#REDIFF Robert Mercier, artisan du cuir cover
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Histoires d'Artisans

#REDIFF Robert Mercier, artisan du cuir

#REDIFF Robert Mercier, artisan du cuir

1h10 |19/08/2024
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#REDIFF Robert Mercier, artisan du cuir

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1h10 |19/08/2024
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Description

Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c’est comme le jazz et le free jazz. Au début on apprend les morceaux de jazz puis lorsqu’on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses œuvres. Belle écoute ! 


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Robert Mercier

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Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c'est comme le jazz et le free jazz. Au début, on apprend les morceaux de jazz, puis lorsqu'on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses oeuvres. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Robert et merci beaucoup de m'accueillir dans ton atelier. Tu es artisan du cuir, tu as eu beaucoup de vie. Je te propose et je propose aux éditeurs qui nous écoutent de découvrir ton parcours lors de ton épisode de podcast avec Raphaël Lebeau dans le Craft Project. Vous parlez de tout ton parcours et vous en parlez merveilleusement bien, donc on ne va pas le refaire. On va se concentrer un peu plus sur ta carrière perso. On va l'appeler comme ça, je ne sais pas comment l'appeler. Mais en tout cas, ton travail plus personnel et le travail que tu veux développer sur tes créations personnelles et de toute ta partie recherche, puisque c'est ce qui nous intéresse chez Histoire d'Artisan, cette innovation. Donc la première question est normalement, peux-tu nous raconter ta rencontre avec ton métier ? Là, je vous invite encore une fois à aller voir Raphaël et à aller écouter son épisode. Si vous tapez Robert Mercier Craft Project, vous devriez trouver facilement. Donc la deuxième question, hop, on fait un petit saut dans le temps. Est-ce que tu peux nous raconter justement tout ce que tu souhaites faire sur ta partie perso, tes envies, ce que tu as envie d'exprimer, ce que tu as envie de montrer de toi ?

  • Speaker #0

    Après le podcast de Raphaël, justement, j'étais en questionnement. Je voulais un peu arrêter tout ce que je faisais avec les entreprises parce que moi, à la base, on me demande une pièce autour du cuir, que ce soit un objet, un sac, un vêtement. Et après, je le développe de mon côté. J'ai travaillé pendant des années pour eux, beaucoup, beaucoup. Et puis... J'ai vraiment senti le besoin de m'exprimer en fait il y a quelques années. Et donc j'ai voulu aussi apporter ce que je pouvais moi développer dans mon atelier et découvrir aussi dans mon atelier. Et donc j'ai continué un petit peu à travailler pour la mode bien sûr parce qu'il faut aussi faire tourner la machine et puis faire vivre mon entreprise quand même. Mais j'ai aussi développé plus tout ce que j'avais dans la tête et je me suis donné l'autorisation, le droit d'aller chercher, d'aller fouiner. dans cette matière que j'aime tant et la développer et puis soit pouvoir la proposer à d'autres ou à moi bien sûr ou en parallèle, maintenant je me garde une partie de temps pour moi pour pouvoir développer en fait mes propres créations.

  • Speaker #2

    Et du coup c'est quoi ces créations ? C'est des éléments que tu as envie de développer et que tu as envie de vendre ? C'est plus de l'artistique ? Ça se concrétise comment ?

  • Speaker #0

    Après tout est à vendre en fait, tous les objets que je fais c'est pas forcément pour les garder, c'est bien sûr mais j'ai pas d'action commerciale dedans. Enfin, je veux dire, je ne développe pas dans l'idée de vente. Je l'ai toujours fait. D'ailleurs, maintenant, je le développe un petit peu plus, mais j'ai toujours fait des objets juste par des idées ou des inspirations. Je les ai fabriqués et conservés chez moi juste parce que j'avais besoin de les faire naître. Et parfois, je rencontre aussi dans mes développements des techniques qui sont intéressantes et que j'ai envie de développer encore plus. Et donc, je les pousse justement en créant un objet pour pouvoir les mettre en œuvre sur une création.

  • Speaker #2

    Quand tu parles d'œuvres que tu as envie de faire naître, c'est quoi ? Tu as des envies esthétiques, justement, c'est guidé par de l'esthétique, c'est guidé par une histoire que tu as envie de raconter, c'est guidé par de la technique ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense que déjà, comme j'ai toujours dit, c'est que moi j'appartiens vraiment à ma matière. C'est ma matière qui me possède et j'ai toujours l'envie de l'amener encore sur un terrain toujours nouveau. Ça a toujours été mon envie, même quand j'ai travaillé pour les autres, j'ai toujours fait le forcing pour qu'on, dès qu'on redéveloppe quelque chose... Ce qui n'était pas confort pour eux parce qu'il y avait toujours ce côté un peu danger où on pouvait ne pas aller peut-être jusqu'au bout du projet parce qu'on ne savait pas trop où on allait. Mais bon, ça s'est toujours bien passé et j'ai pu toujours amener des choses nouvelles et ce qui permet d'avoir toujours du changement parce que je m'ennuie assez rapidement. Et là, quand je crée, c'est vrai que c'est souvent d'abord la matière que j'ai manipulée et qui m'amène quelque chose soit de visuel ou soit dans le... Oui, c'est souvent visuel forcément. et soit ça va être un développement par rapport vraiment à une technique qui a été développée par rapport au cuir, c'est le cuir qui me l'a apporté ou soit à travers les oeuvres aussi que je peux voir au cinéma ou des choses comme ça où d'un seul coup j'ai une envie, je me dis tiens ça on pourrait le créer en vêtements ou en sac et ça pourrait être figé dans le temps comme ça ce sera un instant.

  • Speaker #2

    C'est vraiment guidé par une envie de tester ta matière.

  • Speaker #0

    Oui. Moi, j'ai toujours été dans la performance. J'ai toujours aimé aller plus loin, plus loin, plus haut, plus fort. Et puis, je n'étais pas forcément bien tout le temps. Et donc, il y a toujours cet effet de défi. Enfin, de défi, je ne me pose même plus cette question. Mais à chaque fois, quand je suis en train de créer quelque chose de nouveau, à un moment, ça va bloquer ou je ne sais quoi. Et ça m'apporte quelque chose de nouveau. Et là, je me dis, tiens, la prochaine fois, je vais pouvoir, au lieu d'aller dans cette direction, je vais plutôt aller dans l'autre direction. En fait, moi, j'ai toujours eu cette théorie du chaos qui, en fait, à un moment, c'est la matière qui va me dire On veut faire un pli vers la droite, la matière, elle ne veut aller que vers la gauche, et bien, elle ira vers la gauche. Et c'est moi qui vais m'adapter à elle. Et j'ai souvent fait des produits, par exemple, pour Hitchcock, quand j'ai fait des pièces sur Hitchcock, j'ai commencé les pièces sans savoir comment j'allais fermer encore le sac, par exemple. Mais je laisse avancer les choses et les choses viennent naturellement, en fait, quand on les laisse venir.

  • Speaker #2

    D'où le fait que tu disais que tu dessines assez peu.

  • Speaker #0

    Oui, je dessine assez rarement et je commence souvent avec la matière. Parce que de toute façon, c'est comme ça, je ne le fais pas exprès, mais c'est que même quand on me demande un travail, à un moment, je vais dire, oui, je pense que c'est possible. Comment ça, tu penses que c'est possible ? Oui, il va falloir que je mette les mains dedans. Mais je dis, mais ça va le faire, ce n'est pas un problème. Et effectivement, la matière, elle parle et je vais trouver. Des fois, il y a plus de batailles que d'autres. Des fois, ça vient très vite. Parfois ça vient beaucoup moins vite. Et puis il y a un échange, c'est une lutte aussi avec cette matière. C'est qu'à un moment, elle m'impose quelque chose, mais je pense qu'elle peut quand même aller un petit peu plus loin. Je la pousse un peu dans ses retranchements, comme elle me pousse aussi dans mes retranchements. Et c'est un dialogue entre elle et moi. Et c'est peut-être pour ça que moi, ce qui m'intéresse, moi je travaille beaucoup autour de la sensualité, aussi du côté organique, mais vraiment dans le côté pur de la chose, de l'organisme, c'est que je ne fais plus qu'un avec cette matière quand je la travaille.

  • Speaker #2

    Je sais que tu as rencontré Mathias Kiss. et c'est marrant parce qu'il m'a dit exactement la même chose que toi il m'a dit moi je ne dessine jamais notamment ces ciels il ne dessine jamais de ciel parce qu'il dit mais en fait je ne peux pas je suis incapable de dire où c'est qu'il va y avoir un nuage je suis incapable de dire où c'est que ça va devenir du rose je ne peux pas dire du coup les gens lui font confiance parce qu'ils savent qu'ils maîtrisent le ciel enfin ils se laissent un peu guider comme toi et c'est marrant parce que j'ai eu une autre conversation avec Corentin Brison qui est céramiste Et j'avais demandé à Corentin, et je te poserai la même question, à partir de quel moment tu peux te considérer céramiste ? Parce qu'en fait, je pense que la céramique est sans doute le métier le plus prisé et le plus choisi dans la reconversion. Mais même, c'est très simple de se faire un semestre de cours de céramique. C'est relativement accessible. Mais à partir de quel moment on se considère céramiste ? Et il m'avait dit, à partir du moment où c'est toi qui domptes la matière et pas la matière qui te dompte. Et ça m'avait... vachement parlé parce que, alors, des cours de céramique, j'en ai fait. Et c'est vrai que quand tu es devant un tour avec de la terre et que tu dis tiens, je vais me faire un bol et qu'à la fin, ça devient un coquetier parce que tu t'es complètement raté. Ce n'est pas toi qui as dompté la matière. C'est juste que tu as fait des trucs avec tes mains et puis ça a donné un coquetier ou un verre et pas du tout un bol. Du coup, je te pose la même question. À partir de quel moment, toi, tu considères que quelqu'un est artisan du cuir ?

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il a raison. Après, moi, je pense qu'on est artiste du cuir quand on commence à manipuler le cuir. C'est une histoire de maîtrise, simplement de maîtrise. On peut faire des choses très jeunes, même si on ne maîtrise pas, on peut arriver à faire des choses complètement dingues. Je l'ai vu souvent, il n'y a pas besoin forcément de 20 ans de maîtrise. Mais effectivement, au bout d'un moment, il y a une sorte de confort qui se fait. Je le compare souvent au jazz et le free jazz. C'est qu'à un moment, les jazzmans, quand ils ont atteint un niveau de technicité, en fait... peuvent s'en échapper. Et moi, c'est vrai que j'aime pas trop le pathos, j'aime pas trop les histoires où je me régénère dans la pierre, à l'extérieur. Moi, c'est des trucs que ça me saoule parce que c'est un peu bidon pour faire du storytelling et tout. Moi, je fais pas ça. Mais en même temps, quand je te dis que je suis en connexion avec ma matière, c'est que les grands moments que j'ai vécus, je pense pas l'avoir déjà raconté, mais quand j'ai moulé les choses pour Björk, j'étais à l'extérieur, c'était l'été, il y a un orage qui s'approchait, j'écoutais Björk dans mon casque. J'ai été torse nu parce qu'il faisait super chaud. Et les nuages montaient. Et d'un seul coup, il s'est mis à pleuvoir. Et j'ai continué à mouler sous la pluie. Et j'ai vécu un truc sensoriel comme je n'ai jamais connu ma vie. Et c'est presque comme quand on fait l'amour. C'est un truc complètement fou et qui te change. Et à chaque fois que j'ai cette matière dans les mains, c'est vrai qu'il y a vraiment un vrai dialogue qui se fait avec elle. Mais justement, quand on a maîtrisé, l'avantage, c'est qu'après, on peut se lâcher. Il n'y a plus besoin de penser la technique. Je ne me pose pas la question si je dois faire un rembourse, si je dois faire une couture, si je dois rogner ou quoi. Ça va venir en fait. Je ne me pose aucune question. Et que je débute, on me dit Tu sais comment tu vas faire ? Je dis Non, je ne sais pas. Mais ça va se faire. Et à chaque fois, ça l'a fait, tout le temps. Et c'est vrai que je pense, à partir de maintenant, que je suis arrivé à un niveau où je peux me lâcher et laisser faire. Pour rappeler Mathias Kiss, qui m'avait toujours dit ce qui va être important, c'est surtout qu'il faut que tu arrives à le maintenant, que tu maîtrises ta technique, c'est à lâcher ta technique. Voilà, et qu'elle n'existe plus, en fait. Que ça soit juste un outil, mais qu'elle ne t'empêche pas, en fait, de créer. Parce que souvent, dans les créations, je l'ai souvent vu chez des artisans, quand ils essaient de créer, pas tout le temps, mais parfois, c'est une exposition de technique. J'ai déjà vu des gens qui faisaient des sacs. Oui, c'est bien, on sait que tu sais faire de la teinture, on sait que tu sais couper comme ça, mais ne mets pas tout sur un truc, ça ne sert à rien. Et ce n'est pas ce qui va donner plus de magie au truc ou impressionner. Ça ne marche pas, ce genre de truc. Et effectivement, quand il est venu pour Objet Sensuel, qu'il a vu le bustier avec les cornets de glace, le bustier Oups, il m'a dit, tu vois, tu t'es vraiment détaché de ta technique, parce que... Ce qu'on voit en premier, c'est une œuvre, c'est une création, une envie de t'avoir envie de faire, de faire vivre quelque chose même d'un peu drôle, avec un peu d'humour. Et quand on commence à s'intéresser un peu plus et se pencher un peu plus, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de techniques pour obtenir ça. Et donc, ça, c'était le plus beau compliment qu'on pouvait me faire. Et ça m'a vraiment touché quand il m'a dit ça pour cette exposition.

  • Speaker #2

    On peut peut-être remettre dans le contexte, mais Objet Sensuel a été une exposition qui a été créée par Raphaël Lebeau dans le cadre de Métiers Arts, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #0

    En 2023. C'était en janvier.

  • Speaker #2

    Et c'était une très, très belle exposition sur les cinq sens. C'était très, très joli. Et ce que tu racontes, c'est exactement ce que m'a dit Jérémy Maxwell Ventrebert, souffleur de verre. Quand tu regardes les artistes qui soufflent du verre, il y en a beaucoup où c'est hyper chargé. Ce n'est que de l'ego. Tout ce que je sais faire, je vais le mettre.

  • Speaker #0

    J'avais envie de parler du verre, c'est drôle, parce que je le vois souvent sur les pièces en verre où c'est très, très chargé. À un moment, ça a été un travail aussi pour moi. d'essayer d'arrêter aussi de vouloir mettre, parce que j'ai souffert de ça moi aussi, je pense que dans notre apprentissage, on met tellement de temps à maîtriser chaque étape qu'après, c'est pas qu'on a envie que ça soit rentable, mais on l'amène quand même. Et on veut montrer qu'on peut le faire. Et maintenant, je m'aperçois que juste mouler simplement un corps en cuir, mais même s'il n'a rien d'attaché dessus et qu'il soit fait presque à la perfection, ça a beaucoup plus d'impact que si je lui avais... accrocher des bandes, d'y faire moire et ça sert à rien en fait, on charge trop pour rien, il faut peut-être devenir, alors après c'est ma vision, mais pour d'autres aussi, c'est devenir quelque chose de plus pur aussi et plus simple en lecture et donc plus organique, plus direct en fait.

  • Speaker #2

    Oui je pense que c'est aussi quelque chose qui est dans l'air du temps parce qu'il y a bien une phrase qui dit less is more enfin c'est exactement ça et je pense que on est dans un mouvement artistique où justement on cherche Tu vois bien les intérieurs, ils sont hyper épurés. Quand tu regardes les sites internet de l'ultra luxe et du luxe, c'est des trucs blancs avec une police noire. Tu vois, c'est très propre. Et oui, c'est très pur, comme tu dis. Je pense aussi que c'est un mouvement artistique contemporain. Alors, est-ce que ça va évoluer ? Sans doute.

  • Speaker #0

    Artistique et technique, parce que moi, j'ai connu ces années 90 avec la maroquinerie, les sacs étaient... ultra chargés. Là, on peut parler de Versace ou de ces marques-là qui ne savent plus s'arrêter de charger les sacs. Et plus ça allait, plus on a épuré, en fait, et on a retiré les choses. Mais aussi pour revenir à l'essentiel. Hermès a toujours eu cette... Par contre, ils avaient déjà le bon sens dès le début. C'est de laisser que les choses qui sont réellement utiles et toutes les choses qui sont inutiles, il faut les retirer, en fait. Et ça fonctionne et ça parle plus aux gens. Et comme on a une sorte de retour aussi au savoir-faire et tout ça parce qu'il y a les origines, il y a aussi... Comment dire, à de l'authenticité, quelque chose de... On se tourne peut-être plus vers des choses beaucoup plus pures. Si c'est la pierre, il faudrait vraiment qu'elle soit que de la pierre. Mais moi, je pense que je n'arriverais pas à associer ma matière à une autre, à de la pierre, du verre. Pour moi, le verre, il doit rester qu'avec le verre. Je ne sais pas, c'est peut-être ma vision qui n'est pas bonne, mais je trouve que c'est trop ou ça ne fonctionne pas. Parfois, ça peut peut-être bien fonctionner, mais je pense que c'est difficile d'arriver à faire quelque chose vraiment de cohérent et qui marche bien en mêlant toutes ces matières.

  • Speaker #2

    Peut-être parce que justement pour les imaginer, il faut que tu aies la technique et que tu les...

  • Speaker #0

    Oui, et puis après...

  • Speaker #2

    J'ai le mot gère qui vient, mais...

  • Speaker #0

    Moi, je vois que tout en cuir, en fait. Donc, c'est aussi mon problème. Et c'est pour ça que dès qu'on va me demander tiens, comment on pourrait faire ce truc ? parce qu'il est en rigide, je fais on va te le faire en cuir Et j'ai fait des pièces, par exemple, chez Balmain qui devaient être faites en métal. Ils n'avaient pas le temps de le développer. Je les ai faites en cuir et recouvertes de films métal dorés. Et en fait, elles sont en cuir, elles ne sont pas en métal. Et quand on voit, on pense que c'est en métal. Avec le cuir, on peut faire énormément de choses parce que l'avantage du cuir, c'est qu'on a un panel très large par rapport au pot. Avant de connaître une technique, avant de savoir le manipuler, il faut connaître toutes les matières pratiquement. Parce qu'on est de la matière la plus souple à la plus dure. Plein de cuirs différents. Et donc après, moi, quand on me demande un projet, la première chose à laquelle je pense, c'est lequel cuir je vais utiliser et quel animal je vais utiliser. Un mouton, c'est très souple. Une vache, c'est très rigide. La chèvre, ça va être plus rigide, mais très grainée. Il faut trouver la bonne matière. Donc c'est souvent la matière qui parle. Avec Olivier Rousteing, quand on avait travaillé ensemble pour Balmain, lui, il voulait revenir sur ses origines. Ses origines sont Afrique du Nord et tout ça. Et je me suis dit, nous, la maroquinerie... marocain, maroc, ça vient de ces origines-là aussi. Donc tous les cuirs viennent de là-bas, les cuirs de chèvre, le parchemin, la basane, ces choses-là. Et donc, on n'utilisait plus la basane, c'est un cuir, maintenant on appelle ça un cuir établié, c'est pour dire. La basane, elle était utilisée pour faire par exemple les fauteuils, les clubs. Un club, c'est fabriqué avec de la basane. Si d'ailleurs un club n'est pas fabriqué avec de la basane, ce n'est pas un club en fait, c'est sa matière de base. C'est très très souple, car on connaît tous ce côté confortable qui est unique à travers cette matière.

  • Speaker #2

    Mais qui se détend beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui se détend beaucoup, qui est très souple. Voilà, c'est pour ça qu'il faut maîtriser chaque matière, parce qu'elle apporte quelque chose de complètement différent. Et donc j'ai ramené cette basane qui est un matériau pauvre maintenant, qui est très riche, mais qui est considéré, nous en maroquiner, qu'aucune marque de luxe n'utilise. Le parchemin non plus, on ne l'utilise plus. Mais j'avais envie de le ramener. Et à un moment, je me suis dit, le parchemin, on écrit dessus, moi je vais le foutre dans l'eau et puis on va voir ce que ça donne. Et puis j'ai fait des bustiers moulés avec des plissés et des choses comme ça avec le parchemin, en trouvant, en manipulant.

  • Speaker #2

    Le parchemin, c'est quelle matière ?

  • Speaker #0

    Alors le parchemin, c'est une finition en fait. On laisse vraiment que la fleur de la peau, donc au plus fin. C'est vraiment au 3 dixièmes, c'est vraiment très très fin. Et donc ça peut être de la chair, il peut y avoir des petits veaux. J'ai même vu très très rare, mais des crocodiles ou des autruches en parchemin, ça existe. Mais normalement, l'écriture, quand on utilisait le parchemin pour les livres, c'était des chèvres ou des... La chèvre, c'est vraiment l'origine de tout ça.

  • Speaker #2

    Et tu dis que la maroquinerie, ça vient du Maroc ?

  • Speaker #0

    Ah oui, marocain, par exemple. Il y en a un qui s'appelle le bas. On a une peau qui s'appelle le marocain. Les origines, elles viennent de là-bas aussi.

  • Speaker #2

    C'est vrai que quand tu vas au Maroc, tu n'y penses pas.

  • Speaker #0

    Ils ont un gros travail du cuir, ils ont un gros artisanat du cuir. Oui, et puis ils tannent beaucoup. Il y a les canneries qui sont à ciel ouvert. Qui... Oui, bon là, c'est une autre histoire. Ils n'ont pas développé de la même façon que nous, mais bon, après, on peut les comprendre. Mais évidemment, c'est l'origine.

  • Speaker #2

    C'est génial.

  • Speaker #0

    Et la céleri vient de la selle. De la selle.

  • Speaker #1

    La selle pour les chevaux ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Mais ça, c'est vrai qu'on n'en a pas parlé dans l'épisode 1, mais on n'a pas précisé, en effet. Mais en effet, la sellerie vient de la selle. Mais non, je n'avais pas imaginé que maroquinerie venait du Maroc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'origine du mot.

  • Speaker #0

    J'adore. Donc, on parlait de... C'est quand même dingue. En fait, si tu fais le rapport entre courbe d'apprentissage et courbe de création, au début, c'est épuré parce que tu ne sais pas trop faire de choses. Ensuite, tu as un pic parce que tu sais faire... plus de choses et que tu as envie de tout mettre. Et puis, tu te détaches et ta courbe d'apprentissage, elle se réduit et finalement...

  • Speaker #1

    Si on veut créer des choses, parce que tout dépend dans quelle direction on va. Parce que si on est technicien et qu'on doit apporter un savoir-faire pour une entreprise très précise et tout ça, de garder les techniques jusqu'au bout, c'est parfait. Et ce qui m'a aussi beaucoup aidé et surtout à changer d'entreprise tout le temps, parce que j'ai papillonné, j'ai travaillé aussi pour beaucoup d'entreprises différentes. Mais il faut savoir que pour chaque entreprise, ils ont... tous des techniques différentes. Ils n'ont pas évolué de la même façon, ils n'ont pas commencé pour la même origine. On disait, Vuitton et Hermès, il y a Hermès avec sa selle, il y a Vuitton avec la malle. Et les autres, c'est pareil. Chanel, ils ont démarré plutôt par des vêtements. Donc, toute leur histoire, après, on comprend tout, l'évolution. Mais donc, ils ont tous une façon de travailler et une approche qui est différente. Et donc, ce qui m'a permis aussi d'être curieux et de voir plein de choses, c'est aussi de pouvoir me coller à chaque fois aux techniques de l'entreprise qui me demandaient quelque chose.

  • Speaker #0

    c'est passionnant mais pour revenir à la question initiale qui est aujourd'hui tu veux développer plus ta partie personnelle et créative tu dis du coup que t'as envie de créer en fonction de la technique et j'ai quand même envie de revenir là dessus parce que avant qu'on enregistre on a beaucoup parlé, beaucoup blablaté et t'expliques quand même que t'as déjà si je me souviens bien fait une exposition sur Hitchcock tu m'as dit il y a deux ans donc t'as eu un thème qui t'a inspiré et là si je comprends bien, tu as sur la mythologie, sur

  • Speaker #1

    Kubrick. Et je vous lis sur les matières, sur le trompe-l'œil. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. Donc, dans les faits, il y a aussi des sujets qui t'inspirent et des sujets qui vont orienter ta créativité.

  • Speaker #1

    Oui, mais comme j'ai pu entendre aussi sur des anciens podcasts à toi, c'est que en fait, tout a toujours été là. C'est des envies que j'ai depuis toujours. J'avais des sortes de caillétances où je collais plein de choses, tout ce qui m'intéressait. Il y a peu de temps que je l'ai rouvert et en fait je me dis Ah mais c'est dingue actuellement, j'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai fait ça. Et je m'inspire encore des mêmes personnes alors que j'avais oublié ce cahier, je ne m'en souvenais même plus. Mais mon cerveau, mon inconscient, lui, il ne l'avait pas oublié. Hitchcock a toujours traîné ici. Le cinéma me passionne et c'est un cinéma aussi qui va raconter vraiment des histoires ou qui va être vraiment très… Je veux que ça ait du sens. Toutes mes pièces ont du sens. Ce n'est pas un objet… En fait, sur chaque pièce, je pense que je peux en parler pendant deux heures. Ils ont… tous quelque chose, je les fabrique pas par hasard ou juste parce que je me suis dit là je vais essayer de créer un truc à un triangle vert quoi. C'est pas ça si un triangle vert c'est que ça vienne quelque chose. Il n'y a pas de hasard dans les pièces, il n'y a aucune part de hasard et j'aime bien rentrer toujours dans la psychologie, comprendre. J'ai toujours eu ça par contre. Je suis un peu comme Francis Bacon, le peintre. Ce peintre en fait il était passionné par Picasso et on a retrouvé dans son atelier des photos qui grattaient en fait. et ils ne comprenaient pas trop et des psychologues ont dit qu'en fait, ils essaient de rentrer à l'intérieur de ces personnes en quelque sorte par cet effet de gratter sur les images. Et moi, à chaque fois que je trouve quelque chose qui est intéressant, il faut que je le démonte, il faut que je regarde, il faut que je comprenne comment ça marche. Quand j'aime un groupe, quand j'aime un artiste, je décortique, il faut tout que j'aime. Je lis les biographies, je veux tout savoir sur lui. J'ai ce côté, je suis très curieux, je veux tout savoir. J'ai vraiment cette chose. Et Hitchcock, c'était vraiment l'excuse. La journée, je pouvais aller voir les films, je pouvais noter toutes les choses. J'ai lu tout ce qu'il y avait sur Hitchcock à ce moment-là. Et d'un seul coup, je me donnais cette excuse de pouvoir m'étaler là-dessus, et de me donner plaisir au lieu d'aller travailler à l'atelier. Et j'aime ce côté psychologique des choses et qu'il y a un message pour donner un dialogue. Et puis, je pense que ça ne suffit pas un objet, il faut... Si on veut que ça reste et que ça perdure et qu'on soit intéressé à lui, même 20 ans, 30 ans après, il faut encore qu'il suscite quelque chose. Chez Kubrick, mais quand on voit les gens qui sont fans de Kubrick qui continuent, j'écoute toutes les conférences où il y a des gens, des spécialistes en cinéma qui ont vu des centaines de choses et qui regardent encore 2001 et qui disent il y a des choses que je n'ai pas encore saisies et tout ça. il a trouvé le truc, c'est qu'il a été tellement loin dans sa recherche qu'Ubric, quand il travaillait sur un thème, il allait vraiment à fond dessus. Il avait des dossiers complètement dingues pour chaque film et tout ça. Et ce qui fait que ce qu'il raconte, c'est vrai, c'est authentique. Ce n'est pas quelque chose qui ne fonctionne pas. Et donc, on a toujours des questions à se poser. Il y aura toujours une réponse derrière. Je pense que ça, pour moi, c'est quand même important. Je veux qu'il y ait un sens à travers tout le temps mes objets. J'ai quelque chose de... Je marque des messages dans tous les objets que j'ai toujours fabriqués. Par exemple, il y a toujours quelque chose dedans. Je pouvais laisser des choses, des cheveux, des parties de plumes de corbeau, des choses comme ça. Il y a toujours quelque chose parce que j'ai besoin que ça reste, ça dure. Et je ne veux pas faire des objets qui ne durent pas longtemps. Ce n'est pas parce que je fais. C'est vrai que je fais des objets pour des petites pépettes qui sont sur les tapis pour le red carpet, mais c'est des objets qui sont résistants, solides et que je veux le plus durable possible. Même si malheureusement il y en a qui les portent qu'une seule fois. Mais en tout cas j'ai gardé cette chose parce que l'avantage aussi du cuir, ce qui est magique, surtout quand on prend un cuir de qualité je parle, pas n'importe quoi, il est réparable à l'infini. et on peut le modifier aussi à l'infini et il y a toujours des modifications à faire et ce qui est bien, c'est peut-être la matière qu'on utilise depuis la nuit des temps la nuit des plus anciennes, pas que celle-là mais elle en fait partie, les hommes préhistoriques utilisaient déjà cette matière, on reparle encore du cuir, ça fait toujours partie de notre quotidien entre la veste en cuir qu'on va avoir à même de la peau, presque comme une protection aussi, comme une armure et ça a toujours été, les guerriers ont toujours eu ça aussi Il y a quelque chose qui est vraiment très proche, en fait. On a quelque chose d'organique avec cette matière. Et je pense que là, moi, j'ai peut-être eu encore plus. Bon, moi, je suis accro, je ne peux plus m'en sortir. Mais en tout cas, on a quelque chose de lié à cette matière. Et on voudra, même si dans tout ce qui est durabilité et tout ça, le cuir, c'est vraiment, on ne trouvera rien de mieux. Je vous le dis tout de suite, il y en a qui vont grincer des dents avec leur matière, leur nouvelle matière, avec des champignons et des choses comme ça. Le problème, c'est que quand on commence à vouloir faire quelque chose d'écologique, On veut créer un autre business derrière. Mais arrêtez. En fait, les animaux, il faut mieux les traiter. À l'abattoir, il faut bien que ça se passe correctement. On fait des tannages naturels et tout va bien se passer, en fait. On aura une consommation, mais moindre, parce que ça dure beaucoup plus longtemps dans le temps. C'est plus résistant, c'est réparable et tout ça. Les nouveaux produits qui arrivent, il y a du pétrochimique dessus. Je vais faire avec l'ananas, donc je fais devenir des fibres du Costa Rica en Italie. Je les fais couvrir de fibres plastiques. Je les renvoie aux États-Unis pour fabriquer des sacs. Mais arrêtez, quoi, en fait. utiliser des cures qui vont durer longtemps et il ne faut pas être dénigré il faut forcément se cuire ça c'est vraiment quelque chose qui me trahit beaucoup parce que pourtant je suis végétarien je ne mange pas de viande en fait je n'utilise que la peau moi pour le coup et j'adore les animaux j'aime les animaux mais ça a toujours fait partie d'un cycle ça a toujours été présent moi mon rôle c'est de sublimer cette matière c'est de ne pas la gâcher c'est justement rendre honneur peut-être pour cet animal qui a donné sa vie pour que moi je vive aussi derrière donc c'est assez important et moi j'en ai conscience de ça et je la respecte oui je fais tout ça en tout cas pour pour que ça soit le mieux possible, que ça se fasse le mieux possible.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûre que tout le monde ait cette réflexion, mais c'est génial aussi de te l'entendre dire et de réaliser que c'est plus qu'un matériau. C'est ce que tu racontes pour beaucoup. Il y a l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme le bois. C'est un matériau vivant. Il est quand même là. Et comme le bois, comme même le métal, tous ceux qui travaillent, je pense, leur matière, après, ils sont liés à cette matière. Et c'est comme ça qu'on la connaît. Et on peut apporter tellement de choses. Je pense que... Franchement, c'est peut-être fou de dire ça, mais je pense que tout est possible en fait. Et c'est ce que j'adore. La mode, moi, je n'étais pas forcément proche de la fashion et tout ça. C'est un endroit où ils développent. Alors, ils ont déjà un peu d'argent pour développer les produits. Et puis, ils n'hésitent pas à faire des trucs complètement fous aussi, d'aller sur des terrains complètement dingues. Et donc, plus on me demande quelque chose de dingue, plus je suis heureux. Parce que je me dis, tiens, on va aller voir si ça peut fonctionner.

  • Speaker #0

    En t'écoutant, j'ai envie de te poser cette question. Est-ce que toi, tu te considères comme un artiste ?

  • Speaker #1

    Non, ça c'est sûr.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce que tu racontes sur les carnets, sur les idées, sur... Je sais très bien à quoi tu fais référence. Tu fais référence à Pauline Loctin qui, elle, se considère comme artiste et qui dit en fait, il y a des idées qui sortent huit ans après.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la même chose. Mais je n'ai pas une journée sans idées, effectivement. Je sais, mais je ne me considère pas comme artiste parce que je me trouve trop déstructurée. Je suis trop... Je vais tout le temps dans tous les sens. Parfois, on m'a dit, mais tu devrais faire ta collection et faire un défilé, mais je ne pourrais pas. Mais réellement, je n'ai pas cette capacité, je suis trop décousu, je ne pourrais pas créer une collection homogène. Là, la preuve, c'est que je commence une collection. J'ai déjà fait deux pièces pour cette idée de collection autour de la mythologie et je suis en train déjà de parler des prochaines choses que je vais faire, alors que je ne l'ai même pas fini. Et ce qui vient perturber, parce qu'il y a des pièces qui vont sortir au milieu de celles-là. Donc, non, je ne sais pas. Et puis après, je pense que je suis plus animé par mon artisanat que par la création. Je ne pense pas avoir le bon truc à un moment de me dire... Ça, c'est j'ai utilisé les bonnes couleurs et tout ça. Je ne sais pas ces choses-là. Même la bonne coupe, je ne suis pas sûre. Moi, la coupe, je la fais, je la pose, je la regarde et je découpe comme ça. Pour moi, un artiste, c'est plus structuré. Je ne sais pas. Après, c'est la vision de chacun, je pense. Mais moi, en tout cas, je me considère plus. Je suis un artisan. Voilà, je suis un artiste.

  • Speaker #0

    Mais je comprends et on en a déjà parlé. Cette frontière très floue. Mais pour moi, la définition de l'artiste. tu peux être un artisan d'artiste oui mais je comprends mais pour moi à partir du moment quand t'es artiste c'est que justement t'as envie de raconter des choses et tu vois qu'importe le médium qu'importe si t'as 3, 4, 1, 1000 médiums tant que tu crées des choses qui ont envie de raconter quelque chose pour moi t'as cette casquette d'artiste t'as pas tort mais je suis en construction aussi

  • Speaker #1

    que ça fait peu de temps aussi que je suis libre et que j'assume déjà de dire c'est ma pièce, c'est moi qui l'ai fait et tout ça, c'était tout nouveau quoi.

  • Speaker #0

    Mais parce qu'on ne vous apprend pas à revendiquer une pièce.

  • Speaker #1

    Pas du tout, non, on doit vraiment s'effacer tout le temps et c'est pour ça que tous les artisans mettent que leur travail en avant et pas eux-mêmes. Ils n'ont même pas de conscience parfois du pouvoir. Moi je commence à me rendre compte du pouvoir qu'on a quoi. On a un pouvoir assez dingue. Et quand on sait l'utiliser, forcément, on peut faire des choses assez folles. Maintenant, je l'assume et j'espère qu'il y en a d'autres qui réagiront avant moi parce que là, je suis quand même à 47 ans et je réagis que maintenant. Donc, j'ai perdu pas mal de temps, mais j'ai quand même créé dans mon coin. Rien ne m'a jamais freiné, même si je n'aurai pas les pièces, même si je ne disais pas que j'étais un artiste, même si je n'exposais pas. J'ai toujours fabriqué et créé des choses. Mais moi, c'est vrai que j'ai toujours vu le côté artisan. J'ai suivi beaucoup d'artistes parce que j'aime beaucoup vraiment l'art. Et le premier vraiment qui aurait pu être un père, c'est Pierre Soulages, que j'ai beaucoup aimé. J'ai beaucoup aimé son travail, j'aime d'ailleurs toujours son travail. Mais il avait une approche vraiment d'un artisan. Il fabriquait ses outils. À un moment, lui, il va faire les beaux-arts. Il reste deux semaines et il s'en va en fait. Parce qu'il dit, j'ai rien à faire ici. Et d'un seul coup, on lui dit, mais tu sais, le noir, c'est pas une couleur. Et en fait, il va faire tous ses tableaux en noir. Et il va créer son propre parcours dans son coin. Il travaille au début peu de moyens. Il va travailler avec des gens qui font du goudron à l'extérieur. Il récupère un peu de goudron et il l'utilise comme ça. Et il s'aperçoit que les outils qu'il a besoin, il ne les trouvera pas dans le commerce. Donc, il les fabrique lui-même. Donc, c'est un artisan. Et après, il va créer sa matière. Et j'aime bien cette façon où à un moment, il dit qu'il patauge dans le noir et qu'à un moment, il dit je suis perdu, je ne sais plus où je suis. Et d'un seul coup, il y a cette délivrance. Quand tu y arrives, Moi, je l'ai ressenti quand on a la vision de quelque chose et qu'on arrive jusqu'au bout. Qu'est-ce que c'est magique ? Mais c'est terrible parce qu'il y a des moments, le soir, je suis un demi-dieu. Et puis le lendemain, je suis une merde. Le lendemain matin, parce que je me dis, bon, allez, bouge ton cul parce que là, ça ne marche pas. Mais c'est comme ça, ce n'est pas grave. Au moins, c'est la preuve que j'ai toujours envie d'avancer et que je ne me contente pas aussi. Mais ces petits mouvements de vagues, mais qui font aussi qu'à chaque fois, je pense qu'il y a tout le temps du changement dans le travail parce que je me remets tout le temps en question. En fait, je repars à zéro à chaque produit. Mais réellement, sincèrement. Et je pars, mais avec beaucoup de risques. Il y a des fois, le défilé, il est dans deux semaines. Et je suis en train de faire un truc que je n'ai jamais fait. Et ça passe. Et quand ça passe, c'est magique. Et c'est chouette. Et voilà, c'est cette libération qu'on parlait du début qui permet maintenant d'être... Et puis, plus on en fait, plus ça fonctionne et plus on a envie de faire parce qu'on a plus confiance en soi. Mais j'ai mis beaucoup de temps à avoir confiance en moi parce qu'en entreprise, ce n'est pas ce qu'on nous fait. fait ressentir. À l'école non plus, notre formation, mais de toute façon, tous les artisans nous forment aussi dans un côté aussi humble. On nous dit tout le temps, mais qu'est-ce que t'es humble, qu'est-ce que t'es pas prétentieux, tout ça, mais il y a pas beaucoup d'artisans qui sont prétentieux, en fait, je sais même pas si ça existe. On est là, on fait ce qu'on a à faire, mais moi je les vois à chaque fois, on me montre une pièce, puis on me dit, tiens, regarde cette pièce, mais t'as vu, là, j'ai merdé ici. Mais on me montre pas ça, en fait. Et pourtant, les arts, c'est toujours ce qu'ils font dès le début. C'est assez fou. toujours un peu se dévaloriser.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense que tu as raison. C'est qu'en fait, l'éducation a fait qu'on ne vous a pas appris à être fiers.

  • Speaker #1

    Oui, on a été éduqués comme ça, tout simplement. Et quand je dis qu'on s'excuse d'être là, ça a toujours été un peu ça. Donc après, quand on a quelque chose, moi, j'ai toujours eu quelque chose. Effectivement, j'étais toujours très proche de l'art. Vraiment. Pourtant, mes parents n'y étaient pas du tout. Mais j'ai acheté énormément de livres. J'ai lu beaucoup, beaucoup de choses sur ça, très, très tôt. Et toujours, c'est toujours là. Et je pense que... tout ça s'était renfermé en moi, en fait. Et j'avais besoin. Et à un moment, quand j'ai arrêté, quand j'ai explosé, que j'ai arrêté avec toutes les maisons de luxe, et que même j'ai fait cette expo Hitchcock, quand je disais que je me suis donné le droit, c'est que à un moment, il fallait que ça sorte, en fait. C'était plus possible. Et ça a été des moments clés qui ont été importants aussi pour ma vie. En étant personnel, c'est que tout est lié, en fait. Et avec ma famille, avec... Je viens d'une famille où on est six enfants. Il a fallu qu'on se fasse un peu chacun de notre côté. C'était un peu chacun pour soi aussi. C'était un peu difficile. Et je ne les vois pas forcément beaucoup, on n'est pas forcément liés. Et avec ma mère, il y avait des trucs qui n'allaient pas. Je lui reprochais aussi des choses, comme souvent beaucoup d'enfants reprochent à sa mère. Et en faisant, c'est dingue, cette expo Hitchcock à l'arrivée. Et Hitchcock, il faut savoir que dans tous ses films, il faut voir que la femme est toujours mise en avant. C'est la femme qui est forte, c'est elle qui a du pouvoir dedans. L'homme, il est souvent très minable quand on regarde bien. Il y a la mère qui a un pouvoir assez fort et très dominant d'ailleurs. Et en travaillant beaucoup sur Psychose d'ailleurs, j'ai fait la paix avec ma mère en fait. Avec cette Norma et ce Norman, et réellement, et j'ai été content de faire ça parce qu'elle est partie peu de temps après, pas tant d'années que ça après, et ça m'a permis en tout cas de lui pardonner des conneries qu'on garde dans la tête et que les parents font comme ils peuvent, les pauvres. Maintenant je le sais, je suis parent moi aussi, ma fille elle va me reprocher des choses, c'est normal, c'est peut-être son rôle à elle, mais bon, on a tous ce cheminement-là, mais les parents ils font comme ils peuvent en fait, on fait ce qu'on peut. Et donc cette expo, elle a été très très importante. À mon niveau personnel, oui. Vraiment, vraiment, oui. Et ça m'a ouvert. Justement, en travaillant sur la psychologie de Norma et de Norman et de Hitchcock, comment ils l'avaient amené, j'ai compris beaucoup de choses, en fait. Ça m'a vraiment éclairé.

  • Speaker #0

    Je comprends ces moments un peu d'épiphanie. Et je pense qu'il y a quelque chose aussi, sans doute, qui différencie l'artisanat de l'artistique. C'est que dans le processus artistique, l'objectif... C'est l'exposition, d'être dans une galerie, d'exposer. Et en l'occurrence, quand tu parles d'un vernissage, c'est un cocktail. Donc c'est une célébration. Tu vas célébrer, tu vas vernir. une exposition, tu vas la célébrer. Et je pense que la différence avec les artisans et l'humilité de l'artisan, c'est qu'à aucun moment, l'artisan y célèbre. Oui,

  • Speaker #1

    peut-être.

  • Speaker #0

    Et en fait, moi, c'est quelque chose qu'on m'a appris parce que j'ai, à une époque de ma vie, voulu entreprendre et créer mon entreprise. Et tu sais, on te dit, quand tu crées ton entreprise, tu as une montagne à gravir, une énorme montagne. et si tu regardes le haut de la montagne tu vas avoir le vertige, tu vas te dire mais j'y arriverai jamais alors que si tu regardes la marche d'après tu vas dire ok, prochaine étape, ça c'est faisable, t'es une marche, c'est faisable. Et on te dit pour faire passer le temps et attendre d'atteindre ce sommet qui en vrai tu l'atteins jamais parce que quand t'atteins le sommet tu veux un autre sommet. Mais en gros on te dit pour arriver à l'atteindre, il faut que chaque marche tu les célèbres. Et tu vois, par exemple, c'est une discussion qu'on a eue avec mon père. Je lui dis, mais attends, c'est génial ce que tu as fait. C'est génial ce que tu as entrepris. J'espère que tu l'as célébré. Il me dit, mais non, Lisa, parce que ça n'a pas été signé. Parce qu'il y a toujours une bonne raison pour ne pas célébrer. Tu vois, par exemple, tu finis une pièce que tu veux présenter pour un vernissage. Ça se trouve, ce vernissage, il est dans cinq ans. Mais tu as fini ta pièce pour ce vernissage dans cinq ans. Eh bien, célèbre le fait d'avoir fini cette pièce. Et je pense que ça aide vachement. à prendre du recul petit à petit. Et moi, je m'en suis rendue compte. Il y a trois ans, tu me demandais de dire ce que j'entreprends, c'est fort et c'est impactant. Je t'aurais dit, non, je ne peux pas le dire. Et aujourd'hui, je suis capable de te le dire. Oui, en fait, ce que je fais avec l'association, c'est important, tu vois.

  • Speaker #1

    Oui, je comprends. Je l'ai vécu en plus. Parce que j'allais tellement vite aussi dans tout ce que je faisais qu'en fait, je passais à un autre projet et des fois, on me reparlait d'autres. Je dis, mais ça, c'est fini. Ça n'existe plus. Je ne me rendais même pas compte de ce que je faisais dans l'année. Je ne savais même plus. Je ne pourrais même pas, même actuellement, je pense que je ne pourrais même pas donner de date par rapport au produit que j'ai fait. Ça va tellement vite, effectivement, parce qu'il n'y a pas de célébration de fin ou quelque chose comme ça. Mais tu vois, il y a un truc qui me revient, c'est marrant. Enfin, pas qui me revient, mais qui me fait réfléchir quand tu parles de ça, c'est que je pense qu'aussi, ce terme artiste, peut-être ce qui me fait peur, c'est en passant, j'ai conscience de ça quand même, mais peut-être qu'en disant que je suis artiste, j'ai peut-être peur de ne plus être un artisan. Et moi, c'est ce qui m'importe le plus. J'ai trop vu de gens en entreprise qui, à un moment, ont dit Tiens, tu vas avoir une augmentation parce que tu vas passer, c'est toi qui va diriger l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu vas devenir manager.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, il ne va plus jamais toucher la matière. Pour moi, je crois que ce serait la pire des punitions. C'est peut-être même pour ça que je n'ai jamais pris personne. Parce que je ne veux pas former, parce que je ne veux pas ne plus pouvoir toucher cette matière. Et il y a peut-être de ça. Et peut-être que je ne veux pas ce terme, effectivement, parce que j'ai peur de ne plus être un artisan. Et en même temps, tout ce que je crée, c'est l'artisan qui le crée. Donc, je préfère rester de ce côté-là. Et ce n'est pas grave, on s'en fiche du terme. Ah oui, mais les étiquettes, on s'en fiche. Après, les gens, ils pensent ce qu'ils ont envie de moi. Tu vois ce que je veux dire ? De toute façon, j'ai un côté un peu insaisissable et que je comprends. Il y avait une personne qui connaissait un peu la graphologie. Quand il a vu mon écriture, il m'a dit, tu es vraiment décousu et tout ça. Et tu dois être assez instable. Et effectivement, je me disais, mais qu'est-ce qu'il raconte ? Il m'a dit ça très jeune et en fait effectivement je suis très instable dans tout ce que je fais. Je termine tout ce que je fais, je suis très sérieux dans tout ce que je fais. Mais par contre effectivement demain je pourrais parler des moteurs de voiture. Ça c'est tout à fait possible. Ça me prend comme ça en fait, presque du jour au lendemain. Mais c'est ce qui fait aussi ma particularité et mon côté un peu... Je peux apporter quelque chose d'unique aussi. Et c'est là aussi avec Olivier Roustin quand il m'a donné la possibilité de lui proposer des choses. Et qu'il était à l'écoute, simplement, il était à l'écoute pour moi. Alors, il a choisi des choses, mais même s'il ne les avait pas choisis, déjà, rien que d'être à l'écoute, je me suis dit, j'ai le droit, en fait, de leur montrer, parce que j'avais déjà préparé plein de choses, mais je n'osais pas, en fait. Et là, quand il m'a ouvert, c'était la porte ouverte, et donc là, je n'hésitais plus. Donc après, quand j'étais dans les autres boîtes, tout de suite, j'arrivais et je disais, tiens, vous voulez faire un truc comme ça, je peux vous proposer telle ou telle technique, tout de suite. Et c'est pour ça que maintenant, on ressent tout de suite la technique qui vient dans tous les objets. que je fabrique pour toutes les entreprises parce que je pense que j'amène de moi tout de suite. Et ça, je n'aurais pas eu les épaules de le faire avant. Maintenant, je peux le faire plus facilement. Et plus ça fonctionne et plus on a de force. C'est comme on monte une entreprise, on a très peur. On en remonte une deuxième, on a un peu moins peur et ainsi de suite. Et c'est exactement la même chose. On évolue petit à petit et on prend confiance qu'en essayant, en ratant et puis en avançant surtout. Ça, c'est bien beau.

  • Speaker #0

    Pour quand même cultiver toujours sa différence. Ça, par contre, je l'ai compris très tôt. C'est que je comprenais que je ne voulais pas la même chose que les autres. Mais je ne suis pas un méchant. Je ne dis pas non pour être méchant, en fait. C'est parce que je ne le sens pas. Et si je te dis oui et que pendant tout le long du projet, on ne fait que s'engueuler ou ça ne fonctionne pas, ce n'est pas la peine, en fait. Donc, je préfère dire non tout de suite. C'est un peu dur, mais au moins, comme ça, c'est plié. Mais après... Dans mon fonctionnement, même d'avoir cette bougeotte, de ne pas pouvoir me figer dans quelque chose, ce qui fait que ça m'a donné une force de connaître plein de techniques, en fait, et de pouvoir apporter des choses tout le temps nouvelles dans tout ça. C'est comme, tu vois, nous on avait une famille où on n'avait pas d'argent, j'aurais pu dire après, oui, mais moi je viens d'une famille pauvre, tu sais, tout ça. Mais pas du tout, je trouve ça génial, parce que ça m'a développé un sens de la récup et de malin, en fait, que j'aurais peut-être jamais eu si j'avais eu les moyens. Donc quand on commence à me dire, j'en ai eu certains qui me disaient, oui, mais moi, tu comprends, je commence à fabriquer, mais j'ai pas ci, j'ai pas ça et tout. Si t'as pas ça, prends autre chose. Mais c'est pas à moi que tu peux dire, moi, ils peuvent pas me faire culpabiliser parce que j'ai commencé avec vraiment rien. Et je continue un peu sur cette lignée de simplicité. Et c'est comme ça qu'on peut faire aussi des développements pas trop élevés aussi. Mais oui, voilà, on peut amener sa différence parce que si elle fait. mal à personne ou tout ça, j'en ai vu, il y a vraiment des cons qui vont dire non tout le temps parce qu'ils sont prétentieux, parce que je ne sais pas quoi. Mais ceux-là, ils n'avancent pas de toute façon. Mais là, ça avance, ça fonctionne et on s'aperçoit par contre, quand j'arrive à travailler avec quelqu'un, je ne travaille pas avec tout le monde, mais quand je travaille avec quelqu'un, on fait un peu d'étincelle quand même, on fait quelque chose qui existe. Donc c'est chouette, ça marche. Donc non, non, c'est top, il faut rester qui on est, tout simplement, je pense. Il faut accepter ma personnalité, c'est comme ça. Moi, j'arrive aux réunions, je suis habillé comme je suis habillé aujourd'hui. Je ne vais pas me travestir ou me changer. Je suis comme ça, il faut m'accepter comme ça, c'est tout.

  • Speaker #1

    Ce qui me donne justement envie de te poser la question. Tout à l'heure, tu disais, moi, mes pièces, ce n'est que du cuir. Et je n'imagine pas rajouter d'autres matériaux. Tu n'as pas du tout envie d'intégrer un autre artisan et de réfléchir. Après, tu ne l'as peut-être pas rencontré. C'est la discussion qu'on avait justement avec Pauline Loctin. finalement les collaborations c'est aussi des rencontres mais tu n'as jamais rencontré quelqu'un où tu t'es dit lui il a tel métier on a commencé à discuter, on a la même vision on a envie de raconter la même chose, pourquoi on n'essayerait pas de faire une pièce ?

  • Speaker #0

    Déjà je pense que ça ne s'est jamais présenté ce qu'il y a c'est que je pense qu'il y a beaucoup d'artisans comme on travaille tous dans nos ateliers respectifs on ne se rencontre jamais. Quand j'ai commencé à freiner mon travail et en prendre beaucoup moins j'avais plus de temps libre les premières choses que j'ai fait c'est aller voir les artisans avec qui en fait on travaillait liés Par exemple, la personne qui faisait les gants avec le look que je faisais pour Balmain, j'ai été la voir parce qu'on ne s'était jamais vu. On se connaissait de nom, on ne s'était jamais rencontré. Et donc, j'ai été voir un peu tout le monde pour les rencontrer, tout simplement. Mais autrement, ça ne se fait peut-être pas forcément facilement. Il faut faire la rencontre. C'est comme un apprenti, l'apprenti qu'on voudrait tout donner. Je pense que c'est une rencontre qui se fait unique. Il y a un moment où on va dire, je vais tout lui donner à lui parce que je le sens. Mais aussi, dans mon parcours, ce qu'il y a, c'est que pendant longtemps, j'ai toujours créé des choses. Et à chaque fois que j'ai rencontré des gens qui travaillaient d'autres matériaux et je leur ai demandé de m'aider en fait dans tout ça, ils n'ont jamais voulu. Donc comme ils ne voulaient pas, je me débrouillais tout seul. Donc c'est pour ça qu'à la fin, un ferroir en métal, je ne pourrais pas avoir, il sera en cuir. Et ça, on ne peut pas le faire aussi en bois, on va le faire en cuir. Et donc c'est pour ça que je dis peut-être que tout est faisable en cuir. C'est aussi tous ces refus qui ont fait que je l'ai fait moi-même. Et donc après, je suis autosuffisant, je n'ai besoin de personne en fait. Moi je me... fabriquer tout un truc sans avoir personne. En plus comme moi je travaille aussi un peu le bois, c'est peut-être le seul médium que j'amène associé à mon travail et c'est moi qui fais les structures. Mais ce qui me permet aussi d'avoir d'un bout à l'autre, ce qu'il y a c'est que dans mon travail actuel, avec la mode, il faudrait que ça aille très très vite. Donc le corps qui a été sculpté, je préfère le sculpter moi parce que je sais exactement ce qu'il va me falloir pour pouvoir avancer le plus vite possible sur la suite. Et si j'ai besoin de le modifier, je n'ai pas besoin de le renvoyer et qu'on va me dire mais attends, il faut une semaine pour le modifier. Moi, je peux le modifier. Tu es flexible. Je suis très flexible et très souple là-dedans. Et c'est ce qui convient aussi à la mode. C'est ce qui leur va. Moi, ils m'amènent une problématique. Après, quand une boîte me demande du travail, derrière, ils n'ont plus de problème. Les problèmes, c'est moi qui les absorbe. Ils auront une pièce finie à la fin. Et en plus, moi, je suis quelqu'un d'anxieux et tout. Donc souvent, je le vis plutôt mal. Mais voilà, normalement, c'est ma responsabilité. Donc je prends tout à ma charge.

  • Speaker #1

    On en revient à notre petite anecdote. Il paraît que tu as une très belle anecdote à nous raconter, Robert, donc j'en suis ravie. Est-ce que tu peux nous raconter une anecdote en relation avec, du coup, plus tes créations ?

  • Speaker #0

    Avec la création, effectivement. Il y a eu un moment, il y a peut-être maintenant, ça fait trois ans peut-être, trois, quatre ans. Il y a une personne que je connaissais qui m'a demandé, en fait, la réparation d'un sac. Pour le coup, c'était un sac Hermès qui était assez ancien et qui devait être restauré. Et je lui ai dit, mais moi, tu sais, je ne vais pas faire les réparations. de tout le monde, je veux bien faire les réparations de mes amis mais pas forcément de tout le monde, et il m'a dit si si tu vois c'est une personne qui est quand même très intéressante et qui me tient à coeur et qui est vraiment gentille donc j'aimerais bien que si tu pouvais lui réparer ça serait sympa, donc je lui ai dit bon écoute ok ça marche, ben on va prendre rendez-vous et puis on va se voir et donc on prend rendez-vous, donc avec Marie Chantal Dois de Mar, alors que je ne savais pas encore, je vais pas brûler les étapes mais donc elle m'invite à boire un café au Palais Royal, donc on boit ce café on discute, elle me montre le sac que Après, je suis toujours touché de restaurer quand même des vieux sacs comme ça, surtout de bonne qualité, parce que c'est toujours quand même intéressant de faire perdurer aussi ce travail et puis que le sac ne soit plus utilisable juste parce que la poignée est cassée en deux ou des choses comme ça. Donc, j'accepte ça. Et donc, dans la conversation, elle me demande ce que je fais. Donc, je lui explique un petit peu pour qui je travaille, ce que je fais. Et surtout, elle me pose cette question, c'est mais qu'est-ce que tu aimerais bien faire ? Ça, c'est la question qu'on ne m'a jamais posée. Et je ne sais pas pourquoi. Pourquoi ? Alors là, pour le coup, je n'étais vraiment pas préparé. Je lui ai dit, écoute, moi, ce que j'aimerais bien faire un jour, c'est de réaccessoiriser les films d'Alfred Hitchcock et donc de recréer des vêtements, des sacs et des objets plus modernes, mais comme si je les fabriquais pour le film, en quelque sorte. Et donc, elle me regarde et me fait, si tu le fais, moi, je t'expose. Et je n'avais pas compris. Et en fait, c'était la directrice de la galerie Joyce, qui était de l'autre côté du Palais Royal. Et donc, j'ai fait cette collection et puis elle est exposée à la Joyce Gallery, au Palais Royal, grâce à ça. Incroyable. Autour d'un café et d'une réparation de sac.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce qu'en off, on parlait de savoir dire non, c'est prendre soin de soi. Mais savoir dire oui, c'est aussi ouvrir des opportunités.

  • Speaker #0

    Ou savoir jauger.

  • Speaker #1

    Mais mon Dieu, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Là, ça devient compliqué. Il ne faut pas toujours dire non, il ne faut pas toujours dire oui.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais ouais, c'est incroyable. Mais je pense qu'il doit t'en arriver plein, des histoires comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, bah les délices.

  • Speaker #1

    T'as dit oui, et puis en fait, c'était Antel qui t'a permis...

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, ça. Faut quand même avoir de l'audace aussi, un petit peu, dans ce qu'on fait. Parce que déjà, bon, je pense qu'il y a beaucoup d'artisans qui l'ont fait aussi. C'est de fonctionner au coup de bluff. Moi, le premier corps moulé que j'ai fait, je ne l'avais jamais fait. On m'a dit, vous avez déjà fait ? Je fais, oui, oui, oui, j'avais jamais fait.

  • Speaker #1

    Comme Rihanna, elle dit. Fake it until you make it.

  • Speaker #0

    On a tous un moment de bascule où on se dit, là je sens que je suis capable d'aller plus loin et on y va. Il y a ça et puis il y a des opportunités qui se font. Quand les étoiles doivent s'aligner, elles se font. Moi je me dis que de toute façon, quand quelque chose doit se faire, ça se fait. Même si on a loupé une occasion, si on doit faire un projet avec une personne qui est importante et que ça nous tient à cœur et que d'un seul coup ça ne passe pas parce que pour X raisons, il ne faut pas se dire ça y est c'est mort, c'est foutu ou je ne sais quoi parce que... s'il doit se faire quelque chose, il y a un autre projet qui va ressortir et moi j'ai souvent vu et ça s'est souvent présenté et puis il y a des choses qu'il faut tester, même moi actuellement il y a des artistes que j'aime bien j'aimerais bien travailler pour eux j'envoie des messages sur Instagram, salut machin truc voilà oui j'ai très peu de gens qui me répondent mais de temps en temps ça marche et Casey c'est comme ça que ça s'est passé avec Mugler Casey ça s'est joué en une journée c'est tout je voulais plus vraiment travailler et bon Malheureusement, j'ai eu un petit moment de détente. Il s'était abonné à ma page Instagram, je l'ai vu. Je savais que c'était le directeur artistique de Mugler parce qu'il regardait un petit peu tout ce qui se faisait. Et je lui ai envoyé un message tout de suite en disant Quand est-ce qu'on travaille ensemble ? Et je n'ai pas mis bonjour je n'ai pas mis au revoir Je n'avais même pas qu'il était américain, donc il ne parlait pas français. Enfin, jusqu'à maintenant, je ne pensais pas qu'il parlait français. Et il me répond maintenant Et donc, l'après-midi, j'étais dans ses bureaux et il me proposait le projet Beyoncé. Incroyable. Voilà.

  • Speaker #1

    Et parce que tu parles d'artistes, mais du coup, tu sembles parler plus d'artistes de mode. Est-ce qu'il y a des artistes dans d'autres sphères, d'autres domaines qui t'attiraient ?

  • Speaker #0

    Moi, de travailler avec des artistes, tu veux dire ? Oui. Ça ne s'est jamais proposé.

  • Speaker #1

    Mais quand tu dis, je vois des artistes et il y en a avec qui j'aimerais beaucoup travailler, que d'ailleurs j'ai contacté, c'est souvent dans le milieu des artistes.

  • Speaker #0

    C'est plutôt des personnes qui jouent de réhabillés ou c'est plutôt comme ça, tu veux dire. Ok,

  • Speaker #1

    je vois.

  • Speaker #0

    Des profits que j'aime bien ou des gens que voilà, peut-être aussi pour l'excuse de... pouvoir les rencontrer peut-être aussi. Mais ça se construit petit à petit, ça se fait petit à petit aussi. Et maintenant, c'est assez drôle quand il y a des personnes que j'ai invitées pour mon expo, mais juste avec les messages Instagram, donc qu'ils n'ont jamais eu le message au bout parce qu'ils n'ont jamais été jusqu'au bout sûrement. Et que maintenant ils viennent s'abonner à ma page et qu'ils me disent On adore votre travail, c'est génial et tout. Je trouve ça marrant parce qu'il y a encore mon message qui est affiché, celui que j'ai envoyé, qu'ils n'ont jamais eu. Je les avais invités deux ans avant et puis ils ne sont pas venus parce qu'ils n'ont peut-être même pas eu le message. Ils se vinissent peut-être pas tout et ça se fait quand même petit à petit oui, et ça se ramifie en fait, c'est des choses qui se ramifient, par contre c'est vrai qu'il faut avoir de l'audace ça c'est ce que je pourrais dire aux plus jeunes aussi, c'est que il faut avoir de l'audace mais il faut aussi avoir quelque chose à donner, parce que je vois trop de gens qui c'est juste parce qu'ils ont un look complètement dingue, ils ont l'impression qu'on les attend et tout ça, mais personne t'attend il faut surtout n'attendre rien de personne. On n'a pas besoin de nous. Personne n'a besoin de personne. Ce n'est pas parce que tu as un super look à l'école que les directeurs artistiques vont dire Wow, tu as un trop beau look, tu vas devenir le directeur artistique de Mugler Non, ça ne fonctionne pas comme ça. Il faut avoir quelque chose à donner. Et si j'ai aussi réussi un petit peu à faire un peu mon trou là-dedans, c'est parce que j'ai quelque chose à leur donner aussi, donc à leur apporter. C'est pour ça qu'ils viennent le chercher aussi. Ce n'est pas juste... Il y a beaucoup de gens qui pensent que j'ai un réseau parce que je connaissais un truc. tel et tout ça. Je ne connaissais personne. Je viens d'Uberi, je viens de ma campagne, avec des parents qui n'avaient pas de réseau. Je suis arrivé comme ça, je ne connaissais vraiment personne. Ça s'est fait petit à petit. Une personne qu'on rencontre qui connaît un tel et ainsi de suite, et ainsi de suite.

  • Speaker #1

    Et que tu as bien travaillé et que du coup... Et voilà,

  • Speaker #0

    ils ont besoin de quelque chose. À des fois, on ne travaille même pas en direct, mais on va rendre un petit service et ce qui fait qu'ils voient qu'ils peuvent avoir confiance en nous. Parce que c'est la confiance, c'est un truc vraiment premier. Ça, c'est ce qui doit se construire et surtout le pilier, enfin tout ce qui va... tout structuré parce que si on ne peut pas avoir confiance dans les personnes, on ne peut rien faire parce que ça, c'est le plus compliqué. Pour être sûr que le projet aille jusqu'au bout aussi. Parce que là, d'un seul coup, un créateur, quand il fait un dessin et qu'il nous le donne, c'est d'un seul coup, tout est sur nous. Si on a décidé d'arrêter, c'est terminé. Le projet, il est fini.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est qu'il t'intègre dans une stratégie de collection. Tout ça, c'est réfléchi. Donc, si tu le fais faux bon, en fait...

  • Speaker #0

    C'est un moment où la pièce... Plus la pièce est importante, si d'un seul coup, on fait la pièce qui va ouvrir le défilé ou le fermer... Et que d'un seul coup presque, je ne veux pas dire que tout le thème est autour, mais c'est assez important. On peut parler des coups en porcelaine par exemple. C'est que d'un seul coup c'était pour faire des personnages qui ressemblent à des poupées. S'il n'y a plus ces coups en porcelaine, c'est fini. Donc si on le lâche au dernier moment, c'est terminé d'un seul coup. Il va falloir trouver une autre solution et ça, ce n'est pas agréable pour eux, ça c'est sûr. Donc il faut vraiment avoir une confiance jusqu'au bout et qu'ils soient sûrs que tout soit livré en temps et en heure. qu'on soit toujours là pour essayer d'assurer et tout ça. Moi, c'est ce que je fais. Je fais un suivi vraiment jusqu'au bout pour Beyoncé. J'ai été jusqu'à Stockholm pour aller faire les retouches. Ils m'ont séquestré dans le stade de France. Donc, non, c'est... Alors que je n'étais pas payé pour ça. Mais ça fait partie du package, en fait. Et c'est ça qui prouve que je suis fiable, en fait. C'est juste que je suis fiable. Oui, je peux avoir un caractère de cochon, mais je suis fiable. Si j'ai dit oui, je vais jusqu'au bout.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en effet, c'est très important. Je pense qu'il y a aussi un aspect, c'est qu'il ne faut pas être déçu. Par exemple, si tu proposes un petit projet pas très cher et un gros projet beaucoup plus cher, il ne faut pas être déçu qu'ils prennent d'abord le petit projet. Moi, dans ma tête, c'est, commençons petit. Je te montre que ce qu'on fait, c'est incroyable. Ou que ce que je fais, c'est incroyable. Et ensuite, tu verras que tu peux me confier du gros.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il faut savoir les attraper aussi. Les attraper aussi avec ça. Et puis oui, prouver que ça tient debout. Est-ce que tu peux nous raconter un projet de recherche sur lequel tu as fait beaucoup d'innovation ?

  • Speaker #1

    Alors là où il y a eu le plus de travail au niveau de cette innovation, ce qui découle de la robe de Zendaya, en fait, qui a été faite avec des drapés en cuir, c'était quelque chose que, dans l'histoire, ce que j'avais développé de mon côté, un petit peu. Alors à la base, l'inspiration, elle vient de la Libergui dans le peuple de Delacroix. Au début, je prends une matière et en fait, je ne m'impose rien. Je ne me dis pas, il faut que j'aille jusqu'à derrière, il faut que ça soit faisable et tout ça. Et je me lance comme ça, mais vraiment brut. En fait, ce n'est pas grave si ça ne va pas jusqu'au bout, mais comme ça, je peux m'apercevoir des limites où il va falloir que faire des efforts ou essayer de rechercher un petit peu plus et tout ça. Donc, j'avais travaillé là-dessus. Et puis, sur la victoire de Samothrace aussi, au Louvre, qui était une proue de bateau. Et donc, c'est des drapés qui ont un effet mouillé, en fait. Voilà. Donc, ce qui fait naître cette façon, cette technique. Et donc, voilà, j'avais travaillé ces quelques drapés que j'avais présentés justement à Olivier Rousteing. Et ça lui a plu, mais on n'a pas travaillé tout de suite dessus. Il a fallu que ça travaille un petit peu. Et puis... peut-être qu'ils puissent le caser sur un défilé, peut-être parce qu'il y a des thèmes aussi quand même. Et il y a un moment où on m'a dit, ça y est, on est prêt, on va travailler sur les drapés. Donc à partir de là, il a fallu développer. Moi, au début, je l'avais fait assez simplement, très brut. Le tout premier jet, il est toujours très brut. Et là, j'avais pris une basane, je l'avais mouillée, j'avais fait des drapés. Ils n'étaient pas forcément très cohérents et tout ça, mais on sentait qu'il y avait déjà quelque chose et que ça pouvait fonctionner. Et après, comme on voulait quelque chose de plus délicat, il fallait travailler avec de l'agneau pour que... les plis fassent plus comme du tissu et moins quelque chose de très gros comme une sculpture de marbre donc il a fallu que j'utilise plusieurs colles il a fallu tester plusieurs colles celles qui allaient bien convenir pour faire ça aussi et puis pouvoir travailler presque de décoller et recoller tout le temps parce que j'ai un mouvement il faut que je crée pli par pli que ça soit cohérent en plus j'ai le nez toujours dessus donc il faut que je prenne tout le temps du recul et c'est surtout le défi qu'il y a à travers ça c'est qu'on travaille avec des peaux d'agneau qui sont assez petites Et quand on crée un drapé, en fait, on prend un grand drap, on le prend d'un côté et le drapé, il se forme naturellement. Moi, il fallait que j'ai cet effet-là, mais avec des toutes petites peaux. Donc, il fallait les raccorder les unes aux autres, sans que ça se voit, bien sûr, parce qu'autrement, on casse la magie. Donc, il a fallu essayer de masquer tout ça et essayer toujours d'être cohérent. Ça, ce travail-là, je le dis vraiment, j'ai beaucoup travaillé avec Balmain, avec le styliste qui bosse là-bas. On a vraiment échangé parce que lui, moi, j'ai jamais fait d'école dans le textile ou même pris des cours là-dedans. Donc c'est un peu des choses que je ne connais pas bien. Le drapé non plus, je ne le connais pas plus que les statues grecques qu'on peut voir. Et il était là très important parce que c'est surtout, j'avais besoin de son regard pour voir si c'était cohérent. Et parfois, il me disait, j'avais complètement fini la face, et il me disait, mais là, tu vois, au milieu, c'est pas possible, en fait. C'est pas plausible. Donc je démontais tout le centre, en fait, simplement le centre, et après, je le reconstruisais à l'intérieur. Ça a été des heures et des heures et des heures de travail. C'est un truc, je pense que c'est le truc le plus fou. Et je l'ai dit plusieurs fois à des gens qui me connaissaient, que ça m'obsédait tellement que quand j'allais me coucher le soir, j'allais me coucher tard, en dormant, je drapais mes draps. En fait, je les prenais avec mes doigts et je les étirais. Je me rendais compte que quand je me réveillais, j'étais en train d'étirer les draps. En fait, c'était vraiment, ça m'obsédait à un point complètement dingue. Et petit à petit, voilà, j'ai réussi à trouver exactement comment il fallait faire et tout ça. Mais j'ai eu... une aide extérieure, j'avais besoin de ses yeux pour comprendre comment ça pouvait fonctionner. On a réussi à développer quelque chose qui a fonctionné et qui a bien marché. Et oui, j'étais vraiment content de ce développement. Oui, c'était quelque chose d'assez magique.

  • Speaker #0

    Finalement, ce que tu ressors, c'est la complémentarité des parcours qui vous a permis d'atteindre le drapé le plus plausible possible.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'actuellement, ça s'est un peu, je ne vais pas dire démocratisé, mais les corps moulés, même les drapés, si on va voir sur Instagram, on peut en trouver assez facilement. C'est vrai que ça a fait un peu ses... c'est pas moi qui l'ai inventé, peut-être que j'ai aidé à le relancer, mais Issey Miyake l'utilisait beaucoup, Alexander McQueen l'utilisait beaucoup, moi je me suis beaucoup inspiré d'Alexander McQueen, il avait des artisans qui le faisaient très bien, donc c'est pas moi qui l'ai créé non plus, mais ça a relancé un peu la machine, il a envie en fait des gens de le faire, donc il le teste mais on peut vite voir que il n'y a pas vraiment de vie en fait dans ces plis il faut vraiment amener une vraie intention de poids en même temps, un tissu c'est léger et en même temps c'est lourd... Et en même temps, il doit être humide dans l'idée. Et donc, il faut penser à toutes ces choses. Et allez voir, ça a été beaucoup de montage et de démontage pour obtenir ça. Et maintenant, je pense que je le maîtrise déjà beaucoup plus. La robe de Zendaya était vraiment sur le bout. Parce que quand on a travaillé ces drapés, il y a eu trois looks qui étaient faits pour un défilé. Là, j'ai vraiment galéré. Ça a été très dur. Ça a été un passage très douloureux pour moi parce que je travaille vraiment beaucoup. Et ça ne fonctionnait pas toujours. Il y a des fois, c'est vrai que quand le stylus me disait... Non, là, tu vois, sur l'épaule, ça ne va pas. Franchement, j'ai envie de lui dire, mais... Tu fais plus. Bon, je ne sais plus. Mais bon, le soir, je pensais ça. Le lendemain matin, je revenais, je démontais tout. Et puis, j'étais reparti. Il fallait que ça fonctionne parce que moi aussi, j'ai envie de ça. C'est quand on est à bout. Mais moi, ça m'est arrivé plein de fois de pleurer dans l'atelier. Je le dis tout de suite. Ça me prend trop à cœur quand on nous dit... Il y a cette phrase magique qui dit Oui, mais on ne sauve pas des vies. Mais va te faire foutre. On ne sauve pas des vies. Mais ce que je suis en train de faire, c'est important pour moi. Et je veux que ça soit parfait. Et je veux être dans une condition comme si j'étais en train de sauver une vie. On ne peut pas faire des comparatifs comme ça. C'est trop facile, en fait. C'est un peu bizarre. Après, on peut comprendre que les crises qui sont dans la mode, où on dit non, mais attends, on va passer les délits, ça, je comprends. Mais après, quand on se défonce jusqu'à, peut-être presque jusqu'à notre santé pour faire quelque chose, mais on se donne à notre cause, c'est comme ça, en fait.

  • Speaker #0

    Et je pense qu'on a tendance à dire ça aux gens qui ne trouvent pas de sens. dans leur métier. Enfin, tu vois, moi, autour de moi, en l'occurrence, il y en a très peu qui sont dans l'artisanat. Enfin, je parle de mes proches proches, pas de ceux que j'ai rencontrés grâce à Histoire d'artisan, mais il y en a beaucoup qui font des métiers et vraiment, ça ne les intéresse pas vraiment et ils se tuent à la tâche, ils finissent à 22h, ils commencent à 8h et tu as envie de dire bah...

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, la phrase, elle était plus...

  • Speaker #0

    Ouais, enfin, je pense qu'en effet, la phrase... Moi,

  • Speaker #1

    je l'ai déjà entendue cette phrase et on me l'a déjà sortie et c'est vrai que je me suis déjà c'est pas normal mais c'est vrai que je vais parfois jusqu'à bout techniquement et physiquement en fait sur des choses, quand on finit par pleurer dans l'atelier je pense que c'est que tout seul le soir je pense que c'est que on a été peut-être un petit peu trop loin même physiquement, des douleurs ou des blessures, mais on a tous fait ça parce qu'on se donne à notre cause on se donne à 200% c'est pour ça que cette phrase je trouve que moi j'aime pas l'entendre parce qu'effectivement, moi, je me défonce comme si c'était... Je ne me défonce pas parce qu'il y a Beyoncé au bout. Non, c'est parce que c'est mon artisanat que je veux qu'il soit précis, qu'il soit parfait, qu'il soit en tout cas le plus possible. Je veux essayer de me donner en tout cas à fond pour que ça soit le maximum de ce que je peux donner. Comme un sportif, je pense qu'il va devoir aller jusqu'au bout, même aller chercher encore plus loin que l'énergie qu'il peut donner. Et je pense qu'il y a de ça, je pense, un petit peu là-dedans.

  • Speaker #0

    Oui, mais en t'écoutant, je me dis... en fait je pense que c'est très compréhensible de la part de n'importe qui que t'es envie d'avoir le geste parfait la finition parfaite, le rendu parfait en revanche il y a un aspect qui est rajouté toi dans ta pratique, c'est que tout ça doit être fait dans le rush à chaque fois et qu'en fait je pense que tu te mettrais pas je m'engage peut-être pas mais tu te mettrais potentiellement pas dans des états pareils si t'avais 3 mois pour le faire bien sûr,

  • Speaker #1

    ah oui, c'est sûr

  • Speaker #0

    Et en fait, le fait que tu pousses ton corps et ton esprit à bout est causé par le fait que tu es dans une situation où on ne te donne pas le choix de le faire dans un temps.

  • Speaker #1

    Oui, la présentation est dans trois jours. Il n'y a pas de... Les nuits blanches, c'est comme ça qu'elles se font. Ce n'est pas par plaisir, en fait, c'est sûr. Après, voilà, oui, il y a ce côté où on revient encore à l'artisan qui va faire son maximum, en fait. pour aller jusqu'au bout. Et le reste à côté, ce n'est pas grave. Mais j'en ai pris quand même conscience et c'est pour ça que maintenant, je freine un petit peu aussi. Parce que je n'ai plus envie. Les nuits blanches, je ne veux plus en fait. Les week-ends, je veux aussi retirer. Je veux passer du temps avec ma famille. Je veux aussi faire des choses pour moi. J'ai envie de vivre en fait. Parce que, qu'est-ce que je vais pouvoir apporter ? Je me sentais un peu au bout à un moment de ce que je faisais parce que je ne vivais plus à côté. Je n'y vais que dans l'atelier. Je ne pouvais même plus voir personne, même pas boire un café. Ce n'était pas possible. Je n'avais jamais le temps. Il y avait toujours quelque chose. Non, là, je ne peux pas. Je dois finir ça. Je dois finir ci. Et c'est sans fin. Ça pouvait être sans fin.

  • Speaker #0

    Et ça, c'était quand ?

  • Speaker #1

    Il y a deux ans, c'était encore là. Donc, le confinement n'a pas aidé ? Non, ça s'est accéléré, moi. Ah oui ? En fait, moi, quand on m'a contacté après cet épisode Covid et puis le confinement, on m'a dit, donc, les entreprises ont décidé de freiner. Nous, on va accélérer. Oui, parce que c'était aussi l'occasion pour les défilés. Il n'y avait plus que 10 marques qui défilaient. Si on fait partie des dix marques qui défilent, on se fait plus remarquer que quand il y en a 200. C'est logique. Et donc, j'ai fabriqué deux ou trois fois plus d'objets. C'est pour ça qu'il y a des gens qui me disaient Oui, ça a été difficile pour moi le confinement et tout. Je le comprends, mais moi, ça a été plus difficile, mais dans l'autre sens. Ça a été une orgie. Je fais des... Je ne vais pas raconter de bêtises, mais il y avait des bustiers drapés et les jucs, mais il y en avait, je ne sais plus, 17, je crois, ou 18, quand on a défilé. Plus des masques, plus des choses. Enfin, c'était une folie, c'était incroyable, quoi. Et c'est ingérable. Je veux cesser à la chaîne et j'ai plus de plaisir. Par contre, quand moi j'ai plus de plaisir, c'est fini, je dois arrêter. J'ai besoin de ressentir encore ce que je dois donner. Autrement, demain, autant que j'aille en production et travailler à la chaîne. Autrement, c'est pas la peine que je continue de faire ça.

  • Speaker #0

    Je pense que la grande difficulté, c'est de se rendre compte que t'as plus de plaisir.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un moment où je ressentais plus. Le dernier vraiment défilé que j'ai fait, j'ai fait quelques petits boulots, parce qu'on va me dire, tu t'es pas arrêté. Il y avait Margiela récemment. Mais Margiela, ça a été fait sur 9-10 mois, le travail. C'était différent. On a travaillé complètement différemment. Ils ont compris le malaise qui avait été créé par toutes les entreprises autour. Ils voulaient quelque chose et ils ont été patients. Ils ont été réglo. Ils ont tout fait comme il fallait. Pour moi, je ne considère pas ça comme ça. Mais le dernier gros truc, c'était le défilé Balmain-Gautier. J'étais en train de m'apercevoir de faire des pièces complétées. complètement folle et que j'adorais. Et en même temps, je ne ressentais plus rien en les faisant. Je les faisais à la chaîne. Et là, je me suis dit, c'est fini, je suis foutu. Donc, j'ai préféré me détacher de ça pour pouvoir me préserver et essayer de le garder. Et puis après, si je peux le garder à travers mes pièces à moi, c'est peut-être encore mieux, je ne sais pas. Mais en tout cas, c'est bien pour moi.

  • Speaker #0

    C'est une très bonne transition vers la future question. Quelles sont tes envies et tes envies de projets futurs ?

  • Speaker #1

    Mes envies de projets futurs, c'est surtout déjà de fabriquer mes pièces et puis peut-être de les exposer, quand je retrouverai un lieu d'expo. On cherche à en dire des expositions. Voilà, donc déjà, ça serait de pouvoir refaire une exposition sur mon travail, j'aimerais bien. Parce qu'en plus, quand je fais les expositions, ce que j'aime bien, j'en ai fait qu'une, mais c'est d'être présent, enfin deux d'ailleurs pour le coup, avec Objet Sensuel, mais c'est d'être toujours présent sur place. Donc je peux échanger avec les gens et ça, c'est ce que j'apprécie. Enfin, en tout cas, c'est un bon final à mon travail de savoir, moi, j'ai toujours travaillé et après, c'est un coursier qui emmène les pièces et après, c'est terminé, elles n'existent plus. que là d'un seul coup j'ai le retour des gens on sait ce qu'ils en pensent j'adore cet échange c'est surtout ça, j'aimerais bien pouvoir montrer en tout cas mes créations mon travail et mon univers parce que j'ai aussi un univers à moi et pouvoir le présenter un petit peu plus largement ça serait vraiment mon futur on te le souhaite on te le souhaite beaucoup et du coup le mot de la fin qui est qu'est-ce que tu souhaites pour le futur des métiers du cuir ? pour le futur des métiers du cuir j'espère surtout Surtout que les écoles vont se ressortir un petit peu mieux. Je ne sais pas si l'éducation nationale peine vraiment à... Tout a évolué. Je n'arrive pas à comprendre actuellement que les écoles sont pleines et dans les entreprises, ils ne trouvent personne, en fait. Mais ils ne les prennent pas forcément. Alors, c'est assez étrange. Il y a quelque chose qui ne va pas. Maintenant, les entreprises ont compris. Ils font leur recrutement eux-mêmes, pour être sûr. Je ne sais pas s'ils font bien aussi. Je pense qu'il va falloir surtout éduquer et je pense que le plus important quand même, c'est de montrer nos métiers aux plus jeunes qui le connaissent, qui voient aussi toutes les possibilités qu'il y a derrière, parce que les possibilités sont infinies, que ce soit dans le cuir, dans le bois et tout ça. Qu'ils en aient conscience, parce qu'on a perdu ça, on ne sait plus ce qui est possible de faire. Et souvent, on ne connaît même pas les métiers. Et comme ça, pour qu'ils puissent se tourner plus tôt vers ces métiers surtout. et peut-être s'épanouir là-dedans. Parce que moi, j'ai cet exemple que quand même, j'aimais l'art, j'aurais voulu être artiste. J'ai commencé par sculpter, moi. Mais je n'ai pas pu faire les beaux-arts parce qu'on n'avait pas les moyens, c'était trop loin, des choses comme ça. Je n'ai jamais pu être artiste. Mais à travers mon travail, pourtant qui n'avait rien à voir, je fabriquais des sacs ou des ceintures et des choses comme ça. Petit à petit, actuellement, je m'aperçois que je peux quand même apporter quelque chose d'un peu artistique dans mon travail. Donc au final, j'y suis arrivé. En fait, j'ai quand même lié le tout. et réussi à faire ce que j'aurais aimé faire au début d'une autre façon, sur un autre médium, sur plein d'autres choses, mais je m'épanouis aussi comme ça. Donc tout est possible et surtout qu'il faudrait faire découvrir de plus en plus. Les podcasts sont là et ils sont très utiles, je pense, en tout cas pour les plus jeunes. Moi, je pensais qu'à un moment, ça intéressait beaucoup l'artisanat, les gens. On me disait, mais oui, mais on parle beaucoup d'artisanat. Maintenant, on ne parle plus que ça, que de l'artisanat. Oui, c'est très bien, les émissions sur TF1, de voir les usines Viton qui tournent et tout ça. Mais ça, ça plaît aux plus vieux qui, d'un seul coup, par nostalgie, se disent Tiens, ça me rappelle mon grand-père, ça me rappelle mon père qui faisait ça et tout. C'est très bien. Mais maintenant, les plus jeunes, il va falloir qu'ils soient plus intéressés. Et c'est là où j'étais. quand même content, c'est qu'à un moment, j'aime pas qu'on me parle que de Zendaya ou de Beyoncé ou tout ça, et on s'en fiche, mais ça aide en tout cas à avoir un pont, un lien avec les plus jeunes qui d'un seul coup, si je parle de Zendaya, on m'écoute, en fait, déjà. Donc quand derrière, j'ai eu plein de messages, il y a même des jeunes filles qui sont fans de Zendaya, qui ont des pages Instagram assez importantes et tout ça, et qui m'ont envoyé leurs dessins parce qu'eux, ils ont le fantasme de créer une robe pour Zendaya et me demander mon avis, si c'était sympa, si c'était bien et tout ça. Et je trouve ça assez touchant parce que, d'un seul coup, ils ont pu comprendre, à travers ce que j'avais fait, qu'il y avait derrière ces robes aussi un artisanat. En fait, il était derrière. Ça, c'est bien. C'est ce qu'il faudrait qu'on arrive à montrer. C'est que même à travers ce travail qui peut être superficiel aussi et qu'on peut mal critiquer, il y a quand même beaucoup d'artisans qui se défoncent et qui maîtrisent incroyablement leur métier. Dans tout le métier de la mode aussi, ils sont très nombreux. Et ces jeunes peuvent accéder à ça aussi. Et un jour, ils poseront peut-être les cristaux de la robe de Kardashian. Mais non, mais c'est toujours quelque chose qui peut être... Et si ça peut aider, pourquoi pas ? Au début, je trouvais ça bête. Et puis après, je me suis dit, mais non, ça nous permet au moins de parler de quelque chose. On parle au moins le même langage, ils nous écoutent. Et après, au final, ils sont quand même à l'écoute de ce qu'il y a autour et de ce qui a été fait. Ça peut peut-être être un bon lien aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est un peu la cible secondaire, on va dire, de l'association. Mais j'ai un peu cette conviction qu'en montrant... l'innovation au sein des ateliers. Certes, on montre que l'artisan, ce n'est pas juste un faiseur, c'est aussi un ingénieur. Et on montre que c'est hyper créatif d'être artisan français aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Déjà, tout le monde amène, je pense, plus ou moins à un niveau différent, mais tout artisan amène des solutions tout le temps, tout le temps, tout le temps. On est toujours, de toute façon, sauf quand on nous demande quelque chose de précis et qu'on répète des gestes. Mais l'artisan lui-même dans l'atelier, il est tous les jours confronté à des problèmes et à devoir amener une solution à ça. Et après, si on a une passion ou un petit don dans le style, ou si on sait bien associer les couleurs, moi je pense que si on est fleuriste, ça va nous apporter quelque chose de plus. Si on est dans le milieu de la mode, on va pouvoir dire Mais tu sais, avec le mauve, moi j'aurais bien mis un jaune en dessous. Et on peut apporter quelque chose. Et moi, je ne pensais même pas, c'est pour ça que je reviens à ça, mais je ne pensais pas que de ce que j'aimais, la sculpture, l'art, j'aurais pu discuter un jour de ça et d'amener des idées quand même. Parce que ce n'est pas moi qui choisis les choses et tout ça, mais on amène notre pierre à quand même à déficier. On est quand même là, on est présent, on fait partie des projets. Et je suis assez fier de pouvoir faire partie de projets comme ça maintenant qui vont rester dans l'histoire. J'ai regardé des choses de Mugler ou d'Alexander McQueen. J'étais impressionné de McQueen quand je regardais les défilés, mais c'était incroyable pour moi et tout. Et là, quand j'ai eu ce défilé Margiela, je me suis dit, mais maintenant, t'en fais partie, en fait. Et c'est ça qui est dingue. Et ça nous transporte. Demain, bah oui, demain, le défilé est terminé, il va falloir que je retrouve quelque chose d'autre. Mais il y aura encore d'autres projets qui vont être là. Si on se donne et si on travaille, il y a toujours quelque chose à apporter. Et les plus jeunes qui sont quand même, là, on le voit, c'est que sur Instagram, ils sont extrêmement nombreux à suivre aussi des stars et des choses comme ça. Mais si un jour... Je ne sais pas, si tu rêves d'approcher de cette star, fais quelque chose que peut-être tu pourras lui vendre ou faire, je ne sais pas. Il faut essayer. Moi, c'est la première chose que j'ai fait avec la musique, en donnant des sangles de guitare à des musiciens. Parce que c'était ma petite excuse et au moins j'allais jusqu'au bout des choses. Et puis après, ça construit quelque chose forcément derrière. Donc oui, il y a plein de choses et il faut avoir une approche plus ludique en tout cas. Pas qu'ils aient que confiance du star system, parce qu'il ne faut pas non plus garder que ça. Mais en tout cas, il y a la possibilité de toujours travailler pour des gens qui peuvent aimer. C'est toujours bien. Moi, le jour qu'on m'a proposé, c'était un dimanche, quand on m'a annoncé Est-ce que tu voudrais travailler pour Björk ? Mais je me prostitue pour Björk. Je fais tout, mais tu ne me payes même pas. J'étais tellement heureuse de travailler pour elle. Je sais ce que c'est d'être fan. J'étais fan quand j'étais plus jeune et je trouve ça super. Il faut faire une continuité. J'étais un grand fan de la CDC et tout. Enfin, je suis toujours. J'ai tout collectionné. Je les écoutais constamment. Et quand j'avais 30 ans, je les ai rencontrés et je leur ai fait des sangles de guitare. Et si je n'avais pas fait ces sangles, je n'aurais jamais été les rencontrer. Donc j'ai réalisé mon rêve à travers mon travail. Parce que j'avais cette excuse, je me serais dit que je me serais retrouvé devant, qu'est-ce que je vais leur raconter, j'ai écouté tous vos albums, super. Mais rien que la rencontre, et là ça me donnait une excuse, et puis aussi de donner ce que j'étais capable de faire, et ce que je pouvais être fier de faire. C'est magique et j'ai vécu plein de moments comme ça. Et pourtant, j'ai un lycée professionnel, il faut avoir envie, et il faut toujours croire en ses rêves, parce que ça se fait toujours un petit peu. Et moi, j'en ai réalisé énormément. C'est vrai que c'est chouette. Et c'est pour ça que même s'il y a eu des difficultés, comme vous pouvez écouter dans le podcast de Raphaël juste avant, il y a des difficultés dans tous les métiers, c'est vrai. Là, je les avais mis un petit peu en avant, mais il y a plein de choses super aussi. On vit des choses complètement extraordinaires aussi, et des choses uniques. Ça, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est un très beau mot de la fin. C'est génial, trop bien. J'adore quand tu finis les épisodes comme ça, tout positif. Trop chouette. Eh bien, merci beaucoup, Robert. Merci pour ton temps.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Parce que ça fait déjà un bout de temps que je te débranche à ta maison. Donc, merci vraiment beaucoup pour ton temps. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Robert Mercier vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes du podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

Description

Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c’est comme le jazz et le free jazz. Au début on apprend les morceaux de jazz puis lorsqu’on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses œuvres. Belle écoute ! 


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Robert Mercier

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c'est comme le jazz et le free jazz. Au début, on apprend les morceaux de jazz, puis lorsqu'on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses oeuvres. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Robert et merci beaucoup de m'accueillir dans ton atelier. Tu es artisan du cuir, tu as eu beaucoup de vie. Je te propose et je propose aux éditeurs qui nous écoutent de découvrir ton parcours lors de ton épisode de podcast avec Raphaël Lebeau dans le Craft Project. Vous parlez de tout ton parcours et vous en parlez merveilleusement bien, donc on ne va pas le refaire. On va se concentrer un peu plus sur ta carrière perso. On va l'appeler comme ça, je ne sais pas comment l'appeler. Mais en tout cas, ton travail plus personnel et le travail que tu veux développer sur tes créations personnelles et de toute ta partie recherche, puisque c'est ce qui nous intéresse chez Histoire d'Artisan, cette innovation. Donc la première question est normalement, peux-tu nous raconter ta rencontre avec ton métier ? Là, je vous invite encore une fois à aller voir Raphaël et à aller écouter son épisode. Si vous tapez Robert Mercier Craft Project, vous devriez trouver facilement. Donc la deuxième question, hop, on fait un petit saut dans le temps. Est-ce que tu peux nous raconter justement tout ce que tu souhaites faire sur ta partie perso, tes envies, ce que tu as envie d'exprimer, ce que tu as envie de montrer de toi ?

  • Speaker #0

    Après le podcast de Raphaël, justement, j'étais en questionnement. Je voulais un peu arrêter tout ce que je faisais avec les entreprises parce que moi, à la base, on me demande une pièce autour du cuir, que ce soit un objet, un sac, un vêtement. Et après, je le développe de mon côté. J'ai travaillé pendant des années pour eux, beaucoup, beaucoup. Et puis... J'ai vraiment senti le besoin de m'exprimer en fait il y a quelques années. Et donc j'ai voulu aussi apporter ce que je pouvais moi développer dans mon atelier et découvrir aussi dans mon atelier. Et donc j'ai continué un petit peu à travailler pour la mode bien sûr parce qu'il faut aussi faire tourner la machine et puis faire vivre mon entreprise quand même. Mais j'ai aussi développé plus tout ce que j'avais dans la tête et je me suis donné l'autorisation, le droit d'aller chercher, d'aller fouiner. dans cette matière que j'aime tant et la développer et puis soit pouvoir la proposer à d'autres ou à moi bien sûr ou en parallèle, maintenant je me garde une partie de temps pour moi pour pouvoir développer en fait mes propres créations.

  • Speaker #2

    Et du coup c'est quoi ces créations ? C'est des éléments que tu as envie de développer et que tu as envie de vendre ? C'est plus de l'artistique ? Ça se concrétise comment ?

  • Speaker #0

    Après tout est à vendre en fait, tous les objets que je fais c'est pas forcément pour les garder, c'est bien sûr mais j'ai pas d'action commerciale dedans. Enfin, je veux dire, je ne développe pas dans l'idée de vente. Je l'ai toujours fait. D'ailleurs, maintenant, je le développe un petit peu plus, mais j'ai toujours fait des objets juste par des idées ou des inspirations. Je les ai fabriqués et conservés chez moi juste parce que j'avais besoin de les faire naître. Et parfois, je rencontre aussi dans mes développements des techniques qui sont intéressantes et que j'ai envie de développer encore plus. Et donc, je les pousse justement en créant un objet pour pouvoir les mettre en œuvre sur une création.

  • Speaker #2

    Quand tu parles d'œuvres que tu as envie de faire naître, c'est quoi ? Tu as des envies esthétiques, justement, c'est guidé par de l'esthétique, c'est guidé par une histoire que tu as envie de raconter, c'est guidé par de la technique ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense que déjà, comme j'ai toujours dit, c'est que moi j'appartiens vraiment à ma matière. C'est ma matière qui me possède et j'ai toujours l'envie de l'amener encore sur un terrain toujours nouveau. Ça a toujours été mon envie, même quand j'ai travaillé pour les autres, j'ai toujours fait le forcing pour qu'on, dès qu'on redéveloppe quelque chose... Ce qui n'était pas confort pour eux parce qu'il y avait toujours ce côté un peu danger où on pouvait ne pas aller peut-être jusqu'au bout du projet parce qu'on ne savait pas trop où on allait. Mais bon, ça s'est toujours bien passé et j'ai pu toujours amener des choses nouvelles et ce qui permet d'avoir toujours du changement parce que je m'ennuie assez rapidement. Et là, quand je crée, c'est vrai que c'est souvent d'abord la matière que j'ai manipulée et qui m'amène quelque chose soit de visuel ou soit dans le... Oui, c'est souvent visuel forcément. et soit ça va être un développement par rapport vraiment à une technique qui a été développée par rapport au cuir, c'est le cuir qui me l'a apporté ou soit à travers les oeuvres aussi que je peux voir au cinéma ou des choses comme ça où d'un seul coup j'ai une envie, je me dis tiens ça on pourrait le créer en vêtements ou en sac et ça pourrait être figé dans le temps comme ça ce sera un instant.

  • Speaker #2

    C'est vraiment guidé par une envie de tester ta matière.

  • Speaker #0

    Oui. Moi, j'ai toujours été dans la performance. J'ai toujours aimé aller plus loin, plus loin, plus haut, plus fort. Et puis, je n'étais pas forcément bien tout le temps. Et donc, il y a toujours cet effet de défi. Enfin, de défi, je ne me pose même plus cette question. Mais à chaque fois, quand je suis en train de créer quelque chose de nouveau, à un moment, ça va bloquer ou je ne sais quoi. Et ça m'apporte quelque chose de nouveau. Et là, je me dis, tiens, la prochaine fois, je vais pouvoir, au lieu d'aller dans cette direction, je vais plutôt aller dans l'autre direction. En fait, moi, j'ai toujours eu cette théorie du chaos qui, en fait, à un moment, c'est la matière qui va me dire On veut faire un pli vers la droite, la matière, elle ne veut aller que vers la gauche, et bien, elle ira vers la gauche. Et c'est moi qui vais m'adapter à elle. Et j'ai souvent fait des produits, par exemple, pour Hitchcock, quand j'ai fait des pièces sur Hitchcock, j'ai commencé les pièces sans savoir comment j'allais fermer encore le sac, par exemple. Mais je laisse avancer les choses et les choses viennent naturellement, en fait, quand on les laisse venir.

  • Speaker #2

    D'où le fait que tu disais que tu dessines assez peu.

  • Speaker #0

    Oui, je dessine assez rarement et je commence souvent avec la matière. Parce que de toute façon, c'est comme ça, je ne le fais pas exprès, mais c'est que même quand on me demande un travail, à un moment, je vais dire, oui, je pense que c'est possible. Comment ça, tu penses que c'est possible ? Oui, il va falloir que je mette les mains dedans. Mais je dis, mais ça va le faire, ce n'est pas un problème. Et effectivement, la matière, elle parle et je vais trouver. Des fois, il y a plus de batailles que d'autres. Des fois, ça vient très vite. Parfois ça vient beaucoup moins vite. Et puis il y a un échange, c'est une lutte aussi avec cette matière. C'est qu'à un moment, elle m'impose quelque chose, mais je pense qu'elle peut quand même aller un petit peu plus loin. Je la pousse un peu dans ses retranchements, comme elle me pousse aussi dans mes retranchements. Et c'est un dialogue entre elle et moi. Et c'est peut-être pour ça que moi, ce qui m'intéresse, moi je travaille beaucoup autour de la sensualité, aussi du côté organique, mais vraiment dans le côté pur de la chose, de l'organisme, c'est que je ne fais plus qu'un avec cette matière quand je la travaille.

  • Speaker #2

    Je sais que tu as rencontré Mathias Kiss. et c'est marrant parce qu'il m'a dit exactement la même chose que toi il m'a dit moi je ne dessine jamais notamment ces ciels il ne dessine jamais de ciel parce qu'il dit mais en fait je ne peux pas je suis incapable de dire où c'est qu'il va y avoir un nuage je suis incapable de dire où c'est que ça va devenir du rose je ne peux pas dire du coup les gens lui font confiance parce qu'ils savent qu'ils maîtrisent le ciel enfin ils se laissent un peu guider comme toi et c'est marrant parce que j'ai eu une autre conversation avec Corentin Brison qui est céramiste Et j'avais demandé à Corentin, et je te poserai la même question, à partir de quel moment tu peux te considérer céramiste ? Parce qu'en fait, je pense que la céramique est sans doute le métier le plus prisé et le plus choisi dans la reconversion. Mais même, c'est très simple de se faire un semestre de cours de céramique. C'est relativement accessible. Mais à partir de quel moment on se considère céramiste ? Et il m'avait dit, à partir du moment où c'est toi qui domptes la matière et pas la matière qui te dompte. Et ça m'avait... vachement parlé parce que, alors, des cours de céramique, j'en ai fait. Et c'est vrai que quand tu es devant un tour avec de la terre et que tu dis tiens, je vais me faire un bol et qu'à la fin, ça devient un coquetier parce que tu t'es complètement raté. Ce n'est pas toi qui as dompté la matière. C'est juste que tu as fait des trucs avec tes mains et puis ça a donné un coquetier ou un verre et pas du tout un bol. Du coup, je te pose la même question. À partir de quel moment, toi, tu considères que quelqu'un est artisan du cuir ?

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il a raison. Après, moi, je pense qu'on est artiste du cuir quand on commence à manipuler le cuir. C'est une histoire de maîtrise, simplement de maîtrise. On peut faire des choses très jeunes, même si on ne maîtrise pas, on peut arriver à faire des choses complètement dingues. Je l'ai vu souvent, il n'y a pas besoin forcément de 20 ans de maîtrise. Mais effectivement, au bout d'un moment, il y a une sorte de confort qui se fait. Je le compare souvent au jazz et le free jazz. C'est qu'à un moment, les jazzmans, quand ils ont atteint un niveau de technicité, en fait... peuvent s'en échapper. Et moi, c'est vrai que j'aime pas trop le pathos, j'aime pas trop les histoires où je me régénère dans la pierre, à l'extérieur. Moi, c'est des trucs que ça me saoule parce que c'est un peu bidon pour faire du storytelling et tout. Moi, je fais pas ça. Mais en même temps, quand je te dis que je suis en connexion avec ma matière, c'est que les grands moments que j'ai vécus, je pense pas l'avoir déjà raconté, mais quand j'ai moulé les choses pour Björk, j'étais à l'extérieur, c'était l'été, il y a un orage qui s'approchait, j'écoutais Björk dans mon casque. J'ai été torse nu parce qu'il faisait super chaud. Et les nuages montaient. Et d'un seul coup, il s'est mis à pleuvoir. Et j'ai continué à mouler sous la pluie. Et j'ai vécu un truc sensoriel comme je n'ai jamais connu ma vie. Et c'est presque comme quand on fait l'amour. C'est un truc complètement fou et qui te change. Et à chaque fois que j'ai cette matière dans les mains, c'est vrai qu'il y a vraiment un vrai dialogue qui se fait avec elle. Mais justement, quand on a maîtrisé, l'avantage, c'est qu'après, on peut se lâcher. Il n'y a plus besoin de penser la technique. Je ne me pose pas la question si je dois faire un rembourse, si je dois faire une couture, si je dois rogner ou quoi. Ça va venir en fait. Je ne me pose aucune question. Et que je débute, on me dit Tu sais comment tu vas faire ? Je dis Non, je ne sais pas. Mais ça va se faire. Et à chaque fois, ça l'a fait, tout le temps. Et c'est vrai que je pense, à partir de maintenant, que je suis arrivé à un niveau où je peux me lâcher et laisser faire. Pour rappeler Mathias Kiss, qui m'avait toujours dit ce qui va être important, c'est surtout qu'il faut que tu arrives à le maintenant, que tu maîtrises ta technique, c'est à lâcher ta technique. Voilà, et qu'elle n'existe plus, en fait. Que ça soit juste un outil, mais qu'elle ne t'empêche pas, en fait, de créer. Parce que souvent, dans les créations, je l'ai souvent vu chez des artisans, quand ils essaient de créer, pas tout le temps, mais parfois, c'est une exposition de technique. J'ai déjà vu des gens qui faisaient des sacs. Oui, c'est bien, on sait que tu sais faire de la teinture, on sait que tu sais couper comme ça, mais ne mets pas tout sur un truc, ça ne sert à rien. Et ce n'est pas ce qui va donner plus de magie au truc ou impressionner. Ça ne marche pas, ce genre de truc. Et effectivement, quand il est venu pour Objet Sensuel, qu'il a vu le bustier avec les cornets de glace, le bustier Oups, il m'a dit, tu vois, tu t'es vraiment détaché de ta technique, parce que... Ce qu'on voit en premier, c'est une œuvre, c'est une création, une envie de t'avoir envie de faire, de faire vivre quelque chose même d'un peu drôle, avec un peu d'humour. Et quand on commence à s'intéresser un peu plus et se pencher un peu plus, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de techniques pour obtenir ça. Et donc, ça, c'était le plus beau compliment qu'on pouvait me faire. Et ça m'a vraiment touché quand il m'a dit ça pour cette exposition.

  • Speaker #2

    On peut peut-être remettre dans le contexte, mais Objet Sensuel a été une exposition qui a été créée par Raphaël Lebeau dans le cadre de Métiers Arts, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #0

    En 2023. C'était en janvier.

  • Speaker #2

    Et c'était une très, très belle exposition sur les cinq sens. C'était très, très joli. Et ce que tu racontes, c'est exactement ce que m'a dit Jérémy Maxwell Ventrebert, souffleur de verre. Quand tu regardes les artistes qui soufflent du verre, il y en a beaucoup où c'est hyper chargé. Ce n'est que de l'ego. Tout ce que je sais faire, je vais le mettre.

  • Speaker #0

    J'avais envie de parler du verre, c'est drôle, parce que je le vois souvent sur les pièces en verre où c'est très, très chargé. À un moment, ça a été un travail aussi pour moi. d'essayer d'arrêter aussi de vouloir mettre, parce que j'ai souffert de ça moi aussi, je pense que dans notre apprentissage, on met tellement de temps à maîtriser chaque étape qu'après, c'est pas qu'on a envie que ça soit rentable, mais on l'amène quand même. Et on veut montrer qu'on peut le faire. Et maintenant, je m'aperçois que juste mouler simplement un corps en cuir, mais même s'il n'a rien d'attaché dessus et qu'il soit fait presque à la perfection, ça a beaucoup plus d'impact que si je lui avais... accrocher des bandes, d'y faire moire et ça sert à rien en fait, on charge trop pour rien, il faut peut-être devenir, alors après c'est ma vision, mais pour d'autres aussi, c'est devenir quelque chose de plus pur aussi et plus simple en lecture et donc plus organique, plus direct en fait.

  • Speaker #2

    Oui je pense que c'est aussi quelque chose qui est dans l'air du temps parce qu'il y a bien une phrase qui dit less is more enfin c'est exactement ça et je pense que on est dans un mouvement artistique où justement on cherche Tu vois bien les intérieurs, ils sont hyper épurés. Quand tu regardes les sites internet de l'ultra luxe et du luxe, c'est des trucs blancs avec une police noire. Tu vois, c'est très propre. Et oui, c'est très pur, comme tu dis. Je pense aussi que c'est un mouvement artistique contemporain. Alors, est-ce que ça va évoluer ? Sans doute.

  • Speaker #0

    Artistique et technique, parce que moi, j'ai connu ces années 90 avec la maroquinerie, les sacs étaient... ultra chargés. Là, on peut parler de Versace ou de ces marques-là qui ne savent plus s'arrêter de charger les sacs. Et plus ça allait, plus on a épuré, en fait, et on a retiré les choses. Mais aussi pour revenir à l'essentiel. Hermès a toujours eu cette... Par contre, ils avaient déjà le bon sens dès le début. C'est de laisser que les choses qui sont réellement utiles et toutes les choses qui sont inutiles, il faut les retirer, en fait. Et ça fonctionne et ça parle plus aux gens. Et comme on a une sorte de retour aussi au savoir-faire et tout ça parce qu'il y a les origines, il y a aussi... Comment dire, à de l'authenticité, quelque chose de... On se tourne peut-être plus vers des choses beaucoup plus pures. Si c'est la pierre, il faudrait vraiment qu'elle soit que de la pierre. Mais moi, je pense que je n'arriverais pas à associer ma matière à une autre, à de la pierre, du verre. Pour moi, le verre, il doit rester qu'avec le verre. Je ne sais pas, c'est peut-être ma vision qui n'est pas bonne, mais je trouve que c'est trop ou ça ne fonctionne pas. Parfois, ça peut peut-être bien fonctionner, mais je pense que c'est difficile d'arriver à faire quelque chose vraiment de cohérent et qui marche bien en mêlant toutes ces matières.

  • Speaker #2

    Peut-être parce que justement pour les imaginer, il faut que tu aies la technique et que tu les...

  • Speaker #0

    Oui, et puis après...

  • Speaker #2

    J'ai le mot gère qui vient, mais...

  • Speaker #0

    Moi, je vois que tout en cuir, en fait. Donc, c'est aussi mon problème. Et c'est pour ça que dès qu'on va me demander tiens, comment on pourrait faire ce truc ? parce qu'il est en rigide, je fais on va te le faire en cuir Et j'ai fait des pièces, par exemple, chez Balmain qui devaient être faites en métal. Ils n'avaient pas le temps de le développer. Je les ai faites en cuir et recouvertes de films métal dorés. Et en fait, elles sont en cuir, elles ne sont pas en métal. Et quand on voit, on pense que c'est en métal. Avec le cuir, on peut faire énormément de choses parce que l'avantage du cuir, c'est qu'on a un panel très large par rapport au pot. Avant de connaître une technique, avant de savoir le manipuler, il faut connaître toutes les matières pratiquement. Parce qu'on est de la matière la plus souple à la plus dure. Plein de cuirs différents. Et donc après, moi, quand on me demande un projet, la première chose à laquelle je pense, c'est lequel cuir je vais utiliser et quel animal je vais utiliser. Un mouton, c'est très souple. Une vache, c'est très rigide. La chèvre, ça va être plus rigide, mais très grainée. Il faut trouver la bonne matière. Donc c'est souvent la matière qui parle. Avec Olivier Rousteing, quand on avait travaillé ensemble pour Balmain, lui, il voulait revenir sur ses origines. Ses origines sont Afrique du Nord et tout ça. Et je me suis dit, nous, la maroquinerie... marocain, maroc, ça vient de ces origines-là aussi. Donc tous les cuirs viennent de là-bas, les cuirs de chèvre, le parchemin, la basane, ces choses-là. Et donc, on n'utilisait plus la basane, c'est un cuir, maintenant on appelle ça un cuir établié, c'est pour dire. La basane, elle était utilisée pour faire par exemple les fauteuils, les clubs. Un club, c'est fabriqué avec de la basane. Si d'ailleurs un club n'est pas fabriqué avec de la basane, ce n'est pas un club en fait, c'est sa matière de base. C'est très très souple, car on connaît tous ce côté confortable qui est unique à travers cette matière.

  • Speaker #2

    Mais qui se détend beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui se détend beaucoup, qui est très souple. Voilà, c'est pour ça qu'il faut maîtriser chaque matière, parce qu'elle apporte quelque chose de complètement différent. Et donc j'ai ramené cette basane qui est un matériau pauvre maintenant, qui est très riche, mais qui est considéré, nous en maroquiner, qu'aucune marque de luxe n'utilise. Le parchemin non plus, on ne l'utilise plus. Mais j'avais envie de le ramener. Et à un moment, je me suis dit, le parchemin, on écrit dessus, moi je vais le foutre dans l'eau et puis on va voir ce que ça donne. Et puis j'ai fait des bustiers moulés avec des plissés et des choses comme ça avec le parchemin, en trouvant, en manipulant.

  • Speaker #2

    Le parchemin, c'est quelle matière ?

  • Speaker #0

    Alors le parchemin, c'est une finition en fait. On laisse vraiment que la fleur de la peau, donc au plus fin. C'est vraiment au 3 dixièmes, c'est vraiment très très fin. Et donc ça peut être de la chair, il peut y avoir des petits veaux. J'ai même vu très très rare, mais des crocodiles ou des autruches en parchemin, ça existe. Mais normalement, l'écriture, quand on utilisait le parchemin pour les livres, c'était des chèvres ou des... La chèvre, c'est vraiment l'origine de tout ça.

  • Speaker #2

    Et tu dis que la maroquinerie, ça vient du Maroc ?

  • Speaker #0

    Ah oui, marocain, par exemple. Il y en a un qui s'appelle le bas. On a une peau qui s'appelle le marocain. Les origines, elles viennent de là-bas aussi.

  • Speaker #2

    C'est vrai que quand tu vas au Maroc, tu n'y penses pas.

  • Speaker #0

    Ils ont un gros travail du cuir, ils ont un gros artisanat du cuir. Oui, et puis ils tannent beaucoup. Il y a les canneries qui sont à ciel ouvert. Qui... Oui, bon là, c'est une autre histoire. Ils n'ont pas développé de la même façon que nous, mais bon, après, on peut les comprendre. Mais évidemment, c'est l'origine.

  • Speaker #2

    C'est génial.

  • Speaker #0

    Et la céleri vient de la selle. De la selle.

  • Speaker #1

    La selle pour les chevaux ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Mais ça, c'est vrai qu'on n'en a pas parlé dans l'épisode 1, mais on n'a pas précisé, en effet. Mais en effet, la sellerie vient de la selle. Mais non, je n'avais pas imaginé que maroquinerie venait du Maroc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'origine du mot.

  • Speaker #0

    J'adore. Donc, on parlait de... C'est quand même dingue. En fait, si tu fais le rapport entre courbe d'apprentissage et courbe de création, au début, c'est épuré parce que tu ne sais pas trop faire de choses. Ensuite, tu as un pic parce que tu sais faire... plus de choses et que tu as envie de tout mettre. Et puis, tu te détaches et ta courbe d'apprentissage, elle se réduit et finalement...

  • Speaker #1

    Si on veut créer des choses, parce que tout dépend dans quelle direction on va. Parce que si on est technicien et qu'on doit apporter un savoir-faire pour une entreprise très précise et tout ça, de garder les techniques jusqu'au bout, c'est parfait. Et ce qui m'a aussi beaucoup aidé et surtout à changer d'entreprise tout le temps, parce que j'ai papillonné, j'ai travaillé aussi pour beaucoup d'entreprises différentes. Mais il faut savoir que pour chaque entreprise, ils ont... tous des techniques différentes. Ils n'ont pas évolué de la même façon, ils n'ont pas commencé pour la même origine. On disait, Vuitton et Hermès, il y a Hermès avec sa selle, il y a Vuitton avec la malle. Et les autres, c'est pareil. Chanel, ils ont démarré plutôt par des vêtements. Donc, toute leur histoire, après, on comprend tout, l'évolution. Mais donc, ils ont tous une façon de travailler et une approche qui est différente. Et donc, ce qui m'a permis aussi d'être curieux et de voir plein de choses, c'est aussi de pouvoir me coller à chaque fois aux techniques de l'entreprise qui me demandaient quelque chose.

  • Speaker #0

    c'est passionnant mais pour revenir à la question initiale qui est aujourd'hui tu veux développer plus ta partie personnelle et créative tu dis du coup que t'as envie de créer en fonction de la technique et j'ai quand même envie de revenir là dessus parce que avant qu'on enregistre on a beaucoup parlé, beaucoup blablaté et t'expliques quand même que t'as déjà si je me souviens bien fait une exposition sur Hitchcock tu m'as dit il y a deux ans donc t'as eu un thème qui t'a inspiré et là si je comprends bien, tu as sur la mythologie, sur

  • Speaker #1

    Kubrick. Et je vous lis sur les matières, sur le trompe-l'œil. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. Donc, dans les faits, il y a aussi des sujets qui t'inspirent et des sujets qui vont orienter ta créativité.

  • Speaker #1

    Oui, mais comme j'ai pu entendre aussi sur des anciens podcasts à toi, c'est que en fait, tout a toujours été là. C'est des envies que j'ai depuis toujours. J'avais des sortes de caillétances où je collais plein de choses, tout ce qui m'intéressait. Il y a peu de temps que je l'ai rouvert et en fait je me dis Ah mais c'est dingue actuellement, j'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai fait ça. Et je m'inspire encore des mêmes personnes alors que j'avais oublié ce cahier, je ne m'en souvenais même plus. Mais mon cerveau, mon inconscient, lui, il ne l'avait pas oublié. Hitchcock a toujours traîné ici. Le cinéma me passionne et c'est un cinéma aussi qui va raconter vraiment des histoires ou qui va être vraiment très… Je veux que ça ait du sens. Toutes mes pièces ont du sens. Ce n'est pas un objet… En fait, sur chaque pièce, je pense que je peux en parler pendant deux heures. Ils ont… tous quelque chose, je les fabrique pas par hasard ou juste parce que je me suis dit là je vais essayer de créer un truc à un triangle vert quoi. C'est pas ça si un triangle vert c'est que ça vienne quelque chose. Il n'y a pas de hasard dans les pièces, il n'y a aucune part de hasard et j'aime bien rentrer toujours dans la psychologie, comprendre. J'ai toujours eu ça par contre. Je suis un peu comme Francis Bacon, le peintre. Ce peintre en fait il était passionné par Picasso et on a retrouvé dans son atelier des photos qui grattaient en fait. et ils ne comprenaient pas trop et des psychologues ont dit qu'en fait, ils essaient de rentrer à l'intérieur de ces personnes en quelque sorte par cet effet de gratter sur les images. Et moi, à chaque fois que je trouve quelque chose qui est intéressant, il faut que je le démonte, il faut que je regarde, il faut que je comprenne comment ça marche. Quand j'aime un groupe, quand j'aime un artiste, je décortique, il faut tout que j'aime. Je lis les biographies, je veux tout savoir sur lui. J'ai ce côté, je suis très curieux, je veux tout savoir. J'ai vraiment cette chose. Et Hitchcock, c'était vraiment l'excuse. La journée, je pouvais aller voir les films, je pouvais noter toutes les choses. J'ai lu tout ce qu'il y avait sur Hitchcock à ce moment-là. Et d'un seul coup, je me donnais cette excuse de pouvoir m'étaler là-dessus, et de me donner plaisir au lieu d'aller travailler à l'atelier. Et j'aime ce côté psychologique des choses et qu'il y a un message pour donner un dialogue. Et puis, je pense que ça ne suffit pas un objet, il faut... Si on veut que ça reste et que ça perdure et qu'on soit intéressé à lui, même 20 ans, 30 ans après, il faut encore qu'il suscite quelque chose. Chez Kubrick, mais quand on voit les gens qui sont fans de Kubrick qui continuent, j'écoute toutes les conférences où il y a des gens, des spécialistes en cinéma qui ont vu des centaines de choses et qui regardent encore 2001 et qui disent il y a des choses que je n'ai pas encore saisies et tout ça. il a trouvé le truc, c'est qu'il a été tellement loin dans sa recherche qu'Ubric, quand il travaillait sur un thème, il allait vraiment à fond dessus. Il avait des dossiers complètement dingues pour chaque film et tout ça. Et ce qui fait que ce qu'il raconte, c'est vrai, c'est authentique. Ce n'est pas quelque chose qui ne fonctionne pas. Et donc, on a toujours des questions à se poser. Il y aura toujours une réponse derrière. Je pense que ça, pour moi, c'est quand même important. Je veux qu'il y ait un sens à travers tout le temps mes objets. J'ai quelque chose de... Je marque des messages dans tous les objets que j'ai toujours fabriqués. Par exemple, il y a toujours quelque chose dedans. Je pouvais laisser des choses, des cheveux, des parties de plumes de corbeau, des choses comme ça. Il y a toujours quelque chose parce que j'ai besoin que ça reste, ça dure. Et je ne veux pas faire des objets qui ne durent pas longtemps. Ce n'est pas parce que je fais. C'est vrai que je fais des objets pour des petites pépettes qui sont sur les tapis pour le red carpet, mais c'est des objets qui sont résistants, solides et que je veux le plus durable possible. Même si malheureusement il y en a qui les portent qu'une seule fois. Mais en tout cas j'ai gardé cette chose parce que l'avantage aussi du cuir, ce qui est magique, surtout quand on prend un cuir de qualité je parle, pas n'importe quoi, il est réparable à l'infini. et on peut le modifier aussi à l'infini et il y a toujours des modifications à faire et ce qui est bien, c'est peut-être la matière qu'on utilise depuis la nuit des temps la nuit des plus anciennes, pas que celle-là mais elle en fait partie, les hommes préhistoriques utilisaient déjà cette matière, on reparle encore du cuir, ça fait toujours partie de notre quotidien entre la veste en cuir qu'on va avoir à même de la peau, presque comme une protection aussi, comme une armure et ça a toujours été, les guerriers ont toujours eu ça aussi Il y a quelque chose qui est vraiment très proche, en fait. On a quelque chose d'organique avec cette matière. Et je pense que là, moi, j'ai peut-être eu encore plus. Bon, moi, je suis accro, je ne peux plus m'en sortir. Mais en tout cas, on a quelque chose de lié à cette matière. Et on voudra, même si dans tout ce qui est durabilité et tout ça, le cuir, c'est vraiment, on ne trouvera rien de mieux. Je vous le dis tout de suite, il y en a qui vont grincer des dents avec leur matière, leur nouvelle matière, avec des champignons et des choses comme ça. Le problème, c'est que quand on commence à vouloir faire quelque chose d'écologique, On veut créer un autre business derrière. Mais arrêtez. En fait, les animaux, il faut mieux les traiter. À l'abattoir, il faut bien que ça se passe correctement. On fait des tannages naturels et tout va bien se passer, en fait. On aura une consommation, mais moindre, parce que ça dure beaucoup plus longtemps dans le temps. C'est plus résistant, c'est réparable et tout ça. Les nouveaux produits qui arrivent, il y a du pétrochimique dessus. Je vais faire avec l'ananas, donc je fais devenir des fibres du Costa Rica en Italie. Je les fais couvrir de fibres plastiques. Je les renvoie aux États-Unis pour fabriquer des sacs. Mais arrêtez, quoi, en fait. utiliser des cures qui vont durer longtemps et il ne faut pas être dénigré il faut forcément se cuire ça c'est vraiment quelque chose qui me trahit beaucoup parce que pourtant je suis végétarien je ne mange pas de viande en fait je n'utilise que la peau moi pour le coup et j'adore les animaux j'aime les animaux mais ça a toujours fait partie d'un cycle ça a toujours été présent moi mon rôle c'est de sublimer cette matière c'est de ne pas la gâcher c'est justement rendre honneur peut-être pour cet animal qui a donné sa vie pour que moi je vive aussi derrière donc c'est assez important et moi j'en ai conscience de ça et je la respecte oui je fais tout ça en tout cas pour pour que ça soit le mieux possible, que ça se fasse le mieux possible.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûre que tout le monde ait cette réflexion, mais c'est génial aussi de te l'entendre dire et de réaliser que c'est plus qu'un matériau. C'est ce que tu racontes pour beaucoup. Il y a l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme le bois. C'est un matériau vivant. Il est quand même là. Et comme le bois, comme même le métal, tous ceux qui travaillent, je pense, leur matière, après, ils sont liés à cette matière. Et c'est comme ça qu'on la connaît. Et on peut apporter tellement de choses. Je pense que... Franchement, c'est peut-être fou de dire ça, mais je pense que tout est possible en fait. Et c'est ce que j'adore. La mode, moi, je n'étais pas forcément proche de la fashion et tout ça. C'est un endroit où ils développent. Alors, ils ont déjà un peu d'argent pour développer les produits. Et puis, ils n'hésitent pas à faire des trucs complètement fous aussi, d'aller sur des terrains complètement dingues. Et donc, plus on me demande quelque chose de dingue, plus je suis heureux. Parce que je me dis, tiens, on va aller voir si ça peut fonctionner.

  • Speaker #0

    En t'écoutant, j'ai envie de te poser cette question. Est-ce que toi, tu te considères comme un artiste ?

  • Speaker #1

    Non, ça c'est sûr.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce que tu racontes sur les carnets, sur les idées, sur... Je sais très bien à quoi tu fais référence. Tu fais référence à Pauline Loctin qui, elle, se considère comme artiste et qui dit en fait, il y a des idées qui sortent huit ans après.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la même chose. Mais je n'ai pas une journée sans idées, effectivement. Je sais, mais je ne me considère pas comme artiste parce que je me trouve trop déstructurée. Je suis trop... Je vais tout le temps dans tous les sens. Parfois, on m'a dit, mais tu devrais faire ta collection et faire un défilé, mais je ne pourrais pas. Mais réellement, je n'ai pas cette capacité, je suis trop décousu, je ne pourrais pas créer une collection homogène. Là, la preuve, c'est que je commence une collection. J'ai déjà fait deux pièces pour cette idée de collection autour de la mythologie et je suis en train déjà de parler des prochaines choses que je vais faire, alors que je ne l'ai même pas fini. Et ce qui vient perturber, parce qu'il y a des pièces qui vont sortir au milieu de celles-là. Donc, non, je ne sais pas. Et puis après, je pense que je suis plus animé par mon artisanat que par la création. Je ne pense pas avoir le bon truc à un moment de me dire... Ça, c'est j'ai utilisé les bonnes couleurs et tout ça. Je ne sais pas ces choses-là. Même la bonne coupe, je ne suis pas sûre. Moi, la coupe, je la fais, je la pose, je la regarde et je découpe comme ça. Pour moi, un artiste, c'est plus structuré. Je ne sais pas. Après, c'est la vision de chacun, je pense. Mais moi, en tout cas, je me considère plus. Je suis un artisan. Voilà, je suis un artiste.

  • Speaker #0

    Mais je comprends et on en a déjà parlé. Cette frontière très floue. Mais pour moi, la définition de l'artiste. tu peux être un artisan d'artiste oui mais je comprends mais pour moi à partir du moment quand t'es artiste c'est que justement t'as envie de raconter des choses et tu vois qu'importe le médium qu'importe si t'as 3, 4, 1, 1000 médiums tant que tu crées des choses qui ont envie de raconter quelque chose pour moi t'as cette casquette d'artiste t'as pas tort mais je suis en construction aussi

  • Speaker #1

    que ça fait peu de temps aussi que je suis libre et que j'assume déjà de dire c'est ma pièce, c'est moi qui l'ai fait et tout ça, c'était tout nouveau quoi.

  • Speaker #0

    Mais parce qu'on ne vous apprend pas à revendiquer une pièce.

  • Speaker #1

    Pas du tout, non, on doit vraiment s'effacer tout le temps et c'est pour ça que tous les artisans mettent que leur travail en avant et pas eux-mêmes. Ils n'ont même pas de conscience parfois du pouvoir. Moi je commence à me rendre compte du pouvoir qu'on a quoi. On a un pouvoir assez dingue. Et quand on sait l'utiliser, forcément, on peut faire des choses assez folles. Maintenant, je l'assume et j'espère qu'il y en a d'autres qui réagiront avant moi parce que là, je suis quand même à 47 ans et je réagis que maintenant. Donc, j'ai perdu pas mal de temps, mais j'ai quand même créé dans mon coin. Rien ne m'a jamais freiné, même si je n'aurai pas les pièces, même si je ne disais pas que j'étais un artiste, même si je n'exposais pas. J'ai toujours fabriqué et créé des choses. Mais moi, c'est vrai que j'ai toujours vu le côté artisan. J'ai suivi beaucoup d'artistes parce que j'aime beaucoup vraiment l'art. Et le premier vraiment qui aurait pu être un père, c'est Pierre Soulages, que j'ai beaucoup aimé. J'ai beaucoup aimé son travail, j'aime d'ailleurs toujours son travail. Mais il avait une approche vraiment d'un artisan. Il fabriquait ses outils. À un moment, lui, il va faire les beaux-arts. Il reste deux semaines et il s'en va en fait. Parce qu'il dit, j'ai rien à faire ici. Et d'un seul coup, on lui dit, mais tu sais, le noir, c'est pas une couleur. Et en fait, il va faire tous ses tableaux en noir. Et il va créer son propre parcours dans son coin. Il travaille au début peu de moyens. Il va travailler avec des gens qui font du goudron à l'extérieur. Il récupère un peu de goudron et il l'utilise comme ça. Et il s'aperçoit que les outils qu'il a besoin, il ne les trouvera pas dans le commerce. Donc, il les fabrique lui-même. Donc, c'est un artisan. Et après, il va créer sa matière. Et j'aime bien cette façon où à un moment, il dit qu'il patauge dans le noir et qu'à un moment, il dit je suis perdu, je ne sais plus où je suis. Et d'un seul coup, il y a cette délivrance. Quand tu y arrives, Moi, je l'ai ressenti quand on a la vision de quelque chose et qu'on arrive jusqu'au bout. Qu'est-ce que c'est magique ? Mais c'est terrible parce qu'il y a des moments, le soir, je suis un demi-dieu. Et puis le lendemain, je suis une merde. Le lendemain matin, parce que je me dis, bon, allez, bouge ton cul parce que là, ça ne marche pas. Mais c'est comme ça, ce n'est pas grave. Au moins, c'est la preuve que j'ai toujours envie d'avancer et que je ne me contente pas aussi. Mais ces petits mouvements de vagues, mais qui font aussi qu'à chaque fois, je pense qu'il y a tout le temps du changement dans le travail parce que je me remets tout le temps en question. En fait, je repars à zéro à chaque produit. Mais réellement, sincèrement. Et je pars, mais avec beaucoup de risques. Il y a des fois, le défilé, il est dans deux semaines. Et je suis en train de faire un truc que je n'ai jamais fait. Et ça passe. Et quand ça passe, c'est magique. Et c'est chouette. Et voilà, c'est cette libération qu'on parlait du début qui permet maintenant d'être... Et puis, plus on en fait, plus ça fonctionne et plus on a envie de faire parce qu'on a plus confiance en soi. Mais j'ai mis beaucoup de temps à avoir confiance en moi parce qu'en entreprise, ce n'est pas ce qu'on nous fait. fait ressentir. À l'école non plus, notre formation, mais de toute façon, tous les artisans nous forment aussi dans un côté aussi humble. On nous dit tout le temps, mais qu'est-ce que t'es humble, qu'est-ce que t'es pas prétentieux, tout ça, mais il y a pas beaucoup d'artisans qui sont prétentieux, en fait, je sais même pas si ça existe. On est là, on fait ce qu'on a à faire, mais moi je les vois à chaque fois, on me montre une pièce, puis on me dit, tiens, regarde cette pièce, mais t'as vu, là, j'ai merdé ici. Mais on me montre pas ça, en fait. Et pourtant, les arts, c'est toujours ce qu'ils font dès le début. C'est assez fou. toujours un peu se dévaloriser.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense que tu as raison. C'est qu'en fait, l'éducation a fait qu'on ne vous a pas appris à être fiers.

  • Speaker #1

    Oui, on a été éduqués comme ça, tout simplement. Et quand je dis qu'on s'excuse d'être là, ça a toujours été un peu ça. Donc après, quand on a quelque chose, moi, j'ai toujours eu quelque chose. Effectivement, j'étais toujours très proche de l'art. Vraiment. Pourtant, mes parents n'y étaient pas du tout. Mais j'ai acheté énormément de livres. J'ai lu beaucoup, beaucoup de choses sur ça, très, très tôt. Et toujours, c'est toujours là. Et je pense que... tout ça s'était renfermé en moi, en fait. Et j'avais besoin. Et à un moment, quand j'ai arrêté, quand j'ai explosé, que j'ai arrêté avec toutes les maisons de luxe, et que même j'ai fait cette expo Hitchcock, quand je disais que je me suis donné le droit, c'est que à un moment, il fallait que ça sorte, en fait. C'était plus possible. Et ça a été des moments clés qui ont été importants aussi pour ma vie. En étant personnel, c'est que tout est lié, en fait. Et avec ma famille, avec... Je viens d'une famille où on est six enfants. Il a fallu qu'on se fasse un peu chacun de notre côté. C'était un peu chacun pour soi aussi. C'était un peu difficile. Et je ne les vois pas forcément beaucoup, on n'est pas forcément liés. Et avec ma mère, il y avait des trucs qui n'allaient pas. Je lui reprochais aussi des choses, comme souvent beaucoup d'enfants reprochent à sa mère. Et en faisant, c'est dingue, cette expo Hitchcock à l'arrivée. Et Hitchcock, il faut savoir que dans tous ses films, il faut voir que la femme est toujours mise en avant. C'est la femme qui est forte, c'est elle qui a du pouvoir dedans. L'homme, il est souvent très minable quand on regarde bien. Il y a la mère qui a un pouvoir assez fort et très dominant d'ailleurs. Et en travaillant beaucoup sur Psychose d'ailleurs, j'ai fait la paix avec ma mère en fait. Avec cette Norma et ce Norman, et réellement, et j'ai été content de faire ça parce qu'elle est partie peu de temps après, pas tant d'années que ça après, et ça m'a permis en tout cas de lui pardonner des conneries qu'on garde dans la tête et que les parents font comme ils peuvent, les pauvres. Maintenant je le sais, je suis parent moi aussi, ma fille elle va me reprocher des choses, c'est normal, c'est peut-être son rôle à elle, mais bon, on a tous ce cheminement-là, mais les parents ils font comme ils peuvent en fait, on fait ce qu'on peut. Et donc cette expo, elle a été très très importante. À mon niveau personnel, oui. Vraiment, vraiment, oui. Et ça m'a ouvert. Justement, en travaillant sur la psychologie de Norma et de Norman et de Hitchcock, comment ils l'avaient amené, j'ai compris beaucoup de choses, en fait. Ça m'a vraiment éclairé.

  • Speaker #0

    Je comprends ces moments un peu d'épiphanie. Et je pense qu'il y a quelque chose aussi, sans doute, qui différencie l'artisanat de l'artistique. C'est que dans le processus artistique, l'objectif... C'est l'exposition, d'être dans une galerie, d'exposer. Et en l'occurrence, quand tu parles d'un vernissage, c'est un cocktail. Donc c'est une célébration. Tu vas célébrer, tu vas vernir. une exposition, tu vas la célébrer. Et je pense que la différence avec les artisans et l'humilité de l'artisan, c'est qu'à aucun moment, l'artisan y célèbre. Oui,

  • Speaker #1

    peut-être.

  • Speaker #0

    Et en fait, moi, c'est quelque chose qu'on m'a appris parce que j'ai, à une époque de ma vie, voulu entreprendre et créer mon entreprise. Et tu sais, on te dit, quand tu crées ton entreprise, tu as une montagne à gravir, une énorme montagne. et si tu regardes le haut de la montagne tu vas avoir le vertige, tu vas te dire mais j'y arriverai jamais alors que si tu regardes la marche d'après tu vas dire ok, prochaine étape, ça c'est faisable, t'es une marche, c'est faisable. Et on te dit pour faire passer le temps et attendre d'atteindre ce sommet qui en vrai tu l'atteins jamais parce que quand t'atteins le sommet tu veux un autre sommet. Mais en gros on te dit pour arriver à l'atteindre, il faut que chaque marche tu les célèbres. Et tu vois, par exemple, c'est une discussion qu'on a eue avec mon père. Je lui dis, mais attends, c'est génial ce que tu as fait. C'est génial ce que tu as entrepris. J'espère que tu l'as célébré. Il me dit, mais non, Lisa, parce que ça n'a pas été signé. Parce qu'il y a toujours une bonne raison pour ne pas célébrer. Tu vois, par exemple, tu finis une pièce que tu veux présenter pour un vernissage. Ça se trouve, ce vernissage, il est dans cinq ans. Mais tu as fini ta pièce pour ce vernissage dans cinq ans. Eh bien, célèbre le fait d'avoir fini cette pièce. Et je pense que ça aide vachement. à prendre du recul petit à petit. Et moi, je m'en suis rendue compte. Il y a trois ans, tu me demandais de dire ce que j'entreprends, c'est fort et c'est impactant. Je t'aurais dit, non, je ne peux pas le dire. Et aujourd'hui, je suis capable de te le dire. Oui, en fait, ce que je fais avec l'association, c'est important, tu vois.

  • Speaker #1

    Oui, je comprends. Je l'ai vécu en plus. Parce que j'allais tellement vite aussi dans tout ce que je faisais qu'en fait, je passais à un autre projet et des fois, on me reparlait d'autres. Je dis, mais ça, c'est fini. Ça n'existe plus. Je ne me rendais même pas compte de ce que je faisais dans l'année. Je ne savais même plus. Je ne pourrais même pas, même actuellement, je pense que je ne pourrais même pas donner de date par rapport au produit que j'ai fait. Ça va tellement vite, effectivement, parce qu'il n'y a pas de célébration de fin ou quelque chose comme ça. Mais tu vois, il y a un truc qui me revient, c'est marrant. Enfin, pas qui me revient, mais qui me fait réfléchir quand tu parles de ça, c'est que je pense qu'aussi, ce terme artiste, peut-être ce qui me fait peur, c'est en passant, j'ai conscience de ça quand même, mais peut-être qu'en disant que je suis artiste, j'ai peut-être peur de ne plus être un artisan. Et moi, c'est ce qui m'importe le plus. J'ai trop vu de gens en entreprise qui, à un moment, ont dit Tiens, tu vas avoir une augmentation parce que tu vas passer, c'est toi qui va diriger l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu vas devenir manager.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, il ne va plus jamais toucher la matière. Pour moi, je crois que ce serait la pire des punitions. C'est peut-être même pour ça que je n'ai jamais pris personne. Parce que je ne veux pas former, parce que je ne veux pas ne plus pouvoir toucher cette matière. Et il y a peut-être de ça. Et peut-être que je ne veux pas ce terme, effectivement, parce que j'ai peur de ne plus être un artisan. Et en même temps, tout ce que je crée, c'est l'artisan qui le crée. Donc, je préfère rester de ce côté-là. Et ce n'est pas grave, on s'en fiche du terme. Ah oui, mais les étiquettes, on s'en fiche. Après, les gens, ils pensent ce qu'ils ont envie de moi. Tu vois ce que je veux dire ? De toute façon, j'ai un côté un peu insaisissable et que je comprends. Il y avait une personne qui connaissait un peu la graphologie. Quand il a vu mon écriture, il m'a dit, tu es vraiment décousu et tout ça. Et tu dois être assez instable. Et effectivement, je me disais, mais qu'est-ce qu'il raconte ? Il m'a dit ça très jeune et en fait effectivement je suis très instable dans tout ce que je fais. Je termine tout ce que je fais, je suis très sérieux dans tout ce que je fais. Mais par contre effectivement demain je pourrais parler des moteurs de voiture. Ça c'est tout à fait possible. Ça me prend comme ça en fait, presque du jour au lendemain. Mais c'est ce qui fait aussi ma particularité et mon côté un peu... Je peux apporter quelque chose d'unique aussi. Et c'est là aussi avec Olivier Roustin quand il m'a donné la possibilité de lui proposer des choses. Et qu'il était à l'écoute, simplement, il était à l'écoute pour moi. Alors, il a choisi des choses, mais même s'il ne les avait pas choisis, déjà, rien que d'être à l'écoute, je me suis dit, j'ai le droit, en fait, de leur montrer, parce que j'avais déjà préparé plein de choses, mais je n'osais pas, en fait. Et là, quand il m'a ouvert, c'était la porte ouverte, et donc là, je n'hésitais plus. Donc après, quand j'étais dans les autres boîtes, tout de suite, j'arrivais et je disais, tiens, vous voulez faire un truc comme ça, je peux vous proposer telle ou telle technique, tout de suite. Et c'est pour ça que maintenant, on ressent tout de suite la technique qui vient dans tous les objets. que je fabrique pour toutes les entreprises parce que je pense que j'amène de moi tout de suite. Et ça, je n'aurais pas eu les épaules de le faire avant. Maintenant, je peux le faire plus facilement. Et plus ça fonctionne et plus on a de force. C'est comme on monte une entreprise, on a très peur. On en remonte une deuxième, on a un peu moins peur et ainsi de suite. Et c'est exactement la même chose. On évolue petit à petit et on prend confiance qu'en essayant, en ratant et puis en avançant surtout. Ça, c'est bien beau.

  • Speaker #0

    Pour quand même cultiver toujours sa différence. Ça, par contre, je l'ai compris très tôt. C'est que je comprenais que je ne voulais pas la même chose que les autres. Mais je ne suis pas un méchant. Je ne dis pas non pour être méchant, en fait. C'est parce que je ne le sens pas. Et si je te dis oui et que pendant tout le long du projet, on ne fait que s'engueuler ou ça ne fonctionne pas, ce n'est pas la peine, en fait. Donc, je préfère dire non tout de suite. C'est un peu dur, mais au moins, comme ça, c'est plié. Mais après... Dans mon fonctionnement, même d'avoir cette bougeotte, de ne pas pouvoir me figer dans quelque chose, ce qui fait que ça m'a donné une force de connaître plein de techniques, en fait, et de pouvoir apporter des choses tout le temps nouvelles dans tout ça. C'est comme, tu vois, nous on avait une famille où on n'avait pas d'argent, j'aurais pu dire après, oui, mais moi je viens d'une famille pauvre, tu sais, tout ça. Mais pas du tout, je trouve ça génial, parce que ça m'a développé un sens de la récup et de malin, en fait, que j'aurais peut-être jamais eu si j'avais eu les moyens. Donc quand on commence à me dire, j'en ai eu certains qui me disaient, oui, mais moi, tu comprends, je commence à fabriquer, mais j'ai pas ci, j'ai pas ça et tout. Si t'as pas ça, prends autre chose. Mais c'est pas à moi que tu peux dire, moi, ils peuvent pas me faire culpabiliser parce que j'ai commencé avec vraiment rien. Et je continue un peu sur cette lignée de simplicité. Et c'est comme ça qu'on peut faire aussi des développements pas trop élevés aussi. Mais oui, voilà, on peut amener sa différence parce que si elle fait. mal à personne ou tout ça, j'en ai vu, il y a vraiment des cons qui vont dire non tout le temps parce qu'ils sont prétentieux, parce que je ne sais pas quoi. Mais ceux-là, ils n'avancent pas de toute façon. Mais là, ça avance, ça fonctionne et on s'aperçoit par contre, quand j'arrive à travailler avec quelqu'un, je ne travaille pas avec tout le monde, mais quand je travaille avec quelqu'un, on fait un peu d'étincelle quand même, on fait quelque chose qui existe. Donc c'est chouette, ça marche. Donc non, non, c'est top, il faut rester qui on est, tout simplement, je pense. Il faut accepter ma personnalité, c'est comme ça. Moi, j'arrive aux réunions, je suis habillé comme je suis habillé aujourd'hui. Je ne vais pas me travestir ou me changer. Je suis comme ça, il faut m'accepter comme ça, c'est tout.

  • Speaker #1

    Ce qui me donne justement envie de te poser la question. Tout à l'heure, tu disais, moi, mes pièces, ce n'est que du cuir. Et je n'imagine pas rajouter d'autres matériaux. Tu n'as pas du tout envie d'intégrer un autre artisan et de réfléchir. Après, tu ne l'as peut-être pas rencontré. C'est la discussion qu'on avait justement avec Pauline Loctin. finalement les collaborations c'est aussi des rencontres mais tu n'as jamais rencontré quelqu'un où tu t'es dit lui il a tel métier on a commencé à discuter, on a la même vision on a envie de raconter la même chose, pourquoi on n'essayerait pas de faire une pièce ?

  • Speaker #0

    Déjà je pense que ça ne s'est jamais présenté ce qu'il y a c'est que je pense qu'il y a beaucoup d'artisans comme on travaille tous dans nos ateliers respectifs on ne se rencontre jamais. Quand j'ai commencé à freiner mon travail et en prendre beaucoup moins j'avais plus de temps libre les premières choses que j'ai fait c'est aller voir les artisans avec qui en fait on travaillait liés Par exemple, la personne qui faisait les gants avec le look que je faisais pour Balmain, j'ai été la voir parce qu'on ne s'était jamais vu. On se connaissait de nom, on ne s'était jamais rencontré. Et donc, j'ai été voir un peu tout le monde pour les rencontrer, tout simplement. Mais autrement, ça ne se fait peut-être pas forcément facilement. Il faut faire la rencontre. C'est comme un apprenti, l'apprenti qu'on voudrait tout donner. Je pense que c'est une rencontre qui se fait unique. Il y a un moment où on va dire, je vais tout lui donner à lui parce que je le sens. Mais aussi, dans mon parcours, ce qu'il y a, c'est que pendant longtemps, j'ai toujours créé des choses. Et à chaque fois que j'ai rencontré des gens qui travaillaient d'autres matériaux et je leur ai demandé de m'aider en fait dans tout ça, ils n'ont jamais voulu. Donc comme ils ne voulaient pas, je me débrouillais tout seul. Donc c'est pour ça qu'à la fin, un ferroir en métal, je ne pourrais pas avoir, il sera en cuir. Et ça, on ne peut pas le faire aussi en bois, on va le faire en cuir. Et donc c'est pour ça que je dis peut-être que tout est faisable en cuir. C'est aussi tous ces refus qui ont fait que je l'ai fait moi-même. Et donc après, je suis autosuffisant, je n'ai besoin de personne en fait. Moi je me... fabriquer tout un truc sans avoir personne. En plus comme moi je travaille aussi un peu le bois, c'est peut-être le seul médium que j'amène associé à mon travail et c'est moi qui fais les structures. Mais ce qui me permet aussi d'avoir d'un bout à l'autre, ce qu'il y a c'est que dans mon travail actuel, avec la mode, il faudrait que ça aille très très vite. Donc le corps qui a été sculpté, je préfère le sculpter moi parce que je sais exactement ce qu'il va me falloir pour pouvoir avancer le plus vite possible sur la suite. Et si j'ai besoin de le modifier, je n'ai pas besoin de le renvoyer et qu'on va me dire mais attends, il faut une semaine pour le modifier. Moi, je peux le modifier. Tu es flexible. Je suis très flexible et très souple là-dedans. Et c'est ce qui convient aussi à la mode. C'est ce qui leur va. Moi, ils m'amènent une problématique. Après, quand une boîte me demande du travail, derrière, ils n'ont plus de problème. Les problèmes, c'est moi qui les absorbe. Ils auront une pièce finie à la fin. Et en plus, moi, je suis quelqu'un d'anxieux et tout. Donc souvent, je le vis plutôt mal. Mais voilà, normalement, c'est ma responsabilité. Donc je prends tout à ma charge.

  • Speaker #1

    On en revient à notre petite anecdote. Il paraît que tu as une très belle anecdote à nous raconter, Robert, donc j'en suis ravie. Est-ce que tu peux nous raconter une anecdote en relation avec, du coup, plus tes créations ?

  • Speaker #0

    Avec la création, effectivement. Il y a eu un moment, il y a peut-être maintenant, ça fait trois ans peut-être, trois, quatre ans. Il y a une personne que je connaissais qui m'a demandé, en fait, la réparation d'un sac. Pour le coup, c'était un sac Hermès qui était assez ancien et qui devait être restauré. Et je lui ai dit, mais moi, tu sais, je ne vais pas faire les réparations. de tout le monde, je veux bien faire les réparations de mes amis mais pas forcément de tout le monde, et il m'a dit si si tu vois c'est une personne qui est quand même très intéressante et qui me tient à coeur et qui est vraiment gentille donc j'aimerais bien que si tu pouvais lui réparer ça serait sympa, donc je lui ai dit bon écoute ok ça marche, ben on va prendre rendez-vous et puis on va se voir et donc on prend rendez-vous, donc avec Marie Chantal Dois de Mar, alors que je ne savais pas encore, je vais pas brûler les étapes mais donc elle m'invite à boire un café au Palais Royal, donc on boit ce café on discute, elle me montre le sac que Après, je suis toujours touché de restaurer quand même des vieux sacs comme ça, surtout de bonne qualité, parce que c'est toujours quand même intéressant de faire perdurer aussi ce travail et puis que le sac ne soit plus utilisable juste parce que la poignée est cassée en deux ou des choses comme ça. Donc, j'accepte ça. Et donc, dans la conversation, elle me demande ce que je fais. Donc, je lui explique un petit peu pour qui je travaille, ce que je fais. Et surtout, elle me pose cette question, c'est mais qu'est-ce que tu aimerais bien faire ? Ça, c'est la question qu'on ne m'a jamais posée. Et je ne sais pas pourquoi. Pourquoi ? Alors là, pour le coup, je n'étais vraiment pas préparé. Je lui ai dit, écoute, moi, ce que j'aimerais bien faire un jour, c'est de réaccessoiriser les films d'Alfred Hitchcock et donc de recréer des vêtements, des sacs et des objets plus modernes, mais comme si je les fabriquais pour le film, en quelque sorte. Et donc, elle me regarde et me fait, si tu le fais, moi, je t'expose. Et je n'avais pas compris. Et en fait, c'était la directrice de la galerie Joyce, qui était de l'autre côté du Palais Royal. Et donc, j'ai fait cette collection et puis elle est exposée à la Joyce Gallery, au Palais Royal, grâce à ça. Incroyable. Autour d'un café et d'une réparation de sac.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce qu'en off, on parlait de savoir dire non, c'est prendre soin de soi. Mais savoir dire oui, c'est aussi ouvrir des opportunités.

  • Speaker #0

    Ou savoir jauger.

  • Speaker #1

    Mais mon Dieu, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Là, ça devient compliqué. Il ne faut pas toujours dire non, il ne faut pas toujours dire oui.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais ouais, c'est incroyable. Mais je pense qu'il doit t'en arriver plein, des histoires comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, bah les délices.

  • Speaker #1

    T'as dit oui, et puis en fait, c'était Antel qui t'a permis...

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, ça. Faut quand même avoir de l'audace aussi, un petit peu, dans ce qu'on fait. Parce que déjà, bon, je pense qu'il y a beaucoup d'artisans qui l'ont fait aussi. C'est de fonctionner au coup de bluff. Moi, le premier corps moulé que j'ai fait, je ne l'avais jamais fait. On m'a dit, vous avez déjà fait ? Je fais, oui, oui, oui, j'avais jamais fait.

  • Speaker #1

    Comme Rihanna, elle dit. Fake it until you make it.

  • Speaker #0

    On a tous un moment de bascule où on se dit, là je sens que je suis capable d'aller plus loin et on y va. Il y a ça et puis il y a des opportunités qui se font. Quand les étoiles doivent s'aligner, elles se font. Moi je me dis que de toute façon, quand quelque chose doit se faire, ça se fait. Même si on a loupé une occasion, si on doit faire un projet avec une personne qui est importante et que ça nous tient à cœur et que d'un seul coup ça ne passe pas parce que pour X raisons, il ne faut pas se dire ça y est c'est mort, c'est foutu ou je ne sais quoi parce que... s'il doit se faire quelque chose, il y a un autre projet qui va ressortir et moi j'ai souvent vu et ça s'est souvent présenté et puis il y a des choses qu'il faut tester, même moi actuellement il y a des artistes que j'aime bien j'aimerais bien travailler pour eux j'envoie des messages sur Instagram, salut machin truc voilà oui j'ai très peu de gens qui me répondent mais de temps en temps ça marche et Casey c'est comme ça que ça s'est passé avec Mugler Casey ça s'est joué en une journée c'est tout je voulais plus vraiment travailler et bon Malheureusement, j'ai eu un petit moment de détente. Il s'était abonné à ma page Instagram, je l'ai vu. Je savais que c'était le directeur artistique de Mugler parce qu'il regardait un petit peu tout ce qui se faisait. Et je lui ai envoyé un message tout de suite en disant Quand est-ce qu'on travaille ensemble ? Et je n'ai pas mis bonjour je n'ai pas mis au revoir Je n'avais même pas qu'il était américain, donc il ne parlait pas français. Enfin, jusqu'à maintenant, je ne pensais pas qu'il parlait français. Et il me répond maintenant Et donc, l'après-midi, j'étais dans ses bureaux et il me proposait le projet Beyoncé. Incroyable. Voilà.

  • Speaker #1

    Et parce que tu parles d'artistes, mais du coup, tu sembles parler plus d'artistes de mode. Est-ce qu'il y a des artistes dans d'autres sphères, d'autres domaines qui t'attiraient ?

  • Speaker #0

    Moi, de travailler avec des artistes, tu veux dire ? Oui. Ça ne s'est jamais proposé.

  • Speaker #1

    Mais quand tu dis, je vois des artistes et il y en a avec qui j'aimerais beaucoup travailler, que d'ailleurs j'ai contacté, c'est souvent dans le milieu des artistes.

  • Speaker #0

    C'est plutôt des personnes qui jouent de réhabillés ou c'est plutôt comme ça, tu veux dire. Ok,

  • Speaker #1

    je vois.

  • Speaker #0

    Des profits que j'aime bien ou des gens que voilà, peut-être aussi pour l'excuse de... pouvoir les rencontrer peut-être aussi. Mais ça se construit petit à petit, ça se fait petit à petit aussi. Et maintenant, c'est assez drôle quand il y a des personnes que j'ai invitées pour mon expo, mais juste avec les messages Instagram, donc qu'ils n'ont jamais eu le message au bout parce qu'ils n'ont jamais été jusqu'au bout sûrement. Et que maintenant ils viennent s'abonner à ma page et qu'ils me disent On adore votre travail, c'est génial et tout. Je trouve ça marrant parce qu'il y a encore mon message qui est affiché, celui que j'ai envoyé, qu'ils n'ont jamais eu. Je les avais invités deux ans avant et puis ils ne sont pas venus parce qu'ils n'ont peut-être même pas eu le message. Ils se vinissent peut-être pas tout et ça se fait quand même petit à petit oui, et ça se ramifie en fait, c'est des choses qui se ramifient, par contre c'est vrai qu'il faut avoir de l'audace ça c'est ce que je pourrais dire aux plus jeunes aussi, c'est que il faut avoir de l'audace mais il faut aussi avoir quelque chose à donner, parce que je vois trop de gens qui c'est juste parce qu'ils ont un look complètement dingue, ils ont l'impression qu'on les attend et tout ça, mais personne t'attend il faut surtout n'attendre rien de personne. On n'a pas besoin de nous. Personne n'a besoin de personne. Ce n'est pas parce que tu as un super look à l'école que les directeurs artistiques vont dire Wow, tu as un trop beau look, tu vas devenir le directeur artistique de Mugler Non, ça ne fonctionne pas comme ça. Il faut avoir quelque chose à donner. Et si j'ai aussi réussi un petit peu à faire un peu mon trou là-dedans, c'est parce que j'ai quelque chose à leur donner aussi, donc à leur apporter. C'est pour ça qu'ils viennent le chercher aussi. Ce n'est pas juste... Il y a beaucoup de gens qui pensent que j'ai un réseau parce que je connaissais un truc. tel et tout ça. Je ne connaissais personne. Je viens d'Uberi, je viens de ma campagne, avec des parents qui n'avaient pas de réseau. Je suis arrivé comme ça, je ne connaissais vraiment personne. Ça s'est fait petit à petit. Une personne qu'on rencontre qui connaît un tel et ainsi de suite, et ainsi de suite.

  • Speaker #1

    Et que tu as bien travaillé et que du coup... Et voilà,

  • Speaker #0

    ils ont besoin de quelque chose. À des fois, on ne travaille même pas en direct, mais on va rendre un petit service et ce qui fait qu'ils voient qu'ils peuvent avoir confiance en nous. Parce que c'est la confiance, c'est un truc vraiment premier. Ça, c'est ce qui doit se construire et surtout le pilier, enfin tout ce qui va... tout structuré parce que si on ne peut pas avoir confiance dans les personnes, on ne peut rien faire parce que ça, c'est le plus compliqué. Pour être sûr que le projet aille jusqu'au bout aussi. Parce que là, d'un seul coup, un créateur, quand il fait un dessin et qu'il nous le donne, c'est d'un seul coup, tout est sur nous. Si on a décidé d'arrêter, c'est terminé. Le projet, il est fini.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est qu'il t'intègre dans une stratégie de collection. Tout ça, c'est réfléchi. Donc, si tu le fais faux bon, en fait...

  • Speaker #0

    C'est un moment où la pièce... Plus la pièce est importante, si d'un seul coup, on fait la pièce qui va ouvrir le défilé ou le fermer... Et que d'un seul coup presque, je ne veux pas dire que tout le thème est autour, mais c'est assez important. On peut parler des coups en porcelaine par exemple. C'est que d'un seul coup c'était pour faire des personnages qui ressemblent à des poupées. S'il n'y a plus ces coups en porcelaine, c'est fini. Donc si on le lâche au dernier moment, c'est terminé d'un seul coup. Il va falloir trouver une autre solution et ça, ce n'est pas agréable pour eux, ça c'est sûr. Donc il faut vraiment avoir une confiance jusqu'au bout et qu'ils soient sûrs que tout soit livré en temps et en heure. qu'on soit toujours là pour essayer d'assurer et tout ça. Moi, c'est ce que je fais. Je fais un suivi vraiment jusqu'au bout pour Beyoncé. J'ai été jusqu'à Stockholm pour aller faire les retouches. Ils m'ont séquestré dans le stade de France. Donc, non, c'est... Alors que je n'étais pas payé pour ça. Mais ça fait partie du package, en fait. Et c'est ça qui prouve que je suis fiable, en fait. C'est juste que je suis fiable. Oui, je peux avoir un caractère de cochon, mais je suis fiable. Si j'ai dit oui, je vais jusqu'au bout.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en effet, c'est très important. Je pense qu'il y a aussi un aspect, c'est qu'il ne faut pas être déçu. Par exemple, si tu proposes un petit projet pas très cher et un gros projet beaucoup plus cher, il ne faut pas être déçu qu'ils prennent d'abord le petit projet. Moi, dans ma tête, c'est, commençons petit. Je te montre que ce qu'on fait, c'est incroyable. Ou que ce que je fais, c'est incroyable. Et ensuite, tu verras que tu peux me confier du gros.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il faut savoir les attraper aussi. Les attraper aussi avec ça. Et puis oui, prouver que ça tient debout. Est-ce que tu peux nous raconter un projet de recherche sur lequel tu as fait beaucoup d'innovation ?

  • Speaker #1

    Alors là où il y a eu le plus de travail au niveau de cette innovation, ce qui découle de la robe de Zendaya, en fait, qui a été faite avec des drapés en cuir, c'était quelque chose que, dans l'histoire, ce que j'avais développé de mon côté, un petit peu. Alors à la base, l'inspiration, elle vient de la Libergui dans le peuple de Delacroix. Au début, je prends une matière et en fait, je ne m'impose rien. Je ne me dis pas, il faut que j'aille jusqu'à derrière, il faut que ça soit faisable et tout ça. Et je me lance comme ça, mais vraiment brut. En fait, ce n'est pas grave si ça ne va pas jusqu'au bout, mais comme ça, je peux m'apercevoir des limites où il va falloir que faire des efforts ou essayer de rechercher un petit peu plus et tout ça. Donc, j'avais travaillé là-dessus. Et puis, sur la victoire de Samothrace aussi, au Louvre, qui était une proue de bateau. Et donc, c'est des drapés qui ont un effet mouillé, en fait. Voilà. Donc, ce qui fait naître cette façon, cette technique. Et donc, voilà, j'avais travaillé ces quelques drapés que j'avais présentés justement à Olivier Rousteing. Et ça lui a plu, mais on n'a pas travaillé tout de suite dessus. Il a fallu que ça travaille un petit peu. Et puis... peut-être qu'ils puissent le caser sur un défilé, peut-être parce qu'il y a des thèmes aussi quand même. Et il y a un moment où on m'a dit, ça y est, on est prêt, on va travailler sur les drapés. Donc à partir de là, il a fallu développer. Moi, au début, je l'avais fait assez simplement, très brut. Le tout premier jet, il est toujours très brut. Et là, j'avais pris une basane, je l'avais mouillée, j'avais fait des drapés. Ils n'étaient pas forcément très cohérents et tout ça, mais on sentait qu'il y avait déjà quelque chose et que ça pouvait fonctionner. Et après, comme on voulait quelque chose de plus délicat, il fallait travailler avec de l'agneau pour que... les plis fassent plus comme du tissu et moins quelque chose de très gros comme une sculpture de marbre donc il a fallu que j'utilise plusieurs colles il a fallu tester plusieurs colles celles qui allaient bien convenir pour faire ça aussi et puis pouvoir travailler presque de décoller et recoller tout le temps parce que j'ai un mouvement il faut que je crée pli par pli que ça soit cohérent en plus j'ai le nez toujours dessus donc il faut que je prenne tout le temps du recul et c'est surtout le défi qu'il y a à travers ça c'est qu'on travaille avec des peaux d'agneau qui sont assez petites Et quand on crée un drapé, en fait, on prend un grand drap, on le prend d'un côté et le drapé, il se forme naturellement. Moi, il fallait que j'ai cet effet-là, mais avec des toutes petites peaux. Donc, il fallait les raccorder les unes aux autres, sans que ça se voit, bien sûr, parce qu'autrement, on casse la magie. Donc, il a fallu essayer de masquer tout ça et essayer toujours d'être cohérent. Ça, ce travail-là, je le dis vraiment, j'ai beaucoup travaillé avec Balmain, avec le styliste qui bosse là-bas. On a vraiment échangé parce que lui, moi, j'ai jamais fait d'école dans le textile ou même pris des cours là-dedans. Donc c'est un peu des choses que je ne connais pas bien. Le drapé non plus, je ne le connais pas plus que les statues grecques qu'on peut voir. Et il était là très important parce que c'est surtout, j'avais besoin de son regard pour voir si c'était cohérent. Et parfois, il me disait, j'avais complètement fini la face, et il me disait, mais là, tu vois, au milieu, c'est pas possible, en fait. C'est pas plausible. Donc je démontais tout le centre, en fait, simplement le centre, et après, je le reconstruisais à l'intérieur. Ça a été des heures et des heures et des heures de travail. C'est un truc, je pense que c'est le truc le plus fou. Et je l'ai dit plusieurs fois à des gens qui me connaissaient, que ça m'obsédait tellement que quand j'allais me coucher le soir, j'allais me coucher tard, en dormant, je drapais mes draps. En fait, je les prenais avec mes doigts et je les étirais. Je me rendais compte que quand je me réveillais, j'étais en train d'étirer les draps. En fait, c'était vraiment, ça m'obsédait à un point complètement dingue. Et petit à petit, voilà, j'ai réussi à trouver exactement comment il fallait faire et tout ça. Mais j'ai eu... une aide extérieure, j'avais besoin de ses yeux pour comprendre comment ça pouvait fonctionner. On a réussi à développer quelque chose qui a fonctionné et qui a bien marché. Et oui, j'étais vraiment content de ce développement. Oui, c'était quelque chose d'assez magique.

  • Speaker #0

    Finalement, ce que tu ressors, c'est la complémentarité des parcours qui vous a permis d'atteindre le drapé le plus plausible possible.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'actuellement, ça s'est un peu, je ne vais pas dire démocratisé, mais les corps moulés, même les drapés, si on va voir sur Instagram, on peut en trouver assez facilement. C'est vrai que ça a fait un peu ses... c'est pas moi qui l'ai inventé, peut-être que j'ai aidé à le relancer, mais Issey Miyake l'utilisait beaucoup, Alexander McQueen l'utilisait beaucoup, moi je me suis beaucoup inspiré d'Alexander McQueen, il avait des artisans qui le faisaient très bien, donc c'est pas moi qui l'ai créé non plus, mais ça a relancé un peu la machine, il a envie en fait des gens de le faire, donc il le teste mais on peut vite voir que il n'y a pas vraiment de vie en fait dans ces plis il faut vraiment amener une vraie intention de poids en même temps, un tissu c'est léger et en même temps c'est lourd... Et en même temps, il doit être humide dans l'idée. Et donc, il faut penser à toutes ces choses. Et allez voir, ça a été beaucoup de montage et de démontage pour obtenir ça. Et maintenant, je pense que je le maîtrise déjà beaucoup plus. La robe de Zendaya était vraiment sur le bout. Parce que quand on a travaillé ces drapés, il y a eu trois looks qui étaient faits pour un défilé. Là, j'ai vraiment galéré. Ça a été très dur. Ça a été un passage très douloureux pour moi parce que je travaille vraiment beaucoup. Et ça ne fonctionnait pas toujours. Il y a des fois, c'est vrai que quand le stylus me disait... Non, là, tu vois, sur l'épaule, ça ne va pas. Franchement, j'ai envie de lui dire, mais... Tu fais plus. Bon, je ne sais plus. Mais bon, le soir, je pensais ça. Le lendemain matin, je revenais, je démontais tout. Et puis, j'étais reparti. Il fallait que ça fonctionne parce que moi aussi, j'ai envie de ça. C'est quand on est à bout. Mais moi, ça m'est arrivé plein de fois de pleurer dans l'atelier. Je le dis tout de suite. Ça me prend trop à cœur quand on nous dit... Il y a cette phrase magique qui dit Oui, mais on ne sauve pas des vies. Mais va te faire foutre. On ne sauve pas des vies. Mais ce que je suis en train de faire, c'est important pour moi. Et je veux que ça soit parfait. Et je veux être dans une condition comme si j'étais en train de sauver une vie. On ne peut pas faire des comparatifs comme ça. C'est trop facile, en fait. C'est un peu bizarre. Après, on peut comprendre que les crises qui sont dans la mode, où on dit non, mais attends, on va passer les délits, ça, je comprends. Mais après, quand on se défonce jusqu'à, peut-être presque jusqu'à notre santé pour faire quelque chose, mais on se donne à notre cause, c'est comme ça, en fait.

  • Speaker #0

    Et je pense qu'on a tendance à dire ça aux gens qui ne trouvent pas de sens. dans leur métier. Enfin, tu vois, moi, autour de moi, en l'occurrence, il y en a très peu qui sont dans l'artisanat. Enfin, je parle de mes proches proches, pas de ceux que j'ai rencontrés grâce à Histoire d'artisan, mais il y en a beaucoup qui font des métiers et vraiment, ça ne les intéresse pas vraiment et ils se tuent à la tâche, ils finissent à 22h, ils commencent à 8h et tu as envie de dire bah...

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, la phrase, elle était plus...

  • Speaker #0

    Ouais, enfin, je pense qu'en effet, la phrase... Moi,

  • Speaker #1

    je l'ai déjà entendue cette phrase et on me l'a déjà sortie et c'est vrai que je me suis déjà c'est pas normal mais c'est vrai que je vais parfois jusqu'à bout techniquement et physiquement en fait sur des choses, quand on finit par pleurer dans l'atelier je pense que c'est que tout seul le soir je pense que c'est que on a été peut-être un petit peu trop loin même physiquement, des douleurs ou des blessures, mais on a tous fait ça parce qu'on se donne à notre cause on se donne à 200% c'est pour ça que cette phrase je trouve que moi j'aime pas l'entendre parce qu'effectivement, moi, je me défonce comme si c'était... Je ne me défonce pas parce qu'il y a Beyoncé au bout. Non, c'est parce que c'est mon artisanat que je veux qu'il soit précis, qu'il soit parfait, qu'il soit en tout cas le plus possible. Je veux essayer de me donner en tout cas à fond pour que ça soit le maximum de ce que je peux donner. Comme un sportif, je pense qu'il va devoir aller jusqu'au bout, même aller chercher encore plus loin que l'énergie qu'il peut donner. Et je pense qu'il y a de ça, je pense, un petit peu là-dedans.

  • Speaker #0

    Oui, mais en t'écoutant, je me dis... en fait je pense que c'est très compréhensible de la part de n'importe qui que t'es envie d'avoir le geste parfait la finition parfaite, le rendu parfait en revanche il y a un aspect qui est rajouté toi dans ta pratique, c'est que tout ça doit être fait dans le rush à chaque fois et qu'en fait je pense que tu te mettrais pas je m'engage peut-être pas mais tu te mettrais potentiellement pas dans des états pareils si t'avais 3 mois pour le faire bien sûr,

  • Speaker #1

    ah oui, c'est sûr

  • Speaker #0

    Et en fait, le fait que tu pousses ton corps et ton esprit à bout est causé par le fait que tu es dans une situation où on ne te donne pas le choix de le faire dans un temps.

  • Speaker #1

    Oui, la présentation est dans trois jours. Il n'y a pas de... Les nuits blanches, c'est comme ça qu'elles se font. Ce n'est pas par plaisir, en fait, c'est sûr. Après, voilà, oui, il y a ce côté où on revient encore à l'artisan qui va faire son maximum, en fait. pour aller jusqu'au bout. Et le reste à côté, ce n'est pas grave. Mais j'en ai pris quand même conscience et c'est pour ça que maintenant, je freine un petit peu aussi. Parce que je n'ai plus envie. Les nuits blanches, je ne veux plus en fait. Les week-ends, je veux aussi retirer. Je veux passer du temps avec ma famille. Je veux aussi faire des choses pour moi. J'ai envie de vivre en fait. Parce que, qu'est-ce que je vais pouvoir apporter ? Je me sentais un peu au bout à un moment de ce que je faisais parce que je ne vivais plus à côté. Je n'y vais que dans l'atelier. Je ne pouvais même plus voir personne, même pas boire un café. Ce n'était pas possible. Je n'avais jamais le temps. Il y avait toujours quelque chose. Non, là, je ne peux pas. Je dois finir ça. Je dois finir ci. Et c'est sans fin. Ça pouvait être sans fin.

  • Speaker #0

    Et ça, c'était quand ?

  • Speaker #1

    Il y a deux ans, c'était encore là. Donc, le confinement n'a pas aidé ? Non, ça s'est accéléré, moi. Ah oui ? En fait, moi, quand on m'a contacté après cet épisode Covid et puis le confinement, on m'a dit, donc, les entreprises ont décidé de freiner. Nous, on va accélérer. Oui, parce que c'était aussi l'occasion pour les défilés. Il n'y avait plus que 10 marques qui défilaient. Si on fait partie des dix marques qui défilent, on se fait plus remarquer que quand il y en a 200. C'est logique. Et donc, j'ai fabriqué deux ou trois fois plus d'objets. C'est pour ça qu'il y a des gens qui me disaient Oui, ça a été difficile pour moi le confinement et tout. Je le comprends, mais moi, ça a été plus difficile, mais dans l'autre sens. Ça a été une orgie. Je fais des... Je ne vais pas raconter de bêtises, mais il y avait des bustiers drapés et les jucs, mais il y en avait, je ne sais plus, 17, je crois, ou 18, quand on a défilé. Plus des masques, plus des choses. Enfin, c'était une folie, c'était incroyable, quoi. Et c'est ingérable. Je veux cesser à la chaîne et j'ai plus de plaisir. Par contre, quand moi j'ai plus de plaisir, c'est fini, je dois arrêter. J'ai besoin de ressentir encore ce que je dois donner. Autrement, demain, autant que j'aille en production et travailler à la chaîne. Autrement, c'est pas la peine que je continue de faire ça.

  • Speaker #0

    Je pense que la grande difficulté, c'est de se rendre compte que t'as plus de plaisir.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un moment où je ressentais plus. Le dernier vraiment défilé que j'ai fait, j'ai fait quelques petits boulots, parce qu'on va me dire, tu t'es pas arrêté. Il y avait Margiela récemment. Mais Margiela, ça a été fait sur 9-10 mois, le travail. C'était différent. On a travaillé complètement différemment. Ils ont compris le malaise qui avait été créé par toutes les entreprises autour. Ils voulaient quelque chose et ils ont été patients. Ils ont été réglo. Ils ont tout fait comme il fallait. Pour moi, je ne considère pas ça comme ça. Mais le dernier gros truc, c'était le défilé Balmain-Gautier. J'étais en train de m'apercevoir de faire des pièces complétées. complètement folle et que j'adorais. Et en même temps, je ne ressentais plus rien en les faisant. Je les faisais à la chaîne. Et là, je me suis dit, c'est fini, je suis foutu. Donc, j'ai préféré me détacher de ça pour pouvoir me préserver et essayer de le garder. Et puis après, si je peux le garder à travers mes pièces à moi, c'est peut-être encore mieux, je ne sais pas. Mais en tout cas, c'est bien pour moi.

  • Speaker #0

    C'est une très bonne transition vers la future question. Quelles sont tes envies et tes envies de projets futurs ?

  • Speaker #1

    Mes envies de projets futurs, c'est surtout déjà de fabriquer mes pièces et puis peut-être de les exposer, quand je retrouverai un lieu d'expo. On cherche à en dire des expositions. Voilà, donc déjà, ça serait de pouvoir refaire une exposition sur mon travail, j'aimerais bien. Parce qu'en plus, quand je fais les expositions, ce que j'aime bien, j'en ai fait qu'une, mais c'est d'être présent, enfin deux d'ailleurs pour le coup, avec Objet Sensuel, mais c'est d'être toujours présent sur place. Donc je peux échanger avec les gens et ça, c'est ce que j'apprécie. Enfin, en tout cas, c'est un bon final à mon travail de savoir, moi, j'ai toujours travaillé et après, c'est un coursier qui emmène les pièces et après, c'est terminé, elles n'existent plus. que là d'un seul coup j'ai le retour des gens on sait ce qu'ils en pensent j'adore cet échange c'est surtout ça, j'aimerais bien pouvoir montrer en tout cas mes créations mon travail et mon univers parce que j'ai aussi un univers à moi et pouvoir le présenter un petit peu plus largement ça serait vraiment mon futur on te le souhaite on te le souhaite beaucoup et du coup le mot de la fin qui est qu'est-ce que tu souhaites pour le futur des métiers du cuir ? pour le futur des métiers du cuir j'espère surtout Surtout que les écoles vont se ressortir un petit peu mieux. Je ne sais pas si l'éducation nationale peine vraiment à... Tout a évolué. Je n'arrive pas à comprendre actuellement que les écoles sont pleines et dans les entreprises, ils ne trouvent personne, en fait. Mais ils ne les prennent pas forcément. Alors, c'est assez étrange. Il y a quelque chose qui ne va pas. Maintenant, les entreprises ont compris. Ils font leur recrutement eux-mêmes, pour être sûr. Je ne sais pas s'ils font bien aussi. Je pense qu'il va falloir surtout éduquer et je pense que le plus important quand même, c'est de montrer nos métiers aux plus jeunes qui le connaissent, qui voient aussi toutes les possibilités qu'il y a derrière, parce que les possibilités sont infinies, que ce soit dans le cuir, dans le bois et tout ça. Qu'ils en aient conscience, parce qu'on a perdu ça, on ne sait plus ce qui est possible de faire. Et souvent, on ne connaît même pas les métiers. Et comme ça, pour qu'ils puissent se tourner plus tôt vers ces métiers surtout. et peut-être s'épanouir là-dedans. Parce que moi, j'ai cet exemple que quand même, j'aimais l'art, j'aurais voulu être artiste. J'ai commencé par sculpter, moi. Mais je n'ai pas pu faire les beaux-arts parce qu'on n'avait pas les moyens, c'était trop loin, des choses comme ça. Je n'ai jamais pu être artiste. Mais à travers mon travail, pourtant qui n'avait rien à voir, je fabriquais des sacs ou des ceintures et des choses comme ça. Petit à petit, actuellement, je m'aperçois que je peux quand même apporter quelque chose d'un peu artistique dans mon travail. Donc au final, j'y suis arrivé. En fait, j'ai quand même lié le tout. et réussi à faire ce que j'aurais aimé faire au début d'une autre façon, sur un autre médium, sur plein d'autres choses, mais je m'épanouis aussi comme ça. Donc tout est possible et surtout qu'il faudrait faire découvrir de plus en plus. Les podcasts sont là et ils sont très utiles, je pense, en tout cas pour les plus jeunes. Moi, je pensais qu'à un moment, ça intéressait beaucoup l'artisanat, les gens. On me disait, mais oui, mais on parle beaucoup d'artisanat. Maintenant, on ne parle plus que ça, que de l'artisanat. Oui, c'est très bien, les émissions sur TF1, de voir les usines Viton qui tournent et tout ça. Mais ça, ça plaît aux plus vieux qui, d'un seul coup, par nostalgie, se disent Tiens, ça me rappelle mon grand-père, ça me rappelle mon père qui faisait ça et tout. C'est très bien. Mais maintenant, les plus jeunes, il va falloir qu'ils soient plus intéressés. Et c'est là où j'étais. quand même content, c'est qu'à un moment, j'aime pas qu'on me parle que de Zendaya ou de Beyoncé ou tout ça, et on s'en fiche, mais ça aide en tout cas à avoir un pont, un lien avec les plus jeunes qui d'un seul coup, si je parle de Zendaya, on m'écoute, en fait, déjà. Donc quand derrière, j'ai eu plein de messages, il y a même des jeunes filles qui sont fans de Zendaya, qui ont des pages Instagram assez importantes et tout ça, et qui m'ont envoyé leurs dessins parce qu'eux, ils ont le fantasme de créer une robe pour Zendaya et me demander mon avis, si c'était sympa, si c'était bien et tout ça. Et je trouve ça assez touchant parce que, d'un seul coup, ils ont pu comprendre, à travers ce que j'avais fait, qu'il y avait derrière ces robes aussi un artisanat. En fait, il était derrière. Ça, c'est bien. C'est ce qu'il faudrait qu'on arrive à montrer. C'est que même à travers ce travail qui peut être superficiel aussi et qu'on peut mal critiquer, il y a quand même beaucoup d'artisans qui se défoncent et qui maîtrisent incroyablement leur métier. Dans tout le métier de la mode aussi, ils sont très nombreux. Et ces jeunes peuvent accéder à ça aussi. Et un jour, ils poseront peut-être les cristaux de la robe de Kardashian. Mais non, mais c'est toujours quelque chose qui peut être... Et si ça peut aider, pourquoi pas ? Au début, je trouvais ça bête. Et puis après, je me suis dit, mais non, ça nous permet au moins de parler de quelque chose. On parle au moins le même langage, ils nous écoutent. Et après, au final, ils sont quand même à l'écoute de ce qu'il y a autour et de ce qui a été fait. Ça peut peut-être être un bon lien aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est un peu la cible secondaire, on va dire, de l'association. Mais j'ai un peu cette conviction qu'en montrant... l'innovation au sein des ateliers. Certes, on montre que l'artisan, ce n'est pas juste un faiseur, c'est aussi un ingénieur. Et on montre que c'est hyper créatif d'être artisan français aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Déjà, tout le monde amène, je pense, plus ou moins à un niveau différent, mais tout artisan amène des solutions tout le temps, tout le temps, tout le temps. On est toujours, de toute façon, sauf quand on nous demande quelque chose de précis et qu'on répète des gestes. Mais l'artisan lui-même dans l'atelier, il est tous les jours confronté à des problèmes et à devoir amener une solution à ça. Et après, si on a une passion ou un petit don dans le style, ou si on sait bien associer les couleurs, moi je pense que si on est fleuriste, ça va nous apporter quelque chose de plus. Si on est dans le milieu de la mode, on va pouvoir dire Mais tu sais, avec le mauve, moi j'aurais bien mis un jaune en dessous. Et on peut apporter quelque chose. Et moi, je ne pensais même pas, c'est pour ça que je reviens à ça, mais je ne pensais pas que de ce que j'aimais, la sculpture, l'art, j'aurais pu discuter un jour de ça et d'amener des idées quand même. Parce que ce n'est pas moi qui choisis les choses et tout ça, mais on amène notre pierre à quand même à déficier. On est quand même là, on est présent, on fait partie des projets. Et je suis assez fier de pouvoir faire partie de projets comme ça maintenant qui vont rester dans l'histoire. J'ai regardé des choses de Mugler ou d'Alexander McQueen. J'étais impressionné de McQueen quand je regardais les défilés, mais c'était incroyable pour moi et tout. Et là, quand j'ai eu ce défilé Margiela, je me suis dit, mais maintenant, t'en fais partie, en fait. Et c'est ça qui est dingue. Et ça nous transporte. Demain, bah oui, demain, le défilé est terminé, il va falloir que je retrouve quelque chose d'autre. Mais il y aura encore d'autres projets qui vont être là. Si on se donne et si on travaille, il y a toujours quelque chose à apporter. Et les plus jeunes qui sont quand même, là, on le voit, c'est que sur Instagram, ils sont extrêmement nombreux à suivre aussi des stars et des choses comme ça. Mais si un jour... Je ne sais pas, si tu rêves d'approcher de cette star, fais quelque chose que peut-être tu pourras lui vendre ou faire, je ne sais pas. Il faut essayer. Moi, c'est la première chose que j'ai fait avec la musique, en donnant des sangles de guitare à des musiciens. Parce que c'était ma petite excuse et au moins j'allais jusqu'au bout des choses. Et puis après, ça construit quelque chose forcément derrière. Donc oui, il y a plein de choses et il faut avoir une approche plus ludique en tout cas. Pas qu'ils aient que confiance du star system, parce qu'il ne faut pas non plus garder que ça. Mais en tout cas, il y a la possibilité de toujours travailler pour des gens qui peuvent aimer. C'est toujours bien. Moi, le jour qu'on m'a proposé, c'était un dimanche, quand on m'a annoncé Est-ce que tu voudrais travailler pour Björk ? Mais je me prostitue pour Björk. Je fais tout, mais tu ne me payes même pas. J'étais tellement heureuse de travailler pour elle. Je sais ce que c'est d'être fan. J'étais fan quand j'étais plus jeune et je trouve ça super. Il faut faire une continuité. J'étais un grand fan de la CDC et tout. Enfin, je suis toujours. J'ai tout collectionné. Je les écoutais constamment. Et quand j'avais 30 ans, je les ai rencontrés et je leur ai fait des sangles de guitare. Et si je n'avais pas fait ces sangles, je n'aurais jamais été les rencontrer. Donc j'ai réalisé mon rêve à travers mon travail. Parce que j'avais cette excuse, je me serais dit que je me serais retrouvé devant, qu'est-ce que je vais leur raconter, j'ai écouté tous vos albums, super. Mais rien que la rencontre, et là ça me donnait une excuse, et puis aussi de donner ce que j'étais capable de faire, et ce que je pouvais être fier de faire. C'est magique et j'ai vécu plein de moments comme ça. Et pourtant, j'ai un lycée professionnel, il faut avoir envie, et il faut toujours croire en ses rêves, parce que ça se fait toujours un petit peu. Et moi, j'en ai réalisé énormément. C'est vrai que c'est chouette. Et c'est pour ça que même s'il y a eu des difficultés, comme vous pouvez écouter dans le podcast de Raphaël juste avant, il y a des difficultés dans tous les métiers, c'est vrai. Là, je les avais mis un petit peu en avant, mais il y a plein de choses super aussi. On vit des choses complètement extraordinaires aussi, et des choses uniques. Ça, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est un très beau mot de la fin. C'est génial, trop bien. J'adore quand tu finis les épisodes comme ça, tout positif. Trop chouette. Eh bien, merci beaucoup, Robert. Merci pour ton temps.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Parce que ça fait déjà un bout de temps que je te débranche à ta maison. Donc, merci vraiment beaucoup pour ton temps. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Robert Mercier vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes du podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

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Description

Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c’est comme le jazz et le free jazz. Au début on apprend les morceaux de jazz puis lorsqu’on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses œuvres. Belle écoute ! 


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Robert Mercier

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c'est comme le jazz et le free jazz. Au début, on apprend les morceaux de jazz, puis lorsqu'on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses oeuvres. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Robert et merci beaucoup de m'accueillir dans ton atelier. Tu es artisan du cuir, tu as eu beaucoup de vie. Je te propose et je propose aux éditeurs qui nous écoutent de découvrir ton parcours lors de ton épisode de podcast avec Raphaël Lebeau dans le Craft Project. Vous parlez de tout ton parcours et vous en parlez merveilleusement bien, donc on ne va pas le refaire. On va se concentrer un peu plus sur ta carrière perso. On va l'appeler comme ça, je ne sais pas comment l'appeler. Mais en tout cas, ton travail plus personnel et le travail que tu veux développer sur tes créations personnelles et de toute ta partie recherche, puisque c'est ce qui nous intéresse chez Histoire d'Artisan, cette innovation. Donc la première question est normalement, peux-tu nous raconter ta rencontre avec ton métier ? Là, je vous invite encore une fois à aller voir Raphaël et à aller écouter son épisode. Si vous tapez Robert Mercier Craft Project, vous devriez trouver facilement. Donc la deuxième question, hop, on fait un petit saut dans le temps. Est-ce que tu peux nous raconter justement tout ce que tu souhaites faire sur ta partie perso, tes envies, ce que tu as envie d'exprimer, ce que tu as envie de montrer de toi ?

  • Speaker #0

    Après le podcast de Raphaël, justement, j'étais en questionnement. Je voulais un peu arrêter tout ce que je faisais avec les entreprises parce que moi, à la base, on me demande une pièce autour du cuir, que ce soit un objet, un sac, un vêtement. Et après, je le développe de mon côté. J'ai travaillé pendant des années pour eux, beaucoup, beaucoup. Et puis... J'ai vraiment senti le besoin de m'exprimer en fait il y a quelques années. Et donc j'ai voulu aussi apporter ce que je pouvais moi développer dans mon atelier et découvrir aussi dans mon atelier. Et donc j'ai continué un petit peu à travailler pour la mode bien sûr parce qu'il faut aussi faire tourner la machine et puis faire vivre mon entreprise quand même. Mais j'ai aussi développé plus tout ce que j'avais dans la tête et je me suis donné l'autorisation, le droit d'aller chercher, d'aller fouiner. dans cette matière que j'aime tant et la développer et puis soit pouvoir la proposer à d'autres ou à moi bien sûr ou en parallèle, maintenant je me garde une partie de temps pour moi pour pouvoir développer en fait mes propres créations.

  • Speaker #2

    Et du coup c'est quoi ces créations ? C'est des éléments que tu as envie de développer et que tu as envie de vendre ? C'est plus de l'artistique ? Ça se concrétise comment ?

  • Speaker #0

    Après tout est à vendre en fait, tous les objets que je fais c'est pas forcément pour les garder, c'est bien sûr mais j'ai pas d'action commerciale dedans. Enfin, je veux dire, je ne développe pas dans l'idée de vente. Je l'ai toujours fait. D'ailleurs, maintenant, je le développe un petit peu plus, mais j'ai toujours fait des objets juste par des idées ou des inspirations. Je les ai fabriqués et conservés chez moi juste parce que j'avais besoin de les faire naître. Et parfois, je rencontre aussi dans mes développements des techniques qui sont intéressantes et que j'ai envie de développer encore plus. Et donc, je les pousse justement en créant un objet pour pouvoir les mettre en œuvre sur une création.

  • Speaker #2

    Quand tu parles d'œuvres que tu as envie de faire naître, c'est quoi ? Tu as des envies esthétiques, justement, c'est guidé par de l'esthétique, c'est guidé par une histoire que tu as envie de raconter, c'est guidé par de la technique ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense que déjà, comme j'ai toujours dit, c'est que moi j'appartiens vraiment à ma matière. C'est ma matière qui me possède et j'ai toujours l'envie de l'amener encore sur un terrain toujours nouveau. Ça a toujours été mon envie, même quand j'ai travaillé pour les autres, j'ai toujours fait le forcing pour qu'on, dès qu'on redéveloppe quelque chose... Ce qui n'était pas confort pour eux parce qu'il y avait toujours ce côté un peu danger où on pouvait ne pas aller peut-être jusqu'au bout du projet parce qu'on ne savait pas trop où on allait. Mais bon, ça s'est toujours bien passé et j'ai pu toujours amener des choses nouvelles et ce qui permet d'avoir toujours du changement parce que je m'ennuie assez rapidement. Et là, quand je crée, c'est vrai que c'est souvent d'abord la matière que j'ai manipulée et qui m'amène quelque chose soit de visuel ou soit dans le... Oui, c'est souvent visuel forcément. et soit ça va être un développement par rapport vraiment à une technique qui a été développée par rapport au cuir, c'est le cuir qui me l'a apporté ou soit à travers les oeuvres aussi que je peux voir au cinéma ou des choses comme ça où d'un seul coup j'ai une envie, je me dis tiens ça on pourrait le créer en vêtements ou en sac et ça pourrait être figé dans le temps comme ça ce sera un instant.

  • Speaker #2

    C'est vraiment guidé par une envie de tester ta matière.

  • Speaker #0

    Oui. Moi, j'ai toujours été dans la performance. J'ai toujours aimé aller plus loin, plus loin, plus haut, plus fort. Et puis, je n'étais pas forcément bien tout le temps. Et donc, il y a toujours cet effet de défi. Enfin, de défi, je ne me pose même plus cette question. Mais à chaque fois, quand je suis en train de créer quelque chose de nouveau, à un moment, ça va bloquer ou je ne sais quoi. Et ça m'apporte quelque chose de nouveau. Et là, je me dis, tiens, la prochaine fois, je vais pouvoir, au lieu d'aller dans cette direction, je vais plutôt aller dans l'autre direction. En fait, moi, j'ai toujours eu cette théorie du chaos qui, en fait, à un moment, c'est la matière qui va me dire On veut faire un pli vers la droite, la matière, elle ne veut aller que vers la gauche, et bien, elle ira vers la gauche. Et c'est moi qui vais m'adapter à elle. Et j'ai souvent fait des produits, par exemple, pour Hitchcock, quand j'ai fait des pièces sur Hitchcock, j'ai commencé les pièces sans savoir comment j'allais fermer encore le sac, par exemple. Mais je laisse avancer les choses et les choses viennent naturellement, en fait, quand on les laisse venir.

  • Speaker #2

    D'où le fait que tu disais que tu dessines assez peu.

  • Speaker #0

    Oui, je dessine assez rarement et je commence souvent avec la matière. Parce que de toute façon, c'est comme ça, je ne le fais pas exprès, mais c'est que même quand on me demande un travail, à un moment, je vais dire, oui, je pense que c'est possible. Comment ça, tu penses que c'est possible ? Oui, il va falloir que je mette les mains dedans. Mais je dis, mais ça va le faire, ce n'est pas un problème. Et effectivement, la matière, elle parle et je vais trouver. Des fois, il y a plus de batailles que d'autres. Des fois, ça vient très vite. Parfois ça vient beaucoup moins vite. Et puis il y a un échange, c'est une lutte aussi avec cette matière. C'est qu'à un moment, elle m'impose quelque chose, mais je pense qu'elle peut quand même aller un petit peu plus loin. Je la pousse un peu dans ses retranchements, comme elle me pousse aussi dans mes retranchements. Et c'est un dialogue entre elle et moi. Et c'est peut-être pour ça que moi, ce qui m'intéresse, moi je travaille beaucoup autour de la sensualité, aussi du côté organique, mais vraiment dans le côté pur de la chose, de l'organisme, c'est que je ne fais plus qu'un avec cette matière quand je la travaille.

  • Speaker #2

    Je sais que tu as rencontré Mathias Kiss. et c'est marrant parce qu'il m'a dit exactement la même chose que toi il m'a dit moi je ne dessine jamais notamment ces ciels il ne dessine jamais de ciel parce qu'il dit mais en fait je ne peux pas je suis incapable de dire où c'est qu'il va y avoir un nuage je suis incapable de dire où c'est que ça va devenir du rose je ne peux pas dire du coup les gens lui font confiance parce qu'ils savent qu'ils maîtrisent le ciel enfin ils se laissent un peu guider comme toi et c'est marrant parce que j'ai eu une autre conversation avec Corentin Brison qui est céramiste Et j'avais demandé à Corentin, et je te poserai la même question, à partir de quel moment tu peux te considérer céramiste ? Parce qu'en fait, je pense que la céramique est sans doute le métier le plus prisé et le plus choisi dans la reconversion. Mais même, c'est très simple de se faire un semestre de cours de céramique. C'est relativement accessible. Mais à partir de quel moment on se considère céramiste ? Et il m'avait dit, à partir du moment où c'est toi qui domptes la matière et pas la matière qui te dompte. Et ça m'avait... vachement parlé parce que, alors, des cours de céramique, j'en ai fait. Et c'est vrai que quand tu es devant un tour avec de la terre et que tu dis tiens, je vais me faire un bol et qu'à la fin, ça devient un coquetier parce que tu t'es complètement raté. Ce n'est pas toi qui as dompté la matière. C'est juste que tu as fait des trucs avec tes mains et puis ça a donné un coquetier ou un verre et pas du tout un bol. Du coup, je te pose la même question. À partir de quel moment, toi, tu considères que quelqu'un est artisan du cuir ?

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il a raison. Après, moi, je pense qu'on est artiste du cuir quand on commence à manipuler le cuir. C'est une histoire de maîtrise, simplement de maîtrise. On peut faire des choses très jeunes, même si on ne maîtrise pas, on peut arriver à faire des choses complètement dingues. Je l'ai vu souvent, il n'y a pas besoin forcément de 20 ans de maîtrise. Mais effectivement, au bout d'un moment, il y a une sorte de confort qui se fait. Je le compare souvent au jazz et le free jazz. C'est qu'à un moment, les jazzmans, quand ils ont atteint un niveau de technicité, en fait... peuvent s'en échapper. Et moi, c'est vrai que j'aime pas trop le pathos, j'aime pas trop les histoires où je me régénère dans la pierre, à l'extérieur. Moi, c'est des trucs que ça me saoule parce que c'est un peu bidon pour faire du storytelling et tout. Moi, je fais pas ça. Mais en même temps, quand je te dis que je suis en connexion avec ma matière, c'est que les grands moments que j'ai vécus, je pense pas l'avoir déjà raconté, mais quand j'ai moulé les choses pour Björk, j'étais à l'extérieur, c'était l'été, il y a un orage qui s'approchait, j'écoutais Björk dans mon casque. J'ai été torse nu parce qu'il faisait super chaud. Et les nuages montaient. Et d'un seul coup, il s'est mis à pleuvoir. Et j'ai continué à mouler sous la pluie. Et j'ai vécu un truc sensoriel comme je n'ai jamais connu ma vie. Et c'est presque comme quand on fait l'amour. C'est un truc complètement fou et qui te change. Et à chaque fois que j'ai cette matière dans les mains, c'est vrai qu'il y a vraiment un vrai dialogue qui se fait avec elle. Mais justement, quand on a maîtrisé, l'avantage, c'est qu'après, on peut se lâcher. Il n'y a plus besoin de penser la technique. Je ne me pose pas la question si je dois faire un rembourse, si je dois faire une couture, si je dois rogner ou quoi. Ça va venir en fait. Je ne me pose aucune question. Et que je débute, on me dit Tu sais comment tu vas faire ? Je dis Non, je ne sais pas. Mais ça va se faire. Et à chaque fois, ça l'a fait, tout le temps. Et c'est vrai que je pense, à partir de maintenant, que je suis arrivé à un niveau où je peux me lâcher et laisser faire. Pour rappeler Mathias Kiss, qui m'avait toujours dit ce qui va être important, c'est surtout qu'il faut que tu arrives à le maintenant, que tu maîtrises ta technique, c'est à lâcher ta technique. Voilà, et qu'elle n'existe plus, en fait. Que ça soit juste un outil, mais qu'elle ne t'empêche pas, en fait, de créer. Parce que souvent, dans les créations, je l'ai souvent vu chez des artisans, quand ils essaient de créer, pas tout le temps, mais parfois, c'est une exposition de technique. J'ai déjà vu des gens qui faisaient des sacs. Oui, c'est bien, on sait que tu sais faire de la teinture, on sait que tu sais couper comme ça, mais ne mets pas tout sur un truc, ça ne sert à rien. Et ce n'est pas ce qui va donner plus de magie au truc ou impressionner. Ça ne marche pas, ce genre de truc. Et effectivement, quand il est venu pour Objet Sensuel, qu'il a vu le bustier avec les cornets de glace, le bustier Oups, il m'a dit, tu vois, tu t'es vraiment détaché de ta technique, parce que... Ce qu'on voit en premier, c'est une œuvre, c'est une création, une envie de t'avoir envie de faire, de faire vivre quelque chose même d'un peu drôle, avec un peu d'humour. Et quand on commence à s'intéresser un peu plus et se pencher un peu plus, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de techniques pour obtenir ça. Et donc, ça, c'était le plus beau compliment qu'on pouvait me faire. Et ça m'a vraiment touché quand il m'a dit ça pour cette exposition.

  • Speaker #2

    On peut peut-être remettre dans le contexte, mais Objet Sensuel a été une exposition qui a été créée par Raphaël Lebeau dans le cadre de Métiers Arts, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #0

    En 2023. C'était en janvier.

  • Speaker #2

    Et c'était une très, très belle exposition sur les cinq sens. C'était très, très joli. Et ce que tu racontes, c'est exactement ce que m'a dit Jérémy Maxwell Ventrebert, souffleur de verre. Quand tu regardes les artistes qui soufflent du verre, il y en a beaucoup où c'est hyper chargé. Ce n'est que de l'ego. Tout ce que je sais faire, je vais le mettre.

  • Speaker #0

    J'avais envie de parler du verre, c'est drôle, parce que je le vois souvent sur les pièces en verre où c'est très, très chargé. À un moment, ça a été un travail aussi pour moi. d'essayer d'arrêter aussi de vouloir mettre, parce que j'ai souffert de ça moi aussi, je pense que dans notre apprentissage, on met tellement de temps à maîtriser chaque étape qu'après, c'est pas qu'on a envie que ça soit rentable, mais on l'amène quand même. Et on veut montrer qu'on peut le faire. Et maintenant, je m'aperçois que juste mouler simplement un corps en cuir, mais même s'il n'a rien d'attaché dessus et qu'il soit fait presque à la perfection, ça a beaucoup plus d'impact que si je lui avais... accrocher des bandes, d'y faire moire et ça sert à rien en fait, on charge trop pour rien, il faut peut-être devenir, alors après c'est ma vision, mais pour d'autres aussi, c'est devenir quelque chose de plus pur aussi et plus simple en lecture et donc plus organique, plus direct en fait.

  • Speaker #2

    Oui je pense que c'est aussi quelque chose qui est dans l'air du temps parce qu'il y a bien une phrase qui dit less is more enfin c'est exactement ça et je pense que on est dans un mouvement artistique où justement on cherche Tu vois bien les intérieurs, ils sont hyper épurés. Quand tu regardes les sites internet de l'ultra luxe et du luxe, c'est des trucs blancs avec une police noire. Tu vois, c'est très propre. Et oui, c'est très pur, comme tu dis. Je pense aussi que c'est un mouvement artistique contemporain. Alors, est-ce que ça va évoluer ? Sans doute.

  • Speaker #0

    Artistique et technique, parce que moi, j'ai connu ces années 90 avec la maroquinerie, les sacs étaient... ultra chargés. Là, on peut parler de Versace ou de ces marques-là qui ne savent plus s'arrêter de charger les sacs. Et plus ça allait, plus on a épuré, en fait, et on a retiré les choses. Mais aussi pour revenir à l'essentiel. Hermès a toujours eu cette... Par contre, ils avaient déjà le bon sens dès le début. C'est de laisser que les choses qui sont réellement utiles et toutes les choses qui sont inutiles, il faut les retirer, en fait. Et ça fonctionne et ça parle plus aux gens. Et comme on a une sorte de retour aussi au savoir-faire et tout ça parce qu'il y a les origines, il y a aussi... Comment dire, à de l'authenticité, quelque chose de... On se tourne peut-être plus vers des choses beaucoup plus pures. Si c'est la pierre, il faudrait vraiment qu'elle soit que de la pierre. Mais moi, je pense que je n'arriverais pas à associer ma matière à une autre, à de la pierre, du verre. Pour moi, le verre, il doit rester qu'avec le verre. Je ne sais pas, c'est peut-être ma vision qui n'est pas bonne, mais je trouve que c'est trop ou ça ne fonctionne pas. Parfois, ça peut peut-être bien fonctionner, mais je pense que c'est difficile d'arriver à faire quelque chose vraiment de cohérent et qui marche bien en mêlant toutes ces matières.

  • Speaker #2

    Peut-être parce que justement pour les imaginer, il faut que tu aies la technique et que tu les...

  • Speaker #0

    Oui, et puis après...

  • Speaker #2

    J'ai le mot gère qui vient, mais...

  • Speaker #0

    Moi, je vois que tout en cuir, en fait. Donc, c'est aussi mon problème. Et c'est pour ça que dès qu'on va me demander tiens, comment on pourrait faire ce truc ? parce qu'il est en rigide, je fais on va te le faire en cuir Et j'ai fait des pièces, par exemple, chez Balmain qui devaient être faites en métal. Ils n'avaient pas le temps de le développer. Je les ai faites en cuir et recouvertes de films métal dorés. Et en fait, elles sont en cuir, elles ne sont pas en métal. Et quand on voit, on pense que c'est en métal. Avec le cuir, on peut faire énormément de choses parce que l'avantage du cuir, c'est qu'on a un panel très large par rapport au pot. Avant de connaître une technique, avant de savoir le manipuler, il faut connaître toutes les matières pratiquement. Parce qu'on est de la matière la plus souple à la plus dure. Plein de cuirs différents. Et donc après, moi, quand on me demande un projet, la première chose à laquelle je pense, c'est lequel cuir je vais utiliser et quel animal je vais utiliser. Un mouton, c'est très souple. Une vache, c'est très rigide. La chèvre, ça va être plus rigide, mais très grainée. Il faut trouver la bonne matière. Donc c'est souvent la matière qui parle. Avec Olivier Rousteing, quand on avait travaillé ensemble pour Balmain, lui, il voulait revenir sur ses origines. Ses origines sont Afrique du Nord et tout ça. Et je me suis dit, nous, la maroquinerie... marocain, maroc, ça vient de ces origines-là aussi. Donc tous les cuirs viennent de là-bas, les cuirs de chèvre, le parchemin, la basane, ces choses-là. Et donc, on n'utilisait plus la basane, c'est un cuir, maintenant on appelle ça un cuir établié, c'est pour dire. La basane, elle était utilisée pour faire par exemple les fauteuils, les clubs. Un club, c'est fabriqué avec de la basane. Si d'ailleurs un club n'est pas fabriqué avec de la basane, ce n'est pas un club en fait, c'est sa matière de base. C'est très très souple, car on connaît tous ce côté confortable qui est unique à travers cette matière.

  • Speaker #2

    Mais qui se détend beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui se détend beaucoup, qui est très souple. Voilà, c'est pour ça qu'il faut maîtriser chaque matière, parce qu'elle apporte quelque chose de complètement différent. Et donc j'ai ramené cette basane qui est un matériau pauvre maintenant, qui est très riche, mais qui est considéré, nous en maroquiner, qu'aucune marque de luxe n'utilise. Le parchemin non plus, on ne l'utilise plus. Mais j'avais envie de le ramener. Et à un moment, je me suis dit, le parchemin, on écrit dessus, moi je vais le foutre dans l'eau et puis on va voir ce que ça donne. Et puis j'ai fait des bustiers moulés avec des plissés et des choses comme ça avec le parchemin, en trouvant, en manipulant.

  • Speaker #2

    Le parchemin, c'est quelle matière ?

  • Speaker #0

    Alors le parchemin, c'est une finition en fait. On laisse vraiment que la fleur de la peau, donc au plus fin. C'est vraiment au 3 dixièmes, c'est vraiment très très fin. Et donc ça peut être de la chair, il peut y avoir des petits veaux. J'ai même vu très très rare, mais des crocodiles ou des autruches en parchemin, ça existe. Mais normalement, l'écriture, quand on utilisait le parchemin pour les livres, c'était des chèvres ou des... La chèvre, c'est vraiment l'origine de tout ça.

  • Speaker #2

    Et tu dis que la maroquinerie, ça vient du Maroc ?

  • Speaker #0

    Ah oui, marocain, par exemple. Il y en a un qui s'appelle le bas. On a une peau qui s'appelle le marocain. Les origines, elles viennent de là-bas aussi.

  • Speaker #2

    C'est vrai que quand tu vas au Maroc, tu n'y penses pas.

  • Speaker #0

    Ils ont un gros travail du cuir, ils ont un gros artisanat du cuir. Oui, et puis ils tannent beaucoup. Il y a les canneries qui sont à ciel ouvert. Qui... Oui, bon là, c'est une autre histoire. Ils n'ont pas développé de la même façon que nous, mais bon, après, on peut les comprendre. Mais évidemment, c'est l'origine.

  • Speaker #2

    C'est génial.

  • Speaker #0

    Et la céleri vient de la selle. De la selle.

  • Speaker #1

    La selle pour les chevaux ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Mais ça, c'est vrai qu'on n'en a pas parlé dans l'épisode 1, mais on n'a pas précisé, en effet. Mais en effet, la sellerie vient de la selle. Mais non, je n'avais pas imaginé que maroquinerie venait du Maroc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'origine du mot.

  • Speaker #0

    J'adore. Donc, on parlait de... C'est quand même dingue. En fait, si tu fais le rapport entre courbe d'apprentissage et courbe de création, au début, c'est épuré parce que tu ne sais pas trop faire de choses. Ensuite, tu as un pic parce que tu sais faire... plus de choses et que tu as envie de tout mettre. Et puis, tu te détaches et ta courbe d'apprentissage, elle se réduit et finalement...

  • Speaker #1

    Si on veut créer des choses, parce que tout dépend dans quelle direction on va. Parce que si on est technicien et qu'on doit apporter un savoir-faire pour une entreprise très précise et tout ça, de garder les techniques jusqu'au bout, c'est parfait. Et ce qui m'a aussi beaucoup aidé et surtout à changer d'entreprise tout le temps, parce que j'ai papillonné, j'ai travaillé aussi pour beaucoup d'entreprises différentes. Mais il faut savoir que pour chaque entreprise, ils ont... tous des techniques différentes. Ils n'ont pas évolué de la même façon, ils n'ont pas commencé pour la même origine. On disait, Vuitton et Hermès, il y a Hermès avec sa selle, il y a Vuitton avec la malle. Et les autres, c'est pareil. Chanel, ils ont démarré plutôt par des vêtements. Donc, toute leur histoire, après, on comprend tout, l'évolution. Mais donc, ils ont tous une façon de travailler et une approche qui est différente. Et donc, ce qui m'a permis aussi d'être curieux et de voir plein de choses, c'est aussi de pouvoir me coller à chaque fois aux techniques de l'entreprise qui me demandaient quelque chose.

  • Speaker #0

    c'est passionnant mais pour revenir à la question initiale qui est aujourd'hui tu veux développer plus ta partie personnelle et créative tu dis du coup que t'as envie de créer en fonction de la technique et j'ai quand même envie de revenir là dessus parce que avant qu'on enregistre on a beaucoup parlé, beaucoup blablaté et t'expliques quand même que t'as déjà si je me souviens bien fait une exposition sur Hitchcock tu m'as dit il y a deux ans donc t'as eu un thème qui t'a inspiré et là si je comprends bien, tu as sur la mythologie, sur

  • Speaker #1

    Kubrick. Et je vous lis sur les matières, sur le trompe-l'œil. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. Donc, dans les faits, il y a aussi des sujets qui t'inspirent et des sujets qui vont orienter ta créativité.

  • Speaker #1

    Oui, mais comme j'ai pu entendre aussi sur des anciens podcasts à toi, c'est que en fait, tout a toujours été là. C'est des envies que j'ai depuis toujours. J'avais des sortes de caillétances où je collais plein de choses, tout ce qui m'intéressait. Il y a peu de temps que je l'ai rouvert et en fait je me dis Ah mais c'est dingue actuellement, j'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai fait ça. Et je m'inspire encore des mêmes personnes alors que j'avais oublié ce cahier, je ne m'en souvenais même plus. Mais mon cerveau, mon inconscient, lui, il ne l'avait pas oublié. Hitchcock a toujours traîné ici. Le cinéma me passionne et c'est un cinéma aussi qui va raconter vraiment des histoires ou qui va être vraiment très… Je veux que ça ait du sens. Toutes mes pièces ont du sens. Ce n'est pas un objet… En fait, sur chaque pièce, je pense que je peux en parler pendant deux heures. Ils ont… tous quelque chose, je les fabrique pas par hasard ou juste parce que je me suis dit là je vais essayer de créer un truc à un triangle vert quoi. C'est pas ça si un triangle vert c'est que ça vienne quelque chose. Il n'y a pas de hasard dans les pièces, il n'y a aucune part de hasard et j'aime bien rentrer toujours dans la psychologie, comprendre. J'ai toujours eu ça par contre. Je suis un peu comme Francis Bacon, le peintre. Ce peintre en fait il était passionné par Picasso et on a retrouvé dans son atelier des photos qui grattaient en fait. et ils ne comprenaient pas trop et des psychologues ont dit qu'en fait, ils essaient de rentrer à l'intérieur de ces personnes en quelque sorte par cet effet de gratter sur les images. Et moi, à chaque fois que je trouve quelque chose qui est intéressant, il faut que je le démonte, il faut que je regarde, il faut que je comprenne comment ça marche. Quand j'aime un groupe, quand j'aime un artiste, je décortique, il faut tout que j'aime. Je lis les biographies, je veux tout savoir sur lui. J'ai ce côté, je suis très curieux, je veux tout savoir. J'ai vraiment cette chose. Et Hitchcock, c'était vraiment l'excuse. La journée, je pouvais aller voir les films, je pouvais noter toutes les choses. J'ai lu tout ce qu'il y avait sur Hitchcock à ce moment-là. Et d'un seul coup, je me donnais cette excuse de pouvoir m'étaler là-dessus, et de me donner plaisir au lieu d'aller travailler à l'atelier. Et j'aime ce côté psychologique des choses et qu'il y a un message pour donner un dialogue. Et puis, je pense que ça ne suffit pas un objet, il faut... Si on veut que ça reste et que ça perdure et qu'on soit intéressé à lui, même 20 ans, 30 ans après, il faut encore qu'il suscite quelque chose. Chez Kubrick, mais quand on voit les gens qui sont fans de Kubrick qui continuent, j'écoute toutes les conférences où il y a des gens, des spécialistes en cinéma qui ont vu des centaines de choses et qui regardent encore 2001 et qui disent il y a des choses que je n'ai pas encore saisies et tout ça. il a trouvé le truc, c'est qu'il a été tellement loin dans sa recherche qu'Ubric, quand il travaillait sur un thème, il allait vraiment à fond dessus. Il avait des dossiers complètement dingues pour chaque film et tout ça. Et ce qui fait que ce qu'il raconte, c'est vrai, c'est authentique. Ce n'est pas quelque chose qui ne fonctionne pas. Et donc, on a toujours des questions à se poser. Il y aura toujours une réponse derrière. Je pense que ça, pour moi, c'est quand même important. Je veux qu'il y ait un sens à travers tout le temps mes objets. J'ai quelque chose de... Je marque des messages dans tous les objets que j'ai toujours fabriqués. Par exemple, il y a toujours quelque chose dedans. Je pouvais laisser des choses, des cheveux, des parties de plumes de corbeau, des choses comme ça. Il y a toujours quelque chose parce que j'ai besoin que ça reste, ça dure. Et je ne veux pas faire des objets qui ne durent pas longtemps. Ce n'est pas parce que je fais. C'est vrai que je fais des objets pour des petites pépettes qui sont sur les tapis pour le red carpet, mais c'est des objets qui sont résistants, solides et que je veux le plus durable possible. Même si malheureusement il y en a qui les portent qu'une seule fois. Mais en tout cas j'ai gardé cette chose parce que l'avantage aussi du cuir, ce qui est magique, surtout quand on prend un cuir de qualité je parle, pas n'importe quoi, il est réparable à l'infini. et on peut le modifier aussi à l'infini et il y a toujours des modifications à faire et ce qui est bien, c'est peut-être la matière qu'on utilise depuis la nuit des temps la nuit des plus anciennes, pas que celle-là mais elle en fait partie, les hommes préhistoriques utilisaient déjà cette matière, on reparle encore du cuir, ça fait toujours partie de notre quotidien entre la veste en cuir qu'on va avoir à même de la peau, presque comme une protection aussi, comme une armure et ça a toujours été, les guerriers ont toujours eu ça aussi Il y a quelque chose qui est vraiment très proche, en fait. On a quelque chose d'organique avec cette matière. Et je pense que là, moi, j'ai peut-être eu encore plus. Bon, moi, je suis accro, je ne peux plus m'en sortir. Mais en tout cas, on a quelque chose de lié à cette matière. Et on voudra, même si dans tout ce qui est durabilité et tout ça, le cuir, c'est vraiment, on ne trouvera rien de mieux. Je vous le dis tout de suite, il y en a qui vont grincer des dents avec leur matière, leur nouvelle matière, avec des champignons et des choses comme ça. Le problème, c'est que quand on commence à vouloir faire quelque chose d'écologique, On veut créer un autre business derrière. Mais arrêtez. En fait, les animaux, il faut mieux les traiter. À l'abattoir, il faut bien que ça se passe correctement. On fait des tannages naturels et tout va bien se passer, en fait. On aura une consommation, mais moindre, parce que ça dure beaucoup plus longtemps dans le temps. C'est plus résistant, c'est réparable et tout ça. Les nouveaux produits qui arrivent, il y a du pétrochimique dessus. Je vais faire avec l'ananas, donc je fais devenir des fibres du Costa Rica en Italie. Je les fais couvrir de fibres plastiques. Je les renvoie aux États-Unis pour fabriquer des sacs. Mais arrêtez, quoi, en fait. utiliser des cures qui vont durer longtemps et il ne faut pas être dénigré il faut forcément se cuire ça c'est vraiment quelque chose qui me trahit beaucoup parce que pourtant je suis végétarien je ne mange pas de viande en fait je n'utilise que la peau moi pour le coup et j'adore les animaux j'aime les animaux mais ça a toujours fait partie d'un cycle ça a toujours été présent moi mon rôle c'est de sublimer cette matière c'est de ne pas la gâcher c'est justement rendre honneur peut-être pour cet animal qui a donné sa vie pour que moi je vive aussi derrière donc c'est assez important et moi j'en ai conscience de ça et je la respecte oui je fais tout ça en tout cas pour pour que ça soit le mieux possible, que ça se fasse le mieux possible.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûre que tout le monde ait cette réflexion, mais c'est génial aussi de te l'entendre dire et de réaliser que c'est plus qu'un matériau. C'est ce que tu racontes pour beaucoup. Il y a l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme le bois. C'est un matériau vivant. Il est quand même là. Et comme le bois, comme même le métal, tous ceux qui travaillent, je pense, leur matière, après, ils sont liés à cette matière. Et c'est comme ça qu'on la connaît. Et on peut apporter tellement de choses. Je pense que... Franchement, c'est peut-être fou de dire ça, mais je pense que tout est possible en fait. Et c'est ce que j'adore. La mode, moi, je n'étais pas forcément proche de la fashion et tout ça. C'est un endroit où ils développent. Alors, ils ont déjà un peu d'argent pour développer les produits. Et puis, ils n'hésitent pas à faire des trucs complètement fous aussi, d'aller sur des terrains complètement dingues. Et donc, plus on me demande quelque chose de dingue, plus je suis heureux. Parce que je me dis, tiens, on va aller voir si ça peut fonctionner.

  • Speaker #0

    En t'écoutant, j'ai envie de te poser cette question. Est-ce que toi, tu te considères comme un artiste ?

  • Speaker #1

    Non, ça c'est sûr.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce que tu racontes sur les carnets, sur les idées, sur... Je sais très bien à quoi tu fais référence. Tu fais référence à Pauline Loctin qui, elle, se considère comme artiste et qui dit en fait, il y a des idées qui sortent huit ans après.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la même chose. Mais je n'ai pas une journée sans idées, effectivement. Je sais, mais je ne me considère pas comme artiste parce que je me trouve trop déstructurée. Je suis trop... Je vais tout le temps dans tous les sens. Parfois, on m'a dit, mais tu devrais faire ta collection et faire un défilé, mais je ne pourrais pas. Mais réellement, je n'ai pas cette capacité, je suis trop décousu, je ne pourrais pas créer une collection homogène. Là, la preuve, c'est que je commence une collection. J'ai déjà fait deux pièces pour cette idée de collection autour de la mythologie et je suis en train déjà de parler des prochaines choses que je vais faire, alors que je ne l'ai même pas fini. Et ce qui vient perturber, parce qu'il y a des pièces qui vont sortir au milieu de celles-là. Donc, non, je ne sais pas. Et puis après, je pense que je suis plus animé par mon artisanat que par la création. Je ne pense pas avoir le bon truc à un moment de me dire... Ça, c'est j'ai utilisé les bonnes couleurs et tout ça. Je ne sais pas ces choses-là. Même la bonne coupe, je ne suis pas sûre. Moi, la coupe, je la fais, je la pose, je la regarde et je découpe comme ça. Pour moi, un artiste, c'est plus structuré. Je ne sais pas. Après, c'est la vision de chacun, je pense. Mais moi, en tout cas, je me considère plus. Je suis un artisan. Voilà, je suis un artiste.

  • Speaker #0

    Mais je comprends et on en a déjà parlé. Cette frontière très floue. Mais pour moi, la définition de l'artiste. tu peux être un artisan d'artiste oui mais je comprends mais pour moi à partir du moment quand t'es artiste c'est que justement t'as envie de raconter des choses et tu vois qu'importe le médium qu'importe si t'as 3, 4, 1, 1000 médiums tant que tu crées des choses qui ont envie de raconter quelque chose pour moi t'as cette casquette d'artiste t'as pas tort mais je suis en construction aussi

  • Speaker #1

    que ça fait peu de temps aussi que je suis libre et que j'assume déjà de dire c'est ma pièce, c'est moi qui l'ai fait et tout ça, c'était tout nouveau quoi.

  • Speaker #0

    Mais parce qu'on ne vous apprend pas à revendiquer une pièce.

  • Speaker #1

    Pas du tout, non, on doit vraiment s'effacer tout le temps et c'est pour ça que tous les artisans mettent que leur travail en avant et pas eux-mêmes. Ils n'ont même pas de conscience parfois du pouvoir. Moi je commence à me rendre compte du pouvoir qu'on a quoi. On a un pouvoir assez dingue. Et quand on sait l'utiliser, forcément, on peut faire des choses assez folles. Maintenant, je l'assume et j'espère qu'il y en a d'autres qui réagiront avant moi parce que là, je suis quand même à 47 ans et je réagis que maintenant. Donc, j'ai perdu pas mal de temps, mais j'ai quand même créé dans mon coin. Rien ne m'a jamais freiné, même si je n'aurai pas les pièces, même si je ne disais pas que j'étais un artiste, même si je n'exposais pas. J'ai toujours fabriqué et créé des choses. Mais moi, c'est vrai que j'ai toujours vu le côté artisan. J'ai suivi beaucoup d'artistes parce que j'aime beaucoup vraiment l'art. Et le premier vraiment qui aurait pu être un père, c'est Pierre Soulages, que j'ai beaucoup aimé. J'ai beaucoup aimé son travail, j'aime d'ailleurs toujours son travail. Mais il avait une approche vraiment d'un artisan. Il fabriquait ses outils. À un moment, lui, il va faire les beaux-arts. Il reste deux semaines et il s'en va en fait. Parce qu'il dit, j'ai rien à faire ici. Et d'un seul coup, on lui dit, mais tu sais, le noir, c'est pas une couleur. Et en fait, il va faire tous ses tableaux en noir. Et il va créer son propre parcours dans son coin. Il travaille au début peu de moyens. Il va travailler avec des gens qui font du goudron à l'extérieur. Il récupère un peu de goudron et il l'utilise comme ça. Et il s'aperçoit que les outils qu'il a besoin, il ne les trouvera pas dans le commerce. Donc, il les fabrique lui-même. Donc, c'est un artisan. Et après, il va créer sa matière. Et j'aime bien cette façon où à un moment, il dit qu'il patauge dans le noir et qu'à un moment, il dit je suis perdu, je ne sais plus où je suis. Et d'un seul coup, il y a cette délivrance. Quand tu y arrives, Moi, je l'ai ressenti quand on a la vision de quelque chose et qu'on arrive jusqu'au bout. Qu'est-ce que c'est magique ? Mais c'est terrible parce qu'il y a des moments, le soir, je suis un demi-dieu. Et puis le lendemain, je suis une merde. Le lendemain matin, parce que je me dis, bon, allez, bouge ton cul parce que là, ça ne marche pas. Mais c'est comme ça, ce n'est pas grave. Au moins, c'est la preuve que j'ai toujours envie d'avancer et que je ne me contente pas aussi. Mais ces petits mouvements de vagues, mais qui font aussi qu'à chaque fois, je pense qu'il y a tout le temps du changement dans le travail parce que je me remets tout le temps en question. En fait, je repars à zéro à chaque produit. Mais réellement, sincèrement. Et je pars, mais avec beaucoup de risques. Il y a des fois, le défilé, il est dans deux semaines. Et je suis en train de faire un truc que je n'ai jamais fait. Et ça passe. Et quand ça passe, c'est magique. Et c'est chouette. Et voilà, c'est cette libération qu'on parlait du début qui permet maintenant d'être... Et puis, plus on en fait, plus ça fonctionne et plus on a envie de faire parce qu'on a plus confiance en soi. Mais j'ai mis beaucoup de temps à avoir confiance en moi parce qu'en entreprise, ce n'est pas ce qu'on nous fait. fait ressentir. À l'école non plus, notre formation, mais de toute façon, tous les artisans nous forment aussi dans un côté aussi humble. On nous dit tout le temps, mais qu'est-ce que t'es humble, qu'est-ce que t'es pas prétentieux, tout ça, mais il y a pas beaucoup d'artisans qui sont prétentieux, en fait, je sais même pas si ça existe. On est là, on fait ce qu'on a à faire, mais moi je les vois à chaque fois, on me montre une pièce, puis on me dit, tiens, regarde cette pièce, mais t'as vu, là, j'ai merdé ici. Mais on me montre pas ça, en fait. Et pourtant, les arts, c'est toujours ce qu'ils font dès le début. C'est assez fou. toujours un peu se dévaloriser.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense que tu as raison. C'est qu'en fait, l'éducation a fait qu'on ne vous a pas appris à être fiers.

  • Speaker #1

    Oui, on a été éduqués comme ça, tout simplement. Et quand je dis qu'on s'excuse d'être là, ça a toujours été un peu ça. Donc après, quand on a quelque chose, moi, j'ai toujours eu quelque chose. Effectivement, j'étais toujours très proche de l'art. Vraiment. Pourtant, mes parents n'y étaient pas du tout. Mais j'ai acheté énormément de livres. J'ai lu beaucoup, beaucoup de choses sur ça, très, très tôt. Et toujours, c'est toujours là. Et je pense que... tout ça s'était renfermé en moi, en fait. Et j'avais besoin. Et à un moment, quand j'ai arrêté, quand j'ai explosé, que j'ai arrêté avec toutes les maisons de luxe, et que même j'ai fait cette expo Hitchcock, quand je disais que je me suis donné le droit, c'est que à un moment, il fallait que ça sorte, en fait. C'était plus possible. Et ça a été des moments clés qui ont été importants aussi pour ma vie. En étant personnel, c'est que tout est lié, en fait. Et avec ma famille, avec... Je viens d'une famille où on est six enfants. Il a fallu qu'on se fasse un peu chacun de notre côté. C'était un peu chacun pour soi aussi. C'était un peu difficile. Et je ne les vois pas forcément beaucoup, on n'est pas forcément liés. Et avec ma mère, il y avait des trucs qui n'allaient pas. Je lui reprochais aussi des choses, comme souvent beaucoup d'enfants reprochent à sa mère. Et en faisant, c'est dingue, cette expo Hitchcock à l'arrivée. Et Hitchcock, il faut savoir que dans tous ses films, il faut voir que la femme est toujours mise en avant. C'est la femme qui est forte, c'est elle qui a du pouvoir dedans. L'homme, il est souvent très minable quand on regarde bien. Il y a la mère qui a un pouvoir assez fort et très dominant d'ailleurs. Et en travaillant beaucoup sur Psychose d'ailleurs, j'ai fait la paix avec ma mère en fait. Avec cette Norma et ce Norman, et réellement, et j'ai été content de faire ça parce qu'elle est partie peu de temps après, pas tant d'années que ça après, et ça m'a permis en tout cas de lui pardonner des conneries qu'on garde dans la tête et que les parents font comme ils peuvent, les pauvres. Maintenant je le sais, je suis parent moi aussi, ma fille elle va me reprocher des choses, c'est normal, c'est peut-être son rôle à elle, mais bon, on a tous ce cheminement-là, mais les parents ils font comme ils peuvent en fait, on fait ce qu'on peut. Et donc cette expo, elle a été très très importante. À mon niveau personnel, oui. Vraiment, vraiment, oui. Et ça m'a ouvert. Justement, en travaillant sur la psychologie de Norma et de Norman et de Hitchcock, comment ils l'avaient amené, j'ai compris beaucoup de choses, en fait. Ça m'a vraiment éclairé.

  • Speaker #0

    Je comprends ces moments un peu d'épiphanie. Et je pense qu'il y a quelque chose aussi, sans doute, qui différencie l'artisanat de l'artistique. C'est que dans le processus artistique, l'objectif... C'est l'exposition, d'être dans une galerie, d'exposer. Et en l'occurrence, quand tu parles d'un vernissage, c'est un cocktail. Donc c'est une célébration. Tu vas célébrer, tu vas vernir. une exposition, tu vas la célébrer. Et je pense que la différence avec les artisans et l'humilité de l'artisan, c'est qu'à aucun moment, l'artisan y célèbre. Oui,

  • Speaker #1

    peut-être.

  • Speaker #0

    Et en fait, moi, c'est quelque chose qu'on m'a appris parce que j'ai, à une époque de ma vie, voulu entreprendre et créer mon entreprise. Et tu sais, on te dit, quand tu crées ton entreprise, tu as une montagne à gravir, une énorme montagne. et si tu regardes le haut de la montagne tu vas avoir le vertige, tu vas te dire mais j'y arriverai jamais alors que si tu regardes la marche d'après tu vas dire ok, prochaine étape, ça c'est faisable, t'es une marche, c'est faisable. Et on te dit pour faire passer le temps et attendre d'atteindre ce sommet qui en vrai tu l'atteins jamais parce que quand t'atteins le sommet tu veux un autre sommet. Mais en gros on te dit pour arriver à l'atteindre, il faut que chaque marche tu les célèbres. Et tu vois, par exemple, c'est une discussion qu'on a eue avec mon père. Je lui dis, mais attends, c'est génial ce que tu as fait. C'est génial ce que tu as entrepris. J'espère que tu l'as célébré. Il me dit, mais non, Lisa, parce que ça n'a pas été signé. Parce qu'il y a toujours une bonne raison pour ne pas célébrer. Tu vois, par exemple, tu finis une pièce que tu veux présenter pour un vernissage. Ça se trouve, ce vernissage, il est dans cinq ans. Mais tu as fini ta pièce pour ce vernissage dans cinq ans. Eh bien, célèbre le fait d'avoir fini cette pièce. Et je pense que ça aide vachement. à prendre du recul petit à petit. Et moi, je m'en suis rendue compte. Il y a trois ans, tu me demandais de dire ce que j'entreprends, c'est fort et c'est impactant. Je t'aurais dit, non, je ne peux pas le dire. Et aujourd'hui, je suis capable de te le dire. Oui, en fait, ce que je fais avec l'association, c'est important, tu vois.

  • Speaker #1

    Oui, je comprends. Je l'ai vécu en plus. Parce que j'allais tellement vite aussi dans tout ce que je faisais qu'en fait, je passais à un autre projet et des fois, on me reparlait d'autres. Je dis, mais ça, c'est fini. Ça n'existe plus. Je ne me rendais même pas compte de ce que je faisais dans l'année. Je ne savais même plus. Je ne pourrais même pas, même actuellement, je pense que je ne pourrais même pas donner de date par rapport au produit que j'ai fait. Ça va tellement vite, effectivement, parce qu'il n'y a pas de célébration de fin ou quelque chose comme ça. Mais tu vois, il y a un truc qui me revient, c'est marrant. Enfin, pas qui me revient, mais qui me fait réfléchir quand tu parles de ça, c'est que je pense qu'aussi, ce terme artiste, peut-être ce qui me fait peur, c'est en passant, j'ai conscience de ça quand même, mais peut-être qu'en disant que je suis artiste, j'ai peut-être peur de ne plus être un artisan. Et moi, c'est ce qui m'importe le plus. J'ai trop vu de gens en entreprise qui, à un moment, ont dit Tiens, tu vas avoir une augmentation parce que tu vas passer, c'est toi qui va diriger l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu vas devenir manager.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, il ne va plus jamais toucher la matière. Pour moi, je crois que ce serait la pire des punitions. C'est peut-être même pour ça que je n'ai jamais pris personne. Parce que je ne veux pas former, parce que je ne veux pas ne plus pouvoir toucher cette matière. Et il y a peut-être de ça. Et peut-être que je ne veux pas ce terme, effectivement, parce que j'ai peur de ne plus être un artisan. Et en même temps, tout ce que je crée, c'est l'artisan qui le crée. Donc, je préfère rester de ce côté-là. Et ce n'est pas grave, on s'en fiche du terme. Ah oui, mais les étiquettes, on s'en fiche. Après, les gens, ils pensent ce qu'ils ont envie de moi. Tu vois ce que je veux dire ? De toute façon, j'ai un côté un peu insaisissable et que je comprends. Il y avait une personne qui connaissait un peu la graphologie. Quand il a vu mon écriture, il m'a dit, tu es vraiment décousu et tout ça. Et tu dois être assez instable. Et effectivement, je me disais, mais qu'est-ce qu'il raconte ? Il m'a dit ça très jeune et en fait effectivement je suis très instable dans tout ce que je fais. Je termine tout ce que je fais, je suis très sérieux dans tout ce que je fais. Mais par contre effectivement demain je pourrais parler des moteurs de voiture. Ça c'est tout à fait possible. Ça me prend comme ça en fait, presque du jour au lendemain. Mais c'est ce qui fait aussi ma particularité et mon côté un peu... Je peux apporter quelque chose d'unique aussi. Et c'est là aussi avec Olivier Roustin quand il m'a donné la possibilité de lui proposer des choses. Et qu'il était à l'écoute, simplement, il était à l'écoute pour moi. Alors, il a choisi des choses, mais même s'il ne les avait pas choisis, déjà, rien que d'être à l'écoute, je me suis dit, j'ai le droit, en fait, de leur montrer, parce que j'avais déjà préparé plein de choses, mais je n'osais pas, en fait. Et là, quand il m'a ouvert, c'était la porte ouverte, et donc là, je n'hésitais plus. Donc après, quand j'étais dans les autres boîtes, tout de suite, j'arrivais et je disais, tiens, vous voulez faire un truc comme ça, je peux vous proposer telle ou telle technique, tout de suite. Et c'est pour ça que maintenant, on ressent tout de suite la technique qui vient dans tous les objets. que je fabrique pour toutes les entreprises parce que je pense que j'amène de moi tout de suite. Et ça, je n'aurais pas eu les épaules de le faire avant. Maintenant, je peux le faire plus facilement. Et plus ça fonctionne et plus on a de force. C'est comme on monte une entreprise, on a très peur. On en remonte une deuxième, on a un peu moins peur et ainsi de suite. Et c'est exactement la même chose. On évolue petit à petit et on prend confiance qu'en essayant, en ratant et puis en avançant surtout. Ça, c'est bien beau.

  • Speaker #0

    Pour quand même cultiver toujours sa différence. Ça, par contre, je l'ai compris très tôt. C'est que je comprenais que je ne voulais pas la même chose que les autres. Mais je ne suis pas un méchant. Je ne dis pas non pour être méchant, en fait. C'est parce que je ne le sens pas. Et si je te dis oui et que pendant tout le long du projet, on ne fait que s'engueuler ou ça ne fonctionne pas, ce n'est pas la peine, en fait. Donc, je préfère dire non tout de suite. C'est un peu dur, mais au moins, comme ça, c'est plié. Mais après... Dans mon fonctionnement, même d'avoir cette bougeotte, de ne pas pouvoir me figer dans quelque chose, ce qui fait que ça m'a donné une force de connaître plein de techniques, en fait, et de pouvoir apporter des choses tout le temps nouvelles dans tout ça. C'est comme, tu vois, nous on avait une famille où on n'avait pas d'argent, j'aurais pu dire après, oui, mais moi je viens d'une famille pauvre, tu sais, tout ça. Mais pas du tout, je trouve ça génial, parce que ça m'a développé un sens de la récup et de malin, en fait, que j'aurais peut-être jamais eu si j'avais eu les moyens. Donc quand on commence à me dire, j'en ai eu certains qui me disaient, oui, mais moi, tu comprends, je commence à fabriquer, mais j'ai pas ci, j'ai pas ça et tout. Si t'as pas ça, prends autre chose. Mais c'est pas à moi que tu peux dire, moi, ils peuvent pas me faire culpabiliser parce que j'ai commencé avec vraiment rien. Et je continue un peu sur cette lignée de simplicité. Et c'est comme ça qu'on peut faire aussi des développements pas trop élevés aussi. Mais oui, voilà, on peut amener sa différence parce que si elle fait. mal à personne ou tout ça, j'en ai vu, il y a vraiment des cons qui vont dire non tout le temps parce qu'ils sont prétentieux, parce que je ne sais pas quoi. Mais ceux-là, ils n'avancent pas de toute façon. Mais là, ça avance, ça fonctionne et on s'aperçoit par contre, quand j'arrive à travailler avec quelqu'un, je ne travaille pas avec tout le monde, mais quand je travaille avec quelqu'un, on fait un peu d'étincelle quand même, on fait quelque chose qui existe. Donc c'est chouette, ça marche. Donc non, non, c'est top, il faut rester qui on est, tout simplement, je pense. Il faut accepter ma personnalité, c'est comme ça. Moi, j'arrive aux réunions, je suis habillé comme je suis habillé aujourd'hui. Je ne vais pas me travestir ou me changer. Je suis comme ça, il faut m'accepter comme ça, c'est tout.

  • Speaker #1

    Ce qui me donne justement envie de te poser la question. Tout à l'heure, tu disais, moi, mes pièces, ce n'est que du cuir. Et je n'imagine pas rajouter d'autres matériaux. Tu n'as pas du tout envie d'intégrer un autre artisan et de réfléchir. Après, tu ne l'as peut-être pas rencontré. C'est la discussion qu'on avait justement avec Pauline Loctin. finalement les collaborations c'est aussi des rencontres mais tu n'as jamais rencontré quelqu'un où tu t'es dit lui il a tel métier on a commencé à discuter, on a la même vision on a envie de raconter la même chose, pourquoi on n'essayerait pas de faire une pièce ?

  • Speaker #0

    Déjà je pense que ça ne s'est jamais présenté ce qu'il y a c'est que je pense qu'il y a beaucoup d'artisans comme on travaille tous dans nos ateliers respectifs on ne se rencontre jamais. Quand j'ai commencé à freiner mon travail et en prendre beaucoup moins j'avais plus de temps libre les premières choses que j'ai fait c'est aller voir les artisans avec qui en fait on travaillait liés Par exemple, la personne qui faisait les gants avec le look que je faisais pour Balmain, j'ai été la voir parce qu'on ne s'était jamais vu. On se connaissait de nom, on ne s'était jamais rencontré. Et donc, j'ai été voir un peu tout le monde pour les rencontrer, tout simplement. Mais autrement, ça ne se fait peut-être pas forcément facilement. Il faut faire la rencontre. C'est comme un apprenti, l'apprenti qu'on voudrait tout donner. Je pense que c'est une rencontre qui se fait unique. Il y a un moment où on va dire, je vais tout lui donner à lui parce que je le sens. Mais aussi, dans mon parcours, ce qu'il y a, c'est que pendant longtemps, j'ai toujours créé des choses. Et à chaque fois que j'ai rencontré des gens qui travaillaient d'autres matériaux et je leur ai demandé de m'aider en fait dans tout ça, ils n'ont jamais voulu. Donc comme ils ne voulaient pas, je me débrouillais tout seul. Donc c'est pour ça qu'à la fin, un ferroir en métal, je ne pourrais pas avoir, il sera en cuir. Et ça, on ne peut pas le faire aussi en bois, on va le faire en cuir. Et donc c'est pour ça que je dis peut-être que tout est faisable en cuir. C'est aussi tous ces refus qui ont fait que je l'ai fait moi-même. Et donc après, je suis autosuffisant, je n'ai besoin de personne en fait. Moi je me... fabriquer tout un truc sans avoir personne. En plus comme moi je travaille aussi un peu le bois, c'est peut-être le seul médium que j'amène associé à mon travail et c'est moi qui fais les structures. Mais ce qui me permet aussi d'avoir d'un bout à l'autre, ce qu'il y a c'est que dans mon travail actuel, avec la mode, il faudrait que ça aille très très vite. Donc le corps qui a été sculpté, je préfère le sculpter moi parce que je sais exactement ce qu'il va me falloir pour pouvoir avancer le plus vite possible sur la suite. Et si j'ai besoin de le modifier, je n'ai pas besoin de le renvoyer et qu'on va me dire mais attends, il faut une semaine pour le modifier. Moi, je peux le modifier. Tu es flexible. Je suis très flexible et très souple là-dedans. Et c'est ce qui convient aussi à la mode. C'est ce qui leur va. Moi, ils m'amènent une problématique. Après, quand une boîte me demande du travail, derrière, ils n'ont plus de problème. Les problèmes, c'est moi qui les absorbe. Ils auront une pièce finie à la fin. Et en plus, moi, je suis quelqu'un d'anxieux et tout. Donc souvent, je le vis plutôt mal. Mais voilà, normalement, c'est ma responsabilité. Donc je prends tout à ma charge.

  • Speaker #1

    On en revient à notre petite anecdote. Il paraît que tu as une très belle anecdote à nous raconter, Robert, donc j'en suis ravie. Est-ce que tu peux nous raconter une anecdote en relation avec, du coup, plus tes créations ?

  • Speaker #0

    Avec la création, effectivement. Il y a eu un moment, il y a peut-être maintenant, ça fait trois ans peut-être, trois, quatre ans. Il y a une personne que je connaissais qui m'a demandé, en fait, la réparation d'un sac. Pour le coup, c'était un sac Hermès qui était assez ancien et qui devait être restauré. Et je lui ai dit, mais moi, tu sais, je ne vais pas faire les réparations. de tout le monde, je veux bien faire les réparations de mes amis mais pas forcément de tout le monde, et il m'a dit si si tu vois c'est une personne qui est quand même très intéressante et qui me tient à coeur et qui est vraiment gentille donc j'aimerais bien que si tu pouvais lui réparer ça serait sympa, donc je lui ai dit bon écoute ok ça marche, ben on va prendre rendez-vous et puis on va se voir et donc on prend rendez-vous, donc avec Marie Chantal Dois de Mar, alors que je ne savais pas encore, je vais pas brûler les étapes mais donc elle m'invite à boire un café au Palais Royal, donc on boit ce café on discute, elle me montre le sac que Après, je suis toujours touché de restaurer quand même des vieux sacs comme ça, surtout de bonne qualité, parce que c'est toujours quand même intéressant de faire perdurer aussi ce travail et puis que le sac ne soit plus utilisable juste parce que la poignée est cassée en deux ou des choses comme ça. Donc, j'accepte ça. Et donc, dans la conversation, elle me demande ce que je fais. Donc, je lui explique un petit peu pour qui je travaille, ce que je fais. Et surtout, elle me pose cette question, c'est mais qu'est-ce que tu aimerais bien faire ? Ça, c'est la question qu'on ne m'a jamais posée. Et je ne sais pas pourquoi. Pourquoi ? Alors là, pour le coup, je n'étais vraiment pas préparé. Je lui ai dit, écoute, moi, ce que j'aimerais bien faire un jour, c'est de réaccessoiriser les films d'Alfred Hitchcock et donc de recréer des vêtements, des sacs et des objets plus modernes, mais comme si je les fabriquais pour le film, en quelque sorte. Et donc, elle me regarde et me fait, si tu le fais, moi, je t'expose. Et je n'avais pas compris. Et en fait, c'était la directrice de la galerie Joyce, qui était de l'autre côté du Palais Royal. Et donc, j'ai fait cette collection et puis elle est exposée à la Joyce Gallery, au Palais Royal, grâce à ça. Incroyable. Autour d'un café et d'une réparation de sac.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce qu'en off, on parlait de savoir dire non, c'est prendre soin de soi. Mais savoir dire oui, c'est aussi ouvrir des opportunités.

  • Speaker #0

    Ou savoir jauger.

  • Speaker #1

    Mais mon Dieu, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Là, ça devient compliqué. Il ne faut pas toujours dire non, il ne faut pas toujours dire oui.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais ouais, c'est incroyable. Mais je pense qu'il doit t'en arriver plein, des histoires comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, bah les délices.

  • Speaker #1

    T'as dit oui, et puis en fait, c'était Antel qui t'a permis...

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, ça. Faut quand même avoir de l'audace aussi, un petit peu, dans ce qu'on fait. Parce que déjà, bon, je pense qu'il y a beaucoup d'artisans qui l'ont fait aussi. C'est de fonctionner au coup de bluff. Moi, le premier corps moulé que j'ai fait, je ne l'avais jamais fait. On m'a dit, vous avez déjà fait ? Je fais, oui, oui, oui, j'avais jamais fait.

  • Speaker #1

    Comme Rihanna, elle dit. Fake it until you make it.

  • Speaker #0

    On a tous un moment de bascule où on se dit, là je sens que je suis capable d'aller plus loin et on y va. Il y a ça et puis il y a des opportunités qui se font. Quand les étoiles doivent s'aligner, elles se font. Moi je me dis que de toute façon, quand quelque chose doit se faire, ça se fait. Même si on a loupé une occasion, si on doit faire un projet avec une personne qui est importante et que ça nous tient à cœur et que d'un seul coup ça ne passe pas parce que pour X raisons, il ne faut pas se dire ça y est c'est mort, c'est foutu ou je ne sais quoi parce que... s'il doit se faire quelque chose, il y a un autre projet qui va ressortir et moi j'ai souvent vu et ça s'est souvent présenté et puis il y a des choses qu'il faut tester, même moi actuellement il y a des artistes que j'aime bien j'aimerais bien travailler pour eux j'envoie des messages sur Instagram, salut machin truc voilà oui j'ai très peu de gens qui me répondent mais de temps en temps ça marche et Casey c'est comme ça que ça s'est passé avec Mugler Casey ça s'est joué en une journée c'est tout je voulais plus vraiment travailler et bon Malheureusement, j'ai eu un petit moment de détente. Il s'était abonné à ma page Instagram, je l'ai vu. Je savais que c'était le directeur artistique de Mugler parce qu'il regardait un petit peu tout ce qui se faisait. Et je lui ai envoyé un message tout de suite en disant Quand est-ce qu'on travaille ensemble ? Et je n'ai pas mis bonjour je n'ai pas mis au revoir Je n'avais même pas qu'il était américain, donc il ne parlait pas français. Enfin, jusqu'à maintenant, je ne pensais pas qu'il parlait français. Et il me répond maintenant Et donc, l'après-midi, j'étais dans ses bureaux et il me proposait le projet Beyoncé. Incroyable. Voilà.

  • Speaker #1

    Et parce que tu parles d'artistes, mais du coup, tu sembles parler plus d'artistes de mode. Est-ce qu'il y a des artistes dans d'autres sphères, d'autres domaines qui t'attiraient ?

  • Speaker #0

    Moi, de travailler avec des artistes, tu veux dire ? Oui. Ça ne s'est jamais proposé.

  • Speaker #1

    Mais quand tu dis, je vois des artistes et il y en a avec qui j'aimerais beaucoup travailler, que d'ailleurs j'ai contacté, c'est souvent dans le milieu des artistes.

  • Speaker #0

    C'est plutôt des personnes qui jouent de réhabillés ou c'est plutôt comme ça, tu veux dire. Ok,

  • Speaker #1

    je vois.

  • Speaker #0

    Des profits que j'aime bien ou des gens que voilà, peut-être aussi pour l'excuse de... pouvoir les rencontrer peut-être aussi. Mais ça se construit petit à petit, ça se fait petit à petit aussi. Et maintenant, c'est assez drôle quand il y a des personnes que j'ai invitées pour mon expo, mais juste avec les messages Instagram, donc qu'ils n'ont jamais eu le message au bout parce qu'ils n'ont jamais été jusqu'au bout sûrement. Et que maintenant ils viennent s'abonner à ma page et qu'ils me disent On adore votre travail, c'est génial et tout. Je trouve ça marrant parce qu'il y a encore mon message qui est affiché, celui que j'ai envoyé, qu'ils n'ont jamais eu. Je les avais invités deux ans avant et puis ils ne sont pas venus parce qu'ils n'ont peut-être même pas eu le message. Ils se vinissent peut-être pas tout et ça se fait quand même petit à petit oui, et ça se ramifie en fait, c'est des choses qui se ramifient, par contre c'est vrai qu'il faut avoir de l'audace ça c'est ce que je pourrais dire aux plus jeunes aussi, c'est que il faut avoir de l'audace mais il faut aussi avoir quelque chose à donner, parce que je vois trop de gens qui c'est juste parce qu'ils ont un look complètement dingue, ils ont l'impression qu'on les attend et tout ça, mais personne t'attend il faut surtout n'attendre rien de personne. On n'a pas besoin de nous. Personne n'a besoin de personne. Ce n'est pas parce que tu as un super look à l'école que les directeurs artistiques vont dire Wow, tu as un trop beau look, tu vas devenir le directeur artistique de Mugler Non, ça ne fonctionne pas comme ça. Il faut avoir quelque chose à donner. Et si j'ai aussi réussi un petit peu à faire un peu mon trou là-dedans, c'est parce que j'ai quelque chose à leur donner aussi, donc à leur apporter. C'est pour ça qu'ils viennent le chercher aussi. Ce n'est pas juste... Il y a beaucoup de gens qui pensent que j'ai un réseau parce que je connaissais un truc. tel et tout ça. Je ne connaissais personne. Je viens d'Uberi, je viens de ma campagne, avec des parents qui n'avaient pas de réseau. Je suis arrivé comme ça, je ne connaissais vraiment personne. Ça s'est fait petit à petit. Une personne qu'on rencontre qui connaît un tel et ainsi de suite, et ainsi de suite.

  • Speaker #1

    Et que tu as bien travaillé et que du coup... Et voilà,

  • Speaker #0

    ils ont besoin de quelque chose. À des fois, on ne travaille même pas en direct, mais on va rendre un petit service et ce qui fait qu'ils voient qu'ils peuvent avoir confiance en nous. Parce que c'est la confiance, c'est un truc vraiment premier. Ça, c'est ce qui doit se construire et surtout le pilier, enfin tout ce qui va... tout structuré parce que si on ne peut pas avoir confiance dans les personnes, on ne peut rien faire parce que ça, c'est le plus compliqué. Pour être sûr que le projet aille jusqu'au bout aussi. Parce que là, d'un seul coup, un créateur, quand il fait un dessin et qu'il nous le donne, c'est d'un seul coup, tout est sur nous. Si on a décidé d'arrêter, c'est terminé. Le projet, il est fini.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est qu'il t'intègre dans une stratégie de collection. Tout ça, c'est réfléchi. Donc, si tu le fais faux bon, en fait...

  • Speaker #0

    C'est un moment où la pièce... Plus la pièce est importante, si d'un seul coup, on fait la pièce qui va ouvrir le défilé ou le fermer... Et que d'un seul coup presque, je ne veux pas dire que tout le thème est autour, mais c'est assez important. On peut parler des coups en porcelaine par exemple. C'est que d'un seul coup c'était pour faire des personnages qui ressemblent à des poupées. S'il n'y a plus ces coups en porcelaine, c'est fini. Donc si on le lâche au dernier moment, c'est terminé d'un seul coup. Il va falloir trouver une autre solution et ça, ce n'est pas agréable pour eux, ça c'est sûr. Donc il faut vraiment avoir une confiance jusqu'au bout et qu'ils soient sûrs que tout soit livré en temps et en heure. qu'on soit toujours là pour essayer d'assurer et tout ça. Moi, c'est ce que je fais. Je fais un suivi vraiment jusqu'au bout pour Beyoncé. J'ai été jusqu'à Stockholm pour aller faire les retouches. Ils m'ont séquestré dans le stade de France. Donc, non, c'est... Alors que je n'étais pas payé pour ça. Mais ça fait partie du package, en fait. Et c'est ça qui prouve que je suis fiable, en fait. C'est juste que je suis fiable. Oui, je peux avoir un caractère de cochon, mais je suis fiable. Si j'ai dit oui, je vais jusqu'au bout.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en effet, c'est très important. Je pense qu'il y a aussi un aspect, c'est qu'il ne faut pas être déçu. Par exemple, si tu proposes un petit projet pas très cher et un gros projet beaucoup plus cher, il ne faut pas être déçu qu'ils prennent d'abord le petit projet. Moi, dans ma tête, c'est, commençons petit. Je te montre que ce qu'on fait, c'est incroyable. Ou que ce que je fais, c'est incroyable. Et ensuite, tu verras que tu peux me confier du gros.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il faut savoir les attraper aussi. Les attraper aussi avec ça. Et puis oui, prouver que ça tient debout. Est-ce que tu peux nous raconter un projet de recherche sur lequel tu as fait beaucoup d'innovation ?

  • Speaker #1

    Alors là où il y a eu le plus de travail au niveau de cette innovation, ce qui découle de la robe de Zendaya, en fait, qui a été faite avec des drapés en cuir, c'était quelque chose que, dans l'histoire, ce que j'avais développé de mon côté, un petit peu. Alors à la base, l'inspiration, elle vient de la Libergui dans le peuple de Delacroix. Au début, je prends une matière et en fait, je ne m'impose rien. Je ne me dis pas, il faut que j'aille jusqu'à derrière, il faut que ça soit faisable et tout ça. Et je me lance comme ça, mais vraiment brut. En fait, ce n'est pas grave si ça ne va pas jusqu'au bout, mais comme ça, je peux m'apercevoir des limites où il va falloir que faire des efforts ou essayer de rechercher un petit peu plus et tout ça. Donc, j'avais travaillé là-dessus. Et puis, sur la victoire de Samothrace aussi, au Louvre, qui était une proue de bateau. Et donc, c'est des drapés qui ont un effet mouillé, en fait. Voilà. Donc, ce qui fait naître cette façon, cette technique. Et donc, voilà, j'avais travaillé ces quelques drapés que j'avais présentés justement à Olivier Rousteing. Et ça lui a plu, mais on n'a pas travaillé tout de suite dessus. Il a fallu que ça travaille un petit peu. Et puis... peut-être qu'ils puissent le caser sur un défilé, peut-être parce qu'il y a des thèmes aussi quand même. Et il y a un moment où on m'a dit, ça y est, on est prêt, on va travailler sur les drapés. Donc à partir de là, il a fallu développer. Moi, au début, je l'avais fait assez simplement, très brut. Le tout premier jet, il est toujours très brut. Et là, j'avais pris une basane, je l'avais mouillée, j'avais fait des drapés. Ils n'étaient pas forcément très cohérents et tout ça, mais on sentait qu'il y avait déjà quelque chose et que ça pouvait fonctionner. Et après, comme on voulait quelque chose de plus délicat, il fallait travailler avec de l'agneau pour que... les plis fassent plus comme du tissu et moins quelque chose de très gros comme une sculpture de marbre donc il a fallu que j'utilise plusieurs colles il a fallu tester plusieurs colles celles qui allaient bien convenir pour faire ça aussi et puis pouvoir travailler presque de décoller et recoller tout le temps parce que j'ai un mouvement il faut que je crée pli par pli que ça soit cohérent en plus j'ai le nez toujours dessus donc il faut que je prenne tout le temps du recul et c'est surtout le défi qu'il y a à travers ça c'est qu'on travaille avec des peaux d'agneau qui sont assez petites Et quand on crée un drapé, en fait, on prend un grand drap, on le prend d'un côté et le drapé, il se forme naturellement. Moi, il fallait que j'ai cet effet-là, mais avec des toutes petites peaux. Donc, il fallait les raccorder les unes aux autres, sans que ça se voit, bien sûr, parce qu'autrement, on casse la magie. Donc, il a fallu essayer de masquer tout ça et essayer toujours d'être cohérent. Ça, ce travail-là, je le dis vraiment, j'ai beaucoup travaillé avec Balmain, avec le styliste qui bosse là-bas. On a vraiment échangé parce que lui, moi, j'ai jamais fait d'école dans le textile ou même pris des cours là-dedans. Donc c'est un peu des choses que je ne connais pas bien. Le drapé non plus, je ne le connais pas plus que les statues grecques qu'on peut voir. Et il était là très important parce que c'est surtout, j'avais besoin de son regard pour voir si c'était cohérent. Et parfois, il me disait, j'avais complètement fini la face, et il me disait, mais là, tu vois, au milieu, c'est pas possible, en fait. C'est pas plausible. Donc je démontais tout le centre, en fait, simplement le centre, et après, je le reconstruisais à l'intérieur. Ça a été des heures et des heures et des heures de travail. C'est un truc, je pense que c'est le truc le plus fou. Et je l'ai dit plusieurs fois à des gens qui me connaissaient, que ça m'obsédait tellement que quand j'allais me coucher le soir, j'allais me coucher tard, en dormant, je drapais mes draps. En fait, je les prenais avec mes doigts et je les étirais. Je me rendais compte que quand je me réveillais, j'étais en train d'étirer les draps. En fait, c'était vraiment, ça m'obsédait à un point complètement dingue. Et petit à petit, voilà, j'ai réussi à trouver exactement comment il fallait faire et tout ça. Mais j'ai eu... une aide extérieure, j'avais besoin de ses yeux pour comprendre comment ça pouvait fonctionner. On a réussi à développer quelque chose qui a fonctionné et qui a bien marché. Et oui, j'étais vraiment content de ce développement. Oui, c'était quelque chose d'assez magique.

  • Speaker #0

    Finalement, ce que tu ressors, c'est la complémentarité des parcours qui vous a permis d'atteindre le drapé le plus plausible possible.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'actuellement, ça s'est un peu, je ne vais pas dire démocratisé, mais les corps moulés, même les drapés, si on va voir sur Instagram, on peut en trouver assez facilement. C'est vrai que ça a fait un peu ses... c'est pas moi qui l'ai inventé, peut-être que j'ai aidé à le relancer, mais Issey Miyake l'utilisait beaucoup, Alexander McQueen l'utilisait beaucoup, moi je me suis beaucoup inspiré d'Alexander McQueen, il avait des artisans qui le faisaient très bien, donc c'est pas moi qui l'ai créé non plus, mais ça a relancé un peu la machine, il a envie en fait des gens de le faire, donc il le teste mais on peut vite voir que il n'y a pas vraiment de vie en fait dans ces plis il faut vraiment amener une vraie intention de poids en même temps, un tissu c'est léger et en même temps c'est lourd... Et en même temps, il doit être humide dans l'idée. Et donc, il faut penser à toutes ces choses. Et allez voir, ça a été beaucoup de montage et de démontage pour obtenir ça. Et maintenant, je pense que je le maîtrise déjà beaucoup plus. La robe de Zendaya était vraiment sur le bout. Parce que quand on a travaillé ces drapés, il y a eu trois looks qui étaient faits pour un défilé. Là, j'ai vraiment galéré. Ça a été très dur. Ça a été un passage très douloureux pour moi parce que je travaille vraiment beaucoup. Et ça ne fonctionnait pas toujours. Il y a des fois, c'est vrai que quand le stylus me disait... Non, là, tu vois, sur l'épaule, ça ne va pas. Franchement, j'ai envie de lui dire, mais... Tu fais plus. Bon, je ne sais plus. Mais bon, le soir, je pensais ça. Le lendemain matin, je revenais, je démontais tout. Et puis, j'étais reparti. Il fallait que ça fonctionne parce que moi aussi, j'ai envie de ça. C'est quand on est à bout. Mais moi, ça m'est arrivé plein de fois de pleurer dans l'atelier. Je le dis tout de suite. Ça me prend trop à cœur quand on nous dit... Il y a cette phrase magique qui dit Oui, mais on ne sauve pas des vies. Mais va te faire foutre. On ne sauve pas des vies. Mais ce que je suis en train de faire, c'est important pour moi. Et je veux que ça soit parfait. Et je veux être dans une condition comme si j'étais en train de sauver une vie. On ne peut pas faire des comparatifs comme ça. C'est trop facile, en fait. C'est un peu bizarre. Après, on peut comprendre que les crises qui sont dans la mode, où on dit non, mais attends, on va passer les délits, ça, je comprends. Mais après, quand on se défonce jusqu'à, peut-être presque jusqu'à notre santé pour faire quelque chose, mais on se donne à notre cause, c'est comme ça, en fait.

  • Speaker #0

    Et je pense qu'on a tendance à dire ça aux gens qui ne trouvent pas de sens. dans leur métier. Enfin, tu vois, moi, autour de moi, en l'occurrence, il y en a très peu qui sont dans l'artisanat. Enfin, je parle de mes proches proches, pas de ceux que j'ai rencontrés grâce à Histoire d'artisan, mais il y en a beaucoup qui font des métiers et vraiment, ça ne les intéresse pas vraiment et ils se tuent à la tâche, ils finissent à 22h, ils commencent à 8h et tu as envie de dire bah...

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, la phrase, elle était plus...

  • Speaker #0

    Ouais, enfin, je pense qu'en effet, la phrase... Moi,

  • Speaker #1

    je l'ai déjà entendue cette phrase et on me l'a déjà sortie et c'est vrai que je me suis déjà c'est pas normal mais c'est vrai que je vais parfois jusqu'à bout techniquement et physiquement en fait sur des choses, quand on finit par pleurer dans l'atelier je pense que c'est que tout seul le soir je pense que c'est que on a été peut-être un petit peu trop loin même physiquement, des douleurs ou des blessures, mais on a tous fait ça parce qu'on se donne à notre cause on se donne à 200% c'est pour ça que cette phrase je trouve que moi j'aime pas l'entendre parce qu'effectivement, moi, je me défonce comme si c'était... Je ne me défonce pas parce qu'il y a Beyoncé au bout. Non, c'est parce que c'est mon artisanat que je veux qu'il soit précis, qu'il soit parfait, qu'il soit en tout cas le plus possible. Je veux essayer de me donner en tout cas à fond pour que ça soit le maximum de ce que je peux donner. Comme un sportif, je pense qu'il va devoir aller jusqu'au bout, même aller chercher encore plus loin que l'énergie qu'il peut donner. Et je pense qu'il y a de ça, je pense, un petit peu là-dedans.

  • Speaker #0

    Oui, mais en t'écoutant, je me dis... en fait je pense que c'est très compréhensible de la part de n'importe qui que t'es envie d'avoir le geste parfait la finition parfaite, le rendu parfait en revanche il y a un aspect qui est rajouté toi dans ta pratique, c'est que tout ça doit être fait dans le rush à chaque fois et qu'en fait je pense que tu te mettrais pas je m'engage peut-être pas mais tu te mettrais potentiellement pas dans des états pareils si t'avais 3 mois pour le faire bien sûr,

  • Speaker #1

    ah oui, c'est sûr

  • Speaker #0

    Et en fait, le fait que tu pousses ton corps et ton esprit à bout est causé par le fait que tu es dans une situation où on ne te donne pas le choix de le faire dans un temps.

  • Speaker #1

    Oui, la présentation est dans trois jours. Il n'y a pas de... Les nuits blanches, c'est comme ça qu'elles se font. Ce n'est pas par plaisir, en fait, c'est sûr. Après, voilà, oui, il y a ce côté où on revient encore à l'artisan qui va faire son maximum, en fait. pour aller jusqu'au bout. Et le reste à côté, ce n'est pas grave. Mais j'en ai pris quand même conscience et c'est pour ça que maintenant, je freine un petit peu aussi. Parce que je n'ai plus envie. Les nuits blanches, je ne veux plus en fait. Les week-ends, je veux aussi retirer. Je veux passer du temps avec ma famille. Je veux aussi faire des choses pour moi. J'ai envie de vivre en fait. Parce que, qu'est-ce que je vais pouvoir apporter ? Je me sentais un peu au bout à un moment de ce que je faisais parce que je ne vivais plus à côté. Je n'y vais que dans l'atelier. Je ne pouvais même plus voir personne, même pas boire un café. Ce n'était pas possible. Je n'avais jamais le temps. Il y avait toujours quelque chose. Non, là, je ne peux pas. Je dois finir ça. Je dois finir ci. Et c'est sans fin. Ça pouvait être sans fin.

  • Speaker #0

    Et ça, c'était quand ?

  • Speaker #1

    Il y a deux ans, c'était encore là. Donc, le confinement n'a pas aidé ? Non, ça s'est accéléré, moi. Ah oui ? En fait, moi, quand on m'a contacté après cet épisode Covid et puis le confinement, on m'a dit, donc, les entreprises ont décidé de freiner. Nous, on va accélérer. Oui, parce que c'était aussi l'occasion pour les défilés. Il n'y avait plus que 10 marques qui défilaient. Si on fait partie des dix marques qui défilent, on se fait plus remarquer que quand il y en a 200. C'est logique. Et donc, j'ai fabriqué deux ou trois fois plus d'objets. C'est pour ça qu'il y a des gens qui me disaient Oui, ça a été difficile pour moi le confinement et tout. Je le comprends, mais moi, ça a été plus difficile, mais dans l'autre sens. Ça a été une orgie. Je fais des... Je ne vais pas raconter de bêtises, mais il y avait des bustiers drapés et les jucs, mais il y en avait, je ne sais plus, 17, je crois, ou 18, quand on a défilé. Plus des masques, plus des choses. Enfin, c'était une folie, c'était incroyable, quoi. Et c'est ingérable. Je veux cesser à la chaîne et j'ai plus de plaisir. Par contre, quand moi j'ai plus de plaisir, c'est fini, je dois arrêter. J'ai besoin de ressentir encore ce que je dois donner. Autrement, demain, autant que j'aille en production et travailler à la chaîne. Autrement, c'est pas la peine que je continue de faire ça.

  • Speaker #0

    Je pense que la grande difficulté, c'est de se rendre compte que t'as plus de plaisir.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un moment où je ressentais plus. Le dernier vraiment défilé que j'ai fait, j'ai fait quelques petits boulots, parce qu'on va me dire, tu t'es pas arrêté. Il y avait Margiela récemment. Mais Margiela, ça a été fait sur 9-10 mois, le travail. C'était différent. On a travaillé complètement différemment. Ils ont compris le malaise qui avait été créé par toutes les entreprises autour. Ils voulaient quelque chose et ils ont été patients. Ils ont été réglo. Ils ont tout fait comme il fallait. Pour moi, je ne considère pas ça comme ça. Mais le dernier gros truc, c'était le défilé Balmain-Gautier. J'étais en train de m'apercevoir de faire des pièces complétées. complètement folle et que j'adorais. Et en même temps, je ne ressentais plus rien en les faisant. Je les faisais à la chaîne. Et là, je me suis dit, c'est fini, je suis foutu. Donc, j'ai préféré me détacher de ça pour pouvoir me préserver et essayer de le garder. Et puis après, si je peux le garder à travers mes pièces à moi, c'est peut-être encore mieux, je ne sais pas. Mais en tout cas, c'est bien pour moi.

  • Speaker #0

    C'est une très bonne transition vers la future question. Quelles sont tes envies et tes envies de projets futurs ?

  • Speaker #1

    Mes envies de projets futurs, c'est surtout déjà de fabriquer mes pièces et puis peut-être de les exposer, quand je retrouverai un lieu d'expo. On cherche à en dire des expositions. Voilà, donc déjà, ça serait de pouvoir refaire une exposition sur mon travail, j'aimerais bien. Parce qu'en plus, quand je fais les expositions, ce que j'aime bien, j'en ai fait qu'une, mais c'est d'être présent, enfin deux d'ailleurs pour le coup, avec Objet Sensuel, mais c'est d'être toujours présent sur place. Donc je peux échanger avec les gens et ça, c'est ce que j'apprécie. Enfin, en tout cas, c'est un bon final à mon travail de savoir, moi, j'ai toujours travaillé et après, c'est un coursier qui emmène les pièces et après, c'est terminé, elles n'existent plus. que là d'un seul coup j'ai le retour des gens on sait ce qu'ils en pensent j'adore cet échange c'est surtout ça, j'aimerais bien pouvoir montrer en tout cas mes créations mon travail et mon univers parce que j'ai aussi un univers à moi et pouvoir le présenter un petit peu plus largement ça serait vraiment mon futur on te le souhaite on te le souhaite beaucoup et du coup le mot de la fin qui est qu'est-ce que tu souhaites pour le futur des métiers du cuir ? pour le futur des métiers du cuir j'espère surtout Surtout que les écoles vont se ressortir un petit peu mieux. Je ne sais pas si l'éducation nationale peine vraiment à... Tout a évolué. Je n'arrive pas à comprendre actuellement que les écoles sont pleines et dans les entreprises, ils ne trouvent personne, en fait. Mais ils ne les prennent pas forcément. Alors, c'est assez étrange. Il y a quelque chose qui ne va pas. Maintenant, les entreprises ont compris. Ils font leur recrutement eux-mêmes, pour être sûr. Je ne sais pas s'ils font bien aussi. Je pense qu'il va falloir surtout éduquer et je pense que le plus important quand même, c'est de montrer nos métiers aux plus jeunes qui le connaissent, qui voient aussi toutes les possibilités qu'il y a derrière, parce que les possibilités sont infinies, que ce soit dans le cuir, dans le bois et tout ça. Qu'ils en aient conscience, parce qu'on a perdu ça, on ne sait plus ce qui est possible de faire. Et souvent, on ne connaît même pas les métiers. Et comme ça, pour qu'ils puissent se tourner plus tôt vers ces métiers surtout. et peut-être s'épanouir là-dedans. Parce que moi, j'ai cet exemple que quand même, j'aimais l'art, j'aurais voulu être artiste. J'ai commencé par sculpter, moi. Mais je n'ai pas pu faire les beaux-arts parce qu'on n'avait pas les moyens, c'était trop loin, des choses comme ça. Je n'ai jamais pu être artiste. Mais à travers mon travail, pourtant qui n'avait rien à voir, je fabriquais des sacs ou des ceintures et des choses comme ça. Petit à petit, actuellement, je m'aperçois que je peux quand même apporter quelque chose d'un peu artistique dans mon travail. Donc au final, j'y suis arrivé. En fait, j'ai quand même lié le tout. et réussi à faire ce que j'aurais aimé faire au début d'une autre façon, sur un autre médium, sur plein d'autres choses, mais je m'épanouis aussi comme ça. Donc tout est possible et surtout qu'il faudrait faire découvrir de plus en plus. Les podcasts sont là et ils sont très utiles, je pense, en tout cas pour les plus jeunes. Moi, je pensais qu'à un moment, ça intéressait beaucoup l'artisanat, les gens. On me disait, mais oui, mais on parle beaucoup d'artisanat. Maintenant, on ne parle plus que ça, que de l'artisanat. Oui, c'est très bien, les émissions sur TF1, de voir les usines Viton qui tournent et tout ça. Mais ça, ça plaît aux plus vieux qui, d'un seul coup, par nostalgie, se disent Tiens, ça me rappelle mon grand-père, ça me rappelle mon père qui faisait ça et tout. C'est très bien. Mais maintenant, les plus jeunes, il va falloir qu'ils soient plus intéressés. Et c'est là où j'étais. quand même content, c'est qu'à un moment, j'aime pas qu'on me parle que de Zendaya ou de Beyoncé ou tout ça, et on s'en fiche, mais ça aide en tout cas à avoir un pont, un lien avec les plus jeunes qui d'un seul coup, si je parle de Zendaya, on m'écoute, en fait, déjà. Donc quand derrière, j'ai eu plein de messages, il y a même des jeunes filles qui sont fans de Zendaya, qui ont des pages Instagram assez importantes et tout ça, et qui m'ont envoyé leurs dessins parce qu'eux, ils ont le fantasme de créer une robe pour Zendaya et me demander mon avis, si c'était sympa, si c'était bien et tout ça. Et je trouve ça assez touchant parce que, d'un seul coup, ils ont pu comprendre, à travers ce que j'avais fait, qu'il y avait derrière ces robes aussi un artisanat. En fait, il était derrière. Ça, c'est bien. C'est ce qu'il faudrait qu'on arrive à montrer. C'est que même à travers ce travail qui peut être superficiel aussi et qu'on peut mal critiquer, il y a quand même beaucoup d'artisans qui se défoncent et qui maîtrisent incroyablement leur métier. Dans tout le métier de la mode aussi, ils sont très nombreux. Et ces jeunes peuvent accéder à ça aussi. Et un jour, ils poseront peut-être les cristaux de la robe de Kardashian. Mais non, mais c'est toujours quelque chose qui peut être... Et si ça peut aider, pourquoi pas ? Au début, je trouvais ça bête. Et puis après, je me suis dit, mais non, ça nous permet au moins de parler de quelque chose. On parle au moins le même langage, ils nous écoutent. Et après, au final, ils sont quand même à l'écoute de ce qu'il y a autour et de ce qui a été fait. Ça peut peut-être être un bon lien aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est un peu la cible secondaire, on va dire, de l'association. Mais j'ai un peu cette conviction qu'en montrant... l'innovation au sein des ateliers. Certes, on montre que l'artisan, ce n'est pas juste un faiseur, c'est aussi un ingénieur. Et on montre que c'est hyper créatif d'être artisan français aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Déjà, tout le monde amène, je pense, plus ou moins à un niveau différent, mais tout artisan amène des solutions tout le temps, tout le temps, tout le temps. On est toujours, de toute façon, sauf quand on nous demande quelque chose de précis et qu'on répète des gestes. Mais l'artisan lui-même dans l'atelier, il est tous les jours confronté à des problèmes et à devoir amener une solution à ça. Et après, si on a une passion ou un petit don dans le style, ou si on sait bien associer les couleurs, moi je pense que si on est fleuriste, ça va nous apporter quelque chose de plus. Si on est dans le milieu de la mode, on va pouvoir dire Mais tu sais, avec le mauve, moi j'aurais bien mis un jaune en dessous. Et on peut apporter quelque chose. Et moi, je ne pensais même pas, c'est pour ça que je reviens à ça, mais je ne pensais pas que de ce que j'aimais, la sculpture, l'art, j'aurais pu discuter un jour de ça et d'amener des idées quand même. Parce que ce n'est pas moi qui choisis les choses et tout ça, mais on amène notre pierre à quand même à déficier. On est quand même là, on est présent, on fait partie des projets. Et je suis assez fier de pouvoir faire partie de projets comme ça maintenant qui vont rester dans l'histoire. J'ai regardé des choses de Mugler ou d'Alexander McQueen. J'étais impressionné de McQueen quand je regardais les défilés, mais c'était incroyable pour moi et tout. Et là, quand j'ai eu ce défilé Margiela, je me suis dit, mais maintenant, t'en fais partie, en fait. Et c'est ça qui est dingue. Et ça nous transporte. Demain, bah oui, demain, le défilé est terminé, il va falloir que je retrouve quelque chose d'autre. Mais il y aura encore d'autres projets qui vont être là. Si on se donne et si on travaille, il y a toujours quelque chose à apporter. Et les plus jeunes qui sont quand même, là, on le voit, c'est que sur Instagram, ils sont extrêmement nombreux à suivre aussi des stars et des choses comme ça. Mais si un jour... Je ne sais pas, si tu rêves d'approcher de cette star, fais quelque chose que peut-être tu pourras lui vendre ou faire, je ne sais pas. Il faut essayer. Moi, c'est la première chose que j'ai fait avec la musique, en donnant des sangles de guitare à des musiciens. Parce que c'était ma petite excuse et au moins j'allais jusqu'au bout des choses. Et puis après, ça construit quelque chose forcément derrière. Donc oui, il y a plein de choses et il faut avoir une approche plus ludique en tout cas. Pas qu'ils aient que confiance du star system, parce qu'il ne faut pas non plus garder que ça. Mais en tout cas, il y a la possibilité de toujours travailler pour des gens qui peuvent aimer. C'est toujours bien. Moi, le jour qu'on m'a proposé, c'était un dimanche, quand on m'a annoncé Est-ce que tu voudrais travailler pour Björk ? Mais je me prostitue pour Björk. Je fais tout, mais tu ne me payes même pas. J'étais tellement heureuse de travailler pour elle. Je sais ce que c'est d'être fan. J'étais fan quand j'étais plus jeune et je trouve ça super. Il faut faire une continuité. J'étais un grand fan de la CDC et tout. Enfin, je suis toujours. J'ai tout collectionné. Je les écoutais constamment. Et quand j'avais 30 ans, je les ai rencontrés et je leur ai fait des sangles de guitare. Et si je n'avais pas fait ces sangles, je n'aurais jamais été les rencontrer. Donc j'ai réalisé mon rêve à travers mon travail. Parce que j'avais cette excuse, je me serais dit que je me serais retrouvé devant, qu'est-ce que je vais leur raconter, j'ai écouté tous vos albums, super. Mais rien que la rencontre, et là ça me donnait une excuse, et puis aussi de donner ce que j'étais capable de faire, et ce que je pouvais être fier de faire. C'est magique et j'ai vécu plein de moments comme ça. Et pourtant, j'ai un lycée professionnel, il faut avoir envie, et il faut toujours croire en ses rêves, parce que ça se fait toujours un petit peu. Et moi, j'en ai réalisé énormément. C'est vrai que c'est chouette. Et c'est pour ça que même s'il y a eu des difficultés, comme vous pouvez écouter dans le podcast de Raphaël juste avant, il y a des difficultés dans tous les métiers, c'est vrai. Là, je les avais mis un petit peu en avant, mais il y a plein de choses super aussi. On vit des choses complètement extraordinaires aussi, et des choses uniques. Ça, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est un très beau mot de la fin. C'est génial, trop bien. J'adore quand tu finis les épisodes comme ça, tout positif. Trop chouette. Eh bien, merci beaucoup, Robert. Merci pour ton temps.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Parce que ça fait déjà un bout de temps que je te débranche à ta maison. Donc, merci vraiment beaucoup pour ton temps. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Robert Mercier vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes du podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

Description

Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c’est comme le jazz et le free jazz. Au début on apprend les morceaux de jazz puis lorsqu’on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses œuvres. Belle écoute ! 


Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoires d’Artisans.


Liens de l’épisode : 

Robert Mercier

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Histoires d’Artisans

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Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Mier et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Dans ce deuxième épisode avec Robert Mercier, artisan du cuir, nous parlons de la relation entre la maîtrise de la technique et la créativité. Robert fait une analogie très forte. Il explique que c'est comme le jazz et le free jazz. Au début, on apprend les morceaux de jazz, puis lorsqu'on a la technique, on peut se lancer dans le free jazz. La vie de Robert est régie par du free jazz et il nous explique comment il a atteint cet état de liberté. Il nous raconte sa relation fusionnelle avec le cuir et son envie de transmettre des messages à travers ses oeuvres. Belle écoute !

  • Speaker #2

    Bonjour Robert et merci beaucoup de m'accueillir dans ton atelier. Tu es artisan du cuir, tu as eu beaucoup de vie. Je te propose et je propose aux éditeurs qui nous écoutent de découvrir ton parcours lors de ton épisode de podcast avec Raphaël Lebeau dans le Craft Project. Vous parlez de tout ton parcours et vous en parlez merveilleusement bien, donc on ne va pas le refaire. On va se concentrer un peu plus sur ta carrière perso. On va l'appeler comme ça, je ne sais pas comment l'appeler. Mais en tout cas, ton travail plus personnel et le travail que tu veux développer sur tes créations personnelles et de toute ta partie recherche, puisque c'est ce qui nous intéresse chez Histoire d'Artisan, cette innovation. Donc la première question est normalement, peux-tu nous raconter ta rencontre avec ton métier ? Là, je vous invite encore une fois à aller voir Raphaël et à aller écouter son épisode. Si vous tapez Robert Mercier Craft Project, vous devriez trouver facilement. Donc la deuxième question, hop, on fait un petit saut dans le temps. Est-ce que tu peux nous raconter justement tout ce que tu souhaites faire sur ta partie perso, tes envies, ce que tu as envie d'exprimer, ce que tu as envie de montrer de toi ?

  • Speaker #0

    Après le podcast de Raphaël, justement, j'étais en questionnement. Je voulais un peu arrêter tout ce que je faisais avec les entreprises parce que moi, à la base, on me demande une pièce autour du cuir, que ce soit un objet, un sac, un vêtement. Et après, je le développe de mon côté. J'ai travaillé pendant des années pour eux, beaucoup, beaucoup. Et puis... J'ai vraiment senti le besoin de m'exprimer en fait il y a quelques années. Et donc j'ai voulu aussi apporter ce que je pouvais moi développer dans mon atelier et découvrir aussi dans mon atelier. Et donc j'ai continué un petit peu à travailler pour la mode bien sûr parce qu'il faut aussi faire tourner la machine et puis faire vivre mon entreprise quand même. Mais j'ai aussi développé plus tout ce que j'avais dans la tête et je me suis donné l'autorisation, le droit d'aller chercher, d'aller fouiner. dans cette matière que j'aime tant et la développer et puis soit pouvoir la proposer à d'autres ou à moi bien sûr ou en parallèle, maintenant je me garde une partie de temps pour moi pour pouvoir développer en fait mes propres créations.

  • Speaker #2

    Et du coup c'est quoi ces créations ? C'est des éléments que tu as envie de développer et que tu as envie de vendre ? C'est plus de l'artistique ? Ça se concrétise comment ?

  • Speaker #0

    Après tout est à vendre en fait, tous les objets que je fais c'est pas forcément pour les garder, c'est bien sûr mais j'ai pas d'action commerciale dedans. Enfin, je veux dire, je ne développe pas dans l'idée de vente. Je l'ai toujours fait. D'ailleurs, maintenant, je le développe un petit peu plus, mais j'ai toujours fait des objets juste par des idées ou des inspirations. Je les ai fabriqués et conservés chez moi juste parce que j'avais besoin de les faire naître. Et parfois, je rencontre aussi dans mes développements des techniques qui sont intéressantes et que j'ai envie de développer encore plus. Et donc, je les pousse justement en créant un objet pour pouvoir les mettre en œuvre sur une création.

  • Speaker #2

    Quand tu parles d'œuvres que tu as envie de faire naître, c'est quoi ? Tu as des envies esthétiques, justement, c'est guidé par de l'esthétique, c'est guidé par une histoire que tu as envie de raconter, c'est guidé par de la technique ?

  • Speaker #0

    En fait, je pense que déjà, comme j'ai toujours dit, c'est que moi j'appartiens vraiment à ma matière. C'est ma matière qui me possède et j'ai toujours l'envie de l'amener encore sur un terrain toujours nouveau. Ça a toujours été mon envie, même quand j'ai travaillé pour les autres, j'ai toujours fait le forcing pour qu'on, dès qu'on redéveloppe quelque chose... Ce qui n'était pas confort pour eux parce qu'il y avait toujours ce côté un peu danger où on pouvait ne pas aller peut-être jusqu'au bout du projet parce qu'on ne savait pas trop où on allait. Mais bon, ça s'est toujours bien passé et j'ai pu toujours amener des choses nouvelles et ce qui permet d'avoir toujours du changement parce que je m'ennuie assez rapidement. Et là, quand je crée, c'est vrai que c'est souvent d'abord la matière que j'ai manipulée et qui m'amène quelque chose soit de visuel ou soit dans le... Oui, c'est souvent visuel forcément. et soit ça va être un développement par rapport vraiment à une technique qui a été développée par rapport au cuir, c'est le cuir qui me l'a apporté ou soit à travers les oeuvres aussi que je peux voir au cinéma ou des choses comme ça où d'un seul coup j'ai une envie, je me dis tiens ça on pourrait le créer en vêtements ou en sac et ça pourrait être figé dans le temps comme ça ce sera un instant.

  • Speaker #2

    C'est vraiment guidé par une envie de tester ta matière.

  • Speaker #0

    Oui. Moi, j'ai toujours été dans la performance. J'ai toujours aimé aller plus loin, plus loin, plus haut, plus fort. Et puis, je n'étais pas forcément bien tout le temps. Et donc, il y a toujours cet effet de défi. Enfin, de défi, je ne me pose même plus cette question. Mais à chaque fois, quand je suis en train de créer quelque chose de nouveau, à un moment, ça va bloquer ou je ne sais quoi. Et ça m'apporte quelque chose de nouveau. Et là, je me dis, tiens, la prochaine fois, je vais pouvoir, au lieu d'aller dans cette direction, je vais plutôt aller dans l'autre direction. En fait, moi, j'ai toujours eu cette théorie du chaos qui, en fait, à un moment, c'est la matière qui va me dire On veut faire un pli vers la droite, la matière, elle ne veut aller que vers la gauche, et bien, elle ira vers la gauche. Et c'est moi qui vais m'adapter à elle. Et j'ai souvent fait des produits, par exemple, pour Hitchcock, quand j'ai fait des pièces sur Hitchcock, j'ai commencé les pièces sans savoir comment j'allais fermer encore le sac, par exemple. Mais je laisse avancer les choses et les choses viennent naturellement, en fait, quand on les laisse venir.

  • Speaker #2

    D'où le fait que tu disais que tu dessines assez peu.

  • Speaker #0

    Oui, je dessine assez rarement et je commence souvent avec la matière. Parce que de toute façon, c'est comme ça, je ne le fais pas exprès, mais c'est que même quand on me demande un travail, à un moment, je vais dire, oui, je pense que c'est possible. Comment ça, tu penses que c'est possible ? Oui, il va falloir que je mette les mains dedans. Mais je dis, mais ça va le faire, ce n'est pas un problème. Et effectivement, la matière, elle parle et je vais trouver. Des fois, il y a plus de batailles que d'autres. Des fois, ça vient très vite. Parfois ça vient beaucoup moins vite. Et puis il y a un échange, c'est une lutte aussi avec cette matière. C'est qu'à un moment, elle m'impose quelque chose, mais je pense qu'elle peut quand même aller un petit peu plus loin. Je la pousse un peu dans ses retranchements, comme elle me pousse aussi dans mes retranchements. Et c'est un dialogue entre elle et moi. Et c'est peut-être pour ça que moi, ce qui m'intéresse, moi je travaille beaucoup autour de la sensualité, aussi du côté organique, mais vraiment dans le côté pur de la chose, de l'organisme, c'est que je ne fais plus qu'un avec cette matière quand je la travaille.

  • Speaker #2

    Je sais que tu as rencontré Mathias Kiss. et c'est marrant parce qu'il m'a dit exactement la même chose que toi il m'a dit moi je ne dessine jamais notamment ces ciels il ne dessine jamais de ciel parce qu'il dit mais en fait je ne peux pas je suis incapable de dire où c'est qu'il va y avoir un nuage je suis incapable de dire où c'est que ça va devenir du rose je ne peux pas dire du coup les gens lui font confiance parce qu'ils savent qu'ils maîtrisent le ciel enfin ils se laissent un peu guider comme toi et c'est marrant parce que j'ai eu une autre conversation avec Corentin Brison qui est céramiste Et j'avais demandé à Corentin, et je te poserai la même question, à partir de quel moment tu peux te considérer céramiste ? Parce qu'en fait, je pense que la céramique est sans doute le métier le plus prisé et le plus choisi dans la reconversion. Mais même, c'est très simple de se faire un semestre de cours de céramique. C'est relativement accessible. Mais à partir de quel moment on se considère céramiste ? Et il m'avait dit, à partir du moment où c'est toi qui domptes la matière et pas la matière qui te dompte. Et ça m'avait... vachement parlé parce que, alors, des cours de céramique, j'en ai fait. Et c'est vrai que quand tu es devant un tour avec de la terre et que tu dis tiens, je vais me faire un bol et qu'à la fin, ça devient un coquetier parce que tu t'es complètement raté. Ce n'est pas toi qui as dompté la matière. C'est juste que tu as fait des trucs avec tes mains et puis ça a donné un coquetier ou un verre et pas du tout un bol. Du coup, je te pose la même question. À partir de quel moment, toi, tu considères que quelqu'un est artisan du cuir ?

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il a raison. Après, moi, je pense qu'on est artiste du cuir quand on commence à manipuler le cuir. C'est une histoire de maîtrise, simplement de maîtrise. On peut faire des choses très jeunes, même si on ne maîtrise pas, on peut arriver à faire des choses complètement dingues. Je l'ai vu souvent, il n'y a pas besoin forcément de 20 ans de maîtrise. Mais effectivement, au bout d'un moment, il y a une sorte de confort qui se fait. Je le compare souvent au jazz et le free jazz. C'est qu'à un moment, les jazzmans, quand ils ont atteint un niveau de technicité, en fait... peuvent s'en échapper. Et moi, c'est vrai que j'aime pas trop le pathos, j'aime pas trop les histoires où je me régénère dans la pierre, à l'extérieur. Moi, c'est des trucs que ça me saoule parce que c'est un peu bidon pour faire du storytelling et tout. Moi, je fais pas ça. Mais en même temps, quand je te dis que je suis en connexion avec ma matière, c'est que les grands moments que j'ai vécus, je pense pas l'avoir déjà raconté, mais quand j'ai moulé les choses pour Björk, j'étais à l'extérieur, c'était l'été, il y a un orage qui s'approchait, j'écoutais Björk dans mon casque. J'ai été torse nu parce qu'il faisait super chaud. Et les nuages montaient. Et d'un seul coup, il s'est mis à pleuvoir. Et j'ai continué à mouler sous la pluie. Et j'ai vécu un truc sensoriel comme je n'ai jamais connu ma vie. Et c'est presque comme quand on fait l'amour. C'est un truc complètement fou et qui te change. Et à chaque fois que j'ai cette matière dans les mains, c'est vrai qu'il y a vraiment un vrai dialogue qui se fait avec elle. Mais justement, quand on a maîtrisé, l'avantage, c'est qu'après, on peut se lâcher. Il n'y a plus besoin de penser la technique. Je ne me pose pas la question si je dois faire un rembourse, si je dois faire une couture, si je dois rogner ou quoi. Ça va venir en fait. Je ne me pose aucune question. Et que je débute, on me dit Tu sais comment tu vas faire ? Je dis Non, je ne sais pas. Mais ça va se faire. Et à chaque fois, ça l'a fait, tout le temps. Et c'est vrai que je pense, à partir de maintenant, que je suis arrivé à un niveau où je peux me lâcher et laisser faire. Pour rappeler Mathias Kiss, qui m'avait toujours dit ce qui va être important, c'est surtout qu'il faut que tu arrives à le maintenant, que tu maîtrises ta technique, c'est à lâcher ta technique. Voilà, et qu'elle n'existe plus, en fait. Que ça soit juste un outil, mais qu'elle ne t'empêche pas, en fait, de créer. Parce que souvent, dans les créations, je l'ai souvent vu chez des artisans, quand ils essaient de créer, pas tout le temps, mais parfois, c'est une exposition de technique. J'ai déjà vu des gens qui faisaient des sacs. Oui, c'est bien, on sait que tu sais faire de la teinture, on sait que tu sais couper comme ça, mais ne mets pas tout sur un truc, ça ne sert à rien. Et ce n'est pas ce qui va donner plus de magie au truc ou impressionner. Ça ne marche pas, ce genre de truc. Et effectivement, quand il est venu pour Objet Sensuel, qu'il a vu le bustier avec les cornets de glace, le bustier Oups, il m'a dit, tu vois, tu t'es vraiment détaché de ta technique, parce que... Ce qu'on voit en premier, c'est une œuvre, c'est une création, une envie de t'avoir envie de faire, de faire vivre quelque chose même d'un peu drôle, avec un peu d'humour. Et quand on commence à s'intéresser un peu plus et se pencher un peu plus, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de techniques pour obtenir ça. Et donc, ça, c'était le plus beau compliment qu'on pouvait me faire. Et ça m'a vraiment touché quand il m'a dit ça pour cette exposition.

  • Speaker #2

    On peut peut-être remettre dans le contexte, mais Objet Sensuel a été une exposition qui a été créée par Raphaël Lebeau dans le cadre de Métiers Arts, si je ne me trompe pas.

  • Speaker #0

    En 2023. C'était en janvier.

  • Speaker #2

    Et c'était une très, très belle exposition sur les cinq sens. C'était très, très joli. Et ce que tu racontes, c'est exactement ce que m'a dit Jérémy Maxwell Ventrebert, souffleur de verre. Quand tu regardes les artistes qui soufflent du verre, il y en a beaucoup où c'est hyper chargé. Ce n'est que de l'ego. Tout ce que je sais faire, je vais le mettre.

  • Speaker #0

    J'avais envie de parler du verre, c'est drôle, parce que je le vois souvent sur les pièces en verre où c'est très, très chargé. À un moment, ça a été un travail aussi pour moi. d'essayer d'arrêter aussi de vouloir mettre, parce que j'ai souffert de ça moi aussi, je pense que dans notre apprentissage, on met tellement de temps à maîtriser chaque étape qu'après, c'est pas qu'on a envie que ça soit rentable, mais on l'amène quand même. Et on veut montrer qu'on peut le faire. Et maintenant, je m'aperçois que juste mouler simplement un corps en cuir, mais même s'il n'a rien d'attaché dessus et qu'il soit fait presque à la perfection, ça a beaucoup plus d'impact que si je lui avais... accrocher des bandes, d'y faire moire et ça sert à rien en fait, on charge trop pour rien, il faut peut-être devenir, alors après c'est ma vision, mais pour d'autres aussi, c'est devenir quelque chose de plus pur aussi et plus simple en lecture et donc plus organique, plus direct en fait.

  • Speaker #2

    Oui je pense que c'est aussi quelque chose qui est dans l'air du temps parce qu'il y a bien une phrase qui dit less is more enfin c'est exactement ça et je pense que on est dans un mouvement artistique où justement on cherche Tu vois bien les intérieurs, ils sont hyper épurés. Quand tu regardes les sites internet de l'ultra luxe et du luxe, c'est des trucs blancs avec une police noire. Tu vois, c'est très propre. Et oui, c'est très pur, comme tu dis. Je pense aussi que c'est un mouvement artistique contemporain. Alors, est-ce que ça va évoluer ? Sans doute.

  • Speaker #0

    Artistique et technique, parce que moi, j'ai connu ces années 90 avec la maroquinerie, les sacs étaient... ultra chargés. Là, on peut parler de Versace ou de ces marques-là qui ne savent plus s'arrêter de charger les sacs. Et plus ça allait, plus on a épuré, en fait, et on a retiré les choses. Mais aussi pour revenir à l'essentiel. Hermès a toujours eu cette... Par contre, ils avaient déjà le bon sens dès le début. C'est de laisser que les choses qui sont réellement utiles et toutes les choses qui sont inutiles, il faut les retirer, en fait. Et ça fonctionne et ça parle plus aux gens. Et comme on a une sorte de retour aussi au savoir-faire et tout ça parce qu'il y a les origines, il y a aussi... Comment dire, à de l'authenticité, quelque chose de... On se tourne peut-être plus vers des choses beaucoup plus pures. Si c'est la pierre, il faudrait vraiment qu'elle soit que de la pierre. Mais moi, je pense que je n'arriverais pas à associer ma matière à une autre, à de la pierre, du verre. Pour moi, le verre, il doit rester qu'avec le verre. Je ne sais pas, c'est peut-être ma vision qui n'est pas bonne, mais je trouve que c'est trop ou ça ne fonctionne pas. Parfois, ça peut peut-être bien fonctionner, mais je pense que c'est difficile d'arriver à faire quelque chose vraiment de cohérent et qui marche bien en mêlant toutes ces matières.

  • Speaker #2

    Peut-être parce que justement pour les imaginer, il faut que tu aies la technique et que tu les...

  • Speaker #0

    Oui, et puis après...

  • Speaker #2

    J'ai le mot gère qui vient, mais...

  • Speaker #0

    Moi, je vois que tout en cuir, en fait. Donc, c'est aussi mon problème. Et c'est pour ça que dès qu'on va me demander tiens, comment on pourrait faire ce truc ? parce qu'il est en rigide, je fais on va te le faire en cuir Et j'ai fait des pièces, par exemple, chez Balmain qui devaient être faites en métal. Ils n'avaient pas le temps de le développer. Je les ai faites en cuir et recouvertes de films métal dorés. Et en fait, elles sont en cuir, elles ne sont pas en métal. Et quand on voit, on pense que c'est en métal. Avec le cuir, on peut faire énormément de choses parce que l'avantage du cuir, c'est qu'on a un panel très large par rapport au pot. Avant de connaître une technique, avant de savoir le manipuler, il faut connaître toutes les matières pratiquement. Parce qu'on est de la matière la plus souple à la plus dure. Plein de cuirs différents. Et donc après, moi, quand on me demande un projet, la première chose à laquelle je pense, c'est lequel cuir je vais utiliser et quel animal je vais utiliser. Un mouton, c'est très souple. Une vache, c'est très rigide. La chèvre, ça va être plus rigide, mais très grainée. Il faut trouver la bonne matière. Donc c'est souvent la matière qui parle. Avec Olivier Rousteing, quand on avait travaillé ensemble pour Balmain, lui, il voulait revenir sur ses origines. Ses origines sont Afrique du Nord et tout ça. Et je me suis dit, nous, la maroquinerie... marocain, maroc, ça vient de ces origines-là aussi. Donc tous les cuirs viennent de là-bas, les cuirs de chèvre, le parchemin, la basane, ces choses-là. Et donc, on n'utilisait plus la basane, c'est un cuir, maintenant on appelle ça un cuir établié, c'est pour dire. La basane, elle était utilisée pour faire par exemple les fauteuils, les clubs. Un club, c'est fabriqué avec de la basane. Si d'ailleurs un club n'est pas fabriqué avec de la basane, ce n'est pas un club en fait, c'est sa matière de base. C'est très très souple, car on connaît tous ce côté confortable qui est unique à travers cette matière.

  • Speaker #2

    Mais qui se détend beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui se détend beaucoup, qui est très souple. Voilà, c'est pour ça qu'il faut maîtriser chaque matière, parce qu'elle apporte quelque chose de complètement différent. Et donc j'ai ramené cette basane qui est un matériau pauvre maintenant, qui est très riche, mais qui est considéré, nous en maroquiner, qu'aucune marque de luxe n'utilise. Le parchemin non plus, on ne l'utilise plus. Mais j'avais envie de le ramener. Et à un moment, je me suis dit, le parchemin, on écrit dessus, moi je vais le foutre dans l'eau et puis on va voir ce que ça donne. Et puis j'ai fait des bustiers moulés avec des plissés et des choses comme ça avec le parchemin, en trouvant, en manipulant.

  • Speaker #2

    Le parchemin, c'est quelle matière ?

  • Speaker #0

    Alors le parchemin, c'est une finition en fait. On laisse vraiment que la fleur de la peau, donc au plus fin. C'est vraiment au 3 dixièmes, c'est vraiment très très fin. Et donc ça peut être de la chair, il peut y avoir des petits veaux. J'ai même vu très très rare, mais des crocodiles ou des autruches en parchemin, ça existe. Mais normalement, l'écriture, quand on utilisait le parchemin pour les livres, c'était des chèvres ou des... La chèvre, c'est vraiment l'origine de tout ça.

  • Speaker #2

    Et tu dis que la maroquinerie, ça vient du Maroc ?

  • Speaker #0

    Ah oui, marocain, par exemple. Il y en a un qui s'appelle le bas. On a une peau qui s'appelle le marocain. Les origines, elles viennent de là-bas aussi.

  • Speaker #2

    C'est vrai que quand tu vas au Maroc, tu n'y penses pas.

  • Speaker #0

    Ils ont un gros travail du cuir, ils ont un gros artisanat du cuir. Oui, et puis ils tannent beaucoup. Il y a les canneries qui sont à ciel ouvert. Qui... Oui, bon là, c'est une autre histoire. Ils n'ont pas développé de la même façon que nous, mais bon, après, on peut les comprendre. Mais évidemment, c'est l'origine.

  • Speaker #2

    C'est génial.

  • Speaker #0

    Et la céleri vient de la selle. De la selle.

  • Speaker #1

    La selle pour les chevaux ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Mais ça, c'est vrai qu'on n'en a pas parlé dans l'épisode 1, mais on n'a pas précisé, en effet. Mais en effet, la sellerie vient de la selle. Mais non, je n'avais pas imaginé que maroquinerie venait du Maroc.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'origine du mot.

  • Speaker #0

    J'adore. Donc, on parlait de... C'est quand même dingue. En fait, si tu fais le rapport entre courbe d'apprentissage et courbe de création, au début, c'est épuré parce que tu ne sais pas trop faire de choses. Ensuite, tu as un pic parce que tu sais faire... plus de choses et que tu as envie de tout mettre. Et puis, tu te détaches et ta courbe d'apprentissage, elle se réduit et finalement...

  • Speaker #1

    Si on veut créer des choses, parce que tout dépend dans quelle direction on va. Parce que si on est technicien et qu'on doit apporter un savoir-faire pour une entreprise très précise et tout ça, de garder les techniques jusqu'au bout, c'est parfait. Et ce qui m'a aussi beaucoup aidé et surtout à changer d'entreprise tout le temps, parce que j'ai papillonné, j'ai travaillé aussi pour beaucoup d'entreprises différentes. Mais il faut savoir que pour chaque entreprise, ils ont... tous des techniques différentes. Ils n'ont pas évolué de la même façon, ils n'ont pas commencé pour la même origine. On disait, Vuitton et Hermès, il y a Hermès avec sa selle, il y a Vuitton avec la malle. Et les autres, c'est pareil. Chanel, ils ont démarré plutôt par des vêtements. Donc, toute leur histoire, après, on comprend tout, l'évolution. Mais donc, ils ont tous une façon de travailler et une approche qui est différente. Et donc, ce qui m'a permis aussi d'être curieux et de voir plein de choses, c'est aussi de pouvoir me coller à chaque fois aux techniques de l'entreprise qui me demandaient quelque chose.

  • Speaker #0

    c'est passionnant mais pour revenir à la question initiale qui est aujourd'hui tu veux développer plus ta partie personnelle et créative tu dis du coup que t'as envie de créer en fonction de la technique et j'ai quand même envie de revenir là dessus parce que avant qu'on enregistre on a beaucoup parlé, beaucoup blablaté et t'expliques quand même que t'as déjà si je me souviens bien fait une exposition sur Hitchcock tu m'as dit il y a deux ans donc t'as eu un thème qui t'a inspiré et là si je comprends bien, tu as sur la mythologie, sur

  • Speaker #1

    Kubrick. Et je vous lis sur les matières, sur le trompe-l'œil. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. Donc, dans les faits, il y a aussi des sujets qui t'inspirent et des sujets qui vont orienter ta créativité.

  • Speaker #1

    Oui, mais comme j'ai pu entendre aussi sur des anciens podcasts à toi, c'est que en fait, tout a toujours été là. C'est des envies que j'ai depuis toujours. J'avais des sortes de caillétances où je collais plein de choses, tout ce qui m'intéressait. Il y a peu de temps que je l'ai rouvert et en fait je me dis Ah mais c'est dingue actuellement, j'ai fait ça, j'ai fait ça, j'ai fait ça. Et je m'inspire encore des mêmes personnes alors que j'avais oublié ce cahier, je ne m'en souvenais même plus. Mais mon cerveau, mon inconscient, lui, il ne l'avait pas oublié. Hitchcock a toujours traîné ici. Le cinéma me passionne et c'est un cinéma aussi qui va raconter vraiment des histoires ou qui va être vraiment très… Je veux que ça ait du sens. Toutes mes pièces ont du sens. Ce n'est pas un objet… En fait, sur chaque pièce, je pense que je peux en parler pendant deux heures. Ils ont… tous quelque chose, je les fabrique pas par hasard ou juste parce que je me suis dit là je vais essayer de créer un truc à un triangle vert quoi. C'est pas ça si un triangle vert c'est que ça vienne quelque chose. Il n'y a pas de hasard dans les pièces, il n'y a aucune part de hasard et j'aime bien rentrer toujours dans la psychologie, comprendre. J'ai toujours eu ça par contre. Je suis un peu comme Francis Bacon, le peintre. Ce peintre en fait il était passionné par Picasso et on a retrouvé dans son atelier des photos qui grattaient en fait. et ils ne comprenaient pas trop et des psychologues ont dit qu'en fait, ils essaient de rentrer à l'intérieur de ces personnes en quelque sorte par cet effet de gratter sur les images. Et moi, à chaque fois que je trouve quelque chose qui est intéressant, il faut que je le démonte, il faut que je regarde, il faut que je comprenne comment ça marche. Quand j'aime un groupe, quand j'aime un artiste, je décortique, il faut tout que j'aime. Je lis les biographies, je veux tout savoir sur lui. J'ai ce côté, je suis très curieux, je veux tout savoir. J'ai vraiment cette chose. Et Hitchcock, c'était vraiment l'excuse. La journée, je pouvais aller voir les films, je pouvais noter toutes les choses. J'ai lu tout ce qu'il y avait sur Hitchcock à ce moment-là. Et d'un seul coup, je me donnais cette excuse de pouvoir m'étaler là-dessus, et de me donner plaisir au lieu d'aller travailler à l'atelier. Et j'aime ce côté psychologique des choses et qu'il y a un message pour donner un dialogue. Et puis, je pense que ça ne suffit pas un objet, il faut... Si on veut que ça reste et que ça perdure et qu'on soit intéressé à lui, même 20 ans, 30 ans après, il faut encore qu'il suscite quelque chose. Chez Kubrick, mais quand on voit les gens qui sont fans de Kubrick qui continuent, j'écoute toutes les conférences où il y a des gens, des spécialistes en cinéma qui ont vu des centaines de choses et qui regardent encore 2001 et qui disent il y a des choses que je n'ai pas encore saisies et tout ça. il a trouvé le truc, c'est qu'il a été tellement loin dans sa recherche qu'Ubric, quand il travaillait sur un thème, il allait vraiment à fond dessus. Il avait des dossiers complètement dingues pour chaque film et tout ça. Et ce qui fait que ce qu'il raconte, c'est vrai, c'est authentique. Ce n'est pas quelque chose qui ne fonctionne pas. Et donc, on a toujours des questions à se poser. Il y aura toujours une réponse derrière. Je pense que ça, pour moi, c'est quand même important. Je veux qu'il y ait un sens à travers tout le temps mes objets. J'ai quelque chose de... Je marque des messages dans tous les objets que j'ai toujours fabriqués. Par exemple, il y a toujours quelque chose dedans. Je pouvais laisser des choses, des cheveux, des parties de plumes de corbeau, des choses comme ça. Il y a toujours quelque chose parce que j'ai besoin que ça reste, ça dure. Et je ne veux pas faire des objets qui ne durent pas longtemps. Ce n'est pas parce que je fais. C'est vrai que je fais des objets pour des petites pépettes qui sont sur les tapis pour le red carpet, mais c'est des objets qui sont résistants, solides et que je veux le plus durable possible. Même si malheureusement il y en a qui les portent qu'une seule fois. Mais en tout cas j'ai gardé cette chose parce que l'avantage aussi du cuir, ce qui est magique, surtout quand on prend un cuir de qualité je parle, pas n'importe quoi, il est réparable à l'infini. et on peut le modifier aussi à l'infini et il y a toujours des modifications à faire et ce qui est bien, c'est peut-être la matière qu'on utilise depuis la nuit des temps la nuit des plus anciennes, pas que celle-là mais elle en fait partie, les hommes préhistoriques utilisaient déjà cette matière, on reparle encore du cuir, ça fait toujours partie de notre quotidien entre la veste en cuir qu'on va avoir à même de la peau, presque comme une protection aussi, comme une armure et ça a toujours été, les guerriers ont toujours eu ça aussi Il y a quelque chose qui est vraiment très proche, en fait. On a quelque chose d'organique avec cette matière. Et je pense que là, moi, j'ai peut-être eu encore plus. Bon, moi, je suis accro, je ne peux plus m'en sortir. Mais en tout cas, on a quelque chose de lié à cette matière. Et on voudra, même si dans tout ce qui est durabilité et tout ça, le cuir, c'est vraiment, on ne trouvera rien de mieux. Je vous le dis tout de suite, il y en a qui vont grincer des dents avec leur matière, leur nouvelle matière, avec des champignons et des choses comme ça. Le problème, c'est que quand on commence à vouloir faire quelque chose d'écologique, On veut créer un autre business derrière. Mais arrêtez. En fait, les animaux, il faut mieux les traiter. À l'abattoir, il faut bien que ça se passe correctement. On fait des tannages naturels et tout va bien se passer, en fait. On aura une consommation, mais moindre, parce que ça dure beaucoup plus longtemps dans le temps. C'est plus résistant, c'est réparable et tout ça. Les nouveaux produits qui arrivent, il y a du pétrochimique dessus. Je vais faire avec l'ananas, donc je fais devenir des fibres du Costa Rica en Italie. Je les fais couvrir de fibres plastiques. Je les renvoie aux États-Unis pour fabriquer des sacs. Mais arrêtez, quoi, en fait. utiliser des cures qui vont durer longtemps et il ne faut pas être dénigré il faut forcément se cuire ça c'est vraiment quelque chose qui me trahit beaucoup parce que pourtant je suis végétarien je ne mange pas de viande en fait je n'utilise que la peau moi pour le coup et j'adore les animaux j'aime les animaux mais ça a toujours fait partie d'un cycle ça a toujours été présent moi mon rôle c'est de sublimer cette matière c'est de ne pas la gâcher c'est justement rendre honneur peut-être pour cet animal qui a donné sa vie pour que moi je vive aussi derrière donc c'est assez important et moi j'en ai conscience de ça et je la respecte oui je fais tout ça en tout cas pour pour que ça soit le mieux possible, que ça se fasse le mieux possible.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûre que tout le monde ait cette réflexion, mais c'est génial aussi de te l'entendre dire et de réaliser que c'est plus qu'un matériau. C'est ce que tu racontes pour beaucoup. Il y a l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme le bois. C'est un matériau vivant. Il est quand même là. Et comme le bois, comme même le métal, tous ceux qui travaillent, je pense, leur matière, après, ils sont liés à cette matière. Et c'est comme ça qu'on la connaît. Et on peut apporter tellement de choses. Je pense que... Franchement, c'est peut-être fou de dire ça, mais je pense que tout est possible en fait. Et c'est ce que j'adore. La mode, moi, je n'étais pas forcément proche de la fashion et tout ça. C'est un endroit où ils développent. Alors, ils ont déjà un peu d'argent pour développer les produits. Et puis, ils n'hésitent pas à faire des trucs complètement fous aussi, d'aller sur des terrains complètement dingues. Et donc, plus on me demande quelque chose de dingue, plus je suis heureux. Parce que je me dis, tiens, on va aller voir si ça peut fonctionner.

  • Speaker #0

    En t'écoutant, j'ai envie de te poser cette question. Est-ce que toi, tu te considères comme un artiste ?

  • Speaker #1

    Non, ça c'est sûr.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce que tu racontes sur les carnets, sur les idées, sur... Je sais très bien à quoi tu fais référence. Tu fais référence à Pauline Loctin qui, elle, se considère comme artiste et qui dit en fait, il y a des idées qui sortent huit ans après.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la même chose. Mais je n'ai pas une journée sans idées, effectivement. Je sais, mais je ne me considère pas comme artiste parce que je me trouve trop déstructurée. Je suis trop... Je vais tout le temps dans tous les sens. Parfois, on m'a dit, mais tu devrais faire ta collection et faire un défilé, mais je ne pourrais pas. Mais réellement, je n'ai pas cette capacité, je suis trop décousu, je ne pourrais pas créer une collection homogène. Là, la preuve, c'est que je commence une collection. J'ai déjà fait deux pièces pour cette idée de collection autour de la mythologie et je suis en train déjà de parler des prochaines choses que je vais faire, alors que je ne l'ai même pas fini. Et ce qui vient perturber, parce qu'il y a des pièces qui vont sortir au milieu de celles-là. Donc, non, je ne sais pas. Et puis après, je pense que je suis plus animé par mon artisanat que par la création. Je ne pense pas avoir le bon truc à un moment de me dire... Ça, c'est j'ai utilisé les bonnes couleurs et tout ça. Je ne sais pas ces choses-là. Même la bonne coupe, je ne suis pas sûre. Moi, la coupe, je la fais, je la pose, je la regarde et je découpe comme ça. Pour moi, un artiste, c'est plus structuré. Je ne sais pas. Après, c'est la vision de chacun, je pense. Mais moi, en tout cas, je me considère plus. Je suis un artisan. Voilà, je suis un artiste.

  • Speaker #0

    Mais je comprends et on en a déjà parlé. Cette frontière très floue. Mais pour moi, la définition de l'artiste. tu peux être un artisan d'artiste oui mais je comprends mais pour moi à partir du moment quand t'es artiste c'est que justement t'as envie de raconter des choses et tu vois qu'importe le médium qu'importe si t'as 3, 4, 1, 1000 médiums tant que tu crées des choses qui ont envie de raconter quelque chose pour moi t'as cette casquette d'artiste t'as pas tort mais je suis en construction aussi

  • Speaker #1

    que ça fait peu de temps aussi que je suis libre et que j'assume déjà de dire c'est ma pièce, c'est moi qui l'ai fait et tout ça, c'était tout nouveau quoi.

  • Speaker #0

    Mais parce qu'on ne vous apprend pas à revendiquer une pièce.

  • Speaker #1

    Pas du tout, non, on doit vraiment s'effacer tout le temps et c'est pour ça que tous les artisans mettent que leur travail en avant et pas eux-mêmes. Ils n'ont même pas de conscience parfois du pouvoir. Moi je commence à me rendre compte du pouvoir qu'on a quoi. On a un pouvoir assez dingue. Et quand on sait l'utiliser, forcément, on peut faire des choses assez folles. Maintenant, je l'assume et j'espère qu'il y en a d'autres qui réagiront avant moi parce que là, je suis quand même à 47 ans et je réagis que maintenant. Donc, j'ai perdu pas mal de temps, mais j'ai quand même créé dans mon coin. Rien ne m'a jamais freiné, même si je n'aurai pas les pièces, même si je ne disais pas que j'étais un artiste, même si je n'exposais pas. J'ai toujours fabriqué et créé des choses. Mais moi, c'est vrai que j'ai toujours vu le côté artisan. J'ai suivi beaucoup d'artistes parce que j'aime beaucoup vraiment l'art. Et le premier vraiment qui aurait pu être un père, c'est Pierre Soulages, que j'ai beaucoup aimé. J'ai beaucoup aimé son travail, j'aime d'ailleurs toujours son travail. Mais il avait une approche vraiment d'un artisan. Il fabriquait ses outils. À un moment, lui, il va faire les beaux-arts. Il reste deux semaines et il s'en va en fait. Parce qu'il dit, j'ai rien à faire ici. Et d'un seul coup, on lui dit, mais tu sais, le noir, c'est pas une couleur. Et en fait, il va faire tous ses tableaux en noir. Et il va créer son propre parcours dans son coin. Il travaille au début peu de moyens. Il va travailler avec des gens qui font du goudron à l'extérieur. Il récupère un peu de goudron et il l'utilise comme ça. Et il s'aperçoit que les outils qu'il a besoin, il ne les trouvera pas dans le commerce. Donc, il les fabrique lui-même. Donc, c'est un artisan. Et après, il va créer sa matière. Et j'aime bien cette façon où à un moment, il dit qu'il patauge dans le noir et qu'à un moment, il dit je suis perdu, je ne sais plus où je suis. Et d'un seul coup, il y a cette délivrance. Quand tu y arrives, Moi, je l'ai ressenti quand on a la vision de quelque chose et qu'on arrive jusqu'au bout. Qu'est-ce que c'est magique ? Mais c'est terrible parce qu'il y a des moments, le soir, je suis un demi-dieu. Et puis le lendemain, je suis une merde. Le lendemain matin, parce que je me dis, bon, allez, bouge ton cul parce que là, ça ne marche pas. Mais c'est comme ça, ce n'est pas grave. Au moins, c'est la preuve que j'ai toujours envie d'avancer et que je ne me contente pas aussi. Mais ces petits mouvements de vagues, mais qui font aussi qu'à chaque fois, je pense qu'il y a tout le temps du changement dans le travail parce que je me remets tout le temps en question. En fait, je repars à zéro à chaque produit. Mais réellement, sincèrement. Et je pars, mais avec beaucoup de risques. Il y a des fois, le défilé, il est dans deux semaines. Et je suis en train de faire un truc que je n'ai jamais fait. Et ça passe. Et quand ça passe, c'est magique. Et c'est chouette. Et voilà, c'est cette libération qu'on parlait du début qui permet maintenant d'être... Et puis, plus on en fait, plus ça fonctionne et plus on a envie de faire parce qu'on a plus confiance en soi. Mais j'ai mis beaucoup de temps à avoir confiance en moi parce qu'en entreprise, ce n'est pas ce qu'on nous fait. fait ressentir. À l'école non plus, notre formation, mais de toute façon, tous les artisans nous forment aussi dans un côté aussi humble. On nous dit tout le temps, mais qu'est-ce que t'es humble, qu'est-ce que t'es pas prétentieux, tout ça, mais il y a pas beaucoup d'artisans qui sont prétentieux, en fait, je sais même pas si ça existe. On est là, on fait ce qu'on a à faire, mais moi je les vois à chaque fois, on me montre une pièce, puis on me dit, tiens, regarde cette pièce, mais t'as vu, là, j'ai merdé ici. Mais on me montre pas ça, en fait. Et pourtant, les arts, c'est toujours ce qu'ils font dès le début. C'est assez fou. toujours un peu se dévaloriser.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense que tu as raison. C'est qu'en fait, l'éducation a fait qu'on ne vous a pas appris à être fiers.

  • Speaker #1

    Oui, on a été éduqués comme ça, tout simplement. Et quand je dis qu'on s'excuse d'être là, ça a toujours été un peu ça. Donc après, quand on a quelque chose, moi, j'ai toujours eu quelque chose. Effectivement, j'étais toujours très proche de l'art. Vraiment. Pourtant, mes parents n'y étaient pas du tout. Mais j'ai acheté énormément de livres. J'ai lu beaucoup, beaucoup de choses sur ça, très, très tôt. Et toujours, c'est toujours là. Et je pense que... tout ça s'était renfermé en moi, en fait. Et j'avais besoin. Et à un moment, quand j'ai arrêté, quand j'ai explosé, que j'ai arrêté avec toutes les maisons de luxe, et que même j'ai fait cette expo Hitchcock, quand je disais que je me suis donné le droit, c'est que à un moment, il fallait que ça sorte, en fait. C'était plus possible. Et ça a été des moments clés qui ont été importants aussi pour ma vie. En étant personnel, c'est que tout est lié, en fait. Et avec ma famille, avec... Je viens d'une famille où on est six enfants. Il a fallu qu'on se fasse un peu chacun de notre côté. C'était un peu chacun pour soi aussi. C'était un peu difficile. Et je ne les vois pas forcément beaucoup, on n'est pas forcément liés. Et avec ma mère, il y avait des trucs qui n'allaient pas. Je lui reprochais aussi des choses, comme souvent beaucoup d'enfants reprochent à sa mère. Et en faisant, c'est dingue, cette expo Hitchcock à l'arrivée. Et Hitchcock, il faut savoir que dans tous ses films, il faut voir que la femme est toujours mise en avant. C'est la femme qui est forte, c'est elle qui a du pouvoir dedans. L'homme, il est souvent très minable quand on regarde bien. Il y a la mère qui a un pouvoir assez fort et très dominant d'ailleurs. Et en travaillant beaucoup sur Psychose d'ailleurs, j'ai fait la paix avec ma mère en fait. Avec cette Norma et ce Norman, et réellement, et j'ai été content de faire ça parce qu'elle est partie peu de temps après, pas tant d'années que ça après, et ça m'a permis en tout cas de lui pardonner des conneries qu'on garde dans la tête et que les parents font comme ils peuvent, les pauvres. Maintenant je le sais, je suis parent moi aussi, ma fille elle va me reprocher des choses, c'est normal, c'est peut-être son rôle à elle, mais bon, on a tous ce cheminement-là, mais les parents ils font comme ils peuvent en fait, on fait ce qu'on peut. Et donc cette expo, elle a été très très importante. À mon niveau personnel, oui. Vraiment, vraiment, oui. Et ça m'a ouvert. Justement, en travaillant sur la psychologie de Norma et de Norman et de Hitchcock, comment ils l'avaient amené, j'ai compris beaucoup de choses, en fait. Ça m'a vraiment éclairé.

  • Speaker #0

    Je comprends ces moments un peu d'épiphanie. Et je pense qu'il y a quelque chose aussi, sans doute, qui différencie l'artisanat de l'artistique. C'est que dans le processus artistique, l'objectif... C'est l'exposition, d'être dans une galerie, d'exposer. Et en l'occurrence, quand tu parles d'un vernissage, c'est un cocktail. Donc c'est une célébration. Tu vas célébrer, tu vas vernir. une exposition, tu vas la célébrer. Et je pense que la différence avec les artisans et l'humilité de l'artisan, c'est qu'à aucun moment, l'artisan y célèbre. Oui,

  • Speaker #1

    peut-être.

  • Speaker #0

    Et en fait, moi, c'est quelque chose qu'on m'a appris parce que j'ai, à une époque de ma vie, voulu entreprendre et créer mon entreprise. Et tu sais, on te dit, quand tu crées ton entreprise, tu as une montagne à gravir, une énorme montagne. et si tu regardes le haut de la montagne tu vas avoir le vertige, tu vas te dire mais j'y arriverai jamais alors que si tu regardes la marche d'après tu vas dire ok, prochaine étape, ça c'est faisable, t'es une marche, c'est faisable. Et on te dit pour faire passer le temps et attendre d'atteindre ce sommet qui en vrai tu l'atteins jamais parce que quand t'atteins le sommet tu veux un autre sommet. Mais en gros on te dit pour arriver à l'atteindre, il faut que chaque marche tu les célèbres. Et tu vois, par exemple, c'est une discussion qu'on a eue avec mon père. Je lui dis, mais attends, c'est génial ce que tu as fait. C'est génial ce que tu as entrepris. J'espère que tu l'as célébré. Il me dit, mais non, Lisa, parce que ça n'a pas été signé. Parce qu'il y a toujours une bonne raison pour ne pas célébrer. Tu vois, par exemple, tu finis une pièce que tu veux présenter pour un vernissage. Ça se trouve, ce vernissage, il est dans cinq ans. Mais tu as fini ta pièce pour ce vernissage dans cinq ans. Eh bien, célèbre le fait d'avoir fini cette pièce. Et je pense que ça aide vachement. à prendre du recul petit à petit. Et moi, je m'en suis rendue compte. Il y a trois ans, tu me demandais de dire ce que j'entreprends, c'est fort et c'est impactant. Je t'aurais dit, non, je ne peux pas le dire. Et aujourd'hui, je suis capable de te le dire. Oui, en fait, ce que je fais avec l'association, c'est important, tu vois.

  • Speaker #1

    Oui, je comprends. Je l'ai vécu en plus. Parce que j'allais tellement vite aussi dans tout ce que je faisais qu'en fait, je passais à un autre projet et des fois, on me reparlait d'autres. Je dis, mais ça, c'est fini. Ça n'existe plus. Je ne me rendais même pas compte de ce que je faisais dans l'année. Je ne savais même plus. Je ne pourrais même pas, même actuellement, je pense que je ne pourrais même pas donner de date par rapport au produit que j'ai fait. Ça va tellement vite, effectivement, parce qu'il n'y a pas de célébration de fin ou quelque chose comme ça. Mais tu vois, il y a un truc qui me revient, c'est marrant. Enfin, pas qui me revient, mais qui me fait réfléchir quand tu parles de ça, c'est que je pense qu'aussi, ce terme artiste, peut-être ce qui me fait peur, c'est en passant, j'ai conscience de ça quand même, mais peut-être qu'en disant que je suis artiste, j'ai peut-être peur de ne plus être un artisan. Et moi, c'est ce qui m'importe le plus. J'ai trop vu de gens en entreprise qui, à un moment, ont dit Tiens, tu vas avoir une augmentation parce que tu vas passer, c'est toi qui va diriger l'atelier.

  • Speaker #0

    Tu vas devenir manager.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, il ne va plus jamais toucher la matière. Pour moi, je crois que ce serait la pire des punitions. C'est peut-être même pour ça que je n'ai jamais pris personne. Parce que je ne veux pas former, parce que je ne veux pas ne plus pouvoir toucher cette matière. Et il y a peut-être de ça. Et peut-être que je ne veux pas ce terme, effectivement, parce que j'ai peur de ne plus être un artisan. Et en même temps, tout ce que je crée, c'est l'artisan qui le crée. Donc, je préfère rester de ce côté-là. Et ce n'est pas grave, on s'en fiche du terme. Ah oui, mais les étiquettes, on s'en fiche. Après, les gens, ils pensent ce qu'ils ont envie de moi. Tu vois ce que je veux dire ? De toute façon, j'ai un côté un peu insaisissable et que je comprends. Il y avait une personne qui connaissait un peu la graphologie. Quand il a vu mon écriture, il m'a dit, tu es vraiment décousu et tout ça. Et tu dois être assez instable. Et effectivement, je me disais, mais qu'est-ce qu'il raconte ? Il m'a dit ça très jeune et en fait effectivement je suis très instable dans tout ce que je fais. Je termine tout ce que je fais, je suis très sérieux dans tout ce que je fais. Mais par contre effectivement demain je pourrais parler des moteurs de voiture. Ça c'est tout à fait possible. Ça me prend comme ça en fait, presque du jour au lendemain. Mais c'est ce qui fait aussi ma particularité et mon côté un peu... Je peux apporter quelque chose d'unique aussi. Et c'est là aussi avec Olivier Roustin quand il m'a donné la possibilité de lui proposer des choses. Et qu'il était à l'écoute, simplement, il était à l'écoute pour moi. Alors, il a choisi des choses, mais même s'il ne les avait pas choisis, déjà, rien que d'être à l'écoute, je me suis dit, j'ai le droit, en fait, de leur montrer, parce que j'avais déjà préparé plein de choses, mais je n'osais pas, en fait. Et là, quand il m'a ouvert, c'était la porte ouverte, et donc là, je n'hésitais plus. Donc après, quand j'étais dans les autres boîtes, tout de suite, j'arrivais et je disais, tiens, vous voulez faire un truc comme ça, je peux vous proposer telle ou telle technique, tout de suite. Et c'est pour ça que maintenant, on ressent tout de suite la technique qui vient dans tous les objets. que je fabrique pour toutes les entreprises parce que je pense que j'amène de moi tout de suite. Et ça, je n'aurais pas eu les épaules de le faire avant. Maintenant, je peux le faire plus facilement. Et plus ça fonctionne et plus on a de force. C'est comme on monte une entreprise, on a très peur. On en remonte une deuxième, on a un peu moins peur et ainsi de suite. Et c'est exactement la même chose. On évolue petit à petit et on prend confiance qu'en essayant, en ratant et puis en avançant surtout. Ça, c'est bien beau.

  • Speaker #0

    Pour quand même cultiver toujours sa différence. Ça, par contre, je l'ai compris très tôt. C'est que je comprenais que je ne voulais pas la même chose que les autres. Mais je ne suis pas un méchant. Je ne dis pas non pour être méchant, en fait. C'est parce que je ne le sens pas. Et si je te dis oui et que pendant tout le long du projet, on ne fait que s'engueuler ou ça ne fonctionne pas, ce n'est pas la peine, en fait. Donc, je préfère dire non tout de suite. C'est un peu dur, mais au moins, comme ça, c'est plié. Mais après... Dans mon fonctionnement, même d'avoir cette bougeotte, de ne pas pouvoir me figer dans quelque chose, ce qui fait que ça m'a donné une force de connaître plein de techniques, en fait, et de pouvoir apporter des choses tout le temps nouvelles dans tout ça. C'est comme, tu vois, nous on avait une famille où on n'avait pas d'argent, j'aurais pu dire après, oui, mais moi je viens d'une famille pauvre, tu sais, tout ça. Mais pas du tout, je trouve ça génial, parce que ça m'a développé un sens de la récup et de malin, en fait, que j'aurais peut-être jamais eu si j'avais eu les moyens. Donc quand on commence à me dire, j'en ai eu certains qui me disaient, oui, mais moi, tu comprends, je commence à fabriquer, mais j'ai pas ci, j'ai pas ça et tout. Si t'as pas ça, prends autre chose. Mais c'est pas à moi que tu peux dire, moi, ils peuvent pas me faire culpabiliser parce que j'ai commencé avec vraiment rien. Et je continue un peu sur cette lignée de simplicité. Et c'est comme ça qu'on peut faire aussi des développements pas trop élevés aussi. Mais oui, voilà, on peut amener sa différence parce que si elle fait. mal à personne ou tout ça, j'en ai vu, il y a vraiment des cons qui vont dire non tout le temps parce qu'ils sont prétentieux, parce que je ne sais pas quoi. Mais ceux-là, ils n'avancent pas de toute façon. Mais là, ça avance, ça fonctionne et on s'aperçoit par contre, quand j'arrive à travailler avec quelqu'un, je ne travaille pas avec tout le monde, mais quand je travaille avec quelqu'un, on fait un peu d'étincelle quand même, on fait quelque chose qui existe. Donc c'est chouette, ça marche. Donc non, non, c'est top, il faut rester qui on est, tout simplement, je pense. Il faut accepter ma personnalité, c'est comme ça. Moi, j'arrive aux réunions, je suis habillé comme je suis habillé aujourd'hui. Je ne vais pas me travestir ou me changer. Je suis comme ça, il faut m'accepter comme ça, c'est tout.

  • Speaker #1

    Ce qui me donne justement envie de te poser la question. Tout à l'heure, tu disais, moi, mes pièces, ce n'est que du cuir. Et je n'imagine pas rajouter d'autres matériaux. Tu n'as pas du tout envie d'intégrer un autre artisan et de réfléchir. Après, tu ne l'as peut-être pas rencontré. C'est la discussion qu'on avait justement avec Pauline Loctin. finalement les collaborations c'est aussi des rencontres mais tu n'as jamais rencontré quelqu'un où tu t'es dit lui il a tel métier on a commencé à discuter, on a la même vision on a envie de raconter la même chose, pourquoi on n'essayerait pas de faire une pièce ?

  • Speaker #0

    Déjà je pense que ça ne s'est jamais présenté ce qu'il y a c'est que je pense qu'il y a beaucoup d'artisans comme on travaille tous dans nos ateliers respectifs on ne se rencontre jamais. Quand j'ai commencé à freiner mon travail et en prendre beaucoup moins j'avais plus de temps libre les premières choses que j'ai fait c'est aller voir les artisans avec qui en fait on travaillait liés Par exemple, la personne qui faisait les gants avec le look que je faisais pour Balmain, j'ai été la voir parce qu'on ne s'était jamais vu. On se connaissait de nom, on ne s'était jamais rencontré. Et donc, j'ai été voir un peu tout le monde pour les rencontrer, tout simplement. Mais autrement, ça ne se fait peut-être pas forcément facilement. Il faut faire la rencontre. C'est comme un apprenti, l'apprenti qu'on voudrait tout donner. Je pense que c'est une rencontre qui se fait unique. Il y a un moment où on va dire, je vais tout lui donner à lui parce que je le sens. Mais aussi, dans mon parcours, ce qu'il y a, c'est que pendant longtemps, j'ai toujours créé des choses. Et à chaque fois que j'ai rencontré des gens qui travaillaient d'autres matériaux et je leur ai demandé de m'aider en fait dans tout ça, ils n'ont jamais voulu. Donc comme ils ne voulaient pas, je me débrouillais tout seul. Donc c'est pour ça qu'à la fin, un ferroir en métal, je ne pourrais pas avoir, il sera en cuir. Et ça, on ne peut pas le faire aussi en bois, on va le faire en cuir. Et donc c'est pour ça que je dis peut-être que tout est faisable en cuir. C'est aussi tous ces refus qui ont fait que je l'ai fait moi-même. Et donc après, je suis autosuffisant, je n'ai besoin de personne en fait. Moi je me... fabriquer tout un truc sans avoir personne. En plus comme moi je travaille aussi un peu le bois, c'est peut-être le seul médium que j'amène associé à mon travail et c'est moi qui fais les structures. Mais ce qui me permet aussi d'avoir d'un bout à l'autre, ce qu'il y a c'est que dans mon travail actuel, avec la mode, il faudrait que ça aille très très vite. Donc le corps qui a été sculpté, je préfère le sculpter moi parce que je sais exactement ce qu'il va me falloir pour pouvoir avancer le plus vite possible sur la suite. Et si j'ai besoin de le modifier, je n'ai pas besoin de le renvoyer et qu'on va me dire mais attends, il faut une semaine pour le modifier. Moi, je peux le modifier. Tu es flexible. Je suis très flexible et très souple là-dedans. Et c'est ce qui convient aussi à la mode. C'est ce qui leur va. Moi, ils m'amènent une problématique. Après, quand une boîte me demande du travail, derrière, ils n'ont plus de problème. Les problèmes, c'est moi qui les absorbe. Ils auront une pièce finie à la fin. Et en plus, moi, je suis quelqu'un d'anxieux et tout. Donc souvent, je le vis plutôt mal. Mais voilà, normalement, c'est ma responsabilité. Donc je prends tout à ma charge.

  • Speaker #1

    On en revient à notre petite anecdote. Il paraît que tu as une très belle anecdote à nous raconter, Robert, donc j'en suis ravie. Est-ce que tu peux nous raconter une anecdote en relation avec, du coup, plus tes créations ?

  • Speaker #0

    Avec la création, effectivement. Il y a eu un moment, il y a peut-être maintenant, ça fait trois ans peut-être, trois, quatre ans. Il y a une personne que je connaissais qui m'a demandé, en fait, la réparation d'un sac. Pour le coup, c'était un sac Hermès qui était assez ancien et qui devait être restauré. Et je lui ai dit, mais moi, tu sais, je ne vais pas faire les réparations. de tout le monde, je veux bien faire les réparations de mes amis mais pas forcément de tout le monde, et il m'a dit si si tu vois c'est une personne qui est quand même très intéressante et qui me tient à coeur et qui est vraiment gentille donc j'aimerais bien que si tu pouvais lui réparer ça serait sympa, donc je lui ai dit bon écoute ok ça marche, ben on va prendre rendez-vous et puis on va se voir et donc on prend rendez-vous, donc avec Marie Chantal Dois de Mar, alors que je ne savais pas encore, je vais pas brûler les étapes mais donc elle m'invite à boire un café au Palais Royal, donc on boit ce café on discute, elle me montre le sac que Après, je suis toujours touché de restaurer quand même des vieux sacs comme ça, surtout de bonne qualité, parce que c'est toujours quand même intéressant de faire perdurer aussi ce travail et puis que le sac ne soit plus utilisable juste parce que la poignée est cassée en deux ou des choses comme ça. Donc, j'accepte ça. Et donc, dans la conversation, elle me demande ce que je fais. Donc, je lui explique un petit peu pour qui je travaille, ce que je fais. Et surtout, elle me pose cette question, c'est mais qu'est-ce que tu aimerais bien faire ? Ça, c'est la question qu'on ne m'a jamais posée. Et je ne sais pas pourquoi. Pourquoi ? Alors là, pour le coup, je n'étais vraiment pas préparé. Je lui ai dit, écoute, moi, ce que j'aimerais bien faire un jour, c'est de réaccessoiriser les films d'Alfred Hitchcock et donc de recréer des vêtements, des sacs et des objets plus modernes, mais comme si je les fabriquais pour le film, en quelque sorte. Et donc, elle me regarde et me fait, si tu le fais, moi, je t'expose. Et je n'avais pas compris. Et en fait, c'était la directrice de la galerie Joyce, qui était de l'autre côté du Palais Royal. Et donc, j'ai fait cette collection et puis elle est exposée à la Joyce Gallery, au Palais Royal, grâce à ça. Incroyable. Autour d'un café et d'une réparation de sac.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce qu'en off, on parlait de savoir dire non, c'est prendre soin de soi. Mais savoir dire oui, c'est aussi ouvrir des opportunités.

  • Speaker #0

    Ou savoir jauger.

  • Speaker #1

    Mais mon Dieu, comment on fait ?

  • Speaker #0

    Là, ça devient compliqué. Il ne faut pas toujours dire non, il ne faut pas toujours dire oui.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais ouais, c'est incroyable. Mais je pense qu'il doit t'en arriver plein, des histoires comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, bah les délices.

  • Speaker #1

    T'as dit oui, et puis en fait, c'était Antel qui t'a permis...

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, ça. Faut quand même avoir de l'audace aussi, un petit peu, dans ce qu'on fait. Parce que déjà, bon, je pense qu'il y a beaucoup d'artisans qui l'ont fait aussi. C'est de fonctionner au coup de bluff. Moi, le premier corps moulé que j'ai fait, je ne l'avais jamais fait. On m'a dit, vous avez déjà fait ? Je fais, oui, oui, oui, j'avais jamais fait.

  • Speaker #1

    Comme Rihanna, elle dit. Fake it until you make it.

  • Speaker #0

    On a tous un moment de bascule où on se dit, là je sens que je suis capable d'aller plus loin et on y va. Il y a ça et puis il y a des opportunités qui se font. Quand les étoiles doivent s'aligner, elles se font. Moi je me dis que de toute façon, quand quelque chose doit se faire, ça se fait. Même si on a loupé une occasion, si on doit faire un projet avec une personne qui est importante et que ça nous tient à cœur et que d'un seul coup ça ne passe pas parce que pour X raisons, il ne faut pas se dire ça y est c'est mort, c'est foutu ou je ne sais quoi parce que... s'il doit se faire quelque chose, il y a un autre projet qui va ressortir et moi j'ai souvent vu et ça s'est souvent présenté et puis il y a des choses qu'il faut tester, même moi actuellement il y a des artistes que j'aime bien j'aimerais bien travailler pour eux j'envoie des messages sur Instagram, salut machin truc voilà oui j'ai très peu de gens qui me répondent mais de temps en temps ça marche et Casey c'est comme ça que ça s'est passé avec Mugler Casey ça s'est joué en une journée c'est tout je voulais plus vraiment travailler et bon Malheureusement, j'ai eu un petit moment de détente. Il s'était abonné à ma page Instagram, je l'ai vu. Je savais que c'était le directeur artistique de Mugler parce qu'il regardait un petit peu tout ce qui se faisait. Et je lui ai envoyé un message tout de suite en disant Quand est-ce qu'on travaille ensemble ? Et je n'ai pas mis bonjour je n'ai pas mis au revoir Je n'avais même pas qu'il était américain, donc il ne parlait pas français. Enfin, jusqu'à maintenant, je ne pensais pas qu'il parlait français. Et il me répond maintenant Et donc, l'après-midi, j'étais dans ses bureaux et il me proposait le projet Beyoncé. Incroyable. Voilà.

  • Speaker #1

    Et parce que tu parles d'artistes, mais du coup, tu sembles parler plus d'artistes de mode. Est-ce qu'il y a des artistes dans d'autres sphères, d'autres domaines qui t'attiraient ?

  • Speaker #0

    Moi, de travailler avec des artistes, tu veux dire ? Oui. Ça ne s'est jamais proposé.

  • Speaker #1

    Mais quand tu dis, je vois des artistes et il y en a avec qui j'aimerais beaucoup travailler, que d'ailleurs j'ai contacté, c'est souvent dans le milieu des artistes.

  • Speaker #0

    C'est plutôt des personnes qui jouent de réhabillés ou c'est plutôt comme ça, tu veux dire. Ok,

  • Speaker #1

    je vois.

  • Speaker #0

    Des profits que j'aime bien ou des gens que voilà, peut-être aussi pour l'excuse de... pouvoir les rencontrer peut-être aussi. Mais ça se construit petit à petit, ça se fait petit à petit aussi. Et maintenant, c'est assez drôle quand il y a des personnes que j'ai invitées pour mon expo, mais juste avec les messages Instagram, donc qu'ils n'ont jamais eu le message au bout parce qu'ils n'ont jamais été jusqu'au bout sûrement. Et que maintenant ils viennent s'abonner à ma page et qu'ils me disent On adore votre travail, c'est génial et tout. Je trouve ça marrant parce qu'il y a encore mon message qui est affiché, celui que j'ai envoyé, qu'ils n'ont jamais eu. Je les avais invités deux ans avant et puis ils ne sont pas venus parce qu'ils n'ont peut-être même pas eu le message. Ils se vinissent peut-être pas tout et ça se fait quand même petit à petit oui, et ça se ramifie en fait, c'est des choses qui se ramifient, par contre c'est vrai qu'il faut avoir de l'audace ça c'est ce que je pourrais dire aux plus jeunes aussi, c'est que il faut avoir de l'audace mais il faut aussi avoir quelque chose à donner, parce que je vois trop de gens qui c'est juste parce qu'ils ont un look complètement dingue, ils ont l'impression qu'on les attend et tout ça, mais personne t'attend il faut surtout n'attendre rien de personne. On n'a pas besoin de nous. Personne n'a besoin de personne. Ce n'est pas parce que tu as un super look à l'école que les directeurs artistiques vont dire Wow, tu as un trop beau look, tu vas devenir le directeur artistique de Mugler Non, ça ne fonctionne pas comme ça. Il faut avoir quelque chose à donner. Et si j'ai aussi réussi un petit peu à faire un peu mon trou là-dedans, c'est parce que j'ai quelque chose à leur donner aussi, donc à leur apporter. C'est pour ça qu'ils viennent le chercher aussi. Ce n'est pas juste... Il y a beaucoup de gens qui pensent que j'ai un réseau parce que je connaissais un truc. tel et tout ça. Je ne connaissais personne. Je viens d'Uberi, je viens de ma campagne, avec des parents qui n'avaient pas de réseau. Je suis arrivé comme ça, je ne connaissais vraiment personne. Ça s'est fait petit à petit. Une personne qu'on rencontre qui connaît un tel et ainsi de suite, et ainsi de suite.

  • Speaker #1

    Et que tu as bien travaillé et que du coup... Et voilà,

  • Speaker #0

    ils ont besoin de quelque chose. À des fois, on ne travaille même pas en direct, mais on va rendre un petit service et ce qui fait qu'ils voient qu'ils peuvent avoir confiance en nous. Parce que c'est la confiance, c'est un truc vraiment premier. Ça, c'est ce qui doit se construire et surtout le pilier, enfin tout ce qui va... tout structuré parce que si on ne peut pas avoir confiance dans les personnes, on ne peut rien faire parce que ça, c'est le plus compliqué. Pour être sûr que le projet aille jusqu'au bout aussi. Parce que là, d'un seul coup, un créateur, quand il fait un dessin et qu'il nous le donne, c'est d'un seul coup, tout est sur nous. Si on a décidé d'arrêter, c'est terminé. Le projet, il est fini.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est qu'il t'intègre dans une stratégie de collection. Tout ça, c'est réfléchi. Donc, si tu le fais faux bon, en fait...

  • Speaker #0

    C'est un moment où la pièce... Plus la pièce est importante, si d'un seul coup, on fait la pièce qui va ouvrir le défilé ou le fermer... Et que d'un seul coup presque, je ne veux pas dire que tout le thème est autour, mais c'est assez important. On peut parler des coups en porcelaine par exemple. C'est que d'un seul coup c'était pour faire des personnages qui ressemblent à des poupées. S'il n'y a plus ces coups en porcelaine, c'est fini. Donc si on le lâche au dernier moment, c'est terminé d'un seul coup. Il va falloir trouver une autre solution et ça, ce n'est pas agréable pour eux, ça c'est sûr. Donc il faut vraiment avoir une confiance jusqu'au bout et qu'ils soient sûrs que tout soit livré en temps et en heure. qu'on soit toujours là pour essayer d'assurer et tout ça. Moi, c'est ce que je fais. Je fais un suivi vraiment jusqu'au bout pour Beyoncé. J'ai été jusqu'à Stockholm pour aller faire les retouches. Ils m'ont séquestré dans le stade de France. Donc, non, c'est... Alors que je n'étais pas payé pour ça. Mais ça fait partie du package, en fait. Et c'est ça qui prouve que je suis fiable, en fait. C'est juste que je suis fiable. Oui, je peux avoir un caractère de cochon, mais je suis fiable. Si j'ai dit oui, je vais jusqu'au bout.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en effet, c'est très important. Je pense qu'il y a aussi un aspect, c'est qu'il ne faut pas être déçu. Par exemple, si tu proposes un petit projet pas très cher et un gros projet beaucoup plus cher, il ne faut pas être déçu qu'ils prennent d'abord le petit projet. Moi, dans ma tête, c'est, commençons petit. Je te montre que ce qu'on fait, c'est incroyable. Ou que ce que je fais, c'est incroyable. Et ensuite, tu verras que tu peux me confier du gros.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il faut savoir les attraper aussi. Les attraper aussi avec ça. Et puis oui, prouver que ça tient debout. Est-ce que tu peux nous raconter un projet de recherche sur lequel tu as fait beaucoup d'innovation ?

  • Speaker #1

    Alors là où il y a eu le plus de travail au niveau de cette innovation, ce qui découle de la robe de Zendaya, en fait, qui a été faite avec des drapés en cuir, c'était quelque chose que, dans l'histoire, ce que j'avais développé de mon côté, un petit peu. Alors à la base, l'inspiration, elle vient de la Libergui dans le peuple de Delacroix. Au début, je prends une matière et en fait, je ne m'impose rien. Je ne me dis pas, il faut que j'aille jusqu'à derrière, il faut que ça soit faisable et tout ça. Et je me lance comme ça, mais vraiment brut. En fait, ce n'est pas grave si ça ne va pas jusqu'au bout, mais comme ça, je peux m'apercevoir des limites où il va falloir que faire des efforts ou essayer de rechercher un petit peu plus et tout ça. Donc, j'avais travaillé là-dessus. Et puis, sur la victoire de Samothrace aussi, au Louvre, qui était une proue de bateau. Et donc, c'est des drapés qui ont un effet mouillé, en fait. Voilà. Donc, ce qui fait naître cette façon, cette technique. Et donc, voilà, j'avais travaillé ces quelques drapés que j'avais présentés justement à Olivier Rousteing. Et ça lui a plu, mais on n'a pas travaillé tout de suite dessus. Il a fallu que ça travaille un petit peu. Et puis... peut-être qu'ils puissent le caser sur un défilé, peut-être parce qu'il y a des thèmes aussi quand même. Et il y a un moment où on m'a dit, ça y est, on est prêt, on va travailler sur les drapés. Donc à partir de là, il a fallu développer. Moi, au début, je l'avais fait assez simplement, très brut. Le tout premier jet, il est toujours très brut. Et là, j'avais pris une basane, je l'avais mouillée, j'avais fait des drapés. Ils n'étaient pas forcément très cohérents et tout ça, mais on sentait qu'il y avait déjà quelque chose et que ça pouvait fonctionner. Et après, comme on voulait quelque chose de plus délicat, il fallait travailler avec de l'agneau pour que... les plis fassent plus comme du tissu et moins quelque chose de très gros comme une sculpture de marbre donc il a fallu que j'utilise plusieurs colles il a fallu tester plusieurs colles celles qui allaient bien convenir pour faire ça aussi et puis pouvoir travailler presque de décoller et recoller tout le temps parce que j'ai un mouvement il faut que je crée pli par pli que ça soit cohérent en plus j'ai le nez toujours dessus donc il faut que je prenne tout le temps du recul et c'est surtout le défi qu'il y a à travers ça c'est qu'on travaille avec des peaux d'agneau qui sont assez petites Et quand on crée un drapé, en fait, on prend un grand drap, on le prend d'un côté et le drapé, il se forme naturellement. Moi, il fallait que j'ai cet effet-là, mais avec des toutes petites peaux. Donc, il fallait les raccorder les unes aux autres, sans que ça se voit, bien sûr, parce qu'autrement, on casse la magie. Donc, il a fallu essayer de masquer tout ça et essayer toujours d'être cohérent. Ça, ce travail-là, je le dis vraiment, j'ai beaucoup travaillé avec Balmain, avec le styliste qui bosse là-bas. On a vraiment échangé parce que lui, moi, j'ai jamais fait d'école dans le textile ou même pris des cours là-dedans. Donc c'est un peu des choses que je ne connais pas bien. Le drapé non plus, je ne le connais pas plus que les statues grecques qu'on peut voir. Et il était là très important parce que c'est surtout, j'avais besoin de son regard pour voir si c'était cohérent. Et parfois, il me disait, j'avais complètement fini la face, et il me disait, mais là, tu vois, au milieu, c'est pas possible, en fait. C'est pas plausible. Donc je démontais tout le centre, en fait, simplement le centre, et après, je le reconstruisais à l'intérieur. Ça a été des heures et des heures et des heures de travail. C'est un truc, je pense que c'est le truc le plus fou. Et je l'ai dit plusieurs fois à des gens qui me connaissaient, que ça m'obsédait tellement que quand j'allais me coucher le soir, j'allais me coucher tard, en dormant, je drapais mes draps. En fait, je les prenais avec mes doigts et je les étirais. Je me rendais compte que quand je me réveillais, j'étais en train d'étirer les draps. En fait, c'était vraiment, ça m'obsédait à un point complètement dingue. Et petit à petit, voilà, j'ai réussi à trouver exactement comment il fallait faire et tout ça. Mais j'ai eu... une aide extérieure, j'avais besoin de ses yeux pour comprendre comment ça pouvait fonctionner. On a réussi à développer quelque chose qui a fonctionné et qui a bien marché. Et oui, j'étais vraiment content de ce développement. Oui, c'était quelque chose d'assez magique.

  • Speaker #0

    Finalement, ce que tu ressors, c'est la complémentarité des parcours qui vous a permis d'atteindre le drapé le plus plausible possible.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'actuellement, ça s'est un peu, je ne vais pas dire démocratisé, mais les corps moulés, même les drapés, si on va voir sur Instagram, on peut en trouver assez facilement. C'est vrai que ça a fait un peu ses... c'est pas moi qui l'ai inventé, peut-être que j'ai aidé à le relancer, mais Issey Miyake l'utilisait beaucoup, Alexander McQueen l'utilisait beaucoup, moi je me suis beaucoup inspiré d'Alexander McQueen, il avait des artisans qui le faisaient très bien, donc c'est pas moi qui l'ai créé non plus, mais ça a relancé un peu la machine, il a envie en fait des gens de le faire, donc il le teste mais on peut vite voir que il n'y a pas vraiment de vie en fait dans ces plis il faut vraiment amener une vraie intention de poids en même temps, un tissu c'est léger et en même temps c'est lourd... Et en même temps, il doit être humide dans l'idée. Et donc, il faut penser à toutes ces choses. Et allez voir, ça a été beaucoup de montage et de démontage pour obtenir ça. Et maintenant, je pense que je le maîtrise déjà beaucoup plus. La robe de Zendaya était vraiment sur le bout. Parce que quand on a travaillé ces drapés, il y a eu trois looks qui étaient faits pour un défilé. Là, j'ai vraiment galéré. Ça a été très dur. Ça a été un passage très douloureux pour moi parce que je travaille vraiment beaucoup. Et ça ne fonctionnait pas toujours. Il y a des fois, c'est vrai que quand le stylus me disait... Non, là, tu vois, sur l'épaule, ça ne va pas. Franchement, j'ai envie de lui dire, mais... Tu fais plus. Bon, je ne sais plus. Mais bon, le soir, je pensais ça. Le lendemain matin, je revenais, je démontais tout. Et puis, j'étais reparti. Il fallait que ça fonctionne parce que moi aussi, j'ai envie de ça. C'est quand on est à bout. Mais moi, ça m'est arrivé plein de fois de pleurer dans l'atelier. Je le dis tout de suite. Ça me prend trop à cœur quand on nous dit... Il y a cette phrase magique qui dit Oui, mais on ne sauve pas des vies. Mais va te faire foutre. On ne sauve pas des vies. Mais ce que je suis en train de faire, c'est important pour moi. Et je veux que ça soit parfait. Et je veux être dans une condition comme si j'étais en train de sauver une vie. On ne peut pas faire des comparatifs comme ça. C'est trop facile, en fait. C'est un peu bizarre. Après, on peut comprendre que les crises qui sont dans la mode, où on dit non, mais attends, on va passer les délits, ça, je comprends. Mais après, quand on se défonce jusqu'à, peut-être presque jusqu'à notre santé pour faire quelque chose, mais on se donne à notre cause, c'est comme ça, en fait.

  • Speaker #0

    Et je pense qu'on a tendance à dire ça aux gens qui ne trouvent pas de sens. dans leur métier. Enfin, tu vois, moi, autour de moi, en l'occurrence, il y en a très peu qui sont dans l'artisanat. Enfin, je parle de mes proches proches, pas de ceux que j'ai rencontrés grâce à Histoire d'artisan, mais il y en a beaucoup qui font des métiers et vraiment, ça ne les intéresse pas vraiment et ils se tuent à la tâche, ils finissent à 22h, ils commencent à 8h et tu as envie de dire bah...

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, la phrase, elle était plus...

  • Speaker #0

    Ouais, enfin, je pense qu'en effet, la phrase... Moi,

  • Speaker #1

    je l'ai déjà entendue cette phrase et on me l'a déjà sortie et c'est vrai que je me suis déjà c'est pas normal mais c'est vrai que je vais parfois jusqu'à bout techniquement et physiquement en fait sur des choses, quand on finit par pleurer dans l'atelier je pense que c'est que tout seul le soir je pense que c'est que on a été peut-être un petit peu trop loin même physiquement, des douleurs ou des blessures, mais on a tous fait ça parce qu'on se donne à notre cause on se donne à 200% c'est pour ça que cette phrase je trouve que moi j'aime pas l'entendre parce qu'effectivement, moi, je me défonce comme si c'était... Je ne me défonce pas parce qu'il y a Beyoncé au bout. Non, c'est parce que c'est mon artisanat que je veux qu'il soit précis, qu'il soit parfait, qu'il soit en tout cas le plus possible. Je veux essayer de me donner en tout cas à fond pour que ça soit le maximum de ce que je peux donner. Comme un sportif, je pense qu'il va devoir aller jusqu'au bout, même aller chercher encore plus loin que l'énergie qu'il peut donner. Et je pense qu'il y a de ça, je pense, un petit peu là-dedans.

  • Speaker #0

    Oui, mais en t'écoutant, je me dis... en fait je pense que c'est très compréhensible de la part de n'importe qui que t'es envie d'avoir le geste parfait la finition parfaite, le rendu parfait en revanche il y a un aspect qui est rajouté toi dans ta pratique, c'est que tout ça doit être fait dans le rush à chaque fois et qu'en fait je pense que tu te mettrais pas je m'engage peut-être pas mais tu te mettrais potentiellement pas dans des états pareils si t'avais 3 mois pour le faire bien sûr,

  • Speaker #1

    ah oui, c'est sûr

  • Speaker #0

    Et en fait, le fait que tu pousses ton corps et ton esprit à bout est causé par le fait que tu es dans une situation où on ne te donne pas le choix de le faire dans un temps.

  • Speaker #1

    Oui, la présentation est dans trois jours. Il n'y a pas de... Les nuits blanches, c'est comme ça qu'elles se font. Ce n'est pas par plaisir, en fait, c'est sûr. Après, voilà, oui, il y a ce côté où on revient encore à l'artisan qui va faire son maximum, en fait. pour aller jusqu'au bout. Et le reste à côté, ce n'est pas grave. Mais j'en ai pris quand même conscience et c'est pour ça que maintenant, je freine un petit peu aussi. Parce que je n'ai plus envie. Les nuits blanches, je ne veux plus en fait. Les week-ends, je veux aussi retirer. Je veux passer du temps avec ma famille. Je veux aussi faire des choses pour moi. J'ai envie de vivre en fait. Parce que, qu'est-ce que je vais pouvoir apporter ? Je me sentais un peu au bout à un moment de ce que je faisais parce que je ne vivais plus à côté. Je n'y vais que dans l'atelier. Je ne pouvais même plus voir personne, même pas boire un café. Ce n'était pas possible. Je n'avais jamais le temps. Il y avait toujours quelque chose. Non, là, je ne peux pas. Je dois finir ça. Je dois finir ci. Et c'est sans fin. Ça pouvait être sans fin.

  • Speaker #0

    Et ça, c'était quand ?

  • Speaker #1

    Il y a deux ans, c'était encore là. Donc, le confinement n'a pas aidé ? Non, ça s'est accéléré, moi. Ah oui ? En fait, moi, quand on m'a contacté après cet épisode Covid et puis le confinement, on m'a dit, donc, les entreprises ont décidé de freiner. Nous, on va accélérer. Oui, parce que c'était aussi l'occasion pour les défilés. Il n'y avait plus que 10 marques qui défilaient. Si on fait partie des dix marques qui défilent, on se fait plus remarquer que quand il y en a 200. C'est logique. Et donc, j'ai fabriqué deux ou trois fois plus d'objets. C'est pour ça qu'il y a des gens qui me disaient Oui, ça a été difficile pour moi le confinement et tout. Je le comprends, mais moi, ça a été plus difficile, mais dans l'autre sens. Ça a été une orgie. Je fais des... Je ne vais pas raconter de bêtises, mais il y avait des bustiers drapés et les jucs, mais il y en avait, je ne sais plus, 17, je crois, ou 18, quand on a défilé. Plus des masques, plus des choses. Enfin, c'était une folie, c'était incroyable, quoi. Et c'est ingérable. Je veux cesser à la chaîne et j'ai plus de plaisir. Par contre, quand moi j'ai plus de plaisir, c'est fini, je dois arrêter. J'ai besoin de ressentir encore ce que je dois donner. Autrement, demain, autant que j'aille en production et travailler à la chaîne. Autrement, c'est pas la peine que je continue de faire ça.

  • Speaker #0

    Je pense que la grande difficulté, c'est de se rendre compte que t'as plus de plaisir.

  • Speaker #1

    Oui, il y a un moment où je ressentais plus. Le dernier vraiment défilé que j'ai fait, j'ai fait quelques petits boulots, parce qu'on va me dire, tu t'es pas arrêté. Il y avait Margiela récemment. Mais Margiela, ça a été fait sur 9-10 mois, le travail. C'était différent. On a travaillé complètement différemment. Ils ont compris le malaise qui avait été créé par toutes les entreprises autour. Ils voulaient quelque chose et ils ont été patients. Ils ont été réglo. Ils ont tout fait comme il fallait. Pour moi, je ne considère pas ça comme ça. Mais le dernier gros truc, c'était le défilé Balmain-Gautier. J'étais en train de m'apercevoir de faire des pièces complétées. complètement folle et que j'adorais. Et en même temps, je ne ressentais plus rien en les faisant. Je les faisais à la chaîne. Et là, je me suis dit, c'est fini, je suis foutu. Donc, j'ai préféré me détacher de ça pour pouvoir me préserver et essayer de le garder. Et puis après, si je peux le garder à travers mes pièces à moi, c'est peut-être encore mieux, je ne sais pas. Mais en tout cas, c'est bien pour moi.

  • Speaker #0

    C'est une très bonne transition vers la future question. Quelles sont tes envies et tes envies de projets futurs ?

  • Speaker #1

    Mes envies de projets futurs, c'est surtout déjà de fabriquer mes pièces et puis peut-être de les exposer, quand je retrouverai un lieu d'expo. On cherche à en dire des expositions. Voilà, donc déjà, ça serait de pouvoir refaire une exposition sur mon travail, j'aimerais bien. Parce qu'en plus, quand je fais les expositions, ce que j'aime bien, j'en ai fait qu'une, mais c'est d'être présent, enfin deux d'ailleurs pour le coup, avec Objet Sensuel, mais c'est d'être toujours présent sur place. Donc je peux échanger avec les gens et ça, c'est ce que j'apprécie. Enfin, en tout cas, c'est un bon final à mon travail de savoir, moi, j'ai toujours travaillé et après, c'est un coursier qui emmène les pièces et après, c'est terminé, elles n'existent plus. que là d'un seul coup j'ai le retour des gens on sait ce qu'ils en pensent j'adore cet échange c'est surtout ça, j'aimerais bien pouvoir montrer en tout cas mes créations mon travail et mon univers parce que j'ai aussi un univers à moi et pouvoir le présenter un petit peu plus largement ça serait vraiment mon futur on te le souhaite on te le souhaite beaucoup et du coup le mot de la fin qui est qu'est-ce que tu souhaites pour le futur des métiers du cuir ? pour le futur des métiers du cuir j'espère surtout Surtout que les écoles vont se ressortir un petit peu mieux. Je ne sais pas si l'éducation nationale peine vraiment à... Tout a évolué. Je n'arrive pas à comprendre actuellement que les écoles sont pleines et dans les entreprises, ils ne trouvent personne, en fait. Mais ils ne les prennent pas forcément. Alors, c'est assez étrange. Il y a quelque chose qui ne va pas. Maintenant, les entreprises ont compris. Ils font leur recrutement eux-mêmes, pour être sûr. Je ne sais pas s'ils font bien aussi. Je pense qu'il va falloir surtout éduquer et je pense que le plus important quand même, c'est de montrer nos métiers aux plus jeunes qui le connaissent, qui voient aussi toutes les possibilités qu'il y a derrière, parce que les possibilités sont infinies, que ce soit dans le cuir, dans le bois et tout ça. Qu'ils en aient conscience, parce qu'on a perdu ça, on ne sait plus ce qui est possible de faire. Et souvent, on ne connaît même pas les métiers. Et comme ça, pour qu'ils puissent se tourner plus tôt vers ces métiers surtout. et peut-être s'épanouir là-dedans. Parce que moi, j'ai cet exemple que quand même, j'aimais l'art, j'aurais voulu être artiste. J'ai commencé par sculpter, moi. Mais je n'ai pas pu faire les beaux-arts parce qu'on n'avait pas les moyens, c'était trop loin, des choses comme ça. Je n'ai jamais pu être artiste. Mais à travers mon travail, pourtant qui n'avait rien à voir, je fabriquais des sacs ou des ceintures et des choses comme ça. Petit à petit, actuellement, je m'aperçois que je peux quand même apporter quelque chose d'un peu artistique dans mon travail. Donc au final, j'y suis arrivé. En fait, j'ai quand même lié le tout. et réussi à faire ce que j'aurais aimé faire au début d'une autre façon, sur un autre médium, sur plein d'autres choses, mais je m'épanouis aussi comme ça. Donc tout est possible et surtout qu'il faudrait faire découvrir de plus en plus. Les podcasts sont là et ils sont très utiles, je pense, en tout cas pour les plus jeunes. Moi, je pensais qu'à un moment, ça intéressait beaucoup l'artisanat, les gens. On me disait, mais oui, mais on parle beaucoup d'artisanat. Maintenant, on ne parle plus que ça, que de l'artisanat. Oui, c'est très bien, les émissions sur TF1, de voir les usines Viton qui tournent et tout ça. Mais ça, ça plaît aux plus vieux qui, d'un seul coup, par nostalgie, se disent Tiens, ça me rappelle mon grand-père, ça me rappelle mon père qui faisait ça et tout. C'est très bien. Mais maintenant, les plus jeunes, il va falloir qu'ils soient plus intéressés. Et c'est là où j'étais. quand même content, c'est qu'à un moment, j'aime pas qu'on me parle que de Zendaya ou de Beyoncé ou tout ça, et on s'en fiche, mais ça aide en tout cas à avoir un pont, un lien avec les plus jeunes qui d'un seul coup, si je parle de Zendaya, on m'écoute, en fait, déjà. Donc quand derrière, j'ai eu plein de messages, il y a même des jeunes filles qui sont fans de Zendaya, qui ont des pages Instagram assez importantes et tout ça, et qui m'ont envoyé leurs dessins parce qu'eux, ils ont le fantasme de créer une robe pour Zendaya et me demander mon avis, si c'était sympa, si c'était bien et tout ça. Et je trouve ça assez touchant parce que, d'un seul coup, ils ont pu comprendre, à travers ce que j'avais fait, qu'il y avait derrière ces robes aussi un artisanat. En fait, il était derrière. Ça, c'est bien. C'est ce qu'il faudrait qu'on arrive à montrer. C'est que même à travers ce travail qui peut être superficiel aussi et qu'on peut mal critiquer, il y a quand même beaucoup d'artisans qui se défoncent et qui maîtrisent incroyablement leur métier. Dans tout le métier de la mode aussi, ils sont très nombreux. Et ces jeunes peuvent accéder à ça aussi. Et un jour, ils poseront peut-être les cristaux de la robe de Kardashian. Mais non, mais c'est toujours quelque chose qui peut être... Et si ça peut aider, pourquoi pas ? Au début, je trouvais ça bête. Et puis après, je me suis dit, mais non, ça nous permet au moins de parler de quelque chose. On parle au moins le même langage, ils nous écoutent. Et après, au final, ils sont quand même à l'écoute de ce qu'il y a autour et de ce qui a été fait. Ça peut peut-être être un bon lien aussi.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est un peu la cible secondaire, on va dire, de l'association. Mais j'ai un peu cette conviction qu'en montrant... l'innovation au sein des ateliers. Certes, on montre que l'artisan, ce n'est pas juste un faiseur, c'est aussi un ingénieur. Et on montre que c'est hyper créatif d'être artisan français aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Déjà, tout le monde amène, je pense, plus ou moins à un niveau différent, mais tout artisan amène des solutions tout le temps, tout le temps, tout le temps. On est toujours, de toute façon, sauf quand on nous demande quelque chose de précis et qu'on répète des gestes. Mais l'artisan lui-même dans l'atelier, il est tous les jours confronté à des problèmes et à devoir amener une solution à ça. Et après, si on a une passion ou un petit don dans le style, ou si on sait bien associer les couleurs, moi je pense que si on est fleuriste, ça va nous apporter quelque chose de plus. Si on est dans le milieu de la mode, on va pouvoir dire Mais tu sais, avec le mauve, moi j'aurais bien mis un jaune en dessous. Et on peut apporter quelque chose. Et moi, je ne pensais même pas, c'est pour ça que je reviens à ça, mais je ne pensais pas que de ce que j'aimais, la sculpture, l'art, j'aurais pu discuter un jour de ça et d'amener des idées quand même. Parce que ce n'est pas moi qui choisis les choses et tout ça, mais on amène notre pierre à quand même à déficier. On est quand même là, on est présent, on fait partie des projets. Et je suis assez fier de pouvoir faire partie de projets comme ça maintenant qui vont rester dans l'histoire. J'ai regardé des choses de Mugler ou d'Alexander McQueen. J'étais impressionné de McQueen quand je regardais les défilés, mais c'était incroyable pour moi et tout. Et là, quand j'ai eu ce défilé Margiela, je me suis dit, mais maintenant, t'en fais partie, en fait. Et c'est ça qui est dingue. Et ça nous transporte. Demain, bah oui, demain, le défilé est terminé, il va falloir que je retrouve quelque chose d'autre. Mais il y aura encore d'autres projets qui vont être là. Si on se donne et si on travaille, il y a toujours quelque chose à apporter. Et les plus jeunes qui sont quand même, là, on le voit, c'est que sur Instagram, ils sont extrêmement nombreux à suivre aussi des stars et des choses comme ça. Mais si un jour... Je ne sais pas, si tu rêves d'approcher de cette star, fais quelque chose que peut-être tu pourras lui vendre ou faire, je ne sais pas. Il faut essayer. Moi, c'est la première chose que j'ai fait avec la musique, en donnant des sangles de guitare à des musiciens. Parce que c'était ma petite excuse et au moins j'allais jusqu'au bout des choses. Et puis après, ça construit quelque chose forcément derrière. Donc oui, il y a plein de choses et il faut avoir une approche plus ludique en tout cas. Pas qu'ils aient que confiance du star system, parce qu'il ne faut pas non plus garder que ça. Mais en tout cas, il y a la possibilité de toujours travailler pour des gens qui peuvent aimer. C'est toujours bien. Moi, le jour qu'on m'a proposé, c'était un dimanche, quand on m'a annoncé Est-ce que tu voudrais travailler pour Björk ? Mais je me prostitue pour Björk. Je fais tout, mais tu ne me payes même pas. J'étais tellement heureuse de travailler pour elle. Je sais ce que c'est d'être fan. J'étais fan quand j'étais plus jeune et je trouve ça super. Il faut faire une continuité. J'étais un grand fan de la CDC et tout. Enfin, je suis toujours. J'ai tout collectionné. Je les écoutais constamment. Et quand j'avais 30 ans, je les ai rencontrés et je leur ai fait des sangles de guitare. Et si je n'avais pas fait ces sangles, je n'aurais jamais été les rencontrer. Donc j'ai réalisé mon rêve à travers mon travail. Parce que j'avais cette excuse, je me serais dit que je me serais retrouvé devant, qu'est-ce que je vais leur raconter, j'ai écouté tous vos albums, super. Mais rien que la rencontre, et là ça me donnait une excuse, et puis aussi de donner ce que j'étais capable de faire, et ce que je pouvais être fier de faire. C'est magique et j'ai vécu plein de moments comme ça. Et pourtant, j'ai un lycée professionnel, il faut avoir envie, et il faut toujours croire en ses rêves, parce que ça se fait toujours un petit peu. Et moi, j'en ai réalisé énormément. C'est vrai que c'est chouette. Et c'est pour ça que même s'il y a eu des difficultés, comme vous pouvez écouter dans le podcast de Raphaël juste avant, il y a des difficultés dans tous les métiers, c'est vrai. Là, je les avais mis un petit peu en avant, mais il y a plein de choses super aussi. On vit des choses complètement extraordinaires aussi, et des choses uniques. Ça, c'est vrai.

  • Speaker #0

    C'est un très beau mot de la fin. C'est génial, trop bien. J'adore quand tu finis les épisodes comme ça, tout positif. Trop chouette. Eh bien, merci beaucoup, Robert. Merci pour ton temps.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Parce que ça fait déjà un bout de temps que je te débranche à ta maison. Donc, merci vraiment beaucoup pour ton temps. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Robert Mercier vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes du podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.

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