- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans mon atelier.
- Speaker #1
Bienvenue dans Histoire d'artisan. Je suis Lisa Mignet et je serai votre guide dans l'exploration de l'artisanat d'art. Histoire d'artisan est l'association qui sensibilise les entreprises au rôle majeur de l'artisan d'art dans l'innovation et accompagne les artisans d'art dans la valorisation de leurs recherches. Ce podcast est le reflet d'un univers merveilleux et riche avec lequel collabore Histoire d'artisan. Dans ce deuxième épisode avec Valérie Tanfin, Plumassière, nous parlons des maisons connues et reconnues dans le monde de la plumasserie, des formations pour ce métier et de la transmission. Nous abordons également l'étiquette d'artisan d'art et de ce que cela implique dans l'imaginaire collectif. Bah l'écoute ! Bonjour Valérie et merci de m'accueillir dans ton atelier. Valérie, tu es plumassière et je suis ravie de pouvoir faire découvrir ce métier parce qu'on l'a vu dans l'épisode précédent, vous n'êtes qu'une centaine en France. Et c'est donc un savoir-faire rare, d'autant plus que Valérie, tu es toulousaine et j'aime beaucoup mettre en avant les artisans toulousains, ma région de naissance. Valérie, je te propose qu'on commence par la première et sans doute la plus longue des questions. Est-ce que tu peux nous raconter ton histoire, s'il te plaît ?
- Speaker #0
Oui, si vous avez un moment.
- Speaker #1
On est là pour ça.
- Speaker #0
Alors, mon parcours, moi j'ai commencé en fait... par une seconde, par partir en seconde option art plastique à Toulouse. Et je me suis rendue compte que j'avais envie de faire quelque chose d'artistique, mais que je ne savais pas du tout où ça allait me mener. Je ne voyais pas bien ce que je pouvais faire de ce bagage-là. Ça a été très abstrait. J'avais besoin d'être dans le concret. Donc, je me suis renseignée pour intégrer une formation professionnelle dans un lycée professionnel, ce qui n'était pas forcément bien vu dans ma famille. On peut le dire.
- Speaker #1
On connaît ces familles-là.
- Speaker #0
Voilà, mais comme dans beaucoup de familles, en fait. C'est surtout à un moment où le professionnel n'était pas du tout valorisé. Je pense que c'est en train de changer, heureusement. Du coup, j'ai quand même fini mon année deux secondes laborieusement. Et je me suis inscrite dans un lycée professionnel pour faire de la couture. Donc, j'ai passé deux ans à préparer un BEP métier de la mode en couture floue. En couture floue ?
- Speaker #1
c'est quoi couture ?
- Speaker #0
en fait couture floue c'est tout ce qui va être axé ensuite pour partir vers la haute couture faire des finitions à la main faire des choses très à la main je sais pas trop comment l'expliquer mieux pas de machine ? il y a bien sûr la machine mais avec de la finition c'est pour des choses plus qualitatives que ce qu'on peut trouver en magasin lambda donc j'ai passé mon BEP ensuite j'ai continué dans la voie de la couture moi j'avais quand même une passion pour la couture pour le monde du spectacle, à la base. Donc, je me suis spécialisée avec un diplôme de technicien des métiers du spectacle, pour faire de l'habillage et de la couture. Donc, dans le monde du spectacle vivant, ça peut être cabaret, théâtre, cinéma, enfin, voilà. Donc, j'ai passé deux ans à préparer ce diplôme. J'ai eu la chance de faire pas mal de stages, en fait. Vu que c'est une formation professionnelle, on doit être en entreprise et on apprend un métier. Je veux dire, on est dans quelque chose de concret. Donc moi, j'ai eu la chance de faire mes stages dans des cabarets dans la région toulousaine. Et là, j'ai découvert la plume. Et je me suis dit que c'était quelque chose qui m'attirait bien. Déjà, la matière en elle-même, je l'ai trouvée fabuleuse. Et en plus de voir comment on pouvait habiller le corps avec des plumes, ça m'a vraiment plu. C'était vraiment...
- Speaker #1
Tu as le droit de faire un jeu de mots ? Oui. Ça t'a vraiment plume ?
- Speaker #0
C'est ça !
- Speaker #1
T'as le droit de pas rigoler. Ah pardon, je n'étais plus que dans ça. Donc ça t'a vraiment plu ? Oui,
- Speaker #0
du coup, ça m'a vraiment plu. Et bon, voilà, dans les cabarets, c'est quand même souvent les femmes qui sont parées de plumes. Et je trouvais que c'était vraiment une belle façon de sublimer le corps. Et puis sur scène, ça fait un effet fou. Ça a vraiment quelque chose de magique, ces grandes parures, ces choses comme ça. Du coup, je me suis dit qu'il fallait que je trouve comment on accédait à ça. À ce moment-là, je ne savais pas encore que c'était un vrai métier. avec un diplôme, avec toute une formation qui va avec. Donc, je me suis renseignée un peu. J'ai eu la chance de faire mon dernier stage d'études au Moulin Rouge. Et là, du coup, ça a fini de me convaincre, parce qu'on est quand même dans le temple de la plume. Et je suis allée rencontrer la Maison Février pour aller leur poser des questions.
- Speaker #1
Il y a la maison.
- Speaker #0
Il y a la maison qui crée les costumes de Music Hall depuis 1929, si je ne dis pas de bêtises, dont ceux du Moulin Rouge. Donc Moulin Rouge, mais ils ont aussi travaillé pour beaucoup d'autres maisons. Et donc, je suis allée rencontrer Edith, qui gérait la Maison Février à ce moment-là, et qui m'a tout expliqué. Ça a vraiment été la rencontre qui a été déterminante. Enfin, rien que d'en parler, en fait, ça me...
- Speaker #1
Ça t'émeut ?
- Speaker #0
Ouais, ça m'émeut, parce que c'est aussi grâce à elle, en fait. Parce qu'elle m'a expliqué que c'était un métier exigeant. Moi, je suis arrivée... Enfin, j'avais 19 ans. Je suis arrivée un peu toute neuve, la fleur au fusil, à savoir comment... Qu'est-ce qu'il fallait faire ? Je me suis dit... Elle m'a tout expliqué sur les plumes, elle a répondu à toutes mes questions, elle m'a expliqué que c'était un métier qui est exigeant, qui est très confidentiel aussi. Moi, innocemment, j'ai demandé bon, est-ce que vous embauchez ? Elle m'a dit non, non, non Ça marche pas comme ça. Il y a un seul établissement en France qui forme à ce métier-là et qui diplôme pour ce métier-là. C'est le lycée Octave Feuillet, qui est à Paris. Donc elle m'a dit, faites votre formation, vous obtenez votre diplôme, et puis après, on en parle. Bon, je suis partie à Paris. Voilà, j'ai été reçue pour faire ma formation en tant qu'apprentie. Donc j'ai intégré la Maison Lemarié en tant qu'apprentie pendant deux ans. J'ai appris mon métier dans la haute couture, parce que la Maison Lemarié appartient Chanel, donc elle travaille pour Chanel mais pour toutes les... On en a parlé tout à l'heure dans l'autre épisode, toutes les autres maisons qui n'ont pas leur plumassier en interne. Et là, j'ai découvert en fait le monde de la haute couture. Je ne connaissais pas du tout. Alors là, j'ai découvert un monde parallèle. Vraiment. Et vraiment, j'ai découvert l'exigence du métier. J'ai découvert le... Vraiment, le fait d'avoir des gestes qui sont précis et qui sont précieux surtout. Je ne sais pas trop comment l'exprimer, mais... Voilà, j'ai appris toutes les techniques. Alors, je les ai apprises à l'école. J'ai eu la chance d'avoir Nelly Saunier, qui est la grande plumassière de France et d'ailleurs. J'ai eu la chance de l'avoir comme professeure. J'ai eu la chance d'être formée dans la maison Le Marier, qui n'est pas en reste non plus niveau technique magnifique. Voilà, donc j'ai appris mon métier dans ces conditions-là. La haute couture, ce n'est pas un monde facile. Moi, après mes deux ans d'apprentissage, j'ai décidé de ne pas rester parce que... Ça ne correspondait pas à la vie que j'avais envie de mener. C'est beaucoup, beaucoup d'heures de travail. C'est des délais toujours plus courts. Alors, c'est très grisant quand t'es dedans. Mais voilà.
- Speaker #1
C'est énergivore.
- Speaker #0
Ouais, ouais, tout à fait. On vit que pour son métier. Alors, c'était très bien pendant deux ans et j'ai adoré faire ça. Mais j'avais envie de faire autre chose. Donc, j'ai décidé de ne pas poursuivre avec eux. Puis, j'avais envie aussi de retourner à mes premiers amours, il faut le dire. donc je suis allée retaper à la porte de la maison Février et donc j'ai re-rencontré Edith et voilà j'ai dit est-ce que maintenant vous embauchez ? donc ça en est suivi voilà beaucoup d'entretiens de discussions, il y a eu beaucoup d'étapes et j'ai été embauchée dans cet atelier où on était quatre et j'ai appris vraiment une autre facette de mon métier rien à voir avec tout ce que j'avais fait depuis le début, toujours la même minutie toujours l'amour du travail bien fait vraiment... Je reviens toujours sur ce mot d'exigence, mais c'est vraiment ça, c'est un métier qui est très exigeant. Et donc voilà, j'ai passé du temps dans la maison de février à apprendre ces nouveaux gestes, travailler avec des nouveaux outils, parce que dans l'autre couture, on travaille avec des outils très fins, très petits, des pinces, un peu comme des pinces à épiler, des petits ciseaux, des choses comme ça. Quand on est côté musical, on travaille avec des grosses pinces de travaux, quoi.
- Speaker #1
Ah ouais ? Comment ça se fait ?
- Speaker #0
Mais parce qu'on coupe des tiges métalliques, on a besoin de pinces à écraser, de pinces coupantes. L'outillage n'est pas du tout le même parce qu'on ne travaille pas de la même manière. Et je suis très, très heureuse et puis fière d'avoir pu apprendre toutes ces techniques. Ça fait qu'aujourd'hui, moi, je me retrouve avec une formation à mon métier qui est complète. Et je suis ravie parce que je peux l'utiliser. Donc aujourd'hui, au sein de mon atelier, c'est très bien, ça va me faire ma transition. Parce que suite à mon expérience chez Maison Février, je suis revenue dans le Sud-Ouest, je suis revenue à Toulouse parce que, voilà, à un moment donné, la question se pose de si on a envie de faire sa vie sur Paris ou pas. Moi, la réponse était que j'avais envie de revenir sur Toulouse. Donc, j'ai monté mon atelier en 2015 à côté de Toulouse. Et dans mon atelier, en fait, je peux utiliser tous ces savoir-faire. Je peux les mélanger. Je fais beaucoup de décoration d'intérieur maintenant. Et j'utilise autant des techniques cabaret que des techniques haute couture dans mes créations. Et ça, ça offre... Un panel de possibles, mais c'est infini. C'est infini.
- Speaker #1
Tu es restée combien de temps à la Maison Février ?
- Speaker #0
Je suis restée deux ans à peu près.
- Speaker #1
D'accord. Et dans la formation, puisque tu faisais justement une centaine de plumassiers en France, dans la formation, vous étiez combien dans la classe ?
- Speaker #0
On était les deux niveaux confondus. On était 10, 12.
- Speaker #1
Ah ouais. C'est des mini-classes.
- Speaker #0
C'est des toutes petites classes. En plus, c'est un CAP. Donc, c'est une sortie de troisième. En cursus logique, des jeunes filles qui sortent de 3e et qui font cette formation-là, il n'y en a pas beaucoup qui poursuivent dans la plume. Souvent, elles vont continuer leur cursus, se former souvent dans la couture, dans le chapeau, continuer à se spécialiser. Et moi, sur l'année où j'y étais, on était trois apprentis.
- Speaker #1
D'accord. Il n'y a que un CAP. Il n'y a même pas de diplôme national des métiers d'art.
- Speaker #0
Non, parce que l'offre... Il y a de plus en plus de gens qui aimeraient se former à ce métier. Peut-être que ça évoluera, mais ça n'a pas l'air parti pour, pour l'instant. Mais il n'y a pas non plus 50 000 débouchés, en fait. Parce que les maisons, elles embauchent pas tous les quatre matins non plus. Alors on peut aller y travailler en freelance ou en intérim, mais voilà, si on veut un poste fixe de plumassière dans une grande maison, ça ne se présente pas tous les jours. Et après, sinon, c'est être à son compte. Et là, c'est une autre paire de manches aussi.
- Speaker #1
Tout à l'heure, quand on parlait off-postcast, tu disais je suis très heureuse d'être seule dans mon atelier et de travailler, entre guillemets, pas que pour toi Mais est-ce que tu as aujourd'hui une réflexion sur j'ai envie d'embaucher, j'ai envie de… ou est-ce que tu en as le besoin même ?
- Speaker #0
Alors, je commence à en avoir le besoin, oui, parce que la demande est de plus en plus importante, donc c'est génial. Alors, j'adore travailler toute seule parce que c'est mon moment, c'est mon espace. Mais j'aime aussi travailler en équipe. Parce qu'on n'est pas sur les mêmes projets, on n'est pas sur les mêmes dynamiques. Mais voilà, il faut un peu des deux. Ce que je voulais dire, c'est que j'ai surtout envie de transmettre à mon tour. Et ça, de toute façon, dans nos métiers, c'est le passage obligé. Enfin, je veux dire, on ne peut pas faire un métier d'art sans envisager de le transmettre. Ça, moi, c'est un truc que je n'envisage pas. Donc, j'y réfléchis de plus en plus. Après, il faut trouver la personne à qui on a envie de transmettre, la façon de le faire. Voilà, est-ce que c'est un apprenti ? Est-ce que c'est un employé ? Est-ce que c'est un élève maître d'art ? Il y a plein de façons de faire. Il faut voir comment. Donc, c'est vraiment une vraie question que je me pose en ce moment. Moi, je n'ai pas envie de choisir quelqu'un par déco parce qu'il a moins de 25 ans. Alors que s'il y a quelqu'un qui en a 30, qui a un super parcours et qui a envie, je crois que ça va plus être...
- Speaker #1
À la rencontre.
- Speaker #0
Oui, la personne que je vais rencontrer et qui est motivée pour ça et puis pour continuer au moins quelques années ensemble. Le but, ce n'est pas de former quelqu'un et qui...
- Speaker #1
Et qui s'en aillent.
- Speaker #0
Et qui s'en aillent très rapidement. C'est de faire perdurer, de faire grossir l'atelier aussi. Je n'ai pas envie d'avoir 50 employés, ce n'est pas ça. Mais voilà, ça permet de prendre des projets de plus grande envergure aussi. Ou dans des délais plus courts. Donc, c'est important aussi.
- Speaker #1
C'est une excellente transition sur les typologies de projets. Tu travailles sur quels projets, toi ?
- Speaker #0
Alors, je travaille sur plein de choses différentes. Et ça dépend vraiment des périodes de l'année. En fait, c'est rigolo parce que ça s'organise un peu tous les ans de la même manière. Alors, en janvier et juin, il y a les défilés haute couture, que je ne fais pas en ce moment, mais que j'ai fait pendant longtemps. Ça reviendra, j'espère. J'aimerais bien tourner. Donc ça, c'est des projets sur lesquels je vais sur place. Je vais dans la maison de mariée. Je vais travailler avec leurs équipes en freelance. La période de l'été et avant Noël, c'est les projets pour le spectacle vivant.
- Speaker #1
D'accord. Est-ce que je voulais te demander, tu continues de bosser en free pour le spectacle ?
- Speaker #0
Oui, toujours. Toujours, en fait, ça va être soit des cabarets, soit des théâtres pour leur représentation de fin d'année ou pour leur nouveau spectacle de la rentrée. C'est à peu près l'été et le mois de décembre. Et après, moi, je fais tout ce qui est ma partie création pure. Moi, je décide de la pièce que j'ai envie de créer. Donc ça, je fais ça toute l'année. Je prends aussi des projets de restauration de pièces anciennes.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Donc, j'ai travaillé pas mal avec le musée de la mode de Albi. Je travaille pour des particuliers aussi, qui ont des pièces de collection. Là, récemment, j'ai restauré un éventail tout en perroquet. Donc, un vieil éventail des années 1910.
- Speaker #1
Et comment tu fais dans ce cas-là si justement tu n'as plus le droit d'utiliser les plumes ?
- Speaker #0
Eh bien, j'ai la grande chance d'être tombée sur des clients qui ont gardé toutes les plumes qui sont tombées de l'éventail.
- Speaker #1
Ah ouais.
- Speaker #0
Donc, en fait, ils m'ont tout donné. Et moi, je leur ai expliqué que je ne fournissais pas de matière. que j'allais faire au mieux pour restaurer, pour pas qu'il y ait de trous, de choses comme ça, mais que je fournissais pas du tout de matière. Et donc j'ai fait avec tout ce qu'ils m'ont fourni. Et le résultat était vraiment incroyable. C'était vraiment un super, super travail. Parce qu'on se dit, c'est un morceau de notre patrimoine, du patrimoine de mon métier aussi, de se dire que c'est une autre plumassière qui l'a fait avant moi, voir comment elle s'y est prise. La restauration, ça a ça de génial, je trouve. C'est qu'on ne fait pas de la remise à neuf. Ce n'est pas le but. Le but, c'est de faire quelque chose d'assez harmonieux, joli, discret, réversible, pour que la pièce puisse continuer à traverser les siècles. Espérons les siècles, en tout cas les années. Et voilà, c'est rajouter sa patte à un petit morceau d'histoire. Et alors ça, moi, j'adore. J'adore, c'est génial.
- Speaker #1
Je comprends, parce que... Ton métier est issu de cette histoire et tu ne peux pas...
- Speaker #0
Je ne peux pas passer au travers. Donc voilà, c'est aussi une partie de mon métier.
- Speaker #1
On ne l'a pas abordé dans l'épisode précédent, mais tu as parlé de plume à cierre. Tu peux nous expliquer pourquoi plume à cierre ? Pourquoi tu dis que cet éventail a été fait par une plume à cierre ?
- Speaker #0
Parce qu'on est dans un métier majoritairement féminin. Vraiment, mais de toujours, c'était vraiment dans les ateliers, c'était des rangées de femmes autour des tables pour travailler les plumes. Et encore aujourd'hui, alors il y a quelques hommes, et j'espère qu'il y en aura de plus en plus. Donc pour un homme, on dit plumassier, mais on est davantage de femmes à faire ce métier-là.
- Speaker #1
Je pense que c'est un des rares métiers où c'est le cas. C'est que tapissier d'ameublement, il n'y a pas la féminisation du nom. Avant, c'était des métiers d'hommes, mosaïstes, pareil. C'est un des rares métiers où j'ai entendu dire que c'était très féminin.
- Speaker #0
Oui, de tous les mots. Et ça a l'air de continuer comme ça. Je ne sais
- Speaker #1
Très chouette, en tout cas, cette partie rénovation. En effet, ça doit être émouvant d'avoir ce rapport à l'histoire directement dans tes mains. C'est vrai que je n'y aurais pas pensé, mais c'est le cas chez les vitraillistes et les mosaïstes qui ont très souvent à travailler sur des pièces anciennes. En plume à cerise, je n'y aurais pas pensé.
- Speaker #0
Oui, non, ce n'est pas ce qui nous vient en premier, en fait. Alors qu'on a vraiment beaucoup de pièces en plume. Au XIXe, on ne portait que ça, même avant. Mais en tout cas, les pièces qu'on a, c'est... souvent 19e, début 20e, et on a beaucoup, beaucoup de chapeaux, de parures, même de chaussures, des tenues de soirée, des choses comme ça. Il y a des choses à restaurer. Après, c'est un métier qui est quand même rare, même si on en entend de plus en plus parler, mais on se dit rarement qu'il y a un métier spécialisé dans la plume, en fait. On n'y pense pas forcément. On se dit que c'est les couturières qui le font, ou autres, mais non, on a un vrai métier.
- Speaker #1
On a un vrai métier. Est-ce que tu aurais une anecdote, Valérie, à nous raconter sur ton métier ?
- Speaker #0
Alors, oui, j'ai beaucoup cherché.
- Speaker #1
C'est marrant, c'est souvent la question un peu piège.
- Speaker #0
C'est difficile comme question parce qu'il y en a plein des anecdotes. Après, des choses... Là, pour le coup, c'est un... projet vraiment marquant et émouvant et qui a demandé beaucoup, beaucoup de travail, c'est quand j'étais apprentie, on a travaillé pour une collection pour Louis Vuitton. C'était Marc Jacobs qui était à l'époque chez Louis Vuitton. Et on a fait trois robes avec un motif de dentelle. Donc on a reporté un motif de dentelle, mais tout en plume. Donc on a recréé complètement le motif. Donc c'était des robes, je veux pas dire de bêtises, en tissu transparent, ça devait être de l'organza ou quelque chose comme ça. Et donc, il y avait tout cet effet de transparence et du motif de dentelle en plume. Donc, c'était un travail énorme. On a passé des heures et des heures et des nuits et des jours sur ces projets. C'est ma journée de travail la plus longue. C'est la journée de travail la plus longue que j'ai jamais faite. Ça a duré 19 heures. Fiche de badge à l'appui. Ouais. Et ça a été très intense. Ça a été fabuleux parce qu'il y a des liens qui se créent avec les équipes. Déjà, l'atelier de plumasserie dans lequel j'étais, on était une petite famille. Mais encore plus quand on travaille la nuit ensemble, il y a vraiment une autre ambiance. Et donc, c'était vraiment, vraiment fabuleux. On a terminé le travail. Ça devait être 7h du matin. On est partis livrer les robes pour le défilé, faire les dernières retours. Je suis partie avec une... Une collègue à moi, qui est une amie, on s'est retrouvés dans les... Donc on était toutes jeunes, on était apprenties, on avait 20 ans. On s'est retrouvés dans les coulisses du défilé Louis Vuitton, avec tous ces mannequins, avec Marc Jacobs qui était là. C'est quelque chose d'incroyable quand on a 20 ans. Et qu'on ait les petites mains, nous. Donc c'était fou de se retrouver là. Donc on a fait nos dernières retouches, on a fait tout ce qu'il fallait. Et on a... Donc, on est resté en coulisses, mais on a vu le défilé sur les écrans, dans les coulisses. Et là, on a pleuré. Tout simplement, trop d'émotions, trop de pression qui redescendent. De fierté aussi, de voir que son travail défile. En plus, l'une des trois robes était portée par Kate Moss. C'est pas rien. Ça fait pas tout, mais c'est pas rien. Et voilà, c'est vraiment le... Un projet qui a été très, très marquant pour moi.
- Speaker #1
Est-ce que tu es capable de compter le nombre de cafés que tu as pris en 19 heures ?
- Speaker #0
Oh non, moi, je ne bois pas de café, mais non, mais vraiment, enfin... Il faut tenir le coup.
- Speaker #1
Mais surtout, c'est un métier hyper minutieux. Tu n'as pas fini par loucher à la fin. Bien sûr.
- Speaker #0
On finit par loucher, on finit par rire pour rien. En fait, on a des crises de fou rire parce qu'on est très fatigué. Et c'est là que c'est important d'avoir une équipe, en fait. Et une équipe avec qui on s'entend bien et qui se soutient. Quand il y a des coups de blues, il y en a toujours une pour remonter le moral. Et ça fait... Il n'y a pas que la pièce, en fait, dans l'histoire. tout ce qu'il y a autour. C'est fabuleux. Et on sait que quand on travaille sur des projets comme ça où on sait qu'on va passer la nuit, on vient travailler en jogging et presque en pyjama pour être bien, pour être à l'aise.
- Speaker #1
J'allais te dire, t'as pas mal aux jambes à la fin.
- Speaker #0
On a mal partout. On a mal au dos, on a mal aux épaules, aux yeux.
- Speaker #1
En plus, tu dors trop mal dans ces cales après parce que t'es tout tendu, non ?
- Speaker #0
Alors, moi, dans ces cas-là, en fait, quand il y a des gros projets comme ça, je dors peu. Et en plus, je rêve. Ça va paraître très bizarre, mais je rêve de ce que je fais. Donc, en fait, quand je dors, je rêve que je travaille sur la pièce.
- Speaker #1
Ah non, mais ce n'est pas du tout étonnant.
- Speaker #0
Je ferme les yeux, je vois des plumes. Et du coup, c'est très fatigant. Parce qu'on ne déconnecte jamais. On ne déconnecte jamais.
- Speaker #1
Ah oui, je pense que ça prend plusieurs jours à déconnecter et à vraiment se reposer. C'est ça.
- Speaker #0
Le cerveau, il ne déconnecte jamais. Oui.
- Speaker #1
Ouais, ouais, c'est clair. Il était focalisé sur une tâche pendant des heures et des heures. Il n'a pas le temps de passer à autre chose. Et bien, c'est très chouette comme anecdote. Outre le fait que tu as bossé sur un très, très beau projet, c'est aussi une anecdote humaine, dans le sens où vous avez fait ça plusieurs et vous êtes soutenue. Donc, c'est une très chouette anecdote. Est-ce que tu peux nous raconter un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et potentiellement tu as dû aller chercher des procédés un peu innovants pour atteindre ton objectif ?
- Speaker #0
Alors, oui, il y a un projet où j'ai vraiment fait de la recherche. L'innovation, moi, c'est un terme que je n'associe pas forcément à mon métier parce que j'utilise des gestes qui sont anciens, qui sont toujours les mêmes. Je ne suis pas sûre que l'innovation, ça se prête à ce que je fais, mais en tout cas, le terme de recherche, oui, c'était sur une restauration, justement. On en a un peu parlé tout à l'heure, mais voilà. Donc, restaurer une pièce, c'est vraiment prendre en compte toute l'histoire de la pièce, tout le temps qu'elle a traversé et tout ça. Moi, j'ai eu la chance de travailler sur une ombrelle qui était entièrement recouverte de plumes de poule, qui datait des années 1800, fin 1800, et qui est... étaient blanches et violettes. Depuis fin 1800, on peut imaginer que le blanc n'était plus très blanc. Le violet, un peu passé par endroits, c'est normal, elle n'était pas toute jeune. Et il y avait des gros manques de plumes, surtout sur le haut et puis à quelques endroits sur l'ombrelle. Et donc là, en fait, moi, mon travail, ça a été de trouver une solution pour combler ces manques sans que ça se voit. Parce qu'il ne s'agit pas de venir faire une... tâche de propre en fait. Il s'agit de fondre vraiment mon travail à celui qui a été fait avant. Donc il a fallu que je fasse beaucoup d'essais de teinture pour en fait retrouver ce blanc un peu sali. Donc j'ai essayé de teindre avec mes teintures classiques. J'ai essayé avec du thé, j'ai essayé avec plein de choses différentes pour essayer de coller au plus possible à ce coloris blanc sale. Pour le violet pareil, il fallait trouver une teinte qui soit pas trop forte. et qu'ils soient dans les mêmes tons. Donc j'ai passé vraiment beaucoup de temps à faire des recherches de teinture pour au final trouver quelque chose qui me convenait. Et après, ce qu'il a fallu faire sur cette ombrelle, c'est de mélanger tout ça. Donc c'était tout un travail de collage. Donc on imagine que je ne peux pas laver l'ombrelle, c'est collé dessus. Donc il a fallu que je vienne décoller des plumes à des endroits pour en mettre des neuves et mélanger comme ça. En fait, faire des petites zones un peu neuves, un peu anciennes, pour que ça se fonde. le plus possible et pour avoir un effet ancien mais en bon état. Donc ça, c'est vraiment un des projets qui m'a demandé je pense, le plus de recherche et de travail en ce sens-là. Et voilà, il ne faut pas détériorer la pièce non plus. Elle était toute en soie, cette ombrelle. Le dessous était très abîmé, donc il y a beaucoup de précautions pour la manipulation. Voilà, il y a beaucoup de choses qui rentrent en ligne de compte.
- Speaker #1
Je trouve ça très chouette parce que c'est... Je trouve ça très intéressant de montrer qu'en fait, quand il y a des gens qui viennent dans votre atelier en vous demandant un service, parfois c'est très difficile de faire un devis avant d'avoir fait la recherche, parce que justement vous avez besoin de faire des tas de tests pour arriver à faire ce devis. Et c'est d'ailleurs le concept du prototypage. Et moi je dirais qu'un de mes chevals de bataille c'est de dire, mais arrivons à faire confiance à l'artisan pour se dire, il n'est pas là. pour m'arnaquer, il est là pour atteindre le même objectif que moi c'est à dire rénover cette pièce il faut vraiment je pense arriver à faire confiance à l'artisan en disant bah moi j'ai je vais passer potentiellement x temps sur de la recherche si au bout de x temps j'ai pas réussi bah je vous contacterai peut-être pour vous dire j'ai toujours pas atteint mon objectif en fait ce qui me dérange c'est que toute cette partie recherche est potentiellement Est-ce que tu t'es fait rémunérer pour toute cette partie recherche ? Est-ce que ton client a dit Ok, je sais que ça va prendre des jours et des jours pour retrouver exactement ce blanc cassé, passé Est-ce qu'il a accepté de te rémunérer ou au contraire, est-ce que tu as eu du mal à valoriser toute cette partie recherche ?
- Speaker #0
Moi, je l'intègre dans mon taux horaire.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Je prends en compte dans mon taux horaire que je vais avoir de la recherche à faire. Si je vois que ça prend 15 jours au lieu de 3 parce que je m'y prends mal, bien sûr que je ne vais pas le facturer. D'accord. Je ne facture pas mon incompétence, mais ce n'est pas ça. Mais des fois, on s'y prend mal et une fois qu'on a trouvé la bonne façon de faire, ça va beaucoup plus vite. Oui. Donc, si je vois que j'aurais pu aller plus vite, je ne vais pas lui facturer les heures que j'ai passées à galérer. Mais je compte dans mon taux horaire ce temps de recherche, oui, parce qu'il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas pris en compte. C'est du travail. C'est beaucoup de travail.
- Speaker #1
C'est beaucoup de travail. Et c'est un travail qui ne peut être fait par personne d'autre qu'un plumassier ou une plumassière qui s'est spécialisée notamment dans la teinture. Parce que toi, tu m'expliquais avant qu'on enregistre que c'est chez Maison Le Marier que tu avais fait un...
- Speaker #0
Oui, j'étais apprentie plumassière teinturière.
- Speaker #1
Oui. C'est nécessaire de dire, mais en fait, j'ai un savoir-faire. Vous le trouverez chez très peu de personnes. Ça a un coût parce que je vais passer du temps pour votre projet et ce ne sera pas du temps que je passerai sur un autre projet.
- Speaker #0
Oui, mais ça, après, ça s'explique en fait. Oui, bien sûr. Moi, je l'explique à tous mes clients et je leur dis comment je travaille. Justement, sur le fait qu'on n'est pas là pour les arnaquer, ça, je leur dis régulièrement. C'est que moi, je fais mes devis au plus juste. Pour eux, pour moi, on est là pour faire quelque chose de beau ensemble. Voilà, je veux dire, après, c'est du commerce, ça reste du commerce. Donc, il faut que chacun y trouve son compte. Mais moi, j'explique tout le temps que je passe sur les pièces, toutes les étapes, parce qu'on ne se rend pas compte sinon. Si on ne connaît pas le métier, on ne peut pas se rendre compte qu'il y a autant de temps. La plumasserie, par exemple, c'est un métier dans lequel on a énormément de préparation de la matière. On a un temps. infinie en préparation de matière. Le fait de coller ou de monter des plumes, c'est pas s'il y a de plus long de les mettre sur l'œuvre finale. C'est vraiment de sélectionner sa matière, de la teindre, de la découper, de la trier. Ça, c'est... Ça peut être 50 ou 60% du temps. Et ça, il faut le faire comprendre au client. Et s'il le comprend tant mieux, et s'il le comprend pas, tant pis, c'est que c'est pas mon client.
- Speaker #1
Mais de toute façon, je pense qu'en lui expliquant, tu démontres aussi ton savoir-faire.
- Speaker #0
Oui, bien sûr.
- Speaker #1
En lui disant, je vais faire telle étape, telle étape, telle étape, ça va me prendre tant de temps parce que ci, parce que ça. Donc, c'est tant. Tu ne lui dis pas, regardez-moi comme je suis chère. Tu lui dis, regardez-moi comme je supporte.
- Speaker #0
Oui, comme je sais faire et comme je sais où je vais, bien sûr.
- Speaker #1
C'est un problème généralisé de... Encore une fois, c'est un sujet qu'on a abordé en dehors de l'enregistrement, mais des gens qui font quatre jours d'un métier et qui se collent une étiquette de je suis devenue ça. Non, il faut arrêter. Enfin, vraiment, vous faites du mal à la profession, quoi. Malheureusement, c'est des métiers qui ne sont pas encore assez réglementés, je trouve.
- Speaker #0
Je ne sais pas si c'est une question de réglementation. En tout cas, ça paraît tellement accessible que tout le monde pense pouvoir s'improviser, alors que ce soit plumassier ou un autre métier, mais tout le monde pense pouvoir s'improviser professionnel. Mais c'est une chose de faire des créations pour soi et pour le plaisir. Et d'en faire son métier où on ne fait que ça, où on a tout le panel de... On en parlait, tout le panel de techniques qui va avec, en fait. Et d'avoir aussi, justement, toute cette connaissance pour répondre aux clients, pour dire, ben voilà, moi j'ai des clients qui viennent avec des croquis de ce qu'ils veulent. Et ben, en tant qu'artisan d'art, mon rôle, c'est de les conseiller techniquement, de trouver des solutions techniques. Et de leur dire, ben ça va être cette plume ou cette plume qui va correspondre, cette technique. Et ça, ça ne s'improvise pas, ça s'apprend et ça prend de nombreuses années pour avoir cette expertise-là, en fait.
- Speaker #1
Cette expertise, purée, mais c'est ce que j'essaye de défendre depuis 2020. L'artisan est expert dans sa matière.
- Speaker #0
Il y a un autre sujet qu'on n'a pas abordé, mais c'est là où je mets la différence entre les artisans d'art et les artistes. C'est que l'artisan d'art, il est technicien, pour moi. Moi, je me considère comme une technicienne. Il y a la partie artistique. Mais il y a surtout cette partie technique. Et moi, ce que j'aime par-dessus tout, c'est de trouver une solution à quelle matière on va utiliser. Je parle vraiment... Je disais tout à l'heure, je ne dessine pas ce que je fais. Je ne fais pas de croquis. Je ne sais pas dessiner déjà. Ça n'aide pas. Mais en fait, c'est surtout que je pars de la plume que j'ai envie d'utiliser. Je pars de ma matière et je crée autour, en fait. Et je pense que... Moi, en tout cas, c'est là que je mets la différence. Parce que souvent, on me dit mais vous êtes artiste. Ben non, pour moi non, je suis artisan d'art, alors oui, oui, j'ai une partie créative, mais j'ai surtout un savoir-faire technique en fait. Pas que les artistes ne l'ont pas, ce n'est pas ça. Mais ils partent plutôt de leur idée pour ensuite fabriquer.
- Speaker #1
Le problème, c'est que dans le fonctionnement collectif, encore une fois, il y a une hiérarchisation entre artistes et artisans.
- Speaker #0
Mais il y en aura entre tout, toujours. Alors que la frontière, elle est tellement poreuse.
- Speaker #1
Entre artisans d'art et designers, c'est pareil. La frontière, elle n'existe pas.
- Speaker #0
Je crois que c'est très français aussi de mettre les gens dans des cases avec des étiquettes bien rangées. En France, on n'aime pas trop les gens qui font plusieurs choses ou des choses très différentes. Je ne suis pas sûre que ça se passe comme ça dans tous les pays, en fait.
- Speaker #1
Non, je ne pense pas. Notamment aux États-Unis, ils ont une vision de l'artisanat et de l'artisanat d'art justement beaucoup plus respectueuse de ces multiples casquettes qu'un artisan d'art peut avoir. Ils ne vont pas lui dire mais toi, tu es un artisan d'art, donc tu ne peux pas faire de sculpture Alors, si. Techniquement, oui. Je ne suis pas obligée de faire que de l'utilitaire. Ce n'est pas parce que je suis céramiste que je ne peux pas faire de sculpture en céramique.
- Speaker #0
Oui, c'est difficile de faire évoluer les mentalités sur ça.
- Speaker #1
Le fait notamment qu'il y ait des galeristes comme Expérience Collective, Anne Ciro, Virginie Lesage ou Galerie Susan qui se spécialisent justement dans le travail avec l'artisan d'art. et de faire des expositions où tu vas avoir à la fois de l'utilitaire comme une lampe, c'est utilitaire, et des œuvres juste à exposer, je trouve qu'ils contribuent à montrer qu'il n'y a pas d'étiquette à mettre.
- Speaker #0
Mais c'est important parce que c'est difficile pour, je trouve, c'est peut-être pas le cas pour tous les artisans d'art, mais je trouve que c'est difficile de mettre nos pièces en galerie. Parce qu'on est trop artisans pour être exposés. C'est pas... C'est assez étrange.
- Speaker #1
Il y a justement toute cette partie marché à atteindre, mais j'ai envie de dire aussi le prix. Un artiste, il ne va pas avoir de problème à vendre une pièce à 10 000 euros. Un artisan, on va le regarder, on va lui dire, mais qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi ? C'est juste parce que vous m'avez collé une étiquette que je n'ai pas le droit d'aller dans les 10 000 euros. Bref, encore une fois, je pourrais partir très loin, mais c'est clair que c'est des sujets sur lesquels moi, j'ai envie de sensibiliser parce que c'est ce qu'on dit, c'est des marchés. qu'on ne permet pas aux artisans d'atteindre. Est-ce que tu peux nous parler de projets futurs ou d'envies futures ?
- Speaker #0
Pourquoi ? Alors, des projets, donc il y a plein de choses qui se profilent en fait en ce moment, mais je n'ai pas le droit d'en parler. Parce que c'est encore top secret. Mais donc, il y a des jolies choses qui se profilent. Dans Vibes, on en a déjà un petit peu parlé, mais voilà, moi, j'ai envie de faire évoluer mon atelier, de l'agrandir un peu, de transmettre. Ça, c'est vraiment quelque chose qui, j'espère, va aboutir dans pas trop longtemps non plus. Bon, là, on enregistre. Ce sera passé, mais là, je suis en train de travailler sur une grosse pièce, la plus grosse pièce que j'ai jamais faite pour le Salon Révélation, que je présente au mois de juin. C'est aussi un nouveau tournant pour l'atelier, en fait, parce que c'est complètement différent de ce que je fais depuis que j'ai commencé. Il faut savoir qu'en 12 ans, j'ai pas mal évolué dans mon métier, autant dans ma technique que dans mes sensibilités. Donc là, je pars vraiment sur des créations qui sont différentes, qui sont vraiment la plume pour la plume, avec un travail de plume entière. Donc ça, c'est vraiment un gros projet que je suis en train de finaliser, qui va être présenté sur le salon Révélation. Et vraiment, le salon, c'est pareil, c'est un tournant pour moi parce que jusqu'ici, je ne me sentais pas légitime. de présenter mon travail sur ce salon-là. Et cette année, c'est la bonne, j'essaye, j'y vais. Voilà, ça va me permettre de toucher un autre public, de montrer une autre facette de mon travail, tout en pouvant expliquer que je fais d'autres choses, que je fais du travail à plat, que je fais plein de choses différentes. Mais voilà, c'est vraiment un gros tournant. Donc je pense qu'il n'y a que des beaux projets à venir, même si je ne peux pas trop en dire plus.
- Speaker #1
Trop bien ! Il y avait un des projets dont tu m'avais parlé, c'était justement de travailler avec le CAP que tu as fait, c'est ça ?
- Speaker #0
Oui, en fait, je fais partie de l'équipe de travail qui remet à jour le CAP de Plumasserie. Donc, on se réunit plusieurs fois dans l'année pour remettre à jour ce diplôme qui est très ancien, qui n'a pas été revu depuis les années 60, si je ne dis pas de bêtises. Donc là, le but de notre travail, c'est de coller aux demandes actuelles du métier, parce qu'elles sont... pas les mêmes que dans les années 60. Et il faut qu'on forme des professionnels qui puissent s'adapter au monde d'aujourd'hui, justement. On revient un peu aux toutes premières idées reçues, mais le fait que ce soit un travail obsolète ou quoi, pour ne pas se reposer sur ses lauriers, pour continuer à en faire autre chose, il faut qu'on ait des professionnels formés aux demandes d'aujourd'hui. Donc, nous, on travaille à ce que les contenus soit adapté, que ça se repose quand même sur le contenu historique du CAP, parce qu'il ne s'agit pas de tout mettre à la poubelle, ce n'est pas du tout ça. Mais il y a certaines techniques qu'on va peut-être enseigner différemment, qu'on va appliquer sur d'autres supports. Enfin voilà, c'est un gros travail. Donc il y a des membres de l'éducation nationale qui travaillent autour de ça, des professionnels. Et donc on fait converger les idées, parce qu'on a tous des vécus différents dans nos ateliers. On n'a pas tous les mêmes contraintes selon la taille de l'atelier, selon les clients avec qui on travaille. Donc, c'est super enrichissant. C'est vraiment très, très intéressant de pouvoir débattre de tout ça et de voir comment on a envie de former les futurs plumassiers et plumassières.
- Speaker #1
Ça, c'est hyper intéressant, je pense, comme sujet. La modernisation de l'enseignement des métiers d'art.
- Speaker #0
Ah non, mais c'est... Et puis, c'est fondamental, en fait. Les métiers d'art, il n'y a quand même pas... peu de formation pour la plupart, voire pas de formation. Donc il faut être au plus proche de ce qu'on fait aujourd'hui, en fait. Et il n'y a que les professionnels qui peuvent le dire, ça. Après, il faut que, nous, notre parole de professionnel, elle soit traduite en langage éducation nationale. Je pense que là, c'est un vrai travail de traduction. Parce qu'on ne parle pas de la même manière. On n'a pas les mêmes références, on n'a pas le même vocabulaire, donc il faut faire tout ça. Il y a du jargon dans le métier, qui sont des termes techniques pour nous, du coup qu'il faut intégrer dans les documents officiels. Donc, c'est super intéressant de faire ça. Et trop important, moi je pars du principe que j'ai la chance de faire un métier qui est rare, et je suis juste dépositaire de ce savoir-faire en fait. Et mon rôle d'artisan d'art, c'est de le transmettre et de le faire correctement.
- Speaker #1
C'est une excellente transition vers la dernière question qui est un peu le mot de la fin. Que souhaites-tu pour le futur de ton métier ? Mais ton métier de plumassière.
- Speaker #0
Que du positif.
- Speaker #1
Non, dans le sens de ça, je...
- Speaker #0
Que du positif. Je souhaite juste que ça continue d'évoluer dans le bon sens, que les jeunes qui arrivent continuent de proposer des nouvelles choses, qu'ils le fassent toujours dans le respect de la matière. Ça, c'est super important. En plus, on est quand même dans une période où on se pose ces questions-là. Enfin, je veux dire, il ne faut pas se voiler la face. La question du bien-être animal, de l'utilisation de cette matière, elle est hyper importante. Donc, il faut le faire correctement, vraiment. Donc, je souhaite que ça évolue dans ce sens-là. Et surtout, qu'on ne perde pas la qualité des gestes. Moi, ça, c'est un truc qui me fait peur, vraiment. Qu'au fur et à mesure, la qualité des gestes se dégrade. Ou en tout cas... Si ce n'est pas la qualité, que les techniques se perdent. Il y a beaucoup de techniques qui sont perdues dans le temps. J'espère que ça va se stopper parce qu'en fait, on a pauvri le métier. Sinon, ce n'est pas possible. Donc voilà, je ne souhaite que du plus, que du renouveau et de la création et de la rigueur.
- Speaker #1
Super. Merci beaucoup Valérie pour ton temps.
- Speaker #0
Merci à toi. C'était un plaisir.
- Speaker #1
Également. Et puis ben...
- Speaker #2
On se revoit,
- Speaker #1
alors en effet, ce sera passé quand je publierai l'épisode, mais nous,
- Speaker #2
on se revoit à Révélation. Mais oui, oui, oui.
- Speaker #0
C'est un grand plaisir.
- Speaker #1
À bientôt.
- Speaker #0
À bientôt.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour votre écoute.
- Speaker #2
J'espère que ce deuxième épisode avec Valérie Tanfin vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Comme d'habitude, je publie régulièrement des photos du travail des artisans sur Instagram, donc n'hésitez pas à vous abonner pour découvrir leur métier en images. A bientôt avec une nouvelle histoire !