- Natacha Sels
La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.
- Pascal Branchereau
Il y a une armée, et je pense que l'armée sera de plus en plus présente. Et moi, j'ai bon espoir.
- Natacha Sels
Pascal Branchereau, un chercheur humaniste, partie 2. Nous retrouvons Pascal Branchereau et son épouse Laurence dans leur habitation située tout à côté de la forêt et entourée par le chant des oiseaux. Oui, Pascal quitte parfois son labo, ses expertises et son enseignement pour d'autres passions. La course, la moto ou la guitare. C'est aussi un amateur de bon vin. Bordeaux oblige. Toutefois, la recherche est une passion intransigeante qui ne le quitte jamais très longtemps. Il se sent lié par une sorte de contrat moral avec les patients qui espèrent des résultats. Et si bientôt je le vois trépigner, c'est que l'heure aura sonné de retourner au labo. où l'attend un minutieux travail. Mais pour le moment, entrons dans la maison spécialement décorée par Laurence, pour Halloween.
- Laurence Branchereau
Donc le sorcière là-bas, il y a une citrouille dans l'entrée, vous l'avez vue dans l'entrée ?
- Natacha Sels
Non, non, non. Ah oui !
- Pascal Branchereau
On a la chance d'habiter dans cette belle commune de gradignan et qui est proche, à 10 km de mon lieu de travail qui est à la ville et à la campagne on est entouré de chlorophylle beaucoup beaucoup d'arbres et donc c'est bien agréable on a vraiment cette chance d'être dans cette dans cette maison, avec de grandes baies vitrées, une maison qu'on a fait construire en les années fin fin 80 fin 99 2000 ça c'est ça ça 25 ans maintenant. Je vois ma guitare, j'en ai une autre là-haut, puis une autre qui est rangée, puis Laurence, ma femme, fait du piano, puis maintenant elle s'est mise à la flûte traversière. Donc il y a des notes qui sont jouées toute la journée dans la maison. Plus des petits oiseaux. On a la chance d'avoir plein de petits oiseaux aussi. Donc voilà, la musique fait partie du quotidien.
- Natacha Sels
Qu'est-ce que vous jouez ?
- Pascal Branchereau
Stairway to Heaven que Laurence joue à la flûte et moi je le joue à la guitare. Led Zeppelin.
- Laurence Branchereau
Non, non, je savais pas jouer. Oui, c'est de la frite à bec à l'école en fait, c'est ça.
- Natacha Sels
C'est un morceau que vous avez répété ensemble ?
- Laurence Branchereau
C'est un morceau qu'on avait décidé de jouer ensemble. On avait fêté son anniversaire, ses 55 ans, on avait joué ce morceau à tous nos amis.
- Natacha Sels
Vous êtes très impliqué dans votre recherche, mais ce n'est pas tout. Apparemment, vous courez aussi le marathon aux couleurs de l'ARSLA, et vous êtes également donateur. Donc, en fait, il y a une implication sur tous les plans. Il y a quelque chose qui est fort dans votre implication par rapport au combat, on va dire, sur la SLA ?
- Pascal Branchereau
C'est quelque chose que je pratique depuis un moment et le faire avec le t-shirt de l'ARSLA, c'est quelque chose qui, pour moi, est important parce que courir un marathon, je souhaite à tout le monde de le faire. On arrive dans un état qui est un état qu'on ne connaît pas dans la vie de tous les jours et un état de souffrance et de fierté aussi, personnel, parce qu'on le fait pour soi. On court contre le chrono et ça ne nous concerne que nous en fait. Se transcender en courant un marathon, c'est une manière d'arriver en communion peut-être avec les patients inconsciemment. Si on l'analyse, ce n'est pas une analyse que je me suis faite personnelle, c'est une analyse. Et ça permet aussi de se défouler quand les choses ne vont pas bien. Moi, je prends mes chaussures et je vais courir. Et pour donner, vous me parliez d'être donateur. Moi, je donne et je dis à tout le monde autour de moi, dans ma famille, donne des logiques de donner pour moi. Faire connaître toutes ces associations qui récoltent une grande quantité d'argent et pour moi, tellement peu d'argent, je dirais, par rapport à tout cet argent qui est dépensé pour des choses qui ne servent à rien ou des guerres ou autre chose dans le monde entier. C'est tellement terrible de voir qu'on pourrait tellement dépenser plus à la recherche.
- Natacha Sels
Pascal Branchereau. fait partie du conseil scientifique de l'ARSLA et participe chaque année à la cérémonie des lauréats qui met en lumière des chercheurs et des projets financés par l'ARSLA. Il nous en dit plus.
- Pascal Branchereau
Lors de cette cérémonie des lauréats, l'idée c'est de demander aux lauréats d'expliquer en quelques mots, d'une manière un peu vulgarisée. Il y a des gens qui ne sont pas des scientifiques, donc ils doivent comprendre le projet, donc d'expliquer leur projet et d'expliquer pourquoi ils pensent que leur projet va faire avancer la recherche sur la SLA. À l'ARSLA, on a trois types de projets. On a les projets de recherche, on appelle ça les research projects, c'est les projets de recherche qui ne sont pas ciblés sur un aspect âge du demandeur. La majorité de l'argent va aller dans ces projets. Il y a à peu près une petite dizaine de projets tous les ans à qui on va donner. Tout dépend de l'argent qui est récolté aussi chaque année. Ensuite, on donne de l'argent à des jeunes chercheurs. L'argent à ces jeunes chercheurs, c'est souvent, la plupart du temps, pour financer... des quatrièmes années de thèse, parce qu'en France, la thèse, c'est trois années, et c'est toujours compliqué d'avoir assez de résultats pour avoir une bonne publication à la fin de ces trois années. Donc ça permet à ces jeunes chercheurs qui travaillent dans la recherche sur la SLA d'avoir une quatrième année. Et on a, depuis deux ou trois années, on finance aussi des start-up, c'est-à-dire qui sont des... des jeunes entreprises qui sont là pour essayer de développer des molécules qui vont pouvoir être testées à court ou moyen terme chez le patient. Donc c'est la vocation de l'ARSLA, d'essayer d'aider les projets prometteurs. Et à travers ces startups, on peut dire que c'est souvent des projets prometteurs. Et donc le but pour nous, c'est d'essayer d'entrevoir différentes approches qui pourront mener sur la compréhension. Je répète, aujourd'hui on est dans la compréhension, parce que c'est une maladie compliquée. Et moi j'aime bien ces journées des lauréats, parce que ça permet de côtoyer des patients. Et ça nous reboost à chaque fois que je reviens au labo, et je me dis que je n'avance pas assez, j'essaye de dire aux gens qu'il faut avancer plus. On a des espoirs, moi je pense que les espoirs sur les traitements génétiques sont présents. Essayer de comprendre pourquoi nos motoneurones qui commandent nos muscles, La majorité dégénère, il y en a d'autres qui sont résistants comme les motoneurones oculomoteurs qui commandent les yeux. Ça aussi c'est des aspects qui sont mystérieux, pourquoi certains motoneurones sont résistants, pourquoi d'autres sont vulnérables. C'est des aspects, des axes de recherche. Quand je vais à des congrès, c'est que je me rends compte que chacun a son hypothèse, chacun a sa protéine. L'idée ce serait qu'on puisse tous travailler et tous discuter entre nous. C'est ce qu'on essaie de faire à l'ARSLA aussi. On a des journées où on essaie de discuter tous ensemble. Et ça, ça permet d'avoir des collaborations qui se mettent en place. Moi, j'ai une collaboration avec Caroline Rouaux, qui est chercheure à l'Inserm à Strasbourg. Et on a débuté cette collaboration. On a eu un gros projet à l'Agence nationale de la recherche ensemble avec un laboratoire italien qui travaille sur les organoïdes. Ces fameuses cellules issues de patients qu'on a redérivées en neurones et qu'on cultive en trois dimensions. Ce ne sont pas des neurones comme on les voit dans le corps, ils n'ont pas le même aspect, mais on a des cellules qui ont le patrimoine génétique de nos patients. Et donc on les a dans notre coupelle et on peut essayer de comprendre. Et donc ça donne de l'espoir sur une molécule qu'on a constatée qui pouvait peut-être être efficace. Donc on va essayer de comprendre à quel moment il faut la donner, quel est son mécanisme d'action. Et peut-être que là on arrivera sur des mécanismes qui ont été décrits par d'autres personnes. La biologie, c'est compliqué, mais... Il y a des liens entre toutes ces molécules qu'on étudie. Et c'est ça qui est le challenge, c'est de faire le lien.
- Natacha Sels
La question qui me vient, c'est, est-ce que vous avez une idée de combien de chercheurs et quels sont les pays qui travaillent sur la SLA ?
- Pascal Branchereau
Quand même, je dirais les États-Unis et l'Europe, je dirais majoritairement, aujourd'hui. Il y a des pays asiatiques qui travaillent sur la SLA aussi. Moi, je ne travaille pas personnellement avec eux, mais...
- Natacha Sels
Vous parliez du Japon ?
- Pascal Branchereau
Le Japon, la Chine, de plus en plus. Des laboratoires en Chine qui se développent, Taïwan, c'est en gros les pays les plus puissants au niveau recherche. Moi je travaille avec un laboratoire à Tokyo qui fait des organoïdes. Donc l'idée c'est de, comme je disais tout à l'heure, c'est d'essayer d'avoir des organoïdes et travailler sur des neurones issus de patients. Donc ça c'est des choses qui sont faites là-bas, qui fonctionnent.
- Natacha Sels
Et donc vous avez une idée de ce que ça représente comme nombre de personnes qui sont dédiées à la recherche sur la SLA ?
- Pascal Branchereau
Encore une fois, compliqué à répondre. Il y a plusieurs milliers de personnes, je pense, bien sûr. Et je pense de plus en plus.
- Natacha Sels
Les fameuses armées.
- Pascal Branchereau
Oui, oui, oui, exactement, les fameuses armées. Je pense de plus en plus parce que, comme on disait tout à l'heure avant de commencer l'interview, c'est une maladie dont on parle, enfin, que ce soit au niveau des patients. Donc les interviews de patients, pour moi, c'est essentiel. Les gens qui vont parler de cette maladie, de la vie de tous les jours, la manière dont ça évolue, la manière dont leur famille souffre, la manière dont eux... Positif, c'est le côté contraste et quand on les voit nous on pleure et eux ils sont positifs. Et donc ces témoignages pour moi ils sont essentiels. Et il y a tous les chercheurs, enseignants-chercheurs, mais il y a aussi tout le côté, les personnels techniques qui sont avec nous, qui jouent un rôle important, les animaliers, les gens qui s'occupent de nos souris, ça c'est essentiel. Et Dieu sait que c'est compliqué, c'est un travail qui est très très difficile et de moins en moins. Nos tutelles vont nous soutenir pour ces personnels et de plus en plus on va être obligé de demander à des entreprises privées. Ça complique, c'est cher et c'est difficile à gérer en plus, nos souris. Donc il y a une armée et je pense que l'armée sera de plus en plus présente. Moi j'ai bon espoir. Je pense qu'on a des petites... il faut voir ça comme une... Parler de mes neurones artificiels comme des neurones qui s'allument de plus en plus à droite à gauche et qui ne convergent pas parce qu'on n'a pas l'impression qu'ils discutent entre eux. Quand je dis qu'ils ne convergent pas, c'est tous ces aspects de recherche qui nous disent que je travaillais sur l'aspect TDP, moi je travaille sur des aspects cellulaires, hyper-extabilité, peut-être qu'il n'y a pas de lien, mais si il y en a. Et à un moment, toutes ces petites lumières vont s'allumer. ça va converger et quelque part il va en sortir quelque chose. Il faut y croire. Moi là, tous les jours, c'est quelque chose qui fait que j'ai envie d'aller travailler. Cet après-midi, je vais refaire une manip, même si je travaille tard, j'ai envie de faire ces manip pour essayer d'avoir des résultats.
- Natacha Sels
Donc en vous écoutant, je m'aperçois qu'il y a énormément de facteurs, donc énormément de pistes de recherche. Est-ce que donc chaque labo va travailler sur quelque chose de différent ? Ou alors tout le monde cherche sur la même chose et puis que le meilleur gagne ?
- Pascal Branchereau
Il y a des labos qui travaillent sur la même chose, mais beaucoup de labos qui travaillent sur leur propre aspect.
- Natacha Sels
Comme vous disiez, en fait, ce qui va être important, c'est que tout cet ensemble de recherches puisse à un moment converger.
- Pascal Branchereau
Oui, il faut essayer de trouver les points communs. Il y a des points communs. On montre qu'il y a des choses qui dysfonctionnent, des protéines qui dysfonctionnent, on essaie de comprendre pourquoi. Mais ce qu'on aimerait tous... découvrir ce qui est important, ce qu'on aimerait trouver c'est un peu le chef d'orchestre. Quel est le chef d'orchestre qui peut-être lié à une mutation va entraîner le dysfonctionnement des motoneurones. C'est ça en fait, parce qu'il faut savoir qu'une protéine qui ne va pas bien va être contrôlée par d'autres protéines. En fait c'est un système de cascade et là-dedans il y aura peut-être un chef d'orchestre qu'un jour on découvrira et qui sera peut-être le point commun entre les malades sporadiques et les malades porteurs de... de mutation.
- Natacha Sels
Il y a des moments de découragement quand même ?
- Pascal Branchereau
Oui, beaucoup. La recherche, c'est beaucoup de découragement parce qu'on a des hypothèses qui ne sont pas toujours... qu'on croit être vraies, qui ne sont pas toujours vraies. Donc, on s'évertu à faire des expériences qui vont le démontrer. Quand ça ne démontre pas, évidemment, on doit admettre que notre hypothèse est mauvaise. Et donc, il faut savoir tourner la page et passer à un autre projet ou modifier le projet.
- Natacha Sels
Comment vous les dépassez, ces moments de découragement ? Quelles sont vos ressources pour les dépasser ?
- Pascal Branchereau
Le lendemain, c'est dépasser. Je crois que c'est la passion. Les soirs, on rentre, on a fait des expériences qui n'ont pas marché. On se demande pourquoi on rentre en vélo sous la pluie, tard, parce que ça ne sert à rien. Puis après, le lendemain, on est là tout de suite, on repart. Ou alors, on a des cours le lendemain, puis on va voir les étudiants, on va faire autre chose. Les étudiants peuvent nous donner des bonnes idées aussi. Les étudiants en stagiaire, moi j'en ai eu des brillants qui m'ont donné des bonnes idées aussi.
- Natacha Sels
Et votre épouse, comment elle vous a aidé ?
- Pascal Branchereau
C'est son soutien, son soutien, parce que ce n'est pas toujours simple, j'imagine, pour elle, quand on rentre tard, quand on n'est pas de bonne humeur parce que les choses n'ont pas évolué comme on voulait. C'est des choses dont on ne se rend pas compte, nous toujours. Moi, je suis assez aussi introverti, comme ça, renfermé. Donc c'est son soutien permanent. Et puis, voir autre chose quand on rentre. Les choses n'ont pas été comme on voulait, une journée a été difficile, avoir une autre vision, c'est bien aussi. Et puis après, être avec la personne qu'on aime, c'est une manière de se sentir bien.
- Natacha Sels
Alors je crois que vous partez en vacances demain ?
- Laurence Branchereau
On part à Florence en Italie.
- Natacha Sels
Il n'y a pas un petit marathon par là-bas ?
- Laurence Branchereau
Oui, il y avait un marathon prévu. En fait, on devait y aller pour ce marathon et comme Pascal a eu un accident de moto fin juin qui lui a endommagé la cheville, donc il a dû annuler son projet. Mais on a décidé d'y aller quand même pour visiter la ville et passer la semaine.
- Natacha Sels
Est-ce qu'on peut dire finalement que courir le marathon ? Et faire de la recherche, c'est un petit peu similaire, c'est une course de fond ?
- Laurence Branchereau
Je pense aussi, oui, c'est des actions de longue haleine, effectivement. Je pense qu'on peut faire la comparaison entre les deux. C'est un challenge en fait aussi, voir jusqu'où il peut aller. Parce que Pascal, il se donne tous les moyens et il va aller jusqu'au bout. Mais il n'abandonne jamais. C'est quelqu'un qui n'abandonne jamais. Donc c'est pareil pour un marathon, il peut ne pas être en forme, il ira jusqu'au bout.
- Natacha Sels
Méfiez-vous, je me demande s'il ne va pas essayer.
- Laurence Branchereau
J'ai l'impression que peut-être.
- Pascal Branchereau
Je suis inscrit. Quelque part, j'ai un contrat moral. Je voudrais bien le faire, même si je le ferais lentement, même si je marche. Je n'aurai pas de regrets.
- Natacha Sels
Vous parlez de contrat moral. Est-ce que vous avez l'impression d'avoir un contrat avec la SLA ?
- Pascal Branchereau
Un peu, oui. Un peu beaucoup. Quand on voit les patients, on se sent investi. On sait que nous, on fait de la recherche fondamentale. Moi, je ne suis pas clinicien, donc on se dit qu'on est un maillon, le premier maillon, on est loin du patient, mais c'est important. Comme je le disais, cette recherche est essentielle. C'est les recherches qui ont donné des grandes découvertes, c'est souvent fortuit, c'est ça qu'il faut se dire. J'ai écouté les découvertes sur les champs récepteurs de visoles dans un congrès aux États-Unis, il nous a expliqué que c'était le hasard. Ils ont eu le prix Nobel. La recherche, c'est...
- Natacha Sels
C'est à ça qu'on rêve.
- Pascal Branchereau
C'est chercher dans une direction, et puis par hasard, on va rencontrer la molécule, et puis on va avoir une idée, ou alors on va publier, qui va donner la bonne idée à notre labo, et qui ouvrira enfin une porte vers un soleil.
- Natacha Sels
Est-ce que dans la vie vous avez des modèles ?
- Pascal Branchereau
Je pense que mes parents m'ont donné l'envie de m'investir pour le travail, ça je pense que c'est le cas parce qu'ils sont tous les deux beaucoup travaillés dans leur vie. Mon père a bien réussi, il était petit mécanicien, il a réussi à monter un garage super et à faire une belle carrière donc ça m'a donné sûrement envie de... Je pense d'être sérieux dans le boulot, je pense que c'est important, c'est ce que je dis, bosser, bosser, c'est par le travail qu'on y arrive, c'est pas obligatoirement les gens les plus brillants, moi je me qualifie pas du tout de brillant, mais j'ai compensé par le travail. Et puis l'intérêt de ce qu'on fait, si on est intéressé, on va travailler. J'étais lundi dans un lycée, je parlais aux premières terminales, c'est ce que je leur disais, ça existe pas de gagner beaucoup d'argent en faisant rien, et donc il faut travailler, puis travailler dans quelque chose qui vous plaît, même en gagnant moins, au moins ça vous plaira. Le président Obama, j'ai toujours bien aimé cette personnalité, je trouve qu'il avait un charisme extraordinaire, enfin il a un charisme extraordinaire, mais c'est là où on voit que c'est compliqué de faire changer les choses, il avait beaucoup de beaux projets qui n'ont pas abouti. Moi je dis toujours à ma femme, je rêve d'un président du monde, mais je suis rêveur. et faire en sorte que les choses soient meilleures, qu'il n'y ait plus de guerre, mais bon, ça... Mais en fait, c'est une passion, la recherche aussi. Moi, quand je vais au labo, c'est comme un gamin qui va aller, quand je fais mes manips, il va aller jouer avec ses jouets, ses légos, moi, c'est ça. Tant que ça continue à me donner envie de faire ça, je continuerai.
- Natacha Sels
Oui je vous sens trépigner, on y retourne. Voilà. C'est vrai qu'il faut être courageux aujourd'hui pour le vélo.
- Pascal Branchereau
Oui, moi je suis toujours en vélo et en moto.
- Natacha Sels
Et la moto, qu'est-ce qui vous plaît dans la moto ?
- Pascal Branchereau
L'accélération. C'est la sensation que ça fait à l'accélération.
- Natacha Sels
Je me disais qu'entre le marathon... Et la recherche, finalement, il y avait quelque chose de similaire, c'était une course de fond, et du coup, la moto, ça coupe un peu ça.
- Pascal Branchereau
Ah, c'est vrai, c'est vrai, c'est vrai.
- Natacha Sels
Là, qu'est-ce qui vous attend sur la paillasse ?
- Pascal Branchereau
Alors, je vais faire une expérience d'électrophysiologie, comme j'ai dit, c'est ma casquette, et j'ai enregistré l'activité de Motonorone sur des... Des fœtus qui vont naître très bientôt, mais je vais les récupérer in utero. Parce que certains... Certains foetus d'intérêt, si je laisse la maman souris mettre bas, certains vont mourir. Parce qu'ils meurent à la naissance. Je ne veux pas qu'ils meurent, je veux les enregistrer quand c'est encore vivant. Je les récupère juste avant la naissance. Je vais tester une valeur bien spécifique électrophysiologique sur ces neurones avec une technique d'enregistrement qui n'est pas simple, on va dire, et qui demande pas mal de patience. J'ai fait ça hier et je recommence aujourd'hui parce que j'ai des souris qui vont naître aujourd'hui. Donc je ne peux pas faire ça demain.
- Natacha Sels
Quelles sont les hypothèses pour aujourd'hui ?
- Pascal Branchereau
La hypothèse, c'est que sur cette souris, qui est porteuse d'une mutation qu'on retrouve chez certains patients, les fameux patients qui vont déclarer la maladie très tôt, c'est la mutation FUS. On a montré que sur cette souris, il y avait une protéine bien spécifique qui régule... le niveau d'un ion qui s'appelle ion chlorure dans la cellule. Moi, je voudrais avoir la confirmation au niveau électrophysiologique, au niveau physiologique, c'est-à-dire. Là, on a une information, on va dire, biochimique, de quantité de molécules, mais après, il faut vérifier si ça a une conséquence fonctionnelle au niveau du neurone. J'ai accumulé un certain nombre de données qui vont dans le bon sens, mais il m'en faut encore d'autres pour être sûr de mon hypothèse, vraiment démontrer le phénomène.
- Natacha Sels
Alors, avant d'arriver au labo, il y a les vignes. Ce n'est pas pour rien qu'on est à Bordeaux.
- Pascal Branchereau
Oui, on se retrouve dans les deux universités.
- Natacha Sels
Et vous êtes amateur de vin ?
- Pascal Branchereau
Oui, j'aime bien le vin. J'aime bien le vin. J'ai une cave à vin chez moi. Et puis, c'est vrai que c'est un plaisir. Je ne peux pas en abuser. En vieillissant, ça me file des maux de tête. Il faut apprendre à le déguster. J'ai fait deux stages d'onologie. Il faudrait que j'en refasse. Ça, c'est sympa aussi.
- Natacha Sels
Comment vous qualifiez les vins que vous appréciez ?
- Pascal Branchereau
J'ai un vin qui est produit pas loin de là où j'habite, c'est dans les Graves, le fameux Pessac Léonian. J'aime beaucoup parce qu'il y a ce côté boisé du fût de chêne et ce côté très fruité en parallèle. J'aime beaucoup aussi les vins de Dijon, qui sont beaucoup plus terreux en goût, on va dire, mais c'est vraiment très très bon aussi. Dans une autre vie, ça ne m'aurait pas déplu d'être... d'être vignerons, ça c'est sûr. Voilà, on arrive. Le Bordeaux Nouveau Campus, c'est vraiment une association de magnifiques laboratoires, des gens, des recherches de pointe. Je suis assez fier d'en faire partie de ce Bordeaux Nouveau Campus. C'est vraiment stimulant d'être avec tous ces chercheurs de qualité. On a envie de progresser, ça c'est sûr. Ici, on a nos jolis patios avec de la fougère.
- Natacha Sels
C'est une sorte de jardin suspendu.
- Pascal Branchereau
Oui, j'aime beaucoup l'été venir prendre mon café. Ça permet de se ressourcer. Le petit labo est à gauche.
- Natacha Sels
Moi, je m'attends à trouver plein de fioles, mais pas du tout.
- Pascal Branchereau
Alors, il y a des fioles, ça dépend de ce qu'on fait comme type d'expérience. ici dans laquelle j'ai deux postes de postes d'enregistrement là de mes fameux mais motoneurones et donc c'est des postes qui sont équipés d'une caméra qui est connectée sur un microscope. Donc en fait, c'est microscope parce qu'on va regarder nos neurones, on va les enregistrer sous contrôle visuel grâce à une caméra. Et après, on va les enregistrer avec des pipettes en verre, qui sont des pipettes qui ont un diamètre de 2 micromètres à peu près, très petit. On va pouvoir positionner sur le neurone d'intérêt, le motoneurone d'intérêt. Et puis après, l'activité va être enregistrée grâce à un amplificateur, qui est cet appareil ici. Hier, elle sera positionnée au milieu, ça fait à peu près 1,5 mm de diamètre sur à peu près 1,5 cm de longueur. On la positionne dans une petite chambre d'enregistrement. Le morceau de tissu, on le positionne, on met un petit filet dessus. Et il y aura du liquide physiologique qui va circuler autour, qui est le même liquide plus ou moins qu'on va retrouver autour de nos cellules dans le cerveau. Et donc on dit que c'est du... On appelle ça du ACS F, c'est Artificial Cerebro Spinal Fluid. C'est le fluide qu'on trouve dans le cerveau, mais artificiel, c'est nous qui le fabriquons. Comme ça, ça permet au morceau de tissu nerveux de vivre toute la journée. Donc jusqu'à ce soir, 20h, 21h, je vais pouvoir l'enregistrer, il va être en vie. Et donc ça perfuse, il est renouvelé, il s'en va ensuite dans ce flacon, le liquide usagé. Et je peux l'enregistrer.
- Natacha Sels
Et vos souris, elles sont où ?
- Pascal Branchereau
Mes souris, elles sont dans une animalerie. Là, j'en ai une qui est arrivée.
- Natacha Sels
Alors, ce que vous appelez animalerie, c'est...
- Pascal Branchereau
Alors, l'animalerie, elle est à l'étage d'en dessous. C'est là où on va avoir toutes nos souris, mâles et femelles, où on va leur faire faire des petits, où on va faire de la reproduction. Et il y a des personnels animaliers qui nous aident pour ça, parce que ça, ça coûte cher, et c'est un gros travail constant.
- Natacha Sels
Et là ?
- Pascal Branchereau
Une boîte... de transport, on appelle ça, parce qu'entre l'animalerie et là où je vais faire l'expérience, on a cette boîte de transport avec...
- Natacha Sels
Et là, qu'est-ce qu'il y a dedans ?
- Pascal Branchereau
Alors, dedans, c'est des copeaux de bois qui permettent à la souris, ou des copeaux de papier, qui permettent à la souris de se cacher. Parce que la souris, c'est un animal nocturne, et la journée, la souris dort, donc on la dérange déjà, en la prenant ici. Et cette souris en plus elle est gestante, elle est stressée évidemment parce qu'on parle autour d'elle, il y a de la lumière, on l'a changé de son milieu de vie, si on peut parler de milieu de vie parce que c'est une cage. Mais toujours on fait en sorte quand on a des souris c'est de leur mettre un environnement enrichi qu'on appelle avec une petite cabane dans laquelle elle va pouvoir se cacher, des copeaux comme ça. Il y a un environnement qui va être le plus intéressant, le plus agréable pour la souris. Alors c'est compliqué parce que si vous regardez les derniers amendements à l'Assemblée Nationale, il y a des gens qui ont émis des amendements pour nous faire payer 1€ par souris qu'on a dans l'animalerie. Donc 1€ par jour ou par semaine, je ne sais plus. Puis il y en a un autre, je pense, qui a proposé 50€. c'est pas possible donc tout ça pour réduire l'utilisation des animaux ce qui serait une catastrophe à mon avis si on arrivait à cette... je vous ai parlé de mes organoïdes c'est vrai que moi peut-être je basculerai sur mes organoïdes mais quand vous regardez les publications aujourd'hui de premier rang les publications de premier rang et concerne toujours des résultats obtenus ce qu'on appelle in vivo c'est à dire dans l'animal entier Moi ce que je vais faire aujourd'hui c'est ce qu'on appelle ex vivo, je vais prendre un morceau de tissu que je vais mettre dans une petite chambre d'enregistrement, donc j'ai tout mon tissu, mais il faudra toujours revenir à l'animal entier pour confirmer que ça fonctionne dans l'animal entier. On n'a pas le choix. Et pour après faire des tests à la fin chez l'homme, c'est in vivo que ça se passe. Vous pouvez très bien démontrer, avoir des résultats qui sont vrais sur une préparation très très simplifiée. Et quand vous essayez de tester la même chose in vivo, ça ne marche pas du tout comme ça, parce que tout est interconnecté, il y a des processus de régulation qui ne sont pas les mêmes in vivo qu'in vitro dans une petite boîte de pétri.
- Natacha Sels
Est-ce qu'il y a une question que je ne vous ai pas posée mais auquel vous voudriez répondre ?
- Pascal Branchereau
Quand est-ce qu'on l'aura ce traitement sur la SLA ? Et la question se pose aussi pour Parkinson et Alzheimer. C'est la question qu'on se pose tous. Quand est-ce qu'on l'aura ? On tend tous vers ce graal entre guillemets qui nous ferait plaisir, mais ce n'est pas ça qu'il faut qu'on voit, qui permettrait à des familles d'avoir le sourire.
- Natacha Sels
Est-ce que vous voyez ça dans un avenir proche ?
- Pascal Branchereau
Moi, je le vois dans les deux décennies à venir.
- Natacha Sels
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