54 - Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment cover
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Histoires d'Artisans

54 - Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment

54 - Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment

39min |18/07/2024
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Description

Dans ce deuxième épisode, Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment, nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de Ciment et leurs levées de fonds. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. 

Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.

Liens de l’épisode : 

Savonnerie Ciment

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet, présidente de l'association Eponyme. L'Histoire d'artisan valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Vous écoutez le deuxième épisode de Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du savon. Dans celui-ci, Solène nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de la Savonnerie Ciment et leur levée de fond. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. D'aller écoute ! Bonjour Solène et merci de m'accueillir dans ton atelier. Solène, tu es savonnière et cofondatrice de la savonnerie Ciment avec Jérémy que vous avez fondée il y a 5 ans. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Alors, moi j'ai... toujours fait des activités manuelles à côté de mon métier qui me faisait vivre, qui était un métier très intellectuel puisque j'étais enseignante. J'étais prof d'espagnol et donc j'ai fait des longues études, tout ça pour obtenir mon concours, je l'ai eu. J'ai enseigné pendant 14 ans mais à côté de ça j'avais toujours besoin de créer et de faire des choses de mes mains. Ça je pense que c'est génétique. Dans ma famille, on est très bricoleur, on fait beaucoup de choses comme ça. Donc je suis passée par une phase tricot, où je faisais du tricot avec des copines. Et en fait, ça a pris tellement d'ampleur que c'est devenu un collectif de tricoteuses et on faisait des installations urbaines avec du tricot, ou dans des galeries d'art. Enfin bref, on avait quand même pas mal pensé le sujet du tricot. Et c'est là que j'ai rencontré Jérémy, parce que lui, il faisait du crochet. Donc il avait monté une marque de bonnets tricotés par des grands-mères. Enfin, crochetés plutôt. Et on s'était rencontrés, donc c'était en 2008. ça commence à remonter un peu et puis le temps passe, on fait chacun notre chemin de notre côté et je découvre la saponification à froid comme j'expliquais dans l'épisode précédent et tout cet engouement pour la cosmétique maison et tout, donc ça c'était dans les années 2012 à peu près je fais du savon chez moi je me rends compte qu'on peut s'amuser à faire des savons jolis, avec des motifs j'essaye d'inventer parce que esprit un peu géo trouve tout j'essaye de trouver des façons de faire un... des motifs sympas dans les savons et tout, et je me filme et je mets sur Instagram. Et là, Jérémy voit mes vidéos et il se dit, j'adore ce qu'elle fait. Je veux savoir comment ça marche. Donc, il me contacte et je lui dis, viens, on va faire un apéro au savon à la maison. Et c'est comme ça que l'idée de fonder la savonnerie ensemble est arrivée. Moi, parallèlement à ça, dans mon métier de prof, je commençais à sérieusement m'ennuyer et à trouver ça vraiment dur, parce que prof, c'est un métier dur. ne l'oublions pas. Ça faisait un moment que moi je cogitais et puis j'avais envie déjà, même depuis la période tricot, de tranquillement m'éloigner de l'enseignement pour faire autre chose de plus créatif et manuel. Donc ça s'est plutôt bien goupillé et c'est là qu'on a décidé de monter la savonnerie. Donc je me suis mise à temps partiel dans mon métier et on a commencé à faire les démarches pour... Trouver un local, réfléchir aux différentes formules, à ce qu'on voulait faire de cette marque. Et ça a démarré comme ça.

  • Speaker #1

    Eh ben, tu es pleine de ressources, Solène.

  • Speaker #0

    Pas que des bonnes, mais...

  • Speaker #1

    Je ne savais pas que tout avait commencé par toi qui t'amuses à faire des savons. Enfin, on en revient du coup à l'épisode 1, en effet. Et une question que je ne t'ai pas posée dans l'épisode 1. Donc, dans vos savons, en effet, il y a des couleurs. Vos couleurs, elles sont dues à la couleur des huiles ou vous utilisez des colorants ?

  • Speaker #0

    Les deux. parce que nous, le plus souvent, on travaille avec une base de pâte qu'on a formulée de façon à ce qu'elle soit assez claire, presque blanche. Comme ça, on peut mettre des pigments. Donc, c'est des pigments minéraux naturels qui viennent colorer la pâte. Le plus connu, c'est l'oxyde de fer, qui s'appelle aussi plus communément la rouille et qui teinte du jaune au rouge en passant par les brins. Mais il y a plein d'autres oxydes, d'autres minéraux qui peuvent... teindre comme ça la pâte et ce qui est génial c'est qu'on a les trois couleurs primaires donc on peut arriver à faire pratiquement toutes les couleurs sauf les fluos ou les couleurs très synthétiques comme ça. Et ensuite ça vient se superposer à la couleur de base du savon donc en fonction des huiles qu'on choisit ça peut changer les couleurs du savon. Il y a certains savons qu'on a travaillé avec uniquement des huiles de couleurs différentes pour obtenir les couleurs du savon donc pas de pigments. On prend de l'huile de chanvre ça fait du savon vert. On prend de l'huile de cameline, ça fait du savon brun beige. On prend de l'huile de colza, ça fait du savon jaune.

  • Speaker #1

    Et les oxydes métalliques que tu utilises, ils ne sont pas toxiques pour la peau ?

  • Speaker #0

    Non, ils sont à grade cosmétique, ils sont inertes. Et en fait, ils ne sont pas affectés par la saponification. Du coup, la couleur reste très fidèle. Tu peux aussi teindre ton savon avec des plantes teintoriales, mais c'est beaucoup plus aléatoire. Et ça demande des process vraiment très très précis. Ça peut aussi varier d'un lot à l'autre. C'est plus difficile à maîtriser après quand tu veux vraiment avoir une continuité dans tes lots. Par contre, c'est passionnant à travailler plus en test et en recherche pour soi.

  • Speaker #1

    Et moi, je croyais que justement, quand on travaillait des oxydes métalliques, type en effet, tu disais le fer, le cuivre et tout ça. Bah justement si tu mettais du jaune avec du bleu ça faisait pas forcément du vert, ça pouvait faire du marron ou autre chose Bah non ça fonctionne assez bien,

  • Speaker #0

    tous ne pigmentent pas avec la même puissance Donc tu peux avoir certaines couleurs qui prennent le dessus sur d'autres mais une fois que tu maîtrises à peu près tes dosages Non non tu peux arriver à faire du violet en mélangeant du rouge et du bleu, ça marche Ok c'est les merveilles de la chimie Mais par contre si tu essayes de faire un savon rose magenta en mettant une betterave rouge dans ta pâte Non, là, c'est sûr, ça sortira marron parce qu'en fait, ta betterave rouge, elle va se faire grignoter par la soude, digérer en fait par la soude. Elle va venir détruire les molécules et donc celle qui pigmente aussi ta betterave rouge. Et à la fin, tu auras une couleur qui ne sera probablement pas très ragoûtante.

  • Speaker #1

    Ça sent l'expérience. J'imagine que tu t'es intéressée justement à la teinture naturelle, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis en fait, quand tu découvres la saponification à froid comme ça et que tu comprends que tu peux faire ton savon toi-même, T'as envie de mettre tous les trucs naturels qui te passent sous la main, parce que t'as envie de tout tester. Les fleurs, des légumes, des fruits. Et en fait, tu te rends compte que, bon, il y a certaines choses, c'était peut-être pas la peine d'essayer. Ou alors, t'essayes et tu comprends que tu réutiliseras plus, parce qu'effectivement, ton pétale de rose, à la fin, ça fait une espèce de truc marron, rabougri, pas terrible.

  • Speaker #1

    Qui a mal terminé. Donc ça, c'est ta rencontre avec Jérémy et donc la création de Simon. Donc ensuite, vous avez créé CIMAN. En effet, c'était il y a cinq ans. Et depuis cinq ans, qu'est-ce qui s'est passé chez CIMAN ?

  • Speaker #0

    Alors, depuis cinq ans, on a grandi. On a d'abord construit notre marque et eu notre premier labo qui était au début une toute petite pièce dans une maison à Nanterre. C'était la salle de bain de la maison. Et la maison était louée à différents artistes, artisans, dans un esprit comme ça, collectif, assez sympa. Et nous, on avait loué la salle de bain parce que c'était... Petit, pas cher, mais tout carrelé avec un point d'eau, avec en fait une structure qui permettait de travailler de façon professionnelle dans le cadre de la réglementation. Et c'est comme ça qu'on a créé nos premiers lots de savon, les motifs, les formules. Et on a démarré comme ça. Ensuite, il y a une autre pièce de la maison qui s'est libérée, on l'a prise. Ensuite, on s'est retrouvés à l'étroit. Et on a fait une campagne de financement participatif pour ouvrir notre première boutique à Paris, donc dans le 11e. Et un an plus tard, on a ouvert celle de Bordeaux. Et à chaque fois, c'était une boutique avec un labo de production. Donc, on fabriquait sur place ce qu'on vendait. On a ouvert notre boutique à Paris, je pense, 15 jours avant le premier confinement. Oui, on a le sens du timing. Et donc, le démarrage n'a pas été simple. Mais bon, on a tenu bon et on s'est rendu compte. au bout de trois ans qu'il fallait qu'on se reconcentre sur la production parce que avoir une boutique et tout ce qui va autour c'est quand même très lourd en charge et que nous on arrivait à être efficace et optimum dans notre fabrication si on avait un local plus grand et si on se concentrait vraiment plus sur la production parce que par ailleurs on avait développé un réseau de revendeurs assez large et d'autres casquettes dont la fabrication de savon en marque blanche, donc en sous-traitance, et la fabrication de savon aussi... personnalisés, donc des contrats spéciaux avec des marques pour eux et pour eux seuls. Donc voilà, nous aujourd'hui on en est là, c'est-à-dire qu'on a fermé nos boutiques et on est dans un local qui ne fait que de la production et on a pas mal de demandes sur des savons personnalisés, des collabs et ça c'est quelque chose qu'on adore faire en plus parce que c'est très créatif, en tout cas c'est quelque chose qu'on développe bien en ce moment. Mais il y a un truc qu'on n'a pas dit dans le premier épisode, c'est... J'ai pas tant que ça expliqué, la réaction chimique. J'ai dit on mélange des huiles et de la soude et ça fait du savon. Oui. Mais tu vois, tout à l'heure, tu as dit, en parlant du pétale de rose, qu'il avait mal fini. Et en fait, ça, c'est ce qui se passe pour tout ce qui est organique et qui est mis en présence de la soude. Puisque dans Fight Club, ils font du savon et il y a un personnage qui se prend de la soude sur la main à un moment donné. Et sa main, carrément, elle fume et pratiquement elle fond. Donc la soude, ça peut faire un peu peur. Et je crois que dans d'autres séries, on se débarrasse de personnes dérangeantes. en les plongeant dans une baignoire de soude. En effet, la soude, c'est très corrosif. Et quand on la met en présence d'huile, donc de corps gras, ça forme la molécule de savon et la molécule de glycérine. Et une fois que la réaction est terminée, il n'y a plus de soude dans le savon. Donc le produit final, il est très doux. C'est pour rassurer les gens. Mais nous, quand on fabrique les savons, il faut qu'on fasse attention, il faut qu'on se protège bien, si on ne veut pas finir comme la main de Edward Norton dans Fight Club.

  • Speaker #1

    Oui, donc c'est plutôt, c'est pas dangereux pour le consommateur, mais c'est dangereux pour le producteur.

  • Speaker #0

    Ouais, enfin non, parce que bien sûr, on a tout un protocole de sécurité qu'on applique et ça se passe bien. Mais oui, le consommateur, s'il voit sodium hydroxide sur une étiquette, et bien en fait, il ne faut pas qu'il s'inquiète, parce que nous, on a bien réfléchi à nos formules et elles sont bien. Et d'ailleurs, elles ont été validées par un toxicologue.

  • Speaker #1

    Très bien, mais ça veut dire aussi que vous avez... potentiellement des contraintes sur vos ateliers. Je voyais dans ton atelier, vous avez un gros tuyau qui sort vers l'extérieur. Vous êtes obligée d'avoir un système d'aération optimal pour éviter justement toute agressivité des muqueuses, j'imagine.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est plus pour protéger les savons. En fait, on doit protéger les gens et on doit protéger les produits. Et effectivement, on doit travailler en atmosphère contrôlée au niveau de l'aération, au niveau de la température, au niveau de l'hygrométrie aussi. pour que les savons soient vraiment dans une atmosphère où il n'y ait pas de variation brutale de température ou d'humidité et que du coup ils puissent faire leur cure de façon normale et que le produit soit à la hauteur de la qualité exigée à la fin. Mais pour protéger les savonnières, c'est plus une blouse, des crocs sans trous, des gants, des lunettes, une charlotte. La charlotte c'est plus pour protéger les savons, pour ne pas qu'il y ait des cheveux qui tombent dedans, même s'ils resteraient. pas grand-chose du cheveu, en fait.

  • Speaker #1

    Et tu dis savonnière parce qu'aujourd'hui, à part Jérémy, dans l'entreprise, vous n'êtes que des femmes.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et en production, il n'y a effectivement que des femmes. Mais Jérémy sait faire du savon. Je l'ai déjà vu faire. Il pourrait faire du savon s'il avait envie. Mais il s'occupe plus du marketing et de la commercialisation. Il habite à Marseille. Donc, on est une entreprise sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #1

    Tu disais justement que vous aviez recruté quelqu'un en freelance au Maroc. Oui. Donc vous êtes vraiment sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #0

    C'est ça. C'est quand on a besoin de voir du soleil dans les visios.

  • Speaker #1

    C'est une bonne technique. C'est une bonne question en termes d'organisation. Donc il y a Jérémy et toi. Donc Jérémy, tu dis qu'il est plus sur le côté market commercialisation. Toi, tu es plus, tu disais, sur la R&D. et la prod. Ensuite, vous avez une graphiste, Anna, et deux autres commerciales, dont une qui est spécialisée en prospection et l'autre en vente. C'est ça ? C'est ça. Et en prod, vous avez deux savonières ? Oui. Ok, donc ça fait six. Belle équipe, en vrai. Franchement, il y a assez peu, enfin, je vais pas dire assez peu d'entreprises, mais des entreprises artisanales qui sont capables de recruter autant. En tout cas, c'est une réussite. Vous pouvez vous féliciter d'être en capacité de recruter.

  • Speaker #0

    Eh bien, félicitons-nous. néanmoins on a quand même plusieurs casquettes sur nos têtes chacun et effectivement c'est pas toujours évident mais bon au degré de maturité notre entreprise est à la taille de notre entreprise c'est un classique donc les entrepreneurs ont tendance à avoir plusieurs casquettes sur la tête et à gérer plusieurs agents dans une seule et même personne exactement multi casquettes les slasheurs comme on les appelle est

  • Speaker #1

    ce que tu aurais une anecdote à nous raconter en relation avec ton métier oui alors moi j'aime bien raconter les fails il

  • Speaker #0

    Parce que ça me fait rire.

  • Speaker #1

    Outre que la rose et le jus de betterave.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, sachez qu'on réussit des trucs quand même. Des fois, ça nous arrive de faire les choses bien. Mais dans notre ancien local de Bordeaux, on avait une porte qui mesurait 78 cm de large. Sachant que pour les personnes qui sont au courant de ce détail, une palette... mesure 80 cm de large.

  • Speaker #1

    Il manque 2 cm !

  • Speaker #0

    Il manque 2 cm. Donc, quand on était dans notre local de Bordeaux, à chaque fois qu'on devait faire rentrer une palette ou expédier une palette, et ça vient vite en fait, parce que même si le savon, ce n'est pas quelque chose d'extrêmement volumineux, c'est lourd mais pas très volumineux, quand on exporte des milliers d'unités, il faut que ce soit sur une palette. Et on devait toujours monter la palette sur le trottoir ou la défaire sur le trottoir et rentrer les matières premières. Une par une. Donc ça, c'était une anecdote qui ne nous a pas toujours fait rire. Mais aujourd'hui, on en rit. Et surtout, ça nous aide à expliquer pourquoi on a besoin de trouver un local pour après celui où on est maintenant. On en rit et puis ça nous permet d'expliquer aussi pourquoi on a besoin d'un local avec des portes de taille normale pour le prochain. C'est-à-dire que là, on est dans un local où on a des portes, ça va. Mais en fait, ce qu'on recherche... Aujourd'hui, pour la suite, c'est une manufacture du futur où tout serait pratique, fonctionnel, grand et où ça nous permettrait d'optimiser aussi la capacité de travail des personnels et que ce soit confortable, qu'on n'ait pas à défaire une palette à chaque fois qu'il faut passer la porte.

  • Speaker #1

    Surtout, c'est le genre de truc auquel on ne pense pas. On ne se dit pas, la porte, elle n'a pas une taille standard, donc on ne vérifie pas. Et puis quand ça nous arrive, c'est trop tard.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est même pire que ça parce que trouver un local, surtout un local avec une partie vente, tel que c'était le cas à Bordeaux, il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu, de timing, de localisation. Puis quand tu as un labo où tu vas installer un labo de prod, tu as encore plein plein plein d'autres points à vérifier. Tu te dis, ok, j'ai vu que la porte n'était pas hyper large, on trouvera des solutions. Bon, oui, bien sûr, on a trouvé des solutions, il suffit de défaire la palette sur le trottoir. Mais peut-être que sur le prochain local, ce sera un point un petit peu plus crucial, on va dire.

  • Speaker #1

    Je sens que vous allez y aller avec votre maître et que vous allez mesurer tous les encadrements de portes.

  • Speaker #0

    C'est ça. Non, non,

  • Speaker #1

    non, pas de foi. En vrai, encore une fois, c'est comme quand tu achètes un canapé, que tu le reçois et qu'il ne passe pas la porte. C'est pareil, c'est genre, et maintenant ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est des petits moments de solitude comme ça. Tu regardes vers l'horizon et tu dis... Bon, ben...

  • Speaker #1

    Il n'y avait pas moyen de, je ne sais pas, découper la palette ?

  • Speaker #0

    Va découper une palette avec des choses dessus. Et la porte, elle était en verre. Ouais. Donc, tu ne pouvais pas, sinon tu cassais ta vitrine. Oh là là. Non, non, il n'y avait pas.

  • Speaker #1

    Il n'y avait rien calé. Bon, c'est une anecdote qui permet à tout le monde de prendre une petite leçon d'humilité.

  • Speaker #0

    Ah bah ça, dans l'entrepreneuriat, des leçons d'humilité, t'en prends tous les jours.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, clairement. Et je pense qu'en plus, j'ai envie de te dire, dans l'artisanat, t'en prends encore plus tous les jours.

  • Speaker #0

    Bah t'es confrontée à la matière. Donc que ce soit du bois, de la bouffe, du ciment, du savon, quand ta matière, elle ne fonctionne pas comme t'as voulu, bah tu ne vas pas lui apprendre comment on fait.

  • Speaker #1

    Non, c'est clair, mais t'as raison. À la fois, il faut que tu apprennes à la dompter et à la fois, elle est ce qu'elle est. Et si aujourd'hui, elle n'a pas voulu... On en revient à une question qui, moi, je pense que la réponse serait tous, comme d'habitude. Mais est-ce que tu peux nous parler d'un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et ou d'innovation ? pour atteindre ton objectif ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a plusieurs, mais celui qui me semble le plus parlant pour nous, c'est notre système de fabrication des savons avec des motifs. Nous, les motifs, ils sont dans la masse, ce qui fait que quand on utilise le savon... Il reste juste que le savon soit totalement usé. Donc sur le rebord de la salle de bain, le savon, on reconnaît son motif, on peut en profiter tout du long et ça reste un petit objet de déco comme ça, très sympa. Et ça, personne ne le faisait avant nous, à part en savon à la maison pour les particuliers qui font du savon chez eux. Mais aucune marque ne faisait de savon avec des motifs géométriques comme ça. La plupart des savonniers et savonnières qui font des savons décoratifs, avec des couleurs et tout, ça va être des techniques de marbrage. Donc on vient... couler la pâte liquide et ça fait des motifs un peu aléatoires. Mais faire des motifs comme nous on le fait, qui vont vraiment représenter une étoile, ou des choses plus abstraites aussi, un cercle, un triangle, ça, il a fallu l'inventer. Et puis, les outils n'existaient pas forcément. Donc, on a bricolé des choses avec mon père dans son garage pour arriver à faire ces motifs. dans la masse, dans des gros blocs de savon, avec des techniques de découpe, de moulage, des formes, des contreformes trouvées, dans quoi on allait pouvoir couler la pâte pour obtenir telle forme à telle dimension et tout. Donc ça, ça a été un boulot passionnant. Enfin, ça l'est toujours parce qu'en fait, dès qu'on veut inventer un nouveau motif, on ne repart pas de zéro, mais il faut retrouver des idées nouvelles. Et par contre, c'est toujours sur le même fonctionnement. Et ça, c'est un process qu'on a... même plus brevetée. Donc, notre façon de fabriquer des savons, elle ne peut pas être répétée ailleurs que chez nous. Et ça montre que c'est une vraie innovation qui a été pourtant au départ pas mal bricolée. Moi, j'aime bien cette idée de, tu commences un petit peu avec tes moyens et puis petit à petit, tu arrives à systématiser ton idée et à la perfectionner.

  • Speaker #1

    Comment on brevette une technique ?

  • Speaker #0

    Alors, pour breveter une technique, on fait appel à un professionnel du brevet qui, lui, va mener des recherches. Donc, lui, c'est un peu un Hercule Poirot. du procédé industriel. Donc il va aller chercher dans la littérature industrielle, je ne sais pas si ça s'appelle comme ça, s'il y a des précédents, s'il y a déjà quelqu'un qui a breveté le même processus que toi. Donc il va t'interroger, il va te demander comment tu fais, il va venir voir comment tu fais, il va tout noter et il va comparer avec sa giga base de données pour voir s'il y a d'autres marques qui ont déjà breveté le même système, auquel cas tu ne peux pas breveter le tien. Et s'il n'y a pas d'antériorité, tu peux déposer le brevet.

  • Speaker #1

    Et sans indiscrétion, c'est cher de faire breveter une technique ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas donné, mais après, ça dépend si tu brevettes que pour la France ou pour l'Europe ou le monde. Ça dépend ce que tu brevettes aussi. Je ne sais pas. Nous, c'était relativement simple quand même. Mais il y a sûrement d'autres marques qui voudraient faire breveter des choses beaucoup plus complexes ou beaucoup plus sensibles. Peut-être que pour faire breveter un drone militaire ou la peinture plus noire que noire, peut-être qu'ils auraient payé plus cher que nous.

  • Speaker #1

    Je comprends. Ça fait partie des choses où tu es la première que je rencontre qui a breveté une technique.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très surprise parce que la savonnerie, c'est un artisanat où il y a encore beaucoup de choses à inventer et à découvrir. Tu as beaucoup d'autres artisanats qui sont déjà très implantés, très connus. Tu peux aller dans un magasin où ils vont vendre le matériel pour cet artisanat. Tu n'as pas de magasin qui vend le matériel pour faire du savon. Ou en tout cas, pas comme nous, on le fait. Donc, on doit improviser, on doit inventer nos propres outils. Et ça, c'est aussi... une partie de travail que moi j'adore.

  • Speaker #1

    Et c'est, j'imagine, en rapport avec ce que tu disais de la nouvelle relation au savon dans le premier épisode, tu parlais de finalement, c'est à la fois des techniques très anciennes et qu'on connaît depuis j'ai envie de dire des milliers d'années et à la fois, ce rapport au savon est quand même très récent.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, je pense que l'idée de faire un savon décoratif avant, on s'en fichait complètement. Ça, c'est quelque chose d'assez nouveau, où le savon devient objet de déco. objet de cadeau. Avant, t'offrais jamais un savon à quelqu'un, ça se faisait pas. C'était limite un peu bizarre de faire ça. Alors que maintenant, on a quand même vraiment avancé sur ce point-là. Je sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce que les gens investissent plus de leur temps, de leur énergie pour le bien-être, pour le soin de soi et pour leur déco, leur intérieur et tout.

  • Speaker #1

    Déjà, je suis assez peu renseignée sur ça, mais la salle de bain et l'eau courante dans les ménages, finalement, c'est quand même assez récent.

  • Speaker #0

    Attends mais moi je sais parce que j'ai lu un bouquin qui est génial Parce que j'aime beaucoup cet auteur qui s'appelle Pierre Lemaitre, qui a écrit un bouquin qui s'appelle... Ouais, c'est dans le grand monde, dans le silence et la colère. C'est l'un des deux. Et il parle d'une étude qui avait été menée par le magazine Elle en 1950, par là. Genre, pas très longtemps après la fin de la guerre. Et ils avaient mené une enquête sur la française et l'hygiène. Donc c'était, je ne sais plus l'intituler, c'était genre la française est-elle propre ?

  • Speaker #1

    Très chic. La française.

  • Speaker #0

    Et on parlait moins du français. C'était Madame, plus, qui était concernée. Et bref. Tu avais un sondage et on demandait aux Françaises si elles avaient l'eau courante, si elles avaient une salle de bain, si elles avaient une baignoire, combien de fois par semaine elles se lavaient, combien de fois par semaine elles changeaient leurs vêtements, leurs sous-vêtements. C'était des questions très intimes. Et quand tu vois les résultats du sondage, tu te dis, ah ouais d'accord. Mais en fait, tu avais une grande majorité de la France qui n'avait juste pas l'eau courante. Donc derrière,

  • Speaker #1

    comment ? Là justement, je regardais... J'ai demandé à notre meilleur ami Google. En 1954, la moitié des logements français ont l'eau courante, mais seulement 25% d'entre eux possèdent une salle de bain. Et il faut attendre la fin des années 1980 pour que la quasi-totalité des Français bénéficient de l'eau courante à domicile. Tu vois, je pense que c'est vrai que la conception du savon, et ne serait-ce que finalement, fin des années 80, c'est notre âge, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui.

  • Speaker #1

    Et finalement, c'est... Le concept de salle de bain, de tu fais quelque chose de propre, de beau, d'accueillant parce que tu vas recevoir les gens, que tu vas pouvoir les accueillir dans des bonnes conditions. Et puis plus que ça, c'est t'invites tes invités, ils vont se laver les mains dans la salle de bain. Bah si ta salle de bain elle est moche, enfin tu vois il y a...

  • Speaker #0

    C'est un peu la honte.

  • Speaker #1

    Bah c'est ouais et je pense que c'est relativement récent en fait ce rapport à la salle de bain. C'est de moins en moins un endroit intime. Dans le sens où, en plus, dans des villes comme dans des grandes villes où en fait, t'as pas forcément les toilettes séparées avec le lavabo dans les toilettes et tout ça. Donc, les gens vont dans ta salle de bain pour se laver les mains. Et donc, forcément, ça apporte un nouveau rapport au savon qui, lui, est utilisé par ton invité. Je pense qu'en effet, ça rebat complètement les cartes de l'utilisation et de la place du savon dans les ménages.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, quand tu regardes ces chiffres, c'est impressionnant le fait que ce soit si récent. Mais en en parlant, moi je me rappelle que quand j'étais enfant, ma grand-mère elle habitait à la campagne en Bretagne. On allait voir sa cousine. Chez elle, c'était de la terre battue par terre. Et t'allais aux toilettes dans le jardin avec la petite cailloute, avec le petit cœur. Et donc autant te dire... Comme Shrek. Mais oui. Autant te dire qu'il n'y avait pas de salle de bain, que le savon, il n'était pas spécialement fait pour être joli. Et puis je pense qu'elle faisait sa toilette dans son évier, dans sa pièce unique. Et j'imagine qu'il n'y avait pas... encore pas mal de gens qui vivaient comme ça. Donc oui, le savon avec les propriétés aux mille merveilles, ça, ce n'était pas encore l'heure de parler de ça, je pense.

  • Speaker #1

    Donc ouais, tu dis que pour toi, c'est quand même un artisanat où il y a encore des tonnes de choses à découvrir et des tonnes de choses à innover. Alors moi, j'aurais plutôt tendance à dire que moi, je considère que tous les artisanats, il y a des choses à découvrir. Et en l'occurrence, avec les nouvelles technologies et tout ça, je pense que l'invention ne va pas... pas s'arrêter demain. Mais toi, ce que tu dis, c'est vraiment dans la technicité, déjà de base, il y a encore plein de choses à découvrir, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui, oui, oui, parce que c'est assez nouveau, oui. Déjà, le concept de faire un savon qui soit un objet de déco, comme on le disait juste avant. Donc, autant tu vois, si t'es céramiste, bien sûr, tu peux inventer des nouveaux outils. Bien sûr, tu peux faire ce que je fais avec le savon, mais tu peux aussi aller dans un magasin où ils vendent des outils pour céramistes et t'auras un kit de base qui permet déjà de faire beaucoup de trucs. Pour le savon, il n'y a pas. Donc on emprunte des techniques et des outils à la pâtisserie, des outils qu'on retrouve sur les magasins réservés aux garagistes, où on va faire appel à l'impression 3D, à des techniques de moulage. C'est très très varié en fait, on est vraiment à la croisée de plein de techniques différentes.

  • Speaker #1

    C'est intéressant. J'imagine que c'est d'autant plus riche de rencontrer d'autres artisans et de comprendre leur métier.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est une excellente transition vers la prochaine question qui est, quels sont, je vais plutôt dire, vos projets futurs avec Jérémy ?

  • Speaker #0

    Alors, nos projets futurs, on parlait de notre futur local. qu'on veut être vraiment le lieu du beau et du bienfait pour du savon. Pour l'instant, on fait que du savon et des produits cosmétiques solides et co-responsables. Et donc, ça va être de trouver ce lieu rêvé et de le financer. Donc là, on est en train de finaliser une campagne de financement participatif sur KissKissBankBank qui se passe très bien. Au moment où on parle, elle n'est pas encore finie, mais je pense qu'au moment où les gens l'écouteront, ça sera terminé. Et ça va nous permettre de servir de levier pour une levée de fonds en 2025, qui va nous aider à financer cette manufacture du futur souhaitable et les personnes qui travailleront dedans.

  • Speaker #1

    Mais justement, moi, je veux bien qu'on creuse ce sujet de levée de fonds, parce qu'encore une fois, comme le brevet, ça fait partie des sujets qui sont assez normaux pour l'environnement startup adoré de notre cher président. Mais finalement, dans l'artisanat, on parle assez peu de levée de fonds. On parle peut-être d'investisseurs ou d'amis qui mettent un peu au capital, mais on ne parle jamais de ce terme qui, je trouve, est quand même très startup nation, de levée de fonds. Et moi, ça m'intéresse un peu d'en parler avec toi parce que c'était en 2020, je pense que c'était pendant le Covid. Moi, je viens de l'univers de la startup. Avant de découvrir l'artisanat, j'ai fait tout mes stages en startup. Et c'est vrai qu'il y avait des offres, des techniques, des façons de penser, des façons de fonctionner que moi, je connais relativement bien. qui était très utilisé dans la startup. Donc la levée de fonds en fait partie. En fait, de dire, un moment j'arrive, enfin souvent c'est pour ça, c'est un moment j'arrive à un palier et si je veux grandir, là ça va être douloureux financièrement. Donc je fais rentrer des gens au capital pour avoir un peu plus de trésor et pouvoir investir pour passer ce palier. C'est relativement normal dans l'univers de la startup, mais ce n'est pas des fonctionnements normaux dans l'artisanat. On m'avait interviewée pour un article et l'article, on m'a un peu grondée. On m'a un peu grondée pour le titre, mais il n'empêche que le titre, c'était L'artisan est une start-up Et en fait, mon discours, c'était de dire, il y a des choses qui sont mises en place pour les start-up. Notamment, il y a des réseaux qui s'appellent comme le réseau Entreprendre, où en fait, c'est en tant que fondateur de start-up, tu vas avoir un mentor gratuitement qui va répondre à toutes tes questions. Ça, ça existe dans les start-up. Tu vas avoir accès à des financements. La BPI, les taux zéro, tout ça, c'est archi normal dans les startups. Et en fait, moi, je disais, mais pourquoi l'artisanat n'y a pas accès ? Et je suis hyper contente d'avoir en face de moi, enfin, quelqu'un qui a accès à cette levée de fonds. Et j'aimerais bien savoir, donc, déjà, qu'est-ce qui vous a motivé avec Jérémy ? Et comment vous avez réussi à accéder à ça et accéder à ce type de financement ?

  • Speaker #0

    Alors, déjà, nous, on disrupte.

  • Speaker #1

    Ce mot, il est insupportable. J'avais envie de le placer. C'est génial. Tu as disrupté le savon.

  • Speaker #0

    Je disrupte autant que je peux.

  • Speaker #1

    Mais franchement, si tu avais un discours de startupeuse, évidemment que tu le mettrais dans ton élévateur pitch. Mais évidemment que tu le mettrais. Je disrupte le marché du savon. L'enfer, l'enfer, Solène. Non mais vraiment, j'ai fui cet univers.

  • Speaker #0

    Alors, Je pense qu'effectivement, dans la culture artisanale, on a cette vision du temps long et du soin apporté aux gestes. Et l'amour de ce temps long qui est nécessaire pour que l'objet soit bien fait et qu'il soit beau. Et ça, la startup Nation a du mal. Il y a aussi dans la culture artisanale, par exemple, quand tu dis on travaille en petit lot, c'est bien perçu dans l'artisanat. Alors que dans la startup, non.

  • Speaker #1

    T'es pas scalable, Félène, t'es pas scalable.

  • Speaker #0

    T'es scalée. Et nous, on est un petit peu à mi-chemin entre les deux logiques, parce qu'on croit très fort dans les vertus de notre produit, qui permettent d'éviter des tonnes de plastique, parce que nos produits n'ont pas d'emballage plastique, par exemple. C'est un exemple parmi d'autres. Mais dans la façon dont on le travaille, dans la façon dont on veut l'améliorer aussi tous les jours, et cet impact-là, il passe forcément aussi par augmenter les volumes. Alors on ne va pas être scalable comme une app de la Startup Nation qui va se transformer en licorne demain, mais par rapport à beaucoup de savonneries de toutes petites unités de production, on pense pouvoir faire beaucoup plus. Et l'idée c'est d'arriver aussi à convaincre un maximum de monde que ce produit est beau et qu'il sent bon, et par ailleurs, par ricochet, du coup vous allez l'utiliser sur votre peau, et bah ça tombe bien, c'est un produit qui est sain. et où on travaille des huiles bio, où on va vraiment s'attacher à avoir une formulation qui va être clean avec le minimum d'ingrédients synthétiques possibles dans la formule. Donc trouver cet équilibre entre faire un produit qui séduit tant chez des revendeurs de type concept store par exemple ou boutique de cadeaux un peu premium et en fait par ailleurs t'as acheté un produit vertueux pour l'environnement et pour ta santé. Donc nous c'est un peu cette logique là. Et on pense que si on s'organise bien avec les forces vives qu'on a déjà même dans l'entreprise aujourd'hui, on peut déjà grandir nos volumes de production de façon significative. Et donc, si en plus on lève des fonds et qu'on peut investir dans du commercial, du marketing et tout ce qui va avec, là, on peut vraiment aller loin et avoir un impact fort dans cette industrie qui sera pour nous une porte d'entrée artisanale. Juste,

  • Speaker #1

    je voulais revenir sur le terme de scalabilité parce que tout le monde ne le connaît pas. La définition de la scalabilité, c'est en gros de faire des économies d'échelle. Donc, l'idée, c'est de dire, et notamment c'est pour ça que dans le monde de la tech... C'est un mot qui est très utilisé, c'est que quand on développe un logiciel qui soit utilisé par une personne ou qui soit utilisé par 10 000 personnes, les coûts fixes de production du logiciel seront les mêmes. Donc en fait, on devient scalable, donc on fait des économies d'échelle lorsque l'on vend à encore plus de monde. La scalabilité, dans les faits, quand on fait des savons, c'est pas possible parce qu'un savon reviendra toujours à une personne. En revanche, moi je suis assez persuadée que... dans la production, on peut réfléchir à optimiser ses processus de production pour faire des économies d'échelle et arriver à alors pas la scalabilité de la tech mais arriver à une certaine scalabilité. Bref, je voulais revenir sur cette définition quand même. Et pour revenir sur notre sujet de levée de fonds, aujourd'hui, qu'on soit bien d'accord, des fonds d'investissement spécialisés dans l'artisanat, il n'y en a pas. D'ailleurs, si quelqu'un écoute ça et veut lancer son business, je pense qu'il y a vraiment un sujet, personnellement. Bref, Mais comment vous vous faites pour arriver à trouver des investisseurs ?

  • Speaker #0

    En fait, ça peut étonner, mais il y a des gens qui sont fans de savon. Et nous, dans notre microcosme, on arrive par bouche à oreille et aussi dans la façon dont on communique aussi autour de notre marque, de notre savoir-faire et de notre image, parce que nos savons sont très visuels. On peut très facilement prendre de belles photos et les rendre visibles. On a réussi à faire une première levée de fonds il y a deux ans, un premier tour de table qui, à son tour, nous offre des débouchés pour la prochaine levée de fonds de 2025. Et la campagne de crowdfunding qu'on est en train de finaliser en ce moment, on commence déjà à en parler et on voit qu'il y a des personnes qui sont intéressées pour participer à ce deuxième tour de table de 2025. Donc c'est des gens qui sont souvent issus de nos clients aussi.

  • Speaker #1

    Oui, donc en fait, c'est des gens qui ne cherchent pas forcément l'ultra bénéfice, mais qui cherchent, par leur investissement, à accompagner une entreprise qui partage leurs valeurs et qui promeut leurs valeurs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, c'est souvent des gens qui nous suivent depuis le début, qui ont vu notre évolution, qui ont vu nos produits, qui les ont essayés, qui les ont aimés et qui ont envie de soutenir des projets comme le nôtre ou qu'est-ce qu'on veut du futur ? artisanales et industrielles de notre pays. C'est-à-dire, est-ce qu'on a envie de ces gigas usines où les gens sont exploités de la mauvaise manière ou est-ce qu'on préfère des unités qui vont être peut-être plus modestes mais où on va avoir un vrai soin du produit et des personnes qui y travaillent ? Tu parlais tout à l'heure de l'optimisation de la production. Nous, en effet, on s'est rendu compte qu'avec le même nombre de savonières, pour peu qu'on ait les bonnes installations, on pouvait... augmenter de façon vraiment significative, c'est-à-dire en fait doubler même plus la production. Donc en fait, la question, le nerf de la guerre, c'est l'argent, comme d'habitude. Et si on a suffisamment de personnes qui comprennent ces enjeux-là et qui ont envie de participer à un futur artisanal pour notre pays et pour nos enfants, qui ressemble à notre rêve à nous, venez, allez-y, mettez-vous autour de la table et construisons ça ensemble.

  • Speaker #1

    Non mais je suis archi d'accord avec toi et je trouve que c'est plutôt bénéfique de voir qu'il y a des gens qui ont envie d'investir dans des entreprises comme la tienne parce qu'on a beaucoup d'idées reçues sur ceux qui ont des hauts salaires et ils cassent un peu ces idées reçues qu'on peut avoir je pense. Et c'est, encore une fois... une merveilleuse transition sur la dernière question. Donc la dernière question du podcast, c'est toujours la même. Je trouve qu'elle a beaucoup de sens dans le sens où, en plus, vous le faites différemment, mais qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Moi, ce que je souhaite pour le futur de mon métier de savonnière, c'est qu'on arrive à construire des manufactures d'un futur souhaitable et désirable, où on va faire de magnifiques produits avec des équipes qui seront heureuses de venir bosser le matin et qui vont toucher un maximum de clients, de personnes, qui vont à leur tour utiliser des produits de bonne qualité. et être en meilleure santé. Comme ça, on va boucher le trou de la sécu. Et ça, ce serait super. Mais on remarque que toutes ces petites entreprises artisanales, et certaines un peu plus grosses, et pionnières, qui ont démocratisé, ou en tout cas fait connaître, une cosmétique plus écoresponsable, souvent en passant par des textures solides, en fait, ils ont été directs, avec le temps qu'il a fallu à l'industrie pour reprendre ses idées, ils ont été repris par l'industrie. Aujourd'hui, Dans les supermarchés, les marques de cosmétiques pas chères qu'on retrouve partout, ils se sont tous mis à faire du solide. Du shampoing solide, du démaquillant solide, du déodorant solide. Et ça, ça veut dire que quand même, c'est des bonnes idées. Et moi, ce que j'aimerais pour le futur de mon métier, c'est qu'il n'y ait pas de la place que pour ces géants, mais qu'en fait, les gens comprennent qu'un shampoing solide de ces grandes marques-là, on peut aussi choisir d'aller le prendre chez un artisan. Et qu'on ne va pas seulement acheter un shampoing solide. On va acheter aussi tout ce qu'il y a derrière comme valeur, comme façon de le travailler. Et ça, c'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Eh bien,

  • Speaker #1

    écoute, c'est très bien. Et c'est totalement les valeurs que l'on défend chez Histoire d'Artisan. Donc, c'est parfait. Eh bien, merci beaucoup, Solène. Merci pour ton temps. Merci pour cette visite. Je suis ravie d'avoir pu découvrir Simon en vrai. Bonne chance, même si la campagne sera sans doute terminée au moment où on sortira l'épisode. Mais bonne chance pour la campagne et bonne chance pour la levée de fonds de 2025. Je vous souhaite... un très beau local. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, Lisa. Et moi aussi, je suis très contente de t'avoir rencontrée. Un jour, il faudrait qu'on t'interview pour connaître ton parcours. Ah ben,

  • Speaker #1

    mon père, il veut le faire. Peut-être cet été. Peut-être cet été, parce que je vais passer un mois chez eux. Donc, peut-être qu'il va m'interviewer à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Tu seras obligée de dire oui.

  • Speaker #1

    J'ai déjà dit oui, ouais. J'ai déjà dit oui. Ouais, ouais, ouais. Mais lui, il veut plutôt en faire un article écrit. Donc, on verra. Merci beaucoup, Célène.

  • Speaker #0

    Merci Lisa !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note, un commentaire et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Vous pouvez nous retrouver sur Instagram pour découvrir le métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoired'artisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

Description

Dans ce deuxième épisode, Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment, nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de Ciment et leurs levées de fonds. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. 

Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.

Liens de l’épisode : 

Savonnerie Ciment

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet, présidente de l'association Eponyme. L'Histoire d'artisan valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Vous écoutez le deuxième épisode de Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du savon. Dans celui-ci, Solène nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de la Savonnerie Ciment et leur levée de fond. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. D'aller écoute ! Bonjour Solène et merci de m'accueillir dans ton atelier. Solène, tu es savonnière et cofondatrice de la savonnerie Ciment avec Jérémy que vous avez fondée il y a 5 ans. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Alors, moi j'ai... toujours fait des activités manuelles à côté de mon métier qui me faisait vivre, qui était un métier très intellectuel puisque j'étais enseignante. J'étais prof d'espagnol et donc j'ai fait des longues études, tout ça pour obtenir mon concours, je l'ai eu. J'ai enseigné pendant 14 ans mais à côté de ça j'avais toujours besoin de créer et de faire des choses de mes mains. Ça je pense que c'est génétique. Dans ma famille, on est très bricoleur, on fait beaucoup de choses comme ça. Donc je suis passée par une phase tricot, où je faisais du tricot avec des copines. Et en fait, ça a pris tellement d'ampleur que c'est devenu un collectif de tricoteuses et on faisait des installations urbaines avec du tricot, ou dans des galeries d'art. Enfin bref, on avait quand même pas mal pensé le sujet du tricot. Et c'est là que j'ai rencontré Jérémy, parce que lui, il faisait du crochet. Donc il avait monté une marque de bonnets tricotés par des grands-mères. Enfin, crochetés plutôt. Et on s'était rencontrés, donc c'était en 2008. ça commence à remonter un peu et puis le temps passe, on fait chacun notre chemin de notre côté et je découvre la saponification à froid comme j'expliquais dans l'épisode précédent et tout cet engouement pour la cosmétique maison et tout, donc ça c'était dans les années 2012 à peu près je fais du savon chez moi je me rends compte qu'on peut s'amuser à faire des savons jolis, avec des motifs j'essaye d'inventer parce que esprit un peu géo trouve tout j'essaye de trouver des façons de faire un... des motifs sympas dans les savons et tout, et je me filme et je mets sur Instagram. Et là, Jérémy voit mes vidéos et il se dit, j'adore ce qu'elle fait. Je veux savoir comment ça marche. Donc, il me contacte et je lui dis, viens, on va faire un apéro au savon à la maison. Et c'est comme ça que l'idée de fonder la savonnerie ensemble est arrivée. Moi, parallèlement à ça, dans mon métier de prof, je commençais à sérieusement m'ennuyer et à trouver ça vraiment dur, parce que prof, c'est un métier dur. ne l'oublions pas. Ça faisait un moment que moi je cogitais et puis j'avais envie déjà, même depuis la période tricot, de tranquillement m'éloigner de l'enseignement pour faire autre chose de plus créatif et manuel. Donc ça s'est plutôt bien goupillé et c'est là qu'on a décidé de monter la savonnerie. Donc je me suis mise à temps partiel dans mon métier et on a commencé à faire les démarches pour... Trouver un local, réfléchir aux différentes formules, à ce qu'on voulait faire de cette marque. Et ça a démarré comme ça.

  • Speaker #1

    Eh ben, tu es pleine de ressources, Solène.

  • Speaker #0

    Pas que des bonnes, mais...

  • Speaker #1

    Je ne savais pas que tout avait commencé par toi qui t'amuses à faire des savons. Enfin, on en revient du coup à l'épisode 1, en effet. Et une question que je ne t'ai pas posée dans l'épisode 1. Donc, dans vos savons, en effet, il y a des couleurs. Vos couleurs, elles sont dues à la couleur des huiles ou vous utilisez des colorants ?

  • Speaker #0

    Les deux. parce que nous, le plus souvent, on travaille avec une base de pâte qu'on a formulée de façon à ce qu'elle soit assez claire, presque blanche. Comme ça, on peut mettre des pigments. Donc, c'est des pigments minéraux naturels qui viennent colorer la pâte. Le plus connu, c'est l'oxyde de fer, qui s'appelle aussi plus communément la rouille et qui teinte du jaune au rouge en passant par les brins. Mais il y a plein d'autres oxydes, d'autres minéraux qui peuvent... teindre comme ça la pâte et ce qui est génial c'est qu'on a les trois couleurs primaires donc on peut arriver à faire pratiquement toutes les couleurs sauf les fluos ou les couleurs très synthétiques comme ça. Et ensuite ça vient se superposer à la couleur de base du savon donc en fonction des huiles qu'on choisit ça peut changer les couleurs du savon. Il y a certains savons qu'on a travaillé avec uniquement des huiles de couleurs différentes pour obtenir les couleurs du savon donc pas de pigments. On prend de l'huile de chanvre ça fait du savon vert. On prend de l'huile de cameline, ça fait du savon brun beige. On prend de l'huile de colza, ça fait du savon jaune.

  • Speaker #1

    Et les oxydes métalliques que tu utilises, ils ne sont pas toxiques pour la peau ?

  • Speaker #0

    Non, ils sont à grade cosmétique, ils sont inertes. Et en fait, ils ne sont pas affectés par la saponification. Du coup, la couleur reste très fidèle. Tu peux aussi teindre ton savon avec des plantes teintoriales, mais c'est beaucoup plus aléatoire. Et ça demande des process vraiment très très précis. Ça peut aussi varier d'un lot à l'autre. C'est plus difficile à maîtriser après quand tu veux vraiment avoir une continuité dans tes lots. Par contre, c'est passionnant à travailler plus en test et en recherche pour soi.

  • Speaker #1

    Et moi, je croyais que justement, quand on travaillait des oxydes métalliques, type en effet, tu disais le fer, le cuivre et tout ça. Bah justement si tu mettais du jaune avec du bleu ça faisait pas forcément du vert, ça pouvait faire du marron ou autre chose Bah non ça fonctionne assez bien,

  • Speaker #0

    tous ne pigmentent pas avec la même puissance Donc tu peux avoir certaines couleurs qui prennent le dessus sur d'autres mais une fois que tu maîtrises à peu près tes dosages Non non tu peux arriver à faire du violet en mélangeant du rouge et du bleu, ça marche Ok c'est les merveilles de la chimie Mais par contre si tu essayes de faire un savon rose magenta en mettant une betterave rouge dans ta pâte Non, là, c'est sûr, ça sortira marron parce qu'en fait, ta betterave rouge, elle va se faire grignoter par la soude, digérer en fait par la soude. Elle va venir détruire les molécules et donc celle qui pigmente aussi ta betterave rouge. Et à la fin, tu auras une couleur qui ne sera probablement pas très ragoûtante.

  • Speaker #1

    Ça sent l'expérience. J'imagine que tu t'es intéressée justement à la teinture naturelle, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis en fait, quand tu découvres la saponification à froid comme ça et que tu comprends que tu peux faire ton savon toi-même, T'as envie de mettre tous les trucs naturels qui te passent sous la main, parce que t'as envie de tout tester. Les fleurs, des légumes, des fruits. Et en fait, tu te rends compte que, bon, il y a certaines choses, c'était peut-être pas la peine d'essayer. Ou alors, t'essayes et tu comprends que tu réutiliseras plus, parce qu'effectivement, ton pétale de rose, à la fin, ça fait une espèce de truc marron, rabougri, pas terrible.

  • Speaker #1

    Qui a mal terminé. Donc ça, c'est ta rencontre avec Jérémy et donc la création de Simon. Donc ensuite, vous avez créé CIMAN. En effet, c'était il y a cinq ans. Et depuis cinq ans, qu'est-ce qui s'est passé chez CIMAN ?

  • Speaker #0

    Alors, depuis cinq ans, on a grandi. On a d'abord construit notre marque et eu notre premier labo qui était au début une toute petite pièce dans une maison à Nanterre. C'était la salle de bain de la maison. Et la maison était louée à différents artistes, artisans, dans un esprit comme ça, collectif, assez sympa. Et nous, on avait loué la salle de bain parce que c'était... Petit, pas cher, mais tout carrelé avec un point d'eau, avec en fait une structure qui permettait de travailler de façon professionnelle dans le cadre de la réglementation. Et c'est comme ça qu'on a créé nos premiers lots de savon, les motifs, les formules. Et on a démarré comme ça. Ensuite, il y a une autre pièce de la maison qui s'est libérée, on l'a prise. Ensuite, on s'est retrouvés à l'étroit. Et on a fait une campagne de financement participatif pour ouvrir notre première boutique à Paris, donc dans le 11e. Et un an plus tard, on a ouvert celle de Bordeaux. Et à chaque fois, c'était une boutique avec un labo de production. Donc, on fabriquait sur place ce qu'on vendait. On a ouvert notre boutique à Paris, je pense, 15 jours avant le premier confinement. Oui, on a le sens du timing. Et donc, le démarrage n'a pas été simple. Mais bon, on a tenu bon et on s'est rendu compte. au bout de trois ans qu'il fallait qu'on se reconcentre sur la production parce que avoir une boutique et tout ce qui va autour c'est quand même très lourd en charge et que nous on arrivait à être efficace et optimum dans notre fabrication si on avait un local plus grand et si on se concentrait vraiment plus sur la production parce que par ailleurs on avait développé un réseau de revendeurs assez large et d'autres casquettes dont la fabrication de savon en marque blanche, donc en sous-traitance, et la fabrication de savon aussi... personnalisés, donc des contrats spéciaux avec des marques pour eux et pour eux seuls. Donc voilà, nous aujourd'hui on en est là, c'est-à-dire qu'on a fermé nos boutiques et on est dans un local qui ne fait que de la production et on a pas mal de demandes sur des savons personnalisés, des collabs et ça c'est quelque chose qu'on adore faire en plus parce que c'est très créatif, en tout cas c'est quelque chose qu'on développe bien en ce moment. Mais il y a un truc qu'on n'a pas dit dans le premier épisode, c'est... J'ai pas tant que ça expliqué, la réaction chimique. J'ai dit on mélange des huiles et de la soude et ça fait du savon. Oui. Mais tu vois, tout à l'heure, tu as dit, en parlant du pétale de rose, qu'il avait mal fini. Et en fait, ça, c'est ce qui se passe pour tout ce qui est organique et qui est mis en présence de la soude. Puisque dans Fight Club, ils font du savon et il y a un personnage qui se prend de la soude sur la main à un moment donné. Et sa main, carrément, elle fume et pratiquement elle fond. Donc la soude, ça peut faire un peu peur. Et je crois que dans d'autres séries, on se débarrasse de personnes dérangeantes. en les plongeant dans une baignoire de soude. En effet, la soude, c'est très corrosif. Et quand on la met en présence d'huile, donc de corps gras, ça forme la molécule de savon et la molécule de glycérine. Et une fois que la réaction est terminée, il n'y a plus de soude dans le savon. Donc le produit final, il est très doux. C'est pour rassurer les gens. Mais nous, quand on fabrique les savons, il faut qu'on fasse attention, il faut qu'on se protège bien, si on ne veut pas finir comme la main de Edward Norton dans Fight Club.

  • Speaker #1

    Oui, donc c'est plutôt, c'est pas dangereux pour le consommateur, mais c'est dangereux pour le producteur.

  • Speaker #0

    Ouais, enfin non, parce que bien sûr, on a tout un protocole de sécurité qu'on applique et ça se passe bien. Mais oui, le consommateur, s'il voit sodium hydroxide sur une étiquette, et bien en fait, il ne faut pas qu'il s'inquiète, parce que nous, on a bien réfléchi à nos formules et elles sont bien. Et d'ailleurs, elles ont été validées par un toxicologue.

  • Speaker #1

    Très bien, mais ça veut dire aussi que vous avez... potentiellement des contraintes sur vos ateliers. Je voyais dans ton atelier, vous avez un gros tuyau qui sort vers l'extérieur. Vous êtes obligée d'avoir un système d'aération optimal pour éviter justement toute agressivité des muqueuses, j'imagine.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est plus pour protéger les savons. En fait, on doit protéger les gens et on doit protéger les produits. Et effectivement, on doit travailler en atmosphère contrôlée au niveau de l'aération, au niveau de la température, au niveau de l'hygrométrie aussi. pour que les savons soient vraiment dans une atmosphère où il n'y ait pas de variation brutale de température ou d'humidité et que du coup ils puissent faire leur cure de façon normale et que le produit soit à la hauteur de la qualité exigée à la fin. Mais pour protéger les savonnières, c'est plus une blouse, des crocs sans trous, des gants, des lunettes, une charlotte. La charlotte c'est plus pour protéger les savons, pour ne pas qu'il y ait des cheveux qui tombent dedans, même s'ils resteraient. pas grand-chose du cheveu, en fait.

  • Speaker #1

    Et tu dis savonnière parce qu'aujourd'hui, à part Jérémy, dans l'entreprise, vous n'êtes que des femmes.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et en production, il n'y a effectivement que des femmes. Mais Jérémy sait faire du savon. Je l'ai déjà vu faire. Il pourrait faire du savon s'il avait envie. Mais il s'occupe plus du marketing et de la commercialisation. Il habite à Marseille. Donc, on est une entreprise sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #1

    Tu disais justement que vous aviez recruté quelqu'un en freelance au Maroc. Oui. Donc vous êtes vraiment sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #0

    C'est ça. C'est quand on a besoin de voir du soleil dans les visios.

  • Speaker #1

    C'est une bonne technique. C'est une bonne question en termes d'organisation. Donc il y a Jérémy et toi. Donc Jérémy, tu dis qu'il est plus sur le côté market commercialisation. Toi, tu es plus, tu disais, sur la R&D. et la prod. Ensuite, vous avez une graphiste, Anna, et deux autres commerciales, dont une qui est spécialisée en prospection et l'autre en vente. C'est ça ? C'est ça. Et en prod, vous avez deux savonières ? Oui. Ok, donc ça fait six. Belle équipe, en vrai. Franchement, il y a assez peu, enfin, je vais pas dire assez peu d'entreprises, mais des entreprises artisanales qui sont capables de recruter autant. En tout cas, c'est une réussite. Vous pouvez vous féliciter d'être en capacité de recruter.

  • Speaker #0

    Eh bien, félicitons-nous. néanmoins on a quand même plusieurs casquettes sur nos têtes chacun et effectivement c'est pas toujours évident mais bon au degré de maturité notre entreprise est à la taille de notre entreprise c'est un classique donc les entrepreneurs ont tendance à avoir plusieurs casquettes sur la tête et à gérer plusieurs agents dans une seule et même personne exactement multi casquettes les slasheurs comme on les appelle est

  • Speaker #1

    ce que tu aurais une anecdote à nous raconter en relation avec ton métier oui alors moi j'aime bien raconter les fails il

  • Speaker #0

    Parce que ça me fait rire.

  • Speaker #1

    Outre que la rose et le jus de betterave.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, sachez qu'on réussit des trucs quand même. Des fois, ça nous arrive de faire les choses bien. Mais dans notre ancien local de Bordeaux, on avait une porte qui mesurait 78 cm de large. Sachant que pour les personnes qui sont au courant de ce détail, une palette... mesure 80 cm de large.

  • Speaker #1

    Il manque 2 cm !

  • Speaker #0

    Il manque 2 cm. Donc, quand on était dans notre local de Bordeaux, à chaque fois qu'on devait faire rentrer une palette ou expédier une palette, et ça vient vite en fait, parce que même si le savon, ce n'est pas quelque chose d'extrêmement volumineux, c'est lourd mais pas très volumineux, quand on exporte des milliers d'unités, il faut que ce soit sur une palette. Et on devait toujours monter la palette sur le trottoir ou la défaire sur le trottoir et rentrer les matières premières. Une par une. Donc ça, c'était une anecdote qui ne nous a pas toujours fait rire. Mais aujourd'hui, on en rit. Et surtout, ça nous aide à expliquer pourquoi on a besoin de trouver un local pour après celui où on est maintenant. On en rit et puis ça nous permet d'expliquer aussi pourquoi on a besoin d'un local avec des portes de taille normale pour le prochain. C'est-à-dire que là, on est dans un local où on a des portes, ça va. Mais en fait, ce qu'on recherche... Aujourd'hui, pour la suite, c'est une manufacture du futur où tout serait pratique, fonctionnel, grand et où ça nous permettrait d'optimiser aussi la capacité de travail des personnels et que ce soit confortable, qu'on n'ait pas à défaire une palette à chaque fois qu'il faut passer la porte.

  • Speaker #1

    Surtout, c'est le genre de truc auquel on ne pense pas. On ne se dit pas, la porte, elle n'a pas une taille standard, donc on ne vérifie pas. Et puis quand ça nous arrive, c'est trop tard.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est même pire que ça parce que trouver un local, surtout un local avec une partie vente, tel que c'était le cas à Bordeaux, il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu, de timing, de localisation. Puis quand tu as un labo où tu vas installer un labo de prod, tu as encore plein plein plein d'autres points à vérifier. Tu te dis, ok, j'ai vu que la porte n'était pas hyper large, on trouvera des solutions. Bon, oui, bien sûr, on a trouvé des solutions, il suffit de défaire la palette sur le trottoir. Mais peut-être que sur le prochain local, ce sera un point un petit peu plus crucial, on va dire.

  • Speaker #1

    Je sens que vous allez y aller avec votre maître et que vous allez mesurer tous les encadrements de portes.

  • Speaker #0

    C'est ça. Non, non,

  • Speaker #1

    non, pas de foi. En vrai, encore une fois, c'est comme quand tu achètes un canapé, que tu le reçois et qu'il ne passe pas la porte. C'est pareil, c'est genre, et maintenant ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est des petits moments de solitude comme ça. Tu regardes vers l'horizon et tu dis... Bon, ben...

  • Speaker #1

    Il n'y avait pas moyen de, je ne sais pas, découper la palette ?

  • Speaker #0

    Va découper une palette avec des choses dessus. Et la porte, elle était en verre. Ouais. Donc, tu ne pouvais pas, sinon tu cassais ta vitrine. Oh là là. Non, non, il n'y avait pas.

  • Speaker #1

    Il n'y avait rien calé. Bon, c'est une anecdote qui permet à tout le monde de prendre une petite leçon d'humilité.

  • Speaker #0

    Ah bah ça, dans l'entrepreneuriat, des leçons d'humilité, t'en prends tous les jours.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, clairement. Et je pense qu'en plus, j'ai envie de te dire, dans l'artisanat, t'en prends encore plus tous les jours.

  • Speaker #0

    Bah t'es confrontée à la matière. Donc que ce soit du bois, de la bouffe, du ciment, du savon, quand ta matière, elle ne fonctionne pas comme t'as voulu, bah tu ne vas pas lui apprendre comment on fait.

  • Speaker #1

    Non, c'est clair, mais t'as raison. À la fois, il faut que tu apprennes à la dompter et à la fois, elle est ce qu'elle est. Et si aujourd'hui, elle n'a pas voulu... On en revient à une question qui, moi, je pense que la réponse serait tous, comme d'habitude. Mais est-ce que tu peux nous parler d'un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et ou d'innovation ? pour atteindre ton objectif ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a plusieurs, mais celui qui me semble le plus parlant pour nous, c'est notre système de fabrication des savons avec des motifs. Nous, les motifs, ils sont dans la masse, ce qui fait que quand on utilise le savon... Il reste juste que le savon soit totalement usé. Donc sur le rebord de la salle de bain, le savon, on reconnaît son motif, on peut en profiter tout du long et ça reste un petit objet de déco comme ça, très sympa. Et ça, personne ne le faisait avant nous, à part en savon à la maison pour les particuliers qui font du savon chez eux. Mais aucune marque ne faisait de savon avec des motifs géométriques comme ça. La plupart des savonniers et savonnières qui font des savons décoratifs, avec des couleurs et tout, ça va être des techniques de marbrage. Donc on vient... couler la pâte liquide et ça fait des motifs un peu aléatoires. Mais faire des motifs comme nous on le fait, qui vont vraiment représenter une étoile, ou des choses plus abstraites aussi, un cercle, un triangle, ça, il a fallu l'inventer. Et puis, les outils n'existaient pas forcément. Donc, on a bricolé des choses avec mon père dans son garage pour arriver à faire ces motifs. dans la masse, dans des gros blocs de savon, avec des techniques de découpe, de moulage, des formes, des contreformes trouvées, dans quoi on allait pouvoir couler la pâte pour obtenir telle forme à telle dimension et tout. Donc ça, ça a été un boulot passionnant. Enfin, ça l'est toujours parce qu'en fait, dès qu'on veut inventer un nouveau motif, on ne repart pas de zéro, mais il faut retrouver des idées nouvelles. Et par contre, c'est toujours sur le même fonctionnement. Et ça, c'est un process qu'on a... même plus brevetée. Donc, notre façon de fabriquer des savons, elle ne peut pas être répétée ailleurs que chez nous. Et ça montre que c'est une vraie innovation qui a été pourtant au départ pas mal bricolée. Moi, j'aime bien cette idée de, tu commences un petit peu avec tes moyens et puis petit à petit, tu arrives à systématiser ton idée et à la perfectionner.

  • Speaker #1

    Comment on brevette une technique ?

  • Speaker #0

    Alors, pour breveter une technique, on fait appel à un professionnel du brevet qui, lui, va mener des recherches. Donc, lui, c'est un peu un Hercule Poirot. du procédé industriel. Donc il va aller chercher dans la littérature industrielle, je ne sais pas si ça s'appelle comme ça, s'il y a des précédents, s'il y a déjà quelqu'un qui a breveté le même processus que toi. Donc il va t'interroger, il va te demander comment tu fais, il va venir voir comment tu fais, il va tout noter et il va comparer avec sa giga base de données pour voir s'il y a d'autres marques qui ont déjà breveté le même système, auquel cas tu ne peux pas breveter le tien. Et s'il n'y a pas d'antériorité, tu peux déposer le brevet.

  • Speaker #1

    Et sans indiscrétion, c'est cher de faire breveter une technique ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas donné, mais après, ça dépend si tu brevettes que pour la France ou pour l'Europe ou le monde. Ça dépend ce que tu brevettes aussi. Je ne sais pas. Nous, c'était relativement simple quand même. Mais il y a sûrement d'autres marques qui voudraient faire breveter des choses beaucoup plus complexes ou beaucoup plus sensibles. Peut-être que pour faire breveter un drone militaire ou la peinture plus noire que noire, peut-être qu'ils auraient payé plus cher que nous.

  • Speaker #1

    Je comprends. Ça fait partie des choses où tu es la première que je rencontre qui a breveté une technique.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très surprise parce que la savonnerie, c'est un artisanat où il y a encore beaucoup de choses à inventer et à découvrir. Tu as beaucoup d'autres artisanats qui sont déjà très implantés, très connus. Tu peux aller dans un magasin où ils vont vendre le matériel pour cet artisanat. Tu n'as pas de magasin qui vend le matériel pour faire du savon. Ou en tout cas, pas comme nous, on le fait. Donc, on doit improviser, on doit inventer nos propres outils. Et ça, c'est aussi... une partie de travail que moi j'adore.

  • Speaker #1

    Et c'est, j'imagine, en rapport avec ce que tu disais de la nouvelle relation au savon dans le premier épisode, tu parlais de finalement, c'est à la fois des techniques très anciennes et qu'on connaît depuis j'ai envie de dire des milliers d'années et à la fois, ce rapport au savon est quand même très récent.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, je pense que l'idée de faire un savon décoratif avant, on s'en fichait complètement. Ça, c'est quelque chose d'assez nouveau, où le savon devient objet de déco. objet de cadeau. Avant, t'offrais jamais un savon à quelqu'un, ça se faisait pas. C'était limite un peu bizarre de faire ça. Alors que maintenant, on a quand même vraiment avancé sur ce point-là. Je sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce que les gens investissent plus de leur temps, de leur énergie pour le bien-être, pour le soin de soi et pour leur déco, leur intérieur et tout.

  • Speaker #1

    Déjà, je suis assez peu renseignée sur ça, mais la salle de bain et l'eau courante dans les ménages, finalement, c'est quand même assez récent.

  • Speaker #0

    Attends mais moi je sais parce que j'ai lu un bouquin qui est génial Parce que j'aime beaucoup cet auteur qui s'appelle Pierre Lemaitre, qui a écrit un bouquin qui s'appelle... Ouais, c'est dans le grand monde, dans le silence et la colère. C'est l'un des deux. Et il parle d'une étude qui avait été menée par le magazine Elle en 1950, par là. Genre, pas très longtemps après la fin de la guerre. Et ils avaient mené une enquête sur la française et l'hygiène. Donc c'était, je ne sais plus l'intituler, c'était genre la française est-elle propre ?

  • Speaker #1

    Très chic. La française.

  • Speaker #0

    Et on parlait moins du français. C'était Madame, plus, qui était concernée. Et bref. Tu avais un sondage et on demandait aux Françaises si elles avaient l'eau courante, si elles avaient une salle de bain, si elles avaient une baignoire, combien de fois par semaine elles se lavaient, combien de fois par semaine elles changeaient leurs vêtements, leurs sous-vêtements. C'était des questions très intimes. Et quand tu vois les résultats du sondage, tu te dis, ah ouais d'accord. Mais en fait, tu avais une grande majorité de la France qui n'avait juste pas l'eau courante. Donc derrière,

  • Speaker #1

    comment ? Là justement, je regardais... J'ai demandé à notre meilleur ami Google. En 1954, la moitié des logements français ont l'eau courante, mais seulement 25% d'entre eux possèdent une salle de bain. Et il faut attendre la fin des années 1980 pour que la quasi-totalité des Français bénéficient de l'eau courante à domicile. Tu vois, je pense que c'est vrai que la conception du savon, et ne serait-ce que finalement, fin des années 80, c'est notre âge, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui.

  • Speaker #1

    Et finalement, c'est... Le concept de salle de bain, de tu fais quelque chose de propre, de beau, d'accueillant parce que tu vas recevoir les gens, que tu vas pouvoir les accueillir dans des bonnes conditions. Et puis plus que ça, c'est t'invites tes invités, ils vont se laver les mains dans la salle de bain. Bah si ta salle de bain elle est moche, enfin tu vois il y a...

  • Speaker #0

    C'est un peu la honte.

  • Speaker #1

    Bah c'est ouais et je pense que c'est relativement récent en fait ce rapport à la salle de bain. C'est de moins en moins un endroit intime. Dans le sens où, en plus, dans des villes comme dans des grandes villes où en fait, t'as pas forcément les toilettes séparées avec le lavabo dans les toilettes et tout ça. Donc, les gens vont dans ta salle de bain pour se laver les mains. Et donc, forcément, ça apporte un nouveau rapport au savon qui, lui, est utilisé par ton invité. Je pense qu'en effet, ça rebat complètement les cartes de l'utilisation et de la place du savon dans les ménages.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, quand tu regardes ces chiffres, c'est impressionnant le fait que ce soit si récent. Mais en en parlant, moi je me rappelle que quand j'étais enfant, ma grand-mère elle habitait à la campagne en Bretagne. On allait voir sa cousine. Chez elle, c'était de la terre battue par terre. Et t'allais aux toilettes dans le jardin avec la petite cailloute, avec le petit cœur. Et donc autant te dire... Comme Shrek. Mais oui. Autant te dire qu'il n'y avait pas de salle de bain, que le savon, il n'était pas spécialement fait pour être joli. Et puis je pense qu'elle faisait sa toilette dans son évier, dans sa pièce unique. Et j'imagine qu'il n'y avait pas... encore pas mal de gens qui vivaient comme ça. Donc oui, le savon avec les propriétés aux mille merveilles, ça, ce n'était pas encore l'heure de parler de ça, je pense.

  • Speaker #1

    Donc ouais, tu dis que pour toi, c'est quand même un artisanat où il y a encore des tonnes de choses à découvrir et des tonnes de choses à innover. Alors moi, j'aurais plutôt tendance à dire que moi, je considère que tous les artisanats, il y a des choses à découvrir. Et en l'occurrence, avec les nouvelles technologies et tout ça, je pense que l'invention ne va pas... pas s'arrêter demain. Mais toi, ce que tu dis, c'est vraiment dans la technicité, déjà de base, il y a encore plein de choses à découvrir, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui, oui, oui, parce que c'est assez nouveau, oui. Déjà, le concept de faire un savon qui soit un objet de déco, comme on le disait juste avant. Donc, autant tu vois, si t'es céramiste, bien sûr, tu peux inventer des nouveaux outils. Bien sûr, tu peux faire ce que je fais avec le savon, mais tu peux aussi aller dans un magasin où ils vendent des outils pour céramistes et t'auras un kit de base qui permet déjà de faire beaucoup de trucs. Pour le savon, il n'y a pas. Donc on emprunte des techniques et des outils à la pâtisserie, des outils qu'on retrouve sur les magasins réservés aux garagistes, où on va faire appel à l'impression 3D, à des techniques de moulage. C'est très très varié en fait, on est vraiment à la croisée de plein de techniques différentes.

  • Speaker #1

    C'est intéressant. J'imagine que c'est d'autant plus riche de rencontrer d'autres artisans et de comprendre leur métier.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est une excellente transition vers la prochaine question qui est, quels sont, je vais plutôt dire, vos projets futurs avec Jérémy ?

  • Speaker #0

    Alors, nos projets futurs, on parlait de notre futur local. qu'on veut être vraiment le lieu du beau et du bienfait pour du savon. Pour l'instant, on fait que du savon et des produits cosmétiques solides et co-responsables. Et donc, ça va être de trouver ce lieu rêvé et de le financer. Donc là, on est en train de finaliser une campagne de financement participatif sur KissKissBankBank qui se passe très bien. Au moment où on parle, elle n'est pas encore finie, mais je pense qu'au moment où les gens l'écouteront, ça sera terminé. Et ça va nous permettre de servir de levier pour une levée de fonds en 2025, qui va nous aider à financer cette manufacture du futur souhaitable et les personnes qui travailleront dedans.

  • Speaker #1

    Mais justement, moi, je veux bien qu'on creuse ce sujet de levée de fonds, parce qu'encore une fois, comme le brevet, ça fait partie des sujets qui sont assez normaux pour l'environnement startup adoré de notre cher président. Mais finalement, dans l'artisanat, on parle assez peu de levée de fonds. On parle peut-être d'investisseurs ou d'amis qui mettent un peu au capital, mais on ne parle jamais de ce terme qui, je trouve, est quand même très startup nation, de levée de fonds. Et moi, ça m'intéresse un peu d'en parler avec toi parce que c'était en 2020, je pense que c'était pendant le Covid. Moi, je viens de l'univers de la startup. Avant de découvrir l'artisanat, j'ai fait tout mes stages en startup. Et c'est vrai qu'il y avait des offres, des techniques, des façons de penser, des façons de fonctionner que moi, je connais relativement bien. qui était très utilisé dans la startup. Donc la levée de fonds en fait partie. En fait, de dire, un moment j'arrive, enfin souvent c'est pour ça, c'est un moment j'arrive à un palier et si je veux grandir, là ça va être douloureux financièrement. Donc je fais rentrer des gens au capital pour avoir un peu plus de trésor et pouvoir investir pour passer ce palier. C'est relativement normal dans l'univers de la startup, mais ce n'est pas des fonctionnements normaux dans l'artisanat. On m'avait interviewée pour un article et l'article, on m'a un peu grondée. On m'a un peu grondée pour le titre, mais il n'empêche que le titre, c'était L'artisan est une start-up Et en fait, mon discours, c'était de dire, il y a des choses qui sont mises en place pour les start-up. Notamment, il y a des réseaux qui s'appellent comme le réseau Entreprendre, où en fait, c'est en tant que fondateur de start-up, tu vas avoir un mentor gratuitement qui va répondre à toutes tes questions. Ça, ça existe dans les start-up. Tu vas avoir accès à des financements. La BPI, les taux zéro, tout ça, c'est archi normal dans les startups. Et en fait, moi, je disais, mais pourquoi l'artisanat n'y a pas accès ? Et je suis hyper contente d'avoir en face de moi, enfin, quelqu'un qui a accès à cette levée de fonds. Et j'aimerais bien savoir, donc, déjà, qu'est-ce qui vous a motivé avec Jérémy ? Et comment vous avez réussi à accéder à ça et accéder à ce type de financement ?

  • Speaker #0

    Alors, déjà, nous, on disrupte.

  • Speaker #1

    Ce mot, il est insupportable. J'avais envie de le placer. C'est génial. Tu as disrupté le savon.

  • Speaker #0

    Je disrupte autant que je peux.

  • Speaker #1

    Mais franchement, si tu avais un discours de startupeuse, évidemment que tu le mettrais dans ton élévateur pitch. Mais évidemment que tu le mettrais. Je disrupte le marché du savon. L'enfer, l'enfer, Solène. Non mais vraiment, j'ai fui cet univers.

  • Speaker #0

    Alors, Je pense qu'effectivement, dans la culture artisanale, on a cette vision du temps long et du soin apporté aux gestes. Et l'amour de ce temps long qui est nécessaire pour que l'objet soit bien fait et qu'il soit beau. Et ça, la startup Nation a du mal. Il y a aussi dans la culture artisanale, par exemple, quand tu dis on travaille en petit lot, c'est bien perçu dans l'artisanat. Alors que dans la startup, non.

  • Speaker #1

    T'es pas scalable, Félène, t'es pas scalable.

  • Speaker #0

    T'es scalée. Et nous, on est un petit peu à mi-chemin entre les deux logiques, parce qu'on croit très fort dans les vertus de notre produit, qui permettent d'éviter des tonnes de plastique, parce que nos produits n'ont pas d'emballage plastique, par exemple. C'est un exemple parmi d'autres. Mais dans la façon dont on le travaille, dans la façon dont on veut l'améliorer aussi tous les jours, et cet impact-là, il passe forcément aussi par augmenter les volumes. Alors on ne va pas être scalable comme une app de la Startup Nation qui va se transformer en licorne demain, mais par rapport à beaucoup de savonneries de toutes petites unités de production, on pense pouvoir faire beaucoup plus. Et l'idée c'est d'arriver aussi à convaincre un maximum de monde que ce produit est beau et qu'il sent bon, et par ailleurs, par ricochet, du coup vous allez l'utiliser sur votre peau, et bah ça tombe bien, c'est un produit qui est sain. et où on travaille des huiles bio, où on va vraiment s'attacher à avoir une formulation qui va être clean avec le minimum d'ingrédients synthétiques possibles dans la formule. Donc trouver cet équilibre entre faire un produit qui séduit tant chez des revendeurs de type concept store par exemple ou boutique de cadeaux un peu premium et en fait par ailleurs t'as acheté un produit vertueux pour l'environnement et pour ta santé. Donc nous c'est un peu cette logique là. Et on pense que si on s'organise bien avec les forces vives qu'on a déjà même dans l'entreprise aujourd'hui, on peut déjà grandir nos volumes de production de façon significative. Et donc, si en plus on lève des fonds et qu'on peut investir dans du commercial, du marketing et tout ce qui va avec, là, on peut vraiment aller loin et avoir un impact fort dans cette industrie qui sera pour nous une porte d'entrée artisanale. Juste,

  • Speaker #1

    je voulais revenir sur le terme de scalabilité parce que tout le monde ne le connaît pas. La définition de la scalabilité, c'est en gros de faire des économies d'échelle. Donc, l'idée, c'est de dire, et notamment c'est pour ça que dans le monde de la tech... C'est un mot qui est très utilisé, c'est que quand on développe un logiciel qui soit utilisé par une personne ou qui soit utilisé par 10 000 personnes, les coûts fixes de production du logiciel seront les mêmes. Donc en fait, on devient scalable, donc on fait des économies d'échelle lorsque l'on vend à encore plus de monde. La scalabilité, dans les faits, quand on fait des savons, c'est pas possible parce qu'un savon reviendra toujours à une personne. En revanche, moi je suis assez persuadée que... dans la production, on peut réfléchir à optimiser ses processus de production pour faire des économies d'échelle et arriver à alors pas la scalabilité de la tech mais arriver à une certaine scalabilité. Bref, je voulais revenir sur cette définition quand même. Et pour revenir sur notre sujet de levée de fonds, aujourd'hui, qu'on soit bien d'accord, des fonds d'investissement spécialisés dans l'artisanat, il n'y en a pas. D'ailleurs, si quelqu'un écoute ça et veut lancer son business, je pense qu'il y a vraiment un sujet, personnellement. Bref, Mais comment vous vous faites pour arriver à trouver des investisseurs ?

  • Speaker #0

    En fait, ça peut étonner, mais il y a des gens qui sont fans de savon. Et nous, dans notre microcosme, on arrive par bouche à oreille et aussi dans la façon dont on communique aussi autour de notre marque, de notre savoir-faire et de notre image, parce que nos savons sont très visuels. On peut très facilement prendre de belles photos et les rendre visibles. On a réussi à faire une première levée de fonds il y a deux ans, un premier tour de table qui, à son tour, nous offre des débouchés pour la prochaine levée de fonds de 2025. Et la campagne de crowdfunding qu'on est en train de finaliser en ce moment, on commence déjà à en parler et on voit qu'il y a des personnes qui sont intéressées pour participer à ce deuxième tour de table de 2025. Donc c'est des gens qui sont souvent issus de nos clients aussi.

  • Speaker #1

    Oui, donc en fait, c'est des gens qui ne cherchent pas forcément l'ultra bénéfice, mais qui cherchent, par leur investissement, à accompagner une entreprise qui partage leurs valeurs et qui promeut leurs valeurs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, c'est souvent des gens qui nous suivent depuis le début, qui ont vu notre évolution, qui ont vu nos produits, qui les ont essayés, qui les ont aimés et qui ont envie de soutenir des projets comme le nôtre ou qu'est-ce qu'on veut du futur ? artisanales et industrielles de notre pays. C'est-à-dire, est-ce qu'on a envie de ces gigas usines où les gens sont exploités de la mauvaise manière ou est-ce qu'on préfère des unités qui vont être peut-être plus modestes mais où on va avoir un vrai soin du produit et des personnes qui y travaillent ? Tu parlais tout à l'heure de l'optimisation de la production. Nous, en effet, on s'est rendu compte qu'avec le même nombre de savonières, pour peu qu'on ait les bonnes installations, on pouvait... augmenter de façon vraiment significative, c'est-à-dire en fait doubler même plus la production. Donc en fait, la question, le nerf de la guerre, c'est l'argent, comme d'habitude. Et si on a suffisamment de personnes qui comprennent ces enjeux-là et qui ont envie de participer à un futur artisanal pour notre pays et pour nos enfants, qui ressemble à notre rêve à nous, venez, allez-y, mettez-vous autour de la table et construisons ça ensemble.

  • Speaker #1

    Non mais je suis archi d'accord avec toi et je trouve que c'est plutôt bénéfique de voir qu'il y a des gens qui ont envie d'investir dans des entreprises comme la tienne parce qu'on a beaucoup d'idées reçues sur ceux qui ont des hauts salaires et ils cassent un peu ces idées reçues qu'on peut avoir je pense. Et c'est, encore une fois... une merveilleuse transition sur la dernière question. Donc la dernière question du podcast, c'est toujours la même. Je trouve qu'elle a beaucoup de sens dans le sens où, en plus, vous le faites différemment, mais qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Moi, ce que je souhaite pour le futur de mon métier de savonnière, c'est qu'on arrive à construire des manufactures d'un futur souhaitable et désirable, où on va faire de magnifiques produits avec des équipes qui seront heureuses de venir bosser le matin et qui vont toucher un maximum de clients, de personnes, qui vont à leur tour utiliser des produits de bonne qualité. et être en meilleure santé. Comme ça, on va boucher le trou de la sécu. Et ça, ce serait super. Mais on remarque que toutes ces petites entreprises artisanales, et certaines un peu plus grosses, et pionnières, qui ont démocratisé, ou en tout cas fait connaître, une cosmétique plus écoresponsable, souvent en passant par des textures solides, en fait, ils ont été directs, avec le temps qu'il a fallu à l'industrie pour reprendre ses idées, ils ont été repris par l'industrie. Aujourd'hui, Dans les supermarchés, les marques de cosmétiques pas chères qu'on retrouve partout, ils se sont tous mis à faire du solide. Du shampoing solide, du démaquillant solide, du déodorant solide. Et ça, ça veut dire que quand même, c'est des bonnes idées. Et moi, ce que j'aimerais pour le futur de mon métier, c'est qu'il n'y ait pas de la place que pour ces géants, mais qu'en fait, les gens comprennent qu'un shampoing solide de ces grandes marques-là, on peut aussi choisir d'aller le prendre chez un artisan. Et qu'on ne va pas seulement acheter un shampoing solide. On va acheter aussi tout ce qu'il y a derrière comme valeur, comme façon de le travailler. Et ça, c'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Eh bien,

  • Speaker #1

    écoute, c'est très bien. Et c'est totalement les valeurs que l'on défend chez Histoire d'Artisan. Donc, c'est parfait. Eh bien, merci beaucoup, Solène. Merci pour ton temps. Merci pour cette visite. Je suis ravie d'avoir pu découvrir Simon en vrai. Bonne chance, même si la campagne sera sans doute terminée au moment où on sortira l'épisode. Mais bonne chance pour la campagne et bonne chance pour la levée de fonds de 2025. Je vous souhaite... un très beau local. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, Lisa. Et moi aussi, je suis très contente de t'avoir rencontrée. Un jour, il faudrait qu'on t'interview pour connaître ton parcours. Ah ben,

  • Speaker #1

    mon père, il veut le faire. Peut-être cet été. Peut-être cet été, parce que je vais passer un mois chez eux. Donc, peut-être qu'il va m'interviewer à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Tu seras obligée de dire oui.

  • Speaker #1

    J'ai déjà dit oui, ouais. J'ai déjà dit oui. Ouais, ouais, ouais. Mais lui, il veut plutôt en faire un article écrit. Donc, on verra. Merci beaucoup, Célène.

  • Speaker #0

    Merci Lisa !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note, un commentaire et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Vous pouvez nous retrouver sur Instagram pour découvrir le métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoired'artisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

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Description

Dans ce deuxième épisode, Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment, nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de Ciment et leurs levées de fonds. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. 

Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.

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Savonnerie Ciment

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Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet, présidente de l'association Eponyme. L'Histoire d'artisan valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Vous écoutez le deuxième épisode de Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du savon. Dans celui-ci, Solène nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de la Savonnerie Ciment et leur levée de fond. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. D'aller écoute ! Bonjour Solène et merci de m'accueillir dans ton atelier. Solène, tu es savonnière et cofondatrice de la savonnerie Ciment avec Jérémy que vous avez fondée il y a 5 ans. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Alors, moi j'ai... toujours fait des activités manuelles à côté de mon métier qui me faisait vivre, qui était un métier très intellectuel puisque j'étais enseignante. J'étais prof d'espagnol et donc j'ai fait des longues études, tout ça pour obtenir mon concours, je l'ai eu. J'ai enseigné pendant 14 ans mais à côté de ça j'avais toujours besoin de créer et de faire des choses de mes mains. Ça je pense que c'est génétique. Dans ma famille, on est très bricoleur, on fait beaucoup de choses comme ça. Donc je suis passée par une phase tricot, où je faisais du tricot avec des copines. Et en fait, ça a pris tellement d'ampleur que c'est devenu un collectif de tricoteuses et on faisait des installations urbaines avec du tricot, ou dans des galeries d'art. Enfin bref, on avait quand même pas mal pensé le sujet du tricot. Et c'est là que j'ai rencontré Jérémy, parce que lui, il faisait du crochet. Donc il avait monté une marque de bonnets tricotés par des grands-mères. Enfin, crochetés plutôt. Et on s'était rencontrés, donc c'était en 2008. ça commence à remonter un peu et puis le temps passe, on fait chacun notre chemin de notre côté et je découvre la saponification à froid comme j'expliquais dans l'épisode précédent et tout cet engouement pour la cosmétique maison et tout, donc ça c'était dans les années 2012 à peu près je fais du savon chez moi je me rends compte qu'on peut s'amuser à faire des savons jolis, avec des motifs j'essaye d'inventer parce que esprit un peu géo trouve tout j'essaye de trouver des façons de faire un... des motifs sympas dans les savons et tout, et je me filme et je mets sur Instagram. Et là, Jérémy voit mes vidéos et il se dit, j'adore ce qu'elle fait. Je veux savoir comment ça marche. Donc, il me contacte et je lui dis, viens, on va faire un apéro au savon à la maison. Et c'est comme ça que l'idée de fonder la savonnerie ensemble est arrivée. Moi, parallèlement à ça, dans mon métier de prof, je commençais à sérieusement m'ennuyer et à trouver ça vraiment dur, parce que prof, c'est un métier dur. ne l'oublions pas. Ça faisait un moment que moi je cogitais et puis j'avais envie déjà, même depuis la période tricot, de tranquillement m'éloigner de l'enseignement pour faire autre chose de plus créatif et manuel. Donc ça s'est plutôt bien goupillé et c'est là qu'on a décidé de monter la savonnerie. Donc je me suis mise à temps partiel dans mon métier et on a commencé à faire les démarches pour... Trouver un local, réfléchir aux différentes formules, à ce qu'on voulait faire de cette marque. Et ça a démarré comme ça.

  • Speaker #1

    Eh ben, tu es pleine de ressources, Solène.

  • Speaker #0

    Pas que des bonnes, mais...

  • Speaker #1

    Je ne savais pas que tout avait commencé par toi qui t'amuses à faire des savons. Enfin, on en revient du coup à l'épisode 1, en effet. Et une question que je ne t'ai pas posée dans l'épisode 1. Donc, dans vos savons, en effet, il y a des couleurs. Vos couleurs, elles sont dues à la couleur des huiles ou vous utilisez des colorants ?

  • Speaker #0

    Les deux. parce que nous, le plus souvent, on travaille avec une base de pâte qu'on a formulée de façon à ce qu'elle soit assez claire, presque blanche. Comme ça, on peut mettre des pigments. Donc, c'est des pigments minéraux naturels qui viennent colorer la pâte. Le plus connu, c'est l'oxyde de fer, qui s'appelle aussi plus communément la rouille et qui teinte du jaune au rouge en passant par les brins. Mais il y a plein d'autres oxydes, d'autres minéraux qui peuvent... teindre comme ça la pâte et ce qui est génial c'est qu'on a les trois couleurs primaires donc on peut arriver à faire pratiquement toutes les couleurs sauf les fluos ou les couleurs très synthétiques comme ça. Et ensuite ça vient se superposer à la couleur de base du savon donc en fonction des huiles qu'on choisit ça peut changer les couleurs du savon. Il y a certains savons qu'on a travaillé avec uniquement des huiles de couleurs différentes pour obtenir les couleurs du savon donc pas de pigments. On prend de l'huile de chanvre ça fait du savon vert. On prend de l'huile de cameline, ça fait du savon brun beige. On prend de l'huile de colza, ça fait du savon jaune.

  • Speaker #1

    Et les oxydes métalliques que tu utilises, ils ne sont pas toxiques pour la peau ?

  • Speaker #0

    Non, ils sont à grade cosmétique, ils sont inertes. Et en fait, ils ne sont pas affectés par la saponification. Du coup, la couleur reste très fidèle. Tu peux aussi teindre ton savon avec des plantes teintoriales, mais c'est beaucoup plus aléatoire. Et ça demande des process vraiment très très précis. Ça peut aussi varier d'un lot à l'autre. C'est plus difficile à maîtriser après quand tu veux vraiment avoir une continuité dans tes lots. Par contre, c'est passionnant à travailler plus en test et en recherche pour soi.

  • Speaker #1

    Et moi, je croyais que justement, quand on travaillait des oxydes métalliques, type en effet, tu disais le fer, le cuivre et tout ça. Bah justement si tu mettais du jaune avec du bleu ça faisait pas forcément du vert, ça pouvait faire du marron ou autre chose Bah non ça fonctionne assez bien,

  • Speaker #0

    tous ne pigmentent pas avec la même puissance Donc tu peux avoir certaines couleurs qui prennent le dessus sur d'autres mais une fois que tu maîtrises à peu près tes dosages Non non tu peux arriver à faire du violet en mélangeant du rouge et du bleu, ça marche Ok c'est les merveilles de la chimie Mais par contre si tu essayes de faire un savon rose magenta en mettant une betterave rouge dans ta pâte Non, là, c'est sûr, ça sortira marron parce qu'en fait, ta betterave rouge, elle va se faire grignoter par la soude, digérer en fait par la soude. Elle va venir détruire les molécules et donc celle qui pigmente aussi ta betterave rouge. Et à la fin, tu auras une couleur qui ne sera probablement pas très ragoûtante.

  • Speaker #1

    Ça sent l'expérience. J'imagine que tu t'es intéressée justement à la teinture naturelle, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis en fait, quand tu découvres la saponification à froid comme ça et que tu comprends que tu peux faire ton savon toi-même, T'as envie de mettre tous les trucs naturels qui te passent sous la main, parce que t'as envie de tout tester. Les fleurs, des légumes, des fruits. Et en fait, tu te rends compte que, bon, il y a certaines choses, c'était peut-être pas la peine d'essayer. Ou alors, t'essayes et tu comprends que tu réutiliseras plus, parce qu'effectivement, ton pétale de rose, à la fin, ça fait une espèce de truc marron, rabougri, pas terrible.

  • Speaker #1

    Qui a mal terminé. Donc ça, c'est ta rencontre avec Jérémy et donc la création de Simon. Donc ensuite, vous avez créé CIMAN. En effet, c'était il y a cinq ans. Et depuis cinq ans, qu'est-ce qui s'est passé chez CIMAN ?

  • Speaker #0

    Alors, depuis cinq ans, on a grandi. On a d'abord construit notre marque et eu notre premier labo qui était au début une toute petite pièce dans une maison à Nanterre. C'était la salle de bain de la maison. Et la maison était louée à différents artistes, artisans, dans un esprit comme ça, collectif, assez sympa. Et nous, on avait loué la salle de bain parce que c'était... Petit, pas cher, mais tout carrelé avec un point d'eau, avec en fait une structure qui permettait de travailler de façon professionnelle dans le cadre de la réglementation. Et c'est comme ça qu'on a créé nos premiers lots de savon, les motifs, les formules. Et on a démarré comme ça. Ensuite, il y a une autre pièce de la maison qui s'est libérée, on l'a prise. Ensuite, on s'est retrouvés à l'étroit. Et on a fait une campagne de financement participatif pour ouvrir notre première boutique à Paris, donc dans le 11e. Et un an plus tard, on a ouvert celle de Bordeaux. Et à chaque fois, c'était une boutique avec un labo de production. Donc, on fabriquait sur place ce qu'on vendait. On a ouvert notre boutique à Paris, je pense, 15 jours avant le premier confinement. Oui, on a le sens du timing. Et donc, le démarrage n'a pas été simple. Mais bon, on a tenu bon et on s'est rendu compte. au bout de trois ans qu'il fallait qu'on se reconcentre sur la production parce que avoir une boutique et tout ce qui va autour c'est quand même très lourd en charge et que nous on arrivait à être efficace et optimum dans notre fabrication si on avait un local plus grand et si on se concentrait vraiment plus sur la production parce que par ailleurs on avait développé un réseau de revendeurs assez large et d'autres casquettes dont la fabrication de savon en marque blanche, donc en sous-traitance, et la fabrication de savon aussi... personnalisés, donc des contrats spéciaux avec des marques pour eux et pour eux seuls. Donc voilà, nous aujourd'hui on en est là, c'est-à-dire qu'on a fermé nos boutiques et on est dans un local qui ne fait que de la production et on a pas mal de demandes sur des savons personnalisés, des collabs et ça c'est quelque chose qu'on adore faire en plus parce que c'est très créatif, en tout cas c'est quelque chose qu'on développe bien en ce moment. Mais il y a un truc qu'on n'a pas dit dans le premier épisode, c'est... J'ai pas tant que ça expliqué, la réaction chimique. J'ai dit on mélange des huiles et de la soude et ça fait du savon. Oui. Mais tu vois, tout à l'heure, tu as dit, en parlant du pétale de rose, qu'il avait mal fini. Et en fait, ça, c'est ce qui se passe pour tout ce qui est organique et qui est mis en présence de la soude. Puisque dans Fight Club, ils font du savon et il y a un personnage qui se prend de la soude sur la main à un moment donné. Et sa main, carrément, elle fume et pratiquement elle fond. Donc la soude, ça peut faire un peu peur. Et je crois que dans d'autres séries, on se débarrasse de personnes dérangeantes. en les plongeant dans une baignoire de soude. En effet, la soude, c'est très corrosif. Et quand on la met en présence d'huile, donc de corps gras, ça forme la molécule de savon et la molécule de glycérine. Et une fois que la réaction est terminée, il n'y a plus de soude dans le savon. Donc le produit final, il est très doux. C'est pour rassurer les gens. Mais nous, quand on fabrique les savons, il faut qu'on fasse attention, il faut qu'on se protège bien, si on ne veut pas finir comme la main de Edward Norton dans Fight Club.

  • Speaker #1

    Oui, donc c'est plutôt, c'est pas dangereux pour le consommateur, mais c'est dangereux pour le producteur.

  • Speaker #0

    Ouais, enfin non, parce que bien sûr, on a tout un protocole de sécurité qu'on applique et ça se passe bien. Mais oui, le consommateur, s'il voit sodium hydroxide sur une étiquette, et bien en fait, il ne faut pas qu'il s'inquiète, parce que nous, on a bien réfléchi à nos formules et elles sont bien. Et d'ailleurs, elles ont été validées par un toxicologue.

  • Speaker #1

    Très bien, mais ça veut dire aussi que vous avez... potentiellement des contraintes sur vos ateliers. Je voyais dans ton atelier, vous avez un gros tuyau qui sort vers l'extérieur. Vous êtes obligée d'avoir un système d'aération optimal pour éviter justement toute agressivité des muqueuses, j'imagine.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est plus pour protéger les savons. En fait, on doit protéger les gens et on doit protéger les produits. Et effectivement, on doit travailler en atmosphère contrôlée au niveau de l'aération, au niveau de la température, au niveau de l'hygrométrie aussi. pour que les savons soient vraiment dans une atmosphère où il n'y ait pas de variation brutale de température ou d'humidité et que du coup ils puissent faire leur cure de façon normale et que le produit soit à la hauteur de la qualité exigée à la fin. Mais pour protéger les savonnières, c'est plus une blouse, des crocs sans trous, des gants, des lunettes, une charlotte. La charlotte c'est plus pour protéger les savons, pour ne pas qu'il y ait des cheveux qui tombent dedans, même s'ils resteraient. pas grand-chose du cheveu, en fait.

  • Speaker #1

    Et tu dis savonnière parce qu'aujourd'hui, à part Jérémy, dans l'entreprise, vous n'êtes que des femmes.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et en production, il n'y a effectivement que des femmes. Mais Jérémy sait faire du savon. Je l'ai déjà vu faire. Il pourrait faire du savon s'il avait envie. Mais il s'occupe plus du marketing et de la commercialisation. Il habite à Marseille. Donc, on est une entreprise sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #1

    Tu disais justement que vous aviez recruté quelqu'un en freelance au Maroc. Oui. Donc vous êtes vraiment sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #0

    C'est ça. C'est quand on a besoin de voir du soleil dans les visios.

  • Speaker #1

    C'est une bonne technique. C'est une bonne question en termes d'organisation. Donc il y a Jérémy et toi. Donc Jérémy, tu dis qu'il est plus sur le côté market commercialisation. Toi, tu es plus, tu disais, sur la R&D. et la prod. Ensuite, vous avez une graphiste, Anna, et deux autres commerciales, dont une qui est spécialisée en prospection et l'autre en vente. C'est ça ? C'est ça. Et en prod, vous avez deux savonières ? Oui. Ok, donc ça fait six. Belle équipe, en vrai. Franchement, il y a assez peu, enfin, je vais pas dire assez peu d'entreprises, mais des entreprises artisanales qui sont capables de recruter autant. En tout cas, c'est une réussite. Vous pouvez vous féliciter d'être en capacité de recruter.

  • Speaker #0

    Eh bien, félicitons-nous. néanmoins on a quand même plusieurs casquettes sur nos têtes chacun et effectivement c'est pas toujours évident mais bon au degré de maturité notre entreprise est à la taille de notre entreprise c'est un classique donc les entrepreneurs ont tendance à avoir plusieurs casquettes sur la tête et à gérer plusieurs agents dans une seule et même personne exactement multi casquettes les slasheurs comme on les appelle est

  • Speaker #1

    ce que tu aurais une anecdote à nous raconter en relation avec ton métier oui alors moi j'aime bien raconter les fails il

  • Speaker #0

    Parce que ça me fait rire.

  • Speaker #1

    Outre que la rose et le jus de betterave.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, sachez qu'on réussit des trucs quand même. Des fois, ça nous arrive de faire les choses bien. Mais dans notre ancien local de Bordeaux, on avait une porte qui mesurait 78 cm de large. Sachant que pour les personnes qui sont au courant de ce détail, une palette... mesure 80 cm de large.

  • Speaker #1

    Il manque 2 cm !

  • Speaker #0

    Il manque 2 cm. Donc, quand on était dans notre local de Bordeaux, à chaque fois qu'on devait faire rentrer une palette ou expédier une palette, et ça vient vite en fait, parce que même si le savon, ce n'est pas quelque chose d'extrêmement volumineux, c'est lourd mais pas très volumineux, quand on exporte des milliers d'unités, il faut que ce soit sur une palette. Et on devait toujours monter la palette sur le trottoir ou la défaire sur le trottoir et rentrer les matières premières. Une par une. Donc ça, c'était une anecdote qui ne nous a pas toujours fait rire. Mais aujourd'hui, on en rit. Et surtout, ça nous aide à expliquer pourquoi on a besoin de trouver un local pour après celui où on est maintenant. On en rit et puis ça nous permet d'expliquer aussi pourquoi on a besoin d'un local avec des portes de taille normale pour le prochain. C'est-à-dire que là, on est dans un local où on a des portes, ça va. Mais en fait, ce qu'on recherche... Aujourd'hui, pour la suite, c'est une manufacture du futur où tout serait pratique, fonctionnel, grand et où ça nous permettrait d'optimiser aussi la capacité de travail des personnels et que ce soit confortable, qu'on n'ait pas à défaire une palette à chaque fois qu'il faut passer la porte.

  • Speaker #1

    Surtout, c'est le genre de truc auquel on ne pense pas. On ne se dit pas, la porte, elle n'a pas une taille standard, donc on ne vérifie pas. Et puis quand ça nous arrive, c'est trop tard.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est même pire que ça parce que trouver un local, surtout un local avec une partie vente, tel que c'était le cas à Bordeaux, il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu, de timing, de localisation. Puis quand tu as un labo où tu vas installer un labo de prod, tu as encore plein plein plein d'autres points à vérifier. Tu te dis, ok, j'ai vu que la porte n'était pas hyper large, on trouvera des solutions. Bon, oui, bien sûr, on a trouvé des solutions, il suffit de défaire la palette sur le trottoir. Mais peut-être que sur le prochain local, ce sera un point un petit peu plus crucial, on va dire.

  • Speaker #1

    Je sens que vous allez y aller avec votre maître et que vous allez mesurer tous les encadrements de portes.

  • Speaker #0

    C'est ça. Non, non,

  • Speaker #1

    non, pas de foi. En vrai, encore une fois, c'est comme quand tu achètes un canapé, que tu le reçois et qu'il ne passe pas la porte. C'est pareil, c'est genre, et maintenant ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est des petits moments de solitude comme ça. Tu regardes vers l'horizon et tu dis... Bon, ben...

  • Speaker #1

    Il n'y avait pas moyen de, je ne sais pas, découper la palette ?

  • Speaker #0

    Va découper une palette avec des choses dessus. Et la porte, elle était en verre. Ouais. Donc, tu ne pouvais pas, sinon tu cassais ta vitrine. Oh là là. Non, non, il n'y avait pas.

  • Speaker #1

    Il n'y avait rien calé. Bon, c'est une anecdote qui permet à tout le monde de prendre une petite leçon d'humilité.

  • Speaker #0

    Ah bah ça, dans l'entrepreneuriat, des leçons d'humilité, t'en prends tous les jours.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, clairement. Et je pense qu'en plus, j'ai envie de te dire, dans l'artisanat, t'en prends encore plus tous les jours.

  • Speaker #0

    Bah t'es confrontée à la matière. Donc que ce soit du bois, de la bouffe, du ciment, du savon, quand ta matière, elle ne fonctionne pas comme t'as voulu, bah tu ne vas pas lui apprendre comment on fait.

  • Speaker #1

    Non, c'est clair, mais t'as raison. À la fois, il faut que tu apprennes à la dompter et à la fois, elle est ce qu'elle est. Et si aujourd'hui, elle n'a pas voulu... On en revient à une question qui, moi, je pense que la réponse serait tous, comme d'habitude. Mais est-ce que tu peux nous parler d'un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et ou d'innovation ? pour atteindre ton objectif ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a plusieurs, mais celui qui me semble le plus parlant pour nous, c'est notre système de fabrication des savons avec des motifs. Nous, les motifs, ils sont dans la masse, ce qui fait que quand on utilise le savon... Il reste juste que le savon soit totalement usé. Donc sur le rebord de la salle de bain, le savon, on reconnaît son motif, on peut en profiter tout du long et ça reste un petit objet de déco comme ça, très sympa. Et ça, personne ne le faisait avant nous, à part en savon à la maison pour les particuliers qui font du savon chez eux. Mais aucune marque ne faisait de savon avec des motifs géométriques comme ça. La plupart des savonniers et savonnières qui font des savons décoratifs, avec des couleurs et tout, ça va être des techniques de marbrage. Donc on vient... couler la pâte liquide et ça fait des motifs un peu aléatoires. Mais faire des motifs comme nous on le fait, qui vont vraiment représenter une étoile, ou des choses plus abstraites aussi, un cercle, un triangle, ça, il a fallu l'inventer. Et puis, les outils n'existaient pas forcément. Donc, on a bricolé des choses avec mon père dans son garage pour arriver à faire ces motifs. dans la masse, dans des gros blocs de savon, avec des techniques de découpe, de moulage, des formes, des contreformes trouvées, dans quoi on allait pouvoir couler la pâte pour obtenir telle forme à telle dimension et tout. Donc ça, ça a été un boulot passionnant. Enfin, ça l'est toujours parce qu'en fait, dès qu'on veut inventer un nouveau motif, on ne repart pas de zéro, mais il faut retrouver des idées nouvelles. Et par contre, c'est toujours sur le même fonctionnement. Et ça, c'est un process qu'on a... même plus brevetée. Donc, notre façon de fabriquer des savons, elle ne peut pas être répétée ailleurs que chez nous. Et ça montre que c'est une vraie innovation qui a été pourtant au départ pas mal bricolée. Moi, j'aime bien cette idée de, tu commences un petit peu avec tes moyens et puis petit à petit, tu arrives à systématiser ton idée et à la perfectionner.

  • Speaker #1

    Comment on brevette une technique ?

  • Speaker #0

    Alors, pour breveter une technique, on fait appel à un professionnel du brevet qui, lui, va mener des recherches. Donc, lui, c'est un peu un Hercule Poirot. du procédé industriel. Donc il va aller chercher dans la littérature industrielle, je ne sais pas si ça s'appelle comme ça, s'il y a des précédents, s'il y a déjà quelqu'un qui a breveté le même processus que toi. Donc il va t'interroger, il va te demander comment tu fais, il va venir voir comment tu fais, il va tout noter et il va comparer avec sa giga base de données pour voir s'il y a d'autres marques qui ont déjà breveté le même système, auquel cas tu ne peux pas breveter le tien. Et s'il n'y a pas d'antériorité, tu peux déposer le brevet.

  • Speaker #1

    Et sans indiscrétion, c'est cher de faire breveter une technique ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas donné, mais après, ça dépend si tu brevettes que pour la France ou pour l'Europe ou le monde. Ça dépend ce que tu brevettes aussi. Je ne sais pas. Nous, c'était relativement simple quand même. Mais il y a sûrement d'autres marques qui voudraient faire breveter des choses beaucoup plus complexes ou beaucoup plus sensibles. Peut-être que pour faire breveter un drone militaire ou la peinture plus noire que noire, peut-être qu'ils auraient payé plus cher que nous.

  • Speaker #1

    Je comprends. Ça fait partie des choses où tu es la première que je rencontre qui a breveté une technique.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très surprise parce que la savonnerie, c'est un artisanat où il y a encore beaucoup de choses à inventer et à découvrir. Tu as beaucoup d'autres artisanats qui sont déjà très implantés, très connus. Tu peux aller dans un magasin où ils vont vendre le matériel pour cet artisanat. Tu n'as pas de magasin qui vend le matériel pour faire du savon. Ou en tout cas, pas comme nous, on le fait. Donc, on doit improviser, on doit inventer nos propres outils. Et ça, c'est aussi... une partie de travail que moi j'adore.

  • Speaker #1

    Et c'est, j'imagine, en rapport avec ce que tu disais de la nouvelle relation au savon dans le premier épisode, tu parlais de finalement, c'est à la fois des techniques très anciennes et qu'on connaît depuis j'ai envie de dire des milliers d'années et à la fois, ce rapport au savon est quand même très récent.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, je pense que l'idée de faire un savon décoratif avant, on s'en fichait complètement. Ça, c'est quelque chose d'assez nouveau, où le savon devient objet de déco. objet de cadeau. Avant, t'offrais jamais un savon à quelqu'un, ça se faisait pas. C'était limite un peu bizarre de faire ça. Alors que maintenant, on a quand même vraiment avancé sur ce point-là. Je sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce que les gens investissent plus de leur temps, de leur énergie pour le bien-être, pour le soin de soi et pour leur déco, leur intérieur et tout.

  • Speaker #1

    Déjà, je suis assez peu renseignée sur ça, mais la salle de bain et l'eau courante dans les ménages, finalement, c'est quand même assez récent.

  • Speaker #0

    Attends mais moi je sais parce que j'ai lu un bouquin qui est génial Parce que j'aime beaucoup cet auteur qui s'appelle Pierre Lemaitre, qui a écrit un bouquin qui s'appelle... Ouais, c'est dans le grand monde, dans le silence et la colère. C'est l'un des deux. Et il parle d'une étude qui avait été menée par le magazine Elle en 1950, par là. Genre, pas très longtemps après la fin de la guerre. Et ils avaient mené une enquête sur la française et l'hygiène. Donc c'était, je ne sais plus l'intituler, c'était genre la française est-elle propre ?

  • Speaker #1

    Très chic. La française.

  • Speaker #0

    Et on parlait moins du français. C'était Madame, plus, qui était concernée. Et bref. Tu avais un sondage et on demandait aux Françaises si elles avaient l'eau courante, si elles avaient une salle de bain, si elles avaient une baignoire, combien de fois par semaine elles se lavaient, combien de fois par semaine elles changeaient leurs vêtements, leurs sous-vêtements. C'était des questions très intimes. Et quand tu vois les résultats du sondage, tu te dis, ah ouais d'accord. Mais en fait, tu avais une grande majorité de la France qui n'avait juste pas l'eau courante. Donc derrière,

  • Speaker #1

    comment ? Là justement, je regardais... J'ai demandé à notre meilleur ami Google. En 1954, la moitié des logements français ont l'eau courante, mais seulement 25% d'entre eux possèdent une salle de bain. Et il faut attendre la fin des années 1980 pour que la quasi-totalité des Français bénéficient de l'eau courante à domicile. Tu vois, je pense que c'est vrai que la conception du savon, et ne serait-ce que finalement, fin des années 80, c'est notre âge, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui.

  • Speaker #1

    Et finalement, c'est... Le concept de salle de bain, de tu fais quelque chose de propre, de beau, d'accueillant parce que tu vas recevoir les gens, que tu vas pouvoir les accueillir dans des bonnes conditions. Et puis plus que ça, c'est t'invites tes invités, ils vont se laver les mains dans la salle de bain. Bah si ta salle de bain elle est moche, enfin tu vois il y a...

  • Speaker #0

    C'est un peu la honte.

  • Speaker #1

    Bah c'est ouais et je pense que c'est relativement récent en fait ce rapport à la salle de bain. C'est de moins en moins un endroit intime. Dans le sens où, en plus, dans des villes comme dans des grandes villes où en fait, t'as pas forcément les toilettes séparées avec le lavabo dans les toilettes et tout ça. Donc, les gens vont dans ta salle de bain pour se laver les mains. Et donc, forcément, ça apporte un nouveau rapport au savon qui, lui, est utilisé par ton invité. Je pense qu'en effet, ça rebat complètement les cartes de l'utilisation et de la place du savon dans les ménages.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, quand tu regardes ces chiffres, c'est impressionnant le fait que ce soit si récent. Mais en en parlant, moi je me rappelle que quand j'étais enfant, ma grand-mère elle habitait à la campagne en Bretagne. On allait voir sa cousine. Chez elle, c'était de la terre battue par terre. Et t'allais aux toilettes dans le jardin avec la petite cailloute, avec le petit cœur. Et donc autant te dire... Comme Shrek. Mais oui. Autant te dire qu'il n'y avait pas de salle de bain, que le savon, il n'était pas spécialement fait pour être joli. Et puis je pense qu'elle faisait sa toilette dans son évier, dans sa pièce unique. Et j'imagine qu'il n'y avait pas... encore pas mal de gens qui vivaient comme ça. Donc oui, le savon avec les propriétés aux mille merveilles, ça, ce n'était pas encore l'heure de parler de ça, je pense.

  • Speaker #1

    Donc ouais, tu dis que pour toi, c'est quand même un artisanat où il y a encore des tonnes de choses à découvrir et des tonnes de choses à innover. Alors moi, j'aurais plutôt tendance à dire que moi, je considère que tous les artisanats, il y a des choses à découvrir. Et en l'occurrence, avec les nouvelles technologies et tout ça, je pense que l'invention ne va pas... pas s'arrêter demain. Mais toi, ce que tu dis, c'est vraiment dans la technicité, déjà de base, il y a encore plein de choses à découvrir, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui, oui, oui, parce que c'est assez nouveau, oui. Déjà, le concept de faire un savon qui soit un objet de déco, comme on le disait juste avant. Donc, autant tu vois, si t'es céramiste, bien sûr, tu peux inventer des nouveaux outils. Bien sûr, tu peux faire ce que je fais avec le savon, mais tu peux aussi aller dans un magasin où ils vendent des outils pour céramistes et t'auras un kit de base qui permet déjà de faire beaucoup de trucs. Pour le savon, il n'y a pas. Donc on emprunte des techniques et des outils à la pâtisserie, des outils qu'on retrouve sur les magasins réservés aux garagistes, où on va faire appel à l'impression 3D, à des techniques de moulage. C'est très très varié en fait, on est vraiment à la croisée de plein de techniques différentes.

  • Speaker #1

    C'est intéressant. J'imagine que c'est d'autant plus riche de rencontrer d'autres artisans et de comprendre leur métier.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est une excellente transition vers la prochaine question qui est, quels sont, je vais plutôt dire, vos projets futurs avec Jérémy ?

  • Speaker #0

    Alors, nos projets futurs, on parlait de notre futur local. qu'on veut être vraiment le lieu du beau et du bienfait pour du savon. Pour l'instant, on fait que du savon et des produits cosmétiques solides et co-responsables. Et donc, ça va être de trouver ce lieu rêvé et de le financer. Donc là, on est en train de finaliser une campagne de financement participatif sur KissKissBankBank qui se passe très bien. Au moment où on parle, elle n'est pas encore finie, mais je pense qu'au moment où les gens l'écouteront, ça sera terminé. Et ça va nous permettre de servir de levier pour une levée de fonds en 2025, qui va nous aider à financer cette manufacture du futur souhaitable et les personnes qui travailleront dedans.

  • Speaker #1

    Mais justement, moi, je veux bien qu'on creuse ce sujet de levée de fonds, parce qu'encore une fois, comme le brevet, ça fait partie des sujets qui sont assez normaux pour l'environnement startup adoré de notre cher président. Mais finalement, dans l'artisanat, on parle assez peu de levée de fonds. On parle peut-être d'investisseurs ou d'amis qui mettent un peu au capital, mais on ne parle jamais de ce terme qui, je trouve, est quand même très startup nation, de levée de fonds. Et moi, ça m'intéresse un peu d'en parler avec toi parce que c'était en 2020, je pense que c'était pendant le Covid. Moi, je viens de l'univers de la startup. Avant de découvrir l'artisanat, j'ai fait tout mes stages en startup. Et c'est vrai qu'il y avait des offres, des techniques, des façons de penser, des façons de fonctionner que moi, je connais relativement bien. qui était très utilisé dans la startup. Donc la levée de fonds en fait partie. En fait, de dire, un moment j'arrive, enfin souvent c'est pour ça, c'est un moment j'arrive à un palier et si je veux grandir, là ça va être douloureux financièrement. Donc je fais rentrer des gens au capital pour avoir un peu plus de trésor et pouvoir investir pour passer ce palier. C'est relativement normal dans l'univers de la startup, mais ce n'est pas des fonctionnements normaux dans l'artisanat. On m'avait interviewée pour un article et l'article, on m'a un peu grondée. On m'a un peu grondée pour le titre, mais il n'empêche que le titre, c'était L'artisan est une start-up Et en fait, mon discours, c'était de dire, il y a des choses qui sont mises en place pour les start-up. Notamment, il y a des réseaux qui s'appellent comme le réseau Entreprendre, où en fait, c'est en tant que fondateur de start-up, tu vas avoir un mentor gratuitement qui va répondre à toutes tes questions. Ça, ça existe dans les start-up. Tu vas avoir accès à des financements. La BPI, les taux zéro, tout ça, c'est archi normal dans les startups. Et en fait, moi, je disais, mais pourquoi l'artisanat n'y a pas accès ? Et je suis hyper contente d'avoir en face de moi, enfin, quelqu'un qui a accès à cette levée de fonds. Et j'aimerais bien savoir, donc, déjà, qu'est-ce qui vous a motivé avec Jérémy ? Et comment vous avez réussi à accéder à ça et accéder à ce type de financement ?

  • Speaker #0

    Alors, déjà, nous, on disrupte.

  • Speaker #1

    Ce mot, il est insupportable. J'avais envie de le placer. C'est génial. Tu as disrupté le savon.

  • Speaker #0

    Je disrupte autant que je peux.

  • Speaker #1

    Mais franchement, si tu avais un discours de startupeuse, évidemment que tu le mettrais dans ton élévateur pitch. Mais évidemment que tu le mettrais. Je disrupte le marché du savon. L'enfer, l'enfer, Solène. Non mais vraiment, j'ai fui cet univers.

  • Speaker #0

    Alors, Je pense qu'effectivement, dans la culture artisanale, on a cette vision du temps long et du soin apporté aux gestes. Et l'amour de ce temps long qui est nécessaire pour que l'objet soit bien fait et qu'il soit beau. Et ça, la startup Nation a du mal. Il y a aussi dans la culture artisanale, par exemple, quand tu dis on travaille en petit lot, c'est bien perçu dans l'artisanat. Alors que dans la startup, non.

  • Speaker #1

    T'es pas scalable, Félène, t'es pas scalable.

  • Speaker #0

    T'es scalée. Et nous, on est un petit peu à mi-chemin entre les deux logiques, parce qu'on croit très fort dans les vertus de notre produit, qui permettent d'éviter des tonnes de plastique, parce que nos produits n'ont pas d'emballage plastique, par exemple. C'est un exemple parmi d'autres. Mais dans la façon dont on le travaille, dans la façon dont on veut l'améliorer aussi tous les jours, et cet impact-là, il passe forcément aussi par augmenter les volumes. Alors on ne va pas être scalable comme une app de la Startup Nation qui va se transformer en licorne demain, mais par rapport à beaucoup de savonneries de toutes petites unités de production, on pense pouvoir faire beaucoup plus. Et l'idée c'est d'arriver aussi à convaincre un maximum de monde que ce produit est beau et qu'il sent bon, et par ailleurs, par ricochet, du coup vous allez l'utiliser sur votre peau, et bah ça tombe bien, c'est un produit qui est sain. et où on travaille des huiles bio, où on va vraiment s'attacher à avoir une formulation qui va être clean avec le minimum d'ingrédients synthétiques possibles dans la formule. Donc trouver cet équilibre entre faire un produit qui séduit tant chez des revendeurs de type concept store par exemple ou boutique de cadeaux un peu premium et en fait par ailleurs t'as acheté un produit vertueux pour l'environnement et pour ta santé. Donc nous c'est un peu cette logique là. Et on pense que si on s'organise bien avec les forces vives qu'on a déjà même dans l'entreprise aujourd'hui, on peut déjà grandir nos volumes de production de façon significative. Et donc, si en plus on lève des fonds et qu'on peut investir dans du commercial, du marketing et tout ce qui va avec, là, on peut vraiment aller loin et avoir un impact fort dans cette industrie qui sera pour nous une porte d'entrée artisanale. Juste,

  • Speaker #1

    je voulais revenir sur le terme de scalabilité parce que tout le monde ne le connaît pas. La définition de la scalabilité, c'est en gros de faire des économies d'échelle. Donc, l'idée, c'est de dire, et notamment c'est pour ça que dans le monde de la tech... C'est un mot qui est très utilisé, c'est que quand on développe un logiciel qui soit utilisé par une personne ou qui soit utilisé par 10 000 personnes, les coûts fixes de production du logiciel seront les mêmes. Donc en fait, on devient scalable, donc on fait des économies d'échelle lorsque l'on vend à encore plus de monde. La scalabilité, dans les faits, quand on fait des savons, c'est pas possible parce qu'un savon reviendra toujours à une personne. En revanche, moi je suis assez persuadée que... dans la production, on peut réfléchir à optimiser ses processus de production pour faire des économies d'échelle et arriver à alors pas la scalabilité de la tech mais arriver à une certaine scalabilité. Bref, je voulais revenir sur cette définition quand même. Et pour revenir sur notre sujet de levée de fonds, aujourd'hui, qu'on soit bien d'accord, des fonds d'investissement spécialisés dans l'artisanat, il n'y en a pas. D'ailleurs, si quelqu'un écoute ça et veut lancer son business, je pense qu'il y a vraiment un sujet, personnellement. Bref, Mais comment vous vous faites pour arriver à trouver des investisseurs ?

  • Speaker #0

    En fait, ça peut étonner, mais il y a des gens qui sont fans de savon. Et nous, dans notre microcosme, on arrive par bouche à oreille et aussi dans la façon dont on communique aussi autour de notre marque, de notre savoir-faire et de notre image, parce que nos savons sont très visuels. On peut très facilement prendre de belles photos et les rendre visibles. On a réussi à faire une première levée de fonds il y a deux ans, un premier tour de table qui, à son tour, nous offre des débouchés pour la prochaine levée de fonds de 2025. Et la campagne de crowdfunding qu'on est en train de finaliser en ce moment, on commence déjà à en parler et on voit qu'il y a des personnes qui sont intéressées pour participer à ce deuxième tour de table de 2025. Donc c'est des gens qui sont souvent issus de nos clients aussi.

  • Speaker #1

    Oui, donc en fait, c'est des gens qui ne cherchent pas forcément l'ultra bénéfice, mais qui cherchent, par leur investissement, à accompagner une entreprise qui partage leurs valeurs et qui promeut leurs valeurs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, c'est souvent des gens qui nous suivent depuis le début, qui ont vu notre évolution, qui ont vu nos produits, qui les ont essayés, qui les ont aimés et qui ont envie de soutenir des projets comme le nôtre ou qu'est-ce qu'on veut du futur ? artisanales et industrielles de notre pays. C'est-à-dire, est-ce qu'on a envie de ces gigas usines où les gens sont exploités de la mauvaise manière ou est-ce qu'on préfère des unités qui vont être peut-être plus modestes mais où on va avoir un vrai soin du produit et des personnes qui y travaillent ? Tu parlais tout à l'heure de l'optimisation de la production. Nous, en effet, on s'est rendu compte qu'avec le même nombre de savonières, pour peu qu'on ait les bonnes installations, on pouvait... augmenter de façon vraiment significative, c'est-à-dire en fait doubler même plus la production. Donc en fait, la question, le nerf de la guerre, c'est l'argent, comme d'habitude. Et si on a suffisamment de personnes qui comprennent ces enjeux-là et qui ont envie de participer à un futur artisanal pour notre pays et pour nos enfants, qui ressemble à notre rêve à nous, venez, allez-y, mettez-vous autour de la table et construisons ça ensemble.

  • Speaker #1

    Non mais je suis archi d'accord avec toi et je trouve que c'est plutôt bénéfique de voir qu'il y a des gens qui ont envie d'investir dans des entreprises comme la tienne parce qu'on a beaucoup d'idées reçues sur ceux qui ont des hauts salaires et ils cassent un peu ces idées reçues qu'on peut avoir je pense. Et c'est, encore une fois... une merveilleuse transition sur la dernière question. Donc la dernière question du podcast, c'est toujours la même. Je trouve qu'elle a beaucoup de sens dans le sens où, en plus, vous le faites différemment, mais qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Moi, ce que je souhaite pour le futur de mon métier de savonnière, c'est qu'on arrive à construire des manufactures d'un futur souhaitable et désirable, où on va faire de magnifiques produits avec des équipes qui seront heureuses de venir bosser le matin et qui vont toucher un maximum de clients, de personnes, qui vont à leur tour utiliser des produits de bonne qualité. et être en meilleure santé. Comme ça, on va boucher le trou de la sécu. Et ça, ce serait super. Mais on remarque que toutes ces petites entreprises artisanales, et certaines un peu plus grosses, et pionnières, qui ont démocratisé, ou en tout cas fait connaître, une cosmétique plus écoresponsable, souvent en passant par des textures solides, en fait, ils ont été directs, avec le temps qu'il a fallu à l'industrie pour reprendre ses idées, ils ont été repris par l'industrie. Aujourd'hui, Dans les supermarchés, les marques de cosmétiques pas chères qu'on retrouve partout, ils se sont tous mis à faire du solide. Du shampoing solide, du démaquillant solide, du déodorant solide. Et ça, ça veut dire que quand même, c'est des bonnes idées. Et moi, ce que j'aimerais pour le futur de mon métier, c'est qu'il n'y ait pas de la place que pour ces géants, mais qu'en fait, les gens comprennent qu'un shampoing solide de ces grandes marques-là, on peut aussi choisir d'aller le prendre chez un artisan. Et qu'on ne va pas seulement acheter un shampoing solide. On va acheter aussi tout ce qu'il y a derrière comme valeur, comme façon de le travailler. Et ça, c'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Eh bien,

  • Speaker #1

    écoute, c'est très bien. Et c'est totalement les valeurs que l'on défend chez Histoire d'Artisan. Donc, c'est parfait. Eh bien, merci beaucoup, Solène. Merci pour ton temps. Merci pour cette visite. Je suis ravie d'avoir pu découvrir Simon en vrai. Bonne chance, même si la campagne sera sans doute terminée au moment où on sortira l'épisode. Mais bonne chance pour la campagne et bonne chance pour la levée de fonds de 2025. Je vous souhaite... un très beau local. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, Lisa. Et moi aussi, je suis très contente de t'avoir rencontrée. Un jour, il faudrait qu'on t'interview pour connaître ton parcours. Ah ben,

  • Speaker #1

    mon père, il veut le faire. Peut-être cet été. Peut-être cet été, parce que je vais passer un mois chez eux. Donc, peut-être qu'il va m'interviewer à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Tu seras obligée de dire oui.

  • Speaker #1

    J'ai déjà dit oui, ouais. J'ai déjà dit oui. Ouais, ouais, ouais. Mais lui, il veut plutôt en faire un article écrit. Donc, on verra. Merci beaucoup, Célène.

  • Speaker #0

    Merci Lisa !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note, un commentaire et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Vous pouvez nous retrouver sur Instagram pour découvrir le métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoired'artisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

Description

Dans ce deuxième épisode, Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment, nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de Ciment et leurs levées de fonds. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. 

Histoires d’Artisans est l’association qui valorise l’ingénierie des artisans d’art en mettant en avant l’innovation, le design et la recherche au sein des ateliers. Ce podcast est le reflet d’un univers merveilleux et beau et où le bien fait et les matériaux sont au centre des discussions.

Liens de l’épisode : 

Savonnerie Ciment

Site internet

Instagram


Histoires d’Artisans

Site

Instagram

Le Carnet des Innovations


Production et réalisation : Lisa Millet

Montage et musiques : Quentin Blic


Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast@histoiresdartisans.com.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans mon atelier.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet, présidente de l'association Eponyme. L'Histoire d'artisan valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Vous écoutez le deuxième épisode de Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment. Dans le premier épisode, nous avons parlé de l'histoire du savon. Dans celui-ci, Solène nous raconte comment elle est devenue savonnière, les dépôts de brevets de la Savonnerie Ciment et leur levée de fond. Ensemble, nous nous interrogeons sur le rapport au beau savon et pourquoi nous sommes de plus en plus attirés par cet objet si longtemps relégué au rang de simple consommable. D'aller écoute ! Bonjour Solène et merci de m'accueillir dans ton atelier. Solène, tu es savonnière et cofondatrice de la savonnerie Ciment avec Jérémy que vous avez fondée il y a 5 ans. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Alors, moi j'ai... toujours fait des activités manuelles à côté de mon métier qui me faisait vivre, qui était un métier très intellectuel puisque j'étais enseignante. J'étais prof d'espagnol et donc j'ai fait des longues études, tout ça pour obtenir mon concours, je l'ai eu. J'ai enseigné pendant 14 ans mais à côté de ça j'avais toujours besoin de créer et de faire des choses de mes mains. Ça je pense que c'est génétique. Dans ma famille, on est très bricoleur, on fait beaucoup de choses comme ça. Donc je suis passée par une phase tricot, où je faisais du tricot avec des copines. Et en fait, ça a pris tellement d'ampleur que c'est devenu un collectif de tricoteuses et on faisait des installations urbaines avec du tricot, ou dans des galeries d'art. Enfin bref, on avait quand même pas mal pensé le sujet du tricot. Et c'est là que j'ai rencontré Jérémy, parce que lui, il faisait du crochet. Donc il avait monté une marque de bonnets tricotés par des grands-mères. Enfin, crochetés plutôt. Et on s'était rencontrés, donc c'était en 2008. ça commence à remonter un peu et puis le temps passe, on fait chacun notre chemin de notre côté et je découvre la saponification à froid comme j'expliquais dans l'épisode précédent et tout cet engouement pour la cosmétique maison et tout, donc ça c'était dans les années 2012 à peu près je fais du savon chez moi je me rends compte qu'on peut s'amuser à faire des savons jolis, avec des motifs j'essaye d'inventer parce que esprit un peu géo trouve tout j'essaye de trouver des façons de faire un... des motifs sympas dans les savons et tout, et je me filme et je mets sur Instagram. Et là, Jérémy voit mes vidéos et il se dit, j'adore ce qu'elle fait. Je veux savoir comment ça marche. Donc, il me contacte et je lui dis, viens, on va faire un apéro au savon à la maison. Et c'est comme ça que l'idée de fonder la savonnerie ensemble est arrivée. Moi, parallèlement à ça, dans mon métier de prof, je commençais à sérieusement m'ennuyer et à trouver ça vraiment dur, parce que prof, c'est un métier dur. ne l'oublions pas. Ça faisait un moment que moi je cogitais et puis j'avais envie déjà, même depuis la période tricot, de tranquillement m'éloigner de l'enseignement pour faire autre chose de plus créatif et manuel. Donc ça s'est plutôt bien goupillé et c'est là qu'on a décidé de monter la savonnerie. Donc je me suis mise à temps partiel dans mon métier et on a commencé à faire les démarches pour... Trouver un local, réfléchir aux différentes formules, à ce qu'on voulait faire de cette marque. Et ça a démarré comme ça.

  • Speaker #1

    Eh ben, tu es pleine de ressources, Solène.

  • Speaker #0

    Pas que des bonnes, mais...

  • Speaker #1

    Je ne savais pas que tout avait commencé par toi qui t'amuses à faire des savons. Enfin, on en revient du coup à l'épisode 1, en effet. Et une question que je ne t'ai pas posée dans l'épisode 1. Donc, dans vos savons, en effet, il y a des couleurs. Vos couleurs, elles sont dues à la couleur des huiles ou vous utilisez des colorants ?

  • Speaker #0

    Les deux. parce que nous, le plus souvent, on travaille avec une base de pâte qu'on a formulée de façon à ce qu'elle soit assez claire, presque blanche. Comme ça, on peut mettre des pigments. Donc, c'est des pigments minéraux naturels qui viennent colorer la pâte. Le plus connu, c'est l'oxyde de fer, qui s'appelle aussi plus communément la rouille et qui teinte du jaune au rouge en passant par les brins. Mais il y a plein d'autres oxydes, d'autres minéraux qui peuvent... teindre comme ça la pâte et ce qui est génial c'est qu'on a les trois couleurs primaires donc on peut arriver à faire pratiquement toutes les couleurs sauf les fluos ou les couleurs très synthétiques comme ça. Et ensuite ça vient se superposer à la couleur de base du savon donc en fonction des huiles qu'on choisit ça peut changer les couleurs du savon. Il y a certains savons qu'on a travaillé avec uniquement des huiles de couleurs différentes pour obtenir les couleurs du savon donc pas de pigments. On prend de l'huile de chanvre ça fait du savon vert. On prend de l'huile de cameline, ça fait du savon brun beige. On prend de l'huile de colza, ça fait du savon jaune.

  • Speaker #1

    Et les oxydes métalliques que tu utilises, ils ne sont pas toxiques pour la peau ?

  • Speaker #0

    Non, ils sont à grade cosmétique, ils sont inertes. Et en fait, ils ne sont pas affectés par la saponification. Du coup, la couleur reste très fidèle. Tu peux aussi teindre ton savon avec des plantes teintoriales, mais c'est beaucoup plus aléatoire. Et ça demande des process vraiment très très précis. Ça peut aussi varier d'un lot à l'autre. C'est plus difficile à maîtriser après quand tu veux vraiment avoir une continuité dans tes lots. Par contre, c'est passionnant à travailler plus en test et en recherche pour soi.

  • Speaker #1

    Et moi, je croyais que justement, quand on travaillait des oxydes métalliques, type en effet, tu disais le fer, le cuivre et tout ça. Bah justement si tu mettais du jaune avec du bleu ça faisait pas forcément du vert, ça pouvait faire du marron ou autre chose Bah non ça fonctionne assez bien,

  • Speaker #0

    tous ne pigmentent pas avec la même puissance Donc tu peux avoir certaines couleurs qui prennent le dessus sur d'autres mais une fois que tu maîtrises à peu près tes dosages Non non tu peux arriver à faire du violet en mélangeant du rouge et du bleu, ça marche Ok c'est les merveilles de la chimie Mais par contre si tu essayes de faire un savon rose magenta en mettant une betterave rouge dans ta pâte Non, là, c'est sûr, ça sortira marron parce qu'en fait, ta betterave rouge, elle va se faire grignoter par la soude, digérer en fait par la soude. Elle va venir détruire les molécules et donc celle qui pigmente aussi ta betterave rouge. Et à la fin, tu auras une couleur qui ne sera probablement pas très ragoûtante.

  • Speaker #1

    Ça sent l'expérience. J'imagine que tu t'es intéressée justement à la teinture naturelle, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, et puis en fait, quand tu découvres la saponification à froid comme ça et que tu comprends que tu peux faire ton savon toi-même, T'as envie de mettre tous les trucs naturels qui te passent sous la main, parce que t'as envie de tout tester. Les fleurs, des légumes, des fruits. Et en fait, tu te rends compte que, bon, il y a certaines choses, c'était peut-être pas la peine d'essayer. Ou alors, t'essayes et tu comprends que tu réutiliseras plus, parce qu'effectivement, ton pétale de rose, à la fin, ça fait une espèce de truc marron, rabougri, pas terrible.

  • Speaker #1

    Qui a mal terminé. Donc ça, c'est ta rencontre avec Jérémy et donc la création de Simon. Donc ensuite, vous avez créé CIMAN. En effet, c'était il y a cinq ans. Et depuis cinq ans, qu'est-ce qui s'est passé chez CIMAN ?

  • Speaker #0

    Alors, depuis cinq ans, on a grandi. On a d'abord construit notre marque et eu notre premier labo qui était au début une toute petite pièce dans une maison à Nanterre. C'était la salle de bain de la maison. Et la maison était louée à différents artistes, artisans, dans un esprit comme ça, collectif, assez sympa. Et nous, on avait loué la salle de bain parce que c'était... Petit, pas cher, mais tout carrelé avec un point d'eau, avec en fait une structure qui permettait de travailler de façon professionnelle dans le cadre de la réglementation. Et c'est comme ça qu'on a créé nos premiers lots de savon, les motifs, les formules. Et on a démarré comme ça. Ensuite, il y a une autre pièce de la maison qui s'est libérée, on l'a prise. Ensuite, on s'est retrouvés à l'étroit. Et on a fait une campagne de financement participatif pour ouvrir notre première boutique à Paris, donc dans le 11e. Et un an plus tard, on a ouvert celle de Bordeaux. Et à chaque fois, c'était une boutique avec un labo de production. Donc, on fabriquait sur place ce qu'on vendait. On a ouvert notre boutique à Paris, je pense, 15 jours avant le premier confinement. Oui, on a le sens du timing. Et donc, le démarrage n'a pas été simple. Mais bon, on a tenu bon et on s'est rendu compte. au bout de trois ans qu'il fallait qu'on se reconcentre sur la production parce que avoir une boutique et tout ce qui va autour c'est quand même très lourd en charge et que nous on arrivait à être efficace et optimum dans notre fabrication si on avait un local plus grand et si on se concentrait vraiment plus sur la production parce que par ailleurs on avait développé un réseau de revendeurs assez large et d'autres casquettes dont la fabrication de savon en marque blanche, donc en sous-traitance, et la fabrication de savon aussi... personnalisés, donc des contrats spéciaux avec des marques pour eux et pour eux seuls. Donc voilà, nous aujourd'hui on en est là, c'est-à-dire qu'on a fermé nos boutiques et on est dans un local qui ne fait que de la production et on a pas mal de demandes sur des savons personnalisés, des collabs et ça c'est quelque chose qu'on adore faire en plus parce que c'est très créatif, en tout cas c'est quelque chose qu'on développe bien en ce moment. Mais il y a un truc qu'on n'a pas dit dans le premier épisode, c'est... J'ai pas tant que ça expliqué, la réaction chimique. J'ai dit on mélange des huiles et de la soude et ça fait du savon. Oui. Mais tu vois, tout à l'heure, tu as dit, en parlant du pétale de rose, qu'il avait mal fini. Et en fait, ça, c'est ce qui se passe pour tout ce qui est organique et qui est mis en présence de la soude. Puisque dans Fight Club, ils font du savon et il y a un personnage qui se prend de la soude sur la main à un moment donné. Et sa main, carrément, elle fume et pratiquement elle fond. Donc la soude, ça peut faire un peu peur. Et je crois que dans d'autres séries, on se débarrasse de personnes dérangeantes. en les plongeant dans une baignoire de soude. En effet, la soude, c'est très corrosif. Et quand on la met en présence d'huile, donc de corps gras, ça forme la molécule de savon et la molécule de glycérine. Et une fois que la réaction est terminée, il n'y a plus de soude dans le savon. Donc le produit final, il est très doux. C'est pour rassurer les gens. Mais nous, quand on fabrique les savons, il faut qu'on fasse attention, il faut qu'on se protège bien, si on ne veut pas finir comme la main de Edward Norton dans Fight Club.

  • Speaker #1

    Oui, donc c'est plutôt, c'est pas dangereux pour le consommateur, mais c'est dangereux pour le producteur.

  • Speaker #0

    Ouais, enfin non, parce que bien sûr, on a tout un protocole de sécurité qu'on applique et ça se passe bien. Mais oui, le consommateur, s'il voit sodium hydroxide sur une étiquette, et bien en fait, il ne faut pas qu'il s'inquiète, parce que nous, on a bien réfléchi à nos formules et elles sont bien. Et d'ailleurs, elles ont été validées par un toxicologue.

  • Speaker #1

    Très bien, mais ça veut dire aussi que vous avez... potentiellement des contraintes sur vos ateliers. Je voyais dans ton atelier, vous avez un gros tuyau qui sort vers l'extérieur. Vous êtes obligée d'avoir un système d'aération optimal pour éviter justement toute agressivité des muqueuses, j'imagine.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est plus pour protéger les savons. En fait, on doit protéger les gens et on doit protéger les produits. Et effectivement, on doit travailler en atmosphère contrôlée au niveau de l'aération, au niveau de la température, au niveau de l'hygrométrie aussi. pour que les savons soient vraiment dans une atmosphère où il n'y ait pas de variation brutale de température ou d'humidité et que du coup ils puissent faire leur cure de façon normale et que le produit soit à la hauteur de la qualité exigée à la fin. Mais pour protéger les savonnières, c'est plus une blouse, des crocs sans trous, des gants, des lunettes, une charlotte. La charlotte c'est plus pour protéger les savons, pour ne pas qu'il y ait des cheveux qui tombent dedans, même s'ils resteraient. pas grand-chose du cheveu, en fait.

  • Speaker #1

    Et tu dis savonnière parce qu'aujourd'hui, à part Jérémy, dans l'entreprise, vous n'êtes que des femmes.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et en production, il n'y a effectivement que des femmes. Mais Jérémy sait faire du savon. Je l'ai déjà vu faire. Il pourrait faire du savon s'il avait envie. Mais il s'occupe plus du marketing et de la commercialisation. Il habite à Marseille. Donc, on est une entreprise sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #1

    Tu disais justement que vous aviez recruté quelqu'un en freelance au Maroc. Oui. Donc vous êtes vraiment sur plusieurs zones géographiques.

  • Speaker #0

    C'est ça. C'est quand on a besoin de voir du soleil dans les visios.

  • Speaker #1

    C'est une bonne technique. C'est une bonne question en termes d'organisation. Donc il y a Jérémy et toi. Donc Jérémy, tu dis qu'il est plus sur le côté market commercialisation. Toi, tu es plus, tu disais, sur la R&D. et la prod. Ensuite, vous avez une graphiste, Anna, et deux autres commerciales, dont une qui est spécialisée en prospection et l'autre en vente. C'est ça ? C'est ça. Et en prod, vous avez deux savonières ? Oui. Ok, donc ça fait six. Belle équipe, en vrai. Franchement, il y a assez peu, enfin, je vais pas dire assez peu d'entreprises, mais des entreprises artisanales qui sont capables de recruter autant. En tout cas, c'est une réussite. Vous pouvez vous féliciter d'être en capacité de recruter.

  • Speaker #0

    Eh bien, félicitons-nous. néanmoins on a quand même plusieurs casquettes sur nos têtes chacun et effectivement c'est pas toujours évident mais bon au degré de maturité notre entreprise est à la taille de notre entreprise c'est un classique donc les entrepreneurs ont tendance à avoir plusieurs casquettes sur la tête et à gérer plusieurs agents dans une seule et même personne exactement multi casquettes les slasheurs comme on les appelle est

  • Speaker #1

    ce que tu aurais une anecdote à nous raconter en relation avec ton métier oui alors moi j'aime bien raconter les fails il

  • Speaker #0

    Parce que ça me fait rire.

  • Speaker #1

    Outre que la rose et le jus de betterave.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, sachez qu'on réussit des trucs quand même. Des fois, ça nous arrive de faire les choses bien. Mais dans notre ancien local de Bordeaux, on avait une porte qui mesurait 78 cm de large. Sachant que pour les personnes qui sont au courant de ce détail, une palette... mesure 80 cm de large.

  • Speaker #1

    Il manque 2 cm !

  • Speaker #0

    Il manque 2 cm. Donc, quand on était dans notre local de Bordeaux, à chaque fois qu'on devait faire rentrer une palette ou expédier une palette, et ça vient vite en fait, parce que même si le savon, ce n'est pas quelque chose d'extrêmement volumineux, c'est lourd mais pas très volumineux, quand on exporte des milliers d'unités, il faut que ce soit sur une palette. Et on devait toujours monter la palette sur le trottoir ou la défaire sur le trottoir et rentrer les matières premières. Une par une. Donc ça, c'était une anecdote qui ne nous a pas toujours fait rire. Mais aujourd'hui, on en rit. Et surtout, ça nous aide à expliquer pourquoi on a besoin de trouver un local pour après celui où on est maintenant. On en rit et puis ça nous permet d'expliquer aussi pourquoi on a besoin d'un local avec des portes de taille normale pour le prochain. C'est-à-dire que là, on est dans un local où on a des portes, ça va. Mais en fait, ce qu'on recherche... Aujourd'hui, pour la suite, c'est une manufacture du futur où tout serait pratique, fonctionnel, grand et où ça nous permettrait d'optimiser aussi la capacité de travail des personnels et que ce soit confortable, qu'on n'ait pas à défaire une palette à chaque fois qu'il faut passer la porte.

  • Speaker #1

    Surtout, c'est le genre de truc auquel on ne pense pas. On ne se dit pas, la porte, elle n'a pas une taille standard, donc on ne vérifie pas. Et puis quand ça nous arrive, c'est trop tard.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est même pire que ça parce que trouver un local, surtout un local avec une partie vente, tel que c'était le cas à Bordeaux, il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu, de timing, de localisation. Puis quand tu as un labo où tu vas installer un labo de prod, tu as encore plein plein plein d'autres points à vérifier. Tu te dis, ok, j'ai vu que la porte n'était pas hyper large, on trouvera des solutions. Bon, oui, bien sûr, on a trouvé des solutions, il suffit de défaire la palette sur le trottoir. Mais peut-être que sur le prochain local, ce sera un point un petit peu plus crucial, on va dire.

  • Speaker #1

    Je sens que vous allez y aller avec votre maître et que vous allez mesurer tous les encadrements de portes.

  • Speaker #0

    C'est ça. Non, non,

  • Speaker #1

    non, pas de foi. En vrai, encore une fois, c'est comme quand tu achètes un canapé, que tu le reçois et qu'il ne passe pas la porte. C'est pareil, c'est genre, et maintenant ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est des petits moments de solitude comme ça. Tu regardes vers l'horizon et tu dis... Bon, ben...

  • Speaker #1

    Il n'y avait pas moyen de, je ne sais pas, découper la palette ?

  • Speaker #0

    Va découper une palette avec des choses dessus. Et la porte, elle était en verre. Ouais. Donc, tu ne pouvais pas, sinon tu cassais ta vitrine. Oh là là. Non, non, il n'y avait pas.

  • Speaker #1

    Il n'y avait rien calé. Bon, c'est une anecdote qui permet à tout le monde de prendre une petite leçon d'humilité.

  • Speaker #0

    Ah bah ça, dans l'entrepreneuriat, des leçons d'humilité, t'en prends tous les jours.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, clairement. Et je pense qu'en plus, j'ai envie de te dire, dans l'artisanat, t'en prends encore plus tous les jours.

  • Speaker #0

    Bah t'es confrontée à la matière. Donc que ce soit du bois, de la bouffe, du ciment, du savon, quand ta matière, elle ne fonctionne pas comme t'as voulu, bah tu ne vas pas lui apprendre comment on fait.

  • Speaker #1

    Non, c'est clair, mais t'as raison. À la fois, il faut que tu apprennes à la dompter et à la fois, elle est ce qu'elle est. Et si aujourd'hui, elle n'a pas voulu... On en revient à une question qui, moi, je pense que la réponse serait tous, comme d'habitude. Mais est-ce que tu peux nous parler d'un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches et ou d'innovation ? pour atteindre ton objectif ?

  • Speaker #0

    Alors, il y en a plusieurs, mais celui qui me semble le plus parlant pour nous, c'est notre système de fabrication des savons avec des motifs. Nous, les motifs, ils sont dans la masse, ce qui fait que quand on utilise le savon... Il reste juste que le savon soit totalement usé. Donc sur le rebord de la salle de bain, le savon, on reconnaît son motif, on peut en profiter tout du long et ça reste un petit objet de déco comme ça, très sympa. Et ça, personne ne le faisait avant nous, à part en savon à la maison pour les particuliers qui font du savon chez eux. Mais aucune marque ne faisait de savon avec des motifs géométriques comme ça. La plupart des savonniers et savonnières qui font des savons décoratifs, avec des couleurs et tout, ça va être des techniques de marbrage. Donc on vient... couler la pâte liquide et ça fait des motifs un peu aléatoires. Mais faire des motifs comme nous on le fait, qui vont vraiment représenter une étoile, ou des choses plus abstraites aussi, un cercle, un triangle, ça, il a fallu l'inventer. Et puis, les outils n'existaient pas forcément. Donc, on a bricolé des choses avec mon père dans son garage pour arriver à faire ces motifs. dans la masse, dans des gros blocs de savon, avec des techniques de découpe, de moulage, des formes, des contreformes trouvées, dans quoi on allait pouvoir couler la pâte pour obtenir telle forme à telle dimension et tout. Donc ça, ça a été un boulot passionnant. Enfin, ça l'est toujours parce qu'en fait, dès qu'on veut inventer un nouveau motif, on ne repart pas de zéro, mais il faut retrouver des idées nouvelles. Et par contre, c'est toujours sur le même fonctionnement. Et ça, c'est un process qu'on a... même plus brevetée. Donc, notre façon de fabriquer des savons, elle ne peut pas être répétée ailleurs que chez nous. Et ça montre que c'est une vraie innovation qui a été pourtant au départ pas mal bricolée. Moi, j'aime bien cette idée de, tu commences un petit peu avec tes moyens et puis petit à petit, tu arrives à systématiser ton idée et à la perfectionner.

  • Speaker #1

    Comment on brevette une technique ?

  • Speaker #0

    Alors, pour breveter une technique, on fait appel à un professionnel du brevet qui, lui, va mener des recherches. Donc, lui, c'est un peu un Hercule Poirot. du procédé industriel. Donc il va aller chercher dans la littérature industrielle, je ne sais pas si ça s'appelle comme ça, s'il y a des précédents, s'il y a déjà quelqu'un qui a breveté le même processus que toi. Donc il va t'interroger, il va te demander comment tu fais, il va venir voir comment tu fais, il va tout noter et il va comparer avec sa giga base de données pour voir s'il y a d'autres marques qui ont déjà breveté le même système, auquel cas tu ne peux pas breveter le tien. Et s'il n'y a pas d'antériorité, tu peux déposer le brevet.

  • Speaker #1

    Et sans indiscrétion, c'est cher de faire breveter une technique ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas donné, mais après, ça dépend si tu brevettes que pour la France ou pour l'Europe ou le monde. Ça dépend ce que tu brevettes aussi. Je ne sais pas. Nous, c'était relativement simple quand même. Mais il y a sûrement d'autres marques qui voudraient faire breveter des choses beaucoup plus complexes ou beaucoup plus sensibles. Peut-être que pour faire breveter un drone militaire ou la peinture plus noire que noire, peut-être qu'ils auraient payé plus cher que nous.

  • Speaker #1

    Je comprends. Ça fait partie des choses où tu es la première que je rencontre qui a breveté une technique.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très surprise parce que la savonnerie, c'est un artisanat où il y a encore beaucoup de choses à inventer et à découvrir. Tu as beaucoup d'autres artisanats qui sont déjà très implantés, très connus. Tu peux aller dans un magasin où ils vont vendre le matériel pour cet artisanat. Tu n'as pas de magasin qui vend le matériel pour faire du savon. Ou en tout cas, pas comme nous, on le fait. Donc, on doit improviser, on doit inventer nos propres outils. Et ça, c'est aussi... une partie de travail que moi j'adore.

  • Speaker #1

    Et c'est, j'imagine, en rapport avec ce que tu disais de la nouvelle relation au savon dans le premier épisode, tu parlais de finalement, c'est à la fois des techniques très anciennes et qu'on connaît depuis j'ai envie de dire des milliers d'années et à la fois, ce rapport au savon est quand même très récent.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, je pense que l'idée de faire un savon décoratif avant, on s'en fichait complètement. Ça, c'est quelque chose d'assez nouveau, où le savon devient objet de déco. objet de cadeau. Avant, t'offrais jamais un savon à quelqu'un, ça se faisait pas. C'était limite un peu bizarre de faire ça. Alors que maintenant, on a quand même vraiment avancé sur ce point-là. Je sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce que les gens investissent plus de leur temps, de leur énergie pour le bien-être, pour le soin de soi et pour leur déco, leur intérieur et tout.

  • Speaker #1

    Déjà, je suis assez peu renseignée sur ça, mais la salle de bain et l'eau courante dans les ménages, finalement, c'est quand même assez récent.

  • Speaker #0

    Attends mais moi je sais parce que j'ai lu un bouquin qui est génial Parce que j'aime beaucoup cet auteur qui s'appelle Pierre Lemaitre, qui a écrit un bouquin qui s'appelle... Ouais, c'est dans le grand monde, dans le silence et la colère. C'est l'un des deux. Et il parle d'une étude qui avait été menée par le magazine Elle en 1950, par là. Genre, pas très longtemps après la fin de la guerre. Et ils avaient mené une enquête sur la française et l'hygiène. Donc c'était, je ne sais plus l'intituler, c'était genre la française est-elle propre ?

  • Speaker #1

    Très chic. La française.

  • Speaker #0

    Et on parlait moins du français. C'était Madame, plus, qui était concernée. Et bref. Tu avais un sondage et on demandait aux Françaises si elles avaient l'eau courante, si elles avaient une salle de bain, si elles avaient une baignoire, combien de fois par semaine elles se lavaient, combien de fois par semaine elles changeaient leurs vêtements, leurs sous-vêtements. C'était des questions très intimes. Et quand tu vois les résultats du sondage, tu te dis, ah ouais d'accord. Mais en fait, tu avais une grande majorité de la France qui n'avait juste pas l'eau courante. Donc derrière,

  • Speaker #1

    comment ? Là justement, je regardais... J'ai demandé à notre meilleur ami Google. En 1954, la moitié des logements français ont l'eau courante, mais seulement 25% d'entre eux possèdent une salle de bain. Et il faut attendre la fin des années 1980 pour que la quasi-totalité des Français bénéficient de l'eau courante à domicile. Tu vois, je pense que c'est vrai que la conception du savon, et ne serait-ce que finalement, fin des années 80, c'est notre âge, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui.

  • Speaker #1

    Et finalement, c'est... Le concept de salle de bain, de tu fais quelque chose de propre, de beau, d'accueillant parce que tu vas recevoir les gens, que tu vas pouvoir les accueillir dans des bonnes conditions. Et puis plus que ça, c'est t'invites tes invités, ils vont se laver les mains dans la salle de bain. Bah si ta salle de bain elle est moche, enfin tu vois il y a...

  • Speaker #0

    C'est un peu la honte.

  • Speaker #1

    Bah c'est ouais et je pense que c'est relativement récent en fait ce rapport à la salle de bain. C'est de moins en moins un endroit intime. Dans le sens où, en plus, dans des villes comme dans des grandes villes où en fait, t'as pas forcément les toilettes séparées avec le lavabo dans les toilettes et tout ça. Donc, les gens vont dans ta salle de bain pour se laver les mains. Et donc, forcément, ça apporte un nouveau rapport au savon qui, lui, est utilisé par ton invité. Je pense qu'en effet, ça rebat complètement les cartes de l'utilisation et de la place du savon dans les ménages.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, quand tu regardes ces chiffres, c'est impressionnant le fait que ce soit si récent. Mais en en parlant, moi je me rappelle que quand j'étais enfant, ma grand-mère elle habitait à la campagne en Bretagne. On allait voir sa cousine. Chez elle, c'était de la terre battue par terre. Et t'allais aux toilettes dans le jardin avec la petite cailloute, avec le petit cœur. Et donc autant te dire... Comme Shrek. Mais oui. Autant te dire qu'il n'y avait pas de salle de bain, que le savon, il n'était pas spécialement fait pour être joli. Et puis je pense qu'elle faisait sa toilette dans son évier, dans sa pièce unique. Et j'imagine qu'il n'y avait pas... encore pas mal de gens qui vivaient comme ça. Donc oui, le savon avec les propriétés aux mille merveilles, ça, ce n'était pas encore l'heure de parler de ça, je pense.

  • Speaker #1

    Donc ouais, tu dis que pour toi, c'est quand même un artisanat où il y a encore des tonnes de choses à découvrir et des tonnes de choses à innover. Alors moi, j'aurais plutôt tendance à dire que moi, je considère que tous les artisanats, il y a des choses à découvrir. Et en l'occurrence, avec les nouvelles technologies et tout ça, je pense que l'invention ne va pas... pas s'arrêter demain. Mais toi, ce que tu dis, c'est vraiment dans la technicité, déjà de base, il y a encore plein de choses à découvrir, quoi.

  • Speaker #0

    Bah oui, oui, oui, parce que c'est assez nouveau, oui. Déjà, le concept de faire un savon qui soit un objet de déco, comme on le disait juste avant. Donc, autant tu vois, si t'es céramiste, bien sûr, tu peux inventer des nouveaux outils. Bien sûr, tu peux faire ce que je fais avec le savon, mais tu peux aussi aller dans un magasin où ils vendent des outils pour céramistes et t'auras un kit de base qui permet déjà de faire beaucoup de trucs. Pour le savon, il n'y a pas. Donc on emprunte des techniques et des outils à la pâtisserie, des outils qu'on retrouve sur les magasins réservés aux garagistes, où on va faire appel à l'impression 3D, à des techniques de moulage. C'est très très varié en fait, on est vraiment à la croisée de plein de techniques différentes.

  • Speaker #1

    C'est intéressant. J'imagine que c'est d'autant plus riche de rencontrer d'autres artisans et de comprendre leur métier.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est une excellente transition vers la prochaine question qui est, quels sont, je vais plutôt dire, vos projets futurs avec Jérémy ?

  • Speaker #0

    Alors, nos projets futurs, on parlait de notre futur local. qu'on veut être vraiment le lieu du beau et du bienfait pour du savon. Pour l'instant, on fait que du savon et des produits cosmétiques solides et co-responsables. Et donc, ça va être de trouver ce lieu rêvé et de le financer. Donc là, on est en train de finaliser une campagne de financement participatif sur KissKissBankBank qui se passe très bien. Au moment où on parle, elle n'est pas encore finie, mais je pense qu'au moment où les gens l'écouteront, ça sera terminé. Et ça va nous permettre de servir de levier pour une levée de fonds en 2025, qui va nous aider à financer cette manufacture du futur souhaitable et les personnes qui travailleront dedans.

  • Speaker #1

    Mais justement, moi, je veux bien qu'on creuse ce sujet de levée de fonds, parce qu'encore une fois, comme le brevet, ça fait partie des sujets qui sont assez normaux pour l'environnement startup adoré de notre cher président. Mais finalement, dans l'artisanat, on parle assez peu de levée de fonds. On parle peut-être d'investisseurs ou d'amis qui mettent un peu au capital, mais on ne parle jamais de ce terme qui, je trouve, est quand même très startup nation, de levée de fonds. Et moi, ça m'intéresse un peu d'en parler avec toi parce que c'était en 2020, je pense que c'était pendant le Covid. Moi, je viens de l'univers de la startup. Avant de découvrir l'artisanat, j'ai fait tout mes stages en startup. Et c'est vrai qu'il y avait des offres, des techniques, des façons de penser, des façons de fonctionner que moi, je connais relativement bien. qui était très utilisé dans la startup. Donc la levée de fonds en fait partie. En fait, de dire, un moment j'arrive, enfin souvent c'est pour ça, c'est un moment j'arrive à un palier et si je veux grandir, là ça va être douloureux financièrement. Donc je fais rentrer des gens au capital pour avoir un peu plus de trésor et pouvoir investir pour passer ce palier. C'est relativement normal dans l'univers de la startup, mais ce n'est pas des fonctionnements normaux dans l'artisanat. On m'avait interviewée pour un article et l'article, on m'a un peu grondée. On m'a un peu grondée pour le titre, mais il n'empêche que le titre, c'était L'artisan est une start-up Et en fait, mon discours, c'était de dire, il y a des choses qui sont mises en place pour les start-up. Notamment, il y a des réseaux qui s'appellent comme le réseau Entreprendre, où en fait, c'est en tant que fondateur de start-up, tu vas avoir un mentor gratuitement qui va répondre à toutes tes questions. Ça, ça existe dans les start-up. Tu vas avoir accès à des financements. La BPI, les taux zéro, tout ça, c'est archi normal dans les startups. Et en fait, moi, je disais, mais pourquoi l'artisanat n'y a pas accès ? Et je suis hyper contente d'avoir en face de moi, enfin, quelqu'un qui a accès à cette levée de fonds. Et j'aimerais bien savoir, donc, déjà, qu'est-ce qui vous a motivé avec Jérémy ? Et comment vous avez réussi à accéder à ça et accéder à ce type de financement ?

  • Speaker #0

    Alors, déjà, nous, on disrupte.

  • Speaker #1

    Ce mot, il est insupportable. J'avais envie de le placer. C'est génial. Tu as disrupté le savon.

  • Speaker #0

    Je disrupte autant que je peux.

  • Speaker #1

    Mais franchement, si tu avais un discours de startupeuse, évidemment que tu le mettrais dans ton élévateur pitch. Mais évidemment que tu le mettrais. Je disrupte le marché du savon. L'enfer, l'enfer, Solène. Non mais vraiment, j'ai fui cet univers.

  • Speaker #0

    Alors, Je pense qu'effectivement, dans la culture artisanale, on a cette vision du temps long et du soin apporté aux gestes. Et l'amour de ce temps long qui est nécessaire pour que l'objet soit bien fait et qu'il soit beau. Et ça, la startup Nation a du mal. Il y a aussi dans la culture artisanale, par exemple, quand tu dis on travaille en petit lot, c'est bien perçu dans l'artisanat. Alors que dans la startup, non.

  • Speaker #1

    T'es pas scalable, Félène, t'es pas scalable.

  • Speaker #0

    T'es scalée. Et nous, on est un petit peu à mi-chemin entre les deux logiques, parce qu'on croit très fort dans les vertus de notre produit, qui permettent d'éviter des tonnes de plastique, parce que nos produits n'ont pas d'emballage plastique, par exemple. C'est un exemple parmi d'autres. Mais dans la façon dont on le travaille, dans la façon dont on veut l'améliorer aussi tous les jours, et cet impact-là, il passe forcément aussi par augmenter les volumes. Alors on ne va pas être scalable comme une app de la Startup Nation qui va se transformer en licorne demain, mais par rapport à beaucoup de savonneries de toutes petites unités de production, on pense pouvoir faire beaucoup plus. Et l'idée c'est d'arriver aussi à convaincre un maximum de monde que ce produit est beau et qu'il sent bon, et par ailleurs, par ricochet, du coup vous allez l'utiliser sur votre peau, et bah ça tombe bien, c'est un produit qui est sain. et où on travaille des huiles bio, où on va vraiment s'attacher à avoir une formulation qui va être clean avec le minimum d'ingrédients synthétiques possibles dans la formule. Donc trouver cet équilibre entre faire un produit qui séduit tant chez des revendeurs de type concept store par exemple ou boutique de cadeaux un peu premium et en fait par ailleurs t'as acheté un produit vertueux pour l'environnement et pour ta santé. Donc nous c'est un peu cette logique là. Et on pense que si on s'organise bien avec les forces vives qu'on a déjà même dans l'entreprise aujourd'hui, on peut déjà grandir nos volumes de production de façon significative. Et donc, si en plus on lève des fonds et qu'on peut investir dans du commercial, du marketing et tout ce qui va avec, là, on peut vraiment aller loin et avoir un impact fort dans cette industrie qui sera pour nous une porte d'entrée artisanale. Juste,

  • Speaker #1

    je voulais revenir sur le terme de scalabilité parce que tout le monde ne le connaît pas. La définition de la scalabilité, c'est en gros de faire des économies d'échelle. Donc, l'idée, c'est de dire, et notamment c'est pour ça que dans le monde de la tech... C'est un mot qui est très utilisé, c'est que quand on développe un logiciel qui soit utilisé par une personne ou qui soit utilisé par 10 000 personnes, les coûts fixes de production du logiciel seront les mêmes. Donc en fait, on devient scalable, donc on fait des économies d'échelle lorsque l'on vend à encore plus de monde. La scalabilité, dans les faits, quand on fait des savons, c'est pas possible parce qu'un savon reviendra toujours à une personne. En revanche, moi je suis assez persuadée que... dans la production, on peut réfléchir à optimiser ses processus de production pour faire des économies d'échelle et arriver à alors pas la scalabilité de la tech mais arriver à une certaine scalabilité. Bref, je voulais revenir sur cette définition quand même. Et pour revenir sur notre sujet de levée de fonds, aujourd'hui, qu'on soit bien d'accord, des fonds d'investissement spécialisés dans l'artisanat, il n'y en a pas. D'ailleurs, si quelqu'un écoute ça et veut lancer son business, je pense qu'il y a vraiment un sujet, personnellement. Bref, Mais comment vous vous faites pour arriver à trouver des investisseurs ?

  • Speaker #0

    En fait, ça peut étonner, mais il y a des gens qui sont fans de savon. Et nous, dans notre microcosme, on arrive par bouche à oreille et aussi dans la façon dont on communique aussi autour de notre marque, de notre savoir-faire et de notre image, parce que nos savons sont très visuels. On peut très facilement prendre de belles photos et les rendre visibles. On a réussi à faire une première levée de fonds il y a deux ans, un premier tour de table qui, à son tour, nous offre des débouchés pour la prochaine levée de fonds de 2025. Et la campagne de crowdfunding qu'on est en train de finaliser en ce moment, on commence déjà à en parler et on voit qu'il y a des personnes qui sont intéressées pour participer à ce deuxième tour de table de 2025. Donc c'est des gens qui sont souvent issus de nos clients aussi.

  • Speaker #1

    Oui, donc en fait, c'est des gens qui ne cherchent pas forcément l'ultra bénéfice, mais qui cherchent, par leur investissement, à accompagner une entreprise qui partage leurs valeurs et qui promeut leurs valeurs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, c'est souvent des gens qui nous suivent depuis le début, qui ont vu notre évolution, qui ont vu nos produits, qui les ont essayés, qui les ont aimés et qui ont envie de soutenir des projets comme le nôtre ou qu'est-ce qu'on veut du futur ? artisanales et industrielles de notre pays. C'est-à-dire, est-ce qu'on a envie de ces gigas usines où les gens sont exploités de la mauvaise manière ou est-ce qu'on préfère des unités qui vont être peut-être plus modestes mais où on va avoir un vrai soin du produit et des personnes qui y travaillent ? Tu parlais tout à l'heure de l'optimisation de la production. Nous, en effet, on s'est rendu compte qu'avec le même nombre de savonières, pour peu qu'on ait les bonnes installations, on pouvait... augmenter de façon vraiment significative, c'est-à-dire en fait doubler même plus la production. Donc en fait, la question, le nerf de la guerre, c'est l'argent, comme d'habitude. Et si on a suffisamment de personnes qui comprennent ces enjeux-là et qui ont envie de participer à un futur artisanal pour notre pays et pour nos enfants, qui ressemble à notre rêve à nous, venez, allez-y, mettez-vous autour de la table et construisons ça ensemble.

  • Speaker #1

    Non mais je suis archi d'accord avec toi et je trouve que c'est plutôt bénéfique de voir qu'il y a des gens qui ont envie d'investir dans des entreprises comme la tienne parce qu'on a beaucoup d'idées reçues sur ceux qui ont des hauts salaires et ils cassent un peu ces idées reçues qu'on peut avoir je pense. Et c'est, encore une fois... une merveilleuse transition sur la dernière question. Donc la dernière question du podcast, c'est toujours la même. Je trouve qu'elle a beaucoup de sens dans le sens où, en plus, vous le faites différemment, mais qu'est-ce que tu souhaites pour le futur de ton métier de savonnière ?

  • Speaker #0

    Moi, ce que je souhaite pour le futur de mon métier de savonnière, c'est qu'on arrive à construire des manufactures d'un futur souhaitable et désirable, où on va faire de magnifiques produits avec des équipes qui seront heureuses de venir bosser le matin et qui vont toucher un maximum de clients, de personnes, qui vont à leur tour utiliser des produits de bonne qualité. et être en meilleure santé. Comme ça, on va boucher le trou de la sécu. Et ça, ce serait super. Mais on remarque que toutes ces petites entreprises artisanales, et certaines un peu plus grosses, et pionnières, qui ont démocratisé, ou en tout cas fait connaître, une cosmétique plus écoresponsable, souvent en passant par des textures solides, en fait, ils ont été directs, avec le temps qu'il a fallu à l'industrie pour reprendre ses idées, ils ont été repris par l'industrie. Aujourd'hui, Dans les supermarchés, les marques de cosmétiques pas chères qu'on retrouve partout, ils se sont tous mis à faire du solide. Du shampoing solide, du démaquillant solide, du déodorant solide. Et ça, ça veut dire que quand même, c'est des bonnes idées. Et moi, ce que j'aimerais pour le futur de mon métier, c'est qu'il n'y ait pas de la place que pour ces géants, mais qu'en fait, les gens comprennent qu'un shampoing solide de ces grandes marques-là, on peut aussi choisir d'aller le prendre chez un artisan. Et qu'on ne va pas seulement acheter un shampoing solide. On va acheter aussi tout ce qu'il y a derrière comme valeur, comme façon de le travailler. Et ça, c'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Eh bien,

  • Speaker #1

    écoute, c'est très bien. Et c'est totalement les valeurs que l'on défend chez Histoire d'Artisan. Donc, c'est parfait. Eh bien, merci beaucoup, Solène. Merci pour ton temps. Merci pour cette visite. Je suis ravie d'avoir pu découvrir Simon en vrai. Bonne chance, même si la campagne sera sans doute terminée au moment où on sortira l'épisode. Mais bonne chance pour la campagne et bonne chance pour la levée de fonds de 2025. Je vous souhaite... un très beau local. Et puis, j'espère à très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, Lisa. Et moi aussi, je suis très contente de t'avoir rencontrée. Un jour, il faudrait qu'on t'interview pour connaître ton parcours. Ah ben,

  • Speaker #1

    mon père, il veut le faire. Peut-être cet été. Peut-être cet été, parce que je vais passer un mois chez eux. Donc, peut-être qu'il va m'interviewer à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Tu seras obligée de dire oui.

  • Speaker #1

    J'ai déjà dit oui, ouais. J'ai déjà dit oui. Ouais, ouais, ouais. Mais lui, il veut plutôt en faire un article écrit. Donc, on verra. Merci beaucoup, Célène.

  • Speaker #0

    Merci Lisa !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour votre écoute. J'espère que ce deuxième épisode avec Solène Lebon Couturier, savonnière et cofondatrice de la Savonnerie Ciment vous aura plu. Vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans au plus grand nombre en mettant une note, un commentaire et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée. Vous pouvez nous retrouver sur Instagram pour découvrir le métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie, vous pouvez nous transmettre un message en nous écrivant à podcast.histoired'artisan.com A bientôt avec une nouvelle histoire !

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