- Natacha Sels
La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.
- Jacky Dayan
Et comme je dis à mon épouse, j'ai deux remèdes pour moi, magiques, c'est la chanson et le soleil.
- Natacha Sels
Les Dayan, Mélodie en tendresse majeure, partie 2. Dans ce second épisode, nous retrouvons Jacky, Jonathan et Myriam Dayan. Jacky, très croyant et un peu crooner, y révèle sa peur de chuter, tandis que nous découvrons ses impressionnants titres de service. Myriam ose dire sa révolte, tout en nous laissant voir sa force fédératrice. Jonathan admet l'insupportable impuissance face à la maladie, mais constate néanmoins qu'elle rassemble. C'est toujours un chemin. Reconnaître l'autre en soi, retrouver des temps de présence dans des vies où le travail est le maître mot. Laissez les enfants grandir. Malgré la maladie, une belle histoire dont nous laisserons le dernier mot à Bruce Willis.
- Myriam Dayan
Il est très musique. Il aime toutes les chansons. Alors, il aime beaucoup les chansons un peu tristes. Il passe des heures avec son... Parce que moi, ça m'agace par moments. Avec son casque sur la tête à écouter de la musique. Pour dormir, il met sa musique.
- Jacky Dayan
C'est terrible. Hier soir, j'étais fatigué. Je me suis mis au lit à 20 heures et... Et mon épouse qui me dit « Mais tu veux que je te mette la télé ? » Non, j'avais besoin d'écouter ma musique. Je suis resté écouter ma musique, les yeux grands ouverts. Et ça me faisait un bien fou.
- Natacha Sels
Alors qu'est-ce que ça vous fait justement ? Qu'est-ce qui vous fait du bien dans l'écoute de ces musiques ?
- Jacky Dayan
Je ne sais pas vous l'expliquer mais c'est des moments où j'ai mon casque et j'écoute ma musique et des fois quand elle rentre dans la chambre elle me dit arrête arrête elle supporte plus ses musiques tristes mais moi je les trouve pas tristes il y a de la nostalgie je ne sais pas comment vous expliquer voilà c'est des chansons que j'adore écouter chaque parole Je suis abonné à Spotify et mon fils m'a envoyé un truc où ils ont constaté le nombre de chansons que j'écoutais. Ils m'ont demandé comment vous trouvez le temps pour écouter autant de chansons. Alors c'était combien ? Je ne sais pas. il y en avait c'est je crois que c'était il m'a dit mon dit que j'ai 10% le meilleur de d'écouté le top 1 c'était Serge Lama, Claude Barzotti c'est des gens que j'écoutais c'est vrai je me rendais pas compte il ya une chanson de Claude Barzotti que j'ai écouté au mois d'octobre, il s m'ont dit 7 950.
- Natacha Sels
Alors,dites-moi les titres.
- Jacky Dayan
Joe Dassin, c'est "à toi". Michel Sardou, la chanson du couple. Ils vont aller à l'hôtel ensemble. Tous nos enfants ont bien grandi. À penser à nous. Elle est très belle, cette chanson.
- Natacha Sels
Est-ce que vous chantez, justement ?
- Jacky Dayan
Je chantais beaucoup en karaoké. J'ai installé un appareil, là mon fils va me l'installer, pour rechanter en karaoké.
- Jonathan Dayan
Il avait vraiment une très belle voix. Là il a perdu un peu en voix aussi. C'est quelqu'un qui a toujours beaucoup chanté. Nous on se marrait quand on était gamin par rapport à ça, mais c'est vrai qu'il faut dire qu'il avait une très belle voix.
- Jacky Dayan
On était un club karaoké en club de vacances. Et tout de suite, j'étais premier. Je voulais absolument chanter. Et ma femme qui avait pris les photos, et on voyait mes enfants, ils étaient comme ça. Ils étaient gênés. Alors que je chantais, ils avaient honte.
- Jonathan Dayan
Non, on rigole, parce que c'est vrai que des fois, on rentre et il y a la musique, et la musique, c'est des musiques déprimantes et des trucs... Vous savez, des trucs qui vous foutent le cafard, genre Isabelle Boulet ou des trucs... Rien contre Isabelle Boulet, mais c'est des trucs qu'on entendait en années 90 quand on faisait nos devoirs. des musiques qui vous met il est il est il est dans le aussi dans l'émotion et il va écouter des chansons des enfants d'amour et c'est vrai que nous on n'est pas trop là dedans donc c'est plutôt drôle de voir ce contraste
- Natacha Sels
Et qu'est ce que vous pensez avoir à part une belle voix aussi parce que j'entends la voix de Jonathan qu'est ce que vous lui avez transmis qu'il est dans la vie aujourd'hui d'après vous ?
- Jacky Dayan
Je pense le volontarisme, le sourire. Tout le monde me dit que c'est ton portrait, Jacky, que ce soit mes frangines. Ils se rendent compte qu'il a le même caractère que moi.
- Natacha Sels
Et Jonathan, qu'est-ce que tu dirais là-dessus ?
- Jonathan Dayan
Il a fallu que je trouve ma voix, et ça, je l'ai hérité de lui, le côté TDAH un peu, et puis dans le travail, et puis qui lâche pas si c'est pas fini, et qui continue, continue, continue, continue. C'est quelqu'un qui pourrait rester trois heures sous la pluie pour terminer quelque chose. Moi c'est pareil, si j'arrête c'est un échec. Le côté un peu aussi speed.
- Natacha Sels
Alors aujourd'hui, vous en profitez du fait qu'il est un petit peu plus stationnaire ?
- Jonathan Dayan
Alors oui, on en profite et on essaye justement d'avoir plus de monde avec lui. Mais aujourd'hui, c'est nous qui sommes comme ça dans le travail. Moi, je me retrouve beaucoup dans lui au final. J'ai un autre métier, mais...
- Natacha Sels
Qu'est-ce que vous faites ?
- Jonathan Dayan
Je travaille dans un cabinet de conseil en immobilier. Je passe beaucoup de temps avec les enfants du château où ils travaillaient. C'est mes clients au final. je vois avec ma fille aujourd'hui comment c'est ou parfois je peux être là sans être là parce que ma tête est à 5000 endroits en même temps où en fait on vit à travers un objectif le temps passe et des fois je me dis mais qu'est ce que je fais là et pourquoi je suis pas là bas quoi et il a passé ou ici avec lui parce que tout ça c'est éphémère est ce que lui a travaillé comme un dingue et puis le jour de sa retraite il a pris parce qu'il avait la maladie de charcot et au final bas le temps est passé et on n'a rien fait ou peut-être qu'on a fait mais on n'était pas là dans notre tête
- Natacha Sels
Alors est-ce que justement la maladie vous apprend des choses et peut-être ce que vous êtes en train de dire qu'il faut prendre le temps et du temps présent pour être avec ceux qu'on aime.
- Jonathan Dayan
Bah je pense que c'est ça j'ai vécu pendant 10 ans en Asie,je le voyais une fois par an donc j'ai loupé plein de choses d'adulte avec lui j'ai pas eu de relation d'adulte avec lui où on sortait, où on faisait mes frères l'ont eu mais moi j'étais là une fois par an et quand j'étais là dit les choses. travail donc on se croise et et pourquoi je dis ça c'est parce que c'est vrai que lui des fois on va croiser des gens qui sont dans des postes incroyable aujourd'hui et qui le voit comme étant dieu sur terre parce qu'il les a éduqués c'était leur père moi j'ai des gens qui sont venus me voir et des mentors pour moi aujourd'hui qui m'ont dit c'était comme notre frère parce que ton père c'est notre aussi il nous a reçus on avait six ans et en fait il n'était pas éducateur il était beaucoup plus que ça pour et en fait il s'investissait tellement dans son métier que pour eux, c'était un père aussi, au final. Et en fait, il a changé la vie d'énormément de gamins, comme ça. C'était du social, c'était pas toujours payé comme ça devrait être, c'est pas toujours dans les critères qu'on se dirait. Et lui, il s'en foutait d'avoir des heures supplémentaires ou pas, en fait. C'était le devoir. Et pour ça, il a fait un bien dingue.
- Natacha Sels
Qu'est-ce que ça vous fait quand il dit ça ?
- Jacky Dayan
C'est vrai que je me suis occupé de jeunes assez. Ils étaient tout petits. Et donc, ils sont reconnaissants. ça vous prouve À tel point, je me suis dévoué pour eux.
- Natacha Sels
Donc en fait, c'est une histoire de chassé-croisé qui peut-être aujourd'hui se pose. Et vous prenez le temps ?
- Jonathan Dayan
J'essaye de le faire. Mais après, il y a les contraintes de la vie. On gère les contraintes de la vie. Mais il viendra un jour où oui, on regrettera.
- Natacha Sels
Mais là, vous le faites quand même plus.
- Jonathan Dayan
Je le fais beaucoup plus. Pour moi, c'est hyper important d'être là une fois par semaine. Je le fais pour moi, pas pour lui.
- Natacha Sels
Est-ce que vous le redécouvrez, votre fils ? Est-ce que vous le voyez ?
- Jacky Dayan
On ne s'est pas vu pendant dix ans, mais c'est vrai que c'est quelqu'un qui a fait énormément pour moi quand la maladie est arrivée. C'est tellement investi dans cette maladie. Même si les autres aussi, à leur manière, j'ai trois enfants qui ont un caractère différent. Lui, quand je le vois, c'est moi. J'ai l'impression que c'est moi. On a beaucoup de liens qui nous relient. Et les autres sont un peu plus timides.
- Natacha Sels
Alors comment vous pourriez le décrire physiquement déjà et un peu son caractère ?
- Jacky Dayan
C'est quelqu'un qui est fort sympathique, qui se donne avant, qui est volontaire. Il a cette qualité et puis c'est un battant. Mais maintenant, j'ai tendance à lui donner des conseils, surtout d'aller doucement. Quand il parlait de retraite, j'étais débile. J'étais à la retraite et je ne voulais pas m'arrêter. Et j'ai continué à travailler malgré la retraite pour vous dire, et je lui dis toujours de se ménager maintenant.
- Natacha Sels
Alors, vous pouvez me le décrire physiquement ?
- Jacky Dayan
C'est moi. C'est un beau garçon, des yeux bleus, un beau brun aux yeux bleus.
- Myriam Dayan
Il a des yeux magnifiques. C'est vrai que c'est un beau garçon et c'est la première chose qu'on voit chez lui, c'est les beaux yeux dont sa petite-fée a hérité aussi.
- Jonathan Dayan
Alors le fait qu'il ait eu cette maladie etc pour moi ce sera la pire chose parce que j'ai toujours été hyper proche de lui et j'ai toujours voulu le couver alors que... Enfin c'est assez drôle le rapport qu'on a là-dessus, mais le fait de voir ça se passer et de rien pouvoir faire pour moi c'est... voilà.
- Jacky Dayan
Et il sait que... L'affection que je lui porte, elle est assez grande. Mais il faut qu'il pense à lui, qu'il pense à sa petite famille. Comme je vous disais tout à l'heure, on a chacun une vie. Et puis, bon, grâce à Dieu, j'ai bien vécu. Et puis, voilà, on arrive à un âge où c'est un peu compliqué.
- Natacha Sels
Qu'est-ce qui vous a étonné chez lui, que vous ne connaissiez pas de lui, depuis que vous êtes malade ?
- Jacky Dayan
C'est cette façon de se battre pour la maladie. C'est le temps qu'il a passé pour les recherches. et tout ça.
- Jonathan Dayan
Aujourd'hui, je suis un peu plus en... Je sais qu'il y a moins de choses que je peux faire, même si j'aimerais faire beaucoup plus et que je continue à faire. Mais à l'époque, l'action m'aidait. Lui, il était dans la résilience, la croyance, etc. Moi, c'était de faire... Il n'y a pas trois jours qui se passent sans que je regarde s'il y a des nouveaux traitements. Et je vais regarder. Alors avant, c'était toutes les deux heures. Aujourd'hui, c'est toutes les deux, trois jours. En fait, chacun a pris son rôle. Lui, il a pris le rôle du management de cette maladie et de l'accepter. et de ne pas vriller. Ma mère a pris le rôle le plus important, qui est celui de maintenir la famille à flot, et de maintenir une vie, de maintenir une maison, de faire le papier, les trucs. Moi, j'ai essayé de trouver des solutions pour essayer de maintenir aussi quelque chose dehors, mais mon frère a une petite fille. et à amener cette joie dans la maison, etc. Mon petit frère est ici, il vit ici en ce moment, et donc les aides... En fait, chacun, à travers sa personnalité, a trouvé un emplacement autour de cette maladie, et on n'en a jamais parlé, forcément, les cinq, à se dire, toi tu fais ci, toi tu fais ça, jamais. Mais à travers ça, on a trouvé notre place.
- Natacha Sels
Vous êtes de confession juive. La foi, elle a été renforcée par cette épreuve, ou est-ce qu'il y a quelque chose qui a bougé ?
- Jonathan Dayan
Des trois sur ses trois enfants je pense que je suis celui qui garde quand même un peu un lien mais après comment ça évolue je sais pas tellement je les peut-être garder lire parce que j'étais loin et que c'était une façon de garder quelque chose de la famille et Par rapport à la maladie, forcément, on se dit que c'est quelqu'un qui est très croyant et quelqu'un de bon. Et quand un truc pareil arrive à quelqu'un de bon, forcément, on a un peu plus de mal à se dire et à se justifier cette religion.
- Jacky Dayan
Je pense que cette maladie les a révoltés, en fait. Ils ne peuvent pas comprendre que ça arrive à... Excusez-moi. J'étais quelqu'un de... Comment dirais-je ? De beau. Et que ça m'arrive. Et ça, ça les a réportés. Et je leur dis, c'est comme ça, ça vient, ça vient, il faut l'accepter. Et en fait, quelque part, je me rends compte que ça les éloigne plus. Qu'est-ce que j'ai voulu leur transmettre ?
- Jonathan Dayan
Lui, il a forcément des messages et s'élève de plus en plus avec le temps, au-dessus de la maladie et au-dessus de tout ça. et au final c'est lui qui est maître de tout ma mère peut parler de ce que c'est d'être vraiment tranché dans et nous on peut parler du fait que on vit ça et on aimerait ne pas le vivre et penser à autre chose et c'est comme ça et qu'on le fait par choix même pas pour lui, c'est pour nous Donc, voilà.
- Natacha Sels
En famille, aujourd'hui, quelle est votre plus grande joie ? Ou quelle est votre plus grande joie de façon générale ?
- Jonathan Dayan
C'est d'être là, de le voir, etc. Mais après, grande joie. Non, si ça s'arrête pas. Si ça s'arrête, oui. Ah, si ça s'arrête. Là, je deviens un juif religieux, il n'y a pas de souci. Tout, on change. Il n'y a pas de souci, je me... Voilà, je ferai tout. Mais on marche avec un poids. Des fois, on l'oublie un peu. le poids et on l'oublie moi je l'oublie à travers le travail des fois mais de parler de joie de tout non parce qu'on n'accepte pas et on acceptera jamais ça il faut et quand les médecins vous font comprendre que c'est comme ça, tout de suite dès qu'on parle d'un truc on casse tout de suite et je le décomprends parce qu'ils se disent s'ils espèrent c'est encore plus dur parce qu'ils seront déçus deux fois mais merde qu'on y croit en fait, il y a des gens qui tiennent 25 ans donc on en parle mais non une joie il faut être en paix avec soi-même et à fond non, on acceptera jamais et ça c'est hors de question et même après on acceptera pas ce qui lui est arrivé c'est normal, pourquoi donc
- Jacky Dayan
Quelque part heureusement que tu as la petite qui est arrivé ça te donne une autre occupation que alors que tu t'investissais tellement et que la petite c'est important s'il faut pas que tu la lâche et que tu as une vie de famille c'est important aussi
- Natacha Sels
Comment elle s'appelle la petite ?
- Jonathan Dayan
Liv. Liv, c'est joli ça. Ca veut dire la vie. Et on a trouvé ça hyper joli dans ce moment où on avait besoin de ça. Et c'est pour ça qu'on a pris ce nom.
- Natacha Sels
Quelle est votre plus grande joie tous les jours ?
- Myriam Dayan
De nous réveiller le matin et de voir qu'il n'y a pas baissé encore, qu'il n'y a pas autre chose qui se révèle ce jour-là. par rapport à la maladie. Et puis quand les petits-enfants, mes petites-filles viennent, je suis tellement contente de les voir. Ils nous remplissent de joie, c'est le bonheur. Elles sont arrivées après l'annonce de la maladie, parce qu'on n'avait pas de petits-enfants avant. Et donc ça a été un grand bonheur.
- Natacha Sels
Qu'est-ce qui, pour vous, est essentiel dans la vie ? Et est-ce que ça a changé avec la maladie ?
- Jacky Dayan
C'est juste d'avoir mes enfants, mes petits-enfants. Voilà, je vis la vie au jour le jour. Je ne me pose pas de questions sur l'avenir. Je ne me fais plus de projets malheureusement. Voilà, c'est comme ça.
- Natacha Sels
Est-ce qu'il y a un endroit au soleil où vous aimeriez aller quand même ?
- Jacky Dayan
Oui, mon paradis c'est la Crète. C'est un lieu où on devait s'installer. Et malheureusement ça ne s'est pas fait. Je me levais le matin, j'ouvrais les volets, je ne me posais pas de questions, il y avait le soleil qui était là au rendez-vous. C'est un endroit que j'aime. beaucoup en fait qu'est ce qui vous plaît là bas bas c'est la gentillesse des gens des devoirs le soleil la mer les restaurants tout était agréable en fait l'accueil, c'était très bien
- Natacha Sels
ça vous paraît possible d'y aller ?
- Jacky Dayan
Maintenant, c'est difficile parce qu'en fait, j'allais chez mes beaux-frères qui avaient deux belles maisons et l'accès est difficile maintenant.
- Myriam Dayan
Moi, j'aurais envie de faire des voyages puisqu'on avait l'habitude de partir trois, quatre fois dans l'année.
- Natacha Sels
Vous êtes des voyageurs.
- Myriam Dayan
On a fait toute l'Asie quand mon fils y était, évidemment.
- Natacha Sels
Il était où en Asie ?
- Myriam Dayan
Il a été les dernières années à Hong Kong, mais il était à Pékin. On a fait pas mal d'endroits avec lui, on a été à Tokyo. Moi ça me plaisait, ces voyages, et puis c'est comme ça. Il n'acceptera pas de partir trop loin, parce qu'il pense toujours à l'encadrement, aux commodités qu'il va trouver sur place, il a peur de tomber, il réfléchit trop à certaines choses.
- Jacky Dayan
Et puis comme j'ai fait une chute dernièrement, j'ai plus de craintes. Donc j'ai un ergot qui vient, qui m'aide à essayer de me redonner la confiance en fait. C'est l'appréhension. J'ai toujours eu l'appréhension avant de faire quoi que ce soit. Bien avant la maladie. Oui, pour moi, l'inconnu, c'est ça.
- Myriam Dayan
Dès qu'il y avait quelque chose à affronter, qu'il n'avait jamais fait auparavant, il appréhendait, déjà. Donc, ça, il a toujours eu ce caractère. Mais après, tout allait bien. Mais... Une fois qu'il se lançait, qu'il avait vécu cette chose, il était tout content, il avait envie de recommencer. Mais il y a cette appréhension toujours de l'inconnu.
- Natacha Sels
Et du coup, dans la maladie ?
- Jonathan Dayan
Dans la maladie, je disais que, enfin moi, il m'a donné l'impression de, il sait ce qui va se passer par la suite, puisqu'il a lu plein de choses sur cette maladie. Donc, ce qu'il a fait avant de vivre toutes ces choses-là, il est rentré dans le moule complètement. c'est-à-dire qu'il s'est mis dans un sur son fauteuil à ne plus rien faire quoi. Enfin il ne s'autorise plus à se lever, à bouger, à faire certaines choses qu'il pourrait faire avec de l'aide évidemment et il est rentré directement dans la maladie, il s'est installé dedans et il attend gentiment. Le jour où il a pris la maladie c'est comme s'il a été condamné à mort et puis là il est gentiment déjà dans la case où il faut en attendant la sentence quoi.
- Natacha Sels
Qu'est-ce que vous pensez de ça ?
- Jacky Dayan
Non mais je suis d'accord avec elle. C'est... Je disais tout à l'heure, j'ai pas de frustration, à partir du moment où je suis bien, je suis à l'aise, j'ai tout ce qu'il me faut autour de moi, ça me suffit, donc j'éprouve pas le besoin d'aller vers l'extérieur. mais pour revenir à l'appréhension je vous donne un exemple concret demain après midi j'ai une heure avec un ergothérapeute qui fait des efforts pour me lever me donner confiance à chaque fois la veille la veille j'y pense Je n'arrête pas d'y penser, j'ai peur, etc. Et une fois que c'est passé, il a fait l'exercice avec moi pendant une heure. Quand il s'en va, on a un grand sourire. Je suis content, ça s'est bien passé. Mais c'est l'appréhension qui est toujours.
- Natacha Sels
Est-ce que peut-être cette histoire, elle est là pour que vous dépassiez ça ?
- Jacky Dayan
C'est possible, mais je n'arrive pas, je ne sais pas comment. Je travaille pourtant l'évitement avec moi, avec la psy. Tout le temps, on travaille là-dessus. Elle me dit qu'il faut bien prendre de la respiration au moins pendant une ou deux minutes avant de faire tel exercice, etc. Je vais essayer de le faire maintenant.
- Natacha Sels
Vous auriez envie de dépasser ça et de faire plaisir à votre famille ?
- Jacky Dayan
J'aurais bien aimé. Mais je vous dis, je regrette maintenant le temps où je pouvais sortir et on me prenait avec la chaise et on m'installait directement dans la voiture. Mais bon, j'espère que ça va me revenir avec ce véhicule.
- Natacha Sels
Est-ce qu'il y a un message que vous auriez envie de faire passer à d'autres malades ?
- Jacky Dayan
Vivre au jour le jour en fait. Moi j'ai beaucoup aimé cette phrase d'Albert Camus et je l'ai gardée en fait. Et c'est important.
- Natacha Sels
De vivre au jour le jour ?
- Jacky Dayan
Vivre au jour le jour, ne pas penser à la mort qui c'est un rendez-vous que tout le monde a. Voilà, vivre au jour le jour, c'est important.
- Natacha Sels
Est-ce que quand on a la foi, on pense à l'après quand même ?
- Jacky Dayan
La seule chose que je me pose la question, c'est trachéotomie ou pas, la faire ou pas la faire. Le suicide est interdit dans ma religion, donc après, ma question que je me pose, est-ce que je dois accepter ou ne pas accepter ? Mais je suis arrivé à un point maintenant où je me dis, peut-être pour soulager mon épouse, d'aller dans une maison de retraite deux semaines et la laisser souffler. Et puis là, bon, moi, je n'ai pas d'avion, ils sont bien équipés.
- Natacha Sels
Qu'est-ce que vous pensez de ce qu'il vient de dire ? Ça s'appelle des maisons de répit ou quelque chose comme ça ?
- Myriam Dayan
Non, il faut qu'on profite jusqu'au bout de ce qu'il peut faire, de lui, de sa présence. Je pense que c'est le plus important.
- Jacky Dayan
Elle s'épuise énormément. Non, c'est... c'est fatigant pour elle.
- Natacha Sels
Et vous, est-ce que vous arrivez à prendre du temps un peu pour vous ?
- Myriam Dayan
pas vraiment j'ai pas le temps je n'arrive pas j'ai pas le temps les semaines passent très vite il ya toujours quelque chose si c'est pas le kiné qui arrive demain c'est l'ergo enfin bon il ya tout le temps tout le temps quelque chose la journée passe très vite j'ai une demi-heure pour moi le matin pour penser à me doucher m'habiller enfin voilà vraiment voilà donc il m'arrive de partir faire des courses mais j'ai une caméra que je mets en face de lui où je peux voir si ça va. Bon, il ne se lève pas, évidemment, mais je ne peux pas le laisser trop longtemps seul. Donc, c'est très compliqué. Je suis rentrée dans... J'ai l'impression d'être malade comme lui, de toutes les façons, puisque je fais exactement ce qu'il fait, je passe les mêmes journées que lui. Il y a des moments où je suis très fatiguée. parce que bon le soir je n'ai pas d'aide donc il faut le coucher il faut le tourner dans la nuit il faut voilà toutes ces choses là il faut se lever le faire etc mais je comme je vous disais je ne réfléchis pas je ne réfléchis pas sinon sinon je vais me révolter et ça je sais que ça sert à rien alors des fois je suis pas très gentil avec lui quand il me demande je ne sais pas d'aller chercher telle ou telle chose alors je me fâche un peu en lui disant « Bon, c'est bon, tu aurais pu le demander tout à l'heure, mais je me reprends après, mais c'est un peu ma façon de me défouler. » Avec le temps, si la maladie s'aggrave et si vraiment à un moment donné il est alité, il me faudra de l'aide, je ne pourrai pas tout assumer, ce ne sera pas possible.
- Natacha Sels
Est-ce que vous auriez envie de faire passer un message à d'autres aidants ?
- Myriam Dayan
Il faut se battre, il ne faut pas baisser les bras. Parce qu'à un moment donné, à force de paperasse et de dossiers qu'on monte, parce que j'en ai monté des dossiers, on a envie d'abandonner. Pas du tout. Il faut se battre et ne pas baisser les bras. Au bout, il y a toujours quelque chose.
- Natacha Sels
Quand vous avez des moments difficiles, à qui vous pouvez vous exprimer ? Est-ce que vous en parlez en famille ? Vous avez une psychologue, je crois ?
- Jacky Dayan
J'ai une psychologue avec qui je parle beaucoup, mais je ne suis pas en dehors de la psychologue. Ça me fait du bien, mais je n'arrive pas à communiquer, c'est de ma nature. Pourtant, vous voyez, avec vous, j'arrive à parler. Je vois. mais en famille Et ils ne me demandent que ça, mais je n'arrive pas.
- Natacha Sels
Qu'est-ce qui vous retient ?
- Jacky Dayan
Je ne sais pas. Ça a été ma nature. Pourtant, j'ai toujours été quelqu'un d'ouvert dans mon travail, dans ma façon de voir les choses, avec les amis. Mais c'est vrai que quand je suis en groupe comme ça, je ne suis pas quelqu'un qui prend la parole tout le temps.
- Natacha Sels
Alors, de quelle manière vous communiquez ? C'est quoi votre façon de faire à vous ?
- Jacky Dayan
Moi, c'est par des histoires de rôle, par demander des nouvelles. parler de la politique, parler de des choses comme ça.
- Jonathan Dayan
C'est qu'il va envoyer un message, une chanson ou un truc. C'est-à-dire que c'est pas comment ça va, t'as fait quoi aujourd'hui. Par contre, il va vous envoyer une pensée. Il va vous envoyer tout le temps des liens. Mais c'est pas quelqu'un qui était capable de se poser, d'avoir une discussion avec vous cinq minutes. On avait une relation de présence, mais c'est vrai qu'il n'y avait pas forcément de dialogue, etc., possible, parce qu'il était tout le temps ailleurs.
- Jacky Dayan
J'ai un travail qui me prenait énormément, et je le regrette maintenant avec le temps, parce que je me suis tellement donné. que j'ai un peu négligé mes enfants quand ils étaient gamins. Ils ont tendance à me narguer en me le reprochant, mais ils ont raison.
- Jonathan Dayan
La réalité, c'est qu'il partait à 8h, et puis à un moment il revenait quand on était plus jeune pour les devoirs, etc. Mais c'est quelqu'un qui pouvait rentrer à 21h, 22h. C'est quelqu'un qui le week-end, ce samedi après-midi, allait faire le taxi pour les enfants à l'époque, allait déposer au cheval ou je sais pas. C'est quelqu'un qui était rarement là. Et s'il était là, il y avait une tâche. Il fallait refaire le garage, il fallait faire chier. Donc il y avait très peu de moments, à part à table, où il était dans le moment présent. Et je pense qu'il était animé par le devoir du travail, etc. Et que travail ou pas travail, c'était quelqu'un qui avait besoin, qui se réalisait par ça. On rigolait tout le temps parce qu'en fait il était toujours en soi un peu ailleurs. C'est-à-dire que je le voyais une fois par an, et je parle souvent de cet exemple. où en fait on était ensemble parce que alors j'avais pas le permis et quand je rentrais de hong kong à l'époque il m'a mené à droite à gauche donc en fait mon temps avec mon père c'est mon temps en voiture donc je lui disais on va à paris on fait si on fait ça etc parce que je savais qu'il était bloqué avec moi et donc et donc c'est une façon de passer du temps avec lui et c'est vrai que des fois je plaisante avec cette histoire parce que C'est quelqu'un qui est très fier de ses enfants, très très fier. Mais si vous lui dites qu'est-ce que font vos enfants exactement, c'est pas dans le détail. Pas parce qu'il s'en fout, parce que de rentrer dans le détail, il est un peu ailleurs, donc du coup... et un jour justement il m'a posé une question qui était précise et moi j'ai commencé à parler de ce que je faisais et puis au bout de 5-10 minutes il y avait une pub qui passait à la radio et puis il y avait la voix française de Bruce Willis et puis moi pendant que je parlais je me suis dit putain c'est marrant ils m'écoutent, etc. Et puis la pub passe, et puis deux minutes passent, et puis au bout de deux minutes ils me regardent et ils me disent, d'un coup, alors que j'étais en train de parler de ce que je faisais, qu'est-ce qu'il devient Bruce Willis ? Et là, je l'ai regardé, et dans ma tête je me suis dit, en fait, il n'écoute rien depuis le début, et lui il est resté sur Bruce Willis qui parlait de bêtises à la radio, à la voix française, et en fait c'était ça, et c'était ça. C'est-à-dire qu'on rigolait parce que il était dans l'action, et c'est quelqu'un avec qui on pouvait soit disons passer une demi-heure mais vous vous avez passé une demi-heure avec lui lui peut-être 10 mais on ne savait pas quand il était parti ça vous fait rire absolument des
- Jacky Dayan
fois même mon épouse dès que je dis quelque chose elle me dit tiens tu me rappelles Bruce Willis quand vous pensez à vos enfants vous y pensez comment ? moi je suis en lien avec eux je pense très très fort à eux et bon... C'est vrai qu'ils me disent que tu n'as rien à faire sur les réseaux sociaux, mais bon, ça communique, je pense. On rigole quand des fois je vais sur TikTok et tout ça, mais il n'y a pas que moi, je veux dire, il y a même des politiciens qui vont.
- Natacha Sels
Parce qu'en fait, d'être assis à côté de quelqu'un, pour vous, c'est déjà d'être avec lui, d'être avec la personne ?
- Jacky Dayan
Oui, bien sûr.
- Jonathan Dayan
On prenait un exemple plus tôt où vous disiez justement que peut-être que c'est une maladie qui lui est arrivée pour dépasser quelque chose et on ne s'est jamais posé la question de se dire qu'est-ce que vous pouvez sortir de cette maladie comment on pourrait sublimer et s'élever au-dessus de tout pour justement laisser quelque chose de passer l'étape au-dessus de la maladie je dirais c'est intéressant de se poser cette question une chose par exemple qui ressort avec cette manière. l'a dit ou moi j'étais en cours ou mon autre frère était en belgique où on s'est tous retrouvé finalement dans la même ville on a évolué dans nos vies on a eu des enfants moi je redécouvre mon grand frère je le découvre aujourd'hui j'ai 34 ans je le connaissais petit mais là je commence à trouver des choses et à y avoir des accroches avec lui à travers les recherches de voitures à travers donc il ya eu aussi sa vraie cohésion familiale qui avait pas parce que l'on sait mais pas mais parce qu'on était très différent ça peut être quelque chose Et ça peut être quelque chose qui sort de ça, finalement.
- Jacky Dayan
J'avais ce reproche interne, dans le sens où je me suis tellement occupé des autres que je n'ai pas vu, et puis quelque part la maladie les a rassemblés, et elle les a rapprochés, c'est important. Et au moins, ça me réconforte.
- Jonathan Dayan
Ce n'est pas le moment qui ne vient pas, le moment présent. Aujourd'hui, on se retrouve à devoir le vivre de force, et devoir se côtoyer, se parler, avoir des enfants, et en fait, finalement, mettre la famille en premier.
- Natacha Sels
Et peut-être d'accepter la manière dont votre papa vit la maladie ?
- Jonathan Dayan
On l'accepte, forcément, on l'accepte. Et chacun dit, c'est facile de dire que moi j'aurais fait différemment. Je vous dis, je pense que j'aurais fait moins bien que lui, c'est sûr. Finalement, c'est une maladie qu'on n'accepte pas, c'est pas comment il est. Voilà, on lui met sur le dos, en fait, le fait qu'on puisse pas faire ci, ça, etc. Après, oui, on aurait pu le faire s'il n'y avait pas ces appréhensions, mais c'est aussi la maladie à travers ça qu'on n'accepte pas.
- Natacha Sels
Vous entendez ça ?
- Jacky Dayan
Non, non, je l'entends parfaitement. C'est...
- Jonathan Dayan
Qu'est-ce qu'il devient, Bruce Willis ?
- Natacha Sels
Qu'est-ce qu'il devient, Bruce Willis ?
- Jacky Dayan
Le pauvre, il est malade, hein, vous. Non, c'est vrai.
- Natacha Sels
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