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La Fluence - explorer la coopération

Démocratie coopérative : comment l’intelligence collective peut transformer la vie municipale ? Avec Marie Muret-Morin

Démocratie coopérative : comment l’intelligence collective peut transformer la vie municipale ? Avec Marie Muret-Morin

56min |10/09/2025
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56min |10/09/2025
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Description

La Fluence, le podcast qui explore la coopération 🔎

Dans cet épisode de La Fluence, on reçoit Marie Muret-Morin, ingénieure du numérique reconvertie dans la formation en développement durable et intelligence collective, et ancienne élue responsable de la démocratie coopérative à Cernay-la-Ville.

À travers son témoignage, Marie nous plonge dans les coulisses d’un mode de gouvernance où habitants et élus travaillent main dans la main pour concevoir et mettre en œuvre des projets municipaux.

On découvre comment la co-construction change la posture des élus, renforce l’adhésion aux projets et permet de mieux répondre aux besoins réels de la communauté. Marie partage les succès, les écueils et les apprentissages tirés de cette expérience : mobiliser des citoyens, surmonter les résistances, accompagner la coopération, et ouvrir les visions grâce à la diversité des points de vue.

Un échange inspirant qui montre que des dynamiques collectives innovantes peuvent transformer nos territoires et devenir de puissants leviers face aux enjeux de transition écologique et sociale.


PS : cet épisode a été enregistré au mois de janvier 2025, lors de nos échanges sur les inondations nous faisons références aux événements climatiques de fin 2024.

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🌟 Les apprentissages à retenir de cet épisode :

  • Les bénéfices concrets de la démocratie coopérative : développer une meilleure compréhension des contraintes du terrain, prendre en compte des besoins réels, avoir une vision systémique des enjeux, impliquer les habitants.

  • Les conditions de réussite de cette démarche : un cadre clair (charte, règles de confiance), l’inclusion de profils divers, et la volonté d’expérimenter une autre dynamique.

  • Les principaux freins : des habitudes décisionnelles centralisées, peur de perdre le contrôle, méconnaissance des fonctionnements en intelligence collective.

  • L’intérêt stratégique pour la transition écologique et sociale : agir localement, élargir les perspectives et renforcer la résilience du territoire.


En savoir plus : 

LinkedIn @Marie Muret-Morin

Livre “Des Communes et des citoyens”, 2019, Yvan Lubraneski, Fanny Lacroix, Daniel Cueff, Jérôme Perdrix, Alain Lamour


Musiques par Vito Bendinelli  

Pour retrouver les prochains épisodes : 

Instagram 

Linked In

Site Holomea


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Bérénice d'Holomea

    Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Bérénice, je travaille chez Holomea et je suis passionnée par la bio-inspiration et la manière dont fonctionnent les humains entre eux. Bienvenue sur la fluence, le podcast qui explore la coopération. Aujourd'hui, je rencontre Marie Muret-Morin. Ingénieure dans le domaine du numérique, elle s'est reconvertie dans la formation autour du développement durable et de l'intelligence collective, notamment pour les étudiants en post-bac. Dans cet épisode de l'Affluence, nous abordons la démocratie coopérative dont Marie était responsable lorsqu'elle était élue dans le village de Cernay-la-Ville. Bonjour Marie, bienvenue sur le podcast la Fluence qui explore la coopération. Aujourd'hui, je t'interview sur un sujet que je ne connaissais pas avant de te rencontrer, qui est la démocratie coopérative. Avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet, est-ce que tu peux te présenter, nous raconter d'où tu viens, ce que tu fais ?

  • Marie Muret-Morin

    Avant même de me présenter, merci beaucoup pour l'invitation, Bérenice. Je vais me présenter, je suis Marie Muret-Morin, je suis ingénieure de formation. Et puis après avoir passé dix ans dans l'informatique, le numérique, la gestion de projets, le management, je me suis reconvertie dans la formation spécialisée vraiment dans tout ce qui va être post-bac et auprès d'étudiants, ingénieurs, d'écoles de commerce, futurs RH, DRH, etc. Centré autour du développement durable, d'un côté, et puis l'autre côté, c'est les soft skills et en particulier l'intelligence collective. Et dans ce cadre-là, j'ai eu également la chance de pouvoir être élue avec un groupe de copains, on peut dire ça comme ça, dans mon village en 2020. Il faut imaginer que c'est quand même pleine crise du Covid, on a été élue et on n'a pas pu prendre notre place tout de suite. Et on a été élue dans l'idée que justement notre village pouvait être un village dans lequel il fait bon vivre et puis on peut co-construire. les projets avec les habitants et pas uniquement les élus qui se mettent en une position de sachant.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, moi, cette question d'être élu, je trouve que c'est vachement intéressant et j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a donné envie de t'engager à ce niveau-là ? Parce qu'on sait qu'aujourd'hui, il peut y avoir différents types d'engagement, que ce soit professionnel, associatif, politique, etc. Qu'est-ce qui, toi, t'a donné envie ? Comment tu t'es sentie de t'engager dans cette mission-là ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, ça s'est vraiment fait par hasard. C'est-à-dire que j'ai toujours été plutôt engagée d'un point de vue personnel. Donc, j'ai fait pas mal d'ateliers zéro déchet, par exemple. J'ai fait des échanges avec des amis, toujours au sein de ce petit village dans lequel j'habite. Et puis, au cours de conversation, je rencontre une personne qui s'appelle Claire Chéret, qui est aujourd'hui le maire de mon village, qui est, elle, élue. Elle n'est pas encore maire et on sympathise. Et après, elle fait appel à moi. Elle est encore une fois élue, mais elle se fait appel à moi au moment du grand débat. Et elle m'explique qu'ils sont en train de réfléchir au niveau du conseil municipal à mettre en place des événements, en tout cas déjà un événement d'échange avec les habitants de la commune. et qu'elle aimerait bien que je coanime cet événement-là avec une autre personne qui elle aussi est élue, mais qui a une vision un petit peu différente de la mienne. Et j'accepte. Et puis au final, ça ne se fait pas, parce qu'il n'y a pas la demande particulière, mais je reste dans un coin de sa tête. Et quand elle décide de monter sa liste pour les municipales, elle m'appelle. Et elle m'appelle au départ pas du tout sur l'aspect co-construction, intelligence collective, elle m'appelle pour mes connaissances en développement durable. Et donc je vais... co-construire avec elle et avec les autres futurs élus de la liste, un programme de développement durable. Ça commence comme ça. Sauf que, je vais expliquer deux, trois petites choses pour les gens qui ne savent pas comment ça fonctionne. Quand on va aux urnes pour élire un maire, en fait, en réalité on n'élit pas un maire, on élit une liste. Et c'est le premier en général de cette liste qui est élu. C'est lui qui va être maire. Et le deuxième va avoir le second rang au niveau entre guillemets, d'importance au sein du conseil municipal. Et donc, c'est le premier adjoint, etc. Donc, en fait, il y a vraiment, on va dire, un rang qui a une importance. Le maire est le premier sur la liste. Et puis après, ce ne sont que les adjoints. Une fois qu'on a passé tous les adjoints, on a les élus, on va dire, standards. Le problème, c'est qu'en France, et c'est une chose qui est positive, il faut qu'il y ait un homme, une femme, un homme, une femme, pour assurer l'égalité. Et dans notre cas, elle voulait un... c'est amusant à dire, mais c'est la réalité. Elle voulait un adjoint développement durable. Et le seul, on va dire, la seule place, le seul rang qui était disponible, il fallait forcément que ce soit un homme.

  • Bérénice d'Holomea

    L'ironie du sort.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je t'avoue que sur le moment, je ne l'ai pas très bien pris. Et puis après, voilà, on comprend. Moi, j'ai toute confiance en la personne qui a été élue à ce poste-là. C'est quelqu'un de très engagé. Et puis, voilà, il n'y a pas de souci sur ce principe. Mais du coup, avec Claire, on en a discuté. Et elle était vraiment convaincue par la nécessité de faire de la co-construction. Et celle-là, elle m'a dit, mais j'aimerais bien que tu aies ce rôle-là, en fait, d'être responsable de la démocratie coopérative. Il faut savoir qu'en parallèle, on avait décidé... de s'engager dans un pacte citoyen. Et pour cela, il fallait assurer, pas forcément une co-construction, mais en tout cas d'échanger régulièrement avec les citoyens et s'assurer qu'on répondait bien aux besoins réels des citoyens.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, j'allais te poser la question, quand tu dis qu'elle était persuadée et que c'était intéressant d'avoir la co-construction, etc. Pourquoi cette conviction ? Qu'est-ce qui a amené à ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est... C'est très lié aussi à son propre parcours à elle, c'est-à-dire qu'elle a été présidente d'association et elle a vécu le projet sur lequel elle a travaillé toute seule, d'arrache-pied, en ayant fait vraiment le maximum, où elle était convaincue. Et quand elle l'amène au bureau de son association, il y en a plein qui sont contre ou qui critiquent. Et elle a compris l'importance de prendre les avis et de co-construire parce qu'on a une vision. qui est quand même très ciblée au départ, c'est la nôtre, et elle peut différer évidemment de la vision des autres protagonistes en fonction du projet. Et donc par là, elle a compris qu'à la fois la co-construction, c'était important pour être sûre qu'on répond bien aux réels besoins, mais aussi pour l'adhésion au projet. Il y a vraiment ces deux facettes-là. Et donc à partir de cette expérience, puis après en tant qu'élue, elle était élue au niveau de la scolarité et la jeunesse, elle a bien vu la nécessité d'aller vers cette direction de co-construction. Je suis peut-être allée un peu trop loin sur la nécessité, c'est peut-être pas une nécessité, mais en tout cas l'intérêt d'y aller.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, nécessité relative, mais pour améliorer, on va dire, tout un tas de choses. Il y avait cette envie aussi de passer par ce mode-là plus inclusif et plus coopératif.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je pense qu'il y a aussi le fait que nous, on sortait d'une phase où le village avait eu le même maire pendant une vingtaine d'années. très compétent, mais ce n'était pas du tout le mode de fonctionnement, on était vraiment très très éloignés, de la précédente municipalité. Donc je pense qu'il y avait aussi cette volonté de la part de Claire de proposer quelque chose de nouveau. Il faut savoir que mon village, c'est un village qui est juste à côté de Rambouillet, Cernay-la-Ville, on peut peut-être le citer quand même. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    oui, je pense qu'on peut le citer.

  • Marie Muret-Morin

    Voilà, Cernay-la-Ville, je fais ma petite pub pour mon village, c'est là où vous trouvez l'abbaye des Vauds de Cernay, entre autres. dans le parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse. Et on est juste à côté d'une ville, un village qui s'appelle les Molières. Et les Molières sont vraiment connues pour avoir mis en place cette démocratie coopérative, participative. On pourra peut-être expliquer la distinction entre les deux un petit peu après. Donc avec les Molières, on a vu qu'un conseil municipal pouvait, je mets des guillemets, mais s'effacer. au profit d'un collectif citoyen qui, avec le bon cadre, pouvait vraiment faire germer des projets extrêmement pertinents et faire évoluer le village dans une direction souhaitée. C'est vraiment ça, en fait. Donc ça a inspiré. Ça a inspiré Claire, ça nous a inspirés tous, parce qu'on s'est tous retrouvés autour de ça. On a également pas mal échangé autour d'un livre qui s'appelle « Des communes et des citoyens » . Ce livre-là, il est très intéressant parce que justement, ce sont des témoignages de villes, souvent plutôt des villages, des petites communes dans lesquelles on a décidé de pas faire, on va dire comme avant, si je peux me permettre, ou en tout cas de pas, encore une fois je réutilise ce mot-là, pas avoir un conseil municipal ou des élus qui se mettent en position de sachant. Et ça, je pense que c'est vraiment l'essentiel. Et c'est peut-être aussi parfois ce qui a posé des difficultés. dans le conseil municipal actuel ou même je pense encore demain. C'est cette difficulté de se mettre un peu plus en retrait.

  • Bérénice d'Holomea

    En fait du coup, tu vas nous expliquer un peu plus ce que c'est que la démocratie coopérative, mais en tout cas de ce que je comprends du contexte que tu viens de poser. c'est qu'au-delà de marquer un changement dans la manière de gérer la municipalité, etc., c'est aussi un changement de paradigme de la posture qu'on a en venant en tant qu'élu prendre des décisions pour le reste du village.

  • Marie Muret-Morin

    C'est exactement ça. Je vais commencer par répondre à cette deuxième remarque et après je reviendrai sur cette définition de la démocratie coopérative. Quand vous êtes élu, comme nous on l'a été, et qu'on prend le relais d'une municipalité qui a duré une vingtaine d'années. Il y a des choix qui ont été faits pendant une vingtaine d'années. On est élu sur un programme, c'est ce qu'on souhaite faire du village. Sauf que c'est comme toute personne qui arrive en achetant une maison. La maison, elle vient avec ses fondations, avec son histoire. Et donc il y a peut-être des travaux à faire qui n'étaient pas prévus au départ, au moment de l'achat, des urgences qu'on n'avait pas identifiées. Quand tu achètes une maison qui a déjà du vécu... Il y a ce que tu vois quand tu achètes et puis il y a la réalité potentiellement. L'électricité, elle n'est pas tout à fait aux normes. Heureusement, on a quand même quelques diagnostics aujourd'hui. Dans les mairies, tu n'as pas ça. Et donc, quand tu arrives, on te donne des gros dossiers. On te dit par exemple, il y a une fuite dans le tel bâtiment municipal. Il faut absolument trouver, je dis n'importe quoi, 50 000 euros pour refaire la toiture. Et encore, je suis gentille, je pense avec 50 000 euros. Et ça, ce n'est pas dans ton programme.

  • Bérénice d'Holomea

    Et surtout que c'est normal d'avoir un plan co-construit avec des grandes idées sur qu'est-ce que je vais pouvoir faire dans les X années qui me sont données. Mais effectivement, après il y a les aléas du quotidien, les imprévus, le contexte, les gens. Donc forcément, tout évolue.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je rajouterais qu'en termes d'aléas, je leur tire mon chapeau. Parce qu'il faut quand même expliquer à nos auditeurs que moi j'ai fait le choix il y a quelques années de démissionner de mon poste. J'expliquerai. un petit peu après pourquoi j'ai démissionné de mon poste. Mais donc, mes amis, mon équipe, est toujours en place. Et là, ils ont dû faire face aux inondations.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, il y avait beaucoup d'impact dans la région, c'est ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Oui, on a eu pas mal de personnes qui ont été inondées. Certaines ont dû quitter leur logement. Donc ça, il faut imaginer que nous, on est une petite commune où il y a 1500, 1600 habitants. Donc ce que ça signifie, c'est quoi ? Ce sont des élus qui passent le week-end. à se relayer pour avoir assuré un standard téléphonique avec les pompiers, la Croix-Rouge, etc. Ce sont des élus qui ne sont pas payés. Il faut vraiment prendre conscience de ça. C'est du bénévolat sur cette taille de commune. Alors pas tous les élus. En tout cas, la majorité d'élus n'ont pas de rémunération et qui se relaient jour, nuit, pour pouvoir répondre aux concitoyens qui se retrouvent sans rien. Et on espère que ça ne va pas se reproduire, mais avec les enjeux actuels de réchauffement climatique. Oui, oui.

  • Bérénice d'Holomea

    De toute façon, là, c'est justement comment s'adapter dans ces situations qui vont être de plus en plus extrêmes et de plus en plus fréquentes potentiellement.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce que, du coup, tu peux nous expliquer qu'est-ce que c'est, en fait, une démocratie coopérative ? Effectivement, je pense qu'il y a peut-être plusieurs personnes qui nous écoutent qui ont déjà entendu parler de démocratie participative. Mais voilà, est-ce que tu peux nous donner un peu, nous définir cette notion et nous dire qu'est-ce que c'est et en quoi c'est différent de la participative ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je vais vous expliquer ce que nous, on a mis en place dans notre commune. La distinction qu'on y fait en termes de démocratie participative et coopérative, c'est vraiment lié à la place du concitoyen dans le choix de ce qui va être réalisé. C'est-à-dire que dans une démocratie participative, on va demander l'avis des concitoyens, on va animer des ateliers, on va peut-être même écrire un projet ensemble, mais il n'y a rien qui assure le fait que ce projet qui a été écrit ensemble soit présenté au conseil municipal pour un vote. Ça, c'est, dans certaines communes, ce qui est décrit comme la démocratie participative, c'est-à-dire que le concitoyen participe. Nous, dans la démocratie coopérative, c'est vraiment une coopération élu et concitoyen. Donc ça veut dire que les projets qui sont co-construits sont systématiquement proposés au vote en conseil municipal. Alors évidemment, ça ne se fait pas comme ça. Il y a un cadre. Déjà, la première chose que nous, on a fait, c'est qu'on a écrit une charte de la démocratie coopérative. Et dans cette charte, entre autres, il est défini que les comités qui ont été mis en place, eh bien, il y ait plus de citoyens que d'élus dans ces comités. Et ça, c'est important, parce que ce n'est pas forcément le cas. Et très souvent, on va retrouver dans des comités liés à des communes plus ou moins grandes, une majorité d'élus. Comme ça... entre guillemets, les idées des élus sont en majorité.

  • Bérénice d'Holomea

    Juste une petite précision de vocabulaire, les comités qui sont formés, c'est par projet par exemple ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est par thème. C'est-à-dire que... Il y a très régulièrement, on va retrouver un comité urbanisation. C'est s'il y a des demandes de permis de construire. Voilà, ça peut être voté par le comité ou évalué par le comité. Donc ça, c'est des comités qui sont très fréquents. On peut avoir un comité lié à la finance. Et puis après, il y a des comités, chaque mairie décide du comité qui met en place ou pas. Donc nous, on a un comité développement durable, par exemple. On a un comité vie du village. dont le rôle c'est d'organiser chaque année certains événements très ponctuels dans le village, comme le marché de Noël ou la fête du village, pour qu'il y ait une animation régulière. Même si on a des associations qui sont très très présentes, ça assure qu'il y ait ce rendez-vous annuel.

  • Bérénice d'Holomea

    Et alors du coup, comment vous faites pour engager les citoyens dans ces comités-là ? Parce que moi j'ai l'impression que si j'avais envie de m'engager dans un comité, j'aurais... peut-être besoin de passer par la case être élu. Et en fait, là, du coup, ça renverse un peu. En fait, on peut s'investir, peu importe, finalement, si on est élu, pas élu, habitant, mais depuis combien de temps. Quels sont un peu les critères et comment donner envie aux citoyens de participer au comité ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, c'est une bonne question, parce que c'est un peu le pendant de ça. Nous, on a voulu créer plein de comités pour que les citoyens puissent s'engager. Très vite. on retrouve des citoyens qui s'engagent, qu'on retrouve déjà dans les associations, qui étaient déjà potentiellement d'anciens élus, ou qui faisaient partie des listes concurrentes au niveau des municipales. Ça, c'est le premier point. Aucun souci, sauf que quand on voit le nombre de comités qu'on a, il y a un moment où il faut aussi qu'il y ait d'autres personnes qui viennent. Et ça, c'est la difficulté que nous, on a eue. Concernant ta question, est-ce qu'il y a un... entre guillemets des règles à respecter ? Est-ce qu'il faut rentrer dans des cases ? Absolument pas. Mais c'est ce qui va freiner certains à répondre à l'appel. Nous, on fait des appels dans le journal, on a un journal municipal, on utilise un outil aussi qui s'appelle Illiwap, qui permet de pousser de l'information auprès des Cernésiens. On va faire des appels, réunions d'informations, ou si vous êtes intéressé par tel sujet, envoyez-nous un mail, etc. Et puis, on va voir le nombre de personnes qui vont répondre. Il y a des sujets qui parlent plus. Il y a des sujets sur lesquels on va retrouver plus de personnes qui vont être engagées que d'autres. Par exemple, nous, on a fait tout un comité sur la notion de cantine. Pour nous, pour un petit village, c'est énorme la notion de cantine parce que c'est un marché. On repasse tous les quatre ans. Je vous dis ça de mémoire, je ne veux pas dire de bêtises. Et quand on veut faire avancer les choses pour la cantine, c'est là où on peut mettre des règles en place. Mais ça veut dire qu'il faut réfléchir à comment se passe la cantine à l'école. Nous, on a une école avec quatre classes, donc en plus, il y a des doubles niveaux. Et cette cantine, en plus, elle nourrit une partie des personnes âgées de mon village, pour les personnes qui ne sont pas en capacité de faire à manger. Quand on a fait l'appel, on a eu une dizaine de personnes qui ont répondu. Donc là, c'est intéressant, on peut vraiment co-construire. On était deux élus, donc moi et puis l'adjointe responsable de la scolarité, jeunesse scolarité. Donc aucun problème, on a pu vraiment bien travailler. Par contre, sur la notion de sécurité, ça a été extrêmement difficile. On vit dans un endroit extrêmement privilégié, il n'y a pas d'insécurité. Par contre, il y a des problèmes de sécurité routière. Parce que le village est traversé par une rue, et cette rue, elle est vraiment passante. Elle permet d'aller de Chevreuse à Rambouillet, donc il y a beaucoup de gens qui y passent. Et certains ne font pas vraiment attention, les enfants traversent, il y a pas mal de monde. Il y a des vraies questions, mais ce n'est pas la priorité. Quand on a une journée bien remplie, on ne se dit pas le soir, oui, je vais m'engager et je vais parler de sécurité routière pendant deux heures, de 20 heures à 22 heures. C'est difficile.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc du coup, je dirais qu'en fait, selon les comités, selon les sujets, il y en a où c'est plus facile d'aller recruter si c'est un sujet qui va toucher du monde ou susciter de l'intérêt. Et il y en a d'autres où du coup, il y a peut-être moins de participation. Mais dans ce cas, est-ce que si par exemple, vous n'arrivez pas à avoir un comité qui a plus de citoyens que d'élus, est-ce que vous... fermer ce comité temporairement ? Comment vous gérez aussi, du coup, cette variabilité entre les investissements sur différents sujets ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, nous, dans notre choix, c'était de dire si on peut faire de la co-construction, on en fait. Maintenant, si on n'a pas les ressources humaines pour le faire, eh bien, on va faire avec ce qu'on a, c'est-à-dire nos élus. Donc, en général, quand il n'y a pas au premier appel suffisamment de réponses positives, on va essayer d'aller... par nos moyens, parce qu'on se connaît un peu tous quand même, aller chercher des gens qui se motivent sur ce sujet-là. Si vraiment on trouve qu'il n'y a pas suffisamment de personnes, dans ces cas-là, aucun problème, eh bien on ne crée pas de comité spécifique. et on va gérer le sujet entre élus, et on va communiquer dessus.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc ça donne l'opportunité, quand il y a un investissement, de pouvoir co-construire et proposer des projets avec les citoyens, et sinon de passer dans un fonctionnement plus classique finalement d'un conseil municipal.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement, et en fait tu as deux types de comités. Le premier c'est le comité qui va être toujours là, comme le comité développement durable, il est toujours là, on parlait du comité urbanisme tout à l'heure. On va avoir un comité senior, je crois qu'il s'appelle senior, je ne veux pas dire de bêtises. Voilà, en tout cas pour les personnes âgées, ces comités, ils sont toujours là. Et puis, tu vas avoir des comités qui vont se créer de manière très ponctuelle autour d'un sujet. Je vous ai parlé de la cantine tout à l'heure. On a eu un sujet autour du cimetière. Là, on a un sujet qui va arriver, je dis, j'expliquerai, parce qu'on m'a demandé conseil autour de ce sujet-là, autour d'un tiers-lieu. On veut créer un tiers-lieu, il y a un espace qui s'est libéré, et on aimerait bien créer un espace qui répond aux besoins des concitoyens. Donc là, on va faire un comité ponctuel pour répondre à ce besoin-là.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce qu'on peut essayer de se projeter dans ce fonctionnement-là ? Est-ce que tu peux nous expliquer, avec un exemple, celui que tu veux, qu'est-ce que ça fait d'être un citoyen impliqué dans un comité ? Comment ça se déroule ? des ateliers, des phases ? Si tu peux nous emmener un peu dans les coulisses.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, quand on est un citoyen impliqué et qu'on est un membre de comité, la première phase, c'est toujours la même. C'est de dire pourquoi on est là, qu'est-ce qui nous anime, pourquoi on a décidé de s'engager, pour que tout le monde comprenne bien ce qui est le plus important pour nous, pour qu'on ne le mette pas de côté. Parce que quelqu'un qui s'engage, encore une fois, c'est bénévole. C'est du temps qui ne passe pas avec sa famille ou à faire d'autres choses. Donc il est important qu'il soit entendu. Une fois que ça s'est fait, que la personne a pu vraiment exprimer ses attentes, ses besoins, il y a une phase, je vais utiliser un mot de prof, d'acculturation, où là on va partager de la connaissance. Parce qu'il y a des règles en mairie, typiquement je reprends la cantine, quand on fait un appel d'offres, il y a des règles. On ne peut pas demander tout et n'importe quoi. Donc il faut qu'on ait connaissance de ces règles. Si je reste sur la cantine, il y avait aussi une méconnaissance de la part des parents qui ont participé au comité, puisque leur vision de la cantine était uniquement le retour de leurs enfants. Et donc on a vu avec la personne en charge de la cantine, on lui a demandé « est-ce que tu serais d'accord pour qu'il y ait des parents qui viennent observer pour se rendre compte de la réalité, avant même qu'on réfléchisse à ce qu'on pourra écrire dans le cahier des charges, dans l'appel d'offres ? » Et elle a accepté. Et donc, on a eu, je ne sais plus, je crois que c'est quatre ou cinq parents. Alors, c'était que des mamans. Quatre ou cinq mamans qui sont venues. Et dans le discours, il y a vraiment eu un avant-après. C'est-à-dire qu'avant, c'était toujours des « Ah oui, mais il faudrait faire ci, il faudrait faire ça, etc. » Puis une fois qu'on a planté le décor de « Voilà la réalité, à partir de ça, qu'est-ce qu'on fait ? » Le discours a été très différent.

  • Bérénice d'Holomea

    Et ça, je pense effectivement que c'est une phase qui est très importante dans beaucoup de quotidiens professionnels. C'est toujours plus facile de dire « y'a qu'a, faut qu'on » quand on ne sait pas exactement ce qui se passe. Et une fois qu'on est allé visiter et se rendre compte des contraintes du terrain, on se rend compte qu'en fait, des fois, il faut prendre en compte vraiment tout ce qui existe pour pouvoir proposer une solution pertinente.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et si je peux finir sur cet exemple-là, ce qui était intéressant, c'est qu'après, nous, parents élus, on a défini, on a co-construit cette... cet appel d'offres, mais avant de le signer définitivement, on a vraiment échangé, on a fini l'exercice de co-construction avec la personne en charge de la cantine. Alors, c'était pas mon souhait, mon souhait ça aurait été de l'inclure dès le début, mais encore une fois on fait avec ce qu'on a et cette personne elle est rémunérée. Si elle avait malheureusement dû être rémunérée sur toutes les heures d'échanges qu'on a eues en comité, la mairie est une petite mairie, elle n'avait pas les moyens de lui payer ses heures supplats. Puis je sais pas si elle aurait accepté ça, je lui ai pas demandé. Mais c'était important quand même qu'à un moment, elle soit incluse, évidemment, pour nous dire, on va dans la bonne direction, c'est possible. Ou au contraire, ben non, là, ce que vous me demandez, c'est impossible. Je vous donne un exemple. Moi, ce que je voulais, c'est vraiment qu'on réduise les emballages. Donc, arrêter le petit carré de fromage frais dans un emballage individuel. Enfin, voilà. Ce qu'on peut supprimer, en tout cas qu'on le supprime. Et elle... C'est elle qui m'a dit « Mais il n'y a pas de problème Marie, on peut récupérer la meule et moi je coupe. » Je lui dis « Ah bon, c'est pas trop pour toi en termes de charge ? » j'ai fait non, franchement, ça c'est faisable. Par contre, d'autres choses, c'est pas possible. Ok, y'a pas de problème. C'est vraiment cet échange qui fait qu'on va pouvoir créer un projet qui va être à la fois pertinent par rapport à ses objectifs, correspondre à des besoins, et puis en plus, pas être une plaie pour ceux qui doivent le mettre en place. Ça, c'est exactement ce qui s'est passé aussi pour le cimetière, mais c'est un autre sujet.

  • Bérénice d'Holomea

    Tu pourras nous parler peut-être des difficultés rencontrées à un moment, je pense que ce sera intéressant de l'aborder. effectivement ce que ça m'évoque c'est l'aspect systémique sur des sujets comme ça de transition ou de changement qui sont des sujets transverses qui vont souvent impliquer beaucoup de parties prenantes et du coup la notion de coopération et de collectif elle aide aussi à s'approprier cette systémie et à se dire en fait quand on est plusieurs à travailler sur un sujet de bien comprendre tous les tenants et aboutissants souvent je trouve que ça améliore aussi la prise de décision et la pertinence des choix qui vont être faits. Oui,

  • Marie Muret-Morin

    c'est vraiment ça. Je trouve que, en tout cas dans mon village, et même moi avant d'être élue, on voyait la mairie et les équipes municipales comme pourvoyeurs de services. Puis après, quand on se rend compte du quotidien, eh bien là, on se dit qu'il faut peut-être améliorer eux leur quotidien parce qu'ils ne peuvent pas assurer un service si on ne ne leur donne pas les moyens de le faire. Et moi, je pars toujours du principe que les personnes qui sont les premières concernées, c'est elles qui ont les meilleures idées, parce qu'elles savent la réalité. Donc moi, en tant qu'élue, qu'est-ce que je sais du quotidien d'un agent municipal qui passe sa journée dehors, dans le froid ou l'été, en pleine canicule, à entretenir les chemins, à nettoyer, à réparer, à peindre ? Je ne sais pas, parce que ce n'est pas mon quotidien à moi. Donc de la même manière que... Je ne sais pas ce que vit une personne qui, elle, habite peut-être dans la résidence à côté, qui est à la retraite, qui a potentiellement une mobilité réduite. Je ne sais pas ce que c'est que de vivre dans un petit village où il y a des commerces, mais il n'y a pas de supermarché. Il y a des médecins, mais il n'y a pas de spécialistes. Il y a des enjeux quand même qui sont liés à ça.

  • Bérénice d'Holomea

    ouais ouais c'est sûr que c'est des enjeux en plus de vie qui concernent tout le monde et ouais ouais c'est Pas facile à concilier. Et donc, là, on a parlé un peu des avantages, enfin, en tout cas, un des avantages qui est avoir une meilleure vision, une pertinence, etc. Tu parlais tout à l'heure d'exemples un peu plus, comment dire, tendus ou tensionnels, je ne sais pas comment le nommer. Mais quelles sont, du coup, les difficultés ou les points un peu plus bloquants dans ce type de fonctionnement ? collectif, le fonctionnement démocratique.

  • Marie Muret-Morin

    Le point le plus bloquant pour moi, ça a été convaincre les élus qui parfois sont un peu réticents ou parce que eux ont un poste à responsabilité dans leur entreprise, leur quotidien, et bien ils ont du mal à se dire oui on va co-construire, on va pas juste prendre la décision en fonction des informations qu'on a. mais on va se laisser la possibilité d'aller dans une direction qu'on n'avait pas identifiée. Et je mets vraiment le doigt sur ce point-là, parce que moi, au sein de mon comité, il y a beaucoup de gens qui ont des responsabilités dans la vie, dans leur vie professionnelle. C'est là où on voit aussi les habitudes qu'ils ont au travail. Ça a été une vraie difficulté pour moi, parce que moi, j'ai connu ça, quand je travaillais dans l'informatique. Et je m'en suis complètement détachée parce que je ne veux plus revoir ça. Pour moi, ça ne fonctionnait pas, en tout cas. Quand je dis vraiment pour moi, c'est à titre personnel. Donc quand je me retrouvais avec des comités qui se remettaient à fonctionner, avec un élu qui est assez directif et qui n'est pas toujours à l'écoute de ce que vont dire les personnes qui sont dans le comité, j'avais beaucoup, beaucoup de mal. Ça, on va dire que c'est le premier point. Donc en fait, la première étape, c'est que j'ai fait un atelier, un World Café. avec les élus, et on a travaillé autour de la charte. En fait, on a co-construit la charte entre élus, pour qu'ils découvrent déjà le principe des ateliers d'intelligence collective, de co-construction. Et puis, j'avais fait des petites bonnes pratiques, j'ai fait des petites clés de succès, et dedans, il y avait bien l'importance de mettre un cadre. Parce que certains, encore aujourd'hui je pense, ont très peur de... du citoyen qui va râler plus fort que les autres et du coup qui va imposer sa vision dans un comité. Et moi j'explique bien que le principe en intelligence collective, c'est qu'on met un cadre de confiance, que tout le monde valide, donc à partir de ce moment-là, s'il y en a un qui ne le respecte pas... les autres ont tout à fait le droit, c'est même leur rôle, de dire « Ah bah non, là, on n'est pas dans le cadre » .

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, les limites servent aussi à protéger le collectif.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et ça, pour certaines personnes, c'est difficile à intégrer. Du coup, on se retrouvait avec des comités, avec un élu, qui préparait beaucoup de choses en amont. Mais oui, mais si tu prépares la solution, le comité, il va juste dire oui ou non, mais il ne va pas co-construire. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai pas encore complètement réussi à faire passer. Alors, j'espère que la personne qui a pris le relais n'a pas lâché l'affaire. Je pense que c'est aussi une question de caractère, une question de vécu. Il y a plein, plein de choses qui viennent se jouer à ce moment-là. Mais on s'est retrouvés dans des situations parfois un peu surprenantes. Je vais donner un exemple. Donc moi, je faisais partie d'un comité, je faisais un peu partie de tous les comités, du coup, mais en particulier le comité communication. Et on se dit, la communication, elle n'est pas forcément très, très bonne. Il y a un journal papier. Est-ce qu'on reste sur du papier ? Est-ce que c'est pertinent ? Enfin voilà, on se pose plein de questions. Et on se rend compte qu'il y a plein d'infos qu'on n'a pas en tant qu'habitant du village. Et donc, on aimerait améliorer ça. Le comité est composé à majorité de non-élus. On co-construit. Et donc, moi, j'anime l'atelier de co-construction. On fait plusieurs ateliers, mais on arrive vraiment à une solution qui est intéressante de se dire, on va faire... Alors nous, chez nous, ça s'appelle les brèves. On va faire des brèves mensuelles beaucoup plus courtes. qui vont être en ligne pour la majorité des gens. Et puis pour les personnes qui n'ont pas accès à Internet, je pense surtout à nos anciens pour certains, eh bien, ils vont pouvoir le recevoir, continuer à le recevoir en papier, il n'y a pas de souci. Par contre, donc on réduit la taille des brèves. Par contre, à côté de ça, on va faire un trimestriel ou un semestriel papier qu'on va distribuer dans toutes les boîtes aux lettres. Et c'est vraiment, ça va nous permettre de revenir sur... les temps forts, les projets, de faire vraiment un point de voilà ce qui s'est passé sur les six derniers mois dans notre village. J'ai animé cette réunion, on était tous d'accord, sauf qu'en fait ce qui s'est passé, c'est que dans la tête de certains élus, parce que j'ai animé la réunion, c'était mon projet. Et quand après il a fallu le mettre en place, et moi c'était un moment où professionnellement parlant, j'avais énormément, énormément de travail, j'étais vraiment sous l'eau. Et donc j'ai pas pu me libérer pour travailler sur ce projet-là. Et ça m'a été reproché. Et je pense avec le recul que le reproche était dans la logique de cette personne-là tout à fait pertinente, puisque comme j'avais animé la réunion pour cette personne-là, j'étais, je mets des guillemets, « chef de projet » . Or non, j'étais que facilitatrice. Donc je pense qu'il y a vraiment cette méconnaissance. J'ai eu beau le dire et le redire. Deux, c'est toi qui as animé, donc c'est toi qui deviens responsable du projet. Et donc si j'avais écouté ça, j'aurais été responsable de beaucoup, beaucoup de projets, à force d'animer des réunions. Donc la peur, la méconnaissance, et le dernier point, qui a été difficile pour moi à entendre, mais c'est la réalité, encore une fois, c'est que dans le cadre de confiance, moi je mets toujours la notion de bienveillance. Je mets toujours quatre règles, l'écoute, la confidentialité, la bienveillance, et parler en son jeu, pour que... on n'aille pas sur le « on est tous d'accord, on voit tous la même chose » . Non, il n'y a pas de « on » , c'est « moi » par rapport à ce que je sais et ce que je connais. Quand j'ai fait ce cadre de confiance-là avec les élus, j'ai un élu, à la fin, un ami, qui m'a dit « mais la bienveillance, Marie, franchement, oh là, c'est le temps des bisounours, quoi » . Ça m'a sidéré. Et je lui dis « bah oui, mais si tu le dis pas, tu peux pas l'attendre en face, tu peux pas l'exiger » . Non, mais Marie, franchement, je comprends pas, moi. Et là, vraiment, j'ai été sidérée parce que je me dis, cette personne-là, elle est un petit peu passée à côté de ce que je voulais exprimer. Donc là, je me suis dit, j'ai raté quelque chose. On y reviendra plus tard.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vrai que la bienveillance, c'est un mot aujourd'hui qui... qui à prendre avec des pincettes, j'ai l'impression, parce qu'on peut... tout justifié par « non, non, mais je te le dis en bienveillance » , et puis après, ils mettent des gros taquets, mais en bienveillance. Bien sûr, c'est très bienveillant. Et donc, à la fois, c'est extrêmement important pour faire ressentir aussi de la confiance aux personnes qui participent, pour qu'elles puissent s'exprimer, pour qu'elles puissent proposer des idées et se sentir légitimes aussi de participer. Et à la fois, je comprends la remarque un peu de dire non mais c'est bisounours, mais c'est toujours un équilibre à trouver finalement. Mais c'est vrai que moi je trouve que ce qui est intéressant dans ce que tu soulèves, c'est de dire en tant que facilitateur, facilitatrice, personne qui tient le champ du collectif, t'as besoin d'exprimer. les valeurs qui sont importantes pour toi, et tes points d'attention qui vont te servir de guide dans l'animation de tes sessions. Et donc effectivement, toi, quand tu arrives et que tu dis, voilà mes quatre piliers, ça te permet d'avoir ce cadre qui fait que quand il y a des débordements ou des choses comme ça, tu vas pouvoir aussi être attentive à ces aspects-là et du coup vraiment maintenir cette attention collective sur ces sujets.

  • Marie Muret-Morin

    Oui, alors je précise quand même que je n'impose pas. Comme c'est quelque chose que je fais souvent en cours avec les étudiants, c'est vrai que je leur dis voilà, moi j'ai ces quatre-là. Après, en général, que ce soit en atelier de co-construction ou en cours, il y a toujours la phase où je dis est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? Est-ce que c'est clair ? Parce que la confidentialité, c'est quelque chose qui peut surprendre. Tu viens de parler de confiance, mais en fait c'est ça. C'est-à-dire que si je n'ai pas de confidentialité, je ne peux pas assurer une confiance. J'explique, que ce soit en cours encore une fois ou en atelier, qu'à certains moments on peut avoir quelqu'un qui va se mettre à nu sur un sujet, qui va parler de son enfant malade ou de ce qu'il ou elle a vécu. Et pour qu'elle le fasse en toute sécurité, il faut absolument qu'il y ait cette confidentialité.

  • Bérénice d'Holomea

    En tout cas, je trouve que c'est assez intéressant et on arrive bien à se projeter dans ce que ça peut être et les sujets qui peuvent être traités de cette manière-là. Selon toi, en quoi est-ce que la démocratie coopérative aujourd'hui, elle permet ou ne permet pas de répondre au contexte de transition écologique et sociale, aux enjeux qui sont présents aujourd'hui ? Est-ce que, selon toi, c'est quelque chose qui gagnerait à être expérimenté dans d'autres villages, par exemple ? qui gagnerait à être plus connu, plus pratiqué ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors la réponse est oui, bien sûr. Je suis convaincue. Déjà, il faut se rendre compte que c'est quand même un fonctionnement qui existe en France. Alors, je ne suis pas du tout là pour faire de la politique, même si au final je me suis engagée. Mais quand on regarde la Convention citoyenne pour le climat, ça a été fait en intelligence collective. Et ce qui en est ressorti, on peut ne pas être d'accord, on peut critiquer, etc. Mais... Quand on regarde, on s'intéresse à la manière dont ça a été mené, ça a été mené de main de maître. Donc c'est quelque chose qui, au niveau du gouvernement, revient régulièrement. Après, ce qu'ils en font, ça c'est autre chose. Et je trouve ça extrêmement pertinent de se dire, pourquoi ça descend pas ? Parce qu'en fait, le citoyen, ce qu'il voit au quotidien, c'est pas forcément les actions du gouvernement, mais c'est ce que fait sa commune. C'est sur quelle route il va rouler ? Est-ce qu'il y a des bus pour mes enfants le matin ? Est-ce que mes impôts locaux vont augmenter ? Est-ce que j'ai de la lumière dans la rue pour rentrer chez moi le soir tard ? Est-ce que les déchets sont bien ramassés ? Ça, c'est le quotidien de chacun. Donc, ce qu'on voit le plus, c'est ce quotidien et ce que font ces élus de proximité. Et je fais une petite aparté, c'est un sacerdoce. C'est-à-dire que moi, j'ai une grande admiration pour toute l'équipe qui est restée en place, pour tous ceux qui, partout en France, relèvent ce défi, parce que c'est un vrai sacerdoce quand on est élu municipal, on est le premier rempart de l'État. Donc on va avoir cette image pour certains de nantis, alors que derrière, nous on sait que, surtout sur les petites communes, je l'ai déjà dit, c'est bénévole. Et c'est d'ailleurs pour ça en fait que moi j'ai arrêté. parce que je ne voyais pas mes enfants, j'avais des enfants en bas âge, que je travaillais parce que je suis à mon compte, donc si je ne travaille pas, je n'ai pas de rémunération. Il y a un moment, en fait, je n'arrivais pas à m'engager autant que j'aurais aimé l'être. Et comme je n'avais pas cette rémunération derrière, il y a un moment où il a fallu que je fasse un choix. Et donc, on est cette première rempart, cette espèce de notion de vous êtes élu, donc on va se faire avoir. Il y a quoi dans les finances ? Je suis sûre qu'ils volent de l'argent ou ils ne veulent pas aller dans la bonne direction. Il y a toujours cette peur, on va se méfier, cette méfiance. Et du coup, quand on est élu, on se retrouve du jour au lendemain avec cette méfiance. Alors qu'on en a beaucoup dans le groupe, au conseil municipal, qui ont été membres d'associations, présidents d'associations, bureaux d'associations. Et c'est un vrai changement. Parce qu'avant, on voyait des gens qui nous remerciaient. Ah, vous êtes bénévole, bravo, merci beaucoup pour votre engagement, pour le temps que vous y passez. Et puis quand on est élu, c'est... Ouais, non mais bon, on sait que vous nous dites pas tout, hein. Tu vois, c'est très, très surprenant.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, même dans la tête des citoyens, il y a une bascule qui se fait du moment que tu as le titre élu, en gros, à coller à ton nom. C'est fou.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. C'est un vrai sacerdoce. Moi, vraiment, encore une fois, ils ont toute ma reconnaissance, mon admiration. Il en faut. Et en même temps, il faut vraiment être engagé. Je me suis rendu compte que je n'ai pas du tout répondu à ta question. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    moi aussi. Je vais te la reposer. Pourquoi, selon toi, est-ce que c'est un levier de transition écologique et sociale ? Et si oui, pourquoi ? Et si non, pourquoi aussi ?

  • Marie Muret-Morin

    Je vais parler que dans ce que moi j'ai vécu avec ma commune. Je pense que ça peut aider. Ça peut aider à prendre conscience d'un certain nombre d'enjeux actuels, et surtout de manière globale, systémique, tu en as parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que malheureusement encore beaucoup dans la tête... de personnes qui ne sont pas sensibilisées réellement au sujet du développement durable, on ne voit que la facette écologique. Nous, ça nous permet aussi de mettre au cœur des discussions, des enjeux. On a parlé des seniors tout à l'heure. On a un CCAS, comme n'importe quelle mairie, une aide sociale. Il y a des gens qui ont des difficultés financières. On va avoir des familles monoparentales. On va avoir aussi une économie locale. On n'a pas parlé, ce n'est pas forcément le lieu, mais il y a une monnaie locale en Vallée de Chevreuse. Et donc, c'est aussi promouvoir ça, parce que nos commerçants, nos artisans locaux, ils font vivre le territoire. Donc, c'est comment on s'assure qu'ils puissent rester, qu'ils puissent continuer à travailler et à faire leurs bénéfices, à pouvoir perdurer. Et tout ça, c'est pas forcément quelque chose qu'on connaît si on travaille pas autour de sujets, qui me permet de rencontrer des gens qui ont un profil très différent du mien. Et c'est surtout ça que je trouve hyper intéressant avec la co-construction, c'est que je vais rencontrer des gens qui ont un profil extrêmement différent du mien, qui ont pas le même métier, qui n'ont pas le même quotidien que moi, pas le même âge, pas le même vécu, et donc ils vont avoir un point de vue extrêmement différent. C'est ce qui... aussi rend l'exercice parfois difficile. En développement durable, dans notre comité, c'est difficile. Ça a été difficile en tout cas, quand moi j'y étais, parce que l'élu, malgré son engagement, encore une fois, on était à distance parce qu'il y avait le Covid, je répète, il faut vraiment planter le décor, eh bien, il s'est retrouvé face à des gens qui avaient des profils très différents, et donc c'était pas évident d'arriver à laisser la parole à chacun et de prendre en compte un petit peu tous les sujets. Je pense que sincèrement, si je prends un peu de recul par rapport à mon expérience d'élu, pour moi c'est ce qui va nous sauver. Voilà. C'est pas magique. C'est-à-dire qu'il faut beaucoup de temps, il faut de l'abnégation, il faut sortir de sa vision égocentrée de moi, qu'est-ce que le collectif peut m'apporter, qu'est-ce que je peux en retirer, voilà. Et il faut arriver à avoir une vision complète, de commun. comme ils existaient avant, les communs, et comment on peut les animer pour tous. Pour moi, c'est ce qui peut nous sauver. Maintenant, malheureusement, quand je vois la direction que prend la société dans laquelle on vit, je me dis qu'on n'y va pas trop.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, je trouve que c'est intéressant d'aller voir des exemples tels que celui-ci, parce que c'est aussi un peu ce que tu partageais tout à l'heure, mais il y a pour moi une différence entre l'échelle qui est très médiatisé, qui est très suivi par la plupart des gens, et puis l'échelle de ce qui est vécu au quotidien. Et effectivement, des fois, on a tendance à regarder des choses qui nous dépassent complètement, des enjeux géopolitiques qui nous paraissent loin et complètement inaccessibles. Et des fois, je trouve que ça vaut le coup aussi de se recentrer sur ce qui nous concerne et ce qui nous touche particulièrement autour de nous. Et d'où l'intérêt de montrer des modèles tels que celui-ci pour dire « Regardez, ça existe. » Et même si la trajectoire à une échelle nationale ou internationale laisse un peu à l'abîme, on peut faire autrement et on peut modéliser autrement en local au moins. Après, évidemment, il y a toujours la question de la cohérence locale-globale. Mais je trouve que c'est un témoignage super intéressant pour essayer de fonctionner différemment. et je pense que justement j'ai l'impression que ce que tu partages c'est le fait que tu l'aies vécu dans ce contexte là, ça aide aussi à s'ouvrir d'autres manières de penser et peut-être dans d'autres contextes Tu disais tout à l'heure qu'il y avait des personnes qui travaillaient aussi dans des entreprises, etc., à côté de leur mission d'élu. Peut-être que, du coup, cette expérience-là leur a permis aussi peut-être de ramener dans leurs autres communautés des fonctionnements qu'ils ont pu expérimenter dans ce cadre-là. Ça,

  • Marie Muret-Morin

    ça serait le rêve. Ce que je voulais préciser, là je t'écoutais résumer tout ça, c'est qu'il y a, je pense, aussi une nécessité d'être patient. Est-ce qu'on peut se permettre la patience ? Ça, je ne sais pas. mais quand je discute avec claire et qu'elle me raconte des échanges avec d'autres maires, parce qu'il y a les communautés de communes, il y a des groupements, les maires se connaissent les uns avec les autres, ils travaillent régulièrement ensemble. Elle me dit que la vision que elle, je dis bien elle parce que c'est elle qui est vraiment à l'origine, et que le conseil municipal a eu concernant la démocratie coopérative, c'est pas une vision qui est partagée dans les villages autour, à part les Molières, j'ai donné comme exemple tout à l'heure, et c'est pas du tout partagé. Donc quand elle en parle, Elle a eu déjà des mères qui lui ont dit « Oh là là, non, ils nous ont élus, maintenant on travaille tranquille et on ne veut pas s'embêter » . Voilà. Évidemment, je vais un petit peu loin, je ne pense pas que ça a été dit comme ça, mais en tout cas, c'est l'idée derrière. Et souvent, quand on regarde, ce sont des personnes qui sont d'une autre génération, qui ont connu autre chose. Je pense que les choses évoluent beaucoup. C'est une manière de fonctionner qui est relativement nouvelle au niveau des collectivités. Donc je pense qu'il faut aussi accepter que... ça prend du temps parce que pour mettre en place de l'intelligence collective il faut aussi être convaincu que ça fonctionne et pour être convaincu il faut l'avoir expérimenté et puis surtout il faut aussi passer parfois par un peu de déconstruction aussi d'anciens modes de fonctionnement qui sont très innés et très bien construits depuis l'éducation et tout ça Et je pense que c'est pas facile aussi quand on a fait comme ça pendant longtemps et que c'est ça notre image de ce que c'est que la réussite ou la performance. Il y a besoin aussi de mettre en question ses convictions personnelles aussi pour expérimenter ça. Oui, c'est un vrai enjeu. Je repensais à une autre commune qui avait fait appel à moi pour, pareil, mettre en place de la co-construction. Ils y connaissaient rien. Claire leur avait parlé du fait que moi, je faisais ça au sein de la commune. Et donc on avait fait une petite réunion juste pour que je les guide. Et en fait, moi, c'est ce que je préfère faire. C'est-à-dire que je vais avoir un élu qui va être curieux parce qu'il l'a expérimenté, parce qu'il est convaincu, pour plein de raisons, qui va faire son petit bout de chemin au sein de son conseil municipal, auprès de son maire, pour essayer de convaincre, d'essayer autre chose, parce que c'est vraiment ce qui s'est passé. Et puis après, qui va s'ouvrir en se disant « Bon, maintenant c'est bon, on a le go, on essaye sur un sujet. qu'est-ce qu'on fait ? Et là, on regarde, il y a des outils qui existent, il y a des personnes qui peuvent nous accompagner. Et après, moi, en général, je suis en amont et on réfléchit ensemble. Tiens, on pourrait faire tel atelier, tel atelier. Je propose toujours mon aide. En général, je leur dis, allez-y d'abord. Et souvent, on a tellement discuté du sujet, on a tellement structuré les activités, les ateliers en amont, qu'en fait, après, ils me disent, écoute, je le fais et puis je reviens vers toi. Et ça a été fait dans... plein de domaines pour le sport, pour les seniors, pour... Je parle encore de ma commune, là. Le sport, les seniors, on a parlé du cimetière tout à l'heure. Là, pour le tiers-lieu, et moi, c'est ce qui me permet de voir que ça a vraiment fonctionné, même si je n'ai pas resté longtemps. C'est que j'ai des élus qui sont convaincus aujourd'hui. Ils ne connaissaient pas avant, ils ont testé, ils ont vu que ça marche, que c'est un vrai bénéfice pour tout le monde. et que du coup ils ont envie d'y aller. Et ça pour moi c'est une vraie réussite.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vraiment très inspirant en fait je trouve comme témoignage parce que ça fait toujours du bien je trouve de montrer en fait ce qui existe. Et tu disais tout à l'heure bah oui ça existe en France. Et voilà je trouve que c'est chouette de voir justement des personnes qui s'engagent et ça donne envie aussi d'aller s'intéresser à ce qui se passe autour de chez soi. Mais non merci énormément pour... pour nous avoir expliqué ce que c'est et concrètement ce que ça peut donner. C'était très enrichissant et très inspirant. Merci beaucoup.

  • Marie Muret-Morin

    Merci beaucoup de m'avoir invitée.

  • Bérénice d'Holomea

    En tant qu'élue dans le village de Cernay-la-Ville et en tant que responsable de la démocratie coopérative, Marie a été en charge de porter cette démarche de coopération dans les différentes actions menées par les élus. Son rôle était de faciliter la co-construction des projets pour qu'à la fois ils répondent aux réels besoins des habitants et à la fois que ça puisse favoriser l'adhésion des différentes parties prenantes impliquées dans le projet. Le but, l'ambition on va dire derrière tout ça, c'est vraiment de faire évoluer le village vers une certaine vision plus souhaitable, que ce soit pour les personnes qui vivent ou qui travaillent à Cerner-la-Vie. La démocratie coopérative, c'est une approche qui est vraiment basée sur la co-construction entre les élus et les citoyens, et dont les projets sont systématiquement présentés au conseil municipal, ce qui la différencie de la démocratie participative dans laquelle on va consulter. les citoyens, mais sans forcément que le projet soit présenté au conseil municipal et voté par les élus, etc. L'intérêt de cette démarche de la démocratie coopérative, il y en a plusieurs. Déjà, c'est la prise en compte des contraintes des parties prenantes qui sont impliquées dans les projets. On l'a vu notamment avec l'exemple de la cantine, mais de comprendre en fait les vrais enjeux et les vraies contraintes des personnes qui travaillent dans ces situations-là. Ça permet d'avoir une meilleure compréhension de la situation. Le deuxième intérêt, c'est qu'il y a aussi une meilleure prise en compte des besoins réels pour les bénéficiaires, c'est-à-dire de quoi ont vraiment besoin les habitants, quels sont en fait les besoins auxquels on est confronté tous les jours, et pas finalement des besoins qu'on suppose par rapport à nous, notre prisme, mais qui finalement ne prend pas vraiment en compte les attentes des personnes qui vont bénéficier de la solution. Tout ça, ça permet donc d'avoir une meilleure représentation aussi de tous les enjeux et avec un aspect vraiment de systémie, donc vraiment voir tous les liens de cause à effet, les conséquences, les externalités, etc. D'avoir cette représentation qui est complexe, c'est pas vraiment facile et donc le fait de fonctionner en démocratie coopérative, ça permet d'appréhender et d'avoir une meilleure représentation de son système, que ce soit sa commune ou plus largement. Tout ça permet d'avoir des réponses plus pertinentes, des décisions plus faciles à prendre, ou en tout cas avec une meilleure compréhension des enjeux, des prises de décisions plus éclairées et des solutions bien plus pertinentes. Comme dans toutes les approches, il y a également des difficultés, notamment le fait de faire évoluer les pratiques des personnes qui n'ont pas de décision. pas l'habitude de fonctionner de cette manière-là en démocratie coopérative, etc. C'est pas facile d'intégrer ces fonctionnements-là quand on a appris d'autres types de fonctionnements collectifs auparavant. Et donc, c'est tout à fait normal de développer les compétences de la coopération. On a fait un épisode à ce sujet d'ailleurs. Il peut y avoir de la peur, il peut y avoir de l'appréhension, de la méconnaissance aussi. Donc voilà, il y a vraiment ce paradigme aussi sur la manière de travailler avec d'autres personnes. Et puis comme on disait tout à l'heure, le côté vision systémique, c'est aussi quelque chose qui peut être un petit peu difficile à appréhender au départ. En tout cas, cette démarche, elle a vraiment son intérêt dans le contexte de transition écologique et sociale, déjà parce qu'elle permet d'avoir vraiment un rôle aussi, un pouvoir d'action sur des enjeux qui sont locaux, des enjeux de vie qui nous concernent directement à notre échelle. ça aide également à prendre conscience d'enjeux, à élargir sa vision, et pas seulement le voir sous un prisme écologique ou économique ou social, mais d'avoir vraiment ce triptyque. Et c'est vrai que du coup, le fait d'expérimenter peu à peu la vision systémique d'un sujet, que ce soit pour la cantine ou pour d'autres sujets, le fait de commencer petit à petit à se représenter les choses de manière systémique, ça aide pour tous les sujets qui sont complexes comme ceux de la transition écologique et sociale. Également, ça permet de s'ouvrir à rencontrer des personnes qui n'ont pas les mêmes points de vue, qui n'ont pas les mêmes expériences, qui ne sont pas des mêmes générations ou qui ont des vécus qui leur sont propres. Et ça, c'est pareil, ça a vraiment l'avantage d'aller ouvrir les manières de penser, de permettre aussi de peut-être faire évoluer sa posture, que ce soit par rapport au commun, par rapport au collectif, par rapport à comment on travaille ensemble, comment on... On débat ensemble, etc. Et c'est évidemment des choses qui sont hyper importantes sur des sujets comme la transition, où chacun va venir apporter sa perception d'une situation. Et donc je dirais finalement que cette démarche de démocratie coopérative, ça modélise et ça permet d'expérimenter une autre dynamique collective, surtout dans les villes et dans les villages. Et puis, comme je viens de le dire, là c'est Marie qui en témoigne, mais Je pense que pour en être pleinement convaincu et pour pouvoir le diffuser à plus grande échelle, l'important c'est aussi de pouvoir le vivre, de pouvoir l'expérimenter soi-même. Ça demande évidemment du temps et de l'engagement, mais on peut commencer sur des petits projets, sur des idées, sur des choses qui ont une petite importance à un certain moment si on n'a pas envie de prendre trop de risques. Et puis ensuite, on va dire ajouter des crans de manière itérative, que ce soit pour impliquer plus d'acteurs ou pour le faire sur un sujet de plus en plus important ou sur de plus en plus de sujets. Mais en tout cas, il y a des solutions qui existent aussi pour être accompagné dans ces processus-là. Marie partageait le fait qu'elle accompagne aussi d'autres groupes dans ces démarches-là. Retrouvez les épisodes de l'affluence une fois par mois. Ils forment un recueil de témoignages, de vécus liés aux transformations des fonctionnements collectifs qui vous permettra d'avoir des clés pour faire... évoluer à votre échelle votre environnement professionnel. Pour ne rater aucun épisode et pour faire grandir ce podcast, vous pouvez en parler autour de vous. Vous abonnez sur votre plateforme d'écoute préférée et nous laissez des étoiles si vous nous écoutez depuis Spotify ou Apple Podcast. Merci pour votre écoute et à bientôt pour un nouvel épisode de l'affluence.

Description

La Fluence, le podcast qui explore la coopération 🔎

Dans cet épisode de La Fluence, on reçoit Marie Muret-Morin, ingénieure du numérique reconvertie dans la formation en développement durable et intelligence collective, et ancienne élue responsable de la démocratie coopérative à Cernay-la-Ville.

À travers son témoignage, Marie nous plonge dans les coulisses d’un mode de gouvernance où habitants et élus travaillent main dans la main pour concevoir et mettre en œuvre des projets municipaux.

On découvre comment la co-construction change la posture des élus, renforce l’adhésion aux projets et permet de mieux répondre aux besoins réels de la communauté. Marie partage les succès, les écueils et les apprentissages tirés de cette expérience : mobiliser des citoyens, surmonter les résistances, accompagner la coopération, et ouvrir les visions grâce à la diversité des points de vue.

Un échange inspirant qui montre que des dynamiques collectives innovantes peuvent transformer nos territoires et devenir de puissants leviers face aux enjeux de transition écologique et sociale.


PS : cet épisode a été enregistré au mois de janvier 2025, lors de nos échanges sur les inondations nous faisons références aux événements climatiques de fin 2024.

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🌟 Les apprentissages à retenir de cet épisode :

  • Les bénéfices concrets de la démocratie coopérative : développer une meilleure compréhension des contraintes du terrain, prendre en compte des besoins réels, avoir une vision systémique des enjeux, impliquer les habitants.

  • Les conditions de réussite de cette démarche : un cadre clair (charte, règles de confiance), l’inclusion de profils divers, et la volonté d’expérimenter une autre dynamique.

  • Les principaux freins : des habitudes décisionnelles centralisées, peur de perdre le contrôle, méconnaissance des fonctionnements en intelligence collective.

  • L’intérêt stratégique pour la transition écologique et sociale : agir localement, élargir les perspectives et renforcer la résilience du territoire.


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Livre “Des Communes et des citoyens”, 2019, Yvan Lubraneski, Fanny Lacroix, Daniel Cueff, Jérôme Perdrix, Alain Lamour


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Transcription

  • Bérénice d'Holomea

    Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Bérénice, je travaille chez Holomea et je suis passionnée par la bio-inspiration et la manière dont fonctionnent les humains entre eux. Bienvenue sur la fluence, le podcast qui explore la coopération. Aujourd'hui, je rencontre Marie Muret-Morin. Ingénieure dans le domaine du numérique, elle s'est reconvertie dans la formation autour du développement durable et de l'intelligence collective, notamment pour les étudiants en post-bac. Dans cet épisode de l'Affluence, nous abordons la démocratie coopérative dont Marie était responsable lorsqu'elle était élue dans le village de Cernay-la-Ville. Bonjour Marie, bienvenue sur le podcast la Fluence qui explore la coopération. Aujourd'hui, je t'interview sur un sujet que je ne connaissais pas avant de te rencontrer, qui est la démocratie coopérative. Avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet, est-ce que tu peux te présenter, nous raconter d'où tu viens, ce que tu fais ?

  • Marie Muret-Morin

    Avant même de me présenter, merci beaucoup pour l'invitation, Bérenice. Je vais me présenter, je suis Marie Muret-Morin, je suis ingénieure de formation. Et puis après avoir passé dix ans dans l'informatique, le numérique, la gestion de projets, le management, je me suis reconvertie dans la formation spécialisée vraiment dans tout ce qui va être post-bac et auprès d'étudiants, ingénieurs, d'écoles de commerce, futurs RH, DRH, etc. Centré autour du développement durable, d'un côté, et puis l'autre côté, c'est les soft skills et en particulier l'intelligence collective. Et dans ce cadre-là, j'ai eu également la chance de pouvoir être élue avec un groupe de copains, on peut dire ça comme ça, dans mon village en 2020. Il faut imaginer que c'est quand même pleine crise du Covid, on a été élue et on n'a pas pu prendre notre place tout de suite. Et on a été élue dans l'idée que justement notre village pouvait être un village dans lequel il fait bon vivre et puis on peut co-construire. les projets avec les habitants et pas uniquement les élus qui se mettent en une position de sachant.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, moi, cette question d'être élu, je trouve que c'est vachement intéressant et j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a donné envie de t'engager à ce niveau-là ? Parce qu'on sait qu'aujourd'hui, il peut y avoir différents types d'engagement, que ce soit professionnel, associatif, politique, etc. Qu'est-ce qui, toi, t'a donné envie ? Comment tu t'es sentie de t'engager dans cette mission-là ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, ça s'est vraiment fait par hasard. C'est-à-dire que j'ai toujours été plutôt engagée d'un point de vue personnel. Donc, j'ai fait pas mal d'ateliers zéro déchet, par exemple. J'ai fait des échanges avec des amis, toujours au sein de ce petit village dans lequel j'habite. Et puis, au cours de conversation, je rencontre une personne qui s'appelle Claire Chéret, qui est aujourd'hui le maire de mon village, qui est, elle, élue. Elle n'est pas encore maire et on sympathise. Et après, elle fait appel à moi. Elle est encore une fois élue, mais elle se fait appel à moi au moment du grand débat. Et elle m'explique qu'ils sont en train de réfléchir au niveau du conseil municipal à mettre en place des événements, en tout cas déjà un événement d'échange avec les habitants de la commune. et qu'elle aimerait bien que je coanime cet événement-là avec une autre personne qui elle aussi est élue, mais qui a une vision un petit peu différente de la mienne. Et j'accepte. Et puis au final, ça ne se fait pas, parce qu'il n'y a pas la demande particulière, mais je reste dans un coin de sa tête. Et quand elle décide de monter sa liste pour les municipales, elle m'appelle. Et elle m'appelle au départ pas du tout sur l'aspect co-construction, intelligence collective, elle m'appelle pour mes connaissances en développement durable. Et donc je vais... co-construire avec elle et avec les autres futurs élus de la liste, un programme de développement durable. Ça commence comme ça. Sauf que, je vais expliquer deux, trois petites choses pour les gens qui ne savent pas comment ça fonctionne. Quand on va aux urnes pour élire un maire, en fait, en réalité on n'élit pas un maire, on élit une liste. Et c'est le premier en général de cette liste qui est élu. C'est lui qui va être maire. Et le deuxième va avoir le second rang au niveau entre guillemets, d'importance au sein du conseil municipal. Et donc, c'est le premier adjoint, etc. Donc, en fait, il y a vraiment, on va dire, un rang qui a une importance. Le maire est le premier sur la liste. Et puis après, ce ne sont que les adjoints. Une fois qu'on a passé tous les adjoints, on a les élus, on va dire, standards. Le problème, c'est qu'en France, et c'est une chose qui est positive, il faut qu'il y ait un homme, une femme, un homme, une femme, pour assurer l'égalité. Et dans notre cas, elle voulait un... c'est amusant à dire, mais c'est la réalité. Elle voulait un adjoint développement durable. Et le seul, on va dire, la seule place, le seul rang qui était disponible, il fallait forcément que ce soit un homme.

  • Bérénice d'Holomea

    L'ironie du sort.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je t'avoue que sur le moment, je ne l'ai pas très bien pris. Et puis après, voilà, on comprend. Moi, j'ai toute confiance en la personne qui a été élue à ce poste-là. C'est quelqu'un de très engagé. Et puis, voilà, il n'y a pas de souci sur ce principe. Mais du coup, avec Claire, on en a discuté. Et elle était vraiment convaincue par la nécessité de faire de la co-construction. Et celle-là, elle m'a dit, mais j'aimerais bien que tu aies ce rôle-là, en fait, d'être responsable de la démocratie coopérative. Il faut savoir qu'en parallèle, on avait décidé... de s'engager dans un pacte citoyen. Et pour cela, il fallait assurer, pas forcément une co-construction, mais en tout cas d'échanger régulièrement avec les citoyens et s'assurer qu'on répondait bien aux besoins réels des citoyens.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, j'allais te poser la question, quand tu dis qu'elle était persuadée et que c'était intéressant d'avoir la co-construction, etc. Pourquoi cette conviction ? Qu'est-ce qui a amené à ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est... C'est très lié aussi à son propre parcours à elle, c'est-à-dire qu'elle a été présidente d'association et elle a vécu le projet sur lequel elle a travaillé toute seule, d'arrache-pied, en ayant fait vraiment le maximum, où elle était convaincue. Et quand elle l'amène au bureau de son association, il y en a plein qui sont contre ou qui critiquent. Et elle a compris l'importance de prendre les avis et de co-construire parce qu'on a une vision. qui est quand même très ciblée au départ, c'est la nôtre, et elle peut différer évidemment de la vision des autres protagonistes en fonction du projet. Et donc par là, elle a compris qu'à la fois la co-construction, c'était important pour être sûre qu'on répond bien aux réels besoins, mais aussi pour l'adhésion au projet. Il y a vraiment ces deux facettes-là. Et donc à partir de cette expérience, puis après en tant qu'élue, elle était élue au niveau de la scolarité et la jeunesse, elle a bien vu la nécessité d'aller vers cette direction de co-construction. Je suis peut-être allée un peu trop loin sur la nécessité, c'est peut-être pas une nécessité, mais en tout cas l'intérêt d'y aller.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, nécessité relative, mais pour améliorer, on va dire, tout un tas de choses. Il y avait cette envie aussi de passer par ce mode-là plus inclusif et plus coopératif.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je pense qu'il y a aussi le fait que nous, on sortait d'une phase où le village avait eu le même maire pendant une vingtaine d'années. très compétent, mais ce n'était pas du tout le mode de fonctionnement, on était vraiment très très éloignés, de la précédente municipalité. Donc je pense qu'il y avait aussi cette volonté de la part de Claire de proposer quelque chose de nouveau. Il faut savoir que mon village, c'est un village qui est juste à côté de Rambouillet, Cernay-la-Ville, on peut peut-être le citer quand même. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    oui, je pense qu'on peut le citer.

  • Marie Muret-Morin

    Voilà, Cernay-la-Ville, je fais ma petite pub pour mon village, c'est là où vous trouvez l'abbaye des Vauds de Cernay, entre autres. dans le parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse. Et on est juste à côté d'une ville, un village qui s'appelle les Molières. Et les Molières sont vraiment connues pour avoir mis en place cette démocratie coopérative, participative. On pourra peut-être expliquer la distinction entre les deux un petit peu après. Donc avec les Molières, on a vu qu'un conseil municipal pouvait, je mets des guillemets, mais s'effacer. au profit d'un collectif citoyen qui, avec le bon cadre, pouvait vraiment faire germer des projets extrêmement pertinents et faire évoluer le village dans une direction souhaitée. C'est vraiment ça, en fait. Donc ça a inspiré. Ça a inspiré Claire, ça nous a inspirés tous, parce qu'on s'est tous retrouvés autour de ça. On a également pas mal échangé autour d'un livre qui s'appelle « Des communes et des citoyens » . Ce livre-là, il est très intéressant parce que justement, ce sont des témoignages de villes, souvent plutôt des villages, des petites communes dans lesquelles on a décidé de pas faire, on va dire comme avant, si je peux me permettre, ou en tout cas de pas, encore une fois je réutilise ce mot-là, pas avoir un conseil municipal ou des élus qui se mettent en position de sachant. Et ça, je pense que c'est vraiment l'essentiel. Et c'est peut-être aussi parfois ce qui a posé des difficultés. dans le conseil municipal actuel ou même je pense encore demain. C'est cette difficulté de se mettre un peu plus en retrait.

  • Bérénice d'Holomea

    En fait du coup, tu vas nous expliquer un peu plus ce que c'est que la démocratie coopérative, mais en tout cas de ce que je comprends du contexte que tu viens de poser. c'est qu'au-delà de marquer un changement dans la manière de gérer la municipalité, etc., c'est aussi un changement de paradigme de la posture qu'on a en venant en tant qu'élu prendre des décisions pour le reste du village.

  • Marie Muret-Morin

    C'est exactement ça. Je vais commencer par répondre à cette deuxième remarque et après je reviendrai sur cette définition de la démocratie coopérative. Quand vous êtes élu, comme nous on l'a été, et qu'on prend le relais d'une municipalité qui a duré une vingtaine d'années. Il y a des choix qui ont été faits pendant une vingtaine d'années. On est élu sur un programme, c'est ce qu'on souhaite faire du village. Sauf que c'est comme toute personne qui arrive en achetant une maison. La maison, elle vient avec ses fondations, avec son histoire. Et donc il y a peut-être des travaux à faire qui n'étaient pas prévus au départ, au moment de l'achat, des urgences qu'on n'avait pas identifiées. Quand tu achètes une maison qui a déjà du vécu... Il y a ce que tu vois quand tu achètes et puis il y a la réalité potentiellement. L'électricité, elle n'est pas tout à fait aux normes. Heureusement, on a quand même quelques diagnostics aujourd'hui. Dans les mairies, tu n'as pas ça. Et donc, quand tu arrives, on te donne des gros dossiers. On te dit par exemple, il y a une fuite dans le tel bâtiment municipal. Il faut absolument trouver, je dis n'importe quoi, 50 000 euros pour refaire la toiture. Et encore, je suis gentille, je pense avec 50 000 euros. Et ça, ce n'est pas dans ton programme.

  • Bérénice d'Holomea

    Et surtout que c'est normal d'avoir un plan co-construit avec des grandes idées sur qu'est-ce que je vais pouvoir faire dans les X années qui me sont données. Mais effectivement, après il y a les aléas du quotidien, les imprévus, le contexte, les gens. Donc forcément, tout évolue.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je rajouterais qu'en termes d'aléas, je leur tire mon chapeau. Parce qu'il faut quand même expliquer à nos auditeurs que moi j'ai fait le choix il y a quelques années de démissionner de mon poste. J'expliquerai. un petit peu après pourquoi j'ai démissionné de mon poste. Mais donc, mes amis, mon équipe, est toujours en place. Et là, ils ont dû faire face aux inondations.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, il y avait beaucoup d'impact dans la région, c'est ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Oui, on a eu pas mal de personnes qui ont été inondées. Certaines ont dû quitter leur logement. Donc ça, il faut imaginer que nous, on est une petite commune où il y a 1500, 1600 habitants. Donc ce que ça signifie, c'est quoi ? Ce sont des élus qui passent le week-end. à se relayer pour avoir assuré un standard téléphonique avec les pompiers, la Croix-Rouge, etc. Ce sont des élus qui ne sont pas payés. Il faut vraiment prendre conscience de ça. C'est du bénévolat sur cette taille de commune. Alors pas tous les élus. En tout cas, la majorité d'élus n'ont pas de rémunération et qui se relaient jour, nuit, pour pouvoir répondre aux concitoyens qui se retrouvent sans rien. Et on espère que ça ne va pas se reproduire, mais avec les enjeux actuels de réchauffement climatique. Oui, oui.

  • Bérénice d'Holomea

    De toute façon, là, c'est justement comment s'adapter dans ces situations qui vont être de plus en plus extrêmes et de plus en plus fréquentes potentiellement.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce que, du coup, tu peux nous expliquer qu'est-ce que c'est, en fait, une démocratie coopérative ? Effectivement, je pense qu'il y a peut-être plusieurs personnes qui nous écoutent qui ont déjà entendu parler de démocratie participative. Mais voilà, est-ce que tu peux nous donner un peu, nous définir cette notion et nous dire qu'est-ce que c'est et en quoi c'est différent de la participative ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je vais vous expliquer ce que nous, on a mis en place dans notre commune. La distinction qu'on y fait en termes de démocratie participative et coopérative, c'est vraiment lié à la place du concitoyen dans le choix de ce qui va être réalisé. C'est-à-dire que dans une démocratie participative, on va demander l'avis des concitoyens, on va animer des ateliers, on va peut-être même écrire un projet ensemble, mais il n'y a rien qui assure le fait que ce projet qui a été écrit ensemble soit présenté au conseil municipal pour un vote. Ça, c'est, dans certaines communes, ce qui est décrit comme la démocratie participative, c'est-à-dire que le concitoyen participe. Nous, dans la démocratie coopérative, c'est vraiment une coopération élu et concitoyen. Donc ça veut dire que les projets qui sont co-construits sont systématiquement proposés au vote en conseil municipal. Alors évidemment, ça ne se fait pas comme ça. Il y a un cadre. Déjà, la première chose que nous, on a fait, c'est qu'on a écrit une charte de la démocratie coopérative. Et dans cette charte, entre autres, il est défini que les comités qui ont été mis en place, eh bien, il y ait plus de citoyens que d'élus dans ces comités. Et ça, c'est important, parce que ce n'est pas forcément le cas. Et très souvent, on va retrouver dans des comités liés à des communes plus ou moins grandes, une majorité d'élus. Comme ça... entre guillemets, les idées des élus sont en majorité.

  • Bérénice d'Holomea

    Juste une petite précision de vocabulaire, les comités qui sont formés, c'est par projet par exemple ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est par thème. C'est-à-dire que... Il y a très régulièrement, on va retrouver un comité urbanisation. C'est s'il y a des demandes de permis de construire. Voilà, ça peut être voté par le comité ou évalué par le comité. Donc ça, c'est des comités qui sont très fréquents. On peut avoir un comité lié à la finance. Et puis après, il y a des comités, chaque mairie décide du comité qui met en place ou pas. Donc nous, on a un comité développement durable, par exemple. On a un comité vie du village. dont le rôle c'est d'organiser chaque année certains événements très ponctuels dans le village, comme le marché de Noël ou la fête du village, pour qu'il y ait une animation régulière. Même si on a des associations qui sont très très présentes, ça assure qu'il y ait ce rendez-vous annuel.

  • Bérénice d'Holomea

    Et alors du coup, comment vous faites pour engager les citoyens dans ces comités-là ? Parce que moi j'ai l'impression que si j'avais envie de m'engager dans un comité, j'aurais... peut-être besoin de passer par la case être élu. Et en fait, là, du coup, ça renverse un peu. En fait, on peut s'investir, peu importe, finalement, si on est élu, pas élu, habitant, mais depuis combien de temps. Quels sont un peu les critères et comment donner envie aux citoyens de participer au comité ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, c'est une bonne question, parce que c'est un peu le pendant de ça. Nous, on a voulu créer plein de comités pour que les citoyens puissent s'engager. Très vite. on retrouve des citoyens qui s'engagent, qu'on retrouve déjà dans les associations, qui étaient déjà potentiellement d'anciens élus, ou qui faisaient partie des listes concurrentes au niveau des municipales. Ça, c'est le premier point. Aucun souci, sauf que quand on voit le nombre de comités qu'on a, il y a un moment où il faut aussi qu'il y ait d'autres personnes qui viennent. Et ça, c'est la difficulté que nous, on a eue. Concernant ta question, est-ce qu'il y a un... entre guillemets des règles à respecter ? Est-ce qu'il faut rentrer dans des cases ? Absolument pas. Mais c'est ce qui va freiner certains à répondre à l'appel. Nous, on fait des appels dans le journal, on a un journal municipal, on utilise un outil aussi qui s'appelle Illiwap, qui permet de pousser de l'information auprès des Cernésiens. On va faire des appels, réunions d'informations, ou si vous êtes intéressé par tel sujet, envoyez-nous un mail, etc. Et puis, on va voir le nombre de personnes qui vont répondre. Il y a des sujets qui parlent plus. Il y a des sujets sur lesquels on va retrouver plus de personnes qui vont être engagées que d'autres. Par exemple, nous, on a fait tout un comité sur la notion de cantine. Pour nous, pour un petit village, c'est énorme la notion de cantine parce que c'est un marché. On repasse tous les quatre ans. Je vous dis ça de mémoire, je ne veux pas dire de bêtises. Et quand on veut faire avancer les choses pour la cantine, c'est là où on peut mettre des règles en place. Mais ça veut dire qu'il faut réfléchir à comment se passe la cantine à l'école. Nous, on a une école avec quatre classes, donc en plus, il y a des doubles niveaux. Et cette cantine, en plus, elle nourrit une partie des personnes âgées de mon village, pour les personnes qui ne sont pas en capacité de faire à manger. Quand on a fait l'appel, on a eu une dizaine de personnes qui ont répondu. Donc là, c'est intéressant, on peut vraiment co-construire. On était deux élus, donc moi et puis l'adjointe responsable de la scolarité, jeunesse scolarité. Donc aucun problème, on a pu vraiment bien travailler. Par contre, sur la notion de sécurité, ça a été extrêmement difficile. On vit dans un endroit extrêmement privilégié, il n'y a pas d'insécurité. Par contre, il y a des problèmes de sécurité routière. Parce que le village est traversé par une rue, et cette rue, elle est vraiment passante. Elle permet d'aller de Chevreuse à Rambouillet, donc il y a beaucoup de gens qui y passent. Et certains ne font pas vraiment attention, les enfants traversent, il y a pas mal de monde. Il y a des vraies questions, mais ce n'est pas la priorité. Quand on a une journée bien remplie, on ne se dit pas le soir, oui, je vais m'engager et je vais parler de sécurité routière pendant deux heures, de 20 heures à 22 heures. C'est difficile.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc du coup, je dirais qu'en fait, selon les comités, selon les sujets, il y en a où c'est plus facile d'aller recruter si c'est un sujet qui va toucher du monde ou susciter de l'intérêt. Et il y en a d'autres où du coup, il y a peut-être moins de participation. Mais dans ce cas, est-ce que si par exemple, vous n'arrivez pas à avoir un comité qui a plus de citoyens que d'élus, est-ce que vous... fermer ce comité temporairement ? Comment vous gérez aussi, du coup, cette variabilité entre les investissements sur différents sujets ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, nous, dans notre choix, c'était de dire si on peut faire de la co-construction, on en fait. Maintenant, si on n'a pas les ressources humaines pour le faire, eh bien, on va faire avec ce qu'on a, c'est-à-dire nos élus. Donc, en général, quand il n'y a pas au premier appel suffisamment de réponses positives, on va essayer d'aller... par nos moyens, parce qu'on se connaît un peu tous quand même, aller chercher des gens qui se motivent sur ce sujet-là. Si vraiment on trouve qu'il n'y a pas suffisamment de personnes, dans ces cas-là, aucun problème, eh bien on ne crée pas de comité spécifique. et on va gérer le sujet entre élus, et on va communiquer dessus.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc ça donne l'opportunité, quand il y a un investissement, de pouvoir co-construire et proposer des projets avec les citoyens, et sinon de passer dans un fonctionnement plus classique finalement d'un conseil municipal.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement, et en fait tu as deux types de comités. Le premier c'est le comité qui va être toujours là, comme le comité développement durable, il est toujours là, on parlait du comité urbanisme tout à l'heure. On va avoir un comité senior, je crois qu'il s'appelle senior, je ne veux pas dire de bêtises. Voilà, en tout cas pour les personnes âgées, ces comités, ils sont toujours là. Et puis, tu vas avoir des comités qui vont se créer de manière très ponctuelle autour d'un sujet. Je vous ai parlé de la cantine tout à l'heure. On a eu un sujet autour du cimetière. Là, on a un sujet qui va arriver, je dis, j'expliquerai, parce qu'on m'a demandé conseil autour de ce sujet-là, autour d'un tiers-lieu. On veut créer un tiers-lieu, il y a un espace qui s'est libéré, et on aimerait bien créer un espace qui répond aux besoins des concitoyens. Donc là, on va faire un comité ponctuel pour répondre à ce besoin-là.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce qu'on peut essayer de se projeter dans ce fonctionnement-là ? Est-ce que tu peux nous expliquer, avec un exemple, celui que tu veux, qu'est-ce que ça fait d'être un citoyen impliqué dans un comité ? Comment ça se déroule ? des ateliers, des phases ? Si tu peux nous emmener un peu dans les coulisses.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, quand on est un citoyen impliqué et qu'on est un membre de comité, la première phase, c'est toujours la même. C'est de dire pourquoi on est là, qu'est-ce qui nous anime, pourquoi on a décidé de s'engager, pour que tout le monde comprenne bien ce qui est le plus important pour nous, pour qu'on ne le mette pas de côté. Parce que quelqu'un qui s'engage, encore une fois, c'est bénévole. C'est du temps qui ne passe pas avec sa famille ou à faire d'autres choses. Donc il est important qu'il soit entendu. Une fois que ça s'est fait, que la personne a pu vraiment exprimer ses attentes, ses besoins, il y a une phase, je vais utiliser un mot de prof, d'acculturation, où là on va partager de la connaissance. Parce qu'il y a des règles en mairie, typiquement je reprends la cantine, quand on fait un appel d'offres, il y a des règles. On ne peut pas demander tout et n'importe quoi. Donc il faut qu'on ait connaissance de ces règles. Si je reste sur la cantine, il y avait aussi une méconnaissance de la part des parents qui ont participé au comité, puisque leur vision de la cantine était uniquement le retour de leurs enfants. Et donc on a vu avec la personne en charge de la cantine, on lui a demandé « est-ce que tu serais d'accord pour qu'il y ait des parents qui viennent observer pour se rendre compte de la réalité, avant même qu'on réfléchisse à ce qu'on pourra écrire dans le cahier des charges, dans l'appel d'offres ? » Et elle a accepté. Et donc, on a eu, je ne sais plus, je crois que c'est quatre ou cinq parents. Alors, c'était que des mamans. Quatre ou cinq mamans qui sont venues. Et dans le discours, il y a vraiment eu un avant-après. C'est-à-dire qu'avant, c'était toujours des « Ah oui, mais il faudrait faire ci, il faudrait faire ça, etc. » Puis une fois qu'on a planté le décor de « Voilà la réalité, à partir de ça, qu'est-ce qu'on fait ? » Le discours a été très différent.

  • Bérénice d'Holomea

    Et ça, je pense effectivement que c'est une phase qui est très importante dans beaucoup de quotidiens professionnels. C'est toujours plus facile de dire « y'a qu'a, faut qu'on » quand on ne sait pas exactement ce qui se passe. Et une fois qu'on est allé visiter et se rendre compte des contraintes du terrain, on se rend compte qu'en fait, des fois, il faut prendre en compte vraiment tout ce qui existe pour pouvoir proposer une solution pertinente.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et si je peux finir sur cet exemple-là, ce qui était intéressant, c'est qu'après, nous, parents élus, on a défini, on a co-construit cette... cet appel d'offres, mais avant de le signer définitivement, on a vraiment échangé, on a fini l'exercice de co-construction avec la personne en charge de la cantine. Alors, c'était pas mon souhait, mon souhait ça aurait été de l'inclure dès le début, mais encore une fois on fait avec ce qu'on a et cette personne elle est rémunérée. Si elle avait malheureusement dû être rémunérée sur toutes les heures d'échanges qu'on a eues en comité, la mairie est une petite mairie, elle n'avait pas les moyens de lui payer ses heures supplats. Puis je sais pas si elle aurait accepté ça, je lui ai pas demandé. Mais c'était important quand même qu'à un moment, elle soit incluse, évidemment, pour nous dire, on va dans la bonne direction, c'est possible. Ou au contraire, ben non, là, ce que vous me demandez, c'est impossible. Je vous donne un exemple. Moi, ce que je voulais, c'est vraiment qu'on réduise les emballages. Donc, arrêter le petit carré de fromage frais dans un emballage individuel. Enfin, voilà. Ce qu'on peut supprimer, en tout cas qu'on le supprime. Et elle... C'est elle qui m'a dit « Mais il n'y a pas de problème Marie, on peut récupérer la meule et moi je coupe. » Je lui dis « Ah bon, c'est pas trop pour toi en termes de charge ? » j'ai fait non, franchement, ça c'est faisable. Par contre, d'autres choses, c'est pas possible. Ok, y'a pas de problème. C'est vraiment cet échange qui fait qu'on va pouvoir créer un projet qui va être à la fois pertinent par rapport à ses objectifs, correspondre à des besoins, et puis en plus, pas être une plaie pour ceux qui doivent le mettre en place. Ça, c'est exactement ce qui s'est passé aussi pour le cimetière, mais c'est un autre sujet.

  • Bérénice d'Holomea

    Tu pourras nous parler peut-être des difficultés rencontrées à un moment, je pense que ce sera intéressant de l'aborder. effectivement ce que ça m'évoque c'est l'aspect systémique sur des sujets comme ça de transition ou de changement qui sont des sujets transverses qui vont souvent impliquer beaucoup de parties prenantes et du coup la notion de coopération et de collectif elle aide aussi à s'approprier cette systémie et à se dire en fait quand on est plusieurs à travailler sur un sujet de bien comprendre tous les tenants et aboutissants souvent je trouve que ça améliore aussi la prise de décision et la pertinence des choix qui vont être faits. Oui,

  • Marie Muret-Morin

    c'est vraiment ça. Je trouve que, en tout cas dans mon village, et même moi avant d'être élue, on voyait la mairie et les équipes municipales comme pourvoyeurs de services. Puis après, quand on se rend compte du quotidien, eh bien là, on se dit qu'il faut peut-être améliorer eux leur quotidien parce qu'ils ne peuvent pas assurer un service si on ne ne leur donne pas les moyens de le faire. Et moi, je pars toujours du principe que les personnes qui sont les premières concernées, c'est elles qui ont les meilleures idées, parce qu'elles savent la réalité. Donc moi, en tant qu'élue, qu'est-ce que je sais du quotidien d'un agent municipal qui passe sa journée dehors, dans le froid ou l'été, en pleine canicule, à entretenir les chemins, à nettoyer, à réparer, à peindre ? Je ne sais pas, parce que ce n'est pas mon quotidien à moi. Donc de la même manière que... Je ne sais pas ce que vit une personne qui, elle, habite peut-être dans la résidence à côté, qui est à la retraite, qui a potentiellement une mobilité réduite. Je ne sais pas ce que c'est que de vivre dans un petit village où il y a des commerces, mais il n'y a pas de supermarché. Il y a des médecins, mais il n'y a pas de spécialistes. Il y a des enjeux quand même qui sont liés à ça.

  • Bérénice d'Holomea

    ouais ouais c'est sûr que c'est des enjeux en plus de vie qui concernent tout le monde et ouais ouais c'est Pas facile à concilier. Et donc, là, on a parlé un peu des avantages, enfin, en tout cas, un des avantages qui est avoir une meilleure vision, une pertinence, etc. Tu parlais tout à l'heure d'exemples un peu plus, comment dire, tendus ou tensionnels, je ne sais pas comment le nommer. Mais quelles sont, du coup, les difficultés ou les points un peu plus bloquants dans ce type de fonctionnement ? collectif, le fonctionnement démocratique.

  • Marie Muret-Morin

    Le point le plus bloquant pour moi, ça a été convaincre les élus qui parfois sont un peu réticents ou parce que eux ont un poste à responsabilité dans leur entreprise, leur quotidien, et bien ils ont du mal à se dire oui on va co-construire, on va pas juste prendre la décision en fonction des informations qu'on a. mais on va se laisser la possibilité d'aller dans une direction qu'on n'avait pas identifiée. Et je mets vraiment le doigt sur ce point-là, parce que moi, au sein de mon comité, il y a beaucoup de gens qui ont des responsabilités dans la vie, dans leur vie professionnelle. C'est là où on voit aussi les habitudes qu'ils ont au travail. Ça a été une vraie difficulté pour moi, parce que moi, j'ai connu ça, quand je travaillais dans l'informatique. Et je m'en suis complètement détachée parce que je ne veux plus revoir ça. Pour moi, ça ne fonctionnait pas, en tout cas. Quand je dis vraiment pour moi, c'est à titre personnel. Donc quand je me retrouvais avec des comités qui se remettaient à fonctionner, avec un élu qui est assez directif et qui n'est pas toujours à l'écoute de ce que vont dire les personnes qui sont dans le comité, j'avais beaucoup, beaucoup de mal. Ça, on va dire que c'est le premier point. Donc en fait, la première étape, c'est que j'ai fait un atelier, un World Café. avec les élus, et on a travaillé autour de la charte. En fait, on a co-construit la charte entre élus, pour qu'ils découvrent déjà le principe des ateliers d'intelligence collective, de co-construction. Et puis, j'avais fait des petites bonnes pratiques, j'ai fait des petites clés de succès, et dedans, il y avait bien l'importance de mettre un cadre. Parce que certains, encore aujourd'hui je pense, ont très peur de... du citoyen qui va râler plus fort que les autres et du coup qui va imposer sa vision dans un comité. Et moi j'explique bien que le principe en intelligence collective, c'est qu'on met un cadre de confiance, que tout le monde valide, donc à partir de ce moment-là, s'il y en a un qui ne le respecte pas... les autres ont tout à fait le droit, c'est même leur rôle, de dire « Ah bah non, là, on n'est pas dans le cadre » .

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, les limites servent aussi à protéger le collectif.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et ça, pour certaines personnes, c'est difficile à intégrer. Du coup, on se retrouvait avec des comités, avec un élu, qui préparait beaucoup de choses en amont. Mais oui, mais si tu prépares la solution, le comité, il va juste dire oui ou non, mais il ne va pas co-construire. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai pas encore complètement réussi à faire passer. Alors, j'espère que la personne qui a pris le relais n'a pas lâché l'affaire. Je pense que c'est aussi une question de caractère, une question de vécu. Il y a plein, plein de choses qui viennent se jouer à ce moment-là. Mais on s'est retrouvés dans des situations parfois un peu surprenantes. Je vais donner un exemple. Donc moi, je faisais partie d'un comité, je faisais un peu partie de tous les comités, du coup, mais en particulier le comité communication. Et on se dit, la communication, elle n'est pas forcément très, très bonne. Il y a un journal papier. Est-ce qu'on reste sur du papier ? Est-ce que c'est pertinent ? Enfin voilà, on se pose plein de questions. Et on se rend compte qu'il y a plein d'infos qu'on n'a pas en tant qu'habitant du village. Et donc, on aimerait améliorer ça. Le comité est composé à majorité de non-élus. On co-construit. Et donc, moi, j'anime l'atelier de co-construction. On fait plusieurs ateliers, mais on arrive vraiment à une solution qui est intéressante de se dire, on va faire... Alors nous, chez nous, ça s'appelle les brèves. On va faire des brèves mensuelles beaucoup plus courtes. qui vont être en ligne pour la majorité des gens. Et puis pour les personnes qui n'ont pas accès à Internet, je pense surtout à nos anciens pour certains, eh bien, ils vont pouvoir le recevoir, continuer à le recevoir en papier, il n'y a pas de souci. Par contre, donc on réduit la taille des brèves. Par contre, à côté de ça, on va faire un trimestriel ou un semestriel papier qu'on va distribuer dans toutes les boîtes aux lettres. Et c'est vraiment, ça va nous permettre de revenir sur... les temps forts, les projets, de faire vraiment un point de voilà ce qui s'est passé sur les six derniers mois dans notre village. J'ai animé cette réunion, on était tous d'accord, sauf qu'en fait ce qui s'est passé, c'est que dans la tête de certains élus, parce que j'ai animé la réunion, c'était mon projet. Et quand après il a fallu le mettre en place, et moi c'était un moment où professionnellement parlant, j'avais énormément, énormément de travail, j'étais vraiment sous l'eau. Et donc j'ai pas pu me libérer pour travailler sur ce projet-là. Et ça m'a été reproché. Et je pense avec le recul que le reproche était dans la logique de cette personne-là tout à fait pertinente, puisque comme j'avais animé la réunion pour cette personne-là, j'étais, je mets des guillemets, « chef de projet » . Or non, j'étais que facilitatrice. Donc je pense qu'il y a vraiment cette méconnaissance. J'ai eu beau le dire et le redire. Deux, c'est toi qui as animé, donc c'est toi qui deviens responsable du projet. Et donc si j'avais écouté ça, j'aurais été responsable de beaucoup, beaucoup de projets, à force d'animer des réunions. Donc la peur, la méconnaissance, et le dernier point, qui a été difficile pour moi à entendre, mais c'est la réalité, encore une fois, c'est que dans le cadre de confiance, moi je mets toujours la notion de bienveillance. Je mets toujours quatre règles, l'écoute, la confidentialité, la bienveillance, et parler en son jeu, pour que... on n'aille pas sur le « on est tous d'accord, on voit tous la même chose » . Non, il n'y a pas de « on » , c'est « moi » par rapport à ce que je sais et ce que je connais. Quand j'ai fait ce cadre de confiance-là avec les élus, j'ai un élu, à la fin, un ami, qui m'a dit « mais la bienveillance, Marie, franchement, oh là, c'est le temps des bisounours, quoi » . Ça m'a sidéré. Et je lui dis « bah oui, mais si tu le dis pas, tu peux pas l'attendre en face, tu peux pas l'exiger » . Non, mais Marie, franchement, je comprends pas, moi. Et là, vraiment, j'ai été sidérée parce que je me dis, cette personne-là, elle est un petit peu passée à côté de ce que je voulais exprimer. Donc là, je me suis dit, j'ai raté quelque chose. On y reviendra plus tard.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vrai que la bienveillance, c'est un mot aujourd'hui qui... qui à prendre avec des pincettes, j'ai l'impression, parce qu'on peut... tout justifié par « non, non, mais je te le dis en bienveillance » , et puis après, ils mettent des gros taquets, mais en bienveillance. Bien sûr, c'est très bienveillant. Et donc, à la fois, c'est extrêmement important pour faire ressentir aussi de la confiance aux personnes qui participent, pour qu'elles puissent s'exprimer, pour qu'elles puissent proposer des idées et se sentir légitimes aussi de participer. Et à la fois, je comprends la remarque un peu de dire non mais c'est bisounours, mais c'est toujours un équilibre à trouver finalement. Mais c'est vrai que moi je trouve que ce qui est intéressant dans ce que tu soulèves, c'est de dire en tant que facilitateur, facilitatrice, personne qui tient le champ du collectif, t'as besoin d'exprimer. les valeurs qui sont importantes pour toi, et tes points d'attention qui vont te servir de guide dans l'animation de tes sessions. Et donc effectivement, toi, quand tu arrives et que tu dis, voilà mes quatre piliers, ça te permet d'avoir ce cadre qui fait que quand il y a des débordements ou des choses comme ça, tu vas pouvoir aussi être attentive à ces aspects-là et du coup vraiment maintenir cette attention collective sur ces sujets.

  • Marie Muret-Morin

    Oui, alors je précise quand même que je n'impose pas. Comme c'est quelque chose que je fais souvent en cours avec les étudiants, c'est vrai que je leur dis voilà, moi j'ai ces quatre-là. Après, en général, que ce soit en atelier de co-construction ou en cours, il y a toujours la phase où je dis est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? Est-ce que c'est clair ? Parce que la confidentialité, c'est quelque chose qui peut surprendre. Tu viens de parler de confiance, mais en fait c'est ça. C'est-à-dire que si je n'ai pas de confidentialité, je ne peux pas assurer une confiance. J'explique, que ce soit en cours encore une fois ou en atelier, qu'à certains moments on peut avoir quelqu'un qui va se mettre à nu sur un sujet, qui va parler de son enfant malade ou de ce qu'il ou elle a vécu. Et pour qu'elle le fasse en toute sécurité, il faut absolument qu'il y ait cette confidentialité.

  • Bérénice d'Holomea

    En tout cas, je trouve que c'est assez intéressant et on arrive bien à se projeter dans ce que ça peut être et les sujets qui peuvent être traités de cette manière-là. Selon toi, en quoi est-ce que la démocratie coopérative aujourd'hui, elle permet ou ne permet pas de répondre au contexte de transition écologique et sociale, aux enjeux qui sont présents aujourd'hui ? Est-ce que, selon toi, c'est quelque chose qui gagnerait à être expérimenté dans d'autres villages, par exemple ? qui gagnerait à être plus connu, plus pratiqué ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors la réponse est oui, bien sûr. Je suis convaincue. Déjà, il faut se rendre compte que c'est quand même un fonctionnement qui existe en France. Alors, je ne suis pas du tout là pour faire de la politique, même si au final je me suis engagée. Mais quand on regarde la Convention citoyenne pour le climat, ça a été fait en intelligence collective. Et ce qui en est ressorti, on peut ne pas être d'accord, on peut critiquer, etc. Mais... Quand on regarde, on s'intéresse à la manière dont ça a été mené, ça a été mené de main de maître. Donc c'est quelque chose qui, au niveau du gouvernement, revient régulièrement. Après, ce qu'ils en font, ça c'est autre chose. Et je trouve ça extrêmement pertinent de se dire, pourquoi ça descend pas ? Parce qu'en fait, le citoyen, ce qu'il voit au quotidien, c'est pas forcément les actions du gouvernement, mais c'est ce que fait sa commune. C'est sur quelle route il va rouler ? Est-ce qu'il y a des bus pour mes enfants le matin ? Est-ce que mes impôts locaux vont augmenter ? Est-ce que j'ai de la lumière dans la rue pour rentrer chez moi le soir tard ? Est-ce que les déchets sont bien ramassés ? Ça, c'est le quotidien de chacun. Donc, ce qu'on voit le plus, c'est ce quotidien et ce que font ces élus de proximité. Et je fais une petite aparté, c'est un sacerdoce. C'est-à-dire que moi, j'ai une grande admiration pour toute l'équipe qui est restée en place, pour tous ceux qui, partout en France, relèvent ce défi, parce que c'est un vrai sacerdoce quand on est élu municipal, on est le premier rempart de l'État. Donc on va avoir cette image pour certains de nantis, alors que derrière, nous on sait que, surtout sur les petites communes, je l'ai déjà dit, c'est bénévole. Et c'est d'ailleurs pour ça en fait que moi j'ai arrêté. parce que je ne voyais pas mes enfants, j'avais des enfants en bas âge, que je travaillais parce que je suis à mon compte, donc si je ne travaille pas, je n'ai pas de rémunération. Il y a un moment, en fait, je n'arrivais pas à m'engager autant que j'aurais aimé l'être. Et comme je n'avais pas cette rémunération derrière, il y a un moment où il a fallu que je fasse un choix. Et donc, on est cette première rempart, cette espèce de notion de vous êtes élu, donc on va se faire avoir. Il y a quoi dans les finances ? Je suis sûre qu'ils volent de l'argent ou ils ne veulent pas aller dans la bonne direction. Il y a toujours cette peur, on va se méfier, cette méfiance. Et du coup, quand on est élu, on se retrouve du jour au lendemain avec cette méfiance. Alors qu'on en a beaucoup dans le groupe, au conseil municipal, qui ont été membres d'associations, présidents d'associations, bureaux d'associations. Et c'est un vrai changement. Parce qu'avant, on voyait des gens qui nous remerciaient. Ah, vous êtes bénévole, bravo, merci beaucoup pour votre engagement, pour le temps que vous y passez. Et puis quand on est élu, c'est... Ouais, non mais bon, on sait que vous nous dites pas tout, hein. Tu vois, c'est très, très surprenant.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, même dans la tête des citoyens, il y a une bascule qui se fait du moment que tu as le titre élu, en gros, à coller à ton nom. C'est fou.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. C'est un vrai sacerdoce. Moi, vraiment, encore une fois, ils ont toute ma reconnaissance, mon admiration. Il en faut. Et en même temps, il faut vraiment être engagé. Je me suis rendu compte que je n'ai pas du tout répondu à ta question. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    moi aussi. Je vais te la reposer. Pourquoi, selon toi, est-ce que c'est un levier de transition écologique et sociale ? Et si oui, pourquoi ? Et si non, pourquoi aussi ?

  • Marie Muret-Morin

    Je vais parler que dans ce que moi j'ai vécu avec ma commune. Je pense que ça peut aider. Ça peut aider à prendre conscience d'un certain nombre d'enjeux actuels, et surtout de manière globale, systémique, tu en as parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que malheureusement encore beaucoup dans la tête... de personnes qui ne sont pas sensibilisées réellement au sujet du développement durable, on ne voit que la facette écologique. Nous, ça nous permet aussi de mettre au cœur des discussions, des enjeux. On a parlé des seniors tout à l'heure. On a un CCAS, comme n'importe quelle mairie, une aide sociale. Il y a des gens qui ont des difficultés financières. On va avoir des familles monoparentales. On va avoir aussi une économie locale. On n'a pas parlé, ce n'est pas forcément le lieu, mais il y a une monnaie locale en Vallée de Chevreuse. Et donc, c'est aussi promouvoir ça, parce que nos commerçants, nos artisans locaux, ils font vivre le territoire. Donc, c'est comment on s'assure qu'ils puissent rester, qu'ils puissent continuer à travailler et à faire leurs bénéfices, à pouvoir perdurer. Et tout ça, c'est pas forcément quelque chose qu'on connaît si on travaille pas autour de sujets, qui me permet de rencontrer des gens qui ont un profil très différent du mien. Et c'est surtout ça que je trouve hyper intéressant avec la co-construction, c'est que je vais rencontrer des gens qui ont un profil extrêmement différent du mien, qui ont pas le même métier, qui n'ont pas le même quotidien que moi, pas le même âge, pas le même vécu, et donc ils vont avoir un point de vue extrêmement différent. C'est ce qui... aussi rend l'exercice parfois difficile. En développement durable, dans notre comité, c'est difficile. Ça a été difficile en tout cas, quand moi j'y étais, parce que l'élu, malgré son engagement, encore une fois, on était à distance parce qu'il y avait le Covid, je répète, il faut vraiment planter le décor, eh bien, il s'est retrouvé face à des gens qui avaient des profils très différents, et donc c'était pas évident d'arriver à laisser la parole à chacun et de prendre en compte un petit peu tous les sujets. Je pense que sincèrement, si je prends un peu de recul par rapport à mon expérience d'élu, pour moi c'est ce qui va nous sauver. Voilà. C'est pas magique. C'est-à-dire qu'il faut beaucoup de temps, il faut de l'abnégation, il faut sortir de sa vision égocentrée de moi, qu'est-ce que le collectif peut m'apporter, qu'est-ce que je peux en retirer, voilà. Et il faut arriver à avoir une vision complète, de commun. comme ils existaient avant, les communs, et comment on peut les animer pour tous. Pour moi, c'est ce qui peut nous sauver. Maintenant, malheureusement, quand je vois la direction que prend la société dans laquelle on vit, je me dis qu'on n'y va pas trop.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, je trouve que c'est intéressant d'aller voir des exemples tels que celui-ci, parce que c'est aussi un peu ce que tu partageais tout à l'heure, mais il y a pour moi une différence entre l'échelle qui est très médiatisé, qui est très suivi par la plupart des gens, et puis l'échelle de ce qui est vécu au quotidien. Et effectivement, des fois, on a tendance à regarder des choses qui nous dépassent complètement, des enjeux géopolitiques qui nous paraissent loin et complètement inaccessibles. Et des fois, je trouve que ça vaut le coup aussi de se recentrer sur ce qui nous concerne et ce qui nous touche particulièrement autour de nous. Et d'où l'intérêt de montrer des modèles tels que celui-ci pour dire « Regardez, ça existe. » Et même si la trajectoire à une échelle nationale ou internationale laisse un peu à l'abîme, on peut faire autrement et on peut modéliser autrement en local au moins. Après, évidemment, il y a toujours la question de la cohérence locale-globale. Mais je trouve que c'est un témoignage super intéressant pour essayer de fonctionner différemment. et je pense que justement j'ai l'impression que ce que tu partages c'est le fait que tu l'aies vécu dans ce contexte là, ça aide aussi à s'ouvrir d'autres manières de penser et peut-être dans d'autres contextes Tu disais tout à l'heure qu'il y avait des personnes qui travaillaient aussi dans des entreprises, etc., à côté de leur mission d'élu. Peut-être que, du coup, cette expérience-là leur a permis aussi peut-être de ramener dans leurs autres communautés des fonctionnements qu'ils ont pu expérimenter dans ce cadre-là. Ça,

  • Marie Muret-Morin

    ça serait le rêve. Ce que je voulais préciser, là je t'écoutais résumer tout ça, c'est qu'il y a, je pense, aussi une nécessité d'être patient. Est-ce qu'on peut se permettre la patience ? Ça, je ne sais pas. mais quand je discute avec claire et qu'elle me raconte des échanges avec d'autres maires, parce qu'il y a les communautés de communes, il y a des groupements, les maires se connaissent les uns avec les autres, ils travaillent régulièrement ensemble. Elle me dit que la vision que elle, je dis bien elle parce que c'est elle qui est vraiment à l'origine, et que le conseil municipal a eu concernant la démocratie coopérative, c'est pas une vision qui est partagée dans les villages autour, à part les Molières, j'ai donné comme exemple tout à l'heure, et c'est pas du tout partagé. Donc quand elle en parle, Elle a eu déjà des mères qui lui ont dit « Oh là là, non, ils nous ont élus, maintenant on travaille tranquille et on ne veut pas s'embêter » . Voilà. Évidemment, je vais un petit peu loin, je ne pense pas que ça a été dit comme ça, mais en tout cas, c'est l'idée derrière. Et souvent, quand on regarde, ce sont des personnes qui sont d'une autre génération, qui ont connu autre chose. Je pense que les choses évoluent beaucoup. C'est une manière de fonctionner qui est relativement nouvelle au niveau des collectivités. Donc je pense qu'il faut aussi accepter que... ça prend du temps parce que pour mettre en place de l'intelligence collective il faut aussi être convaincu que ça fonctionne et pour être convaincu il faut l'avoir expérimenté et puis surtout il faut aussi passer parfois par un peu de déconstruction aussi d'anciens modes de fonctionnement qui sont très innés et très bien construits depuis l'éducation et tout ça Et je pense que c'est pas facile aussi quand on a fait comme ça pendant longtemps et que c'est ça notre image de ce que c'est que la réussite ou la performance. Il y a besoin aussi de mettre en question ses convictions personnelles aussi pour expérimenter ça. Oui, c'est un vrai enjeu. Je repensais à une autre commune qui avait fait appel à moi pour, pareil, mettre en place de la co-construction. Ils y connaissaient rien. Claire leur avait parlé du fait que moi, je faisais ça au sein de la commune. Et donc on avait fait une petite réunion juste pour que je les guide. Et en fait, moi, c'est ce que je préfère faire. C'est-à-dire que je vais avoir un élu qui va être curieux parce qu'il l'a expérimenté, parce qu'il est convaincu, pour plein de raisons, qui va faire son petit bout de chemin au sein de son conseil municipal, auprès de son maire, pour essayer de convaincre, d'essayer autre chose, parce que c'est vraiment ce qui s'est passé. Et puis après, qui va s'ouvrir en se disant « Bon, maintenant c'est bon, on a le go, on essaye sur un sujet. qu'est-ce qu'on fait ? Et là, on regarde, il y a des outils qui existent, il y a des personnes qui peuvent nous accompagner. Et après, moi, en général, je suis en amont et on réfléchit ensemble. Tiens, on pourrait faire tel atelier, tel atelier. Je propose toujours mon aide. En général, je leur dis, allez-y d'abord. Et souvent, on a tellement discuté du sujet, on a tellement structuré les activités, les ateliers en amont, qu'en fait, après, ils me disent, écoute, je le fais et puis je reviens vers toi. Et ça a été fait dans... plein de domaines pour le sport, pour les seniors, pour... Je parle encore de ma commune, là. Le sport, les seniors, on a parlé du cimetière tout à l'heure. Là, pour le tiers-lieu, et moi, c'est ce qui me permet de voir que ça a vraiment fonctionné, même si je n'ai pas resté longtemps. C'est que j'ai des élus qui sont convaincus aujourd'hui. Ils ne connaissaient pas avant, ils ont testé, ils ont vu que ça marche, que c'est un vrai bénéfice pour tout le monde. et que du coup ils ont envie d'y aller. Et ça pour moi c'est une vraie réussite.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vraiment très inspirant en fait je trouve comme témoignage parce que ça fait toujours du bien je trouve de montrer en fait ce qui existe. Et tu disais tout à l'heure bah oui ça existe en France. Et voilà je trouve que c'est chouette de voir justement des personnes qui s'engagent et ça donne envie aussi d'aller s'intéresser à ce qui se passe autour de chez soi. Mais non merci énormément pour... pour nous avoir expliqué ce que c'est et concrètement ce que ça peut donner. C'était très enrichissant et très inspirant. Merci beaucoup.

  • Marie Muret-Morin

    Merci beaucoup de m'avoir invitée.

  • Bérénice d'Holomea

    En tant qu'élue dans le village de Cernay-la-Ville et en tant que responsable de la démocratie coopérative, Marie a été en charge de porter cette démarche de coopération dans les différentes actions menées par les élus. Son rôle était de faciliter la co-construction des projets pour qu'à la fois ils répondent aux réels besoins des habitants et à la fois que ça puisse favoriser l'adhésion des différentes parties prenantes impliquées dans le projet. Le but, l'ambition on va dire derrière tout ça, c'est vraiment de faire évoluer le village vers une certaine vision plus souhaitable, que ce soit pour les personnes qui vivent ou qui travaillent à Cerner-la-Vie. La démocratie coopérative, c'est une approche qui est vraiment basée sur la co-construction entre les élus et les citoyens, et dont les projets sont systématiquement présentés au conseil municipal, ce qui la différencie de la démocratie participative dans laquelle on va consulter. les citoyens, mais sans forcément que le projet soit présenté au conseil municipal et voté par les élus, etc. L'intérêt de cette démarche de la démocratie coopérative, il y en a plusieurs. Déjà, c'est la prise en compte des contraintes des parties prenantes qui sont impliquées dans les projets. On l'a vu notamment avec l'exemple de la cantine, mais de comprendre en fait les vrais enjeux et les vraies contraintes des personnes qui travaillent dans ces situations-là. Ça permet d'avoir une meilleure compréhension de la situation. Le deuxième intérêt, c'est qu'il y a aussi une meilleure prise en compte des besoins réels pour les bénéficiaires, c'est-à-dire de quoi ont vraiment besoin les habitants, quels sont en fait les besoins auxquels on est confronté tous les jours, et pas finalement des besoins qu'on suppose par rapport à nous, notre prisme, mais qui finalement ne prend pas vraiment en compte les attentes des personnes qui vont bénéficier de la solution. Tout ça, ça permet donc d'avoir une meilleure représentation aussi de tous les enjeux et avec un aspect vraiment de systémie, donc vraiment voir tous les liens de cause à effet, les conséquences, les externalités, etc. D'avoir cette représentation qui est complexe, c'est pas vraiment facile et donc le fait de fonctionner en démocratie coopérative, ça permet d'appréhender et d'avoir une meilleure représentation de son système, que ce soit sa commune ou plus largement. Tout ça permet d'avoir des réponses plus pertinentes, des décisions plus faciles à prendre, ou en tout cas avec une meilleure compréhension des enjeux, des prises de décisions plus éclairées et des solutions bien plus pertinentes. Comme dans toutes les approches, il y a également des difficultés, notamment le fait de faire évoluer les pratiques des personnes qui n'ont pas de décision. pas l'habitude de fonctionner de cette manière-là en démocratie coopérative, etc. C'est pas facile d'intégrer ces fonctionnements-là quand on a appris d'autres types de fonctionnements collectifs auparavant. Et donc, c'est tout à fait normal de développer les compétences de la coopération. On a fait un épisode à ce sujet d'ailleurs. Il peut y avoir de la peur, il peut y avoir de l'appréhension, de la méconnaissance aussi. Donc voilà, il y a vraiment ce paradigme aussi sur la manière de travailler avec d'autres personnes. Et puis comme on disait tout à l'heure, le côté vision systémique, c'est aussi quelque chose qui peut être un petit peu difficile à appréhender au départ. En tout cas, cette démarche, elle a vraiment son intérêt dans le contexte de transition écologique et sociale, déjà parce qu'elle permet d'avoir vraiment un rôle aussi, un pouvoir d'action sur des enjeux qui sont locaux, des enjeux de vie qui nous concernent directement à notre échelle. ça aide également à prendre conscience d'enjeux, à élargir sa vision, et pas seulement le voir sous un prisme écologique ou économique ou social, mais d'avoir vraiment ce triptyque. Et c'est vrai que du coup, le fait d'expérimenter peu à peu la vision systémique d'un sujet, que ce soit pour la cantine ou pour d'autres sujets, le fait de commencer petit à petit à se représenter les choses de manière systémique, ça aide pour tous les sujets qui sont complexes comme ceux de la transition écologique et sociale. Également, ça permet de s'ouvrir à rencontrer des personnes qui n'ont pas les mêmes points de vue, qui n'ont pas les mêmes expériences, qui ne sont pas des mêmes générations ou qui ont des vécus qui leur sont propres. Et ça, c'est pareil, ça a vraiment l'avantage d'aller ouvrir les manières de penser, de permettre aussi de peut-être faire évoluer sa posture, que ce soit par rapport au commun, par rapport au collectif, par rapport à comment on travaille ensemble, comment on... On débat ensemble, etc. Et c'est évidemment des choses qui sont hyper importantes sur des sujets comme la transition, où chacun va venir apporter sa perception d'une situation. Et donc je dirais finalement que cette démarche de démocratie coopérative, ça modélise et ça permet d'expérimenter une autre dynamique collective, surtout dans les villes et dans les villages. Et puis, comme je viens de le dire, là c'est Marie qui en témoigne, mais Je pense que pour en être pleinement convaincu et pour pouvoir le diffuser à plus grande échelle, l'important c'est aussi de pouvoir le vivre, de pouvoir l'expérimenter soi-même. Ça demande évidemment du temps et de l'engagement, mais on peut commencer sur des petits projets, sur des idées, sur des choses qui ont une petite importance à un certain moment si on n'a pas envie de prendre trop de risques. Et puis ensuite, on va dire ajouter des crans de manière itérative, que ce soit pour impliquer plus d'acteurs ou pour le faire sur un sujet de plus en plus important ou sur de plus en plus de sujets. Mais en tout cas, il y a des solutions qui existent aussi pour être accompagné dans ces processus-là. Marie partageait le fait qu'elle accompagne aussi d'autres groupes dans ces démarches-là. Retrouvez les épisodes de l'affluence une fois par mois. Ils forment un recueil de témoignages, de vécus liés aux transformations des fonctionnements collectifs qui vous permettra d'avoir des clés pour faire... évoluer à votre échelle votre environnement professionnel. Pour ne rater aucun épisode et pour faire grandir ce podcast, vous pouvez en parler autour de vous. Vous abonnez sur votre plateforme d'écoute préférée et nous laissez des étoiles si vous nous écoutez depuis Spotify ou Apple Podcast. Merci pour votre écoute et à bientôt pour un nouvel épisode de l'affluence.

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Description

La Fluence, le podcast qui explore la coopération 🔎

Dans cet épisode de La Fluence, on reçoit Marie Muret-Morin, ingénieure du numérique reconvertie dans la formation en développement durable et intelligence collective, et ancienne élue responsable de la démocratie coopérative à Cernay-la-Ville.

À travers son témoignage, Marie nous plonge dans les coulisses d’un mode de gouvernance où habitants et élus travaillent main dans la main pour concevoir et mettre en œuvre des projets municipaux.

On découvre comment la co-construction change la posture des élus, renforce l’adhésion aux projets et permet de mieux répondre aux besoins réels de la communauté. Marie partage les succès, les écueils et les apprentissages tirés de cette expérience : mobiliser des citoyens, surmonter les résistances, accompagner la coopération, et ouvrir les visions grâce à la diversité des points de vue.

Un échange inspirant qui montre que des dynamiques collectives innovantes peuvent transformer nos territoires et devenir de puissants leviers face aux enjeux de transition écologique et sociale.


PS : cet épisode a été enregistré au mois de janvier 2025, lors de nos échanges sur les inondations nous faisons références aux événements climatiques de fin 2024.

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🌟 Les apprentissages à retenir de cet épisode :

  • Les bénéfices concrets de la démocratie coopérative : développer une meilleure compréhension des contraintes du terrain, prendre en compte des besoins réels, avoir une vision systémique des enjeux, impliquer les habitants.

  • Les conditions de réussite de cette démarche : un cadre clair (charte, règles de confiance), l’inclusion de profils divers, et la volonté d’expérimenter une autre dynamique.

  • Les principaux freins : des habitudes décisionnelles centralisées, peur de perdre le contrôle, méconnaissance des fonctionnements en intelligence collective.

  • L’intérêt stratégique pour la transition écologique et sociale : agir localement, élargir les perspectives et renforcer la résilience du territoire.


En savoir plus : 

LinkedIn @Marie Muret-Morin

Livre “Des Communes et des citoyens”, 2019, Yvan Lubraneski, Fanny Lacroix, Daniel Cueff, Jérôme Perdrix, Alain Lamour


Musiques par Vito Bendinelli  

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Transcription

  • Bérénice d'Holomea

    Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Bérénice, je travaille chez Holomea et je suis passionnée par la bio-inspiration et la manière dont fonctionnent les humains entre eux. Bienvenue sur la fluence, le podcast qui explore la coopération. Aujourd'hui, je rencontre Marie Muret-Morin. Ingénieure dans le domaine du numérique, elle s'est reconvertie dans la formation autour du développement durable et de l'intelligence collective, notamment pour les étudiants en post-bac. Dans cet épisode de l'Affluence, nous abordons la démocratie coopérative dont Marie était responsable lorsqu'elle était élue dans le village de Cernay-la-Ville. Bonjour Marie, bienvenue sur le podcast la Fluence qui explore la coopération. Aujourd'hui, je t'interview sur un sujet que je ne connaissais pas avant de te rencontrer, qui est la démocratie coopérative. Avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet, est-ce que tu peux te présenter, nous raconter d'où tu viens, ce que tu fais ?

  • Marie Muret-Morin

    Avant même de me présenter, merci beaucoup pour l'invitation, Bérenice. Je vais me présenter, je suis Marie Muret-Morin, je suis ingénieure de formation. Et puis après avoir passé dix ans dans l'informatique, le numérique, la gestion de projets, le management, je me suis reconvertie dans la formation spécialisée vraiment dans tout ce qui va être post-bac et auprès d'étudiants, ingénieurs, d'écoles de commerce, futurs RH, DRH, etc. Centré autour du développement durable, d'un côté, et puis l'autre côté, c'est les soft skills et en particulier l'intelligence collective. Et dans ce cadre-là, j'ai eu également la chance de pouvoir être élue avec un groupe de copains, on peut dire ça comme ça, dans mon village en 2020. Il faut imaginer que c'est quand même pleine crise du Covid, on a été élue et on n'a pas pu prendre notre place tout de suite. Et on a été élue dans l'idée que justement notre village pouvait être un village dans lequel il fait bon vivre et puis on peut co-construire. les projets avec les habitants et pas uniquement les élus qui se mettent en une position de sachant.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, moi, cette question d'être élu, je trouve que c'est vachement intéressant et j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a donné envie de t'engager à ce niveau-là ? Parce qu'on sait qu'aujourd'hui, il peut y avoir différents types d'engagement, que ce soit professionnel, associatif, politique, etc. Qu'est-ce qui, toi, t'a donné envie ? Comment tu t'es sentie de t'engager dans cette mission-là ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, ça s'est vraiment fait par hasard. C'est-à-dire que j'ai toujours été plutôt engagée d'un point de vue personnel. Donc, j'ai fait pas mal d'ateliers zéro déchet, par exemple. J'ai fait des échanges avec des amis, toujours au sein de ce petit village dans lequel j'habite. Et puis, au cours de conversation, je rencontre une personne qui s'appelle Claire Chéret, qui est aujourd'hui le maire de mon village, qui est, elle, élue. Elle n'est pas encore maire et on sympathise. Et après, elle fait appel à moi. Elle est encore une fois élue, mais elle se fait appel à moi au moment du grand débat. Et elle m'explique qu'ils sont en train de réfléchir au niveau du conseil municipal à mettre en place des événements, en tout cas déjà un événement d'échange avec les habitants de la commune. et qu'elle aimerait bien que je coanime cet événement-là avec une autre personne qui elle aussi est élue, mais qui a une vision un petit peu différente de la mienne. Et j'accepte. Et puis au final, ça ne se fait pas, parce qu'il n'y a pas la demande particulière, mais je reste dans un coin de sa tête. Et quand elle décide de monter sa liste pour les municipales, elle m'appelle. Et elle m'appelle au départ pas du tout sur l'aspect co-construction, intelligence collective, elle m'appelle pour mes connaissances en développement durable. Et donc je vais... co-construire avec elle et avec les autres futurs élus de la liste, un programme de développement durable. Ça commence comme ça. Sauf que, je vais expliquer deux, trois petites choses pour les gens qui ne savent pas comment ça fonctionne. Quand on va aux urnes pour élire un maire, en fait, en réalité on n'élit pas un maire, on élit une liste. Et c'est le premier en général de cette liste qui est élu. C'est lui qui va être maire. Et le deuxième va avoir le second rang au niveau entre guillemets, d'importance au sein du conseil municipal. Et donc, c'est le premier adjoint, etc. Donc, en fait, il y a vraiment, on va dire, un rang qui a une importance. Le maire est le premier sur la liste. Et puis après, ce ne sont que les adjoints. Une fois qu'on a passé tous les adjoints, on a les élus, on va dire, standards. Le problème, c'est qu'en France, et c'est une chose qui est positive, il faut qu'il y ait un homme, une femme, un homme, une femme, pour assurer l'égalité. Et dans notre cas, elle voulait un... c'est amusant à dire, mais c'est la réalité. Elle voulait un adjoint développement durable. Et le seul, on va dire, la seule place, le seul rang qui était disponible, il fallait forcément que ce soit un homme.

  • Bérénice d'Holomea

    L'ironie du sort.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je t'avoue que sur le moment, je ne l'ai pas très bien pris. Et puis après, voilà, on comprend. Moi, j'ai toute confiance en la personne qui a été élue à ce poste-là. C'est quelqu'un de très engagé. Et puis, voilà, il n'y a pas de souci sur ce principe. Mais du coup, avec Claire, on en a discuté. Et elle était vraiment convaincue par la nécessité de faire de la co-construction. Et celle-là, elle m'a dit, mais j'aimerais bien que tu aies ce rôle-là, en fait, d'être responsable de la démocratie coopérative. Il faut savoir qu'en parallèle, on avait décidé... de s'engager dans un pacte citoyen. Et pour cela, il fallait assurer, pas forcément une co-construction, mais en tout cas d'échanger régulièrement avec les citoyens et s'assurer qu'on répondait bien aux besoins réels des citoyens.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, j'allais te poser la question, quand tu dis qu'elle était persuadée et que c'était intéressant d'avoir la co-construction, etc. Pourquoi cette conviction ? Qu'est-ce qui a amené à ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est... C'est très lié aussi à son propre parcours à elle, c'est-à-dire qu'elle a été présidente d'association et elle a vécu le projet sur lequel elle a travaillé toute seule, d'arrache-pied, en ayant fait vraiment le maximum, où elle était convaincue. Et quand elle l'amène au bureau de son association, il y en a plein qui sont contre ou qui critiquent. Et elle a compris l'importance de prendre les avis et de co-construire parce qu'on a une vision. qui est quand même très ciblée au départ, c'est la nôtre, et elle peut différer évidemment de la vision des autres protagonistes en fonction du projet. Et donc par là, elle a compris qu'à la fois la co-construction, c'était important pour être sûre qu'on répond bien aux réels besoins, mais aussi pour l'adhésion au projet. Il y a vraiment ces deux facettes-là. Et donc à partir de cette expérience, puis après en tant qu'élue, elle était élue au niveau de la scolarité et la jeunesse, elle a bien vu la nécessité d'aller vers cette direction de co-construction. Je suis peut-être allée un peu trop loin sur la nécessité, c'est peut-être pas une nécessité, mais en tout cas l'intérêt d'y aller.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, nécessité relative, mais pour améliorer, on va dire, tout un tas de choses. Il y avait cette envie aussi de passer par ce mode-là plus inclusif et plus coopératif.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je pense qu'il y a aussi le fait que nous, on sortait d'une phase où le village avait eu le même maire pendant une vingtaine d'années. très compétent, mais ce n'était pas du tout le mode de fonctionnement, on était vraiment très très éloignés, de la précédente municipalité. Donc je pense qu'il y avait aussi cette volonté de la part de Claire de proposer quelque chose de nouveau. Il faut savoir que mon village, c'est un village qui est juste à côté de Rambouillet, Cernay-la-Ville, on peut peut-être le citer quand même. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    oui, je pense qu'on peut le citer.

  • Marie Muret-Morin

    Voilà, Cernay-la-Ville, je fais ma petite pub pour mon village, c'est là où vous trouvez l'abbaye des Vauds de Cernay, entre autres. dans le parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse. Et on est juste à côté d'une ville, un village qui s'appelle les Molières. Et les Molières sont vraiment connues pour avoir mis en place cette démocratie coopérative, participative. On pourra peut-être expliquer la distinction entre les deux un petit peu après. Donc avec les Molières, on a vu qu'un conseil municipal pouvait, je mets des guillemets, mais s'effacer. au profit d'un collectif citoyen qui, avec le bon cadre, pouvait vraiment faire germer des projets extrêmement pertinents et faire évoluer le village dans une direction souhaitée. C'est vraiment ça, en fait. Donc ça a inspiré. Ça a inspiré Claire, ça nous a inspirés tous, parce qu'on s'est tous retrouvés autour de ça. On a également pas mal échangé autour d'un livre qui s'appelle « Des communes et des citoyens » . Ce livre-là, il est très intéressant parce que justement, ce sont des témoignages de villes, souvent plutôt des villages, des petites communes dans lesquelles on a décidé de pas faire, on va dire comme avant, si je peux me permettre, ou en tout cas de pas, encore une fois je réutilise ce mot-là, pas avoir un conseil municipal ou des élus qui se mettent en position de sachant. Et ça, je pense que c'est vraiment l'essentiel. Et c'est peut-être aussi parfois ce qui a posé des difficultés. dans le conseil municipal actuel ou même je pense encore demain. C'est cette difficulté de se mettre un peu plus en retrait.

  • Bérénice d'Holomea

    En fait du coup, tu vas nous expliquer un peu plus ce que c'est que la démocratie coopérative, mais en tout cas de ce que je comprends du contexte que tu viens de poser. c'est qu'au-delà de marquer un changement dans la manière de gérer la municipalité, etc., c'est aussi un changement de paradigme de la posture qu'on a en venant en tant qu'élu prendre des décisions pour le reste du village.

  • Marie Muret-Morin

    C'est exactement ça. Je vais commencer par répondre à cette deuxième remarque et après je reviendrai sur cette définition de la démocratie coopérative. Quand vous êtes élu, comme nous on l'a été, et qu'on prend le relais d'une municipalité qui a duré une vingtaine d'années. Il y a des choix qui ont été faits pendant une vingtaine d'années. On est élu sur un programme, c'est ce qu'on souhaite faire du village. Sauf que c'est comme toute personne qui arrive en achetant une maison. La maison, elle vient avec ses fondations, avec son histoire. Et donc il y a peut-être des travaux à faire qui n'étaient pas prévus au départ, au moment de l'achat, des urgences qu'on n'avait pas identifiées. Quand tu achètes une maison qui a déjà du vécu... Il y a ce que tu vois quand tu achètes et puis il y a la réalité potentiellement. L'électricité, elle n'est pas tout à fait aux normes. Heureusement, on a quand même quelques diagnostics aujourd'hui. Dans les mairies, tu n'as pas ça. Et donc, quand tu arrives, on te donne des gros dossiers. On te dit par exemple, il y a une fuite dans le tel bâtiment municipal. Il faut absolument trouver, je dis n'importe quoi, 50 000 euros pour refaire la toiture. Et encore, je suis gentille, je pense avec 50 000 euros. Et ça, ce n'est pas dans ton programme.

  • Bérénice d'Holomea

    Et surtout que c'est normal d'avoir un plan co-construit avec des grandes idées sur qu'est-ce que je vais pouvoir faire dans les X années qui me sont données. Mais effectivement, après il y a les aléas du quotidien, les imprévus, le contexte, les gens. Donc forcément, tout évolue.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je rajouterais qu'en termes d'aléas, je leur tire mon chapeau. Parce qu'il faut quand même expliquer à nos auditeurs que moi j'ai fait le choix il y a quelques années de démissionner de mon poste. J'expliquerai. un petit peu après pourquoi j'ai démissionné de mon poste. Mais donc, mes amis, mon équipe, est toujours en place. Et là, ils ont dû faire face aux inondations.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, il y avait beaucoup d'impact dans la région, c'est ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Oui, on a eu pas mal de personnes qui ont été inondées. Certaines ont dû quitter leur logement. Donc ça, il faut imaginer que nous, on est une petite commune où il y a 1500, 1600 habitants. Donc ce que ça signifie, c'est quoi ? Ce sont des élus qui passent le week-end. à se relayer pour avoir assuré un standard téléphonique avec les pompiers, la Croix-Rouge, etc. Ce sont des élus qui ne sont pas payés. Il faut vraiment prendre conscience de ça. C'est du bénévolat sur cette taille de commune. Alors pas tous les élus. En tout cas, la majorité d'élus n'ont pas de rémunération et qui se relaient jour, nuit, pour pouvoir répondre aux concitoyens qui se retrouvent sans rien. Et on espère que ça ne va pas se reproduire, mais avec les enjeux actuels de réchauffement climatique. Oui, oui.

  • Bérénice d'Holomea

    De toute façon, là, c'est justement comment s'adapter dans ces situations qui vont être de plus en plus extrêmes et de plus en plus fréquentes potentiellement.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce que, du coup, tu peux nous expliquer qu'est-ce que c'est, en fait, une démocratie coopérative ? Effectivement, je pense qu'il y a peut-être plusieurs personnes qui nous écoutent qui ont déjà entendu parler de démocratie participative. Mais voilà, est-ce que tu peux nous donner un peu, nous définir cette notion et nous dire qu'est-ce que c'est et en quoi c'est différent de la participative ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je vais vous expliquer ce que nous, on a mis en place dans notre commune. La distinction qu'on y fait en termes de démocratie participative et coopérative, c'est vraiment lié à la place du concitoyen dans le choix de ce qui va être réalisé. C'est-à-dire que dans une démocratie participative, on va demander l'avis des concitoyens, on va animer des ateliers, on va peut-être même écrire un projet ensemble, mais il n'y a rien qui assure le fait que ce projet qui a été écrit ensemble soit présenté au conseil municipal pour un vote. Ça, c'est, dans certaines communes, ce qui est décrit comme la démocratie participative, c'est-à-dire que le concitoyen participe. Nous, dans la démocratie coopérative, c'est vraiment une coopération élu et concitoyen. Donc ça veut dire que les projets qui sont co-construits sont systématiquement proposés au vote en conseil municipal. Alors évidemment, ça ne se fait pas comme ça. Il y a un cadre. Déjà, la première chose que nous, on a fait, c'est qu'on a écrit une charte de la démocratie coopérative. Et dans cette charte, entre autres, il est défini que les comités qui ont été mis en place, eh bien, il y ait plus de citoyens que d'élus dans ces comités. Et ça, c'est important, parce que ce n'est pas forcément le cas. Et très souvent, on va retrouver dans des comités liés à des communes plus ou moins grandes, une majorité d'élus. Comme ça... entre guillemets, les idées des élus sont en majorité.

  • Bérénice d'Holomea

    Juste une petite précision de vocabulaire, les comités qui sont formés, c'est par projet par exemple ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est par thème. C'est-à-dire que... Il y a très régulièrement, on va retrouver un comité urbanisation. C'est s'il y a des demandes de permis de construire. Voilà, ça peut être voté par le comité ou évalué par le comité. Donc ça, c'est des comités qui sont très fréquents. On peut avoir un comité lié à la finance. Et puis après, il y a des comités, chaque mairie décide du comité qui met en place ou pas. Donc nous, on a un comité développement durable, par exemple. On a un comité vie du village. dont le rôle c'est d'organiser chaque année certains événements très ponctuels dans le village, comme le marché de Noël ou la fête du village, pour qu'il y ait une animation régulière. Même si on a des associations qui sont très très présentes, ça assure qu'il y ait ce rendez-vous annuel.

  • Bérénice d'Holomea

    Et alors du coup, comment vous faites pour engager les citoyens dans ces comités-là ? Parce que moi j'ai l'impression que si j'avais envie de m'engager dans un comité, j'aurais... peut-être besoin de passer par la case être élu. Et en fait, là, du coup, ça renverse un peu. En fait, on peut s'investir, peu importe, finalement, si on est élu, pas élu, habitant, mais depuis combien de temps. Quels sont un peu les critères et comment donner envie aux citoyens de participer au comité ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, c'est une bonne question, parce que c'est un peu le pendant de ça. Nous, on a voulu créer plein de comités pour que les citoyens puissent s'engager. Très vite. on retrouve des citoyens qui s'engagent, qu'on retrouve déjà dans les associations, qui étaient déjà potentiellement d'anciens élus, ou qui faisaient partie des listes concurrentes au niveau des municipales. Ça, c'est le premier point. Aucun souci, sauf que quand on voit le nombre de comités qu'on a, il y a un moment où il faut aussi qu'il y ait d'autres personnes qui viennent. Et ça, c'est la difficulté que nous, on a eue. Concernant ta question, est-ce qu'il y a un... entre guillemets des règles à respecter ? Est-ce qu'il faut rentrer dans des cases ? Absolument pas. Mais c'est ce qui va freiner certains à répondre à l'appel. Nous, on fait des appels dans le journal, on a un journal municipal, on utilise un outil aussi qui s'appelle Illiwap, qui permet de pousser de l'information auprès des Cernésiens. On va faire des appels, réunions d'informations, ou si vous êtes intéressé par tel sujet, envoyez-nous un mail, etc. Et puis, on va voir le nombre de personnes qui vont répondre. Il y a des sujets qui parlent plus. Il y a des sujets sur lesquels on va retrouver plus de personnes qui vont être engagées que d'autres. Par exemple, nous, on a fait tout un comité sur la notion de cantine. Pour nous, pour un petit village, c'est énorme la notion de cantine parce que c'est un marché. On repasse tous les quatre ans. Je vous dis ça de mémoire, je ne veux pas dire de bêtises. Et quand on veut faire avancer les choses pour la cantine, c'est là où on peut mettre des règles en place. Mais ça veut dire qu'il faut réfléchir à comment se passe la cantine à l'école. Nous, on a une école avec quatre classes, donc en plus, il y a des doubles niveaux. Et cette cantine, en plus, elle nourrit une partie des personnes âgées de mon village, pour les personnes qui ne sont pas en capacité de faire à manger. Quand on a fait l'appel, on a eu une dizaine de personnes qui ont répondu. Donc là, c'est intéressant, on peut vraiment co-construire. On était deux élus, donc moi et puis l'adjointe responsable de la scolarité, jeunesse scolarité. Donc aucun problème, on a pu vraiment bien travailler. Par contre, sur la notion de sécurité, ça a été extrêmement difficile. On vit dans un endroit extrêmement privilégié, il n'y a pas d'insécurité. Par contre, il y a des problèmes de sécurité routière. Parce que le village est traversé par une rue, et cette rue, elle est vraiment passante. Elle permet d'aller de Chevreuse à Rambouillet, donc il y a beaucoup de gens qui y passent. Et certains ne font pas vraiment attention, les enfants traversent, il y a pas mal de monde. Il y a des vraies questions, mais ce n'est pas la priorité. Quand on a une journée bien remplie, on ne se dit pas le soir, oui, je vais m'engager et je vais parler de sécurité routière pendant deux heures, de 20 heures à 22 heures. C'est difficile.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc du coup, je dirais qu'en fait, selon les comités, selon les sujets, il y en a où c'est plus facile d'aller recruter si c'est un sujet qui va toucher du monde ou susciter de l'intérêt. Et il y en a d'autres où du coup, il y a peut-être moins de participation. Mais dans ce cas, est-ce que si par exemple, vous n'arrivez pas à avoir un comité qui a plus de citoyens que d'élus, est-ce que vous... fermer ce comité temporairement ? Comment vous gérez aussi, du coup, cette variabilité entre les investissements sur différents sujets ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, nous, dans notre choix, c'était de dire si on peut faire de la co-construction, on en fait. Maintenant, si on n'a pas les ressources humaines pour le faire, eh bien, on va faire avec ce qu'on a, c'est-à-dire nos élus. Donc, en général, quand il n'y a pas au premier appel suffisamment de réponses positives, on va essayer d'aller... par nos moyens, parce qu'on se connaît un peu tous quand même, aller chercher des gens qui se motivent sur ce sujet-là. Si vraiment on trouve qu'il n'y a pas suffisamment de personnes, dans ces cas-là, aucun problème, eh bien on ne crée pas de comité spécifique. et on va gérer le sujet entre élus, et on va communiquer dessus.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc ça donne l'opportunité, quand il y a un investissement, de pouvoir co-construire et proposer des projets avec les citoyens, et sinon de passer dans un fonctionnement plus classique finalement d'un conseil municipal.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement, et en fait tu as deux types de comités. Le premier c'est le comité qui va être toujours là, comme le comité développement durable, il est toujours là, on parlait du comité urbanisme tout à l'heure. On va avoir un comité senior, je crois qu'il s'appelle senior, je ne veux pas dire de bêtises. Voilà, en tout cas pour les personnes âgées, ces comités, ils sont toujours là. Et puis, tu vas avoir des comités qui vont se créer de manière très ponctuelle autour d'un sujet. Je vous ai parlé de la cantine tout à l'heure. On a eu un sujet autour du cimetière. Là, on a un sujet qui va arriver, je dis, j'expliquerai, parce qu'on m'a demandé conseil autour de ce sujet-là, autour d'un tiers-lieu. On veut créer un tiers-lieu, il y a un espace qui s'est libéré, et on aimerait bien créer un espace qui répond aux besoins des concitoyens. Donc là, on va faire un comité ponctuel pour répondre à ce besoin-là.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce qu'on peut essayer de se projeter dans ce fonctionnement-là ? Est-ce que tu peux nous expliquer, avec un exemple, celui que tu veux, qu'est-ce que ça fait d'être un citoyen impliqué dans un comité ? Comment ça se déroule ? des ateliers, des phases ? Si tu peux nous emmener un peu dans les coulisses.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, quand on est un citoyen impliqué et qu'on est un membre de comité, la première phase, c'est toujours la même. C'est de dire pourquoi on est là, qu'est-ce qui nous anime, pourquoi on a décidé de s'engager, pour que tout le monde comprenne bien ce qui est le plus important pour nous, pour qu'on ne le mette pas de côté. Parce que quelqu'un qui s'engage, encore une fois, c'est bénévole. C'est du temps qui ne passe pas avec sa famille ou à faire d'autres choses. Donc il est important qu'il soit entendu. Une fois que ça s'est fait, que la personne a pu vraiment exprimer ses attentes, ses besoins, il y a une phase, je vais utiliser un mot de prof, d'acculturation, où là on va partager de la connaissance. Parce qu'il y a des règles en mairie, typiquement je reprends la cantine, quand on fait un appel d'offres, il y a des règles. On ne peut pas demander tout et n'importe quoi. Donc il faut qu'on ait connaissance de ces règles. Si je reste sur la cantine, il y avait aussi une méconnaissance de la part des parents qui ont participé au comité, puisque leur vision de la cantine était uniquement le retour de leurs enfants. Et donc on a vu avec la personne en charge de la cantine, on lui a demandé « est-ce que tu serais d'accord pour qu'il y ait des parents qui viennent observer pour se rendre compte de la réalité, avant même qu'on réfléchisse à ce qu'on pourra écrire dans le cahier des charges, dans l'appel d'offres ? » Et elle a accepté. Et donc, on a eu, je ne sais plus, je crois que c'est quatre ou cinq parents. Alors, c'était que des mamans. Quatre ou cinq mamans qui sont venues. Et dans le discours, il y a vraiment eu un avant-après. C'est-à-dire qu'avant, c'était toujours des « Ah oui, mais il faudrait faire ci, il faudrait faire ça, etc. » Puis une fois qu'on a planté le décor de « Voilà la réalité, à partir de ça, qu'est-ce qu'on fait ? » Le discours a été très différent.

  • Bérénice d'Holomea

    Et ça, je pense effectivement que c'est une phase qui est très importante dans beaucoup de quotidiens professionnels. C'est toujours plus facile de dire « y'a qu'a, faut qu'on » quand on ne sait pas exactement ce qui se passe. Et une fois qu'on est allé visiter et se rendre compte des contraintes du terrain, on se rend compte qu'en fait, des fois, il faut prendre en compte vraiment tout ce qui existe pour pouvoir proposer une solution pertinente.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et si je peux finir sur cet exemple-là, ce qui était intéressant, c'est qu'après, nous, parents élus, on a défini, on a co-construit cette... cet appel d'offres, mais avant de le signer définitivement, on a vraiment échangé, on a fini l'exercice de co-construction avec la personne en charge de la cantine. Alors, c'était pas mon souhait, mon souhait ça aurait été de l'inclure dès le début, mais encore une fois on fait avec ce qu'on a et cette personne elle est rémunérée. Si elle avait malheureusement dû être rémunérée sur toutes les heures d'échanges qu'on a eues en comité, la mairie est une petite mairie, elle n'avait pas les moyens de lui payer ses heures supplats. Puis je sais pas si elle aurait accepté ça, je lui ai pas demandé. Mais c'était important quand même qu'à un moment, elle soit incluse, évidemment, pour nous dire, on va dans la bonne direction, c'est possible. Ou au contraire, ben non, là, ce que vous me demandez, c'est impossible. Je vous donne un exemple. Moi, ce que je voulais, c'est vraiment qu'on réduise les emballages. Donc, arrêter le petit carré de fromage frais dans un emballage individuel. Enfin, voilà. Ce qu'on peut supprimer, en tout cas qu'on le supprime. Et elle... C'est elle qui m'a dit « Mais il n'y a pas de problème Marie, on peut récupérer la meule et moi je coupe. » Je lui dis « Ah bon, c'est pas trop pour toi en termes de charge ? » j'ai fait non, franchement, ça c'est faisable. Par contre, d'autres choses, c'est pas possible. Ok, y'a pas de problème. C'est vraiment cet échange qui fait qu'on va pouvoir créer un projet qui va être à la fois pertinent par rapport à ses objectifs, correspondre à des besoins, et puis en plus, pas être une plaie pour ceux qui doivent le mettre en place. Ça, c'est exactement ce qui s'est passé aussi pour le cimetière, mais c'est un autre sujet.

  • Bérénice d'Holomea

    Tu pourras nous parler peut-être des difficultés rencontrées à un moment, je pense que ce sera intéressant de l'aborder. effectivement ce que ça m'évoque c'est l'aspect systémique sur des sujets comme ça de transition ou de changement qui sont des sujets transverses qui vont souvent impliquer beaucoup de parties prenantes et du coup la notion de coopération et de collectif elle aide aussi à s'approprier cette systémie et à se dire en fait quand on est plusieurs à travailler sur un sujet de bien comprendre tous les tenants et aboutissants souvent je trouve que ça améliore aussi la prise de décision et la pertinence des choix qui vont être faits. Oui,

  • Marie Muret-Morin

    c'est vraiment ça. Je trouve que, en tout cas dans mon village, et même moi avant d'être élue, on voyait la mairie et les équipes municipales comme pourvoyeurs de services. Puis après, quand on se rend compte du quotidien, eh bien là, on se dit qu'il faut peut-être améliorer eux leur quotidien parce qu'ils ne peuvent pas assurer un service si on ne ne leur donne pas les moyens de le faire. Et moi, je pars toujours du principe que les personnes qui sont les premières concernées, c'est elles qui ont les meilleures idées, parce qu'elles savent la réalité. Donc moi, en tant qu'élue, qu'est-ce que je sais du quotidien d'un agent municipal qui passe sa journée dehors, dans le froid ou l'été, en pleine canicule, à entretenir les chemins, à nettoyer, à réparer, à peindre ? Je ne sais pas, parce que ce n'est pas mon quotidien à moi. Donc de la même manière que... Je ne sais pas ce que vit une personne qui, elle, habite peut-être dans la résidence à côté, qui est à la retraite, qui a potentiellement une mobilité réduite. Je ne sais pas ce que c'est que de vivre dans un petit village où il y a des commerces, mais il n'y a pas de supermarché. Il y a des médecins, mais il n'y a pas de spécialistes. Il y a des enjeux quand même qui sont liés à ça.

  • Bérénice d'Holomea

    ouais ouais c'est sûr que c'est des enjeux en plus de vie qui concernent tout le monde et ouais ouais c'est Pas facile à concilier. Et donc, là, on a parlé un peu des avantages, enfin, en tout cas, un des avantages qui est avoir une meilleure vision, une pertinence, etc. Tu parlais tout à l'heure d'exemples un peu plus, comment dire, tendus ou tensionnels, je ne sais pas comment le nommer. Mais quelles sont, du coup, les difficultés ou les points un peu plus bloquants dans ce type de fonctionnement ? collectif, le fonctionnement démocratique.

  • Marie Muret-Morin

    Le point le plus bloquant pour moi, ça a été convaincre les élus qui parfois sont un peu réticents ou parce que eux ont un poste à responsabilité dans leur entreprise, leur quotidien, et bien ils ont du mal à se dire oui on va co-construire, on va pas juste prendre la décision en fonction des informations qu'on a. mais on va se laisser la possibilité d'aller dans une direction qu'on n'avait pas identifiée. Et je mets vraiment le doigt sur ce point-là, parce que moi, au sein de mon comité, il y a beaucoup de gens qui ont des responsabilités dans la vie, dans leur vie professionnelle. C'est là où on voit aussi les habitudes qu'ils ont au travail. Ça a été une vraie difficulté pour moi, parce que moi, j'ai connu ça, quand je travaillais dans l'informatique. Et je m'en suis complètement détachée parce que je ne veux plus revoir ça. Pour moi, ça ne fonctionnait pas, en tout cas. Quand je dis vraiment pour moi, c'est à titre personnel. Donc quand je me retrouvais avec des comités qui se remettaient à fonctionner, avec un élu qui est assez directif et qui n'est pas toujours à l'écoute de ce que vont dire les personnes qui sont dans le comité, j'avais beaucoup, beaucoup de mal. Ça, on va dire que c'est le premier point. Donc en fait, la première étape, c'est que j'ai fait un atelier, un World Café. avec les élus, et on a travaillé autour de la charte. En fait, on a co-construit la charte entre élus, pour qu'ils découvrent déjà le principe des ateliers d'intelligence collective, de co-construction. Et puis, j'avais fait des petites bonnes pratiques, j'ai fait des petites clés de succès, et dedans, il y avait bien l'importance de mettre un cadre. Parce que certains, encore aujourd'hui je pense, ont très peur de... du citoyen qui va râler plus fort que les autres et du coup qui va imposer sa vision dans un comité. Et moi j'explique bien que le principe en intelligence collective, c'est qu'on met un cadre de confiance, que tout le monde valide, donc à partir de ce moment-là, s'il y en a un qui ne le respecte pas... les autres ont tout à fait le droit, c'est même leur rôle, de dire « Ah bah non, là, on n'est pas dans le cadre » .

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, les limites servent aussi à protéger le collectif.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et ça, pour certaines personnes, c'est difficile à intégrer. Du coup, on se retrouvait avec des comités, avec un élu, qui préparait beaucoup de choses en amont. Mais oui, mais si tu prépares la solution, le comité, il va juste dire oui ou non, mais il ne va pas co-construire. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai pas encore complètement réussi à faire passer. Alors, j'espère que la personne qui a pris le relais n'a pas lâché l'affaire. Je pense que c'est aussi une question de caractère, une question de vécu. Il y a plein, plein de choses qui viennent se jouer à ce moment-là. Mais on s'est retrouvés dans des situations parfois un peu surprenantes. Je vais donner un exemple. Donc moi, je faisais partie d'un comité, je faisais un peu partie de tous les comités, du coup, mais en particulier le comité communication. Et on se dit, la communication, elle n'est pas forcément très, très bonne. Il y a un journal papier. Est-ce qu'on reste sur du papier ? Est-ce que c'est pertinent ? Enfin voilà, on se pose plein de questions. Et on se rend compte qu'il y a plein d'infos qu'on n'a pas en tant qu'habitant du village. Et donc, on aimerait améliorer ça. Le comité est composé à majorité de non-élus. On co-construit. Et donc, moi, j'anime l'atelier de co-construction. On fait plusieurs ateliers, mais on arrive vraiment à une solution qui est intéressante de se dire, on va faire... Alors nous, chez nous, ça s'appelle les brèves. On va faire des brèves mensuelles beaucoup plus courtes. qui vont être en ligne pour la majorité des gens. Et puis pour les personnes qui n'ont pas accès à Internet, je pense surtout à nos anciens pour certains, eh bien, ils vont pouvoir le recevoir, continuer à le recevoir en papier, il n'y a pas de souci. Par contre, donc on réduit la taille des brèves. Par contre, à côté de ça, on va faire un trimestriel ou un semestriel papier qu'on va distribuer dans toutes les boîtes aux lettres. Et c'est vraiment, ça va nous permettre de revenir sur... les temps forts, les projets, de faire vraiment un point de voilà ce qui s'est passé sur les six derniers mois dans notre village. J'ai animé cette réunion, on était tous d'accord, sauf qu'en fait ce qui s'est passé, c'est que dans la tête de certains élus, parce que j'ai animé la réunion, c'était mon projet. Et quand après il a fallu le mettre en place, et moi c'était un moment où professionnellement parlant, j'avais énormément, énormément de travail, j'étais vraiment sous l'eau. Et donc j'ai pas pu me libérer pour travailler sur ce projet-là. Et ça m'a été reproché. Et je pense avec le recul que le reproche était dans la logique de cette personne-là tout à fait pertinente, puisque comme j'avais animé la réunion pour cette personne-là, j'étais, je mets des guillemets, « chef de projet » . Or non, j'étais que facilitatrice. Donc je pense qu'il y a vraiment cette méconnaissance. J'ai eu beau le dire et le redire. Deux, c'est toi qui as animé, donc c'est toi qui deviens responsable du projet. Et donc si j'avais écouté ça, j'aurais été responsable de beaucoup, beaucoup de projets, à force d'animer des réunions. Donc la peur, la méconnaissance, et le dernier point, qui a été difficile pour moi à entendre, mais c'est la réalité, encore une fois, c'est que dans le cadre de confiance, moi je mets toujours la notion de bienveillance. Je mets toujours quatre règles, l'écoute, la confidentialité, la bienveillance, et parler en son jeu, pour que... on n'aille pas sur le « on est tous d'accord, on voit tous la même chose » . Non, il n'y a pas de « on » , c'est « moi » par rapport à ce que je sais et ce que je connais. Quand j'ai fait ce cadre de confiance-là avec les élus, j'ai un élu, à la fin, un ami, qui m'a dit « mais la bienveillance, Marie, franchement, oh là, c'est le temps des bisounours, quoi » . Ça m'a sidéré. Et je lui dis « bah oui, mais si tu le dis pas, tu peux pas l'attendre en face, tu peux pas l'exiger » . Non, mais Marie, franchement, je comprends pas, moi. Et là, vraiment, j'ai été sidérée parce que je me dis, cette personne-là, elle est un petit peu passée à côté de ce que je voulais exprimer. Donc là, je me suis dit, j'ai raté quelque chose. On y reviendra plus tard.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vrai que la bienveillance, c'est un mot aujourd'hui qui... qui à prendre avec des pincettes, j'ai l'impression, parce qu'on peut... tout justifié par « non, non, mais je te le dis en bienveillance » , et puis après, ils mettent des gros taquets, mais en bienveillance. Bien sûr, c'est très bienveillant. Et donc, à la fois, c'est extrêmement important pour faire ressentir aussi de la confiance aux personnes qui participent, pour qu'elles puissent s'exprimer, pour qu'elles puissent proposer des idées et se sentir légitimes aussi de participer. Et à la fois, je comprends la remarque un peu de dire non mais c'est bisounours, mais c'est toujours un équilibre à trouver finalement. Mais c'est vrai que moi je trouve que ce qui est intéressant dans ce que tu soulèves, c'est de dire en tant que facilitateur, facilitatrice, personne qui tient le champ du collectif, t'as besoin d'exprimer. les valeurs qui sont importantes pour toi, et tes points d'attention qui vont te servir de guide dans l'animation de tes sessions. Et donc effectivement, toi, quand tu arrives et que tu dis, voilà mes quatre piliers, ça te permet d'avoir ce cadre qui fait que quand il y a des débordements ou des choses comme ça, tu vas pouvoir aussi être attentive à ces aspects-là et du coup vraiment maintenir cette attention collective sur ces sujets.

  • Marie Muret-Morin

    Oui, alors je précise quand même que je n'impose pas. Comme c'est quelque chose que je fais souvent en cours avec les étudiants, c'est vrai que je leur dis voilà, moi j'ai ces quatre-là. Après, en général, que ce soit en atelier de co-construction ou en cours, il y a toujours la phase où je dis est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? Est-ce que c'est clair ? Parce que la confidentialité, c'est quelque chose qui peut surprendre. Tu viens de parler de confiance, mais en fait c'est ça. C'est-à-dire que si je n'ai pas de confidentialité, je ne peux pas assurer une confiance. J'explique, que ce soit en cours encore une fois ou en atelier, qu'à certains moments on peut avoir quelqu'un qui va se mettre à nu sur un sujet, qui va parler de son enfant malade ou de ce qu'il ou elle a vécu. Et pour qu'elle le fasse en toute sécurité, il faut absolument qu'il y ait cette confidentialité.

  • Bérénice d'Holomea

    En tout cas, je trouve que c'est assez intéressant et on arrive bien à se projeter dans ce que ça peut être et les sujets qui peuvent être traités de cette manière-là. Selon toi, en quoi est-ce que la démocratie coopérative aujourd'hui, elle permet ou ne permet pas de répondre au contexte de transition écologique et sociale, aux enjeux qui sont présents aujourd'hui ? Est-ce que, selon toi, c'est quelque chose qui gagnerait à être expérimenté dans d'autres villages, par exemple ? qui gagnerait à être plus connu, plus pratiqué ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors la réponse est oui, bien sûr. Je suis convaincue. Déjà, il faut se rendre compte que c'est quand même un fonctionnement qui existe en France. Alors, je ne suis pas du tout là pour faire de la politique, même si au final je me suis engagée. Mais quand on regarde la Convention citoyenne pour le climat, ça a été fait en intelligence collective. Et ce qui en est ressorti, on peut ne pas être d'accord, on peut critiquer, etc. Mais... Quand on regarde, on s'intéresse à la manière dont ça a été mené, ça a été mené de main de maître. Donc c'est quelque chose qui, au niveau du gouvernement, revient régulièrement. Après, ce qu'ils en font, ça c'est autre chose. Et je trouve ça extrêmement pertinent de se dire, pourquoi ça descend pas ? Parce qu'en fait, le citoyen, ce qu'il voit au quotidien, c'est pas forcément les actions du gouvernement, mais c'est ce que fait sa commune. C'est sur quelle route il va rouler ? Est-ce qu'il y a des bus pour mes enfants le matin ? Est-ce que mes impôts locaux vont augmenter ? Est-ce que j'ai de la lumière dans la rue pour rentrer chez moi le soir tard ? Est-ce que les déchets sont bien ramassés ? Ça, c'est le quotidien de chacun. Donc, ce qu'on voit le plus, c'est ce quotidien et ce que font ces élus de proximité. Et je fais une petite aparté, c'est un sacerdoce. C'est-à-dire que moi, j'ai une grande admiration pour toute l'équipe qui est restée en place, pour tous ceux qui, partout en France, relèvent ce défi, parce que c'est un vrai sacerdoce quand on est élu municipal, on est le premier rempart de l'État. Donc on va avoir cette image pour certains de nantis, alors que derrière, nous on sait que, surtout sur les petites communes, je l'ai déjà dit, c'est bénévole. Et c'est d'ailleurs pour ça en fait que moi j'ai arrêté. parce que je ne voyais pas mes enfants, j'avais des enfants en bas âge, que je travaillais parce que je suis à mon compte, donc si je ne travaille pas, je n'ai pas de rémunération. Il y a un moment, en fait, je n'arrivais pas à m'engager autant que j'aurais aimé l'être. Et comme je n'avais pas cette rémunération derrière, il y a un moment où il a fallu que je fasse un choix. Et donc, on est cette première rempart, cette espèce de notion de vous êtes élu, donc on va se faire avoir. Il y a quoi dans les finances ? Je suis sûre qu'ils volent de l'argent ou ils ne veulent pas aller dans la bonne direction. Il y a toujours cette peur, on va se méfier, cette méfiance. Et du coup, quand on est élu, on se retrouve du jour au lendemain avec cette méfiance. Alors qu'on en a beaucoup dans le groupe, au conseil municipal, qui ont été membres d'associations, présidents d'associations, bureaux d'associations. Et c'est un vrai changement. Parce qu'avant, on voyait des gens qui nous remerciaient. Ah, vous êtes bénévole, bravo, merci beaucoup pour votre engagement, pour le temps que vous y passez. Et puis quand on est élu, c'est... Ouais, non mais bon, on sait que vous nous dites pas tout, hein. Tu vois, c'est très, très surprenant.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, même dans la tête des citoyens, il y a une bascule qui se fait du moment que tu as le titre élu, en gros, à coller à ton nom. C'est fou.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. C'est un vrai sacerdoce. Moi, vraiment, encore une fois, ils ont toute ma reconnaissance, mon admiration. Il en faut. Et en même temps, il faut vraiment être engagé. Je me suis rendu compte que je n'ai pas du tout répondu à ta question. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    moi aussi. Je vais te la reposer. Pourquoi, selon toi, est-ce que c'est un levier de transition écologique et sociale ? Et si oui, pourquoi ? Et si non, pourquoi aussi ?

  • Marie Muret-Morin

    Je vais parler que dans ce que moi j'ai vécu avec ma commune. Je pense que ça peut aider. Ça peut aider à prendre conscience d'un certain nombre d'enjeux actuels, et surtout de manière globale, systémique, tu en as parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que malheureusement encore beaucoup dans la tête... de personnes qui ne sont pas sensibilisées réellement au sujet du développement durable, on ne voit que la facette écologique. Nous, ça nous permet aussi de mettre au cœur des discussions, des enjeux. On a parlé des seniors tout à l'heure. On a un CCAS, comme n'importe quelle mairie, une aide sociale. Il y a des gens qui ont des difficultés financières. On va avoir des familles monoparentales. On va avoir aussi une économie locale. On n'a pas parlé, ce n'est pas forcément le lieu, mais il y a une monnaie locale en Vallée de Chevreuse. Et donc, c'est aussi promouvoir ça, parce que nos commerçants, nos artisans locaux, ils font vivre le territoire. Donc, c'est comment on s'assure qu'ils puissent rester, qu'ils puissent continuer à travailler et à faire leurs bénéfices, à pouvoir perdurer. Et tout ça, c'est pas forcément quelque chose qu'on connaît si on travaille pas autour de sujets, qui me permet de rencontrer des gens qui ont un profil très différent du mien. Et c'est surtout ça que je trouve hyper intéressant avec la co-construction, c'est que je vais rencontrer des gens qui ont un profil extrêmement différent du mien, qui ont pas le même métier, qui n'ont pas le même quotidien que moi, pas le même âge, pas le même vécu, et donc ils vont avoir un point de vue extrêmement différent. C'est ce qui... aussi rend l'exercice parfois difficile. En développement durable, dans notre comité, c'est difficile. Ça a été difficile en tout cas, quand moi j'y étais, parce que l'élu, malgré son engagement, encore une fois, on était à distance parce qu'il y avait le Covid, je répète, il faut vraiment planter le décor, eh bien, il s'est retrouvé face à des gens qui avaient des profils très différents, et donc c'était pas évident d'arriver à laisser la parole à chacun et de prendre en compte un petit peu tous les sujets. Je pense que sincèrement, si je prends un peu de recul par rapport à mon expérience d'élu, pour moi c'est ce qui va nous sauver. Voilà. C'est pas magique. C'est-à-dire qu'il faut beaucoup de temps, il faut de l'abnégation, il faut sortir de sa vision égocentrée de moi, qu'est-ce que le collectif peut m'apporter, qu'est-ce que je peux en retirer, voilà. Et il faut arriver à avoir une vision complète, de commun. comme ils existaient avant, les communs, et comment on peut les animer pour tous. Pour moi, c'est ce qui peut nous sauver. Maintenant, malheureusement, quand je vois la direction que prend la société dans laquelle on vit, je me dis qu'on n'y va pas trop.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, je trouve que c'est intéressant d'aller voir des exemples tels que celui-ci, parce que c'est aussi un peu ce que tu partageais tout à l'heure, mais il y a pour moi une différence entre l'échelle qui est très médiatisé, qui est très suivi par la plupart des gens, et puis l'échelle de ce qui est vécu au quotidien. Et effectivement, des fois, on a tendance à regarder des choses qui nous dépassent complètement, des enjeux géopolitiques qui nous paraissent loin et complètement inaccessibles. Et des fois, je trouve que ça vaut le coup aussi de se recentrer sur ce qui nous concerne et ce qui nous touche particulièrement autour de nous. Et d'où l'intérêt de montrer des modèles tels que celui-ci pour dire « Regardez, ça existe. » Et même si la trajectoire à une échelle nationale ou internationale laisse un peu à l'abîme, on peut faire autrement et on peut modéliser autrement en local au moins. Après, évidemment, il y a toujours la question de la cohérence locale-globale. Mais je trouve que c'est un témoignage super intéressant pour essayer de fonctionner différemment. et je pense que justement j'ai l'impression que ce que tu partages c'est le fait que tu l'aies vécu dans ce contexte là, ça aide aussi à s'ouvrir d'autres manières de penser et peut-être dans d'autres contextes Tu disais tout à l'heure qu'il y avait des personnes qui travaillaient aussi dans des entreprises, etc., à côté de leur mission d'élu. Peut-être que, du coup, cette expérience-là leur a permis aussi peut-être de ramener dans leurs autres communautés des fonctionnements qu'ils ont pu expérimenter dans ce cadre-là. Ça,

  • Marie Muret-Morin

    ça serait le rêve. Ce que je voulais préciser, là je t'écoutais résumer tout ça, c'est qu'il y a, je pense, aussi une nécessité d'être patient. Est-ce qu'on peut se permettre la patience ? Ça, je ne sais pas. mais quand je discute avec claire et qu'elle me raconte des échanges avec d'autres maires, parce qu'il y a les communautés de communes, il y a des groupements, les maires se connaissent les uns avec les autres, ils travaillent régulièrement ensemble. Elle me dit que la vision que elle, je dis bien elle parce que c'est elle qui est vraiment à l'origine, et que le conseil municipal a eu concernant la démocratie coopérative, c'est pas une vision qui est partagée dans les villages autour, à part les Molières, j'ai donné comme exemple tout à l'heure, et c'est pas du tout partagé. Donc quand elle en parle, Elle a eu déjà des mères qui lui ont dit « Oh là là, non, ils nous ont élus, maintenant on travaille tranquille et on ne veut pas s'embêter » . Voilà. Évidemment, je vais un petit peu loin, je ne pense pas que ça a été dit comme ça, mais en tout cas, c'est l'idée derrière. Et souvent, quand on regarde, ce sont des personnes qui sont d'une autre génération, qui ont connu autre chose. Je pense que les choses évoluent beaucoup. C'est une manière de fonctionner qui est relativement nouvelle au niveau des collectivités. Donc je pense qu'il faut aussi accepter que... ça prend du temps parce que pour mettre en place de l'intelligence collective il faut aussi être convaincu que ça fonctionne et pour être convaincu il faut l'avoir expérimenté et puis surtout il faut aussi passer parfois par un peu de déconstruction aussi d'anciens modes de fonctionnement qui sont très innés et très bien construits depuis l'éducation et tout ça Et je pense que c'est pas facile aussi quand on a fait comme ça pendant longtemps et que c'est ça notre image de ce que c'est que la réussite ou la performance. Il y a besoin aussi de mettre en question ses convictions personnelles aussi pour expérimenter ça. Oui, c'est un vrai enjeu. Je repensais à une autre commune qui avait fait appel à moi pour, pareil, mettre en place de la co-construction. Ils y connaissaient rien. Claire leur avait parlé du fait que moi, je faisais ça au sein de la commune. Et donc on avait fait une petite réunion juste pour que je les guide. Et en fait, moi, c'est ce que je préfère faire. C'est-à-dire que je vais avoir un élu qui va être curieux parce qu'il l'a expérimenté, parce qu'il est convaincu, pour plein de raisons, qui va faire son petit bout de chemin au sein de son conseil municipal, auprès de son maire, pour essayer de convaincre, d'essayer autre chose, parce que c'est vraiment ce qui s'est passé. Et puis après, qui va s'ouvrir en se disant « Bon, maintenant c'est bon, on a le go, on essaye sur un sujet. qu'est-ce qu'on fait ? Et là, on regarde, il y a des outils qui existent, il y a des personnes qui peuvent nous accompagner. Et après, moi, en général, je suis en amont et on réfléchit ensemble. Tiens, on pourrait faire tel atelier, tel atelier. Je propose toujours mon aide. En général, je leur dis, allez-y d'abord. Et souvent, on a tellement discuté du sujet, on a tellement structuré les activités, les ateliers en amont, qu'en fait, après, ils me disent, écoute, je le fais et puis je reviens vers toi. Et ça a été fait dans... plein de domaines pour le sport, pour les seniors, pour... Je parle encore de ma commune, là. Le sport, les seniors, on a parlé du cimetière tout à l'heure. Là, pour le tiers-lieu, et moi, c'est ce qui me permet de voir que ça a vraiment fonctionné, même si je n'ai pas resté longtemps. C'est que j'ai des élus qui sont convaincus aujourd'hui. Ils ne connaissaient pas avant, ils ont testé, ils ont vu que ça marche, que c'est un vrai bénéfice pour tout le monde. et que du coup ils ont envie d'y aller. Et ça pour moi c'est une vraie réussite.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vraiment très inspirant en fait je trouve comme témoignage parce que ça fait toujours du bien je trouve de montrer en fait ce qui existe. Et tu disais tout à l'heure bah oui ça existe en France. Et voilà je trouve que c'est chouette de voir justement des personnes qui s'engagent et ça donne envie aussi d'aller s'intéresser à ce qui se passe autour de chez soi. Mais non merci énormément pour... pour nous avoir expliqué ce que c'est et concrètement ce que ça peut donner. C'était très enrichissant et très inspirant. Merci beaucoup.

  • Marie Muret-Morin

    Merci beaucoup de m'avoir invitée.

  • Bérénice d'Holomea

    En tant qu'élue dans le village de Cernay-la-Ville et en tant que responsable de la démocratie coopérative, Marie a été en charge de porter cette démarche de coopération dans les différentes actions menées par les élus. Son rôle était de faciliter la co-construction des projets pour qu'à la fois ils répondent aux réels besoins des habitants et à la fois que ça puisse favoriser l'adhésion des différentes parties prenantes impliquées dans le projet. Le but, l'ambition on va dire derrière tout ça, c'est vraiment de faire évoluer le village vers une certaine vision plus souhaitable, que ce soit pour les personnes qui vivent ou qui travaillent à Cerner-la-Vie. La démocratie coopérative, c'est une approche qui est vraiment basée sur la co-construction entre les élus et les citoyens, et dont les projets sont systématiquement présentés au conseil municipal, ce qui la différencie de la démocratie participative dans laquelle on va consulter. les citoyens, mais sans forcément que le projet soit présenté au conseil municipal et voté par les élus, etc. L'intérêt de cette démarche de la démocratie coopérative, il y en a plusieurs. Déjà, c'est la prise en compte des contraintes des parties prenantes qui sont impliquées dans les projets. On l'a vu notamment avec l'exemple de la cantine, mais de comprendre en fait les vrais enjeux et les vraies contraintes des personnes qui travaillent dans ces situations-là. Ça permet d'avoir une meilleure compréhension de la situation. Le deuxième intérêt, c'est qu'il y a aussi une meilleure prise en compte des besoins réels pour les bénéficiaires, c'est-à-dire de quoi ont vraiment besoin les habitants, quels sont en fait les besoins auxquels on est confronté tous les jours, et pas finalement des besoins qu'on suppose par rapport à nous, notre prisme, mais qui finalement ne prend pas vraiment en compte les attentes des personnes qui vont bénéficier de la solution. Tout ça, ça permet donc d'avoir une meilleure représentation aussi de tous les enjeux et avec un aspect vraiment de systémie, donc vraiment voir tous les liens de cause à effet, les conséquences, les externalités, etc. D'avoir cette représentation qui est complexe, c'est pas vraiment facile et donc le fait de fonctionner en démocratie coopérative, ça permet d'appréhender et d'avoir une meilleure représentation de son système, que ce soit sa commune ou plus largement. Tout ça permet d'avoir des réponses plus pertinentes, des décisions plus faciles à prendre, ou en tout cas avec une meilleure compréhension des enjeux, des prises de décisions plus éclairées et des solutions bien plus pertinentes. Comme dans toutes les approches, il y a également des difficultés, notamment le fait de faire évoluer les pratiques des personnes qui n'ont pas de décision. pas l'habitude de fonctionner de cette manière-là en démocratie coopérative, etc. C'est pas facile d'intégrer ces fonctionnements-là quand on a appris d'autres types de fonctionnements collectifs auparavant. Et donc, c'est tout à fait normal de développer les compétences de la coopération. On a fait un épisode à ce sujet d'ailleurs. Il peut y avoir de la peur, il peut y avoir de l'appréhension, de la méconnaissance aussi. Donc voilà, il y a vraiment ce paradigme aussi sur la manière de travailler avec d'autres personnes. Et puis comme on disait tout à l'heure, le côté vision systémique, c'est aussi quelque chose qui peut être un petit peu difficile à appréhender au départ. En tout cas, cette démarche, elle a vraiment son intérêt dans le contexte de transition écologique et sociale, déjà parce qu'elle permet d'avoir vraiment un rôle aussi, un pouvoir d'action sur des enjeux qui sont locaux, des enjeux de vie qui nous concernent directement à notre échelle. ça aide également à prendre conscience d'enjeux, à élargir sa vision, et pas seulement le voir sous un prisme écologique ou économique ou social, mais d'avoir vraiment ce triptyque. Et c'est vrai que du coup, le fait d'expérimenter peu à peu la vision systémique d'un sujet, que ce soit pour la cantine ou pour d'autres sujets, le fait de commencer petit à petit à se représenter les choses de manière systémique, ça aide pour tous les sujets qui sont complexes comme ceux de la transition écologique et sociale. Également, ça permet de s'ouvrir à rencontrer des personnes qui n'ont pas les mêmes points de vue, qui n'ont pas les mêmes expériences, qui ne sont pas des mêmes générations ou qui ont des vécus qui leur sont propres. Et ça, c'est pareil, ça a vraiment l'avantage d'aller ouvrir les manières de penser, de permettre aussi de peut-être faire évoluer sa posture, que ce soit par rapport au commun, par rapport au collectif, par rapport à comment on travaille ensemble, comment on... On débat ensemble, etc. Et c'est évidemment des choses qui sont hyper importantes sur des sujets comme la transition, où chacun va venir apporter sa perception d'une situation. Et donc je dirais finalement que cette démarche de démocratie coopérative, ça modélise et ça permet d'expérimenter une autre dynamique collective, surtout dans les villes et dans les villages. Et puis, comme je viens de le dire, là c'est Marie qui en témoigne, mais Je pense que pour en être pleinement convaincu et pour pouvoir le diffuser à plus grande échelle, l'important c'est aussi de pouvoir le vivre, de pouvoir l'expérimenter soi-même. Ça demande évidemment du temps et de l'engagement, mais on peut commencer sur des petits projets, sur des idées, sur des choses qui ont une petite importance à un certain moment si on n'a pas envie de prendre trop de risques. Et puis ensuite, on va dire ajouter des crans de manière itérative, que ce soit pour impliquer plus d'acteurs ou pour le faire sur un sujet de plus en plus important ou sur de plus en plus de sujets. Mais en tout cas, il y a des solutions qui existent aussi pour être accompagné dans ces processus-là. Marie partageait le fait qu'elle accompagne aussi d'autres groupes dans ces démarches-là. Retrouvez les épisodes de l'affluence une fois par mois. Ils forment un recueil de témoignages, de vécus liés aux transformations des fonctionnements collectifs qui vous permettra d'avoir des clés pour faire... évoluer à votre échelle votre environnement professionnel. Pour ne rater aucun épisode et pour faire grandir ce podcast, vous pouvez en parler autour de vous. Vous abonnez sur votre plateforme d'écoute préférée et nous laissez des étoiles si vous nous écoutez depuis Spotify ou Apple Podcast. Merci pour votre écoute et à bientôt pour un nouvel épisode de l'affluence.

Description

La Fluence, le podcast qui explore la coopération 🔎

Dans cet épisode de La Fluence, on reçoit Marie Muret-Morin, ingénieure du numérique reconvertie dans la formation en développement durable et intelligence collective, et ancienne élue responsable de la démocratie coopérative à Cernay-la-Ville.

À travers son témoignage, Marie nous plonge dans les coulisses d’un mode de gouvernance où habitants et élus travaillent main dans la main pour concevoir et mettre en œuvre des projets municipaux.

On découvre comment la co-construction change la posture des élus, renforce l’adhésion aux projets et permet de mieux répondre aux besoins réels de la communauté. Marie partage les succès, les écueils et les apprentissages tirés de cette expérience : mobiliser des citoyens, surmonter les résistances, accompagner la coopération, et ouvrir les visions grâce à la diversité des points de vue.

Un échange inspirant qui montre que des dynamiques collectives innovantes peuvent transformer nos territoires et devenir de puissants leviers face aux enjeux de transition écologique et sociale.


PS : cet épisode a été enregistré au mois de janvier 2025, lors de nos échanges sur les inondations nous faisons références aux événements climatiques de fin 2024.

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🌟 Les apprentissages à retenir de cet épisode :

  • Les bénéfices concrets de la démocratie coopérative : développer une meilleure compréhension des contraintes du terrain, prendre en compte des besoins réels, avoir une vision systémique des enjeux, impliquer les habitants.

  • Les conditions de réussite de cette démarche : un cadre clair (charte, règles de confiance), l’inclusion de profils divers, et la volonté d’expérimenter une autre dynamique.

  • Les principaux freins : des habitudes décisionnelles centralisées, peur de perdre le contrôle, méconnaissance des fonctionnements en intelligence collective.

  • L’intérêt stratégique pour la transition écologique et sociale : agir localement, élargir les perspectives et renforcer la résilience du territoire.


En savoir plus : 

LinkedIn @Marie Muret-Morin

Livre “Des Communes et des citoyens”, 2019, Yvan Lubraneski, Fanny Lacroix, Daniel Cueff, Jérôme Perdrix, Alain Lamour


Musiques par Vito Bendinelli  

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Bérénice d'Holomea

    Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Bérénice, je travaille chez Holomea et je suis passionnée par la bio-inspiration et la manière dont fonctionnent les humains entre eux. Bienvenue sur la fluence, le podcast qui explore la coopération. Aujourd'hui, je rencontre Marie Muret-Morin. Ingénieure dans le domaine du numérique, elle s'est reconvertie dans la formation autour du développement durable et de l'intelligence collective, notamment pour les étudiants en post-bac. Dans cet épisode de l'Affluence, nous abordons la démocratie coopérative dont Marie était responsable lorsqu'elle était élue dans le village de Cernay-la-Ville. Bonjour Marie, bienvenue sur le podcast la Fluence qui explore la coopération. Aujourd'hui, je t'interview sur un sujet que je ne connaissais pas avant de te rencontrer, qui est la démocratie coopérative. Avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet, est-ce que tu peux te présenter, nous raconter d'où tu viens, ce que tu fais ?

  • Marie Muret-Morin

    Avant même de me présenter, merci beaucoup pour l'invitation, Bérenice. Je vais me présenter, je suis Marie Muret-Morin, je suis ingénieure de formation. Et puis après avoir passé dix ans dans l'informatique, le numérique, la gestion de projets, le management, je me suis reconvertie dans la formation spécialisée vraiment dans tout ce qui va être post-bac et auprès d'étudiants, ingénieurs, d'écoles de commerce, futurs RH, DRH, etc. Centré autour du développement durable, d'un côté, et puis l'autre côté, c'est les soft skills et en particulier l'intelligence collective. Et dans ce cadre-là, j'ai eu également la chance de pouvoir être élue avec un groupe de copains, on peut dire ça comme ça, dans mon village en 2020. Il faut imaginer que c'est quand même pleine crise du Covid, on a été élue et on n'a pas pu prendre notre place tout de suite. Et on a été élue dans l'idée que justement notre village pouvait être un village dans lequel il fait bon vivre et puis on peut co-construire. les projets avec les habitants et pas uniquement les élus qui se mettent en une position de sachant.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, moi, cette question d'être élu, je trouve que c'est vachement intéressant et j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a donné envie de t'engager à ce niveau-là ? Parce qu'on sait qu'aujourd'hui, il peut y avoir différents types d'engagement, que ce soit professionnel, associatif, politique, etc. Qu'est-ce qui, toi, t'a donné envie ? Comment tu t'es sentie de t'engager dans cette mission-là ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, ça s'est vraiment fait par hasard. C'est-à-dire que j'ai toujours été plutôt engagée d'un point de vue personnel. Donc, j'ai fait pas mal d'ateliers zéro déchet, par exemple. J'ai fait des échanges avec des amis, toujours au sein de ce petit village dans lequel j'habite. Et puis, au cours de conversation, je rencontre une personne qui s'appelle Claire Chéret, qui est aujourd'hui le maire de mon village, qui est, elle, élue. Elle n'est pas encore maire et on sympathise. Et après, elle fait appel à moi. Elle est encore une fois élue, mais elle se fait appel à moi au moment du grand débat. Et elle m'explique qu'ils sont en train de réfléchir au niveau du conseil municipal à mettre en place des événements, en tout cas déjà un événement d'échange avec les habitants de la commune. et qu'elle aimerait bien que je coanime cet événement-là avec une autre personne qui elle aussi est élue, mais qui a une vision un petit peu différente de la mienne. Et j'accepte. Et puis au final, ça ne se fait pas, parce qu'il n'y a pas la demande particulière, mais je reste dans un coin de sa tête. Et quand elle décide de monter sa liste pour les municipales, elle m'appelle. Et elle m'appelle au départ pas du tout sur l'aspect co-construction, intelligence collective, elle m'appelle pour mes connaissances en développement durable. Et donc je vais... co-construire avec elle et avec les autres futurs élus de la liste, un programme de développement durable. Ça commence comme ça. Sauf que, je vais expliquer deux, trois petites choses pour les gens qui ne savent pas comment ça fonctionne. Quand on va aux urnes pour élire un maire, en fait, en réalité on n'élit pas un maire, on élit une liste. Et c'est le premier en général de cette liste qui est élu. C'est lui qui va être maire. Et le deuxième va avoir le second rang au niveau entre guillemets, d'importance au sein du conseil municipal. Et donc, c'est le premier adjoint, etc. Donc, en fait, il y a vraiment, on va dire, un rang qui a une importance. Le maire est le premier sur la liste. Et puis après, ce ne sont que les adjoints. Une fois qu'on a passé tous les adjoints, on a les élus, on va dire, standards. Le problème, c'est qu'en France, et c'est une chose qui est positive, il faut qu'il y ait un homme, une femme, un homme, une femme, pour assurer l'égalité. Et dans notre cas, elle voulait un... c'est amusant à dire, mais c'est la réalité. Elle voulait un adjoint développement durable. Et le seul, on va dire, la seule place, le seul rang qui était disponible, il fallait forcément que ce soit un homme.

  • Bérénice d'Holomea

    L'ironie du sort.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je t'avoue que sur le moment, je ne l'ai pas très bien pris. Et puis après, voilà, on comprend. Moi, j'ai toute confiance en la personne qui a été élue à ce poste-là. C'est quelqu'un de très engagé. Et puis, voilà, il n'y a pas de souci sur ce principe. Mais du coup, avec Claire, on en a discuté. Et elle était vraiment convaincue par la nécessité de faire de la co-construction. Et celle-là, elle m'a dit, mais j'aimerais bien que tu aies ce rôle-là, en fait, d'être responsable de la démocratie coopérative. Il faut savoir qu'en parallèle, on avait décidé... de s'engager dans un pacte citoyen. Et pour cela, il fallait assurer, pas forcément une co-construction, mais en tout cas d'échanger régulièrement avec les citoyens et s'assurer qu'on répondait bien aux besoins réels des citoyens.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, j'allais te poser la question, quand tu dis qu'elle était persuadée et que c'était intéressant d'avoir la co-construction, etc. Pourquoi cette conviction ? Qu'est-ce qui a amené à ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est... C'est très lié aussi à son propre parcours à elle, c'est-à-dire qu'elle a été présidente d'association et elle a vécu le projet sur lequel elle a travaillé toute seule, d'arrache-pied, en ayant fait vraiment le maximum, où elle était convaincue. Et quand elle l'amène au bureau de son association, il y en a plein qui sont contre ou qui critiquent. Et elle a compris l'importance de prendre les avis et de co-construire parce qu'on a une vision. qui est quand même très ciblée au départ, c'est la nôtre, et elle peut différer évidemment de la vision des autres protagonistes en fonction du projet. Et donc par là, elle a compris qu'à la fois la co-construction, c'était important pour être sûre qu'on répond bien aux réels besoins, mais aussi pour l'adhésion au projet. Il y a vraiment ces deux facettes-là. Et donc à partir de cette expérience, puis après en tant qu'élue, elle était élue au niveau de la scolarité et la jeunesse, elle a bien vu la nécessité d'aller vers cette direction de co-construction. Je suis peut-être allée un peu trop loin sur la nécessité, c'est peut-être pas une nécessité, mais en tout cas l'intérêt d'y aller.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, nécessité relative, mais pour améliorer, on va dire, tout un tas de choses. Il y avait cette envie aussi de passer par ce mode-là plus inclusif et plus coopératif.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je pense qu'il y a aussi le fait que nous, on sortait d'une phase où le village avait eu le même maire pendant une vingtaine d'années. très compétent, mais ce n'était pas du tout le mode de fonctionnement, on était vraiment très très éloignés, de la précédente municipalité. Donc je pense qu'il y avait aussi cette volonté de la part de Claire de proposer quelque chose de nouveau. Il faut savoir que mon village, c'est un village qui est juste à côté de Rambouillet, Cernay-la-Ville, on peut peut-être le citer quand même. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    oui, je pense qu'on peut le citer.

  • Marie Muret-Morin

    Voilà, Cernay-la-Ville, je fais ma petite pub pour mon village, c'est là où vous trouvez l'abbaye des Vauds de Cernay, entre autres. dans le parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse. Et on est juste à côté d'une ville, un village qui s'appelle les Molières. Et les Molières sont vraiment connues pour avoir mis en place cette démocratie coopérative, participative. On pourra peut-être expliquer la distinction entre les deux un petit peu après. Donc avec les Molières, on a vu qu'un conseil municipal pouvait, je mets des guillemets, mais s'effacer. au profit d'un collectif citoyen qui, avec le bon cadre, pouvait vraiment faire germer des projets extrêmement pertinents et faire évoluer le village dans une direction souhaitée. C'est vraiment ça, en fait. Donc ça a inspiré. Ça a inspiré Claire, ça nous a inspirés tous, parce qu'on s'est tous retrouvés autour de ça. On a également pas mal échangé autour d'un livre qui s'appelle « Des communes et des citoyens » . Ce livre-là, il est très intéressant parce que justement, ce sont des témoignages de villes, souvent plutôt des villages, des petites communes dans lesquelles on a décidé de pas faire, on va dire comme avant, si je peux me permettre, ou en tout cas de pas, encore une fois je réutilise ce mot-là, pas avoir un conseil municipal ou des élus qui se mettent en position de sachant. Et ça, je pense que c'est vraiment l'essentiel. Et c'est peut-être aussi parfois ce qui a posé des difficultés. dans le conseil municipal actuel ou même je pense encore demain. C'est cette difficulté de se mettre un peu plus en retrait.

  • Bérénice d'Holomea

    En fait du coup, tu vas nous expliquer un peu plus ce que c'est que la démocratie coopérative, mais en tout cas de ce que je comprends du contexte que tu viens de poser. c'est qu'au-delà de marquer un changement dans la manière de gérer la municipalité, etc., c'est aussi un changement de paradigme de la posture qu'on a en venant en tant qu'élu prendre des décisions pour le reste du village.

  • Marie Muret-Morin

    C'est exactement ça. Je vais commencer par répondre à cette deuxième remarque et après je reviendrai sur cette définition de la démocratie coopérative. Quand vous êtes élu, comme nous on l'a été, et qu'on prend le relais d'une municipalité qui a duré une vingtaine d'années. Il y a des choix qui ont été faits pendant une vingtaine d'années. On est élu sur un programme, c'est ce qu'on souhaite faire du village. Sauf que c'est comme toute personne qui arrive en achetant une maison. La maison, elle vient avec ses fondations, avec son histoire. Et donc il y a peut-être des travaux à faire qui n'étaient pas prévus au départ, au moment de l'achat, des urgences qu'on n'avait pas identifiées. Quand tu achètes une maison qui a déjà du vécu... Il y a ce que tu vois quand tu achètes et puis il y a la réalité potentiellement. L'électricité, elle n'est pas tout à fait aux normes. Heureusement, on a quand même quelques diagnostics aujourd'hui. Dans les mairies, tu n'as pas ça. Et donc, quand tu arrives, on te donne des gros dossiers. On te dit par exemple, il y a une fuite dans le tel bâtiment municipal. Il faut absolument trouver, je dis n'importe quoi, 50 000 euros pour refaire la toiture. Et encore, je suis gentille, je pense avec 50 000 euros. Et ça, ce n'est pas dans ton programme.

  • Bérénice d'Holomea

    Et surtout que c'est normal d'avoir un plan co-construit avec des grandes idées sur qu'est-ce que je vais pouvoir faire dans les X années qui me sont données. Mais effectivement, après il y a les aléas du quotidien, les imprévus, le contexte, les gens. Donc forcément, tout évolue.

  • Marie Muret-Morin

    Et puis je rajouterais qu'en termes d'aléas, je leur tire mon chapeau. Parce qu'il faut quand même expliquer à nos auditeurs que moi j'ai fait le choix il y a quelques années de démissionner de mon poste. J'expliquerai. un petit peu après pourquoi j'ai démissionné de mon poste. Mais donc, mes amis, mon équipe, est toujours en place. Et là, ils ont dû faire face aux inondations.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, il y avait beaucoup d'impact dans la région, c'est ça ?

  • Marie Muret-Morin

    Oui, on a eu pas mal de personnes qui ont été inondées. Certaines ont dû quitter leur logement. Donc ça, il faut imaginer que nous, on est une petite commune où il y a 1500, 1600 habitants. Donc ce que ça signifie, c'est quoi ? Ce sont des élus qui passent le week-end. à se relayer pour avoir assuré un standard téléphonique avec les pompiers, la Croix-Rouge, etc. Ce sont des élus qui ne sont pas payés. Il faut vraiment prendre conscience de ça. C'est du bénévolat sur cette taille de commune. Alors pas tous les élus. En tout cas, la majorité d'élus n'ont pas de rémunération et qui se relaient jour, nuit, pour pouvoir répondre aux concitoyens qui se retrouvent sans rien. Et on espère que ça ne va pas se reproduire, mais avec les enjeux actuels de réchauffement climatique. Oui, oui.

  • Bérénice d'Holomea

    De toute façon, là, c'est justement comment s'adapter dans ces situations qui vont être de plus en plus extrêmes et de plus en plus fréquentes potentiellement.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce que, du coup, tu peux nous expliquer qu'est-ce que c'est, en fait, une démocratie coopérative ? Effectivement, je pense qu'il y a peut-être plusieurs personnes qui nous écoutent qui ont déjà entendu parler de démocratie participative. Mais voilà, est-ce que tu peux nous donner un peu, nous définir cette notion et nous dire qu'est-ce que c'est et en quoi c'est différent de la participative ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, je vais vous expliquer ce que nous, on a mis en place dans notre commune. La distinction qu'on y fait en termes de démocratie participative et coopérative, c'est vraiment lié à la place du concitoyen dans le choix de ce qui va être réalisé. C'est-à-dire que dans une démocratie participative, on va demander l'avis des concitoyens, on va animer des ateliers, on va peut-être même écrire un projet ensemble, mais il n'y a rien qui assure le fait que ce projet qui a été écrit ensemble soit présenté au conseil municipal pour un vote. Ça, c'est, dans certaines communes, ce qui est décrit comme la démocratie participative, c'est-à-dire que le concitoyen participe. Nous, dans la démocratie coopérative, c'est vraiment une coopération élu et concitoyen. Donc ça veut dire que les projets qui sont co-construits sont systématiquement proposés au vote en conseil municipal. Alors évidemment, ça ne se fait pas comme ça. Il y a un cadre. Déjà, la première chose que nous, on a fait, c'est qu'on a écrit une charte de la démocratie coopérative. Et dans cette charte, entre autres, il est défini que les comités qui ont été mis en place, eh bien, il y ait plus de citoyens que d'élus dans ces comités. Et ça, c'est important, parce que ce n'est pas forcément le cas. Et très souvent, on va retrouver dans des comités liés à des communes plus ou moins grandes, une majorité d'élus. Comme ça... entre guillemets, les idées des élus sont en majorité.

  • Bérénice d'Holomea

    Juste une petite précision de vocabulaire, les comités qui sont formés, c'est par projet par exemple ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors c'est par thème. C'est-à-dire que... Il y a très régulièrement, on va retrouver un comité urbanisation. C'est s'il y a des demandes de permis de construire. Voilà, ça peut être voté par le comité ou évalué par le comité. Donc ça, c'est des comités qui sont très fréquents. On peut avoir un comité lié à la finance. Et puis après, il y a des comités, chaque mairie décide du comité qui met en place ou pas. Donc nous, on a un comité développement durable, par exemple. On a un comité vie du village. dont le rôle c'est d'organiser chaque année certains événements très ponctuels dans le village, comme le marché de Noël ou la fête du village, pour qu'il y ait une animation régulière. Même si on a des associations qui sont très très présentes, ça assure qu'il y ait ce rendez-vous annuel.

  • Bérénice d'Holomea

    Et alors du coup, comment vous faites pour engager les citoyens dans ces comités-là ? Parce que moi j'ai l'impression que si j'avais envie de m'engager dans un comité, j'aurais... peut-être besoin de passer par la case être élu. Et en fait, là, du coup, ça renverse un peu. En fait, on peut s'investir, peu importe, finalement, si on est élu, pas élu, habitant, mais depuis combien de temps. Quels sont un peu les critères et comment donner envie aux citoyens de participer au comité ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, c'est une bonne question, parce que c'est un peu le pendant de ça. Nous, on a voulu créer plein de comités pour que les citoyens puissent s'engager. Très vite. on retrouve des citoyens qui s'engagent, qu'on retrouve déjà dans les associations, qui étaient déjà potentiellement d'anciens élus, ou qui faisaient partie des listes concurrentes au niveau des municipales. Ça, c'est le premier point. Aucun souci, sauf que quand on voit le nombre de comités qu'on a, il y a un moment où il faut aussi qu'il y ait d'autres personnes qui viennent. Et ça, c'est la difficulté que nous, on a eue. Concernant ta question, est-ce qu'il y a un... entre guillemets des règles à respecter ? Est-ce qu'il faut rentrer dans des cases ? Absolument pas. Mais c'est ce qui va freiner certains à répondre à l'appel. Nous, on fait des appels dans le journal, on a un journal municipal, on utilise un outil aussi qui s'appelle Illiwap, qui permet de pousser de l'information auprès des Cernésiens. On va faire des appels, réunions d'informations, ou si vous êtes intéressé par tel sujet, envoyez-nous un mail, etc. Et puis, on va voir le nombre de personnes qui vont répondre. Il y a des sujets qui parlent plus. Il y a des sujets sur lesquels on va retrouver plus de personnes qui vont être engagées que d'autres. Par exemple, nous, on a fait tout un comité sur la notion de cantine. Pour nous, pour un petit village, c'est énorme la notion de cantine parce que c'est un marché. On repasse tous les quatre ans. Je vous dis ça de mémoire, je ne veux pas dire de bêtises. Et quand on veut faire avancer les choses pour la cantine, c'est là où on peut mettre des règles en place. Mais ça veut dire qu'il faut réfléchir à comment se passe la cantine à l'école. Nous, on a une école avec quatre classes, donc en plus, il y a des doubles niveaux. Et cette cantine, en plus, elle nourrit une partie des personnes âgées de mon village, pour les personnes qui ne sont pas en capacité de faire à manger. Quand on a fait l'appel, on a eu une dizaine de personnes qui ont répondu. Donc là, c'est intéressant, on peut vraiment co-construire. On était deux élus, donc moi et puis l'adjointe responsable de la scolarité, jeunesse scolarité. Donc aucun problème, on a pu vraiment bien travailler. Par contre, sur la notion de sécurité, ça a été extrêmement difficile. On vit dans un endroit extrêmement privilégié, il n'y a pas d'insécurité. Par contre, il y a des problèmes de sécurité routière. Parce que le village est traversé par une rue, et cette rue, elle est vraiment passante. Elle permet d'aller de Chevreuse à Rambouillet, donc il y a beaucoup de gens qui y passent. Et certains ne font pas vraiment attention, les enfants traversent, il y a pas mal de monde. Il y a des vraies questions, mais ce n'est pas la priorité. Quand on a une journée bien remplie, on ne se dit pas le soir, oui, je vais m'engager et je vais parler de sécurité routière pendant deux heures, de 20 heures à 22 heures. C'est difficile.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc du coup, je dirais qu'en fait, selon les comités, selon les sujets, il y en a où c'est plus facile d'aller recruter si c'est un sujet qui va toucher du monde ou susciter de l'intérêt. Et il y en a d'autres où du coup, il y a peut-être moins de participation. Mais dans ce cas, est-ce que si par exemple, vous n'arrivez pas à avoir un comité qui a plus de citoyens que d'élus, est-ce que vous... fermer ce comité temporairement ? Comment vous gérez aussi, du coup, cette variabilité entre les investissements sur différents sujets ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors, nous, dans notre choix, c'était de dire si on peut faire de la co-construction, on en fait. Maintenant, si on n'a pas les ressources humaines pour le faire, eh bien, on va faire avec ce qu'on a, c'est-à-dire nos élus. Donc, en général, quand il n'y a pas au premier appel suffisamment de réponses positives, on va essayer d'aller... par nos moyens, parce qu'on se connaît un peu tous quand même, aller chercher des gens qui se motivent sur ce sujet-là. Si vraiment on trouve qu'il n'y a pas suffisamment de personnes, dans ces cas-là, aucun problème, eh bien on ne crée pas de comité spécifique. et on va gérer le sujet entre élus, et on va communiquer dessus.

  • Bérénice d'Holomea

    Donc ça donne l'opportunité, quand il y a un investissement, de pouvoir co-construire et proposer des projets avec les citoyens, et sinon de passer dans un fonctionnement plus classique finalement d'un conseil municipal.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement, et en fait tu as deux types de comités. Le premier c'est le comité qui va être toujours là, comme le comité développement durable, il est toujours là, on parlait du comité urbanisme tout à l'heure. On va avoir un comité senior, je crois qu'il s'appelle senior, je ne veux pas dire de bêtises. Voilà, en tout cas pour les personnes âgées, ces comités, ils sont toujours là. Et puis, tu vas avoir des comités qui vont se créer de manière très ponctuelle autour d'un sujet. Je vous ai parlé de la cantine tout à l'heure. On a eu un sujet autour du cimetière. Là, on a un sujet qui va arriver, je dis, j'expliquerai, parce qu'on m'a demandé conseil autour de ce sujet-là, autour d'un tiers-lieu. On veut créer un tiers-lieu, il y a un espace qui s'est libéré, et on aimerait bien créer un espace qui répond aux besoins des concitoyens. Donc là, on va faire un comité ponctuel pour répondre à ce besoin-là.

  • Bérénice d'Holomea

    Est-ce qu'on peut essayer de se projeter dans ce fonctionnement-là ? Est-ce que tu peux nous expliquer, avec un exemple, celui que tu veux, qu'est-ce que ça fait d'être un citoyen impliqué dans un comité ? Comment ça se déroule ? des ateliers, des phases ? Si tu peux nous emmener un peu dans les coulisses.

  • Marie Muret-Morin

    Alors, quand on est un citoyen impliqué et qu'on est un membre de comité, la première phase, c'est toujours la même. C'est de dire pourquoi on est là, qu'est-ce qui nous anime, pourquoi on a décidé de s'engager, pour que tout le monde comprenne bien ce qui est le plus important pour nous, pour qu'on ne le mette pas de côté. Parce que quelqu'un qui s'engage, encore une fois, c'est bénévole. C'est du temps qui ne passe pas avec sa famille ou à faire d'autres choses. Donc il est important qu'il soit entendu. Une fois que ça s'est fait, que la personne a pu vraiment exprimer ses attentes, ses besoins, il y a une phase, je vais utiliser un mot de prof, d'acculturation, où là on va partager de la connaissance. Parce qu'il y a des règles en mairie, typiquement je reprends la cantine, quand on fait un appel d'offres, il y a des règles. On ne peut pas demander tout et n'importe quoi. Donc il faut qu'on ait connaissance de ces règles. Si je reste sur la cantine, il y avait aussi une méconnaissance de la part des parents qui ont participé au comité, puisque leur vision de la cantine était uniquement le retour de leurs enfants. Et donc on a vu avec la personne en charge de la cantine, on lui a demandé « est-ce que tu serais d'accord pour qu'il y ait des parents qui viennent observer pour se rendre compte de la réalité, avant même qu'on réfléchisse à ce qu'on pourra écrire dans le cahier des charges, dans l'appel d'offres ? » Et elle a accepté. Et donc, on a eu, je ne sais plus, je crois que c'est quatre ou cinq parents. Alors, c'était que des mamans. Quatre ou cinq mamans qui sont venues. Et dans le discours, il y a vraiment eu un avant-après. C'est-à-dire qu'avant, c'était toujours des « Ah oui, mais il faudrait faire ci, il faudrait faire ça, etc. » Puis une fois qu'on a planté le décor de « Voilà la réalité, à partir de ça, qu'est-ce qu'on fait ? » Le discours a été très différent.

  • Bérénice d'Holomea

    Et ça, je pense effectivement que c'est une phase qui est très importante dans beaucoup de quotidiens professionnels. C'est toujours plus facile de dire « y'a qu'a, faut qu'on » quand on ne sait pas exactement ce qui se passe. Et une fois qu'on est allé visiter et se rendre compte des contraintes du terrain, on se rend compte qu'en fait, des fois, il faut prendre en compte vraiment tout ce qui existe pour pouvoir proposer une solution pertinente.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et si je peux finir sur cet exemple-là, ce qui était intéressant, c'est qu'après, nous, parents élus, on a défini, on a co-construit cette... cet appel d'offres, mais avant de le signer définitivement, on a vraiment échangé, on a fini l'exercice de co-construction avec la personne en charge de la cantine. Alors, c'était pas mon souhait, mon souhait ça aurait été de l'inclure dès le début, mais encore une fois on fait avec ce qu'on a et cette personne elle est rémunérée. Si elle avait malheureusement dû être rémunérée sur toutes les heures d'échanges qu'on a eues en comité, la mairie est une petite mairie, elle n'avait pas les moyens de lui payer ses heures supplats. Puis je sais pas si elle aurait accepté ça, je lui ai pas demandé. Mais c'était important quand même qu'à un moment, elle soit incluse, évidemment, pour nous dire, on va dans la bonne direction, c'est possible. Ou au contraire, ben non, là, ce que vous me demandez, c'est impossible. Je vous donne un exemple. Moi, ce que je voulais, c'est vraiment qu'on réduise les emballages. Donc, arrêter le petit carré de fromage frais dans un emballage individuel. Enfin, voilà. Ce qu'on peut supprimer, en tout cas qu'on le supprime. Et elle... C'est elle qui m'a dit « Mais il n'y a pas de problème Marie, on peut récupérer la meule et moi je coupe. » Je lui dis « Ah bon, c'est pas trop pour toi en termes de charge ? » j'ai fait non, franchement, ça c'est faisable. Par contre, d'autres choses, c'est pas possible. Ok, y'a pas de problème. C'est vraiment cet échange qui fait qu'on va pouvoir créer un projet qui va être à la fois pertinent par rapport à ses objectifs, correspondre à des besoins, et puis en plus, pas être une plaie pour ceux qui doivent le mettre en place. Ça, c'est exactement ce qui s'est passé aussi pour le cimetière, mais c'est un autre sujet.

  • Bérénice d'Holomea

    Tu pourras nous parler peut-être des difficultés rencontrées à un moment, je pense que ce sera intéressant de l'aborder. effectivement ce que ça m'évoque c'est l'aspect systémique sur des sujets comme ça de transition ou de changement qui sont des sujets transverses qui vont souvent impliquer beaucoup de parties prenantes et du coup la notion de coopération et de collectif elle aide aussi à s'approprier cette systémie et à se dire en fait quand on est plusieurs à travailler sur un sujet de bien comprendre tous les tenants et aboutissants souvent je trouve que ça améliore aussi la prise de décision et la pertinence des choix qui vont être faits. Oui,

  • Marie Muret-Morin

    c'est vraiment ça. Je trouve que, en tout cas dans mon village, et même moi avant d'être élue, on voyait la mairie et les équipes municipales comme pourvoyeurs de services. Puis après, quand on se rend compte du quotidien, eh bien là, on se dit qu'il faut peut-être améliorer eux leur quotidien parce qu'ils ne peuvent pas assurer un service si on ne ne leur donne pas les moyens de le faire. Et moi, je pars toujours du principe que les personnes qui sont les premières concernées, c'est elles qui ont les meilleures idées, parce qu'elles savent la réalité. Donc moi, en tant qu'élue, qu'est-ce que je sais du quotidien d'un agent municipal qui passe sa journée dehors, dans le froid ou l'été, en pleine canicule, à entretenir les chemins, à nettoyer, à réparer, à peindre ? Je ne sais pas, parce que ce n'est pas mon quotidien à moi. Donc de la même manière que... Je ne sais pas ce que vit une personne qui, elle, habite peut-être dans la résidence à côté, qui est à la retraite, qui a potentiellement une mobilité réduite. Je ne sais pas ce que c'est que de vivre dans un petit village où il y a des commerces, mais il n'y a pas de supermarché. Il y a des médecins, mais il n'y a pas de spécialistes. Il y a des enjeux quand même qui sont liés à ça.

  • Bérénice d'Holomea

    ouais ouais c'est sûr que c'est des enjeux en plus de vie qui concernent tout le monde et ouais ouais c'est Pas facile à concilier. Et donc, là, on a parlé un peu des avantages, enfin, en tout cas, un des avantages qui est avoir une meilleure vision, une pertinence, etc. Tu parlais tout à l'heure d'exemples un peu plus, comment dire, tendus ou tensionnels, je ne sais pas comment le nommer. Mais quelles sont, du coup, les difficultés ou les points un peu plus bloquants dans ce type de fonctionnement ? collectif, le fonctionnement démocratique.

  • Marie Muret-Morin

    Le point le plus bloquant pour moi, ça a été convaincre les élus qui parfois sont un peu réticents ou parce que eux ont un poste à responsabilité dans leur entreprise, leur quotidien, et bien ils ont du mal à se dire oui on va co-construire, on va pas juste prendre la décision en fonction des informations qu'on a. mais on va se laisser la possibilité d'aller dans une direction qu'on n'avait pas identifiée. Et je mets vraiment le doigt sur ce point-là, parce que moi, au sein de mon comité, il y a beaucoup de gens qui ont des responsabilités dans la vie, dans leur vie professionnelle. C'est là où on voit aussi les habitudes qu'ils ont au travail. Ça a été une vraie difficulté pour moi, parce que moi, j'ai connu ça, quand je travaillais dans l'informatique. Et je m'en suis complètement détachée parce que je ne veux plus revoir ça. Pour moi, ça ne fonctionnait pas, en tout cas. Quand je dis vraiment pour moi, c'est à titre personnel. Donc quand je me retrouvais avec des comités qui se remettaient à fonctionner, avec un élu qui est assez directif et qui n'est pas toujours à l'écoute de ce que vont dire les personnes qui sont dans le comité, j'avais beaucoup, beaucoup de mal. Ça, on va dire que c'est le premier point. Donc en fait, la première étape, c'est que j'ai fait un atelier, un World Café. avec les élus, et on a travaillé autour de la charte. En fait, on a co-construit la charte entre élus, pour qu'ils découvrent déjà le principe des ateliers d'intelligence collective, de co-construction. Et puis, j'avais fait des petites bonnes pratiques, j'ai fait des petites clés de succès, et dedans, il y avait bien l'importance de mettre un cadre. Parce que certains, encore aujourd'hui je pense, ont très peur de... du citoyen qui va râler plus fort que les autres et du coup qui va imposer sa vision dans un comité. Et moi j'explique bien que le principe en intelligence collective, c'est qu'on met un cadre de confiance, que tout le monde valide, donc à partir de ce moment-là, s'il y en a un qui ne le respecte pas... les autres ont tout à fait le droit, c'est même leur rôle, de dire « Ah bah non, là, on n'est pas dans le cadre » .

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, les limites servent aussi à protéger le collectif.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. Et ça, pour certaines personnes, c'est difficile à intégrer. Du coup, on se retrouvait avec des comités, avec un élu, qui préparait beaucoup de choses en amont. Mais oui, mais si tu prépares la solution, le comité, il va juste dire oui ou non, mais il ne va pas co-construire. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai pas encore complètement réussi à faire passer. Alors, j'espère que la personne qui a pris le relais n'a pas lâché l'affaire. Je pense que c'est aussi une question de caractère, une question de vécu. Il y a plein, plein de choses qui viennent se jouer à ce moment-là. Mais on s'est retrouvés dans des situations parfois un peu surprenantes. Je vais donner un exemple. Donc moi, je faisais partie d'un comité, je faisais un peu partie de tous les comités, du coup, mais en particulier le comité communication. Et on se dit, la communication, elle n'est pas forcément très, très bonne. Il y a un journal papier. Est-ce qu'on reste sur du papier ? Est-ce que c'est pertinent ? Enfin voilà, on se pose plein de questions. Et on se rend compte qu'il y a plein d'infos qu'on n'a pas en tant qu'habitant du village. Et donc, on aimerait améliorer ça. Le comité est composé à majorité de non-élus. On co-construit. Et donc, moi, j'anime l'atelier de co-construction. On fait plusieurs ateliers, mais on arrive vraiment à une solution qui est intéressante de se dire, on va faire... Alors nous, chez nous, ça s'appelle les brèves. On va faire des brèves mensuelles beaucoup plus courtes. qui vont être en ligne pour la majorité des gens. Et puis pour les personnes qui n'ont pas accès à Internet, je pense surtout à nos anciens pour certains, eh bien, ils vont pouvoir le recevoir, continuer à le recevoir en papier, il n'y a pas de souci. Par contre, donc on réduit la taille des brèves. Par contre, à côté de ça, on va faire un trimestriel ou un semestriel papier qu'on va distribuer dans toutes les boîtes aux lettres. Et c'est vraiment, ça va nous permettre de revenir sur... les temps forts, les projets, de faire vraiment un point de voilà ce qui s'est passé sur les six derniers mois dans notre village. J'ai animé cette réunion, on était tous d'accord, sauf qu'en fait ce qui s'est passé, c'est que dans la tête de certains élus, parce que j'ai animé la réunion, c'était mon projet. Et quand après il a fallu le mettre en place, et moi c'était un moment où professionnellement parlant, j'avais énormément, énormément de travail, j'étais vraiment sous l'eau. Et donc j'ai pas pu me libérer pour travailler sur ce projet-là. Et ça m'a été reproché. Et je pense avec le recul que le reproche était dans la logique de cette personne-là tout à fait pertinente, puisque comme j'avais animé la réunion pour cette personne-là, j'étais, je mets des guillemets, « chef de projet » . Or non, j'étais que facilitatrice. Donc je pense qu'il y a vraiment cette méconnaissance. J'ai eu beau le dire et le redire. Deux, c'est toi qui as animé, donc c'est toi qui deviens responsable du projet. Et donc si j'avais écouté ça, j'aurais été responsable de beaucoup, beaucoup de projets, à force d'animer des réunions. Donc la peur, la méconnaissance, et le dernier point, qui a été difficile pour moi à entendre, mais c'est la réalité, encore une fois, c'est que dans le cadre de confiance, moi je mets toujours la notion de bienveillance. Je mets toujours quatre règles, l'écoute, la confidentialité, la bienveillance, et parler en son jeu, pour que... on n'aille pas sur le « on est tous d'accord, on voit tous la même chose » . Non, il n'y a pas de « on » , c'est « moi » par rapport à ce que je sais et ce que je connais. Quand j'ai fait ce cadre de confiance-là avec les élus, j'ai un élu, à la fin, un ami, qui m'a dit « mais la bienveillance, Marie, franchement, oh là, c'est le temps des bisounours, quoi » . Ça m'a sidéré. Et je lui dis « bah oui, mais si tu le dis pas, tu peux pas l'attendre en face, tu peux pas l'exiger » . Non, mais Marie, franchement, je comprends pas, moi. Et là, vraiment, j'ai été sidérée parce que je me dis, cette personne-là, elle est un petit peu passée à côté de ce que je voulais exprimer. Donc là, je me suis dit, j'ai raté quelque chose. On y reviendra plus tard.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vrai que la bienveillance, c'est un mot aujourd'hui qui... qui à prendre avec des pincettes, j'ai l'impression, parce qu'on peut... tout justifié par « non, non, mais je te le dis en bienveillance » , et puis après, ils mettent des gros taquets, mais en bienveillance. Bien sûr, c'est très bienveillant. Et donc, à la fois, c'est extrêmement important pour faire ressentir aussi de la confiance aux personnes qui participent, pour qu'elles puissent s'exprimer, pour qu'elles puissent proposer des idées et se sentir légitimes aussi de participer. Et à la fois, je comprends la remarque un peu de dire non mais c'est bisounours, mais c'est toujours un équilibre à trouver finalement. Mais c'est vrai que moi je trouve que ce qui est intéressant dans ce que tu soulèves, c'est de dire en tant que facilitateur, facilitatrice, personne qui tient le champ du collectif, t'as besoin d'exprimer. les valeurs qui sont importantes pour toi, et tes points d'attention qui vont te servir de guide dans l'animation de tes sessions. Et donc effectivement, toi, quand tu arrives et que tu dis, voilà mes quatre piliers, ça te permet d'avoir ce cadre qui fait que quand il y a des débordements ou des choses comme ça, tu vas pouvoir aussi être attentive à ces aspects-là et du coup vraiment maintenir cette attention collective sur ces sujets.

  • Marie Muret-Morin

    Oui, alors je précise quand même que je n'impose pas. Comme c'est quelque chose que je fais souvent en cours avec les étudiants, c'est vrai que je leur dis voilà, moi j'ai ces quatre-là. Après, en général, que ce soit en atelier de co-construction ou en cours, il y a toujours la phase où je dis est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? Est-ce que c'est clair ? Parce que la confidentialité, c'est quelque chose qui peut surprendre. Tu viens de parler de confiance, mais en fait c'est ça. C'est-à-dire que si je n'ai pas de confidentialité, je ne peux pas assurer une confiance. J'explique, que ce soit en cours encore une fois ou en atelier, qu'à certains moments on peut avoir quelqu'un qui va se mettre à nu sur un sujet, qui va parler de son enfant malade ou de ce qu'il ou elle a vécu. Et pour qu'elle le fasse en toute sécurité, il faut absolument qu'il y ait cette confidentialité.

  • Bérénice d'Holomea

    En tout cas, je trouve que c'est assez intéressant et on arrive bien à se projeter dans ce que ça peut être et les sujets qui peuvent être traités de cette manière-là. Selon toi, en quoi est-ce que la démocratie coopérative aujourd'hui, elle permet ou ne permet pas de répondre au contexte de transition écologique et sociale, aux enjeux qui sont présents aujourd'hui ? Est-ce que, selon toi, c'est quelque chose qui gagnerait à être expérimenté dans d'autres villages, par exemple ? qui gagnerait à être plus connu, plus pratiqué ?

  • Marie Muret-Morin

    Alors la réponse est oui, bien sûr. Je suis convaincue. Déjà, il faut se rendre compte que c'est quand même un fonctionnement qui existe en France. Alors, je ne suis pas du tout là pour faire de la politique, même si au final je me suis engagée. Mais quand on regarde la Convention citoyenne pour le climat, ça a été fait en intelligence collective. Et ce qui en est ressorti, on peut ne pas être d'accord, on peut critiquer, etc. Mais... Quand on regarde, on s'intéresse à la manière dont ça a été mené, ça a été mené de main de maître. Donc c'est quelque chose qui, au niveau du gouvernement, revient régulièrement. Après, ce qu'ils en font, ça c'est autre chose. Et je trouve ça extrêmement pertinent de se dire, pourquoi ça descend pas ? Parce qu'en fait, le citoyen, ce qu'il voit au quotidien, c'est pas forcément les actions du gouvernement, mais c'est ce que fait sa commune. C'est sur quelle route il va rouler ? Est-ce qu'il y a des bus pour mes enfants le matin ? Est-ce que mes impôts locaux vont augmenter ? Est-ce que j'ai de la lumière dans la rue pour rentrer chez moi le soir tard ? Est-ce que les déchets sont bien ramassés ? Ça, c'est le quotidien de chacun. Donc, ce qu'on voit le plus, c'est ce quotidien et ce que font ces élus de proximité. Et je fais une petite aparté, c'est un sacerdoce. C'est-à-dire que moi, j'ai une grande admiration pour toute l'équipe qui est restée en place, pour tous ceux qui, partout en France, relèvent ce défi, parce que c'est un vrai sacerdoce quand on est élu municipal, on est le premier rempart de l'État. Donc on va avoir cette image pour certains de nantis, alors que derrière, nous on sait que, surtout sur les petites communes, je l'ai déjà dit, c'est bénévole. Et c'est d'ailleurs pour ça en fait que moi j'ai arrêté. parce que je ne voyais pas mes enfants, j'avais des enfants en bas âge, que je travaillais parce que je suis à mon compte, donc si je ne travaille pas, je n'ai pas de rémunération. Il y a un moment, en fait, je n'arrivais pas à m'engager autant que j'aurais aimé l'être. Et comme je n'avais pas cette rémunération derrière, il y a un moment où il a fallu que je fasse un choix. Et donc, on est cette première rempart, cette espèce de notion de vous êtes élu, donc on va se faire avoir. Il y a quoi dans les finances ? Je suis sûre qu'ils volent de l'argent ou ils ne veulent pas aller dans la bonne direction. Il y a toujours cette peur, on va se méfier, cette méfiance. Et du coup, quand on est élu, on se retrouve du jour au lendemain avec cette méfiance. Alors qu'on en a beaucoup dans le groupe, au conseil municipal, qui ont été membres d'associations, présidents d'associations, bureaux d'associations. Et c'est un vrai changement. Parce qu'avant, on voyait des gens qui nous remerciaient. Ah, vous êtes bénévole, bravo, merci beaucoup pour votre engagement, pour le temps que vous y passez. Et puis quand on est élu, c'est... Ouais, non mais bon, on sait que vous nous dites pas tout, hein. Tu vois, c'est très, très surprenant.

  • Bérénice d'Holomea

    Oui, même dans la tête des citoyens, il y a une bascule qui se fait du moment que tu as le titre élu, en gros, à coller à ton nom. C'est fou.

  • Marie Muret-Morin

    Exactement. C'est un vrai sacerdoce. Moi, vraiment, encore une fois, ils ont toute ma reconnaissance, mon admiration. Il en faut. Et en même temps, il faut vraiment être engagé. Je me suis rendu compte que je n'ai pas du tout répondu à ta question. Oui,

  • Bérénice d'Holomea

    moi aussi. Je vais te la reposer. Pourquoi, selon toi, est-ce que c'est un levier de transition écologique et sociale ? Et si oui, pourquoi ? Et si non, pourquoi aussi ?

  • Marie Muret-Morin

    Je vais parler que dans ce que moi j'ai vécu avec ma commune. Je pense que ça peut aider. Ça peut aider à prendre conscience d'un certain nombre d'enjeux actuels, et surtout de manière globale, systémique, tu en as parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que malheureusement encore beaucoup dans la tête... de personnes qui ne sont pas sensibilisées réellement au sujet du développement durable, on ne voit que la facette écologique. Nous, ça nous permet aussi de mettre au cœur des discussions, des enjeux. On a parlé des seniors tout à l'heure. On a un CCAS, comme n'importe quelle mairie, une aide sociale. Il y a des gens qui ont des difficultés financières. On va avoir des familles monoparentales. On va avoir aussi une économie locale. On n'a pas parlé, ce n'est pas forcément le lieu, mais il y a une monnaie locale en Vallée de Chevreuse. Et donc, c'est aussi promouvoir ça, parce que nos commerçants, nos artisans locaux, ils font vivre le territoire. Donc, c'est comment on s'assure qu'ils puissent rester, qu'ils puissent continuer à travailler et à faire leurs bénéfices, à pouvoir perdurer. Et tout ça, c'est pas forcément quelque chose qu'on connaît si on travaille pas autour de sujets, qui me permet de rencontrer des gens qui ont un profil très différent du mien. Et c'est surtout ça que je trouve hyper intéressant avec la co-construction, c'est que je vais rencontrer des gens qui ont un profil extrêmement différent du mien, qui ont pas le même métier, qui n'ont pas le même quotidien que moi, pas le même âge, pas le même vécu, et donc ils vont avoir un point de vue extrêmement différent. C'est ce qui... aussi rend l'exercice parfois difficile. En développement durable, dans notre comité, c'est difficile. Ça a été difficile en tout cas, quand moi j'y étais, parce que l'élu, malgré son engagement, encore une fois, on était à distance parce qu'il y avait le Covid, je répète, il faut vraiment planter le décor, eh bien, il s'est retrouvé face à des gens qui avaient des profils très différents, et donc c'était pas évident d'arriver à laisser la parole à chacun et de prendre en compte un petit peu tous les sujets. Je pense que sincèrement, si je prends un peu de recul par rapport à mon expérience d'élu, pour moi c'est ce qui va nous sauver. Voilà. C'est pas magique. C'est-à-dire qu'il faut beaucoup de temps, il faut de l'abnégation, il faut sortir de sa vision égocentrée de moi, qu'est-ce que le collectif peut m'apporter, qu'est-ce que je peux en retirer, voilà. Et il faut arriver à avoir une vision complète, de commun. comme ils existaient avant, les communs, et comment on peut les animer pour tous. Pour moi, c'est ce qui peut nous sauver. Maintenant, malheureusement, quand je vois la direction que prend la société dans laquelle on vit, je me dis qu'on n'y va pas trop.

  • Bérénice d'Holomea

    Justement, je trouve que c'est intéressant d'aller voir des exemples tels que celui-ci, parce que c'est aussi un peu ce que tu partageais tout à l'heure, mais il y a pour moi une différence entre l'échelle qui est très médiatisé, qui est très suivi par la plupart des gens, et puis l'échelle de ce qui est vécu au quotidien. Et effectivement, des fois, on a tendance à regarder des choses qui nous dépassent complètement, des enjeux géopolitiques qui nous paraissent loin et complètement inaccessibles. Et des fois, je trouve que ça vaut le coup aussi de se recentrer sur ce qui nous concerne et ce qui nous touche particulièrement autour de nous. Et d'où l'intérêt de montrer des modèles tels que celui-ci pour dire « Regardez, ça existe. » Et même si la trajectoire à une échelle nationale ou internationale laisse un peu à l'abîme, on peut faire autrement et on peut modéliser autrement en local au moins. Après, évidemment, il y a toujours la question de la cohérence locale-globale. Mais je trouve que c'est un témoignage super intéressant pour essayer de fonctionner différemment. et je pense que justement j'ai l'impression que ce que tu partages c'est le fait que tu l'aies vécu dans ce contexte là, ça aide aussi à s'ouvrir d'autres manières de penser et peut-être dans d'autres contextes Tu disais tout à l'heure qu'il y avait des personnes qui travaillaient aussi dans des entreprises, etc., à côté de leur mission d'élu. Peut-être que, du coup, cette expérience-là leur a permis aussi peut-être de ramener dans leurs autres communautés des fonctionnements qu'ils ont pu expérimenter dans ce cadre-là. Ça,

  • Marie Muret-Morin

    ça serait le rêve. Ce que je voulais préciser, là je t'écoutais résumer tout ça, c'est qu'il y a, je pense, aussi une nécessité d'être patient. Est-ce qu'on peut se permettre la patience ? Ça, je ne sais pas. mais quand je discute avec claire et qu'elle me raconte des échanges avec d'autres maires, parce qu'il y a les communautés de communes, il y a des groupements, les maires se connaissent les uns avec les autres, ils travaillent régulièrement ensemble. Elle me dit que la vision que elle, je dis bien elle parce que c'est elle qui est vraiment à l'origine, et que le conseil municipal a eu concernant la démocratie coopérative, c'est pas une vision qui est partagée dans les villages autour, à part les Molières, j'ai donné comme exemple tout à l'heure, et c'est pas du tout partagé. Donc quand elle en parle, Elle a eu déjà des mères qui lui ont dit « Oh là là, non, ils nous ont élus, maintenant on travaille tranquille et on ne veut pas s'embêter » . Voilà. Évidemment, je vais un petit peu loin, je ne pense pas que ça a été dit comme ça, mais en tout cas, c'est l'idée derrière. Et souvent, quand on regarde, ce sont des personnes qui sont d'une autre génération, qui ont connu autre chose. Je pense que les choses évoluent beaucoup. C'est une manière de fonctionner qui est relativement nouvelle au niveau des collectivités. Donc je pense qu'il faut aussi accepter que... ça prend du temps parce que pour mettre en place de l'intelligence collective il faut aussi être convaincu que ça fonctionne et pour être convaincu il faut l'avoir expérimenté et puis surtout il faut aussi passer parfois par un peu de déconstruction aussi d'anciens modes de fonctionnement qui sont très innés et très bien construits depuis l'éducation et tout ça Et je pense que c'est pas facile aussi quand on a fait comme ça pendant longtemps et que c'est ça notre image de ce que c'est que la réussite ou la performance. Il y a besoin aussi de mettre en question ses convictions personnelles aussi pour expérimenter ça. Oui, c'est un vrai enjeu. Je repensais à une autre commune qui avait fait appel à moi pour, pareil, mettre en place de la co-construction. Ils y connaissaient rien. Claire leur avait parlé du fait que moi, je faisais ça au sein de la commune. Et donc on avait fait une petite réunion juste pour que je les guide. Et en fait, moi, c'est ce que je préfère faire. C'est-à-dire que je vais avoir un élu qui va être curieux parce qu'il l'a expérimenté, parce qu'il est convaincu, pour plein de raisons, qui va faire son petit bout de chemin au sein de son conseil municipal, auprès de son maire, pour essayer de convaincre, d'essayer autre chose, parce que c'est vraiment ce qui s'est passé. Et puis après, qui va s'ouvrir en se disant « Bon, maintenant c'est bon, on a le go, on essaye sur un sujet. qu'est-ce qu'on fait ? Et là, on regarde, il y a des outils qui existent, il y a des personnes qui peuvent nous accompagner. Et après, moi, en général, je suis en amont et on réfléchit ensemble. Tiens, on pourrait faire tel atelier, tel atelier. Je propose toujours mon aide. En général, je leur dis, allez-y d'abord. Et souvent, on a tellement discuté du sujet, on a tellement structuré les activités, les ateliers en amont, qu'en fait, après, ils me disent, écoute, je le fais et puis je reviens vers toi. Et ça a été fait dans... plein de domaines pour le sport, pour les seniors, pour... Je parle encore de ma commune, là. Le sport, les seniors, on a parlé du cimetière tout à l'heure. Là, pour le tiers-lieu, et moi, c'est ce qui me permet de voir que ça a vraiment fonctionné, même si je n'ai pas resté longtemps. C'est que j'ai des élus qui sont convaincus aujourd'hui. Ils ne connaissaient pas avant, ils ont testé, ils ont vu que ça marche, que c'est un vrai bénéfice pour tout le monde. et que du coup ils ont envie d'y aller. Et ça pour moi c'est une vraie réussite.

  • Bérénice d'Holomea

    C'est vraiment très inspirant en fait je trouve comme témoignage parce que ça fait toujours du bien je trouve de montrer en fait ce qui existe. Et tu disais tout à l'heure bah oui ça existe en France. Et voilà je trouve que c'est chouette de voir justement des personnes qui s'engagent et ça donne envie aussi d'aller s'intéresser à ce qui se passe autour de chez soi. Mais non merci énormément pour... pour nous avoir expliqué ce que c'est et concrètement ce que ça peut donner. C'était très enrichissant et très inspirant. Merci beaucoup.

  • Marie Muret-Morin

    Merci beaucoup de m'avoir invitée.

  • Bérénice d'Holomea

    En tant qu'élue dans le village de Cernay-la-Ville et en tant que responsable de la démocratie coopérative, Marie a été en charge de porter cette démarche de coopération dans les différentes actions menées par les élus. Son rôle était de faciliter la co-construction des projets pour qu'à la fois ils répondent aux réels besoins des habitants et à la fois que ça puisse favoriser l'adhésion des différentes parties prenantes impliquées dans le projet. Le but, l'ambition on va dire derrière tout ça, c'est vraiment de faire évoluer le village vers une certaine vision plus souhaitable, que ce soit pour les personnes qui vivent ou qui travaillent à Cerner-la-Vie. La démocratie coopérative, c'est une approche qui est vraiment basée sur la co-construction entre les élus et les citoyens, et dont les projets sont systématiquement présentés au conseil municipal, ce qui la différencie de la démocratie participative dans laquelle on va consulter. les citoyens, mais sans forcément que le projet soit présenté au conseil municipal et voté par les élus, etc. L'intérêt de cette démarche de la démocratie coopérative, il y en a plusieurs. Déjà, c'est la prise en compte des contraintes des parties prenantes qui sont impliquées dans les projets. On l'a vu notamment avec l'exemple de la cantine, mais de comprendre en fait les vrais enjeux et les vraies contraintes des personnes qui travaillent dans ces situations-là. Ça permet d'avoir une meilleure compréhension de la situation. Le deuxième intérêt, c'est qu'il y a aussi une meilleure prise en compte des besoins réels pour les bénéficiaires, c'est-à-dire de quoi ont vraiment besoin les habitants, quels sont en fait les besoins auxquels on est confronté tous les jours, et pas finalement des besoins qu'on suppose par rapport à nous, notre prisme, mais qui finalement ne prend pas vraiment en compte les attentes des personnes qui vont bénéficier de la solution. Tout ça, ça permet donc d'avoir une meilleure représentation aussi de tous les enjeux et avec un aspect vraiment de systémie, donc vraiment voir tous les liens de cause à effet, les conséquences, les externalités, etc. D'avoir cette représentation qui est complexe, c'est pas vraiment facile et donc le fait de fonctionner en démocratie coopérative, ça permet d'appréhender et d'avoir une meilleure représentation de son système, que ce soit sa commune ou plus largement. Tout ça permet d'avoir des réponses plus pertinentes, des décisions plus faciles à prendre, ou en tout cas avec une meilleure compréhension des enjeux, des prises de décisions plus éclairées et des solutions bien plus pertinentes. Comme dans toutes les approches, il y a également des difficultés, notamment le fait de faire évoluer les pratiques des personnes qui n'ont pas de décision. pas l'habitude de fonctionner de cette manière-là en démocratie coopérative, etc. C'est pas facile d'intégrer ces fonctionnements-là quand on a appris d'autres types de fonctionnements collectifs auparavant. Et donc, c'est tout à fait normal de développer les compétences de la coopération. On a fait un épisode à ce sujet d'ailleurs. Il peut y avoir de la peur, il peut y avoir de l'appréhension, de la méconnaissance aussi. Donc voilà, il y a vraiment ce paradigme aussi sur la manière de travailler avec d'autres personnes. Et puis comme on disait tout à l'heure, le côté vision systémique, c'est aussi quelque chose qui peut être un petit peu difficile à appréhender au départ. En tout cas, cette démarche, elle a vraiment son intérêt dans le contexte de transition écologique et sociale, déjà parce qu'elle permet d'avoir vraiment un rôle aussi, un pouvoir d'action sur des enjeux qui sont locaux, des enjeux de vie qui nous concernent directement à notre échelle. ça aide également à prendre conscience d'enjeux, à élargir sa vision, et pas seulement le voir sous un prisme écologique ou économique ou social, mais d'avoir vraiment ce triptyque. Et c'est vrai que du coup, le fait d'expérimenter peu à peu la vision systémique d'un sujet, que ce soit pour la cantine ou pour d'autres sujets, le fait de commencer petit à petit à se représenter les choses de manière systémique, ça aide pour tous les sujets qui sont complexes comme ceux de la transition écologique et sociale. Également, ça permet de s'ouvrir à rencontrer des personnes qui n'ont pas les mêmes points de vue, qui n'ont pas les mêmes expériences, qui ne sont pas des mêmes générations ou qui ont des vécus qui leur sont propres. Et ça, c'est pareil, ça a vraiment l'avantage d'aller ouvrir les manières de penser, de permettre aussi de peut-être faire évoluer sa posture, que ce soit par rapport au commun, par rapport au collectif, par rapport à comment on travaille ensemble, comment on... On débat ensemble, etc. Et c'est évidemment des choses qui sont hyper importantes sur des sujets comme la transition, où chacun va venir apporter sa perception d'une situation. Et donc je dirais finalement que cette démarche de démocratie coopérative, ça modélise et ça permet d'expérimenter une autre dynamique collective, surtout dans les villes et dans les villages. Et puis, comme je viens de le dire, là c'est Marie qui en témoigne, mais Je pense que pour en être pleinement convaincu et pour pouvoir le diffuser à plus grande échelle, l'important c'est aussi de pouvoir le vivre, de pouvoir l'expérimenter soi-même. Ça demande évidemment du temps et de l'engagement, mais on peut commencer sur des petits projets, sur des idées, sur des choses qui ont une petite importance à un certain moment si on n'a pas envie de prendre trop de risques. Et puis ensuite, on va dire ajouter des crans de manière itérative, que ce soit pour impliquer plus d'acteurs ou pour le faire sur un sujet de plus en plus important ou sur de plus en plus de sujets. Mais en tout cas, il y a des solutions qui existent aussi pour être accompagné dans ces processus-là. Marie partageait le fait qu'elle accompagne aussi d'autres groupes dans ces démarches-là. Retrouvez les épisodes de l'affluence une fois par mois. Ils forment un recueil de témoignages, de vécus liés aux transformations des fonctionnements collectifs qui vous permettra d'avoir des clés pour faire... évoluer à votre échelle votre environnement professionnel. Pour ne rater aucun épisode et pour faire grandir ce podcast, vous pouvez en parler autour de vous. Vous abonnez sur votre plateforme d'écoute préférée et nous laissez des étoiles si vous nous écoutez depuis Spotify ou Apple Podcast. Merci pour votre écoute et à bientôt pour un nouvel épisode de l'affluence.

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