la refaire chez un autre, mais ça veut quand même dire que, toi, ça te fait un outil de plus et peut-être que ça va permettre d'étoffer la technique, par contre, que tu déploies habituellement pour cette marque. Et tout ça, c'est pour ça que je trouve qu'il y a quand même une manière aussi de valoriser les échanges. Enfin, tout ça, c'est quand même aussi des histoires de rencontres et de personnes, des fois, qui ont eu un peu le culot de dire, même au sein de leurs entreprises, dire, hop, hop, hop, ça serait bien qu'on travaillait qu'un tel, ou, ah, j'ai vu ça, et je trouve que... Justement, même pareil, dans les entreprises, on a toujours l'impression que c'est une seule et grande entité. Mais il y a des directeurs artistiques qui sont absolument formidables, qui ont vraiment un œil, etc. Une appétence, une curiosité pour aller vers l'autre. Et c'est trop dommage que ce soit un peu comme ça éteint, parce que je suis persuadée que ça passionnerait autant leur public. que d'autres artisans et que potentiellement ça peut aussi leur proposer d'autres manières de voir leurs propres produits et franchement c'est tellement dur des fois quand on est salarié de trouver la bonne personne pour travailler sur tel projet etc alors que plus on en parle au final plus on se dit ah mais attends mais moi je connais quelqu'un qui fait ça qui fait ça qui fait ça et donc voilà je pense qu'il y a vraiment tout à y gagner bref il faut communiquer oui je trouve que c'est un très beau mot de la fin bah merci beaucoup Lucille merci merci pour ton temps volontiers merci de m'avoir ouvert ton atelier un jour férié

  • Speaker #1

    Même si je sais qu'il n'y a pas de jour férié pour les indépendants, et encore moins pour les artisans. D'ailleurs, vous êtes beaucoup dans le couloir, à être présent. Donc c'est bien la preuve que jour férié au pas, ça n'existe pas. J'ai eu mes parents aux téléphonières, et ils m'ont dit Bah alors tu fais quoi pour ces deux jours fériés, hein ?

  • Speaker #0

    Ben, je travaille, évidemment. C'est pas férié pour moi.

  • Speaker #1

    Tu sais que c'est la blague ? Mes parents n'osent plus me poser la question. C'est-à-dire que souvent, tu sais, il y a ce truc de... Allô, tu fais... Euh... Ça va ? Ils n'osent plus dire tu fais quoi, parce qu'ils savent que systématiquement, je suis à l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu fais quoi ce week-end ? Je suis à l'atelier. Et lundi, je suis à l'atelier. Et tous les jours, sur le jour de la semaine et du mois,

  • Speaker #1

    je suis à l'atelier. Mais ce n'est pas bien de rester autant. Je ne peux pas le conseiller.

  • Speaker #0

    Ce qui ne serait pas bien, c'est que tu partes en burn-out.

  • Speaker #1

    Non, bien sûr. Mais bon, clairement, on est tous ici des graines de burn-out. Donc non, non, c'est pas bien. C'est bien de le rappeler.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci beaucoup Lucille. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoireartisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

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