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Je suis migrant·e

Métiers en tension : quand la ferme se rebelle

Métiers en tension : quand la ferme se rebelle

35min |14/10/2025
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Description

Pourquoi refuser un titre de séjour à un jeune exilé, en CDI dans un métier en tension ? La réponse à cette question est unanime : c’est une politique préfectorale de non-accueil incompréhensible. Ce jeune homme c’est Manssour, un nomade mauritanien de 30 ans et un excellent ouvrier agricole employé en Creuse. Il nous raconte son chemin d’une terre à une autre…


Un récit commenté par Magda El Haitem, avocate au barreau de Paris et Thierry Péronne, exploitant de la Ferme du Prévert.


📖 SOURCES :



🎵 MUSIQUES :

  • Pretty Particles - Fritz Doddy

  • Beautiful Field Of Peace - Bruno Le Roux

  • Mauritanie, North Africa Traditional - Mustapha Didouh, Edward Ashcroft et Paul Vials - © KPM Music Ltd


🎙️ LECTURE :

  • Océane Claveau

🎧 Ré-écoutez nos précédents épisodes


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. La liberté, c'est prendre le risque de voler hors de sa cage sans connaître le sens. de la migration. Valentin Auverx, Agony.

  • Speaker #1

    Moi, mon prénom, c'est Sou Mansour. Je viens de Mauritanie. Je suis né en 1995 à Karaydi. C'est une ville dans Mauritanie. Mon âge, c'est 30 ans.

  • Speaker #0

    Je suis migrant, épisode 6, métier en tension, quand la ferme se rebelle.

  • Speaker #1

    Il y a des émigrés qui quittent en Afrique ou même si ils ne sont pas en Afrique, dans d'autres pays, ils sont pauvres comme ça. Moi, ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais quitté chez moi parce que je suis pauvre. Je suis né dans une famille où on est des nomades et chaque année, on se déplace avec des animaux. On a beaucoup d'animaux, 800 vaches ou 1000 vaches quand même. Si je te dis que j'ai 1000 vaches, je ne suis pas un pauvre. J'ai gagné bien ma vie avec ma famille. On vendait beaucoup d'animaux par année. On gagnait beaucoup d'argent. Si je n'avais pas eu de problème en Afrique, en Mauritanie, je n'aurais jamais quitté là-bas. Je suis plus tranquille là-bas. Parce qu'ici en France, les agriculteurs disent qu'on n'arrive pas à gagner de notre vie. Je pense qu'avec tous les matériels comme ça, je pense que ça va être compliqué pour gagner son vie. Tu vas passer toute ta vie pour rembourser de l'argent et des gros tracteurs, des gros machines et tout ça. Et nous, Moutani, on n'a pas même un brouette ou un tracteur, non.

  • Speaker #0

    Dans sa découverte des élevages français, il y a autre chose qui frappe Mansour.

  • Speaker #1

    Il y a un peu de différence. Ici, les vaches, il y a des moments donnés, elles sont fermées, il y a des moments donnés, elles sont dans les bâtiments et nous, on ne connaît pas ça. Moi, si je vois les animaux qui sont dans les bâtiments, ça me fait mal au cœur. Après, c'est normal, je comprends. Ici, à un moment donné, il n'y a plus à manger, il n'y a plus rien. C'est l'hiver, c'est froid, il faut rentrer les animaux. Et chez nous, il n'y a pas l'hiver. Tout le temps, ça fait beau et on reste d'ailleurs. On n'a pas beaucoup chez moi avec ma petite soeur et ma mère et mon père. Je les ai beaucoup, beaucoup. travailler dans les métiers agricoles et je fais ça beaucoup pendant depuis petit. C'est mon papa qui m'a appris le métier depuis que j'étais à l'âge de 8 ans ou comme ça et il m'applique beaucoup de choses. On cultive un peu, pas beaucoup, on fait un peu de maïs et de sorgho et un peu de maraîchage, 4 ou 5 volets à la maison, c'est juste pour nous.

  • Speaker #0

    En Mauritanie, certains nomades sont en déplacement constant avec leurs animaux. D'autres, comme la famille de Mansour, possède des terres, 25 hectares sur lesquelles il ne passe qu'une partie de son temps. Et quand il prend la route avec ses animaux, il va au-delà des frontières du pays, au Sénégal, au Mali, en Guinée.

  • Speaker #1

    Chez nous, il y a des nomades qui ont des terres. Après, ils peuvent être déplacés par année. Après, il y a plus de pluie chez nous. Ça ne pleut pas, il n'y a pas beaucoup d'herbes. Et là, on déplace avec des animaux. Si ça commence à pleuvoir, il y a de l'herbe, il y a du manger et là on revient chez nous. À un moment donné, en 2018, on a eu problème avec l'État mauritain pour vouloir prendre notre terre. L'endroit où j'habite au Mauritanie, c'est un bon endroit pour cultiver, pour faire plein de choses. Et l'État mauritain récupère les terres des gens pour vendre les autres ethnies, les Arabes ou les Chinois. Pour eux, ils font des grands jardins ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Depuis plusieurs dizaines d'années, Le gouvernement mauritanien accorde des concessions foncières à des entreprises chinoises ou saoudiennes. La surface exacte de ces terres arrachées aux groupes agro-pastoraux, sans aucune compensation financière, est impossible à connaître précisément, faute de transparence. Mais on parle là de dizaines de milliers d'hectares. Cette situation entraîne un profond désarroi pour des centaines de milliers d'hommes, de femmes et de jeunes qui voient leur subsistance de plus en plus menacée. mais qui sont aussi privés de terre pour enterrer leurs morts.

  • Speaker #1

    Et on n'a pas accepté. J'étais jeune, je suis beaucoup défendu quand même. Pas moi seul, parce qu'on est beaucoup dans le village. Il y avait des jeunes à mon âge. Et on n'a pas accepté. Après, c'est là que ça a commencé. Ça fait du problème. On a eu des bagarres. On a tapé un tourneau. Il y en a qui sont blessés. Il y en a qui se sont attrapés. Il y en a qui sont partis. Et c'est là que j'ai quitté. Je suis parti. J'ai laissé là-bas mon père et ma mère et ma petite soeur. Il y en a beaucoup aussi qui sont partis en Sénégal parce que c'est juste à côté. Moi, avec mes amis, on était trois. On est partis dans une ville, Noirchot, c'est la capitale de Mouritani. Arrivé à Noirchot, on est cherché là-bas encore. On a fait tout pour quitter Noirchot. Nous, à Dubou encore, c'est Mouritani. C'est la même chose encore et là on est parti au Maroc. Dans quelques temps, il y a ma mère qui m'a appelé et elle m'a dit qu'ils ont attrapé ton père parce qu'ils ont dit que si tu ne reviens pas ici, ils ne laisseront pas ton père. C'est comme un chantage. Mon père est resté en prison pendant huit mois. Il est sorti deux mois après le décédé. Ça c'est 2019. Et ce temps-là, j'étais au Maroc, j'ai dit je vais retourner au Mauritanie. Et ma mère, elle m'a dit non, parce que même si tu reviens, ça va être la même chose. Et ça continue tout le temps, l'état au Mauritanie qui va chez nous tout le temps, il est où Mansour, tout le temps il vient dans la maison, tu vois, il le fait perdre. Venir en Europe, ça n'a jamais été mon idée moi. Moi, ça a été mon idée tout le temps, c'est rester avec mes animaux et vivre avec ma famille, rester avec ma famille. Partir dans l'Europe, ça arrivait juste un jour. On était en Maroc avec les amis. Maintenant, Maroc, ça a venu très très dur. Ils ont dit peut-être qu'on va partir. Et là, on a décidé un jour de partir en Espagne. Et on a resté en Espagne pendant un an. Tiens, on est arrivé ici en France avec des amis. Ils sont partis en Belgique et moi, je suis resté ici en France. Je ne connais personne. Aujourd'hui, je travaille dans trois fermes. Je suis polyvalent, je peux faire tout moi. Je conduis le tracteur, je peux faire tout. Moi je préfère les vaches, c'est ça qui est mon boulot, que j'aime bien. Chez Chéri où je travaille, on a 45 vaches, on fait la traite. Le lait on l'amène dans la formagerie, on va fabriquer tout le lait. Tu vois, on fait du fromage, je fais du yaourt, on fait du rio-lait, on a des maréchages. Il y a du boulot quand même, parce qu'il y a beaucoup de salariés là-bas. entre 8 ou 9 personnes. Et chez Sylvain aussi, c'est ça, il fait la viande toute l'année et il a beaucoup de vaches aussi. Je travaille tous les jours moi, c'est juste samedi, dimanche et le week-end je ne travaille pas. Il y a mes patrons qui peuvent partir en vacances et ils me laissent dans la ferme et je gère la ferme parce qu'on me fait confiance. Et là, il y a mon patron qui était à Malagasta pendant un mois, deux semaines. Il m'a dit, moi, si je te laisse toi à la ferme... Je sais que j'ai laissé quelqu'un qui peut occuper les animaux pendant que je reviens sans problème. Dans la maison, il y a de l'argent. C'est la ferme qui fait beaucoup de marchés. L'argent, tout ça est dedans. C'est de la confiance qui fait ça. Même les voisins, il y a des voisins qui habitent dans le même village. Ils pouvaient partir en vacances. On me demande, Mansour, si on a des courriers, quelque chose que tu peux récupérer pour moi, tu me mets dans ma maison. Si tu ne fais pas quelqu'un confiance, tu ne fais pas tout ça. Moi, dans mon village, il n'y a personne qui raciste. Tout le monde, nous tous, on croise, on dit bonjour, on se parle et on me connaît très bien.

  • Speaker #0

    À entendre ces paroles, on pourrait croire que tout a été idyllique dès le premier instant en France pour Mansour. Loin de là. Son parcours n'a pas été de tout repos pour arriver à la situation stable et épanouissante qu'il vit aujourd'hui. À son arrivée, en janvier 2021, Mansour ne parle pas un mot de français et passe deux semaines à dormir dans les rues de Paris. Il fuit rapidement à la capitale. Il demande à passer le temps de la procédure de sa demande d'asile dans un petit village. Il est envoyé à Luda, centre d'hébergement d'urgence de Péral Château. Dans cette commune de Haute-Vienne, d'un peu plus de 1000 habitants, il se sent tout de suite à l'aise. Il s'y promène et retrouve avec plaisir les animaux en pâture un peu partout. De ses vadrouilles campagnardes, Au détour d'un trajet en stop, il fait une première rencontre décisive.

  • Speaker #1

    Tu sais, à Père-à-le-Château, il n'y a pas de train, il n'y a pas de bus. On fait un stop pour venir à Limoges ou à Emoutier. Et un jour, j'ai rencontré une dame, elle s'appelle Monique. Et elle m'a pris un stop pour partir à Limoges. Comme ça, on discutait un peu. Elle m'a dit, c'est quoi, tu as fait un métier en Mauritanie ? J'ai dit, j'ai fait l'agriculture beaucoup. Elle m'a dit, moi c'est ça que je fais ici en France, c'est mon métier. Elle m'a dit, est-ce que tu aimerais bien faire ça ici en France ? Je dis, bien sûr. Et elle m'a dit, je peux t'aider jusqu'à ce que tu aies du boulot dans les vaches. Elle m'a amené dans beaucoup d'agriculteurs, j'ai fait des stages et tout ça. Et les gens, tout le monde était content. Et c'est comme ça que c'est parti, jusqu'à un jour elle m'a amené en croce.

  • Speaker #0

    C'est là que Mansour fait la connaissance de Thierry Perron, un paysan installé en Creuse, à Maisonis, au sud de Guéret, depuis 5 ans. C'est lui qui a les 45 vaches laitières mentionnées précédemment par Mansour. Le tout sur 75 hectares et avec une production de maraîchage. Une deuxième rencontre capitale.

  • Speaker #2

    Monique m'appelle. Et il me dit, j'ai un jeune là qui s'ennuie, c'est un peu des nomades du désert bien connus qui vivent avec leurs troupeaux. Il a envie de travailler sur une ferme.

  • Speaker #0

    Thierry Perron, exploitant de la ferme du Prévert.

  • Speaker #2

    Je lui ai dit, ok, qu'il vienne une semaine découvrir la ferme, les vaches laitières. Et il est venu donc en septembre 2022. Quand quelqu'un arrive ici et veut travailler avec les vaches, je fais un test très simple. On va dans le troupeau. Au milieu du troupeau, on approche les vaches, on leur parle, on boule, on marche. C'est simple à analyser tout de suite le contact et l'échange qu'il peut y avoir avec l'animal. Au bout de quelques jours, j'ai compris que c'était quelqu'un qui était né avec les animaux, qui vivait avec les animaux. Ils acquièrent des notions que nous, on a perdues. Parce que là-bas, il n'y a pas de vétérinaire. C'est des expériences très fortes. Les animaux font partie de la famille.

  • Speaker #0

    Ce constat est d'autant plus précieux aux yeux de Thierry qu'il peine à trouver et embaucher du personnel qualifié pour sa ferme.

  • Speaker #2

    Quand je me suis installé ici, j'avais la volonté de développer une fromagerie. Donc j'ai recherché des personnes qui étaient en capacité. de traire des vaches. C'est la principale contrainte. C'est deux traites par jour, tous les jours de l'année. Par rapport à Pôle emploi, je n'ai pas eu de réponse. J'ai eu deux visites, mais des personnes qui n'avaient pas de compétences. On n'est pas dans une région laitière. Donc déjà, c'est un handicap pour trouver de la main-d'œuvre qualifiée. Ici, même des enfants d'agri. n'ont pas ces connaissances de la vache laitière. On est dans une région où il y a eu beaucoup d'automatisation et de mécanisation. Donc on peut trouver des chauffeurs, mais des gens qui sont en capacité d'approcher les animaux, de les contentionner, de les guider. Il n'y a plus beaucoup de personnes qui savent faire ça. Et puis on est dans une région où l'agriculture a été fortement délaissée. Il n'y a quand même pas beaucoup d'habitants en Creuse. Mansour, je ne l'ai pas choisi. C'est lui qui est venu et c'est le seul qui est venu.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, je vois aussi beaucoup de jeunes qui ne s'intéressent pas trop aux agriculteurs et je ne sais pas pourquoi. Il y a aussi beaucoup de gens avec qui je travaille ensemble dans l'agriculture qui viennent un mois, deux mois après. Ils disent non, c'est dur, ils partent. Pour moi, c'est un bon métier.

  • Speaker #2

    Ma volonté était d'employer une... Personne qui puisse faire le travail et avec qui on puisse avoir des relations humaines, puisqu'on travaille en équipe. On a chacun nos responsabilités, nos fonctions. Il y a une telle diversité sur notre entreprise que j'avais besoin d'une personne qui ait des compétences, mais qui ait aussi une capacité humaine, relationnelle. qui puisse permettre à l'entreprise de bien fonctionner.

  • Speaker #0

    Quand le regard réintégrera le jour, je t'apprendrai le sillon. Toi, tu m'apprendras la main qui le trace. Car sans ta main, je ne saurais quoi faire de la mienne. Car sans nos mains, le sillon ne sera que triste illusion d'un rêve déjà éteint. Salah ou Dahar, les galets de l'oubli. Mansour, débouté de sa demande d'asile puis de son recours auprès de la CNDA, Cour nationale du droit d'asile, dépose en 2022 une demande de titre de séjour. La préfecture de Guéret rejette sa requête. Un refus assorti d'une OQTF, obligation de quitter le territoire français. Pour tenir bon face à une préfète peu conciliante, Mansour est fortement épaulé par le comité de soutien Creuse Solidarité, mais aussi par les instances locales de la CIMAD, de la Confédération Paysanne. Il lance alors un recours gracieux.

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de gens aussi qui m'ont soutenu ces temps-là. Et la préfète, comme elle a vu, j'ai beaucoup... beaucoup de soutien en close. Elle a dit, OK, là, il n'y a pas de problème. Je te donne une nouvelle chance pour faire une autre demande. J'ai envoyé le parfait message. C'est quoi les nouveaux éléments que tu besoins ? Elle m'a dit, comme contrat CDI avec des bulletins de salaire. Et moi, je n'ai pas de séjour. Je n'ai pas d'autorisation de travail. Si tu me dis, il faut amener un contrat CDI avec des bulletins de salaire, et là, comment je vais faire ?

  • Speaker #3

    C'est la question du serpent qui se met en la queue.

  • Speaker #0

    Magda, elle est M.

  • Speaker #3

    Pourquoi ? Parce qu'on nous demande des fiches de paye alors qu'on n'a aucun droit au travail, qu'on ne peut pas demander une autorisation de travail parce qu'on n'a pas de titre de séjour en cours de validité, et que si l'employeur nous donne des fiches de paye alors qu'on n'a pas le droit de travailler, il prend aussi des risques auprès de l'administration. À cette question-là, il n'y a pas de réponse. Magique. Donc il faut savoir que c'est illégal. En même temps, l'administration vous demande de le faire.

  • Speaker #1

    Et c'est là maintenant que j'ai décidé de discuter avec mes patrons. Je dis, parce que là maintenant moi je peux rester avec vous dans une condition. Vous me faites des contrats et c'est là qu'on a fait 2023 de contrat CDI. Et je travaille et j'ai mes bulletins de salaire, je cotise comme tout le monde, c'est juste que je n'ai pas de papier. J'ai le même salaire, j'ai le même contrat, j'ai mes vacances, j'ai tout. J'ai une grande chance parce qu'avec mes patrons, c'est des patrons qui... qui sont sérieux dans le boulot. Ils ont bien respecté le côté du boulot, même si je n'ai pas de papier. C'est avec mon passeport que je travaille quand même. Je n'ai pas fait de faux papiers pour travailler avec.

  • Speaker #3

    Donc, la question c'est, qui prend la responsabilité ? Alors, l'employeur, il risque plusieurs choses sur plusieurs plans. Dans la majorité des cas, il risque déjà des poursuites au pénal parce que c'est de l'emploi de personnes en situation irrégulière. Ensuite, il risque une amende auprès de l'OFI parce qu'il y a tout un tas de taxes de régularisation qu'il faut payer. Et ensuite, il risque aussi des régularisations URSAF pour régulariser les cotisations qu'il aurait dû payer à l'URSAF sur la base des fiches de paye. C'est une prise de risque qui est quand même importante.

  • Speaker #0

    Les trois risques évoqués ne concernent pas de manière automatique tous les employeurs. Comme vous l'entendrez par la suite, l'employeur de Mansour a tout de suite payé les cotisations sociales dues. Quant à Mansour, quel risque encourait-il à travailler sans autorisation ?

  • Speaker #3

    Le salarié, déjà, le plus gros risque pour lui, c'est d'être arrêté sur son lieu de travail. Parce que ça, ça emporte automatiquement une obligation de quitter le territoire. Et en général, la préfecture, dans la motivation des obligations de quitter le territoire, elle mentionne le fait qu'il travaillait alors qu'il n'avait pas le droit de travailler. Donc, c'est un argument qui se retourne un peu contre lui. C'est un peu utilisé de manière très arbitraire par les préfectures. Parce qu'en fait, ça leur permet de faire planer une menace au-dessus des personnes qui ne veulent que travailler. Parce qu'en fait, ces personnes-là, quand vous leur parlez, elles vous disent « mais en fait, moi je veux… » Je ne veux que pouvoir être régularisée, avoir un contrat et avoir des fiches de paye. Je ne veux rien de plus. Et en fait, ces personnes-là, contrairement à ce qu'on pense et ce qui est dit beaucoup dans les médias, c'est qu'en fait, ces personnes-là, elles n'ont le droit à rien. Quand vous voyez leurs fiches de paye, c'est des fiches de paye normales. Ça veut dire qu'elles cotisent, elles payent des impôts, elles payent l'URSSAF, elles payent la Sécurité sociale, etc. Elles n'en bénéficient pas. Ce ne sont pas des personnes qui sont employées. qui sont employés justement au noir ou qui ne paieraient pas leurs cotisations, bien au contraire.

  • Speaker #0

    Ces risques, Thierry Perron les évalue mais les balaye aussitôt de la main. Il s'estime dans son bon droit. Toutes ses précédentes tentatives pour embaucher légalement Mansour sont restées lettres mortes auprès de la préfecture.

  • Speaker #2

    J'avais fait la démarche de demande d'emploi d'un étranger, le SERFA, je ne sais plus quel numéro. Les services prévectoraux n'ont pas considéré mes demandes, mes démarches. C'est pour ça que je suis monté au créneau, qu'il y a un moment donné que j'en avais ras-le-bol. Parce que toutes les démarches que je faisais en tant qu'entreprise, je n'ai jamais eu de réponse. Il a eu ses fiches de paye tout de suite. Au 1er janvier 2023, j'avais regardé les textes. OK, j'étais attaquable. Ça, je sais bien. Si moi, j'avais eu une réponse négative, j'aurais peut-être agi autrement. C'est là que je dis que l'État s'est mis en défaut. J'avais un besoin de main-d'œuvre. Il y avait une circulaire qui s'était mise à parler des métiers en tension et tout ça. On était plein dedans. Je dis, bon, il est en petit, j'anticipe. On embauche. Le comptable a dit, ah, bah oui, mais s'il n'a pas de... carte de résident, on ne peut pas lui faire des fiches de paye. Je lui dis à ce moment-là, soit je demande à un de vos collègues, soit je l'ai fait moi. Depuis 2023, on paye les charges à la MSA, voilà.

  • Speaker #0

    La MSA, c'est la Sécurité sociale agricole, mais aussi l'organisme qui perçoit les cotisations sociales, l'équivalent de l'URSSAF.

  • Speaker #2

    Ils n'avaient aucun droit d'accès aux maladies ou quoi que ce soit. Mais pour les charges, il n'y a pas de problème. Ils ont bien pris.

  • Speaker #0

    Le 3 avril 2025, plus d'un an après le dépôt du dossier, le coup prétombe. Malgré les nouveaux éléments, Mansour n'obtient de l'administration qu'une assignation à résidence, avec la menace d'une expulsion du territoire français. Il a alors l'obligation de se présenter tous les jours au service de gendarmerie. Il se sent traité de manière indigne et injustifiée, et clame alors que son seul crime est d'avoir travaillé.

  • Speaker #1

    Je veux qu'il y ait quelque chose que je n'ai jamais connu dans ma vie. Aller signer aux gendarmeries, aller comme ça, c'est comme un délinquant. Et ça, je n'ai jamais connu ça. Je n'ai pas agressé quelqu'un, je n'ai pas fait rien de mal. Ça reste tout le temps dans ma tête. Ça m'a fait tellement, tellement mal. Doir se danser. commune où tu habites quoi, tu ne dois pas sortir de la commune, c'est comme prison. Au début oui ça a été tous les matins et après j'ai appelé la préfecture, j'ai dit moi je ne peux pas faire tous les matins parce que je n'ai pas au voité, je ne peux pas encore tout le temps demander les gens pour m'amener. Et après c'est là qu'ils ont changé, ils ont dit maintenant trois fois par semaine. Après le gendarmerie ils ont dit, ils vont venir à la maison mais voir souvent si je suis là-bas ou non, c'est pas grave. Si tu ne respectes pas les choses comme ça, même le jour où tu vas au tribunal, la perfection peut appuyer sur ça. on a donné signe à la résidence Monsier-Sau, il n'a pas respecté parce que, tu vois, tout le temps, il cherche juste un petit truc et ils vont utiliser ça.

  • Speaker #2

    Quand il a reçu son courrier, j'étais persuadé que c'était une réponse positive. Et d'avoir des courriers comme ça, qui n'expliquent rien, en plus, quand il n'y a pas d'explication et qu'on sent un tel irrespect, on se sent vraiment bafoué, quoi. J'ai l'impression que certaines administrations et certains politiciens font tout pour qu'il y ait de la violence. J'ai toujours milité pour la non-violence. Pour l'instant, je résiste.

  • Speaker #0

    Épuisé et démuni face à la complexité de sa situation, Mansour est prêt à tout abandonner.

  • Speaker #1

    Ça a été très très très compliqué à un moment donné. Ça fait quand même des semaines, des semaines, je ne dors pas. Mais je voulais partir. J'ai dit même si je quittais en France ou je ne sais pas, je partais quand même.

  • Speaker #0

    La veille de son audience au tribunal administratif de Limoges pour tenter de faire annuler son assignation, il prévient le groupe de soutien de sa décision. La réaction ne se fait pas attendre plus de quelques minutes.

  • Speaker #1

    J'ai vu maximum 20 voitures à la maison. Tout le monde venait et me dit non, non, tu ne pars pas, il faut rester. C'est des gens qui habitent dans le village, à côté. Ça aussi, ça m'a fait plaisir quand même, pour avoir beaucoup de gens qui te soutiennent comme ça. Franchement, c'est quelque chose qui est important pour moi. Aujourd'hui, si tu vois en close, je suis connu là-bas. Il y a beaucoup de gens qui me soutiennent parce que tout le monde me connaît.

  • Speaker #2

    C'est là que j'ai dit à Mansour, surtout, surtout, surtout, il ne faut pas lâcher. Maintenant, c'est eux qui sont en défaut. Il y a un moment donné, de toute façon, ils seront obligés de plier.

  • Speaker #0

    Une pétition avec plus de 2600 signatures circule. Mansour s'accroche. Selon son avocate, ce nouveau refus n'est pas légal. Le jeune ouvrier agricole répond parfaitement aux critères des métiers en tension. Mais arrêtons-nous un instant sur cette notion de métier en tension dont on a déjà parlé. Qu'implique-t-elle exactement ?

  • Speaker #3

    C'est une liste qui est en fait créée par les ministères, et notamment le ministère de l'Intérieur et le ministère du Travail, pour définir en fait quels domaines sont les plus en tension sur le territoire français. Et en tension, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est des domaines où il y a des grosses difficultés de recrutement. En fait, les organismes professionnels proposent des domaines en tension. qui sont ensuite prises en compte par les ministères. C'est en partie pour ça que ça a pris autant de temps. On a attendu quatre ans pour avoir une nouvelle liste. Quand on exerce dans un métier qui est considéré comme attention, il faut d'abord regarder le code et ensuite regarder la région. Il y a des références particulières sur les catégories de métiers. Il y a des codes sur lesquels il faut faire très attention parce que ce n'est pas parce qu'on est, par exemple, pâtissier dans une boulangerie qu'on peut être catégorisé comme un comité de cuisine, par exemple. C'est des catégories qui sont en fait très très précises, donc ils font vraiment bien les étudier, et ensuite par région, parce que tous les métiers listés ne sont pas présents dans toutes les régions. Et si le métier n'apparaît pas dans la région dans laquelle on travaille, on ne peut pas demander la régularisation par les métiers en tension. Le discours politique va dans le sens d'une régularisation. uniquement des personnes qui travaillent. À mon sens, il n'existera plus que celle-là si on continue comme ça. La régularisation par la vie privée et familiale qui existait auparavant sous la circulaire VALS tend à se réduire drastiquement. Par exemple, un conjoint d'étrangers en situation régulière sur le territoire français pouvait demander une régularisation. Un parent d'enfants scolarisés pouvait demander une régularisation, etc. Aujourd'hui, c'est de plus en plus compliqué. L'impact des métiers en tension sur le droit des étrangers existe aussi depuis très longtemps. Mais là, récemment, et notamment avec les réformes, la loi immigration d'Armalin et les différentes circulaires de Retailleau, ont permis d'utiliser cette notion de manière plus large. Et c'est pour ça qu'on se base sur cette liste, pour ensuite déposer des dossiers de demande de régularisation devant la préfecture. Ça facilite l'accès à l'emploi. pour les personnes qui sont en situation irrégulière, donc sans papier, parce qu'en fait, ça leur permet de faire des demandes de titre de séjour plus rapidement qu'une demande d'admission exceptionnelle ou séjour normal qui prend, elle, plusieurs années. Là, en fait, avec les nouvelles procédures préfectures, on se rend compte que ça prend quelques mois quand on répond vraiment aux critères. Donc ça, c'est vraiment l'un des seuls points positifs de... toutes les réformes qui sont arrivées depuis un an. Pour les autres, malheureusement, ça n'a rien changé, voire ça a complexifié. Parce que comme les médias en tension sont vraiment mis en valeur auprès des préfectures, les autres demandes de titres sont un peu laissées de côté. Quand on n'a pas de titre de séjour, on doit passer par l'admission exceptionnelle au séjour. Le problème qui se pose dans cette procédure, c'est qu'on nous demande aujourd'hui... d'avoir 7 ans de présence ainsi que des bulletins de paye. Avant, c'était 5 ans avec 24 fiches de paye. Aujourd'hui, les années de présence ont été rallongées si on n'est pas dans un métier en tension. Et si on est dans un métier en tension aujourd'hui, c'est 3 ans de présence sur le territoire français avec 12 fiches de paye. Donc, on ne peut pas déposer quand on vient d'arriver en France, dans tous les cas. Le titre métier en tension n'est prévu que jusqu'à la fin 2026 et on ne sait pas trop ce qu'il va devenir après. L'option de, par exemple, arrêter les titres métiers en tension est ouverte. Et du coup, qu'est-ce qu'il adviendra de toutes les personnes qui ont eu des titres métiers en tension entre-temps ? Est-ce qu'ils pourront changer de statut ? Est-ce qu'ils pourront passer sur un titre salarié ? Est-ce qu'on leur modifiera des obligations de quitter le territoire ? Le futur est assez vague là-dessus.

  • Speaker #0

    Grâce à la levée de son OQTF, et de son assignation à résidence par le tribunal administratif le 20 avril 2025, la préfecture examine son dossier un mois plus tard et lui consente une reconnaissance légale sur le territoire français. Avec un premier titre de séjour de un an, tout semble possible aujourd'hui à Mansour.

  • Speaker #1

    Ça me donne le droit de faire tout aujourd'hui parce qu'aujourd'hui, j'ai mon récipice. Et nous tous, aujourd'hui, on est tranquilles. Moi, avec mes patrons, on n'est plus dans les rixes. Il n'y a pas besoin de me cacher ici. Je peux avoir aussi mes assurances.

  • Speaker #0

    passer mon permis et ça va changer ma vie.

  • Speaker #1

    Une fois qu'on détient un titre de séjour, après on peut exercer nos droits à tous les organismes publics et notamment le chômage, la sécurité sociale, les APL, etc. Mais pour ça, il faut un titre de séjour valide, contrairement à ce que beaucoup disent.

  • Speaker #0

    Moi, je travaille un an et après je reste avec mon patron. année prochaine, si j'ai de nouvelles, ils vont me donner 4 ans. Après, 10 ans, c'est comme ça, ça marche.

  • Speaker #1

    La procédure, c'est en fait le renouvellement du titre salarié sur la base du contrat de travail. Une fois, deux fois, ensuite, on lui attribuera une carte pluriannuelle, sous condition d'avoir un niveau de français qui remplit les conditions aussi quand même, puis éventuellement une carte de résident.

  • Speaker #2

    Pour moi aujourd'hui, Mansour s'est devenu comme un frère. Il a l'air épanoui et heureux ici. Moi j'ai 61 ans, j'approche de la retraite. Lui, il en a 30 et donc il parle d'avenir. Quand on parle de la ferme, quand on parle de projet, on échange comme des frères, oui. Son avenir lui appartient et ça j'en suis bien heureux. C'est lui qui décidera de ce qu'il veut faire et où il veut le faire.

  • Speaker #0

    Un jour quand même, j'aimerais bien faire ça, avoir ma ferme et je crois que c'est possible pour moi. Même si il n'y a pas beaucoup de vaches, un peu, c'est possible pour moi.

  • Speaker #3

    Avec son sésame en poche, c'est aussi le passage des frontières qui se réouvre à Mansour. Il lui est enfin possible de revoir sa famille.

  • Speaker #0

    Je peux voyager. Et là, je pense que ça va être cette année, je vais aller peut-être voir ma mère. Moi, décembre ou novembre. Depuis 2018, je n'ai pas vu ma mère. J'arrive en France, 2021, et je fais tout pour que ma mère quitte au Sénégal. Au début, ça a été très, très dur parce que ma mère ne voulait pas partir, abandonner sa maison et tout ça. Et quand même, j'ai dit non, il faut que tu partes parce que si tu ne pars pas, et moi... C'est très compliqué pour moi parce que je n'arrive pas à dormir et tout le temps je pense à vous. Je l'ai aidé au début pour avoir un appartement et pour habiter dedans, pour demander d'asile là-bas. Même pas deux mois, ils ont eu un statut de réfugié. Après, ils ont donné la maison et tout ça. Et maintenant, ils sont tranquilles là-bas. Elle est avec ma petite soeur. Mes animaux sont en Sénégal. Il y a mon père qui est avec des animaux maintenant. Tout le monde... Ça va, quoi. C'est fini, le problème. On a quitté au Mauritanie et maintenant, ça va. Là, moi, mon idée, maintenant, de temps en temps, je pars là-bas, je vois mes animaux dans les médias et comme ça, et je vois les gens qui font des commentaires, qui disent, nous, on ne vote pas à gauche, on vote à, je ne sais pas, à l'open, comme ça. Bah, quand même, avec ton histoire, même nous, on n'a pas d'accord. C'est les gens aussi qui disent, aujourd'hui Mansour, lui, il travaille, il n'a pas un voler. Vous partez déranger quelqu'un qui travaille, qui ne fait rien, qui juste fait son boulot après chez lui. Il est où le problème ? Même les gens y arrivent à comprendre quand même.

  • Speaker #3

    Reportage dans Le Monde et Mediapart, au journal Télé. Tous les combats de régularisation ne connaissent pas la campagne médiatique dont a bénéficié Mansour. Un tel regard unanime n'est pas donné à tout le monde. Conscient de cela... Mansour n'oublie pas ses camarades d'infortune.

  • Speaker #0

    Il y a centaines de personnes qui sont dans le même situation que moi, qui n'ont pas beaucoup de gens pour les aider comme moi. Si toi, tu ne vis pas ça, tu n'arrives pas à savoir, c'est compliqué. Il y a des gens qui disent qu'ils sont venus ici, qu'ils ont cherché l'argent et tout ça. Non, il y a beaucoup de gens qui furent chaisés, qui ont plein de problèmes. Ils vont continuer à battre et ils vont continuer à être sérieux, travailler et respecter tout le monde et ça, c'est important.

  • Speaker #3

    D'autres salariés agricoles étrangers ont moins de chance que Mansour et se retrouvent corvéables à merci par des employeurs et employeuses moins honnêtes. des maltraitants se qualifiaient d'esclavage moderne. Vous venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mansour qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

Description

Pourquoi refuser un titre de séjour à un jeune exilé, en CDI dans un métier en tension ? La réponse à cette question est unanime : c’est une politique préfectorale de non-accueil incompréhensible. Ce jeune homme c’est Manssour, un nomade mauritanien de 30 ans et un excellent ouvrier agricole employé en Creuse. Il nous raconte son chemin d’une terre à une autre…


Un récit commenté par Magda El Haitem, avocate au barreau de Paris et Thierry Péronne, exploitant de la Ferme du Prévert.


📖 SOURCES :



🎵 MUSIQUES :

  • Pretty Particles - Fritz Doddy

  • Beautiful Field Of Peace - Bruno Le Roux

  • Mauritanie, North Africa Traditional - Mustapha Didouh, Edward Ashcroft et Paul Vials - © KPM Music Ltd


🎙️ LECTURE :

  • Océane Claveau

🎧 Ré-écoutez nos précédents épisodes


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. La liberté, c'est prendre le risque de voler hors de sa cage sans connaître le sens. de la migration. Valentin Auverx, Agony.

  • Speaker #1

    Moi, mon prénom, c'est Sou Mansour. Je viens de Mauritanie. Je suis né en 1995 à Karaydi. C'est une ville dans Mauritanie. Mon âge, c'est 30 ans.

  • Speaker #0

    Je suis migrant, épisode 6, métier en tension, quand la ferme se rebelle.

  • Speaker #1

    Il y a des émigrés qui quittent en Afrique ou même si ils ne sont pas en Afrique, dans d'autres pays, ils sont pauvres comme ça. Moi, ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais quitté chez moi parce que je suis pauvre. Je suis né dans une famille où on est des nomades et chaque année, on se déplace avec des animaux. On a beaucoup d'animaux, 800 vaches ou 1000 vaches quand même. Si je te dis que j'ai 1000 vaches, je ne suis pas un pauvre. J'ai gagné bien ma vie avec ma famille. On vendait beaucoup d'animaux par année. On gagnait beaucoup d'argent. Si je n'avais pas eu de problème en Afrique, en Mauritanie, je n'aurais jamais quitté là-bas. Je suis plus tranquille là-bas. Parce qu'ici en France, les agriculteurs disent qu'on n'arrive pas à gagner de notre vie. Je pense qu'avec tous les matériels comme ça, je pense que ça va être compliqué pour gagner son vie. Tu vas passer toute ta vie pour rembourser de l'argent et des gros tracteurs, des gros machines et tout ça. Et nous, Moutani, on n'a pas même un brouette ou un tracteur, non.

  • Speaker #0

    Dans sa découverte des élevages français, il y a autre chose qui frappe Mansour.

  • Speaker #1

    Il y a un peu de différence. Ici, les vaches, il y a des moments donnés, elles sont fermées, il y a des moments donnés, elles sont dans les bâtiments et nous, on ne connaît pas ça. Moi, si je vois les animaux qui sont dans les bâtiments, ça me fait mal au cœur. Après, c'est normal, je comprends. Ici, à un moment donné, il n'y a plus à manger, il n'y a plus rien. C'est l'hiver, c'est froid, il faut rentrer les animaux. Et chez nous, il n'y a pas l'hiver. Tout le temps, ça fait beau et on reste d'ailleurs. On n'a pas beaucoup chez moi avec ma petite soeur et ma mère et mon père. Je les ai beaucoup, beaucoup. travailler dans les métiers agricoles et je fais ça beaucoup pendant depuis petit. C'est mon papa qui m'a appris le métier depuis que j'étais à l'âge de 8 ans ou comme ça et il m'applique beaucoup de choses. On cultive un peu, pas beaucoup, on fait un peu de maïs et de sorgho et un peu de maraîchage, 4 ou 5 volets à la maison, c'est juste pour nous.

  • Speaker #0

    En Mauritanie, certains nomades sont en déplacement constant avec leurs animaux. D'autres, comme la famille de Mansour, possède des terres, 25 hectares sur lesquelles il ne passe qu'une partie de son temps. Et quand il prend la route avec ses animaux, il va au-delà des frontières du pays, au Sénégal, au Mali, en Guinée.

  • Speaker #1

    Chez nous, il y a des nomades qui ont des terres. Après, ils peuvent être déplacés par année. Après, il y a plus de pluie chez nous. Ça ne pleut pas, il n'y a pas beaucoup d'herbes. Et là, on déplace avec des animaux. Si ça commence à pleuvoir, il y a de l'herbe, il y a du manger et là on revient chez nous. À un moment donné, en 2018, on a eu problème avec l'État mauritain pour vouloir prendre notre terre. L'endroit où j'habite au Mauritanie, c'est un bon endroit pour cultiver, pour faire plein de choses. Et l'État mauritain récupère les terres des gens pour vendre les autres ethnies, les Arabes ou les Chinois. Pour eux, ils font des grands jardins ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Depuis plusieurs dizaines d'années, Le gouvernement mauritanien accorde des concessions foncières à des entreprises chinoises ou saoudiennes. La surface exacte de ces terres arrachées aux groupes agro-pastoraux, sans aucune compensation financière, est impossible à connaître précisément, faute de transparence. Mais on parle là de dizaines de milliers d'hectares. Cette situation entraîne un profond désarroi pour des centaines de milliers d'hommes, de femmes et de jeunes qui voient leur subsistance de plus en plus menacée. mais qui sont aussi privés de terre pour enterrer leurs morts.

  • Speaker #1

    Et on n'a pas accepté. J'étais jeune, je suis beaucoup défendu quand même. Pas moi seul, parce qu'on est beaucoup dans le village. Il y avait des jeunes à mon âge. Et on n'a pas accepté. Après, c'est là que ça a commencé. Ça fait du problème. On a eu des bagarres. On a tapé un tourneau. Il y en a qui sont blessés. Il y en a qui se sont attrapés. Il y en a qui sont partis. Et c'est là que j'ai quitté. Je suis parti. J'ai laissé là-bas mon père et ma mère et ma petite soeur. Il y en a beaucoup aussi qui sont partis en Sénégal parce que c'est juste à côté. Moi, avec mes amis, on était trois. On est partis dans une ville, Noirchot, c'est la capitale de Mouritani. Arrivé à Noirchot, on est cherché là-bas encore. On a fait tout pour quitter Noirchot. Nous, à Dubou encore, c'est Mouritani. C'est la même chose encore et là on est parti au Maroc. Dans quelques temps, il y a ma mère qui m'a appelé et elle m'a dit qu'ils ont attrapé ton père parce qu'ils ont dit que si tu ne reviens pas ici, ils ne laisseront pas ton père. C'est comme un chantage. Mon père est resté en prison pendant huit mois. Il est sorti deux mois après le décédé. Ça c'est 2019. Et ce temps-là, j'étais au Maroc, j'ai dit je vais retourner au Mauritanie. Et ma mère, elle m'a dit non, parce que même si tu reviens, ça va être la même chose. Et ça continue tout le temps, l'état au Mauritanie qui va chez nous tout le temps, il est où Mansour, tout le temps il vient dans la maison, tu vois, il le fait perdre. Venir en Europe, ça n'a jamais été mon idée moi. Moi, ça a été mon idée tout le temps, c'est rester avec mes animaux et vivre avec ma famille, rester avec ma famille. Partir dans l'Europe, ça arrivait juste un jour. On était en Maroc avec les amis. Maintenant, Maroc, ça a venu très très dur. Ils ont dit peut-être qu'on va partir. Et là, on a décidé un jour de partir en Espagne. Et on a resté en Espagne pendant un an. Tiens, on est arrivé ici en France avec des amis. Ils sont partis en Belgique et moi, je suis resté ici en France. Je ne connais personne. Aujourd'hui, je travaille dans trois fermes. Je suis polyvalent, je peux faire tout moi. Je conduis le tracteur, je peux faire tout. Moi je préfère les vaches, c'est ça qui est mon boulot, que j'aime bien. Chez Chéri où je travaille, on a 45 vaches, on fait la traite. Le lait on l'amène dans la formagerie, on va fabriquer tout le lait. Tu vois, on fait du fromage, je fais du yaourt, on fait du rio-lait, on a des maréchages. Il y a du boulot quand même, parce qu'il y a beaucoup de salariés là-bas. entre 8 ou 9 personnes. Et chez Sylvain aussi, c'est ça, il fait la viande toute l'année et il a beaucoup de vaches aussi. Je travaille tous les jours moi, c'est juste samedi, dimanche et le week-end je ne travaille pas. Il y a mes patrons qui peuvent partir en vacances et ils me laissent dans la ferme et je gère la ferme parce qu'on me fait confiance. Et là, il y a mon patron qui était à Malagasta pendant un mois, deux semaines. Il m'a dit, moi, si je te laisse toi à la ferme... Je sais que j'ai laissé quelqu'un qui peut occuper les animaux pendant que je reviens sans problème. Dans la maison, il y a de l'argent. C'est la ferme qui fait beaucoup de marchés. L'argent, tout ça est dedans. C'est de la confiance qui fait ça. Même les voisins, il y a des voisins qui habitent dans le même village. Ils pouvaient partir en vacances. On me demande, Mansour, si on a des courriers, quelque chose que tu peux récupérer pour moi, tu me mets dans ma maison. Si tu ne fais pas quelqu'un confiance, tu ne fais pas tout ça. Moi, dans mon village, il n'y a personne qui raciste. Tout le monde, nous tous, on croise, on dit bonjour, on se parle et on me connaît très bien.

  • Speaker #0

    À entendre ces paroles, on pourrait croire que tout a été idyllique dès le premier instant en France pour Mansour. Loin de là. Son parcours n'a pas été de tout repos pour arriver à la situation stable et épanouissante qu'il vit aujourd'hui. À son arrivée, en janvier 2021, Mansour ne parle pas un mot de français et passe deux semaines à dormir dans les rues de Paris. Il fuit rapidement à la capitale. Il demande à passer le temps de la procédure de sa demande d'asile dans un petit village. Il est envoyé à Luda, centre d'hébergement d'urgence de Péral Château. Dans cette commune de Haute-Vienne, d'un peu plus de 1000 habitants, il se sent tout de suite à l'aise. Il s'y promène et retrouve avec plaisir les animaux en pâture un peu partout. De ses vadrouilles campagnardes, Au détour d'un trajet en stop, il fait une première rencontre décisive.

  • Speaker #1

    Tu sais, à Père-à-le-Château, il n'y a pas de train, il n'y a pas de bus. On fait un stop pour venir à Limoges ou à Emoutier. Et un jour, j'ai rencontré une dame, elle s'appelle Monique. Et elle m'a pris un stop pour partir à Limoges. Comme ça, on discutait un peu. Elle m'a dit, c'est quoi, tu as fait un métier en Mauritanie ? J'ai dit, j'ai fait l'agriculture beaucoup. Elle m'a dit, moi c'est ça que je fais ici en France, c'est mon métier. Elle m'a dit, est-ce que tu aimerais bien faire ça ici en France ? Je dis, bien sûr. Et elle m'a dit, je peux t'aider jusqu'à ce que tu aies du boulot dans les vaches. Elle m'a amené dans beaucoup d'agriculteurs, j'ai fait des stages et tout ça. Et les gens, tout le monde était content. Et c'est comme ça que c'est parti, jusqu'à un jour elle m'a amené en croce.

  • Speaker #0

    C'est là que Mansour fait la connaissance de Thierry Perron, un paysan installé en Creuse, à Maisonis, au sud de Guéret, depuis 5 ans. C'est lui qui a les 45 vaches laitières mentionnées précédemment par Mansour. Le tout sur 75 hectares et avec une production de maraîchage. Une deuxième rencontre capitale.

  • Speaker #2

    Monique m'appelle. Et il me dit, j'ai un jeune là qui s'ennuie, c'est un peu des nomades du désert bien connus qui vivent avec leurs troupeaux. Il a envie de travailler sur une ferme.

  • Speaker #0

    Thierry Perron, exploitant de la ferme du Prévert.

  • Speaker #2

    Je lui ai dit, ok, qu'il vienne une semaine découvrir la ferme, les vaches laitières. Et il est venu donc en septembre 2022. Quand quelqu'un arrive ici et veut travailler avec les vaches, je fais un test très simple. On va dans le troupeau. Au milieu du troupeau, on approche les vaches, on leur parle, on boule, on marche. C'est simple à analyser tout de suite le contact et l'échange qu'il peut y avoir avec l'animal. Au bout de quelques jours, j'ai compris que c'était quelqu'un qui était né avec les animaux, qui vivait avec les animaux. Ils acquièrent des notions que nous, on a perdues. Parce que là-bas, il n'y a pas de vétérinaire. C'est des expériences très fortes. Les animaux font partie de la famille.

  • Speaker #0

    Ce constat est d'autant plus précieux aux yeux de Thierry qu'il peine à trouver et embaucher du personnel qualifié pour sa ferme.

  • Speaker #2

    Quand je me suis installé ici, j'avais la volonté de développer une fromagerie. Donc j'ai recherché des personnes qui étaient en capacité. de traire des vaches. C'est la principale contrainte. C'est deux traites par jour, tous les jours de l'année. Par rapport à Pôle emploi, je n'ai pas eu de réponse. J'ai eu deux visites, mais des personnes qui n'avaient pas de compétences. On n'est pas dans une région laitière. Donc déjà, c'est un handicap pour trouver de la main-d'œuvre qualifiée. Ici, même des enfants d'agri. n'ont pas ces connaissances de la vache laitière. On est dans une région où il y a eu beaucoup d'automatisation et de mécanisation. Donc on peut trouver des chauffeurs, mais des gens qui sont en capacité d'approcher les animaux, de les contentionner, de les guider. Il n'y a plus beaucoup de personnes qui savent faire ça. Et puis on est dans une région où l'agriculture a été fortement délaissée. Il n'y a quand même pas beaucoup d'habitants en Creuse. Mansour, je ne l'ai pas choisi. C'est lui qui est venu et c'est le seul qui est venu.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, je vois aussi beaucoup de jeunes qui ne s'intéressent pas trop aux agriculteurs et je ne sais pas pourquoi. Il y a aussi beaucoup de gens avec qui je travaille ensemble dans l'agriculture qui viennent un mois, deux mois après. Ils disent non, c'est dur, ils partent. Pour moi, c'est un bon métier.

  • Speaker #2

    Ma volonté était d'employer une... Personne qui puisse faire le travail et avec qui on puisse avoir des relations humaines, puisqu'on travaille en équipe. On a chacun nos responsabilités, nos fonctions. Il y a une telle diversité sur notre entreprise que j'avais besoin d'une personne qui ait des compétences, mais qui ait aussi une capacité humaine, relationnelle. qui puisse permettre à l'entreprise de bien fonctionner.

  • Speaker #0

    Quand le regard réintégrera le jour, je t'apprendrai le sillon. Toi, tu m'apprendras la main qui le trace. Car sans ta main, je ne saurais quoi faire de la mienne. Car sans nos mains, le sillon ne sera que triste illusion d'un rêve déjà éteint. Salah ou Dahar, les galets de l'oubli. Mansour, débouté de sa demande d'asile puis de son recours auprès de la CNDA, Cour nationale du droit d'asile, dépose en 2022 une demande de titre de séjour. La préfecture de Guéret rejette sa requête. Un refus assorti d'une OQTF, obligation de quitter le territoire français. Pour tenir bon face à une préfète peu conciliante, Mansour est fortement épaulé par le comité de soutien Creuse Solidarité, mais aussi par les instances locales de la CIMAD, de la Confédération Paysanne. Il lance alors un recours gracieux.

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de gens aussi qui m'ont soutenu ces temps-là. Et la préfète, comme elle a vu, j'ai beaucoup... beaucoup de soutien en close. Elle a dit, OK, là, il n'y a pas de problème. Je te donne une nouvelle chance pour faire une autre demande. J'ai envoyé le parfait message. C'est quoi les nouveaux éléments que tu besoins ? Elle m'a dit, comme contrat CDI avec des bulletins de salaire. Et moi, je n'ai pas de séjour. Je n'ai pas d'autorisation de travail. Si tu me dis, il faut amener un contrat CDI avec des bulletins de salaire, et là, comment je vais faire ?

  • Speaker #3

    C'est la question du serpent qui se met en la queue.

  • Speaker #0

    Magda, elle est M.

  • Speaker #3

    Pourquoi ? Parce qu'on nous demande des fiches de paye alors qu'on n'a aucun droit au travail, qu'on ne peut pas demander une autorisation de travail parce qu'on n'a pas de titre de séjour en cours de validité, et que si l'employeur nous donne des fiches de paye alors qu'on n'a pas le droit de travailler, il prend aussi des risques auprès de l'administration. À cette question-là, il n'y a pas de réponse. Magique. Donc il faut savoir que c'est illégal. En même temps, l'administration vous demande de le faire.

  • Speaker #1

    Et c'est là maintenant que j'ai décidé de discuter avec mes patrons. Je dis, parce que là maintenant moi je peux rester avec vous dans une condition. Vous me faites des contrats et c'est là qu'on a fait 2023 de contrat CDI. Et je travaille et j'ai mes bulletins de salaire, je cotise comme tout le monde, c'est juste que je n'ai pas de papier. J'ai le même salaire, j'ai le même contrat, j'ai mes vacances, j'ai tout. J'ai une grande chance parce qu'avec mes patrons, c'est des patrons qui... qui sont sérieux dans le boulot. Ils ont bien respecté le côté du boulot, même si je n'ai pas de papier. C'est avec mon passeport que je travaille quand même. Je n'ai pas fait de faux papiers pour travailler avec.

  • Speaker #3

    Donc, la question c'est, qui prend la responsabilité ? Alors, l'employeur, il risque plusieurs choses sur plusieurs plans. Dans la majorité des cas, il risque déjà des poursuites au pénal parce que c'est de l'emploi de personnes en situation irrégulière. Ensuite, il risque une amende auprès de l'OFI parce qu'il y a tout un tas de taxes de régularisation qu'il faut payer. Et ensuite, il risque aussi des régularisations URSAF pour régulariser les cotisations qu'il aurait dû payer à l'URSAF sur la base des fiches de paye. C'est une prise de risque qui est quand même importante.

  • Speaker #0

    Les trois risques évoqués ne concernent pas de manière automatique tous les employeurs. Comme vous l'entendrez par la suite, l'employeur de Mansour a tout de suite payé les cotisations sociales dues. Quant à Mansour, quel risque encourait-il à travailler sans autorisation ?

  • Speaker #3

    Le salarié, déjà, le plus gros risque pour lui, c'est d'être arrêté sur son lieu de travail. Parce que ça, ça emporte automatiquement une obligation de quitter le territoire. Et en général, la préfecture, dans la motivation des obligations de quitter le territoire, elle mentionne le fait qu'il travaillait alors qu'il n'avait pas le droit de travailler. Donc, c'est un argument qui se retourne un peu contre lui. C'est un peu utilisé de manière très arbitraire par les préfectures. Parce qu'en fait, ça leur permet de faire planer une menace au-dessus des personnes qui ne veulent que travailler. Parce qu'en fait, ces personnes-là, quand vous leur parlez, elles vous disent « mais en fait, moi je veux… » Je ne veux que pouvoir être régularisée, avoir un contrat et avoir des fiches de paye. Je ne veux rien de plus. Et en fait, ces personnes-là, contrairement à ce qu'on pense et ce qui est dit beaucoup dans les médias, c'est qu'en fait, ces personnes-là, elles n'ont le droit à rien. Quand vous voyez leurs fiches de paye, c'est des fiches de paye normales. Ça veut dire qu'elles cotisent, elles payent des impôts, elles payent l'URSSAF, elles payent la Sécurité sociale, etc. Elles n'en bénéficient pas. Ce ne sont pas des personnes qui sont employées. qui sont employés justement au noir ou qui ne paieraient pas leurs cotisations, bien au contraire.

  • Speaker #0

    Ces risques, Thierry Perron les évalue mais les balaye aussitôt de la main. Il s'estime dans son bon droit. Toutes ses précédentes tentatives pour embaucher légalement Mansour sont restées lettres mortes auprès de la préfecture.

  • Speaker #2

    J'avais fait la démarche de demande d'emploi d'un étranger, le SERFA, je ne sais plus quel numéro. Les services prévectoraux n'ont pas considéré mes demandes, mes démarches. C'est pour ça que je suis monté au créneau, qu'il y a un moment donné que j'en avais ras-le-bol. Parce que toutes les démarches que je faisais en tant qu'entreprise, je n'ai jamais eu de réponse. Il a eu ses fiches de paye tout de suite. Au 1er janvier 2023, j'avais regardé les textes. OK, j'étais attaquable. Ça, je sais bien. Si moi, j'avais eu une réponse négative, j'aurais peut-être agi autrement. C'est là que je dis que l'État s'est mis en défaut. J'avais un besoin de main-d'œuvre. Il y avait une circulaire qui s'était mise à parler des métiers en tension et tout ça. On était plein dedans. Je dis, bon, il est en petit, j'anticipe. On embauche. Le comptable a dit, ah, bah oui, mais s'il n'a pas de... carte de résident, on ne peut pas lui faire des fiches de paye. Je lui dis à ce moment-là, soit je demande à un de vos collègues, soit je l'ai fait moi. Depuis 2023, on paye les charges à la MSA, voilà.

  • Speaker #0

    La MSA, c'est la Sécurité sociale agricole, mais aussi l'organisme qui perçoit les cotisations sociales, l'équivalent de l'URSSAF.

  • Speaker #2

    Ils n'avaient aucun droit d'accès aux maladies ou quoi que ce soit. Mais pour les charges, il n'y a pas de problème. Ils ont bien pris.

  • Speaker #0

    Le 3 avril 2025, plus d'un an après le dépôt du dossier, le coup prétombe. Malgré les nouveaux éléments, Mansour n'obtient de l'administration qu'une assignation à résidence, avec la menace d'une expulsion du territoire français. Il a alors l'obligation de se présenter tous les jours au service de gendarmerie. Il se sent traité de manière indigne et injustifiée, et clame alors que son seul crime est d'avoir travaillé.

  • Speaker #1

    Je veux qu'il y ait quelque chose que je n'ai jamais connu dans ma vie. Aller signer aux gendarmeries, aller comme ça, c'est comme un délinquant. Et ça, je n'ai jamais connu ça. Je n'ai pas agressé quelqu'un, je n'ai pas fait rien de mal. Ça reste tout le temps dans ma tête. Ça m'a fait tellement, tellement mal. Doir se danser. commune où tu habites quoi, tu ne dois pas sortir de la commune, c'est comme prison. Au début oui ça a été tous les matins et après j'ai appelé la préfecture, j'ai dit moi je ne peux pas faire tous les matins parce que je n'ai pas au voité, je ne peux pas encore tout le temps demander les gens pour m'amener. Et après c'est là qu'ils ont changé, ils ont dit maintenant trois fois par semaine. Après le gendarmerie ils ont dit, ils vont venir à la maison mais voir souvent si je suis là-bas ou non, c'est pas grave. Si tu ne respectes pas les choses comme ça, même le jour où tu vas au tribunal, la perfection peut appuyer sur ça. on a donné signe à la résidence Monsier-Sau, il n'a pas respecté parce que, tu vois, tout le temps, il cherche juste un petit truc et ils vont utiliser ça.

  • Speaker #2

    Quand il a reçu son courrier, j'étais persuadé que c'était une réponse positive. Et d'avoir des courriers comme ça, qui n'expliquent rien, en plus, quand il n'y a pas d'explication et qu'on sent un tel irrespect, on se sent vraiment bafoué, quoi. J'ai l'impression que certaines administrations et certains politiciens font tout pour qu'il y ait de la violence. J'ai toujours milité pour la non-violence. Pour l'instant, je résiste.

  • Speaker #0

    Épuisé et démuni face à la complexité de sa situation, Mansour est prêt à tout abandonner.

  • Speaker #1

    Ça a été très très très compliqué à un moment donné. Ça fait quand même des semaines, des semaines, je ne dors pas. Mais je voulais partir. J'ai dit même si je quittais en France ou je ne sais pas, je partais quand même.

  • Speaker #0

    La veille de son audience au tribunal administratif de Limoges pour tenter de faire annuler son assignation, il prévient le groupe de soutien de sa décision. La réaction ne se fait pas attendre plus de quelques minutes.

  • Speaker #1

    J'ai vu maximum 20 voitures à la maison. Tout le monde venait et me dit non, non, tu ne pars pas, il faut rester. C'est des gens qui habitent dans le village, à côté. Ça aussi, ça m'a fait plaisir quand même, pour avoir beaucoup de gens qui te soutiennent comme ça. Franchement, c'est quelque chose qui est important pour moi. Aujourd'hui, si tu vois en close, je suis connu là-bas. Il y a beaucoup de gens qui me soutiennent parce que tout le monde me connaît.

  • Speaker #2

    C'est là que j'ai dit à Mansour, surtout, surtout, surtout, il ne faut pas lâcher. Maintenant, c'est eux qui sont en défaut. Il y a un moment donné, de toute façon, ils seront obligés de plier.

  • Speaker #0

    Une pétition avec plus de 2600 signatures circule. Mansour s'accroche. Selon son avocate, ce nouveau refus n'est pas légal. Le jeune ouvrier agricole répond parfaitement aux critères des métiers en tension. Mais arrêtons-nous un instant sur cette notion de métier en tension dont on a déjà parlé. Qu'implique-t-elle exactement ?

  • Speaker #3

    C'est une liste qui est en fait créée par les ministères, et notamment le ministère de l'Intérieur et le ministère du Travail, pour définir en fait quels domaines sont les plus en tension sur le territoire français. Et en tension, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est des domaines où il y a des grosses difficultés de recrutement. En fait, les organismes professionnels proposent des domaines en tension. qui sont ensuite prises en compte par les ministères. C'est en partie pour ça que ça a pris autant de temps. On a attendu quatre ans pour avoir une nouvelle liste. Quand on exerce dans un métier qui est considéré comme attention, il faut d'abord regarder le code et ensuite regarder la région. Il y a des références particulières sur les catégories de métiers. Il y a des codes sur lesquels il faut faire très attention parce que ce n'est pas parce qu'on est, par exemple, pâtissier dans une boulangerie qu'on peut être catégorisé comme un comité de cuisine, par exemple. C'est des catégories qui sont en fait très très précises, donc ils font vraiment bien les étudier, et ensuite par région, parce que tous les métiers listés ne sont pas présents dans toutes les régions. Et si le métier n'apparaît pas dans la région dans laquelle on travaille, on ne peut pas demander la régularisation par les métiers en tension. Le discours politique va dans le sens d'une régularisation. uniquement des personnes qui travaillent. À mon sens, il n'existera plus que celle-là si on continue comme ça. La régularisation par la vie privée et familiale qui existait auparavant sous la circulaire VALS tend à se réduire drastiquement. Par exemple, un conjoint d'étrangers en situation régulière sur le territoire français pouvait demander une régularisation. Un parent d'enfants scolarisés pouvait demander une régularisation, etc. Aujourd'hui, c'est de plus en plus compliqué. L'impact des métiers en tension sur le droit des étrangers existe aussi depuis très longtemps. Mais là, récemment, et notamment avec les réformes, la loi immigration d'Armalin et les différentes circulaires de Retailleau, ont permis d'utiliser cette notion de manière plus large. Et c'est pour ça qu'on se base sur cette liste, pour ensuite déposer des dossiers de demande de régularisation devant la préfecture. Ça facilite l'accès à l'emploi. pour les personnes qui sont en situation irrégulière, donc sans papier, parce qu'en fait, ça leur permet de faire des demandes de titre de séjour plus rapidement qu'une demande d'admission exceptionnelle ou séjour normal qui prend, elle, plusieurs années. Là, en fait, avec les nouvelles procédures préfectures, on se rend compte que ça prend quelques mois quand on répond vraiment aux critères. Donc ça, c'est vraiment l'un des seuls points positifs de... toutes les réformes qui sont arrivées depuis un an. Pour les autres, malheureusement, ça n'a rien changé, voire ça a complexifié. Parce que comme les médias en tension sont vraiment mis en valeur auprès des préfectures, les autres demandes de titres sont un peu laissées de côté. Quand on n'a pas de titre de séjour, on doit passer par l'admission exceptionnelle au séjour. Le problème qui se pose dans cette procédure, c'est qu'on nous demande aujourd'hui... d'avoir 7 ans de présence ainsi que des bulletins de paye. Avant, c'était 5 ans avec 24 fiches de paye. Aujourd'hui, les années de présence ont été rallongées si on n'est pas dans un métier en tension. Et si on est dans un métier en tension aujourd'hui, c'est 3 ans de présence sur le territoire français avec 12 fiches de paye. Donc, on ne peut pas déposer quand on vient d'arriver en France, dans tous les cas. Le titre métier en tension n'est prévu que jusqu'à la fin 2026 et on ne sait pas trop ce qu'il va devenir après. L'option de, par exemple, arrêter les titres métiers en tension est ouverte. Et du coup, qu'est-ce qu'il adviendra de toutes les personnes qui ont eu des titres métiers en tension entre-temps ? Est-ce qu'ils pourront changer de statut ? Est-ce qu'ils pourront passer sur un titre salarié ? Est-ce qu'on leur modifiera des obligations de quitter le territoire ? Le futur est assez vague là-dessus.

  • Speaker #0

    Grâce à la levée de son OQTF, et de son assignation à résidence par le tribunal administratif le 20 avril 2025, la préfecture examine son dossier un mois plus tard et lui consente une reconnaissance légale sur le territoire français. Avec un premier titre de séjour de un an, tout semble possible aujourd'hui à Mansour.

  • Speaker #1

    Ça me donne le droit de faire tout aujourd'hui parce qu'aujourd'hui, j'ai mon récipice. Et nous tous, aujourd'hui, on est tranquilles. Moi, avec mes patrons, on n'est plus dans les rixes. Il n'y a pas besoin de me cacher ici. Je peux avoir aussi mes assurances.

  • Speaker #0

    passer mon permis et ça va changer ma vie.

  • Speaker #1

    Une fois qu'on détient un titre de séjour, après on peut exercer nos droits à tous les organismes publics et notamment le chômage, la sécurité sociale, les APL, etc. Mais pour ça, il faut un titre de séjour valide, contrairement à ce que beaucoup disent.

  • Speaker #0

    Moi, je travaille un an et après je reste avec mon patron. année prochaine, si j'ai de nouvelles, ils vont me donner 4 ans. Après, 10 ans, c'est comme ça, ça marche.

  • Speaker #1

    La procédure, c'est en fait le renouvellement du titre salarié sur la base du contrat de travail. Une fois, deux fois, ensuite, on lui attribuera une carte pluriannuelle, sous condition d'avoir un niveau de français qui remplit les conditions aussi quand même, puis éventuellement une carte de résident.

  • Speaker #2

    Pour moi aujourd'hui, Mansour s'est devenu comme un frère. Il a l'air épanoui et heureux ici. Moi j'ai 61 ans, j'approche de la retraite. Lui, il en a 30 et donc il parle d'avenir. Quand on parle de la ferme, quand on parle de projet, on échange comme des frères, oui. Son avenir lui appartient et ça j'en suis bien heureux. C'est lui qui décidera de ce qu'il veut faire et où il veut le faire.

  • Speaker #0

    Un jour quand même, j'aimerais bien faire ça, avoir ma ferme et je crois que c'est possible pour moi. Même si il n'y a pas beaucoup de vaches, un peu, c'est possible pour moi.

  • Speaker #3

    Avec son sésame en poche, c'est aussi le passage des frontières qui se réouvre à Mansour. Il lui est enfin possible de revoir sa famille.

  • Speaker #0

    Je peux voyager. Et là, je pense que ça va être cette année, je vais aller peut-être voir ma mère. Moi, décembre ou novembre. Depuis 2018, je n'ai pas vu ma mère. J'arrive en France, 2021, et je fais tout pour que ma mère quitte au Sénégal. Au début, ça a été très, très dur parce que ma mère ne voulait pas partir, abandonner sa maison et tout ça. Et quand même, j'ai dit non, il faut que tu partes parce que si tu ne pars pas, et moi... C'est très compliqué pour moi parce que je n'arrive pas à dormir et tout le temps je pense à vous. Je l'ai aidé au début pour avoir un appartement et pour habiter dedans, pour demander d'asile là-bas. Même pas deux mois, ils ont eu un statut de réfugié. Après, ils ont donné la maison et tout ça. Et maintenant, ils sont tranquilles là-bas. Elle est avec ma petite soeur. Mes animaux sont en Sénégal. Il y a mon père qui est avec des animaux maintenant. Tout le monde... Ça va, quoi. C'est fini, le problème. On a quitté au Mauritanie et maintenant, ça va. Là, moi, mon idée, maintenant, de temps en temps, je pars là-bas, je vois mes animaux dans les médias et comme ça, et je vois les gens qui font des commentaires, qui disent, nous, on ne vote pas à gauche, on vote à, je ne sais pas, à l'open, comme ça. Bah, quand même, avec ton histoire, même nous, on n'a pas d'accord. C'est les gens aussi qui disent, aujourd'hui Mansour, lui, il travaille, il n'a pas un voler. Vous partez déranger quelqu'un qui travaille, qui ne fait rien, qui juste fait son boulot après chez lui. Il est où le problème ? Même les gens y arrivent à comprendre quand même.

  • Speaker #3

    Reportage dans Le Monde et Mediapart, au journal Télé. Tous les combats de régularisation ne connaissent pas la campagne médiatique dont a bénéficié Mansour. Un tel regard unanime n'est pas donné à tout le monde. Conscient de cela... Mansour n'oublie pas ses camarades d'infortune.

  • Speaker #0

    Il y a centaines de personnes qui sont dans le même situation que moi, qui n'ont pas beaucoup de gens pour les aider comme moi. Si toi, tu ne vis pas ça, tu n'arrives pas à savoir, c'est compliqué. Il y a des gens qui disent qu'ils sont venus ici, qu'ils ont cherché l'argent et tout ça. Non, il y a beaucoup de gens qui furent chaisés, qui ont plein de problèmes. Ils vont continuer à battre et ils vont continuer à être sérieux, travailler et respecter tout le monde et ça, c'est important.

  • Speaker #3

    D'autres salariés agricoles étrangers ont moins de chance que Mansour et se retrouvent corvéables à merci par des employeurs et employeuses moins honnêtes. des maltraitants se qualifiaient d'esclavage moderne. Vous venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mansour qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

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Description

Pourquoi refuser un titre de séjour à un jeune exilé, en CDI dans un métier en tension ? La réponse à cette question est unanime : c’est une politique préfectorale de non-accueil incompréhensible. Ce jeune homme c’est Manssour, un nomade mauritanien de 30 ans et un excellent ouvrier agricole employé en Creuse. Il nous raconte son chemin d’une terre à une autre…


Un récit commenté par Magda El Haitem, avocate au barreau de Paris et Thierry Péronne, exploitant de la Ferme du Prévert.


📖 SOURCES :



🎵 MUSIQUES :

  • Pretty Particles - Fritz Doddy

  • Beautiful Field Of Peace - Bruno Le Roux

  • Mauritanie, North Africa Traditional - Mustapha Didouh, Edward Ashcroft et Paul Vials - © KPM Music Ltd


🎙️ LECTURE :

  • Océane Claveau

🎧 Ré-écoutez nos précédents épisodes


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. La liberté, c'est prendre le risque de voler hors de sa cage sans connaître le sens. de la migration. Valentin Auverx, Agony.

  • Speaker #1

    Moi, mon prénom, c'est Sou Mansour. Je viens de Mauritanie. Je suis né en 1995 à Karaydi. C'est une ville dans Mauritanie. Mon âge, c'est 30 ans.

  • Speaker #0

    Je suis migrant, épisode 6, métier en tension, quand la ferme se rebelle.

  • Speaker #1

    Il y a des émigrés qui quittent en Afrique ou même si ils ne sont pas en Afrique, dans d'autres pays, ils sont pauvres comme ça. Moi, ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais quitté chez moi parce que je suis pauvre. Je suis né dans une famille où on est des nomades et chaque année, on se déplace avec des animaux. On a beaucoup d'animaux, 800 vaches ou 1000 vaches quand même. Si je te dis que j'ai 1000 vaches, je ne suis pas un pauvre. J'ai gagné bien ma vie avec ma famille. On vendait beaucoup d'animaux par année. On gagnait beaucoup d'argent. Si je n'avais pas eu de problème en Afrique, en Mauritanie, je n'aurais jamais quitté là-bas. Je suis plus tranquille là-bas. Parce qu'ici en France, les agriculteurs disent qu'on n'arrive pas à gagner de notre vie. Je pense qu'avec tous les matériels comme ça, je pense que ça va être compliqué pour gagner son vie. Tu vas passer toute ta vie pour rembourser de l'argent et des gros tracteurs, des gros machines et tout ça. Et nous, Moutani, on n'a pas même un brouette ou un tracteur, non.

  • Speaker #0

    Dans sa découverte des élevages français, il y a autre chose qui frappe Mansour.

  • Speaker #1

    Il y a un peu de différence. Ici, les vaches, il y a des moments donnés, elles sont fermées, il y a des moments donnés, elles sont dans les bâtiments et nous, on ne connaît pas ça. Moi, si je vois les animaux qui sont dans les bâtiments, ça me fait mal au cœur. Après, c'est normal, je comprends. Ici, à un moment donné, il n'y a plus à manger, il n'y a plus rien. C'est l'hiver, c'est froid, il faut rentrer les animaux. Et chez nous, il n'y a pas l'hiver. Tout le temps, ça fait beau et on reste d'ailleurs. On n'a pas beaucoup chez moi avec ma petite soeur et ma mère et mon père. Je les ai beaucoup, beaucoup. travailler dans les métiers agricoles et je fais ça beaucoup pendant depuis petit. C'est mon papa qui m'a appris le métier depuis que j'étais à l'âge de 8 ans ou comme ça et il m'applique beaucoup de choses. On cultive un peu, pas beaucoup, on fait un peu de maïs et de sorgho et un peu de maraîchage, 4 ou 5 volets à la maison, c'est juste pour nous.

  • Speaker #0

    En Mauritanie, certains nomades sont en déplacement constant avec leurs animaux. D'autres, comme la famille de Mansour, possède des terres, 25 hectares sur lesquelles il ne passe qu'une partie de son temps. Et quand il prend la route avec ses animaux, il va au-delà des frontières du pays, au Sénégal, au Mali, en Guinée.

  • Speaker #1

    Chez nous, il y a des nomades qui ont des terres. Après, ils peuvent être déplacés par année. Après, il y a plus de pluie chez nous. Ça ne pleut pas, il n'y a pas beaucoup d'herbes. Et là, on déplace avec des animaux. Si ça commence à pleuvoir, il y a de l'herbe, il y a du manger et là on revient chez nous. À un moment donné, en 2018, on a eu problème avec l'État mauritain pour vouloir prendre notre terre. L'endroit où j'habite au Mauritanie, c'est un bon endroit pour cultiver, pour faire plein de choses. Et l'État mauritain récupère les terres des gens pour vendre les autres ethnies, les Arabes ou les Chinois. Pour eux, ils font des grands jardins ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Depuis plusieurs dizaines d'années, Le gouvernement mauritanien accorde des concessions foncières à des entreprises chinoises ou saoudiennes. La surface exacte de ces terres arrachées aux groupes agro-pastoraux, sans aucune compensation financière, est impossible à connaître précisément, faute de transparence. Mais on parle là de dizaines de milliers d'hectares. Cette situation entraîne un profond désarroi pour des centaines de milliers d'hommes, de femmes et de jeunes qui voient leur subsistance de plus en plus menacée. mais qui sont aussi privés de terre pour enterrer leurs morts.

  • Speaker #1

    Et on n'a pas accepté. J'étais jeune, je suis beaucoup défendu quand même. Pas moi seul, parce qu'on est beaucoup dans le village. Il y avait des jeunes à mon âge. Et on n'a pas accepté. Après, c'est là que ça a commencé. Ça fait du problème. On a eu des bagarres. On a tapé un tourneau. Il y en a qui sont blessés. Il y en a qui se sont attrapés. Il y en a qui sont partis. Et c'est là que j'ai quitté. Je suis parti. J'ai laissé là-bas mon père et ma mère et ma petite soeur. Il y en a beaucoup aussi qui sont partis en Sénégal parce que c'est juste à côté. Moi, avec mes amis, on était trois. On est partis dans une ville, Noirchot, c'est la capitale de Mouritani. Arrivé à Noirchot, on est cherché là-bas encore. On a fait tout pour quitter Noirchot. Nous, à Dubou encore, c'est Mouritani. C'est la même chose encore et là on est parti au Maroc. Dans quelques temps, il y a ma mère qui m'a appelé et elle m'a dit qu'ils ont attrapé ton père parce qu'ils ont dit que si tu ne reviens pas ici, ils ne laisseront pas ton père. C'est comme un chantage. Mon père est resté en prison pendant huit mois. Il est sorti deux mois après le décédé. Ça c'est 2019. Et ce temps-là, j'étais au Maroc, j'ai dit je vais retourner au Mauritanie. Et ma mère, elle m'a dit non, parce que même si tu reviens, ça va être la même chose. Et ça continue tout le temps, l'état au Mauritanie qui va chez nous tout le temps, il est où Mansour, tout le temps il vient dans la maison, tu vois, il le fait perdre. Venir en Europe, ça n'a jamais été mon idée moi. Moi, ça a été mon idée tout le temps, c'est rester avec mes animaux et vivre avec ma famille, rester avec ma famille. Partir dans l'Europe, ça arrivait juste un jour. On était en Maroc avec les amis. Maintenant, Maroc, ça a venu très très dur. Ils ont dit peut-être qu'on va partir. Et là, on a décidé un jour de partir en Espagne. Et on a resté en Espagne pendant un an. Tiens, on est arrivé ici en France avec des amis. Ils sont partis en Belgique et moi, je suis resté ici en France. Je ne connais personne. Aujourd'hui, je travaille dans trois fermes. Je suis polyvalent, je peux faire tout moi. Je conduis le tracteur, je peux faire tout. Moi je préfère les vaches, c'est ça qui est mon boulot, que j'aime bien. Chez Chéri où je travaille, on a 45 vaches, on fait la traite. Le lait on l'amène dans la formagerie, on va fabriquer tout le lait. Tu vois, on fait du fromage, je fais du yaourt, on fait du rio-lait, on a des maréchages. Il y a du boulot quand même, parce qu'il y a beaucoup de salariés là-bas. entre 8 ou 9 personnes. Et chez Sylvain aussi, c'est ça, il fait la viande toute l'année et il a beaucoup de vaches aussi. Je travaille tous les jours moi, c'est juste samedi, dimanche et le week-end je ne travaille pas. Il y a mes patrons qui peuvent partir en vacances et ils me laissent dans la ferme et je gère la ferme parce qu'on me fait confiance. Et là, il y a mon patron qui était à Malagasta pendant un mois, deux semaines. Il m'a dit, moi, si je te laisse toi à la ferme... Je sais que j'ai laissé quelqu'un qui peut occuper les animaux pendant que je reviens sans problème. Dans la maison, il y a de l'argent. C'est la ferme qui fait beaucoup de marchés. L'argent, tout ça est dedans. C'est de la confiance qui fait ça. Même les voisins, il y a des voisins qui habitent dans le même village. Ils pouvaient partir en vacances. On me demande, Mansour, si on a des courriers, quelque chose que tu peux récupérer pour moi, tu me mets dans ma maison. Si tu ne fais pas quelqu'un confiance, tu ne fais pas tout ça. Moi, dans mon village, il n'y a personne qui raciste. Tout le monde, nous tous, on croise, on dit bonjour, on se parle et on me connaît très bien.

  • Speaker #0

    À entendre ces paroles, on pourrait croire que tout a été idyllique dès le premier instant en France pour Mansour. Loin de là. Son parcours n'a pas été de tout repos pour arriver à la situation stable et épanouissante qu'il vit aujourd'hui. À son arrivée, en janvier 2021, Mansour ne parle pas un mot de français et passe deux semaines à dormir dans les rues de Paris. Il fuit rapidement à la capitale. Il demande à passer le temps de la procédure de sa demande d'asile dans un petit village. Il est envoyé à Luda, centre d'hébergement d'urgence de Péral Château. Dans cette commune de Haute-Vienne, d'un peu plus de 1000 habitants, il se sent tout de suite à l'aise. Il s'y promène et retrouve avec plaisir les animaux en pâture un peu partout. De ses vadrouilles campagnardes, Au détour d'un trajet en stop, il fait une première rencontre décisive.

  • Speaker #1

    Tu sais, à Père-à-le-Château, il n'y a pas de train, il n'y a pas de bus. On fait un stop pour venir à Limoges ou à Emoutier. Et un jour, j'ai rencontré une dame, elle s'appelle Monique. Et elle m'a pris un stop pour partir à Limoges. Comme ça, on discutait un peu. Elle m'a dit, c'est quoi, tu as fait un métier en Mauritanie ? J'ai dit, j'ai fait l'agriculture beaucoup. Elle m'a dit, moi c'est ça que je fais ici en France, c'est mon métier. Elle m'a dit, est-ce que tu aimerais bien faire ça ici en France ? Je dis, bien sûr. Et elle m'a dit, je peux t'aider jusqu'à ce que tu aies du boulot dans les vaches. Elle m'a amené dans beaucoup d'agriculteurs, j'ai fait des stages et tout ça. Et les gens, tout le monde était content. Et c'est comme ça que c'est parti, jusqu'à un jour elle m'a amené en croce.

  • Speaker #0

    C'est là que Mansour fait la connaissance de Thierry Perron, un paysan installé en Creuse, à Maisonis, au sud de Guéret, depuis 5 ans. C'est lui qui a les 45 vaches laitières mentionnées précédemment par Mansour. Le tout sur 75 hectares et avec une production de maraîchage. Une deuxième rencontre capitale.

  • Speaker #2

    Monique m'appelle. Et il me dit, j'ai un jeune là qui s'ennuie, c'est un peu des nomades du désert bien connus qui vivent avec leurs troupeaux. Il a envie de travailler sur une ferme.

  • Speaker #0

    Thierry Perron, exploitant de la ferme du Prévert.

  • Speaker #2

    Je lui ai dit, ok, qu'il vienne une semaine découvrir la ferme, les vaches laitières. Et il est venu donc en septembre 2022. Quand quelqu'un arrive ici et veut travailler avec les vaches, je fais un test très simple. On va dans le troupeau. Au milieu du troupeau, on approche les vaches, on leur parle, on boule, on marche. C'est simple à analyser tout de suite le contact et l'échange qu'il peut y avoir avec l'animal. Au bout de quelques jours, j'ai compris que c'était quelqu'un qui était né avec les animaux, qui vivait avec les animaux. Ils acquièrent des notions que nous, on a perdues. Parce que là-bas, il n'y a pas de vétérinaire. C'est des expériences très fortes. Les animaux font partie de la famille.

  • Speaker #0

    Ce constat est d'autant plus précieux aux yeux de Thierry qu'il peine à trouver et embaucher du personnel qualifié pour sa ferme.

  • Speaker #2

    Quand je me suis installé ici, j'avais la volonté de développer une fromagerie. Donc j'ai recherché des personnes qui étaient en capacité. de traire des vaches. C'est la principale contrainte. C'est deux traites par jour, tous les jours de l'année. Par rapport à Pôle emploi, je n'ai pas eu de réponse. J'ai eu deux visites, mais des personnes qui n'avaient pas de compétences. On n'est pas dans une région laitière. Donc déjà, c'est un handicap pour trouver de la main-d'œuvre qualifiée. Ici, même des enfants d'agri. n'ont pas ces connaissances de la vache laitière. On est dans une région où il y a eu beaucoup d'automatisation et de mécanisation. Donc on peut trouver des chauffeurs, mais des gens qui sont en capacité d'approcher les animaux, de les contentionner, de les guider. Il n'y a plus beaucoup de personnes qui savent faire ça. Et puis on est dans une région où l'agriculture a été fortement délaissée. Il n'y a quand même pas beaucoup d'habitants en Creuse. Mansour, je ne l'ai pas choisi. C'est lui qui est venu et c'est le seul qui est venu.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, je vois aussi beaucoup de jeunes qui ne s'intéressent pas trop aux agriculteurs et je ne sais pas pourquoi. Il y a aussi beaucoup de gens avec qui je travaille ensemble dans l'agriculture qui viennent un mois, deux mois après. Ils disent non, c'est dur, ils partent. Pour moi, c'est un bon métier.

  • Speaker #2

    Ma volonté était d'employer une... Personne qui puisse faire le travail et avec qui on puisse avoir des relations humaines, puisqu'on travaille en équipe. On a chacun nos responsabilités, nos fonctions. Il y a une telle diversité sur notre entreprise que j'avais besoin d'une personne qui ait des compétences, mais qui ait aussi une capacité humaine, relationnelle. qui puisse permettre à l'entreprise de bien fonctionner.

  • Speaker #0

    Quand le regard réintégrera le jour, je t'apprendrai le sillon. Toi, tu m'apprendras la main qui le trace. Car sans ta main, je ne saurais quoi faire de la mienne. Car sans nos mains, le sillon ne sera que triste illusion d'un rêve déjà éteint. Salah ou Dahar, les galets de l'oubli. Mansour, débouté de sa demande d'asile puis de son recours auprès de la CNDA, Cour nationale du droit d'asile, dépose en 2022 une demande de titre de séjour. La préfecture de Guéret rejette sa requête. Un refus assorti d'une OQTF, obligation de quitter le territoire français. Pour tenir bon face à une préfète peu conciliante, Mansour est fortement épaulé par le comité de soutien Creuse Solidarité, mais aussi par les instances locales de la CIMAD, de la Confédération Paysanne. Il lance alors un recours gracieux.

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de gens aussi qui m'ont soutenu ces temps-là. Et la préfète, comme elle a vu, j'ai beaucoup... beaucoup de soutien en close. Elle a dit, OK, là, il n'y a pas de problème. Je te donne une nouvelle chance pour faire une autre demande. J'ai envoyé le parfait message. C'est quoi les nouveaux éléments que tu besoins ? Elle m'a dit, comme contrat CDI avec des bulletins de salaire. Et moi, je n'ai pas de séjour. Je n'ai pas d'autorisation de travail. Si tu me dis, il faut amener un contrat CDI avec des bulletins de salaire, et là, comment je vais faire ?

  • Speaker #3

    C'est la question du serpent qui se met en la queue.

  • Speaker #0

    Magda, elle est M.

  • Speaker #3

    Pourquoi ? Parce qu'on nous demande des fiches de paye alors qu'on n'a aucun droit au travail, qu'on ne peut pas demander une autorisation de travail parce qu'on n'a pas de titre de séjour en cours de validité, et que si l'employeur nous donne des fiches de paye alors qu'on n'a pas le droit de travailler, il prend aussi des risques auprès de l'administration. À cette question-là, il n'y a pas de réponse. Magique. Donc il faut savoir que c'est illégal. En même temps, l'administration vous demande de le faire.

  • Speaker #1

    Et c'est là maintenant que j'ai décidé de discuter avec mes patrons. Je dis, parce que là maintenant moi je peux rester avec vous dans une condition. Vous me faites des contrats et c'est là qu'on a fait 2023 de contrat CDI. Et je travaille et j'ai mes bulletins de salaire, je cotise comme tout le monde, c'est juste que je n'ai pas de papier. J'ai le même salaire, j'ai le même contrat, j'ai mes vacances, j'ai tout. J'ai une grande chance parce qu'avec mes patrons, c'est des patrons qui... qui sont sérieux dans le boulot. Ils ont bien respecté le côté du boulot, même si je n'ai pas de papier. C'est avec mon passeport que je travaille quand même. Je n'ai pas fait de faux papiers pour travailler avec.

  • Speaker #3

    Donc, la question c'est, qui prend la responsabilité ? Alors, l'employeur, il risque plusieurs choses sur plusieurs plans. Dans la majorité des cas, il risque déjà des poursuites au pénal parce que c'est de l'emploi de personnes en situation irrégulière. Ensuite, il risque une amende auprès de l'OFI parce qu'il y a tout un tas de taxes de régularisation qu'il faut payer. Et ensuite, il risque aussi des régularisations URSAF pour régulariser les cotisations qu'il aurait dû payer à l'URSAF sur la base des fiches de paye. C'est une prise de risque qui est quand même importante.

  • Speaker #0

    Les trois risques évoqués ne concernent pas de manière automatique tous les employeurs. Comme vous l'entendrez par la suite, l'employeur de Mansour a tout de suite payé les cotisations sociales dues. Quant à Mansour, quel risque encourait-il à travailler sans autorisation ?

  • Speaker #3

    Le salarié, déjà, le plus gros risque pour lui, c'est d'être arrêté sur son lieu de travail. Parce que ça, ça emporte automatiquement une obligation de quitter le territoire. Et en général, la préfecture, dans la motivation des obligations de quitter le territoire, elle mentionne le fait qu'il travaillait alors qu'il n'avait pas le droit de travailler. Donc, c'est un argument qui se retourne un peu contre lui. C'est un peu utilisé de manière très arbitraire par les préfectures. Parce qu'en fait, ça leur permet de faire planer une menace au-dessus des personnes qui ne veulent que travailler. Parce qu'en fait, ces personnes-là, quand vous leur parlez, elles vous disent « mais en fait, moi je veux… » Je ne veux que pouvoir être régularisée, avoir un contrat et avoir des fiches de paye. Je ne veux rien de plus. Et en fait, ces personnes-là, contrairement à ce qu'on pense et ce qui est dit beaucoup dans les médias, c'est qu'en fait, ces personnes-là, elles n'ont le droit à rien. Quand vous voyez leurs fiches de paye, c'est des fiches de paye normales. Ça veut dire qu'elles cotisent, elles payent des impôts, elles payent l'URSSAF, elles payent la Sécurité sociale, etc. Elles n'en bénéficient pas. Ce ne sont pas des personnes qui sont employées. qui sont employés justement au noir ou qui ne paieraient pas leurs cotisations, bien au contraire.

  • Speaker #0

    Ces risques, Thierry Perron les évalue mais les balaye aussitôt de la main. Il s'estime dans son bon droit. Toutes ses précédentes tentatives pour embaucher légalement Mansour sont restées lettres mortes auprès de la préfecture.

  • Speaker #2

    J'avais fait la démarche de demande d'emploi d'un étranger, le SERFA, je ne sais plus quel numéro. Les services prévectoraux n'ont pas considéré mes demandes, mes démarches. C'est pour ça que je suis monté au créneau, qu'il y a un moment donné que j'en avais ras-le-bol. Parce que toutes les démarches que je faisais en tant qu'entreprise, je n'ai jamais eu de réponse. Il a eu ses fiches de paye tout de suite. Au 1er janvier 2023, j'avais regardé les textes. OK, j'étais attaquable. Ça, je sais bien. Si moi, j'avais eu une réponse négative, j'aurais peut-être agi autrement. C'est là que je dis que l'État s'est mis en défaut. J'avais un besoin de main-d'œuvre. Il y avait une circulaire qui s'était mise à parler des métiers en tension et tout ça. On était plein dedans. Je dis, bon, il est en petit, j'anticipe. On embauche. Le comptable a dit, ah, bah oui, mais s'il n'a pas de... carte de résident, on ne peut pas lui faire des fiches de paye. Je lui dis à ce moment-là, soit je demande à un de vos collègues, soit je l'ai fait moi. Depuis 2023, on paye les charges à la MSA, voilà.

  • Speaker #0

    La MSA, c'est la Sécurité sociale agricole, mais aussi l'organisme qui perçoit les cotisations sociales, l'équivalent de l'URSSAF.

  • Speaker #2

    Ils n'avaient aucun droit d'accès aux maladies ou quoi que ce soit. Mais pour les charges, il n'y a pas de problème. Ils ont bien pris.

  • Speaker #0

    Le 3 avril 2025, plus d'un an après le dépôt du dossier, le coup prétombe. Malgré les nouveaux éléments, Mansour n'obtient de l'administration qu'une assignation à résidence, avec la menace d'une expulsion du territoire français. Il a alors l'obligation de se présenter tous les jours au service de gendarmerie. Il se sent traité de manière indigne et injustifiée, et clame alors que son seul crime est d'avoir travaillé.

  • Speaker #1

    Je veux qu'il y ait quelque chose que je n'ai jamais connu dans ma vie. Aller signer aux gendarmeries, aller comme ça, c'est comme un délinquant. Et ça, je n'ai jamais connu ça. Je n'ai pas agressé quelqu'un, je n'ai pas fait rien de mal. Ça reste tout le temps dans ma tête. Ça m'a fait tellement, tellement mal. Doir se danser. commune où tu habites quoi, tu ne dois pas sortir de la commune, c'est comme prison. Au début oui ça a été tous les matins et après j'ai appelé la préfecture, j'ai dit moi je ne peux pas faire tous les matins parce que je n'ai pas au voité, je ne peux pas encore tout le temps demander les gens pour m'amener. Et après c'est là qu'ils ont changé, ils ont dit maintenant trois fois par semaine. Après le gendarmerie ils ont dit, ils vont venir à la maison mais voir souvent si je suis là-bas ou non, c'est pas grave. Si tu ne respectes pas les choses comme ça, même le jour où tu vas au tribunal, la perfection peut appuyer sur ça. on a donné signe à la résidence Monsier-Sau, il n'a pas respecté parce que, tu vois, tout le temps, il cherche juste un petit truc et ils vont utiliser ça.

  • Speaker #2

    Quand il a reçu son courrier, j'étais persuadé que c'était une réponse positive. Et d'avoir des courriers comme ça, qui n'expliquent rien, en plus, quand il n'y a pas d'explication et qu'on sent un tel irrespect, on se sent vraiment bafoué, quoi. J'ai l'impression que certaines administrations et certains politiciens font tout pour qu'il y ait de la violence. J'ai toujours milité pour la non-violence. Pour l'instant, je résiste.

  • Speaker #0

    Épuisé et démuni face à la complexité de sa situation, Mansour est prêt à tout abandonner.

  • Speaker #1

    Ça a été très très très compliqué à un moment donné. Ça fait quand même des semaines, des semaines, je ne dors pas. Mais je voulais partir. J'ai dit même si je quittais en France ou je ne sais pas, je partais quand même.

  • Speaker #0

    La veille de son audience au tribunal administratif de Limoges pour tenter de faire annuler son assignation, il prévient le groupe de soutien de sa décision. La réaction ne se fait pas attendre plus de quelques minutes.

  • Speaker #1

    J'ai vu maximum 20 voitures à la maison. Tout le monde venait et me dit non, non, tu ne pars pas, il faut rester. C'est des gens qui habitent dans le village, à côté. Ça aussi, ça m'a fait plaisir quand même, pour avoir beaucoup de gens qui te soutiennent comme ça. Franchement, c'est quelque chose qui est important pour moi. Aujourd'hui, si tu vois en close, je suis connu là-bas. Il y a beaucoup de gens qui me soutiennent parce que tout le monde me connaît.

  • Speaker #2

    C'est là que j'ai dit à Mansour, surtout, surtout, surtout, il ne faut pas lâcher. Maintenant, c'est eux qui sont en défaut. Il y a un moment donné, de toute façon, ils seront obligés de plier.

  • Speaker #0

    Une pétition avec plus de 2600 signatures circule. Mansour s'accroche. Selon son avocate, ce nouveau refus n'est pas légal. Le jeune ouvrier agricole répond parfaitement aux critères des métiers en tension. Mais arrêtons-nous un instant sur cette notion de métier en tension dont on a déjà parlé. Qu'implique-t-elle exactement ?

  • Speaker #3

    C'est une liste qui est en fait créée par les ministères, et notamment le ministère de l'Intérieur et le ministère du Travail, pour définir en fait quels domaines sont les plus en tension sur le territoire français. Et en tension, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est des domaines où il y a des grosses difficultés de recrutement. En fait, les organismes professionnels proposent des domaines en tension. qui sont ensuite prises en compte par les ministères. C'est en partie pour ça que ça a pris autant de temps. On a attendu quatre ans pour avoir une nouvelle liste. Quand on exerce dans un métier qui est considéré comme attention, il faut d'abord regarder le code et ensuite regarder la région. Il y a des références particulières sur les catégories de métiers. Il y a des codes sur lesquels il faut faire très attention parce que ce n'est pas parce qu'on est, par exemple, pâtissier dans une boulangerie qu'on peut être catégorisé comme un comité de cuisine, par exemple. C'est des catégories qui sont en fait très très précises, donc ils font vraiment bien les étudier, et ensuite par région, parce que tous les métiers listés ne sont pas présents dans toutes les régions. Et si le métier n'apparaît pas dans la région dans laquelle on travaille, on ne peut pas demander la régularisation par les métiers en tension. Le discours politique va dans le sens d'une régularisation. uniquement des personnes qui travaillent. À mon sens, il n'existera plus que celle-là si on continue comme ça. La régularisation par la vie privée et familiale qui existait auparavant sous la circulaire VALS tend à se réduire drastiquement. Par exemple, un conjoint d'étrangers en situation régulière sur le territoire français pouvait demander une régularisation. Un parent d'enfants scolarisés pouvait demander une régularisation, etc. Aujourd'hui, c'est de plus en plus compliqué. L'impact des métiers en tension sur le droit des étrangers existe aussi depuis très longtemps. Mais là, récemment, et notamment avec les réformes, la loi immigration d'Armalin et les différentes circulaires de Retailleau, ont permis d'utiliser cette notion de manière plus large. Et c'est pour ça qu'on se base sur cette liste, pour ensuite déposer des dossiers de demande de régularisation devant la préfecture. Ça facilite l'accès à l'emploi. pour les personnes qui sont en situation irrégulière, donc sans papier, parce qu'en fait, ça leur permet de faire des demandes de titre de séjour plus rapidement qu'une demande d'admission exceptionnelle ou séjour normal qui prend, elle, plusieurs années. Là, en fait, avec les nouvelles procédures préfectures, on se rend compte que ça prend quelques mois quand on répond vraiment aux critères. Donc ça, c'est vraiment l'un des seuls points positifs de... toutes les réformes qui sont arrivées depuis un an. Pour les autres, malheureusement, ça n'a rien changé, voire ça a complexifié. Parce que comme les médias en tension sont vraiment mis en valeur auprès des préfectures, les autres demandes de titres sont un peu laissées de côté. Quand on n'a pas de titre de séjour, on doit passer par l'admission exceptionnelle au séjour. Le problème qui se pose dans cette procédure, c'est qu'on nous demande aujourd'hui... d'avoir 7 ans de présence ainsi que des bulletins de paye. Avant, c'était 5 ans avec 24 fiches de paye. Aujourd'hui, les années de présence ont été rallongées si on n'est pas dans un métier en tension. Et si on est dans un métier en tension aujourd'hui, c'est 3 ans de présence sur le territoire français avec 12 fiches de paye. Donc, on ne peut pas déposer quand on vient d'arriver en France, dans tous les cas. Le titre métier en tension n'est prévu que jusqu'à la fin 2026 et on ne sait pas trop ce qu'il va devenir après. L'option de, par exemple, arrêter les titres métiers en tension est ouverte. Et du coup, qu'est-ce qu'il adviendra de toutes les personnes qui ont eu des titres métiers en tension entre-temps ? Est-ce qu'ils pourront changer de statut ? Est-ce qu'ils pourront passer sur un titre salarié ? Est-ce qu'on leur modifiera des obligations de quitter le territoire ? Le futur est assez vague là-dessus.

  • Speaker #0

    Grâce à la levée de son OQTF, et de son assignation à résidence par le tribunal administratif le 20 avril 2025, la préfecture examine son dossier un mois plus tard et lui consente une reconnaissance légale sur le territoire français. Avec un premier titre de séjour de un an, tout semble possible aujourd'hui à Mansour.

  • Speaker #1

    Ça me donne le droit de faire tout aujourd'hui parce qu'aujourd'hui, j'ai mon récipice. Et nous tous, aujourd'hui, on est tranquilles. Moi, avec mes patrons, on n'est plus dans les rixes. Il n'y a pas besoin de me cacher ici. Je peux avoir aussi mes assurances.

  • Speaker #0

    passer mon permis et ça va changer ma vie.

  • Speaker #1

    Une fois qu'on détient un titre de séjour, après on peut exercer nos droits à tous les organismes publics et notamment le chômage, la sécurité sociale, les APL, etc. Mais pour ça, il faut un titre de séjour valide, contrairement à ce que beaucoup disent.

  • Speaker #0

    Moi, je travaille un an et après je reste avec mon patron. année prochaine, si j'ai de nouvelles, ils vont me donner 4 ans. Après, 10 ans, c'est comme ça, ça marche.

  • Speaker #1

    La procédure, c'est en fait le renouvellement du titre salarié sur la base du contrat de travail. Une fois, deux fois, ensuite, on lui attribuera une carte pluriannuelle, sous condition d'avoir un niveau de français qui remplit les conditions aussi quand même, puis éventuellement une carte de résident.

  • Speaker #2

    Pour moi aujourd'hui, Mansour s'est devenu comme un frère. Il a l'air épanoui et heureux ici. Moi j'ai 61 ans, j'approche de la retraite. Lui, il en a 30 et donc il parle d'avenir. Quand on parle de la ferme, quand on parle de projet, on échange comme des frères, oui. Son avenir lui appartient et ça j'en suis bien heureux. C'est lui qui décidera de ce qu'il veut faire et où il veut le faire.

  • Speaker #0

    Un jour quand même, j'aimerais bien faire ça, avoir ma ferme et je crois que c'est possible pour moi. Même si il n'y a pas beaucoup de vaches, un peu, c'est possible pour moi.

  • Speaker #3

    Avec son sésame en poche, c'est aussi le passage des frontières qui se réouvre à Mansour. Il lui est enfin possible de revoir sa famille.

  • Speaker #0

    Je peux voyager. Et là, je pense que ça va être cette année, je vais aller peut-être voir ma mère. Moi, décembre ou novembre. Depuis 2018, je n'ai pas vu ma mère. J'arrive en France, 2021, et je fais tout pour que ma mère quitte au Sénégal. Au début, ça a été très, très dur parce que ma mère ne voulait pas partir, abandonner sa maison et tout ça. Et quand même, j'ai dit non, il faut que tu partes parce que si tu ne pars pas, et moi... C'est très compliqué pour moi parce que je n'arrive pas à dormir et tout le temps je pense à vous. Je l'ai aidé au début pour avoir un appartement et pour habiter dedans, pour demander d'asile là-bas. Même pas deux mois, ils ont eu un statut de réfugié. Après, ils ont donné la maison et tout ça. Et maintenant, ils sont tranquilles là-bas. Elle est avec ma petite soeur. Mes animaux sont en Sénégal. Il y a mon père qui est avec des animaux maintenant. Tout le monde... Ça va, quoi. C'est fini, le problème. On a quitté au Mauritanie et maintenant, ça va. Là, moi, mon idée, maintenant, de temps en temps, je pars là-bas, je vois mes animaux dans les médias et comme ça, et je vois les gens qui font des commentaires, qui disent, nous, on ne vote pas à gauche, on vote à, je ne sais pas, à l'open, comme ça. Bah, quand même, avec ton histoire, même nous, on n'a pas d'accord. C'est les gens aussi qui disent, aujourd'hui Mansour, lui, il travaille, il n'a pas un voler. Vous partez déranger quelqu'un qui travaille, qui ne fait rien, qui juste fait son boulot après chez lui. Il est où le problème ? Même les gens y arrivent à comprendre quand même.

  • Speaker #3

    Reportage dans Le Monde et Mediapart, au journal Télé. Tous les combats de régularisation ne connaissent pas la campagne médiatique dont a bénéficié Mansour. Un tel regard unanime n'est pas donné à tout le monde. Conscient de cela... Mansour n'oublie pas ses camarades d'infortune.

  • Speaker #0

    Il y a centaines de personnes qui sont dans le même situation que moi, qui n'ont pas beaucoup de gens pour les aider comme moi. Si toi, tu ne vis pas ça, tu n'arrives pas à savoir, c'est compliqué. Il y a des gens qui disent qu'ils sont venus ici, qu'ils ont cherché l'argent et tout ça. Non, il y a beaucoup de gens qui furent chaisés, qui ont plein de problèmes. Ils vont continuer à battre et ils vont continuer à être sérieux, travailler et respecter tout le monde et ça, c'est important.

  • Speaker #3

    D'autres salariés agricoles étrangers ont moins de chance que Mansour et se retrouvent corvéables à merci par des employeurs et employeuses moins honnêtes. des maltraitants se qualifiaient d'esclavage moderne. Vous venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mansour qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

Description

Pourquoi refuser un titre de séjour à un jeune exilé, en CDI dans un métier en tension ? La réponse à cette question est unanime : c’est une politique préfectorale de non-accueil incompréhensible. Ce jeune homme c’est Manssour, un nomade mauritanien de 30 ans et un excellent ouvrier agricole employé en Creuse. Il nous raconte son chemin d’une terre à une autre…


Un récit commenté par Magda El Haitem, avocate au barreau de Paris et Thierry Péronne, exploitant de la Ferme du Prévert.


📖 SOURCES :



🎵 MUSIQUES :

  • Pretty Particles - Fritz Doddy

  • Beautiful Field Of Peace - Bruno Le Roux

  • Mauritanie, North Africa Traditional - Mustapha Didouh, Edward Ashcroft et Paul Vials - © KPM Music Ltd


🎙️ LECTURE :

  • Océane Claveau

🎧 Ré-écoutez nos précédents épisodes


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. La liberté, c'est prendre le risque de voler hors de sa cage sans connaître le sens. de la migration. Valentin Auverx, Agony.

  • Speaker #1

    Moi, mon prénom, c'est Sou Mansour. Je viens de Mauritanie. Je suis né en 1995 à Karaydi. C'est une ville dans Mauritanie. Mon âge, c'est 30 ans.

  • Speaker #0

    Je suis migrant, épisode 6, métier en tension, quand la ferme se rebelle.

  • Speaker #1

    Il y a des émigrés qui quittent en Afrique ou même si ils ne sont pas en Afrique, dans d'autres pays, ils sont pauvres comme ça. Moi, ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais quitté chez moi parce que je suis pauvre. Je suis né dans une famille où on est des nomades et chaque année, on se déplace avec des animaux. On a beaucoup d'animaux, 800 vaches ou 1000 vaches quand même. Si je te dis que j'ai 1000 vaches, je ne suis pas un pauvre. J'ai gagné bien ma vie avec ma famille. On vendait beaucoup d'animaux par année. On gagnait beaucoup d'argent. Si je n'avais pas eu de problème en Afrique, en Mauritanie, je n'aurais jamais quitté là-bas. Je suis plus tranquille là-bas. Parce qu'ici en France, les agriculteurs disent qu'on n'arrive pas à gagner de notre vie. Je pense qu'avec tous les matériels comme ça, je pense que ça va être compliqué pour gagner son vie. Tu vas passer toute ta vie pour rembourser de l'argent et des gros tracteurs, des gros machines et tout ça. Et nous, Moutani, on n'a pas même un brouette ou un tracteur, non.

  • Speaker #0

    Dans sa découverte des élevages français, il y a autre chose qui frappe Mansour.

  • Speaker #1

    Il y a un peu de différence. Ici, les vaches, il y a des moments donnés, elles sont fermées, il y a des moments donnés, elles sont dans les bâtiments et nous, on ne connaît pas ça. Moi, si je vois les animaux qui sont dans les bâtiments, ça me fait mal au cœur. Après, c'est normal, je comprends. Ici, à un moment donné, il n'y a plus à manger, il n'y a plus rien. C'est l'hiver, c'est froid, il faut rentrer les animaux. Et chez nous, il n'y a pas l'hiver. Tout le temps, ça fait beau et on reste d'ailleurs. On n'a pas beaucoup chez moi avec ma petite soeur et ma mère et mon père. Je les ai beaucoup, beaucoup. travailler dans les métiers agricoles et je fais ça beaucoup pendant depuis petit. C'est mon papa qui m'a appris le métier depuis que j'étais à l'âge de 8 ans ou comme ça et il m'applique beaucoup de choses. On cultive un peu, pas beaucoup, on fait un peu de maïs et de sorgho et un peu de maraîchage, 4 ou 5 volets à la maison, c'est juste pour nous.

  • Speaker #0

    En Mauritanie, certains nomades sont en déplacement constant avec leurs animaux. D'autres, comme la famille de Mansour, possède des terres, 25 hectares sur lesquelles il ne passe qu'une partie de son temps. Et quand il prend la route avec ses animaux, il va au-delà des frontières du pays, au Sénégal, au Mali, en Guinée.

  • Speaker #1

    Chez nous, il y a des nomades qui ont des terres. Après, ils peuvent être déplacés par année. Après, il y a plus de pluie chez nous. Ça ne pleut pas, il n'y a pas beaucoup d'herbes. Et là, on déplace avec des animaux. Si ça commence à pleuvoir, il y a de l'herbe, il y a du manger et là on revient chez nous. À un moment donné, en 2018, on a eu problème avec l'État mauritain pour vouloir prendre notre terre. L'endroit où j'habite au Mauritanie, c'est un bon endroit pour cultiver, pour faire plein de choses. Et l'État mauritain récupère les terres des gens pour vendre les autres ethnies, les Arabes ou les Chinois. Pour eux, ils font des grands jardins ou quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Depuis plusieurs dizaines d'années, Le gouvernement mauritanien accorde des concessions foncières à des entreprises chinoises ou saoudiennes. La surface exacte de ces terres arrachées aux groupes agro-pastoraux, sans aucune compensation financière, est impossible à connaître précisément, faute de transparence. Mais on parle là de dizaines de milliers d'hectares. Cette situation entraîne un profond désarroi pour des centaines de milliers d'hommes, de femmes et de jeunes qui voient leur subsistance de plus en plus menacée. mais qui sont aussi privés de terre pour enterrer leurs morts.

  • Speaker #1

    Et on n'a pas accepté. J'étais jeune, je suis beaucoup défendu quand même. Pas moi seul, parce qu'on est beaucoup dans le village. Il y avait des jeunes à mon âge. Et on n'a pas accepté. Après, c'est là que ça a commencé. Ça fait du problème. On a eu des bagarres. On a tapé un tourneau. Il y en a qui sont blessés. Il y en a qui se sont attrapés. Il y en a qui sont partis. Et c'est là que j'ai quitté. Je suis parti. J'ai laissé là-bas mon père et ma mère et ma petite soeur. Il y en a beaucoup aussi qui sont partis en Sénégal parce que c'est juste à côté. Moi, avec mes amis, on était trois. On est partis dans une ville, Noirchot, c'est la capitale de Mouritani. Arrivé à Noirchot, on est cherché là-bas encore. On a fait tout pour quitter Noirchot. Nous, à Dubou encore, c'est Mouritani. C'est la même chose encore et là on est parti au Maroc. Dans quelques temps, il y a ma mère qui m'a appelé et elle m'a dit qu'ils ont attrapé ton père parce qu'ils ont dit que si tu ne reviens pas ici, ils ne laisseront pas ton père. C'est comme un chantage. Mon père est resté en prison pendant huit mois. Il est sorti deux mois après le décédé. Ça c'est 2019. Et ce temps-là, j'étais au Maroc, j'ai dit je vais retourner au Mauritanie. Et ma mère, elle m'a dit non, parce que même si tu reviens, ça va être la même chose. Et ça continue tout le temps, l'état au Mauritanie qui va chez nous tout le temps, il est où Mansour, tout le temps il vient dans la maison, tu vois, il le fait perdre. Venir en Europe, ça n'a jamais été mon idée moi. Moi, ça a été mon idée tout le temps, c'est rester avec mes animaux et vivre avec ma famille, rester avec ma famille. Partir dans l'Europe, ça arrivait juste un jour. On était en Maroc avec les amis. Maintenant, Maroc, ça a venu très très dur. Ils ont dit peut-être qu'on va partir. Et là, on a décidé un jour de partir en Espagne. Et on a resté en Espagne pendant un an. Tiens, on est arrivé ici en France avec des amis. Ils sont partis en Belgique et moi, je suis resté ici en France. Je ne connais personne. Aujourd'hui, je travaille dans trois fermes. Je suis polyvalent, je peux faire tout moi. Je conduis le tracteur, je peux faire tout. Moi je préfère les vaches, c'est ça qui est mon boulot, que j'aime bien. Chez Chéri où je travaille, on a 45 vaches, on fait la traite. Le lait on l'amène dans la formagerie, on va fabriquer tout le lait. Tu vois, on fait du fromage, je fais du yaourt, on fait du rio-lait, on a des maréchages. Il y a du boulot quand même, parce qu'il y a beaucoup de salariés là-bas. entre 8 ou 9 personnes. Et chez Sylvain aussi, c'est ça, il fait la viande toute l'année et il a beaucoup de vaches aussi. Je travaille tous les jours moi, c'est juste samedi, dimanche et le week-end je ne travaille pas. Il y a mes patrons qui peuvent partir en vacances et ils me laissent dans la ferme et je gère la ferme parce qu'on me fait confiance. Et là, il y a mon patron qui était à Malagasta pendant un mois, deux semaines. Il m'a dit, moi, si je te laisse toi à la ferme... Je sais que j'ai laissé quelqu'un qui peut occuper les animaux pendant que je reviens sans problème. Dans la maison, il y a de l'argent. C'est la ferme qui fait beaucoup de marchés. L'argent, tout ça est dedans. C'est de la confiance qui fait ça. Même les voisins, il y a des voisins qui habitent dans le même village. Ils pouvaient partir en vacances. On me demande, Mansour, si on a des courriers, quelque chose que tu peux récupérer pour moi, tu me mets dans ma maison. Si tu ne fais pas quelqu'un confiance, tu ne fais pas tout ça. Moi, dans mon village, il n'y a personne qui raciste. Tout le monde, nous tous, on croise, on dit bonjour, on se parle et on me connaît très bien.

  • Speaker #0

    À entendre ces paroles, on pourrait croire que tout a été idyllique dès le premier instant en France pour Mansour. Loin de là. Son parcours n'a pas été de tout repos pour arriver à la situation stable et épanouissante qu'il vit aujourd'hui. À son arrivée, en janvier 2021, Mansour ne parle pas un mot de français et passe deux semaines à dormir dans les rues de Paris. Il fuit rapidement à la capitale. Il demande à passer le temps de la procédure de sa demande d'asile dans un petit village. Il est envoyé à Luda, centre d'hébergement d'urgence de Péral Château. Dans cette commune de Haute-Vienne, d'un peu plus de 1000 habitants, il se sent tout de suite à l'aise. Il s'y promène et retrouve avec plaisir les animaux en pâture un peu partout. De ses vadrouilles campagnardes, Au détour d'un trajet en stop, il fait une première rencontre décisive.

  • Speaker #1

    Tu sais, à Père-à-le-Château, il n'y a pas de train, il n'y a pas de bus. On fait un stop pour venir à Limoges ou à Emoutier. Et un jour, j'ai rencontré une dame, elle s'appelle Monique. Et elle m'a pris un stop pour partir à Limoges. Comme ça, on discutait un peu. Elle m'a dit, c'est quoi, tu as fait un métier en Mauritanie ? J'ai dit, j'ai fait l'agriculture beaucoup. Elle m'a dit, moi c'est ça que je fais ici en France, c'est mon métier. Elle m'a dit, est-ce que tu aimerais bien faire ça ici en France ? Je dis, bien sûr. Et elle m'a dit, je peux t'aider jusqu'à ce que tu aies du boulot dans les vaches. Elle m'a amené dans beaucoup d'agriculteurs, j'ai fait des stages et tout ça. Et les gens, tout le monde était content. Et c'est comme ça que c'est parti, jusqu'à un jour elle m'a amené en croce.

  • Speaker #0

    C'est là que Mansour fait la connaissance de Thierry Perron, un paysan installé en Creuse, à Maisonis, au sud de Guéret, depuis 5 ans. C'est lui qui a les 45 vaches laitières mentionnées précédemment par Mansour. Le tout sur 75 hectares et avec une production de maraîchage. Une deuxième rencontre capitale.

  • Speaker #2

    Monique m'appelle. Et il me dit, j'ai un jeune là qui s'ennuie, c'est un peu des nomades du désert bien connus qui vivent avec leurs troupeaux. Il a envie de travailler sur une ferme.

  • Speaker #0

    Thierry Perron, exploitant de la ferme du Prévert.

  • Speaker #2

    Je lui ai dit, ok, qu'il vienne une semaine découvrir la ferme, les vaches laitières. Et il est venu donc en septembre 2022. Quand quelqu'un arrive ici et veut travailler avec les vaches, je fais un test très simple. On va dans le troupeau. Au milieu du troupeau, on approche les vaches, on leur parle, on boule, on marche. C'est simple à analyser tout de suite le contact et l'échange qu'il peut y avoir avec l'animal. Au bout de quelques jours, j'ai compris que c'était quelqu'un qui était né avec les animaux, qui vivait avec les animaux. Ils acquièrent des notions que nous, on a perdues. Parce que là-bas, il n'y a pas de vétérinaire. C'est des expériences très fortes. Les animaux font partie de la famille.

  • Speaker #0

    Ce constat est d'autant plus précieux aux yeux de Thierry qu'il peine à trouver et embaucher du personnel qualifié pour sa ferme.

  • Speaker #2

    Quand je me suis installé ici, j'avais la volonté de développer une fromagerie. Donc j'ai recherché des personnes qui étaient en capacité. de traire des vaches. C'est la principale contrainte. C'est deux traites par jour, tous les jours de l'année. Par rapport à Pôle emploi, je n'ai pas eu de réponse. J'ai eu deux visites, mais des personnes qui n'avaient pas de compétences. On n'est pas dans une région laitière. Donc déjà, c'est un handicap pour trouver de la main-d'œuvre qualifiée. Ici, même des enfants d'agri. n'ont pas ces connaissances de la vache laitière. On est dans une région où il y a eu beaucoup d'automatisation et de mécanisation. Donc on peut trouver des chauffeurs, mais des gens qui sont en capacité d'approcher les animaux, de les contentionner, de les guider. Il n'y a plus beaucoup de personnes qui savent faire ça. Et puis on est dans une région où l'agriculture a été fortement délaissée. Il n'y a quand même pas beaucoup d'habitants en Creuse. Mansour, je ne l'ai pas choisi. C'est lui qui est venu et c'est le seul qui est venu.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, je vois aussi beaucoup de jeunes qui ne s'intéressent pas trop aux agriculteurs et je ne sais pas pourquoi. Il y a aussi beaucoup de gens avec qui je travaille ensemble dans l'agriculture qui viennent un mois, deux mois après. Ils disent non, c'est dur, ils partent. Pour moi, c'est un bon métier.

  • Speaker #2

    Ma volonté était d'employer une... Personne qui puisse faire le travail et avec qui on puisse avoir des relations humaines, puisqu'on travaille en équipe. On a chacun nos responsabilités, nos fonctions. Il y a une telle diversité sur notre entreprise que j'avais besoin d'une personne qui ait des compétences, mais qui ait aussi une capacité humaine, relationnelle. qui puisse permettre à l'entreprise de bien fonctionner.

  • Speaker #0

    Quand le regard réintégrera le jour, je t'apprendrai le sillon. Toi, tu m'apprendras la main qui le trace. Car sans ta main, je ne saurais quoi faire de la mienne. Car sans nos mains, le sillon ne sera que triste illusion d'un rêve déjà éteint. Salah ou Dahar, les galets de l'oubli. Mansour, débouté de sa demande d'asile puis de son recours auprès de la CNDA, Cour nationale du droit d'asile, dépose en 2022 une demande de titre de séjour. La préfecture de Guéret rejette sa requête. Un refus assorti d'une OQTF, obligation de quitter le territoire français. Pour tenir bon face à une préfète peu conciliante, Mansour est fortement épaulé par le comité de soutien Creuse Solidarité, mais aussi par les instances locales de la CIMAD, de la Confédération Paysanne. Il lance alors un recours gracieux.

  • Speaker #1

    Il y a beaucoup de gens aussi qui m'ont soutenu ces temps-là. Et la préfète, comme elle a vu, j'ai beaucoup... beaucoup de soutien en close. Elle a dit, OK, là, il n'y a pas de problème. Je te donne une nouvelle chance pour faire une autre demande. J'ai envoyé le parfait message. C'est quoi les nouveaux éléments que tu besoins ? Elle m'a dit, comme contrat CDI avec des bulletins de salaire. Et moi, je n'ai pas de séjour. Je n'ai pas d'autorisation de travail. Si tu me dis, il faut amener un contrat CDI avec des bulletins de salaire, et là, comment je vais faire ?

  • Speaker #3

    C'est la question du serpent qui se met en la queue.

  • Speaker #0

    Magda, elle est M.

  • Speaker #3

    Pourquoi ? Parce qu'on nous demande des fiches de paye alors qu'on n'a aucun droit au travail, qu'on ne peut pas demander une autorisation de travail parce qu'on n'a pas de titre de séjour en cours de validité, et que si l'employeur nous donne des fiches de paye alors qu'on n'a pas le droit de travailler, il prend aussi des risques auprès de l'administration. À cette question-là, il n'y a pas de réponse. Magique. Donc il faut savoir que c'est illégal. En même temps, l'administration vous demande de le faire.

  • Speaker #1

    Et c'est là maintenant que j'ai décidé de discuter avec mes patrons. Je dis, parce que là maintenant moi je peux rester avec vous dans une condition. Vous me faites des contrats et c'est là qu'on a fait 2023 de contrat CDI. Et je travaille et j'ai mes bulletins de salaire, je cotise comme tout le monde, c'est juste que je n'ai pas de papier. J'ai le même salaire, j'ai le même contrat, j'ai mes vacances, j'ai tout. J'ai une grande chance parce qu'avec mes patrons, c'est des patrons qui... qui sont sérieux dans le boulot. Ils ont bien respecté le côté du boulot, même si je n'ai pas de papier. C'est avec mon passeport que je travaille quand même. Je n'ai pas fait de faux papiers pour travailler avec.

  • Speaker #3

    Donc, la question c'est, qui prend la responsabilité ? Alors, l'employeur, il risque plusieurs choses sur plusieurs plans. Dans la majorité des cas, il risque déjà des poursuites au pénal parce que c'est de l'emploi de personnes en situation irrégulière. Ensuite, il risque une amende auprès de l'OFI parce qu'il y a tout un tas de taxes de régularisation qu'il faut payer. Et ensuite, il risque aussi des régularisations URSAF pour régulariser les cotisations qu'il aurait dû payer à l'URSAF sur la base des fiches de paye. C'est une prise de risque qui est quand même importante.

  • Speaker #0

    Les trois risques évoqués ne concernent pas de manière automatique tous les employeurs. Comme vous l'entendrez par la suite, l'employeur de Mansour a tout de suite payé les cotisations sociales dues. Quant à Mansour, quel risque encourait-il à travailler sans autorisation ?

  • Speaker #3

    Le salarié, déjà, le plus gros risque pour lui, c'est d'être arrêté sur son lieu de travail. Parce que ça, ça emporte automatiquement une obligation de quitter le territoire. Et en général, la préfecture, dans la motivation des obligations de quitter le territoire, elle mentionne le fait qu'il travaillait alors qu'il n'avait pas le droit de travailler. Donc, c'est un argument qui se retourne un peu contre lui. C'est un peu utilisé de manière très arbitraire par les préfectures. Parce qu'en fait, ça leur permet de faire planer une menace au-dessus des personnes qui ne veulent que travailler. Parce qu'en fait, ces personnes-là, quand vous leur parlez, elles vous disent « mais en fait, moi je veux… » Je ne veux que pouvoir être régularisée, avoir un contrat et avoir des fiches de paye. Je ne veux rien de plus. Et en fait, ces personnes-là, contrairement à ce qu'on pense et ce qui est dit beaucoup dans les médias, c'est qu'en fait, ces personnes-là, elles n'ont le droit à rien. Quand vous voyez leurs fiches de paye, c'est des fiches de paye normales. Ça veut dire qu'elles cotisent, elles payent des impôts, elles payent l'URSSAF, elles payent la Sécurité sociale, etc. Elles n'en bénéficient pas. Ce ne sont pas des personnes qui sont employées. qui sont employés justement au noir ou qui ne paieraient pas leurs cotisations, bien au contraire.

  • Speaker #0

    Ces risques, Thierry Perron les évalue mais les balaye aussitôt de la main. Il s'estime dans son bon droit. Toutes ses précédentes tentatives pour embaucher légalement Mansour sont restées lettres mortes auprès de la préfecture.

  • Speaker #2

    J'avais fait la démarche de demande d'emploi d'un étranger, le SERFA, je ne sais plus quel numéro. Les services prévectoraux n'ont pas considéré mes demandes, mes démarches. C'est pour ça que je suis monté au créneau, qu'il y a un moment donné que j'en avais ras-le-bol. Parce que toutes les démarches que je faisais en tant qu'entreprise, je n'ai jamais eu de réponse. Il a eu ses fiches de paye tout de suite. Au 1er janvier 2023, j'avais regardé les textes. OK, j'étais attaquable. Ça, je sais bien. Si moi, j'avais eu une réponse négative, j'aurais peut-être agi autrement. C'est là que je dis que l'État s'est mis en défaut. J'avais un besoin de main-d'œuvre. Il y avait une circulaire qui s'était mise à parler des métiers en tension et tout ça. On était plein dedans. Je dis, bon, il est en petit, j'anticipe. On embauche. Le comptable a dit, ah, bah oui, mais s'il n'a pas de... carte de résident, on ne peut pas lui faire des fiches de paye. Je lui dis à ce moment-là, soit je demande à un de vos collègues, soit je l'ai fait moi. Depuis 2023, on paye les charges à la MSA, voilà.

  • Speaker #0

    La MSA, c'est la Sécurité sociale agricole, mais aussi l'organisme qui perçoit les cotisations sociales, l'équivalent de l'URSSAF.

  • Speaker #2

    Ils n'avaient aucun droit d'accès aux maladies ou quoi que ce soit. Mais pour les charges, il n'y a pas de problème. Ils ont bien pris.

  • Speaker #0

    Le 3 avril 2025, plus d'un an après le dépôt du dossier, le coup prétombe. Malgré les nouveaux éléments, Mansour n'obtient de l'administration qu'une assignation à résidence, avec la menace d'une expulsion du territoire français. Il a alors l'obligation de se présenter tous les jours au service de gendarmerie. Il se sent traité de manière indigne et injustifiée, et clame alors que son seul crime est d'avoir travaillé.

  • Speaker #1

    Je veux qu'il y ait quelque chose que je n'ai jamais connu dans ma vie. Aller signer aux gendarmeries, aller comme ça, c'est comme un délinquant. Et ça, je n'ai jamais connu ça. Je n'ai pas agressé quelqu'un, je n'ai pas fait rien de mal. Ça reste tout le temps dans ma tête. Ça m'a fait tellement, tellement mal. Doir se danser. commune où tu habites quoi, tu ne dois pas sortir de la commune, c'est comme prison. Au début oui ça a été tous les matins et après j'ai appelé la préfecture, j'ai dit moi je ne peux pas faire tous les matins parce que je n'ai pas au voité, je ne peux pas encore tout le temps demander les gens pour m'amener. Et après c'est là qu'ils ont changé, ils ont dit maintenant trois fois par semaine. Après le gendarmerie ils ont dit, ils vont venir à la maison mais voir souvent si je suis là-bas ou non, c'est pas grave. Si tu ne respectes pas les choses comme ça, même le jour où tu vas au tribunal, la perfection peut appuyer sur ça. on a donné signe à la résidence Monsier-Sau, il n'a pas respecté parce que, tu vois, tout le temps, il cherche juste un petit truc et ils vont utiliser ça.

  • Speaker #2

    Quand il a reçu son courrier, j'étais persuadé que c'était une réponse positive. Et d'avoir des courriers comme ça, qui n'expliquent rien, en plus, quand il n'y a pas d'explication et qu'on sent un tel irrespect, on se sent vraiment bafoué, quoi. J'ai l'impression que certaines administrations et certains politiciens font tout pour qu'il y ait de la violence. J'ai toujours milité pour la non-violence. Pour l'instant, je résiste.

  • Speaker #0

    Épuisé et démuni face à la complexité de sa situation, Mansour est prêt à tout abandonner.

  • Speaker #1

    Ça a été très très très compliqué à un moment donné. Ça fait quand même des semaines, des semaines, je ne dors pas. Mais je voulais partir. J'ai dit même si je quittais en France ou je ne sais pas, je partais quand même.

  • Speaker #0

    La veille de son audience au tribunal administratif de Limoges pour tenter de faire annuler son assignation, il prévient le groupe de soutien de sa décision. La réaction ne se fait pas attendre plus de quelques minutes.

  • Speaker #1

    J'ai vu maximum 20 voitures à la maison. Tout le monde venait et me dit non, non, tu ne pars pas, il faut rester. C'est des gens qui habitent dans le village, à côté. Ça aussi, ça m'a fait plaisir quand même, pour avoir beaucoup de gens qui te soutiennent comme ça. Franchement, c'est quelque chose qui est important pour moi. Aujourd'hui, si tu vois en close, je suis connu là-bas. Il y a beaucoup de gens qui me soutiennent parce que tout le monde me connaît.

  • Speaker #2

    C'est là que j'ai dit à Mansour, surtout, surtout, surtout, il ne faut pas lâcher. Maintenant, c'est eux qui sont en défaut. Il y a un moment donné, de toute façon, ils seront obligés de plier.

  • Speaker #0

    Une pétition avec plus de 2600 signatures circule. Mansour s'accroche. Selon son avocate, ce nouveau refus n'est pas légal. Le jeune ouvrier agricole répond parfaitement aux critères des métiers en tension. Mais arrêtons-nous un instant sur cette notion de métier en tension dont on a déjà parlé. Qu'implique-t-elle exactement ?

  • Speaker #3

    C'est une liste qui est en fait créée par les ministères, et notamment le ministère de l'Intérieur et le ministère du Travail, pour définir en fait quels domaines sont les plus en tension sur le territoire français. Et en tension, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est des domaines où il y a des grosses difficultés de recrutement. En fait, les organismes professionnels proposent des domaines en tension. qui sont ensuite prises en compte par les ministères. C'est en partie pour ça que ça a pris autant de temps. On a attendu quatre ans pour avoir une nouvelle liste. Quand on exerce dans un métier qui est considéré comme attention, il faut d'abord regarder le code et ensuite regarder la région. Il y a des références particulières sur les catégories de métiers. Il y a des codes sur lesquels il faut faire très attention parce que ce n'est pas parce qu'on est, par exemple, pâtissier dans une boulangerie qu'on peut être catégorisé comme un comité de cuisine, par exemple. C'est des catégories qui sont en fait très très précises, donc ils font vraiment bien les étudier, et ensuite par région, parce que tous les métiers listés ne sont pas présents dans toutes les régions. Et si le métier n'apparaît pas dans la région dans laquelle on travaille, on ne peut pas demander la régularisation par les métiers en tension. Le discours politique va dans le sens d'une régularisation. uniquement des personnes qui travaillent. À mon sens, il n'existera plus que celle-là si on continue comme ça. La régularisation par la vie privée et familiale qui existait auparavant sous la circulaire VALS tend à se réduire drastiquement. Par exemple, un conjoint d'étrangers en situation régulière sur le territoire français pouvait demander une régularisation. Un parent d'enfants scolarisés pouvait demander une régularisation, etc. Aujourd'hui, c'est de plus en plus compliqué. L'impact des métiers en tension sur le droit des étrangers existe aussi depuis très longtemps. Mais là, récemment, et notamment avec les réformes, la loi immigration d'Armalin et les différentes circulaires de Retailleau, ont permis d'utiliser cette notion de manière plus large. Et c'est pour ça qu'on se base sur cette liste, pour ensuite déposer des dossiers de demande de régularisation devant la préfecture. Ça facilite l'accès à l'emploi. pour les personnes qui sont en situation irrégulière, donc sans papier, parce qu'en fait, ça leur permet de faire des demandes de titre de séjour plus rapidement qu'une demande d'admission exceptionnelle ou séjour normal qui prend, elle, plusieurs années. Là, en fait, avec les nouvelles procédures préfectures, on se rend compte que ça prend quelques mois quand on répond vraiment aux critères. Donc ça, c'est vraiment l'un des seuls points positifs de... toutes les réformes qui sont arrivées depuis un an. Pour les autres, malheureusement, ça n'a rien changé, voire ça a complexifié. Parce que comme les médias en tension sont vraiment mis en valeur auprès des préfectures, les autres demandes de titres sont un peu laissées de côté. Quand on n'a pas de titre de séjour, on doit passer par l'admission exceptionnelle au séjour. Le problème qui se pose dans cette procédure, c'est qu'on nous demande aujourd'hui... d'avoir 7 ans de présence ainsi que des bulletins de paye. Avant, c'était 5 ans avec 24 fiches de paye. Aujourd'hui, les années de présence ont été rallongées si on n'est pas dans un métier en tension. Et si on est dans un métier en tension aujourd'hui, c'est 3 ans de présence sur le territoire français avec 12 fiches de paye. Donc, on ne peut pas déposer quand on vient d'arriver en France, dans tous les cas. Le titre métier en tension n'est prévu que jusqu'à la fin 2026 et on ne sait pas trop ce qu'il va devenir après. L'option de, par exemple, arrêter les titres métiers en tension est ouverte. Et du coup, qu'est-ce qu'il adviendra de toutes les personnes qui ont eu des titres métiers en tension entre-temps ? Est-ce qu'ils pourront changer de statut ? Est-ce qu'ils pourront passer sur un titre salarié ? Est-ce qu'on leur modifiera des obligations de quitter le territoire ? Le futur est assez vague là-dessus.

  • Speaker #0

    Grâce à la levée de son OQTF, et de son assignation à résidence par le tribunal administratif le 20 avril 2025, la préfecture examine son dossier un mois plus tard et lui consente une reconnaissance légale sur le territoire français. Avec un premier titre de séjour de un an, tout semble possible aujourd'hui à Mansour.

  • Speaker #1

    Ça me donne le droit de faire tout aujourd'hui parce qu'aujourd'hui, j'ai mon récipice. Et nous tous, aujourd'hui, on est tranquilles. Moi, avec mes patrons, on n'est plus dans les rixes. Il n'y a pas besoin de me cacher ici. Je peux avoir aussi mes assurances.

  • Speaker #0

    passer mon permis et ça va changer ma vie.

  • Speaker #1

    Une fois qu'on détient un titre de séjour, après on peut exercer nos droits à tous les organismes publics et notamment le chômage, la sécurité sociale, les APL, etc. Mais pour ça, il faut un titre de séjour valide, contrairement à ce que beaucoup disent.

  • Speaker #0

    Moi, je travaille un an et après je reste avec mon patron. année prochaine, si j'ai de nouvelles, ils vont me donner 4 ans. Après, 10 ans, c'est comme ça, ça marche.

  • Speaker #1

    La procédure, c'est en fait le renouvellement du titre salarié sur la base du contrat de travail. Une fois, deux fois, ensuite, on lui attribuera une carte pluriannuelle, sous condition d'avoir un niveau de français qui remplit les conditions aussi quand même, puis éventuellement une carte de résident.

  • Speaker #2

    Pour moi aujourd'hui, Mansour s'est devenu comme un frère. Il a l'air épanoui et heureux ici. Moi j'ai 61 ans, j'approche de la retraite. Lui, il en a 30 et donc il parle d'avenir. Quand on parle de la ferme, quand on parle de projet, on échange comme des frères, oui. Son avenir lui appartient et ça j'en suis bien heureux. C'est lui qui décidera de ce qu'il veut faire et où il veut le faire.

  • Speaker #0

    Un jour quand même, j'aimerais bien faire ça, avoir ma ferme et je crois que c'est possible pour moi. Même si il n'y a pas beaucoup de vaches, un peu, c'est possible pour moi.

  • Speaker #3

    Avec son sésame en poche, c'est aussi le passage des frontières qui se réouvre à Mansour. Il lui est enfin possible de revoir sa famille.

  • Speaker #0

    Je peux voyager. Et là, je pense que ça va être cette année, je vais aller peut-être voir ma mère. Moi, décembre ou novembre. Depuis 2018, je n'ai pas vu ma mère. J'arrive en France, 2021, et je fais tout pour que ma mère quitte au Sénégal. Au début, ça a été très, très dur parce que ma mère ne voulait pas partir, abandonner sa maison et tout ça. Et quand même, j'ai dit non, il faut que tu partes parce que si tu ne pars pas, et moi... C'est très compliqué pour moi parce que je n'arrive pas à dormir et tout le temps je pense à vous. Je l'ai aidé au début pour avoir un appartement et pour habiter dedans, pour demander d'asile là-bas. Même pas deux mois, ils ont eu un statut de réfugié. Après, ils ont donné la maison et tout ça. Et maintenant, ils sont tranquilles là-bas. Elle est avec ma petite soeur. Mes animaux sont en Sénégal. Il y a mon père qui est avec des animaux maintenant. Tout le monde... Ça va, quoi. C'est fini, le problème. On a quitté au Mauritanie et maintenant, ça va. Là, moi, mon idée, maintenant, de temps en temps, je pars là-bas, je vois mes animaux dans les médias et comme ça, et je vois les gens qui font des commentaires, qui disent, nous, on ne vote pas à gauche, on vote à, je ne sais pas, à l'open, comme ça. Bah, quand même, avec ton histoire, même nous, on n'a pas d'accord. C'est les gens aussi qui disent, aujourd'hui Mansour, lui, il travaille, il n'a pas un voler. Vous partez déranger quelqu'un qui travaille, qui ne fait rien, qui juste fait son boulot après chez lui. Il est où le problème ? Même les gens y arrivent à comprendre quand même.

  • Speaker #3

    Reportage dans Le Monde et Mediapart, au journal Télé. Tous les combats de régularisation ne connaissent pas la campagne médiatique dont a bénéficié Mansour. Un tel regard unanime n'est pas donné à tout le monde. Conscient de cela... Mansour n'oublie pas ses camarades d'infortune.

  • Speaker #0

    Il y a centaines de personnes qui sont dans le même situation que moi, qui n'ont pas beaucoup de gens pour les aider comme moi. Si toi, tu ne vis pas ça, tu n'arrives pas à savoir, c'est compliqué. Il y a des gens qui disent qu'ils sont venus ici, qu'ils ont cherché l'argent et tout ça. Non, il y a beaucoup de gens qui furent chaisés, qui ont plein de problèmes. Ils vont continuer à battre et ils vont continuer à être sérieux, travailler et respecter tout le monde et ça, c'est important.

  • Speaker #3

    D'autres salariés agricoles étrangers ont moins de chance que Mansour et se retrouvent corvéables à merci par des employeurs et employeuses moins honnêtes. des maltraitants se qualifiaient d'esclavage moderne. Vous venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mansour qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

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