- Natacha Sels
La vie est belle, essaie-la ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.
- Pascal Branchereau
Je fais partie des gens qui pensent que cette maladie, la SLA, comme d'autres maladies neurodégénératives, ont une origine développementale.
- Natacha Sels
Pascal Branchereau, un chercheur humaniste, partie 1. Pascal Branchereau est enseignant-chercheur et chef d'équipe à l'INCIA. L'INCIA, Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine, est une unité mixte de recherche du CNRS et de l'Université de Bordeaux. On est en novembre, il pleut sur la ville, mais la gentillesse de Pascal, son attention aux autres et son humilité affichent un sourire à la météo. Très vite, je comprends que sous ces airs tranquilles bouillonne l'âme d'un homme passionné par l'humain. À travers lui, je découvre l'univers de la recherche fondamentale, ses espoirs, ses déceptions et surtout l'infinie patience que requiert cette mission. Heureusement, Pascal Branchereau a la trempe d'un coureur de fond, car le plus difficile pour cet humaniste est de ne pouvoir offrir plus vite un traitement aux patients atteints de SLA. En attendant, il nous fera part des pistes qu'il suit avec toute son équipe.
- Pascal Branchereau
Et de la pluie.
- Natacha Sels
C'est novembre.
- Pascal Branchereau
Novembre, ouais. Titre de Léo Brouwer, ça. Un dia de noviembre. C'est un morceau que je voudrais jouer bientôt à la guitare. Ah. Et qui est difficile. Pascal Branchereau, je suis enseignant-chercheur à l'Université de Bordeaux. Je suis professeur en neurosciences. depuis 1996. Moi je fais partie d'un laboratoire qui s'appelle l'Institut des Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine, INCIA, qui est dirigé par Sandrine Bertrand. On est 14 équipes et toutes les équipes travaillent sur les aspects neurosciences évidemment. On est à peu près un peu plus de 100 statutaires. Quand je dis 100 statutaires, c'est des des personnes qui ont des postes fixes, que ce soit des postes de chercheurs, d'enseignants-chercheurs, d'ingénieurs ou de techniciens. L'INCIA dépend de ce qu'on appelle l'UMR, c'est ce qu'on appelle une unité mixte de recherche. Nos tutelles, c'est l'Université de Bordeaux et le Centre National de la Recherche Scientifique, le CNRS. Donc on a de l'argent récurrente, c'est-à-dire qui arrive tous les ans. qui permet d'alimenter nos recherches, mais c'est des petites quantités d'argent. Quand on les répartit à l'échelle des chercheurs et des enseignants-chercheurs, c'est quelques milliers d'euros par an. Donc si on a des recherches peu coûteuses, on peut se débrouiller, mais dès qu'on a des recherches coûteuses, comme travailler sur la souris, ce n'est pas possible. On doit demander de l'argent à des... à des associations, à nos tutelles comme l'Agence Nationale de la Recherche. Et ça, ça fait partie de notre travail aussi, de demander de l'argent, de trouver les bons partenaires pour avoir un dossier qui soit le plus solide possible. On ne peut pas travailler d'une manière isolée en sciences. C'est devenu cause perdue si on ne travaille pas en collaboration.
- William Cazenave
Je suis William Cazenave, je suis technicien université de Bordeaux et je travaille dans l'équipe de Pascal Branchereau maintenant depuis une bonne quinzaine d'années. C'est quelqu'un de foncièrement humain, ça c'est vraiment quelque chose qui le caractérise, qui a une rigueur scientifique très importante. Et c'est vraiment quelqu'un de... C'est quelqu'un de bien, quoi. C'est quelqu'un de chouette, aussi bien au niveau scientifique qu'au niveau humain. Et il connaît tout, il épluche tout. Enfin, c'est un gros bosseur. Un gros bosseur, c'est quelqu'un qui n'hésite pas. Bien souvent, il quitte le labo, il est minuit, une heure du matin. C'est plus qu'un chef. C'est plus qu'un chef. C'est quelqu'un que j'apprécie fortement. Je pense qu'il y a de la réciprocité également. Et puis, il sait faire confiance, mettre en valeur les gens. Et de ce fait, on donne plus. On a confiance également en nous. C'est vraiment un régal de travailler avec lui. Il y a eu des changements de labos. On m'a proposé une période d'être dans des labos peut-être plus huppés que le nôtre. mais pour moi il a un état hors de question, je voulais absolument continuer à travailler avec Pascal.
- Pascal Branchereau
En plus de ce travail d'enseignant-chercheur, au niveau du ministère, j'interviens aussi, j'ai une trentaine de dossiers à près par an à évaluer sur des demandes, des projets de recherche qu'on expertise pour des demandes de voyage, pour des collaborations entre la France et des pays, différents pays dans le monde entier. C'est du travail d'expertise, c'est-à-dire qu'on va juger les dossiers de collègues. Des expertises, ça peut être des expertises des demandes de juridité, d'habilitation à diriger des recherches, des expertises de demandes d'argent dans le monde entier. C'est sûr, c'est un travail qu'on fait, c'est pas rémunéré, et c'est intéressant scientifiquement, c'est pour ça qu'on a tendance à accepter, moi j'ai tendance à accepter, mais il faut savoir gérer aussi son temps, parce que sinon on va être trop pris dans ce domaine, au détriment de la recherche.
- Natacha Sels
Alors justement, j'avais deux questions qui me venaient, je sais pas dans quel ordre. La première, c'est à partir de quand on peut se considérer expert ? Et puis du coup, combien de temps vous passez dans votre labo ?
- Pascal Branchereau
Alors, c'est une très bonne question. On ne peut pas s'auto-nommer expert. C'est quelque chose, c'est les gens viennent à nous.
- Natacha Sels
Jusqu'où va l'intégrité ? Est-ce qu'il n'y a pas des lobbies dans ces expertises ?
- Pascal Branchereau
Dans la science, il y a aussi de... Il y a aussi de la triche dans la science, il faut essayer d'être intègre et ça c'est vrai que la pression elle est là. Pourquoi on voit de plus en plus de tricheries dans la science ? C'est parce que publier dans un bon journal ça permet d'avoir une notoriété, publier dans un bon journal ça permet ensuite d'avoir de l'argent qui va abonder, employer des personnes et continuer à faire cette recherche. Mais si on a des résultats en amont qui sont issus de travaux qui sont peut-être critiquables, je ne vais pas dire de la triche, mais peut-être critiquables, ça veut dire qu'on va vous donner de l'argent sur des résultats qui ne sont peut-être pas aussi solides qu'on le penserait. Donc attention à rester intègre, ça c'est quelque chose qu'on essaye d'inculquer à nos étudiants. Aujourd'hui, quand un étudiant passe sa thèse, s'est instauré depuis 2-3 ans, il va lire devant son jury et devant sa famille quelques lignes comme quoi il s'engage à rester intègre et ça c'est il l'aura lu, dit, et je pense que quelque part ça résonne dans leur tête et j'espère que ça leur permettra de rester intègres.
- Natacha Sels
Ah oui, c'est une sorte de serment.
- Pascal Branchereau
Exactement, c'est un serment que tout scientifique doit avoir en tête et doit respecter.
- Natacha Sels
Et pour la deuxième question qui était le temps que vous passez dans votre laboratoire ?
- Pascal Branchereau
J'y vais tous les jours, c'est la journée complète si j'ai pas d'enseignement, j'ai pas trop d'horaire. Si je fais des expériences, hier j'ai fait une expérience, je suis rentré à 21h30. Donc il n'y a pas de journée vraiment, ça peut être le samedi, le dimanche, c'est ça. Je regarde pas les heures en fait.
- Natacha Sels
Alors j'entends que c'est une vocation, comment elle vous est venue, enfin comment vous vous êtes dit un jour je vais être chercheur ?
- Pascal Branchereau
Moi j'ai une formation de scientifique, un bac scientifique de ce qu'on appelle aujourd'hui SVT, à l'époque c'était un bac D. Et ça c'est venu à la visite d'un laboratoire, je me souviens c'était à Tours. Et j'ai été un petit peu émerveillé de voir ces outils qui étaient à notre disposition, avec des toutes petites électrodes en verre qu'on fabrique et qui permettent de pénétrer dans une toute petite cellule. 10 à 15 micromètres de diamètre, et a enregistré comme ça tout de suite l'activité électrique d'une cellule. Et puis j'ai fait un stage dans le sud de Paris, au CNRS, à Gif-sur-Yvette. On était un groupe de jeunes à peu près du même âge, avec un directeur de thèse vraiment extraordinaire. Et quelque part ça a été naturel pour moi, je ne pouvais pas faire autre chose que continuer. à faire de la recherche. Donc ensuite, à la fin d'une thèse, il faut qu'on ait des articles scientifiques, donc ça a été mon cas. Mais on ne peut pas avoir un poste comme ça, académique, tout de suite. On nous demande de continuer ce travail de recherche, donc on fait ce qu'on appelle un post doctorat, qui est un peu le passage obligé pour avoir un poste. Donc moi, je suis parti aux États-Unis, j'ai eu la chance d'aller dans un laboratoire dans la ville de New York, New York City. Et puis deux ans et demi, avec ma femme qui a accepté de me suivre, donc ça c'était sympa de sa part aussi, parce qu'elle a quitté son travail à Paris. J'étais dans un laboratoire qui fait de la microscopie électronique, c'est-à-dire qui regarde avec des microscopes l'infiniment petit dans les cellules, c'est-à-dire tous les organites qu'il y a dans les cellules, les récepteurs, donc là c'était une vision, c'est un travail qui est compliqué, donc j'ai combiné mon travail d'électrophysiologiste avec ce travail de neuroanatomie, et c'était trois à deux années et demie qui ont été vraiment extraordinaires. J'ai eu une année de poste d'enseignant-chercheur temporaire, c'était à l'université de Rennes, et ça m'a permis ensuite d'acquérir cette expertise d'enseignant, et puis ça m'a permis de candidater ensuite à Bordeaux, et donc j'ai eu la chance d'avoir ce poste en 1996, de maître de conférence.
- Anthony Czarnecki
Je m'appelle Anthony Czarnecki, je suis maître de conférence à l'INCIA, enseignant-chercheur à l'Université de Bordeaux. Je travaille avec Pascal Branchereau depuis plus d'une dizaine d'années maintenant. On collaborait, j'étais enseignant-chercheur à Paris, à Sorbonne Université, et j'ai rejoint l'équipe de Pascal il y a quatre ans à peu près.
- Natacha Sels
Comment vous pourriez le décrire, Pascal Branchereau ?
- Anthony Czarnecki
C'est un sportif, et je le suis aussi, donc on partage aussi le sport ensemble. Il court des marathons, moi aussi. Plutôt quelqu'un de dynamique, et personnel, et également dans sa vie professionnelle. En même temps, c'est quelqu'un de très calme, très posé. C'était un plaisir de travailler, en tout cas, avec lui au quotidien.
- Natacha Sels
Justement, qu'est-ce qui caractérise sa manière de travailler ?
- Anthony Czarnecki
Il est très consensueux, très sérieux. Il va vérifier les choses plusieurs fois. ce qui peut prendre plus de temps mais ce qui est une qualité chez un chercheur. Toujours à chercher des directions assez originales, peut-être pas forcément attendues.
- Natacha Sels
Qu'est-ce que vous travaillez particulièrement comme domaine ?
- Anthony Czarnecki
Je travaille sur le développement des réseaux spinaux, le développement de la moelle épinière, le développement embryonnaire en fait. Donc de manière fondamentale, j'essaie de comprendre comment les réseaux moteurs de la moelle épinière se mettent en place avant la naissance. et donc euh À ce titre, comme je m'intéresse beaucoup au développement spinal, et que depuis récemment, avec M. Branchereau, nous nous intéressons, dans le cadre de la SLA, également à des possibles origines très tôt dans le développement, peut-être même embryonnaires, donc nous nous associons pour travailler, étudier la SLA vraiment au niveau embryonnaire, bien plus tôt que ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Et c'est de voir si très tôt au niveau du développement, il n'y a pas déjà des altérations. Alors l'idée, ce n'est pas d'essayer d'agir. Plutôt, ça pourrait, mais c'est surtout d'essayer de mieux comprendre la maladie.
- Pascal Branchereau
J'ai travaillé beaucoup sur l'aspect développemental aussi, comment ces neurones, motoneurones se mettent en place, comment la transmission synaptique se met en place. Donc ça, ça se passe à des stades périnataux, avant la naissance, puis après la naissance. Donc sur un modèle... de souris sur lequel je travaille et puis il y avait la SLA dont on parlait il y a une quinzaine d'années que je travaille sur cette maladie dont on parlait de plus en plus au niveau recherche et puis ça m'a intrigué je me suis dit tiens comment c'est possible que ce motoneurone dysfonctionne qu'est ce qui fait ce qui n'a pas une origine développementale parce que c'est une maladie qui était connue comme étant une maladie qui touche l'adulte donc On pensait qu'elle se développait souvent, on donne une fourchette de l'âge entre 50 et 60 ans, on va dire. Aujourd'hui, on sait qu'il y a des malades plus jeunes, mais on pensait que c'était une maladie qui se déclarait à ce moment-là. C'est quelque chose qui dysfonctionnait à partir de 50 ans. Et aujourd'hui, c'est le cas de toutes les maladies, d'ailleurs, neurodégénératives. On a compris qu'essayer de soigner ces maladies en essayant de travailler à des stades symptomatiques, ce n'est pas comme ça qu'on y arrivera parce que déjà le dysfonctionnement est présent, il s'est instauré, il s'est installé, les neurones ont commencé à dégénérer et c'est irréversible. Donc le but c'est de revenir avant à des stats pré-symptomatiques. Je fais partie des gens qui pensent que cette maladie, la SLA, comme d'autres maladies neurodégénératives, ont une origine développementale. C'est-à-dire pendant la mise en place du système nerveux, il y aurait un dysfonctionnement qui n'entraînerait pas de caractéristiques visibles mais au bout d'un certain nombre d'années, ce système de compensation ne sera plus assez efficace et les symptômes vont se mettre en place, vont devenir visibles. Et il faut savoir que quand les symptômes deviennent visibles, le problème est déjà installé depuis un moment.
- Natacha Sels
Si je vous entends bien, on naît avec cette maladie, elle est là déjà à notre naissance et elle est en train de se déclarer au fur et à mesure, ce qui expliquerait peut-être qu'on voit de plus en plus de jeunes personnes tomber malade ?
- Pascal Branchereau
Exact, il y a des enfants plus jeunes qui ont été malades. C'est une maladie qui est compliquée, la SLA. Si on la résume, c'est une maladie qui n'est probablement pas une maladie. Je pense qu'il y a plusieurs SLA. On parle de SLA bulbaire, c'est-à-dire que les motoneurones, c'est plutôt en haut de la moelle épinière, qui vont dégénérer en premier, ou spinale, c'est-à-dire la moelle épinière plutôt lombaire, où on va avoir plutôt une paralysie au niveau des membres inférieurs au début. C'est une maladie qui, pour 80% des cas... On l'appelle sporadique, c'est-à-dire se déclare sans qu'il y ait d'antécédents familiaux. Et dans les 10% des cas, il y a des mutations. On en est en 2024 à avoir identifié une quarantaine de gènes qui peuvent causer la SLA et ça reste mystérieux la question que je me pose c'est pourquoi quelqu'un qui est qui paraît normal va 55 ans par exemple développer d'une manière foudroyante une maladie qu'est la maladie SLA. Qu'est-ce qui se passe, s'il ya compensation la compensation fonctionne bien et d'un seul coup le système va collapser et la maladie va se déclare et va évoluer très très rapidement ça c'est je pense Moi, je n'ai pas la réponse. Je ne sais pas si quelqu'un a la réponse, mais je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui, on l'ait.
- Natacha Sels
Est-ce qu'on a essayé d'étudier quels sont les mécanismes de compensation et que ça pourrait peut-être être une piste ?
- Pascal Branchereau
Oui, alors, ce qui est le plus frappant, ça a été montré dans nos modèles de souris, mais c'est vrai aussi chez l'homme. Les motoneurones, les premiers qui vont dégénérer, c'est ceux qui commandent les fibres rapides musculaires, celles qu'on utilise pour courir vite, mais qui font que rapidement, on ne peut pas courir vite très longtemps. Et donc ces motoneurones vont dégénérer, et d'autres motoneurones qui commandent des fibres lentes vont réénerver les fibres rapides pour essayer de compenser. Donc là on a un mécanisme de compensation qui est extraordinaire, et ça c'est sûr que c'est quelque chose qui est présent. On sait que notre cerveau est très plastique, on a des neurones qui vont dégénérer, d'autres neurones qui ne sont pas dédiés à cette tâche vont prendre le relais. Ça c'est un phénomène qu'on connaît, la plasticité. Dans le cadre de la dégénérescence du cerveau, c'est quelque chose qu'on a identifié. On a identifié un certain nombre de mécanismes, mais essayer de booster cette compensation, c'est encore quelque chose qui est difficile. Moi, par exemple, dans mes recherches, j'ai pu montrer qu'au niveau de la mise en place des réseaux de neurones, on a un système qu'on appelle une transmission synaptique inhibitrice qui va se mettre en place. Et j'ai pu montrer qu'il y a un dysfonctionnement dans cette transmission. et que c'est compensé par un mécanisme. Donc un mécanisme, j'ai pu le montrer ce mécanisme, savoir si ensuite, comment il évolue dans le temps ce mécanisme, ce n'est pas toujours simple de le montrer, parce que la limite de la recherche souvent, c'est que nous on travaille à des stades précis. Donc là on peut regarder ce que font les autres laboratoires, qui ont des travaux à des âges plus avancés, donc on essaie de regrouper un peu toutes ces données. mais Comment on passe d'un stade très précoce où là on a des dysfonctionnements, quand on regarde très tôt, qu'on voit ces dysfonctionnements, comment ces dysfonctionnements sont compensés, comment la maladie évolue, ça reste assez mystérieux. Alors pour revenir aux malades jeunes, il y a sûrement des malades jeunes qui ne sont pas porteurs de mutations, mais souvent c'est des personnes qui sont porteurs de mutations. Il y a parmi les mutations, j'ai dit tout à l'heure, il y en avait une quarantaine.
- Natacha Sels
Donc porteur de mutation, ça veut dire que c'est génétique ?
- Pascal Branchereau
C'est génétique, exactement. Il y a une mutation d'une protéine qu'on va trouver dans le noyau, qui régule tous les aspects transcriptionnels dans le noyau de la cellule. C'est une protéine qu'on appelle FUS, pareil, qui devrait se retrouver uniquement dans le noyau, qu'on va retrouver dans le cytoplasme. Les patients FUS sont des patients qui vont déclarer la maladie à des âges beaucoup plus jeunes, dans les 20 ans, 30 ans. La maladie va évoluer très rapidement. Donc ça c'est des signatures des patients FUS. Et pour les neurologues, quand ils savent que c'est une mutation FUS, ils savent en général que ça évoluera très vite.
- Laurence Branchereau
Laurence Branchereau, je suis l'épouse de Pascal Branchereau.
- Natacha Sels
Moralement, c'est quel genre d'homme ?
- Laurence Branchereau
Intègre, à l'écoute, plus discret que quelqu'un qui va s'étendre ou parler beaucoup. Mais quand il parle, c'est important. Il travaille beaucoup, il s'investit beaucoup dans ce qu'il fait. C'est vrai que c'est très chronophage. Donc c'est vrai qu'en semaine, je ne le vois pas beaucoup à la maison.
- Natacha Sels
Quelle vision de ce métier vous avez, vous ?
- Laurence Branchereau
Un métier assez ingrat en ce sens, il passe beaucoup de temps à ce qu'il fait sans que ce soit un résultat immédiat. Il est beaucoup dans l'attente en fait, dans l'attente de l'acceptation d'un financement ou dans l'attente de ses recherches où il fait des manipulations sur une paillasse et bon il y a des jours ça marche pas, des jours où ça marche donc c'est toujours un peu dans l'attente donc il faut être très patient. Parfois, il est content, il a obtenu un financement, il dit on va fêter ça ce soir, par exemple. Donc là, c'est des bonnes nouvelles. Puis parfois, il ne va pas trop s'étendre sur la question, mais je vois quand ça n'a pas tellement marché, où il me dit là, ça n'a pas fonctionné aujourd'hui. En même temps, je suis fier de lui et il y a toujours un espoir que les recherches aboutissent.
- Natacha Sels
Pouvez-vous nous expliquer le but de votre recherche ?
- Pascal Branchereau
Notre but quand on est chercheur ou neurologue ou scientifique-chercheur, c'est d'avoir ce qu'on appelle des biomarqueurs. C'est un terme un peu générique, mais biomarqueur, c'est-à-dire essayer de se dire j'ai trouvé l'indicateur qui fait que je vais pouvoir... prédire que cette personne est porteuse de la SLA. À l'aspect cellulaire, ça peut être la présence d'agrégats dans les cellules. Moi, l'aspect sur lequel je travaille, c'est l'aspect électrique du neurone, électrophysiologique. C'est l'aspect hyper-excitabilité, c'est-à-dire que ces neurones vont être hyper-excitables. C'est-à-dire que quand ils vont recevoir des informations électriques, ils vont générer une activité électrique. trop abondante, on va dire, par rapport à ce qu'elle devrait être. Et moi, parmi les travaux que j'ai publiés, j'ai pu montrer qu'avant la naissance, au niveau des motoneurones, chez le modèle de souris sur laquelle je travaille, c'est très réducteur, c'est une souris, ce n'est pas un homme, mais il y a déjà au niveau des motoneurones une hyper-excitabilité. Donc c'est une signature très précoce qu'on va trouver au niveau de ces motoneurones. Il faut savoir que notre cerveau fonctionne avec un neurotransmetteur qui est extraordinaire, qui est le glutamate, mais qui est un neurotransmetteur qui est aussi cytotoxique. S'il est libéré de manière trop abondante, il pourrait entraîner une hyper-excitabilité des neurones, des motoneurones, et entraîner, pourquoi pas, leur mort aussi. Donc ça, ça a été un axe d'approche qui a été très...
- Natacha Sels
C'est le Riluzole qui est basé sur cet axe.
- Pascal Branchereau
Exactement, vous avez trouvé cette molécule, c'est une molécule, le riluzole, qui est là pour réduire cette... Cytotoxicité liée au glutamate. L'idée de développer ce Riluzole, c'était de réduire cette hyper-excitabilité qu'on pense comme étant une signature néfaste pour les patients.
- Natacha Sels
Et ça a fonctionné. Et ça fonctionne toujours.
- Pascal Branchereau
Du Riluzole, moi je ne sais pas si on peut dire que ça fonctionne. Bien sûr, aux yeux du patient, ça va ralentir l'évolution de la maladie. C'est une molécule qui va retarder l'échéance, mais on sait que ce n'est pas une molécule qui soignera. Aujourd'hui, ces maladies neurodégénératives, on les soigne très peu. Aujourd'hui, en étant négatif, on pourra dire qu'il n'y a pas de traitement. En étant optimiste, il faut être optimiste, il y a des traitements qui voient le jour aujourd'hui. Ces fameuses oligo-nucléotides interférentielles qui vont... là on va avoir une approche génétique. Donc cette approche génétique fonctionne avec la molécule qui s'appelle le Tofersen qui est spécifique des patients qui ont une mutation spécifique qui est la mutation SOD1. Donc il faut savoir que SOD1 c'est compliqué, c'est pas compliqué mais je vous ai dit 90% des patients c'est pas génétique, 10% qui restent. C'est génétique et SOD1, c'est 20% des 10%. Donc ça veut dire qu'on va avoir 0,2% des patients. Et là, c'est extraordinaire en même temps, parce que même si c'est 0,2%, ça montre que ces molécules, elles peuvent fonctionner.
- Natacha Sels
Je me posais la question, parce que du coup, si j'ai bien compris, il y a eu une décision qui a été prise par la Haute Autorité de Santé au sujet d'un refus de remboursement de l'accès précoce au traitement Tofersen, Qalsody dont vous parlez justement. Pour les personnes atteintes de la SLA du type SOD1, comme vous le dites, qu'est-ce que vous en pensez ?
- Pascal Branchereau
J'ai signé la pétition et je l'ai fait passer à d'autres personnes et je trouve que c'est scandaleux. Je comprends que ce soit des traitements qui coûtent cher, je comprends que la sécurité sociale soit en déficit, mais c'est un problème. Je me dis que si les personnes qui décident ce non-remboursement avaient dans leur famille quelqu'un qui était atteint de la maladie SLA et qu'il est porteur de cette mutation SOD1, je pense qu'ils verraient les choses différemment. Même si c'est très peu de personnes en France qui sont atteintes de ces mutations SOD1, donc c'est pour moi évidemment qu'il faut rembourser. C'est un message d'espoir. Parce qu'on va donner un traitement pour un patient moyen, et ça n'existe pas un patient moyen. Chaque patient est particulier. Donc il faut essayer de l'affiner et donner un traitement. Et dire que le traitement ne marche pas, parce qu'en moyenne ça n'a pas marché sur 10 patients, mais ça marchait peut-être sur 2 patients, donc pour moi ça marchait. Parce qu'on raisonne sur 2 sur 10, on va faire des statistiques qui ne seront pas significatives, mais non, il ne faut pas raisonner comme ça, il ne faut raisonner qu'à individuel. Et si ça marchait sur deux patients, c'est que ça peut marcher. Donc là, il faut continuer. Même si aujourd'hui, on sait que le traitement, il n'est pas miraculeux, il va ralentir l'évolution de la maladie. Mais là, il y a une efficacité. Il y a ce qu'on appelle les neurofilaments. Les neurofilaments qui sont une signature chez le patient. C'est une signature de la dégradation des neurones. On va retrouver ça dans le sang. Et on a vu que ce traitement Tofersen diminue le taux de neurofilaments, c'est sûr.
- Natacha Sels
Et donc l'idée que des personnes puissent le prendre va faire évoluer la recherche aussi, en dehors du fait d'arrêter l'évolution de la maladie sur ces personnes ?
- Pascal Branchereau
Évidemment, la première chose, c'est un espoir pour ces patients. Donc c'est la première chose qu'il faut voir. Puis la deuxième chose, c'est pour tous les cliniciens qui vont faire ces essais.
- Natacha Sels
Quelle est la découverte que vous avez faite dont vous êtes le plus fier ou qui vous a le plus réjoui ?
- Pascal Branchereau
C'était pouvoir montrer que c'était l'hypothèse que j'avais sur ces modèles de souris de SLA, montrer qu'il y a un problème avant la naissance au niveau de la mise en place du système inhibiteur. Il faut savoir que, pour le dire avec des mots simples, dans notre cerveau, on a une balance. On dit balance, mais c'est l'équilibre. Le côté balance, c'est le terme anglais. Entre des connexions entre les neurones qui sont des connexions excitatrices, avec le fameux glutamate dont on parlait et le Riluzole, il y a aussi un système en parallèle qui est en balance, qui est un système inhibiteur. Et donc, si on a trop d'inhibition, ça ne va pas. Si on n'a pas assez d'inhibition, ça ne peut pas, ça peut provoquer par exemple des crises d'épilepsie. Et donc moi j'ai pu montrer, et je suis assez content quand même de cette découverte, montrer que chez cette souris modèle de SLA, avant la naissance, on a un dysfonctionnement dans la mise en place du système inhibitor qui n'est pas assez développé, on va dire, chez cette souris. A priori, les données qu'on a chez l'homme, chez les patients, montrent qu'il y aura aussi un déficit d'inhibition chez les patients. Fais donc La démonstration, c'était de montrer qu'il y avait une composante qu'on appelle neurodéveloppementale dans cette maladie. On est loin du patient, parce que le patient qui souffre de sa maladie, si je lui dis qu'il y avait un problème au cours de son développement, il va me dire que ça ne va pas le soigner. Mais c'est important dans la compréhension de la mise en place de la maladie. C'est important de savoir qu'il y a des origines comme ça très précoces. parce qu'on pourra agir après sur ces dysfonctionnements. Si on ne les montre pas, on ne pourra pas agir. Je suis assez content de cette découverte, et ça a permis de lever des fonds, ça a permis d'avoir un financement, de collaborer avec d'autres labos, d'avoir un financement important de l'Agence nationale de la recherche. Donc j'espère que ça va déboucher sur d'autres belles découvertes.
- Natacha Sels
Dans le prochain épisode, vous retrouverez Pascal Branchereau, un chercheur humaniste, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast « La vie est belle, essaie-la !(SLA) » et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.