- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Bérénice, je travaille chez Oluméa et je suis passionnée par la bio-inspiration et la manière dont fonctionnent les humains entre eux. Bienvenue sur La Fluence, le podcast qui explore la coopération. Aujourd'hui, on enregistre un épisode à l'occasion du Green Tech Forum, un événement qui rassemble les acteurs et actrices du numérique responsable en France, qui a lieu les 5 et 6 novembre au Palais des Congrès à Paris. Qu'est-ce que le numérique responsable ? Comment mettre en place cette démarche dans les organisations ? Quels sont les enjeux collectifs auxquels on peut être confronté ? Pour répondre à ces questions, je suis en compagnie de Christine Ebadi, cofondatrice d'Olomea, ingénieur qui a évolué dans le monde de la tech et qui nous apporte son expertise sur la transformation organisationnelle et les collectifs. Bonjour Christine.
- Speaker #1
Bonjour Bérénice.
- Speaker #0
Bienvenue du coup sur le podcast. Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots et présenter ton parcours professionnel, notamment dans le monde de la tech ? Et qu'est-ce qui t'a amené du coup aujourd'hui à accompagner les DSI chez Holoméa ?
- Speaker #1
Alors j'ai fait l'essentiel de ma carrière dans le monde de la technologie. J'avais démarré par des études d'ingénieur en informatique et ça m'a naturellement amené à travailler dans des DSI, des grosses DSI et faire du conseil également autour des... technologie du cloud, des technologies numériques. En 2018, il y a eu un rapport qui est sorti, qui avait été publié par le Shift Project, le think tank qui travaille à décarboner l'économie française sur la sobriété numérique. Ça a été une prise de conscience à ce moment-là pour moi, parce que finalement, les enjeux écologiques, je m'en préoccupais surtout dans ma vie privée, en tant que citoyenne, mais finalement pas tellement en tant que professionnelle. Et là, j'ai compris, à ce moment-là, peut-être tardivement par rapport à d'autres, Peut-être qu'en tant qu'experte, spécialiste de l'IT, du numérique, on avait peut-être quelque chose à faire pour contribuer à la réduction des impacts écologiques, des impacts sociaux. Il y avait peut-être quelque chose à faire autour de ce qu'on appelle la RSE en général.
- Speaker #0
Donc aujourd'hui, la RSE dans le domaine du numérique, on entend souvent les mots sobriété numérique numérique responsable Est-ce que tu peux nous dire un petit peu ce que c'est, comment ça s'incarne concrètement dans les entreprises ? De quoi on parle en fait ?
- Speaker #1
Oui, il y a le chapeau, on va dire, qui est la RSE, ou plus globalement, d'ailleurs encore au-dessus, les enjeux de transition écologique et sociale qui traversent toutes les organisations, pas que les entreprises. Mais bon, pour les entreprises, c'est la RSE. Et effectivement, dans le numérique, il y a eu beaucoup de vocables différents. On a parlé de Green IT, on a parlé d'IT for Green, de sobriété numérique. Là, aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on arrive à trouver un terme, mais peut-être que ça évoluera demain. Mais... qui est recouvert sous le nom de numérique responsable et qui, effectivement, couvre les différents aspects, aussi bien l'impact écologique, comment on réduit par la fabrication du numérique l'impact écologique sur toutes ses dimensions, la fabrication, l'utilisation et la fin de vie, mais également toute la dimension sociale, comment, encore une fois, tout au long du cycle de vie du service ou du produit, donc l'impact social dans la fabrication, mais aussi dans les usages, comment est-ce que... On incite les utilisateurs à faire ceci ou cela, comment on respecte un certain niveau d'éthique. Donc il y a cette dimension-là. Puis il y a une troisième dimension qui n'est pas la plus simple, c'est la dimension monétaire, financière. C'est comment on arrive à rémunérer justement tous les différents acteurs. Donc c'est un peu comme la RSS, ce pilier n'est jamais le plus simple. Mais néanmoins, il y a ces trois qui aujourd'hui peuvent se regrouper sous le terme de numérique responsable.
- Speaker #0
Ok, donc c'est quand même assez large. Et j'imagine que sur les parties impact des produits ou des services numériques, on pense souvent aux machines, donc les ressources qu'il faut, par exemple, pour faire des ordinateurs, des téléphones, etc. Mais est-ce que ça peut aussi être quelque chose qui s'applique sur des applications ou des choses plus virtuelles ? Est-ce que tu peux nous dire comment ça se traduit ?
- Speaker #1
Alors, effectivement, il y a vraiment les deux aspects, parce qu'on parle souvent d'immatériel. En fait, c'est tout sauf immatériel, le numérique. C'est... aussi bien des gros data centers avec des serveurs dedans. Donc c'est extrêmement matériel, c'est de l'eau, de l'énergie, des minerais. C'est très, très physique et il faut aller l'extraire un peu partout sur la planète. Et là, évidemment, il y a tout un travail à faire pour être le plus sobre et le plus frugal possible, faire durer de vie, allonger les durées de vie. Il y a tout un tas de pratiques à ce niveau-là et puis fabriquer en étant, on appelle, éco-conçus. donc à faire de l'éco-conception. Donc ça, c'est vrai pour le monde matériel, mais c'est aussi vrai pour les applications. Une application peut être plus ou moins gourmande en énergie, en usage. On peut même aller jusqu'à parler d'obésiciel, c'est-à-dire des logiciels, comme le nom l'indique, qui deviennent de plus en plus gros, qui ont des fonctionnalités souvent peu utilisées. Donc les informaticiens, quel que soit leur métier, ou je dirais même plus globalement les spécialistes du numérique, peuvent agir sur les deux aspects selon leur contribution dans le métier.
- Speaker #0
Et donc ça concerne finalement toutes les expertises, tous les métiers de la DSI ?
- Speaker #1
Absolument, tous les métiers sont concernés. Quelque part, le sujet du numérique responsable, c'est un peu comme ce qu'on dit de la RSE. Ce n'est pas un sujet de spécialistes où une personne aurait toutes les réponses. Non, c'est un ensemble de préoccupations qui concernent l'intégralité de la DSI et des métiers et des personnes qui concourent à fabriquer ce numérique. Donc, tout le monde a à avoir quelque part l'idée, la trajectoire qu'on essaie, qu'une partie du métier, en tout cas, essaie d'emprunter. C'est d'avoir ce souci. des impacts dans ces différentes dimensions, comme j'en ai parlé tout à l'heure. Donc, ça vient toucher un chef de projet, un manager, un développeur, quelqu'un qui fait de la prod. Tous les métiers sont impactés, les acheteurs, l'intégralité de ce qu'on pourrait appeler la chaîne de valeur du numérique.
- Speaker #0
Et donc aujourd'hui, quels sont les enjeux ? Quels sont aussi les freins ? Pourquoi est-ce que c'est si difficile dans les DSI de mettre ça en place ? Qu'est-ce que toi, tu as observé dans tes accompagnements ou dans tes expériences ?
- Speaker #1
Alors les enjeux, c'est comment justement, un peu ce dont on parlait juste à l'instant, c'est comment on en fait un enjeu collectif. Comment, parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas forcément dans la ligne de mire, ce n'est pas les critères de succès. On ne dit pas qu'un SI, donc un système d'information, est performant parce qu'il est green. On ne dit pas ça encore. C'est tout l'enjeu, finalement, de redéfinir les critères de performance en intégrant les enjeux de transition écologique et sociale. Donc les enjeux écologiques et les enjeux sociaux. Et ça, c'est un des vrais sujets, puisque ça vient tirer, redéfinir la façon de faire les projets, la façon de les évaluer, la façon de faire les activités, la façon d'acheter. Est-ce qu'il y a des critères RSE dedans ? Donc, c'est un sujet systémique qui est complexe, qui ne peut pas se... Finalement, ce n'est pas si simple que ça de le mettre en œuvre. Ça va vraiment dépendre des cas. Parfois, ça va être sur des achats. Parfois, ça va être sur des façons de développer. Parfois, ça va être sur des façons de faire des gestes techniques. Donc, il y a toute une variété. Et néanmoins, il nous semble, en tout cas, il me semble, c'est vraiment ce à quoi je travaille, que c'est indispensable. Pourquoi ? Parce que peut-être, on ne l'a pas trop dit au début, mais l'impact du numérique, ne serait-ce qu'en équivalent CO2, donc finalement que sur cette partie-là, et grandissant, ça va très vite, ça dépasse des chiffres. Déjà en 2019, c'était au-delà de l'aviation civile. Aujourd'hui, avec le streaming, les jeux en ligne, l'IA, on est à des chiffres qui vont un jeu. Ils ne sont pas loin de rattraper l'équivalent CO2 de toutes les flottes de voitures qui tournent sur Terre. Donc, c'est vraiment des chiffres mondiaux. Donc, on a un vrai sujet à le faire. On a besoin, on ne peut pas se permettre de dire que ce n'est pas notre sujet, nous les informaticiens, parce qu'on amène des nouvelles technologies. Non, on a vraiment à le prendre en compte. On est au-delà de l'externalité négative. On impacte aussi bien en équivalent CO2 de façon grandissante, mais le numérique en plus est partout, tout le monde l'utilise. Donc il y a une responsabilité même certainement à développer sur qu'est-ce qu'on induit comme comportement. Et là on est encore très loin du compte.
- Speaker #0
Oui je pense que ça a aussi toute la complexité du numérique, c'est que c'est à la fois une filière informatique à part entière et à la fois c'est dans toutes les autres filières. Mais du coup, ça en fait aussi un levier de transition, peut-être, pour les autres domaines. Et donc, ça peut aider, peut-être accompagner, soutenir les transitions, finalement.
- Speaker #1
Tout à fait. Le numérique, parfois, on dit, c'est à la fois le remède et le poison en même temps. Ce qu'on appelle un pharmacon, ça a les deux aspects. Et d'ailleurs, c'est pour ça, on parlait tout à l'heure des termes, il y a Green IT et il y a IT for Green. Donc, bien sûr que le numérique peut représenter, et c'est là toute l'ambiguïté, Le numérique est partout, tout le monde l'utilise, quasiment toute la planète. Il y a des endroits où c'est moins utilisé, mais énormément, quand on regarde le nombre de smartphones, le nombre d'ordinateurs, le nombre de connexions, c'est juste énormissime. L'effet volume est gigantesque. Donc, à la fois, ça impacte beaucoup, mais ça peut aussi amener à d'autres gestes, à d'autres façons de faire et à d'autres prises en compte. Donc, c'est subtil.
- Speaker #0
Et donc, si on revient sur les DSI, comment on fait concrètement pour effectuer ce changement de paradigme ? Est-ce que tu as des exemples d'entreprises peut-être qui ont mis en place des choses qui sont allées loin dans leur démarche ?
- Speaker #1
Oui, alors il y a une maturité qui est très variable d'une DSI à l'autre. C'est sûr que ça a toujours commencé, et je l'ai souvent vu par... des prises de conscience, souvent personnelles, une ou deux ou trois, oui. Un petit groupe de personnes qui se dit que ce n'est pas possible, on doit pousser. Et en fait, se rendre compte en en parlant, en tentant de sensibiliser, qu'il y a plein de gens qui sont prêts à faire des choses. Donc il y a vraiment toute une phase. Mais voilà, on va dire que c'est les, désolé de l'anglicisme, mais les early adopters, je ne sais pas si c'est le bon terme, en tout cas des gens qui sont conscients. Donc il y a tout ce travail de sensibilisation qui doit être fait. pour que le sujet devienne un sujet. Donc, en parler, comprendre les impacts. Donc, ça, c'est une première phase. Et je vois aujourd'hui encore des organisations qui n'ont pas fait forcément ce travail-là, qui savent que ça fait partie des choses qu'ils auront à traiter, mais qui n'ont pas forcément fait ce travail. Donc là, c'est une première phase qui est indispensable. C'est expliquer pourquoi le numérique responsable est un enjeu. Enfin, le numérique est un enjeu. Et pourquoi le numérique responsable, devient indispensable parce qu'on a besoin de répondre à ça. Ensuite, il y a une deuxième étape qui va être Ok, très bien, j'ai compris, mais je fais comment ? Et là, on va toucher à des pratiques parce que ce ne sont pas des choses en plus. Le numérique responsable, ce n'est pas une activité que j'aurais à côté en plus de mon métier. Non, c'est venir hybrider les pratiques de mon métier, quel que soit mon métier, avec cette préoccupation finalement du numérique responsable. C'est développer d'une certaine façon, c'est architecturer d'une certaine façon, c'est aller vers ce qu'on peut appeler le juste besoin. C'est-à-dire, chaque fois que j'ai mes besoins, alors je vais avoir un impact. Comment est-ce que j'arrive à moi-même, à me réguler sur mes propres besoins quand je suis marketing ou au métier ? Donc, c'est vraiment ce sujet-là qui va être et qui est clé. C'est comment j'arrive à le traduire très concrètement. Et donc, forcément, il y a de la montée en compétences. Aujourd'hui... On commence à avoir une liste de bonnes pratiques importantes qu'on va appeler éco-conception, qu'on va appeler autour du numérique responsable, en UX design, en développement, en architecture. On a des bonnes pratiques, même on parle aujourd'hui, même si c'est un peu un oxymore dit afrugal. On commence à avoir vraiment un corpus de pratiques. Et là, il faut former les gens. partie qui est clé, c'est très bien maintenant mettons-le en application, concrètement dans une application. Alors souvent on va pouvoir le faire grâce à des hackathons, arriver à démarrer un peu en équipe, il y a un petit côté ludique pour arriver à faire qu'on se pose des questions tout au long de la chaîne de valeur, tout au long du cycle de vie. Où est-ce que je pourrais faire quelque chose ? Comment je pourrais améliorer ? Et ce qui est intéressant, et moi c'est ce que je constate, c'est qu'il y a plein de gains secondaires. Bien sûr il y a répondre aux enjeux numériques responsables mais... Être plus sobre, c'est être plus frugal, donc c'est plus simple, moins d'incidents, c'est moins coûteux, ça consomme moins d'énergie, ça va à l'essentiel, c'est plus rapide, si c'est moins lourd, c'est plus rapide. Il y a énormément, et ça, ça a vraiment été au début quand j'ai démarré là-dessus, je n'avais pas forcément percuté ça, mais il y a énormément de gains secondaires, et qui font que finalement, oui, c'est quelque chose qu'il faut démarrer, mais une fois qu'on a passé le pas, on se rend compte qu'on y gagne énormément. Et pas que... que pour des raisons écologiques et sociales. C'est ce qui est intéressant.
- Speaker #0
Oui, en fait, c'est réapprendre à faire son métier avec les briques élémentaires, avec les bases. Et finalement, ça apporte beaucoup plus de fluidité et de simplicité aussi pour créer des applications qui répondent à des vrais besoins, qui sont pertinentes. Et du coup, j'ai bien compris qu'il y avait la question de toucher toutes les expertises, d'engager tous les métiers. Il y a la question de la montée en compétences. Il y a la question du... pratiques et je me dis est-ce qu'il n'y a pas aussi un besoin de comment dire de réconcilier la démarche numérique responsable avec les prises de décisions et avec le système de gouvernance et avec la manière dont on est organisé aussi entre équipes etc comment est-ce que tout ça ça peut ça peut se rejoindre en
- Speaker #1
fait le numérique responsable est un peu comme les projets de transition qu'on voit ce sont des projets très transversaux qui viennent effectivement gratter là où ça fait mal sur la gouvernance. Parce que finalement, la gouvernance, c'est comment on prend les décisions, qui a le droit de prendre quelles décisions. Et donc forcément, oui, si ça vient percuter ça, comment on la prend ? Est-ce que finalement, si quelque chose a trop d'impact en équivalent CO2, est-ce que finalement j'y vais ou j'y vais pas ? Et tout à l'heure, je n'ai pas totalement fini de répondre à des questions. J'ai vu, je vois certaines entreprises où ça, ça fait vraiment partie de la prise de décision. Ça ne veut pas dire que ça va l'emporter, mais ça en fait partie. Donc on le prend en compte. Et donc oui, ça vient chercher ces questions de gouvernance. Et puis une deuxième question, peut-être un mot qu'on n'a pas dit depuis le début, ça vient chercher des enjeux de coopération. Parce que c'est un problème qui est systémique, qui est complexe. On peut déplacer l'impact, c'est-à-dire je peux améliorer un endroit puis reporter à un autre endroit. Donc, ce qui est intéressant, et puis chez Oloméa, c'est vraiment un sujet qui est au cœur de ce qu'on fait, ça vient chercher des enjeux de coopération. C'est comment on coopère entre équipes-projets, avec les autres équipes, avec le métier. Et encore une fois, la beauté, j'allais dire, du sujet, c'est que ça vient transcender les intérêts des uns et des autres. On parle beaucoup dans la coopération de destin commun. Et si ce destin commun, c'était justement d'arriver à avoir des solutions les plus frugales, les moins impactantes ? Je pense que tout le monde est concerné sur l'intégralité de la planète. Et du coup, en tout cas, moi, c'est ce que je constate. On arrive à mettre les gens d'accord là où, parfois, s'il n'y avait pas ce destin commun, cette direction commune où on regarde un peu pour aller un peu dans le même sens. Moi, je vois des coopérations, des négociations qui ne se faisaient pas avant et qui se font aujourd'hui grâce à ça. Et c'est quelque chose que je constate dans la RSE quand elle s'incarne très concrètement. Là, clairement, le numérique responsable, c'est vraiment hyper concret.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Christine, pour cet éclairage sur les enjeux de coopération et le numérique responsable. Si vous souhaitez en savoir plus sur le numérique responsable et donc son lien avec les enjeux de coopération, vous pouvez nous retrouver au salon Green Tech Forum les 5 et 6 novembre au Palais des congrès de Paris. Et retrouvez les épisodes de l'Affluence une fois par mois. Ils forment un recueil de témoignages, de vécus liés aux transformations des pratiques qui vous permettra d'avoir des clés pour faire évoluer à votre échelle votre environnement professionnel. Pour ne rater aucun épisode et pour faire grandir ce podcast, vous pouvez en parler autour de vous. Vous abonnez sur votre plateforme d'écoute préférée et nous laissez des étoiles si vous nous écoutez depuis Spotify ou Apple Podcast. Merci pour votre écoute et à bientôt pour un nouvel épisode de l'Affluence.