Speaker #0Vous vous êtes déjà enflammé devant une finale du 100 mètres et les podiums des Jeux vous procurent des frissons. Le sport vous galvanise et les sportifs vous font rêver. Mais derrière les médailles, le chemin vers le jour de gloire est un long parcours semé d'embûches et de challenges. Alors quant à cela s'ajoute le handicap, la route peut s'annoncer encore plus sinueuse. Je m'appelle Milena Suro, je suis sportive de haut niveau en para-badminton. Le but de ce podcast est de vous parler de la vie d'une sportive en quête des Jeux, entre exigence du haut niveau et galère du handicap. afin de mieux comprendre le quotidien de ces sportifs à part et de cerner les enjeux de l'accessibilité. Alors si vous aimez le sport, le développement personnel ou que vous êtes touché de près ou de loin par le handicap, ce podcast est fait pour vous. Bonjour et bienvenue dans l'épisode 14 de mon podcast, journal d'une parabadiste. Alors aujourd'hui, on s'attaque à un gros morceau qui est la classification en parasport. Les Jeux paralympiques ont permis de diffuser du sport. sport à la télé, dans les stades, et beaucoup de gens qui n'étaient pas familiers avec le parasport se sont parfois retrouvés un peu perdus face à ce qu'ils voyaient à l'écran, face aux multiples épreuves dans un même sport, etc. Donc aujourd'hui, on va essayer d'apporter un peu d'éclairage sur tout ça, afin que tout le monde puisse pleinement comprendre d'une part les enjeux de la classification et ensuite comment elle est réalisée. et pourquoi on voit tel ou tel athlète jouer contre tel autre. Ça va être un épisode en deux parties, parce qu'il y a vraiment beaucoup de choses à dire, et que je tiens à garder le format 20 minutes max, qui vous plaît bien. Alors déjà, commençons par le commencement, la classification, qu'est-ce que c'est, de quoi on parle quand on prononce ce mot. Tout simplement, la classification, c'est le processus qui vise à répartir les athlètes dans différentes classes. en fonction de leur handicap et surtout de son impact sur la pratique sportive. C'est vraiment le point de départ de toute activité parasportive, puisque avoir des classes équitables permet de garantir que la personne qui gagne, c'est la personne qui est la meilleure, qui a le plus travaillé, qui a le meilleur physique, la meilleure technique, le meilleur mental, et pas tout simplement la personne qui a le handicap le moins important. Grâce à ces classes, quel que soit votre handicap et sa sévérité, vous avez une chance de pouvoir performer face à des athlètes qui ont les mêmes impacts que vous sur leur pratique. La classification, elle vise vraiment à garantir l'équité sportive. Et ça, c'est une notion qui est très importante à retenir et à comprendre. Les processus de classification recherchent vraiment l'équité et pas forcément toujours l'égalité. Alors, quelle est la différence entre ces deux concepts ? L'équité, c'est s'assurer que deux concurrents vont avoir les mêmes limitations dans leur pratique et partiront avec les mêmes chances de réussite au départ, quelle que soit la nature de leur handicap. À l'inverse de l'égalité, qui voudrait dire que tous les concurrents ont exactement la même nature de handicap. Je vais beaucoup parler de mon sport, parce que je le connais bien, mais pour illustrer, par exemple en para-bannington, On peut avoir dans la classe SL4 une personne qui est amputée au niveau du tibia, qui va jouer contre une personne qui a de la spasticité dans la jambe. La nature du handicap, elle est différente, donc on ne peut pas parler d'égalité. Mais les répercussions sur un terrain de badminton sont similaires, donc on parle d'équité. Et dans la plupart des sports, c'est vraiment cette notion d'équité qui est choisie pour la classification, avec donc des athlètes qui peuvent avoir des natures de handicap différentes. mais jugés comme ayant les mêmes répercussions sur la performance. Ce choix de classification est assez répandu parce que d'une part, ce qu'on recherche effectivement c'est que chacun ait les mêmes chances de gagner, mais aussi ça permet de faire des groupes d'athlètes assez importants parce que si on devait faire des classes avec uniquement les mêmes natures de handicap, il y a beaucoup de sports où il n'y aurait tout simplement pas assez de monde pour faire des compétitions. Par exemple, dans mon sport, en simple dame SL4, il y a trois joueuses amputées, deux joueuses qui ont une différence de longueur de jambe, trois hémiparésiques, trois joueuses avec des maladies neurologiques. Donc on se rend bien compte que si on se limitait uniquement à la nature du handicap, il n'y aurait jamais assez de joueuses pour faire un tableau. Et surtout, ça multiplierait le nombre de classes, ce qui serait ensuite super compliqué pour organiser les compétitions et surtout les médiatiser. Donc c'est pour ça que quand vous regardez du parasport, dans la plupart des cas, vous allez voir des athlètes qui ont des handicaps différents, mais leurs limitations ont été jugées comme équitables et donc regroupées dans la même classe. Après, il y a certains sports qui ont fait le choix d'avoir des classes liées à la nature du handicap afin de garantir une équité maximale, et c'est notamment le cas de l'athlétisme. Je pense que c'est très lié au fait que sur des sports de chrono, où une course peut se gagner au centième près, avoir des natures de handicap similaires apporte encore plus de certitude sur l'équité. Donc en athlétisme, il y a des grandes classes pour les amputés, pour les aisés cérébraux. pour les atteintes de moelle, etc., avec des sous-classes pour affiner l'équité en fonction du niveau d'atteinte des membres. Mais même là, on se retrouve parfois à avoir des classes qui sont regroupées les unes avec les autres sur les compétitions, parce que sinon, il n'y a pas forcément assez d'athlètes pour faire un concours. Et donc, dans ce cas-là, c'est une nouvelle fois l'impact du handicap sur la performance qui va être retenu pour faire un concours équitable. Du coup, on a vu que la classification... étaient là pour rendre les compétitions équitables, mais qui fixe les règles et qui crée les classes ? Déjà, il y a deux grandes catégories de sport. Les sports paralympiques, donc ceux qui sont présents aux jeux paralympiques tous les quatre ans, et les sports non paralympiques, donc ceux qui ne sont pas ou pas encore intégrés aux jeux. Les sports non paralympiques, ils peuvent mettre en place toutes les règles qu'ils veulent pour classer les athlètes, voire même ne pas du tout mettre de classification et que tout le monde concourt ensemble. Il y a même des sports... qui mélangent les athlètes valides et les athlètes handis, comme le baskin. C'est un peu différent pour les sports paralympiques, parce que là, il faut répondre aux règles fixées par le Comité international paralympique, donc le CIP. Et donc là, la classification dans chaque sport, elle doit répondre à la grande règle de l'éligibilité des handicaps. Il y a une liste de handicaps éligibles et de handicaps non éligibles. Et pour pouvoir participer en compétition dans ces sports paralympiques, il faut avoir... un de ces dix handicaps éligibles. La puissance musculaire affaiblie, comme la paraplégie, la tétraplégie, l'hémiplégie. L'amplitude de mouvements limités, en cas d'arthrodèse par exemple, sur une articulation. La déficience d'un membre, donc là il faut comprendre amputation ou malformation de naissance. La différence de longueur de jambe, la petite taille, l'hypertonie musculaire, l'ataxie, la dystonie, la déficience visuelle et la déficience intellectuelle. Tous les autres handicaps en dehors de cette liste ne vont pas permettre de participer aux sports paralympiques en compétition, comme par exemple la douleur, l'hyperlaxité ligamentaire, les troubles cardiovasculaires, l'hypotonie musculaire, les maladies métaboliques, l'autisme, la surdité, etc. Sachant qu'il y a des tolérances en fonction du niveau, c'est-à-dire qu'à l'international, tous ces critères doivent être respectés. Mais il peut arriver que jusqu'au niveau national, par exemple jusqu'au niveau championnat de France ou championnat régionaux, les fédérations peuvent accepter d'autres types de handicaps, mais qui ne permettent pas d'aller plus loin dans le haut niveau. Ensuite, chaque sport va en revanche être libre de fixer ses critères de classification comme il le souhaite, tant que ça rentre dans ses dix critères éligibles. Pour tous les handicaps, comme l'athlétisme, où on retrouve les handicaps moteurs, le handicap visuel et le handicap mental dans une trentaine de classes différentes, quand d'autres vont se limiter à un seul type de handicap, comme le judo qui est réservé aux déficients visuels. Dans la plupart des sports, les classes ont chacune leur compétition, mais dans d'autres, comme en paraski, il n'y a qu'un podium pour toutes les classes debout, un seul podium pour toutes les classes assises, et un seul podium pour tous les déficients visuels. Mais c'est le chronomètre qui va être ajusté en fonction de la classe de chacun, ce qui permet d'avoir des compétitions avec beaucoup d'athlètes, mais en étant toujours équitable en fonction de ses atteintes. Et de manière encore plus précise, les critères médicaux de classification vont varier d'un sport à un autre, et tu peux par exemple être éligible en para-badminton, mais ne pas l'être en paraski, parce que le seuil d'atteinte minimale des membres peut différer d'un sport à l'autre. Chaque fédération internationale est en maître de ses critères de classification, encore une fois, tant que ça rentre dans les grands critères requis par le CIP. Donc on voit que c'est un système qui est à la fois assez simple, parce que la règle basique, c'est que les compétitions soient équitables, mais il y a quand même pas mal de règles qui doivent être respectées dans le cadre des sports paralympiques, et que chaque sport va avoir ses propres sous-règles, ses propres classes. Ce qui ne permet pas de tout connaître et de tout comprendre en un clin d'œil. C'est pareil, le nom des classes va vraiment être propre à chaque sport. En badminton, vous avez du WH1, SU5, SH6, SL4. En athlée, c'est T51, T64, F36, etc. Donc c'est vraiment pas utile de connaître toutes les références de classes parce qu'il y en a tellement que c'est impossible de toutes les retenir. Globalement, dans la plupart des sports, plus le chiffre est petit, Plus le handicap est important et plus le chiffre est grand, moins le handicap est impactant. Maintenant qu'on a vu la théorie, comment ça s'articule dans la pratique ? Pendant les Jeux paralympiques, il y a eu beaucoup d'incompréhensions sur les classes et sur certains athlètes concourant les uns contre les autres, parce que le parasport est représentatif de la diversité du handicap, et notamment de deux choses. Premièrement, le handicap invisible existe, et deuxièmement, les conséquences du handicap sont souvent plus complexes que ce qu'on voit au premier coup d'œil. Quand j'ai joué mon premier match à Paris, j'ai eu la chance non seulement d'être sur un terrain diffusé sur l'application France TV, mais aussi d'être diffusée en direct sur France 2 avec des commentateurs. Du coup, le match a eu une bonne audience et une belle portée médiatique, et forcément j'ai eu beaucoup de retours de gens qui ont vu le match et qui m'ont dit notamment c'était parfaitement injuste, tu jouais contre une fille qui a un handicap au bras alors que toi t'as un handicap aux jambes Alors, c'est difficile d'en vouloir aux gens qui, pour la plupart, découvraient le parasport pour la première fois de leur vie, et qui n'étaient sûrement pas connaisseurs du système de classification que je vous explique aujourd'hui. Mais c'est vrai que j'en ai un peu voulu à France TV, qui, à mon sens, n'a pas assez fait son job journalistique en expliquant justement les classifications et en insistant sur l'existence du handicap invisible. La joueuse indienne contre qui je jouais ce jeudi-là, elle a effectivement un handicap. très visible puisqu'elle a un bras amputé. Mais elle a aussi un handicap qui ne se voit pas du premier coup d'œil puisqu'elle a une arthrodèse de la cheville. C'est-à-dire que suite à une opération, les os de sa cheville ont été soudés les uns aux autres et du coup, elle n'a plus d'articulation à ce niveau-là. Donc ça, c'est un handicap qui ne se voit pas forcément, surtout quand tous les yeux sont rivés sur son bras. Mais c'est bel et bien un handicap éligible au niveau du sport paralympique et qui répond aux critères de... handicap minimum pour le para-badminton. Donc cette joueuse a bien passé une classification qui lui a permis de jouer en SL4, donc la classe des handicaps des membres inférieurs comme moi. Et pour moi ça a été assez représentatif de ce qu'on peut vivre au quotidien dans la vie, c'est-à-dire que le handicap peu visible est souvent totalement oublié, totalement méprisé, et du coup c'est important de se rendre compte que le parasport a un système qui est pensé pour être le plus équitable possible et qu'a priori, il n'y avait effectivement aucune raison pour que dans un match de para-badminton, une athlète avec une atteinte au bras joue contre une athlète qui avait une atteinte aux jambes. Parce que oui, ce serait inéquitable. Donc même dans le sport de haut niveau, il ne faut pas oublier que le handicap n'est parfois pas visible au premier coup d'œil. Il y a aussi une deuxième notion à avoir en tête, c'est que les conséquences du handicap sont souvent bien plus complexes que ce qu'on voit et ce qu'on s'imagine. Il y a eu beaucoup de critiques, par exemple, sur la classification d'Alexandre Léauté. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Alexandre Léauté, c'est un paracycliste. Il est multiple champion du monde, multiple champion paralympique. C'est vraiment une référence dans son sport. Et Alexandre, il a une hémiplégie assez importante, c'est-à-dire qu'il a très peu de force dans tout son côté droit. Dans sa classe, il concourt essentiellement avec des athlètes amputés très haut, qui du coup n'ont qu'une seule jambe. Alors forcément... avec ses multiples titres, les Grincheux ont vite fait un raccourci très simple. C'est facile pour lui de gagner, il a deux jambes alors que ses concurrents n'en ont qu'une. C'est pas équitable, voilà pourquoi il gagne. Sauf que c'est là qu'il faut se rendre compte que le handicap n'est pas aussi simple et binaire. Alexandre, il a peut-être ses deux jambes et ses deux bras, mais sur son vélo, 90% de sa poussée se fait avec sa jambe gauche. Sa jambe droite lui sert un petit peu. Alors on pourrait se dire, ouais mais 10% c'est toujours plus que zéro pour ceux qui n'ont pas de jambes. Sauf que sa jambe, elle a besoin d'être irriguée. Alors son cœur, il pompe pour amener du sang dans ses deux jambes jusqu'au bout des orteils. Et dans un domaine où la récupération et le cardio sont des éléments clés de la performance, on voit que la balance de l'équité revient au milieu, puisque lui, ses concurrents ont peut-être qu'une seule jambe pour pousser, mais leur cœur n'a besoin de pomper pour amener le sang que dans une seule jambe. Ce qui fait... une différence énorme à ce niveau-là. Alexandre Léauté, il va avoir aussi un autre facteur qui équilibre la performance, c'est que lui, son bras droit aussi est touché. Et contrairement à ses concurrents qui ont leurs deux bras valides, eh bien, pour les départs, il se retrouve beaucoup plus handicapé à cette étape de la course. Donc, attention à ne pas faire de raccourcis et à bien essayer de cerner tous les tenants et aboutissants, toutes les conséquences qu'ont chaque handicap sur une... une performance avant de faire des jugements à la hâte. Et c'est pareil pour ce qu'on voit en dehors de la compétition. Parfois, on entend parler de pseudo-scandale parce qu'un tel athlète qui fait du sport en fauteuil a été vu debout chez lui. Il faut avoir en tête qu'il y a un monde entre les capacités qu'on a sur un terrain de sport et dans la vie de tous les jours. Il y a énormément d'athlètes qui peuvent marcher et qui pourtant font du sport en fauteuil. Ça ne veut pas dire... qu'il y a nécessairement une triche, puisqu'on rappelle la majorité des personnes utilisant un fauteuil roulant dans la vie de tous les jours ont la capacité de se lever et ou de marcher au moins quelques pas. Donc attention au jugement à la hâte sur les classifications. Alors maintenant, vous devez sûrement vous demander comment ça se passe une classification, comment on juge l'impact du handicap des athlètes et comment on nous met dans telle ou telle classe. Ce sera le sujet de la deuxième partie de l'épisode qui sortira dans deux semaines, avec au programme le processus de classification, mais aussi les limites de ce système, les injustices qui peuvent en découler et les pistes d'amélioration pour le futur des sports paralympiques. Pour ne rien louper, abonnez-vous et suivez-moi sur les réseaux sociaux. Merci d'avoir écouté cet épisode jusqu'à la fin. J'imagine donc que le contenu vous a plu, alors je compte sur vous pour le faire savoir autour de vous et vous abonner pour ne louper aucun épisode à venir. Tous les liens utiles sont dans la description, alors allez y jeter un coup d'œil et moi je vous dis à la prochaine !