- Speaker #0
On parle souvent du micromanagement, l'absence de reconnaissance ou encore le favoritisme comme des sources majeures de mal-être au travail.
- Speaker #1
On a un souci, deux membres de ton équipe sont en arrêt et t'accusent de harcèlement moral. Sa réaction, la voilà. Lac lac, je me suis effondrée, je me sentais nulle, je voulais absolument comprendre qui, pourquoi.
- Speaker #0
Est-ce qu'on est prédestiné à être toxique en management ou on le devient ?
- Speaker #1
On a aussi l'absence d'empathie. Ne pas considérer... l'aspect humain et émotionnel de son collaborateur. Ce ne sont pas des machines. On ne manage pas un projet et un être humain de la même façon. Malheureusement, ces effets ne se limitent pas à la sphère professionnelle. Ils impactent directement la vie privée des collaborateurs.
- Speaker #0
Joborama.
- Speaker #1
Votre panorama sur l'emploi !
- Speaker #0
C'est le quatrième épisode de votre podcast Joborama. Je suis Jonathan Gozin, recruteur indépendant, expert RH et chroniqueur média spécialisé en emploi. Vous le savez maintenant, ce podcast est votre guide dédié pour donner un coup de boost à votre carrière. Alors que vous soyez étudiant en quête de votre première opportunité, salarié cherchant à évoluer, entrepreneur, recruteur ou simplement curieux de découvrir les dessous du monde du travail, Joborama est toujours fait pour vous. Aujourd'hui, nous allons nous attaquer à un thème important, pour ne pas dire capital, dans le milieu de l'emploi et du travail, celui du management. Mais pas n'importe quel management. Nous allons parler du monstre management toxique. Vous avez peur ? Moi aussi. D'où l'idée de bien décortiquer ce sujet ensemble pour dédramatiser un peu tout ça, démêler le vrai du faux et surtout vous donner les clés pour repérer les signes de toxicité, mieux les comprendre et agir efficacement. A noter que ce sujet étant très dense, il fera l'objet d'un autre épisode de Joborama. Immersion en douceur garantie sans stress et tabou dans le premier épisode consacré au management toxique. Manager, c'est compliqué. C'est une vraie compétence qui s'acquiert ou qui s'apprend, mais le management ne doit surtout pas être une récompense ou une évolution. car sans formation, des effets néfastes peuvent apparaître. Le management toxique ne se limite pas à des crises de colère ou des comportements oppressifs, il s'infiltre insidieusement, affectant la culture d'une entreprise et le bien-être des employés. Mais comment le reconnaître et surtout, comment réagir ? On va tenter de répondre à tout ça en 30 minutes avec notre invité et nous allons un petit peu lever le voile sur cette réalité parfois taboue. Bonjour Anne-Laure, merci d'être avec nous et ravi de t'accueillir dans ce podcast.
- Speaker #1
Bonjour Jonathan.
- Speaker #0
Alors, est-ce que tu peux te présenter rapidement pour nos auditeurs et nous parler un petit peu de ton métier au quotidien ?
- Speaker #1
Tout à fait. Alors, moi j'ai passé une première partie de carrière dans le monde de l'entreprise en tant que manager. Alors, être manager a été pour moi une véritable source d'épanouissement professionnel. C'est pourtant un métier vraiment exigeant et difficile car il implique la gestion de l'humain dans toute sa complexité. Et j'ai pu me rendre compte qu'un manager, ça peut faire le bien, mais ça peut aussi commettre certaines erreurs lourdes de conséquences. Et dans notre monde qui évolue très vite, aujourd'hui, on sait qu'un salarié sur deux ne quitte pas son emploi, il quitte son manager. On sait que le talent, il est volatile et que le défi des entreprises, c'est de fidéliser les collaborateurs. Et le style de management, il fait partie intégrante des facteurs qui poussent les collaborateurs à partir ou bien à rester. Et donc, c'est en suivant cette logique que j'ai fondé mon entreprise il y a deux ans, où j'accompagne les managers et les dirigeants d'entreprises à travailler leur posture managériale et plus précisément sur la partie des savoir-être. Ça passe par des formations, du coaching sur des thématiques comme le leadership, les dynamiques relationnelles, l'intelligence collective ou encore la prévention du conflit. Et ma mission, c'est d'accompagner les entreprises à prendre, à replacer, je dirais, l'humain au cœur des priorités en donnant du sens pour atteindre une performance à la fois collective, mais aussi durable. À noter que j'oeuvre pas seule sur cette mission. L'union fait la force. Et donc, je suis accompagnée d'Eugénie, mon associée, avec qui j'ai fondé "Manager différemment". Et nous sommes complémentaires parce que l'expertise d'Eugénie, elle est plutôt basée sur les compétences RH et moi sur les compétences managériales, ce qui nous permet de répondre à plusieurs enjeux.
- Speaker #0
Alors merci pour cette présentation complète. Aujourd'hui, si tu veux bien, l'idée, c'est qu'on se concentre vraiment sur le sujet du management toxique. Vous êtes nombreux à être concernés par ce sujet. On a tous été touchés de près ou de loin par ce phénomène. Donc, pour nous éclairer un petit peu, j'ai forcément envie de commencer de te poser une question. Qu'est-ce que le management toxique et d'où ça vient un petit peu cette psychose ambiante en ce moment sur le sujet ?
- Speaker #1
Alors déjà, merci pour cette question parce que ça va nous accompagner tout au long de ce podcast. Et en effet, c'est important de mettre la lumière sur ce phénomène qui prend de l'ampleur. Alors tu parles de psycho, je ne sais pas s'il faut aller jusque là. Cependant, on parle de management toxique à tout va. Et ce qui conduit à un autre phénomène qui en découle, c'est celui du manager bashing, qui prend de plus en plus de passes sur les réseaux sociaux. Alors on va essayer de prendre de la hauteur, du recul sur ce phénomène pour tenter de comprendre de quoi il s'agit. Alors concrètement, c'est quoi le management toxique ? Ben oui. Alors c'est un manager ou bien une culture d'entreprise qui, par ses comportements, agissements, va procurer un état de mal-être individuel ou collectif au travail. Ce management toxique, il peut être intentionnel malheureusement, l'infime partie des cas, et dans l'immense majorité, c'est des cas non intentionnels. Et ce qui va vraiment faire la différence aussi, c'est la notion de durée. Ça c'est très très important, parce que c'est la répétition qui fait qu'une situation devient toxique. C'est vraiment cet effet de répétition, il faut que ça se produise quasiment tous les jours, toutes les semaines, tout au long de l'année. Je voudrais quand même rappeler ici que le métier de manager, c'est un métier difficile, exigeant, qui est souvent soumis aussi à des pressions qui viennent de plus haut de la part des directions. Et que se positionner, s'affirmer en tant que manager, ce n'est pas si simple. D'ailleurs, c'est même un métier qui attire de moins en moins. Aujourd'hui, on assiste même à une vague de personnes qui managent et qui ne veulent plus manager.
- Speaker #0
Plus en plus de difficultés à retruiter des managers, effectivement. Merci pour ces bases. Maintenant qu'elles sont posées, moi je te propose qu'on... On creuse un petit peu justement le sujet. On va rentrer un petit peu plus dans le détail pour comprendre ce management toxique. Selon une étude du Harvard Business Review que j'aime bien citer dans ce podcast, 76% des salariés estiment que la culture de leur entreprise influence directement leur bien-être au travail, en bien ou en mal d'ailleurs. Lorsqu'une culture organisationnelle devient toxique, Les répercussions peuvent être vraiment dévastatrices, allant de la simple démotivation jusqu'à la fuite massive des talents. Cela montre à quel point la culture d'entreprise et la façon de manager sont vraiment indissociables du bien-être des collaborateurs. Anne-Laure, à ton avis, quelles sont un petit peu les racines au fond du management toxique au sein des entreprises ?
- Speaker #1
Alors ces racines toxiques, elles peuvent être variées. Tu parles à juste titre de la culture d'entreprise. évidemment qu'elle joue un rôle fondamental car c'est elle qui va porter les valeurs, les missions, le style de leadership et les pratiques organisationnelles de l'entreprise. Donc une culture d'entreprise qui est absente ou dégradée c'est évidemment le terreau idéal d'un management toxique. Pour nos auditeurs, une question à se poser avant de postuler, c'est vraiment d'aller regarder quelles sont les valeurs portées par l'entreprise, quel sens et quelle mission elle a cette entreprise et comment elle les incarne, ses valeurs au quotidien. Est-ce qu'elle est congruente, c'est à dire est-ce qu'il y a un alignement entre ce qu'elle prône et ce qu'elle ne prône pas et ce qu'elle fait, entre guillemets. Et est-ce que ces valeurs, elles résonnent particulièrement pour moi ? Est-ce que je suis alignée, moi, avec tout ça ? Ou au contraire, est-ce que je suis en contradiction ?
- Speaker #0
D'accord, mais du coup, est-ce que ça découle toujours de cette culture d'entreprise qui est justement dégradée ? Ou il y a d'autres facteurs, tels que la pression des résultats ou l'absence de formation, qui peuvent jouer aussi un rôle ?
- Speaker #1
C'est évident, tu parles de pression sur le résultat. Et surtout, moi, je dirais le stress que ça engendre. Les pressions excessives pour atteindre des objectifs élevés, c'est un autre facteur important. Certains environnements, notamment hautement compétitifs et soumis au stress, certains managers peuvent avoir recours à un leadership autoritaire et à des comportements toxiques pour maintenir une productivité constante. On imagine bien facilement le style d'un management d'une salle de marché, par exemple remplie de traders. Elle est vraiment différente de celui qui travaille dans une enseigne d'ameublement, par exemple. Les entreprises où l'accent est uniquement mis sur la performance sans prendre en compte les conditions de bien-être des employés sont particulièrement à risque. Tu évoquais aussi l'absence de formation managériale. Évidemment, ça, ça joue aussi beaucoup. Quand on est jeune manager et qu'on est propulsé dans ce nouveau rôle, sans formation, il y a de grandes chances que ça conduise à des comportements toxiques involontaires. Il y a une phrase que j'aime bien qui dit on ne naît pas manager, on le devient Oui, tout à fait. Manager, c'est gérer de l'humain. C'est gérer de l'humain, ça nécessite d'avoir un minimum de bagage pour que ça fonctionne. Et un autre effet racine que tu n'as pas abordé aussi, ce serait l'influence des traits de personnalité. Tu peux avoir une super culture d'entreprise où les gens se sentent bien, où la pression du résultat est bien gérée, où les managers sont bien formés, mais il peut y avoir ce qu'on peut appeler aussi une incompatibilité managériale. Un manager peut être perçu comme toxique pour un collaborateur. Ce même manager peut avoir une bonne relation avec un autre. On va rester quand même prudent avant de qualifier son manager de toxique, car il y a de fortes chances qu'il soit juste maladroit sans qu'il s'en rende compte.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Justement, pour aller plus loin, on sait... Aujourd'hui que le management toxique ne se limite pas justement à une question de structure ou de culture, il se manifeste aussi à travers des comportements bien spécifiques. Les employés identifient souvent des comportements toxiques, on parle souvent du micromanagement, l'absence de reconnaissance ou encore le favoritisme, comme des sources majeures de mal-être au travail. Pour aider notre audience à reconnaître ces signes, est-ce que tu pourrais nous expliquer ? Quels comportements précis sont typiquement associés à un management toxique ? Donc finalement, est-ce qu'il y a des indices qui devraient alerter les collaborateurs au quotidien ?
- Speaker #1
Tu connais certainement le film Le diable s'habille en Prada Oui,
- Speaker #0
tout à fait.
- Speaker #1
Bon, je crois que là, on a l'archétype Miranda qui est interprétée par la fabuleuse Meryl Streep. Elle, c'est un vrai manager toxique. On voit qu'elle est antipathique, manipulatrice, humiliante, abaissante, non reconnaissante et elle instaure un climat de peur, voire de terreur. Ça, c'est de la fiction, évidemment. En revanche, je ne dis pas que ce type de comportement, bien qu'extrêmement rare, ça peut exister. Ce n'est pas non plus à trop en rire, parce que ça peut exister. Et si c'est le cas, surtout fuyez, car c'est clairement pas acceptable, et c'est même puni par la loi. Dans la vraie vie, ce qui doit vous alerter, c'est le manager contrôlant, celui dont tu parlais, celui qui ne fait pas confiance. Donc on appelle ça le micro-management, et mine de rien, c'est assez fréquent. C'est le manager qui délègue peu, tout doit passer par lui. Donc c'est évidemment... pesant pour les équipes, mais c'est aussi un comportement qui peut générer de l'anxiété, de la frustration et surtout un fort désengagement. On a aussi l'absence d'empathie. Ne pas considérer l'aspect humain et émotionnel de son collaborateur. On n'est pas des machines, on ne manage pas un projet et un être humain de la même façon. Un manager doit être un minimum doté d'intelligence relationnelle et d'émotionnelle pour faire ce métier. Il y a aussi l'absence d'écoute. Il y a l'ignorance des propositions, c'est-à-dire que vous n'avez pas voix au chapitre, vous n'êtes bon qu'à appliquer des directives. Si vous avez la boule au ventre, que vous rentrez chez vous en pleurs à chaque point que vous faites avec votre manager, il y a un problème. L'humiliation, on va en parler aussi. Ça, c'est le manager qui se permet des commentaires dégradants qui portent directement sur votre personne et non sur une situation. Du style, t'es nul ou crois vraiment rien, t'es une vraie plaide de travailler avec toi. Déjà, ça, c'est absolument pas normal. Tout ça, ça conduit à une diminution de confiance en soi terrible, épouvant. même engendrer une perte d'estime de soi et là c'est beaucoup plus grave. Et un dernier point que je voulais aussi évoquer, c'est quand le droit à la déconnexion n'est pas respecté. C'est un vrai fléau. Le manager considérant que lui-même n'a pas d'horaire, les mails, les SMS envoyés à 22h, à 4h du matin et dont les réponses sont exigées avant telle heure, je stipule bien hors cadre exceptionnel d'astreinte qui nécessiterait une disposition telle, bien sûr, mais en tout cas tout ce qui est coup de téléphone tardif sans prendre en compte les situations personnel des collaborateurs. Croire qu'il est à sa disposition et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, week-end compris, c'est du management toxique.
- Speaker #0
Oui, alors effectivement, nos auditeurs fidèles de Joborama se rendent compte que c'est un sujet qu'on a déjà abordé dans le thème de la flexibilité, ce fameux droit à la déconnexion qui, quand il n'est pas appliqué, peut amener à des conséquences assez dramatiques. Alors, au-delà des comportements, certains secteurs d'activité semblent être particulièrement touchés par cette problématique. J'ai lu récemment que justement les secteurs les plus touchés par ce phénomène seraient la finance, la santé, où la pression est souvent forte et le climat parfois tendu. Est-ce qu'il y a selon toi des contextes où secteurs d'activité sont plus vulnérables à l'émergence d'un management toxique ?
- Speaker #1
Les secteurs comme celui de la santé ou de la finance que tu viens de citer sont en effet statistiquement les plus touchés. Ils sont soumis à des fortes pressions de performance et de résultats. Les journées de travail sont très longues, les erreurs peuvent entraîner des conséquences extrêmement graves. Si on prend la crise Covid qu'on a traversée en 2020, l'urgence c'était de soigner des gens, pas de faire dans la dentelle. Il a fallu s'adapter très rapidement, dans un minimum de temps. Et évidemment, ces conséquences de changement ultra rapide ont conduit les équipes médicales complètement à l'épuisement. Et nombreux sont d'ailleurs malheureusement quittés leurs fonctions depuis tellement les conditions de travail étaient dégradées. Sur un même registre, si on parle de contexte d'urgence, les décisions qui doivent être rapides, c'est l'instinct qui se met aux commandes. L'environnement de travail, tous ne sont pas identiques, et là où certains leaderships sont totalement à bannir, ils peuvent s'avérer utiles dans certains cas. En tout cas, on ne peut pas décorréler le management à la notion de pouvoir. En tant que dirigeant ou manager, il y a un pouvoir, il est hiérarchique. Abuser de ce pouvoir, c'est un signe de management toxique. On peut vite rentrer dans ce qu'on appelle des jeux psychologiques, où il va y avoir la notion de victime, du bourreau ou encore du sauveur. Et la meilleure façon de ne pas entrer dans ces schémas-là, c'est que chacun soit responsable. Et un autre secteur d'activité qui peut être vulnérable aussi aux pratiques de management toxique, c'est les startups. On a connu récemment la vague, je ne sais pas si tu en as entendu parler Jonathan, de Balance ta startup. Oui,
- Speaker #0
tout à fait.
- Speaker #1
Et on a pu voir des entreprises qui d'un point de vue extérieur font rêver, entretiennent une belle image par les produits.
- Speaker #0
C'est beaucoup de la communication finalement.
- Speaker #1
Exactement, mais qui s'avère être un vrai cauchemar pour les personnes qui travaillent. Pourquoi ? Parce que ces startups, elles ont pour certaines une croissance tellement rapide qu'elles n'ont pas le temps de se structurer. de se staffer comme il le faut, et de s'entourer de services compétents comme les RH, le juridique ou du management solide. Et les collaborateurs sont peu encadrés, la demande en face est forte, les enjeux sont colossaux parce que la structure reste encore fragile. Tout ça, ça favorise un environnement de travail souvent surchargé qui se répercute sur les collaborateurs et qui vont avoir pour conséquence de l'épuisement pour tout le monde, y compris pour le dirigeant.
- Speaker #0
Ce que tu dis là, c'est intéressant et ça m'amène forcément à une question. Est-ce qu'il existe des profils type de managers qui sont plus enclins à adopter ce style de gestion dont tu parles ? Dit autrement, est-ce qu'on est prédestiné à être toxique en management ou on le devient ?
- Speaker #1
Je ne crois pas qu'on soit prédestiné à être toxique. En revanche, certains traits de personnalité peuvent engendrer des comportements toxiques. Les personnes à force tendance colérique, par exemple, ou bien trop introverties, ce n'est pas toujours bien vécu de la part des équipes. Mais avant d'aborder ça, je voulais te parler de ce qu'on appelle aussi les schémas de reproduction. C'est assez fréquent. C'est le fait d'avoir connu ce style de management qui fait que quand on passe à ce type de fonction, on va agir de la même façon, car soit la seule chose qu'on a connue, soit c'est l'exemple qui nous a été donné. Et j'avais envie de te partager à nos auditeurs l'histoire de cette femme, Anna, manager de 39 ans, qui témoigne dans un article qui s'intitule Anna. manager toxique en rédemption. Elle raconte qu'un jour, elle est contactée par l'IDRH de sa boîte, qui lui dit On a un souci, deux membres de ton équipe sont en arrêt et t'accusent de harcèlement moral. Sa réaction, la voilà. Lac lac, je me suis effondrée, je me sentais nulle, je voulais absolument comprendre qui, pourquoi. Je savais que j'étais exigeante, intransigeante et assez ferme, mais de là à incarner la manager toxique et d'être la cause du stress et de l'angoisse de mon équipe. Elle ajoute Je n'ai fait que reproduire tout ce que j'avais connu jusqu'à présent, tout ce que je détestais dans la culture d'entreprise, désormais je l'incarnais. De harceler, je devenais à mon tour harceleuse. Dans cette histoire, on voit qu'elle est devenue toxique simplement parce qu'elle a reproduit ce qui se pratiquait sur elle. Et tu me demandais juste avant s'il y avait des profils de managers prédestinés. Je dirais plutôt que tout le monde n'est pas fait pour le management. C'est là que les personnalités entrent en jeu. Un manager... C'est un leader inspirant. Il doit détenir certaines qualités, je dirais, de manière presque innée pour pouvoir exercer ce métier. Selon toi, ce serait quoi la première ?
- Speaker #0
Est-ce que ce ne serait pas la communication en premier ? Moi, j'y vois le lien fidèle et régulier avec ses équipes. Oui.
- Speaker #1
En fait, la première, c'est tout simplement d'aimer la relation et d'aimer l'humain. Quelqu'un qui n'aime pas la relation et qui aime bien être terré dans son bureau et sans voir personne et qui n'aime pas les gens, déjà, il n'a rien à faire à ce poste. Avoir le sens de l'écoute, rester humble et accessible, être en capacité de fédérer. Motiver et surtout de savoir guider une somme d'individus Tous différents vers un objectif commun On a tous eu affaire à un manager Dont on se souvient je pense Jonathan Ça c'est sûr Un qui nous a particulièrement marqué
- Speaker #0
En bien ou en mal d'ailleurs
- Speaker #1
Et pourquoi souvent on s'en souvient Comme quelqu'un de super Parce qu'il avait justement toutes ses qualités
- Speaker #0
Alors je trouve ça intéressant Cette question du fait que Parfois ce qui justement complique Cette situation et on l'a vu avec l'exemple D'un acte du Cité c'est que les managers eux-mêmes ne se rendent pas compte du mal qu'ils causent. Ils ne sont pas conscients des effets négatifs de leur action et certains comportements qu'ils jugent comme normaux au quotidien peuvent être perçus comme toxiques par leurs collaborateurs. Et avant de poursuivre, je tiens à m'adresser à tous les managers qui nous écoutent. Parler de management toxique n'est pas une attaque envers votre rôle ni un exercice de stigmatisation. Le but de cet épisode, en tout cas c'est comme ça qu'on l'a pensé avec Anne-Laure, n'est pas de pointer du doigt mais de mieux comprendre un phénomène qui peut toucher n'importe quelle organisation et par extension, n'importe quel manager, parfois de manière totalement inconsciente. Donc c'est important de rappeler que la majorité des managers, et ça on est tous d'accord, agissent avec les meilleures intentions et qu'ils font face à des défis quotidiens, complexes, pression sur les résultats, objectifs multiples à atteindre, gestion des équipes aux attentes variées. Et parfois, bien oui, ce contexte peut amener à des comportements ou des situations perçu comme toxique, même si ça n'était pas le but initial. L'essentiel, c'est d'avancer ensemble, on vient de parler du côté humain du management, vers un management plus sain, basé sur l'écoute, la remise en question et l'amélioration continue. Et justement, ce que nous explorons aujourd'hui, c'est comment repérer certains schémas, en comprendre les causes et surtout, comment transformer le tout en opportunité de croissance, tant pour les collaborateurs que pour les managers eux-mêmes, parce qu'après tout, l'objectif... c'est de créer un environnement de travail où tout le monde peut s'épanouir, vous y compris. Donc Anne-Laure, selon toi, comment un manager peut-il ne pas se rendre compte qu'il adopte des comportements toxiques ?
- Speaker #1
Si on pousse la réflexion un peu plus loin, je pense qu'on est sincèrement tous le manager toxique de quelqu'un. Il faut rester très humble par rapport à ça. Et c'est précisément là que se trouve le plus gros du management qu'on qualifie de toxique, peut-être à tort. Il vient du fait que nous fonctionnons d'une certaine manière et que nous croyons que ce qui est normal pour nous, les forcément pour l'autre en face. Je regrette de vous dire que ce n'est véritablement pas le cas. C'est précisément là que je trouve mon métier fascinant, parce que l'humain est tellement riche d'enseignements et de complexités aussi. comprendre les dynamiques relationnelles, c'est juste fabuleux. Donc pour reprendre ta question, chaque personnalité ayant ses excès, il est facile de tomber dedans. Et je vais illustrer mon propos à travers mon expérience personnelle. Aujourd'hui, j'ose dire avec le recul que j'ai été un manager toxique à l'égard de certains de mes collaborateurs, surtout quand j'ai démarré ce métier. Ah,
- Speaker #0
intéressant.
- Speaker #1
Alors ça ne fait pas de moi une mauvaise personne pour autant.
- Speaker #0
Non, je peux le confirmer.
- Speaker #1
J'étais juste pas conscience de ma mécanique intérieure en fait. Et surtout, je fonctionnais sur ce que j'appelle moi le mode pilote automatique. On conduit sa vie à 100 à l'heure, sans prendre le temps d'ouvrir le capot et de regarder comment le moteur fonctionne. Sauf que sans entretien, tu imagines bien, ta bagnole ne dure pas bien longtemps.
- Speaker #0
C'est une belle image, une belle comparaison.
- Speaker #1
Je suis quelqu'un qui va vite, plutôt action-réaction. Face à des tempéraments qui ont besoin de plus de temps, je n'ai pas toujours respecté ce tempo. J'allais davantage à mon rythme, quitte à la longue, à épuiser certains collaborateurs qui n'arrivaient plus à suivre. Et si j'avais eu conscience de ces travers avant, j'aurais pu faire différemment. L'ironie de l'histoire, c'est que j'ai moi-même été managée par le même type de manager que moi, qui a fini par muser à mon tour.
- Speaker #0
C'est intéressant que tu nous partages ton expérience. On peut avoir des travers dont on n'a pas conscience, est-ce que tu as des exemples vraiment concrets que tu as vus ou vécu.
- Speaker #1
Tu l'as évoqué tout à l'heure, tu as le micro-manager. On en a parlé, c'est celui qui ne s'est pas délégué. Si on pousse le trait, ça conduit le collaborateur à ne plus endosser sa propre responsabilité et croire que son manager ne lui fait pas confiance. Tu as le rouleau compresseur aussi, on l'a évoqué dans mon exemple, l'action intensive. Tu as aussi le manager maternant, c'est celui qui fait tout pour ses collaborateurs, il est ultra disponible, tout le temps, sans limite. Là, on va limiter l'autonomie du collaborateur et sa capacité aussi à se développer. Tu as aussi ce qu'on appelle le manager flou, celui qui ne sait pas trancher, celui qui ne sait pas prendre de décisions, qui n'ose pas prendre position de peur de créer du conflit. Alors du coup, c'est l'adepte du on verra, je t'en parle, enfin j'en parle et je reviens vers toi sauf qu'en réalité, il y a… jamais. Et lui, ce qui lui manque, c'est le courage managérial, donc il provoque de la méfiance de ses collaborateurs, parce que ses collaborateurs vont douter de défendre leurs intérêts. Oui,
- Speaker #0
tout à fait.
- Speaker #1
T'as aussi le manager qui est non-communiquant, celui qui fait de la rétention d'informations, qui va impacter aussi la bonne communication et la fluidité de l'information au sein de l'équipe. Et ça, ça crée aussi beaucoup de ragots, de on-dit, et puis t'as le versatile, tantôt hyper sympa et accessible, et tantôt... capable de péter les plombs et de faire exploser sa colère sans filtre. Et ce type de manager, ça va créer de l'insécurité pour ses équipes. On ne sait jamais sur quel pied danser avec ce type de personnalité et les réactions qu'il pourrait avoir.
- Speaker #0
On a bien, en tout cas, je l'espère jusqu'à maintenant, bien identifié les origines, les comportements inhérents au management toxique. Mais il est important de comprendre aussi à quel point il peut y avoir des répercussions qui peuvent être justement profondes sur les collaborateurs. Les conséquences vont au-delà du stress tel qu'on pourrait l'imaginer au premier abord. Les salariés qui travaillent dans un environnement toxique sont d'ailleurs, parait-il, deux fois plus susceptibles de développer des troubles psychologiques et de quitter leur poste. Tu viens de le démontrer dans ton exemple. Et peuvent vite se sentir démotivés, voire physiquement affectés. Alors, dernière question sur ce premier numéro consacré au management. Est-ce qu'il y a des impacts concrets d'un management toxique ? Sur les collaborateurs, que ce soit au niveau professionnel ou personnel, est-ce que tu as des exemples marquants ?
- Speaker #1
Sur le plan personnel et psychologique, un environnement de travail toxique, ça va engendrer de l'anxiété, ça va engendrer du stress chronique, des risques de burn-out, en clair tout ce qui va conduire à la dégradation de la santé mentale et physique des collaborateurs. Malheureusement, ces effets ne se limitent pas à la sphère professionnelle, ils impactent directement la vie privée des collaborateurs et peuvent nuire par effet de bord aux relations familiales. Sur le plan professionnel, ces états... L'anxiété et le stress vont engendrer une baisse de la productivité, mais aussi de la créativité, de la capacité à innover, de la capacité à faire face et à gérer les priorités. Ça produit soit un désengagement très fort, soit des arrêts maladie.
- Speaker #0
Mais le collaborateur, il est en interne d'une entreprise, est-ce qu'il n'y a pas des conséquences aussi sur l'entreprise ?
- Speaker #1
Bien sûr, tout ça a une répercussion énorme, tant en termes financiers, mais aussi en termes d'images renvoyées. Ce sont les fameux coûts cachés qui coûteraient environ 108 milliards d'euros par an. remplacer, recruter, former, ça coûte très cher et ça coûte très cher à tout le monde.
- Speaker #0
Le message est dit, les bases sont largement posées, on espère que vous comprenez un petit peu mieux ce qu'est le management toxique et les conséquences que ça peut avoir. Alors, il y a une rubrique récurrente, Anne-Laure, dans ce podcast, c'est la rubrique où on se parle, franchement, j'aimerais aborder aujourd'hui le sujet avec toi sur ce thème du management toxique, finalement, pourquoi les entreprises ferment-elles les yeux sur cette pratique, alors que des fois, on a parfaitement conscience qu'elles existent ? Donc finalement, il y a certaines entreprises qui préfèrent aujourd'hui minimiser, voire ignorer le problème du management toxique en interne, à ton avis ? Pourquoi les entreprises sont résistantes à ce changement-là, à utiliser les bonnes pratiques ?
- Speaker #1
Alors, elle est délicate, cette question. Parce que clairement, il y a peut-être une forme de déni parfois, de se dire qu'il y a un problème, mais en fait, on ne veut pas le voir, on le met un peu sous le tapis. Disons-le clairement aussi, ça coûte cher. Entreprendre le changement, c'est peut-être stratégiquement pas le bon moment, pas le bon timing pour x, y raisons. Puis, il y a aussi l'image renvoyée, je dirais.
- Speaker #0
C'est intéressant, ce terme d'image.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui va être véhiculé ? Je pense que c'est des éléments de réponse.
- Speaker #0
En tout cas, ce n'est pas facile d'y répondre de but en blanc. finalement, mais en fait l'idée c'est bien qu'il y a d'autres freins un petit peu sous-jacents. Alors on parlait, je trouve intéressant cette question de l'image, c'est-à-dire si ça se sait que dans mon entreprise il y a du management toxique, comment ça va être perçu ? Est-ce que je vais arriver à recruter aussi ? Ça peut engendrer des problèmes en cascade.
- Speaker #1
Oui et puis même tu touches là aussi du doigt, si la toxicité vient de très en haut, on fait quoi ? Oui, effectivement. La remise en question d'un dirigeant toxique, elle n'est pas si simple. Donc encore une fois, tout pendant qu'il n'y a pas de volonté en haut de bouger, on ne peut pas solutionner ça.
- Speaker #0
Là-dessus, je trouve que le coût financier du changement est souvent avancé comme une excuse pour ne pas agir aussi. Pour toi, ça reste un argument légitime au vu des coûts qui sont pratiqués, au vu d'une transformation de l'entreprise qui peut être parfois longue, ou est-ce que c'est quand même un écran de fumée ?
- Speaker #1
Pour moi, c'est un non-sujet. En fait, quand on voit combien coûte ce management toxique et tous ces déraillements systémiques au sein des entreprises, clairement, ça coûte plus cher d'avoir une... du management toxique et des départs en masse et des ruptures conventionnelles et des démissions et des trous dans la raquette que d'agir profondément au cœur du sujet.
- Speaker #0
Le sujet du coup est donc plutôt un non-argument, si j'en… En tout cas, ça… Voilà, c'est pas suffisant. En tout cas,
- Speaker #1
c'est un faux sujet pour moi.
- Speaker #0
On va plutôt… Je pense que c'est plutôt intéressant de parler de la peur du regard extérieur. Reconnaître le problème de management toxique, ça peut aussi nuire à l'image de marque, dont on parle de plus en plus, le sujet de la marque employeur. C'est aussi la crainte… je pense, de perdre la face et du coup de reconnaître aussi finalement qu'on a un rôle majeur. Tu disais, si le problème vient de très haut, de reconnaître qu'on a un rôle majeur dans l'immobilisme de certaines structures, qu'on a atteint un certain plafond de verre et qu'on ne peut pas aller plus loin. C'est ça,
- Speaker #1
je pense qu'il faut aussi se dire qu'il y a certains plafonds de verre, comme tu le nommes si bien, qui fait que c'est le statu quo et ça ne peut pas changer.
- Speaker #0
Alors dans l'épisode, tu parlais de la notion de pouvoir qui était forcément liée à la notion hiérarchique. Il y a un mythe selon lequel reconnaître un problème de management toxique, c'est finalement fragiliser cette autorité, fragiliser cette notion de pouvoir, de la hiérarchie en place. Est-ce que tu penses que ce mythe-là dissuade aussi les dirigeants agiles ? C'est-à-dire que si je reconnais ça sur un manager, il n'aura plus d'autorité, mon équipe va partir en vrille. C'est finalement une crainte de perdre le contrôle, de perdre leur crédibilité.
- Speaker #1
Pour moi, la plus grande force, c'est justement de faire preuve de vulnérabilité. d'oser admettre, d'avoir l'audace d'admettre qu'il y a un truc qui ne fonctionne pas. Et ce n'est pas un vilain mot. On a le droit de se tromper, on a le droit d'avoir eu des pratiques qui, à une époque, fonctionnaient, qui ne fonctionnent plus, et de remettre tout ça en cause. Au contraire, c'est sain. Moi, j'invite justement à aller un peu dépoussiérer, sortir la poussière du tapis et de reconstruire des fondations solides. Celles-ci ont été ébranlées.
- Speaker #0
On parle souvent de discussion, de communication comme étant la... La principale source de résolution des problèmes dans Joborama, on se rend compte qu'il y a beaucoup d'actions qui peuvent être résolues par cet intermédiaire. On peut retourner aussi le problème dans l'autre sens, c'est-à-dire que parfois, on peut aussi, quand on est du côté salarié, avoir vraiment le sentiment de vivre un management toxique, alors qu'on peut s'être fait totalement des idées, que finalement, on s'est fait une montagne de problèmes qui n'existent pas.
- Speaker #1
Exactement, et c'est très important aussi de le souligner, c'est pas ne pas entendre la souffrance qui en découle, c'est juste de replacer les choses. On est dans l'humain.
- Speaker #0
où l'erreur encore une fois peut coûter cher, mais où la volonté première n'est pas de nuire. Les gens arriveront à se comprendre profondément et à mieux communiquer, tout ira beaucoup mieux.
- Speaker #1
Je pense que c'est une belle conclusion. L'entreprise, l'emploi, tout ça c'est de l'humain, c'est la science humaine et sociale. Et forcément on n'a pas toutes les clés pour y répondre, il y a forcément une part d'inconnue. Je pense que la discussion et la communication, comme tu le dis, peuvent vraiment aider les choses. On va s'arrêter là pour ce premier numéro de Joborama consacré au management. Et nous en parlerons dans un deuxième numéro où on va justement s'intéresser un petit peu sur les mesures qui peuvent être prises contre cette toxicité managériale. Comment réagir de manière significative quand on est en face d'un manager toxique. On vous donnera un certain nombre de tips et de solutions pour préserver votre pratique et aussi votre santé, comme on vient de le voir, de par les effets psychologiques que cela peut avoir. Merci Anne-Laure, et puis rendez-vous dans le deuxième épisode.
- Speaker #0
Merci Jonathan.
- Speaker #1
C'est déjà la fin de ce premier épisode de Joborama consacré au management toxique. Désormais, nous avons une meilleure compréhension globale du management toxique, ses origines, ses manifestations, et les premières pistes pour agir. Dans le prochain épisode, consacré également... au management toxique, nous irons plus loin en explorant l'impact du management toxique sur le sujet particulier du recrutement, nous partagerons des témoignages forts de ceux qui l'ont vécu et surtout, nous vous donnerons les meilleures stratégies à adopter lorsque vous êtes victime de management toxique, comment naviguer dans cet environnement sans se brûler les ailes. En bref, au-delà de comment repérer cette toxicité, le sujet sera surtout comment la combattre. En attendant, vous pouvez réécouter les trois premiers numéros sur toutes les plateformes d'écoute. Et n'hésitez pas également à me suivre, Jonathan Ausha, sur les réseaux sociaux pour plus de contenu inspirant. C'était Joborama, votre panorama sur l'emploi.