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Michel Perozzo – Vivre avec la maladie – Partie 1 cover
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La vie est belle, essaie-la !

Michel Perozzo – Vivre avec la maladie – Partie 1

Michel Perozzo – Vivre avec la maladie – Partie 1

29min |02/05/2025
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Description

Michel Perozzo, actuel Président et membre du Conseil scientifique de l’ARSLA, vit avec la maladie depuis 10 ans.


Au fil de l’évolution de la maladie, il ne s’est jamais défait un mot d’ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic : « Vivre, vivre, vivre avec la maladie. »


Entouré de sa femme Véronique, de ses amis "dégloutons" et de soignants engagés, Michel incarne une force de vie, faite de défis relevés et de moments de partage.


Plongez dans son univers et découvrez son humour, sa résilience et son regard lumineux sur la vie, à travers cet épisode.


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Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephane Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 1. Aujourd'hui, je rencontre Michel Perozzo, ancien directeur de l'industrie pharmaceutique, actuel vice-président et membre du comité scientifique de l'ARSLA. Michel est atteint de la SLA depuis dix ans, faisant mentir les statistiques sur l'espérance de vie avec cette maladie. Peu à peu devenu tétraplégique, il ne s'est pourtant jamais défait d'un mot d'ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic. Vivre, v ivre, vivre avec la maladie. Dans l'appartement de Saint-Germain-en-Laye, qu'il occupe avec son épouse Véronique et la plupart du temps avec des soignants nécessaires à son quotidien, je découvre un homme souriant et vif, qui par nécessité a répondu à mes questions en amont de la rencontre. Car écrire avec ses yeux lui demande d'importants efforts, devenu plus lent avec l'évolution de la maladie. Michel reste toutefois très présent à la relation, qui représente l'essentiel dans son existence, foi de Dégloutons. Vous en saurez plus seulement si vous écoutez l'épisode. Il s'exprime grâce à une voix synthétique et me prie de l'excuser si je l'ai déjà entendu. En effet, seules trois voix masculines existent sur les logiciels de communication. En réalité, vous le découvrirez assez vite, sa voix est inimitable par son contenu de profondeur et d'humour.

  • Michel Perozzo

    Je m'appelle Michel Perozzo, je viens d'avoir 59 ans, je suis marié depuis 32 ans avec Véronique et nous avons deux garçons, âgés de 30 et 27 ans. Mon parcours professionnel nous a emmenés à vivre 10 ans au Japon, cela reste pour nous une période magnifique tant familialement que professionnellement.

  • Véronique Perozzo

    J'ai 60 ans, je suis l'épouse de Michel, nous avons deux enfants, deux garçons. Maxime qui a 30 ans, Amaury qui en a 27. Nous habitons maintenant à Saint-Germain-en-Laye depuis 20 ans. Auparavant, on a vécu au Japon pendant 10 ans. Et je suis l'aidante familiale de Michel depuis sa maladie, en sachant qu'avant, j'avais une activité tournée plutôt vers les ressources humaines.

  • Natacha Sels

    Comment vous vous êtes rencontrés avec Michel ?

  • Véronique Perozzo

    Et bien justement, dans le cadre du boulot, moi je finissais mes études de psychologie en faisant un stage chez ESSO. J'étais responsable du recrutement de tous les stagiaires pour ESSO. Et Michel, lui, finissait ses études à l'agro et cherchait aussi un stage. Et donc je l'ai recruté en tant que stagiaire et on était dans le même bureau.

  • Natacha Sels

    Oui, alors le recrutement était plus large que prévu.

  • Véronique Perozzo

    C'est ça, exactement. Ça a été une histoire assez rigolote de se dire que j'ai recruté mon mari.

  • Natacha Sels

    Alors, j'aimerais bien que vous le décriviez, Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors, si je dois le décrire maintenant, c'est sûr que physiquement, ce n'est pas le même homme que celui que j'ai épousé. Puisqu'aujourd'hui, à cause de la maladie, il est totalement tétraplégique. Donc, il est dans son fauteuil. Il ne peut plus du tout bouger, sauf ses yeux, heureusement, qui lui permettent de... travailler et de communiquer avec nous grâce à sa commande oculaire reliée à un ordinateur. Il ne peut plus communiquer, il ne peut plus bouger, il ne peut plus s'alimenter, ni même respirer par lui-même. Donc je pense qu'il doit être un peu impressionnant pour quelqu'un qui ne le connaît pas et qui le découvre parce qu'il est dans un fauteuil très imposant, et puis relié un petit peu partout. Est-ce qu'il a changé physiquement depuis la maladie ? Je dirais que son sourire est encore plus joli aujourd'hui et plus impactant qu'il ne l'était auparavant. Il est châtain, il a des lunettes, il n'est pas très grand. Il doit mesurer 1m71, il a toujours triché en disant qu'il faisait 1m72, mais il fait 1m71, il a les yeux foncés et il n'a pas trop de cheveux blancs encore.

  • Michel Perozzo

    J'habite à Saint-Germain-en-Laye, ville historique, qui rénove ses rues et ses trottoirs en mettant des pavés partout. C'est très désagréable pour les personnes en fauteuil comme moi, mais quand je vois tous les bébés en poussette, leur petite tête qui bouge au rythme des pavés, je regrette qu'ils ne puissent pas voter.

  • Véronique Perozzo

    Même si la communication est plus lente, plus hachée aujourd'hui, il arrive à nous balancer sa petite phrase, sa petite blague, parce qu'il est bourré d'humour.

  • Natacha Sels

    Et moralement, quel homme c'est ?

  • Véronique Perozzo

    Je crois que c'est quelqu'un... qui fonctionne très vite dans sa tête. Donc heureusement, la maladie ne touche pas ses capacités cognitives et intellectuelles. Donc je pense qu'il a appris avec la maladie à se contenter de ce que lui donne l'ordinateur pour se nourrir intellectuellement. Il continue à écouter beaucoup de musique, continue à aller avec moi maintenant et des amis à des concerts. Donc on n'y était pas plus tard que la semaine dernière, on va y retourner le mois prochain. Ça, c'est quelque chose qu'il continue à cultiver et à apprécier beaucoup.

  • Natacha Sels

    Pour faire un petit peu marche arrière, comment est arrivée la maladie ? Comment elle s'est annoncée à vous ?

  • Véronique Perozzo

    Je pense qu'il s'en est rendu compte avant moi. Il ne m'a rien dit au début. Il avait, m'a-t-il dit après, noté une perte de la force dans sa main.

  • Michel Perozzo

    Début 2015, j'ai commencé à avoir du mal à ramasser l'oreiller qui était par terre. En même temps... J'avais du mal pour arracher mes poils de nez. Je vous jure que c'est vrai. J'ai eu l'explication plus tard. Le muscle qui permet de faire une pince entre le pouce et l'index était touché et n'était plus fonctionnel. J'ai consulté mon médecin généraliste qui m'a ausculté et m'a recommandé à une neurologue de ville. J'ai fait toute une batterie d'examens. Le dernier examen, c'était un électromyogramme. Ça fait ça fait un peu mal, mais le médecin était jovial. Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation a posteriori de vous dire que quelque chose ne va pas dans ce que vous avez vécu. Je me suis réveillé le lendemain en repensant à la consultation. Le truc qui n'allait pas, c'est qu'au fil de l'examen, il n'était plus jovial du tout. Il devait voir se confirmer le diagnostic. En fait, la veille du rendez-vous avec la neurologue de ville, je me suis réveillé avec une intuition. J'ai vérifié sur Internet si les symptômes pouvaient être ceux d'une SLA, et tout était là. Il fallait attendre le diagnostic posé par un professionnel, mais quand elle m'a dit que j'avais une SLA, je n'étais pas surpris. On a beau ne pas être surpris, c'est quand même un immeuble qu'on prend sur la tête. J'avais l'impression que tout s'arrêtait, que j'allais mourir le lendemain. C'était vraiment un moment difficile.

  • Véronique Perozzo

    Donc sans rien me dire, en fait, il a été consulter notre généraliste, qui l'a orienté vers d'autres spécialistes. Donc il a fait différents examens. Là, il a commencé à me dire, ah bah, on a trouvé quelque chose. Je dis, bah super. Au début, je pensais qu'il avait mal simplement dans le bras, puisque c'est dans la main droite qu'il a commencé à sentir une différence de force, de préhension. Donc, j'imaginais un nerf coincé. J'ai dit, s'ils ont trouvé, c'est très bien, on va poursuivre. On va aller voir les spécialistes qu'il faut. On a ensuite été voir une neurologue en ville, orientée par notre médecin généraliste. La veille, Michel m'avait dit, je sais ce que j'ai, j'ai une SLA. Maladie, moi je ne connaissais absolument pas, j'en avais absolument pas entendu parler. Et quand il me dit ça, il fond en larmes, ce qui ne lui est jamais arrivé. Donc là je me dis, oulala, je ne sais pas ce que c'est, mais ça n'a l'air pas sympa. Donc on n'a pas dormi cette nuit-là, ni l'un ni l'autre. Et quand on est arrivé effectivement dans le cabinet de cette neurologue, elle nous a accueillis en nous disant, j'aurais préféré vous annoncer un cancer. À la fois, oui, je m'en souviens comme si c'était hier et quelque part, je pense que c'était maladroit. À la fois, je pense que c'est quelque chose qui, de toute façon, est très difficile à annoncer. Et on est parti l'été, on n'avait pas de plan, en fait, de vacances. On n'avait pas loué de maison ou quoi que ce soit. Donc, on a été voir des copains à droite, à gauche, un peu partout en France. Et une nuit, il me dit, j'ai vraiment mal partout, ça ne va pas du tout, je pense que je ne passerai pas l'été. Donc, on a beaucoup discuté et le lendemain, il m'a dit « bon ben, je vais vivre, je vais vivre avec ma maladie finalement » . Et là, il a changé complètement d'attitude et à partir de là, je ne dis pas que la vie est redevenue souriante et légère et facile, mais cette force de vie l'a poussé et m'a entraînée avec lui.

  • Natacha Sels

    Michel, qu'est-ce qui t'a permis de faire face et de relever la tête ?

  • Michel Perozzo

    Tout d'abord, il y a l'environnement proche, avec en premier lieu, mon épouse, mes enfants, et les amis, la famille, qu'ils sachent ou pas, pour la maladie. C'est la première ligne de réconfort. La deuxième ligne, c'est le travail, là encore, j'ai eu un soutien sans faille de mon boss, et de mes collègues. Enfin, il y a l'absence d'espoir. Je m'explique. Un des avantages de travailler dans l'industrie pharmaceutique, c'est qu'on sait, dans mon cas, qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas de traitement pour la maladie dans le temps qu'il me reste à vivre. Pour moi, c'était important de le savoir, car cela me permet d'avancer sans avoir à constamment penser aux médicaments miracles qui allaient tous nous guérir, nous les patients.

  • Natacha Sels

    Comment s'est passée l'annonce à vos proches ?

  • Michel Perozzo

    Je dois dire qu'on a été très mauvais sur cette phase. J'ai mis un an pour le dire à ma mère. On a décidé de laisser passer les vacances, avant de le dire à nos enfants, on leur a dit fin août, pour un diagnostic fin juin. Ils nous ont reproché de ne pas leur avoir dit immédiatement. Pour les amis, on avait une stratégie, on le disait au dessert. La première fois qu'on a fait l'annonce, un de nos amis s'est évanoui. Sur la base de notre expérience, je pense qu'il faut dire la nouvelle le plus rapidement possible pour pouvoir s'occuper de soi et d'autres démarches administratives.

  • Natacha Sels

    Quelles ont été les grandes étapes de l'apparition des symptômes ? Tu m'as dit avoir reçu le diagnostic en juin 2015 et en janvier 2017 perdre l'usage de tes jambes. Ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Michel Perozzo

    Je pense que pour chacun d'entre nous, malades, cela va trop vite. En ce qui me concerne, les grandes étapes ont été mises en place d'une sonde gastrique, la fameuse GPE, en novembre 2018, la trachéotomie, en octobre 2020. Mon système respiratoire était à bout. Mais il y a aussi... tous ces petits moments, en apparence moins importants, mais qui marquent nos vies. La première fois que je n'ai pas pu tenir le savon, parce que je ne contrôlais plus mes mains, a été un de ces moments, tout comme la fois où il a fallu annuler notre voyage en famille au Japon, une semaine avant le départ, parce que je n'avais plus la capacité respiratoire pour supporter l'atmosphère réduite en oxygène de la cabine de l'avion. Ce sont des exemples d'événements qui jalonnent la vie de chacun d'entre nous.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'aide dans la vie de tous les jours ? Par exemple, est-ce qu'il y a des personnes, des auteurs, des amis, des parents qui t'inspirent ou qui te soutiennent particulièrement ?

  • Michel Perozzo

    Nous avons la chance d'avoir un groupe d'amis très proche qui a été très présent. Dès le début de la maladie, ils ont été formidables tout au long de ces dix années. On rencontre des gens formidables qu'on n'aurait jamais rencontrés sans la maladie. Ce sont des professionnels de santé, des auxiliaires de vie, des associatifs, tous ces gens qui ne sont pas dans notre orbite et qu'on n'aurait jamais dû croiser, en tout cas, pas à notre âge.

  • Natacha Sels

    J'ai aussi l'impression que l'amitié est un point cardinal dans ta vie. Est-ce que tu peux m'en parler ?

  • Michel Perozzo

    C'est vrai qu'avoir un tel réseau d'amis, c'est rare. La majorité était à l'agro avec moi. Il y a 40 ans et puis, il y a ceux du Japon qui se sont ajoutés. Ça fait beaucoup d'amis et je pense que la chose qui nous unit, c'est la fête. Quand ils m'ont aidé à faire de mon rêve le tour du SLA'C, c'est une réalité. Ils étaient tous là.

  • Véronique Perozzo

    C'est le tour du lac du Bourget qu'on a transformé en tour du SLA'C. Pour mettre les trois lettres S-L-A dedans.

  • Natacha Sels

    D'accord. Et ça c'était le projet de Michel et vous vous y êtes tous mis pour le réaliser.

  • Véronique Perozzo

    Ah oui, ça a été un boulot de un an. On était, on va dire, une quinzaine, avec un noyau dur de 4-5 personnes pour réaliser ce projet, où au final, il y a eu donc 7 malades qui ont fait le tour en vélo, avec des vélos adaptés et 200 participants.

  • Michel Perozzo

    Ça avait vraiment de la gueule. Chacun avait un rôle défini. Et à la fin, on a fait un truc parfait. J'en ai encore des étoiles dans les yeux. Puis, il y a eu la soirée de Tous en selle, où nous avons eu droit à une ovation de 5 minutes quand nous avons présenté le film de cette journée.

  • Véronique Perozzo

    C'est à Paris, au Grand Rex. Parce qu'en fait, il y a un festival qui s'appelle Tous en selle. C'était la deuxième édition ou la troisième édition, je ne sais plus. En fait, c'est un festival sur le vélo. Donc plein d'histoires de gens à vélo. Quand on a entendu parler de ça par un ami, on s'est dit, on va essayer de se mettre en contact avec eux, parce que nous on a fait du vélo, et puis on a une histoire à raconter autour. Et effectivement, le directeur du festival a eu un coup de cœur pour notre film, et pour l'histoire du SLA'C. Et donc on a été projeté en premier, et on était sur scène avec Michel et Maxime, notre fils, qui a réalisé le film. Ça a été magique parce que c'est vrai que le film a été projeté. Nous, on est venus après la projection. Et là, avant même qu'on prenne la parole pour répondre aux questions, il y a eu cinq minutes, mais vraiment cinq minutes, montre en main. C'est très, très, très long, cinq minutes, où le public était debout à applaudir à tout rompre Michel. Et le Grand Rex, c'est quand même 2500 personnes. Oui,c'était magique.

  • Natacha Sels

    Et si nous revivions cette scène mémorable ?

  • Michel Perozzo

    Merci. Je ne voulais pas continuer à ressasser des souvenirs d'avant la maladie. Je dois dire que, avec le tour du SLA'C, les résultats ont dépassé mes attentes. Moi il y a une phrase que j'ai revenue dans ce film, et c'est toi qui l'as dit, c'est mettre de la couleur et du fun dans votre vie. Alors on va faire un truc, c'est qu'on va tous mettre du fun et de la vie dans la vie de Michel. Je vais vous demander de tous vous lever et de lui faire une putain de standing ovation, parce qu'il le mérite. Bravo !

  • Natacha Sels

    C'est le présentateur qui lève ton bras Michel, devant toute la foule du Grand Rex qui t'applaudit, waouh ! Je retrouve trace de cet événement cycliste sur le site des Dégloutons, qui semble être une sacrée belle bande d'amis à Michel dont j'apprends qu'ils pratiquent des dégloutés. Autrement dit, des moments volés à la vie et à l'adversité. J'ai bien envie d'en savoir plus.

  • Véronique Perozzo

    Les dégloutés, ce sont les moments qu'on passe ensemble. Donc on a appelé dégloutés parce que ça commençait par un déjeuner, et puis ça s'est prolongé par un goûter, et ça s'est terminé par un dîner. Donc on a fait une contraction de tout ça pour faire les dégloutés. Et naturellement, les participants de ces dégloutés sont devenus des dégloutons.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, vous avez créé une petite association, c'est ça ? Qui réunis les amis de Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors cette association, ce sont les amis de Michel proches, ceux qui nous ont aidés à organiser le tour du SLA'C. Ce sont essentiellement des agros qui ont fait l'agro avec Michel.

  • Michel Perozzo

    C'est à l'origine deux ou trois amis qui veulent donner à Véro un peu de temps libre pour qu'elle se repose. C'est tout. Et puis, il se passe un truc bizarre, c'est que les autres amis nous rejoignent un par un. On a fini l'année, on était quinze autour de la table. C'était la fête à la maison, un vendredi midi, par mois. Le nom vient de là. Un déjeuner qui dure jusqu'à devenir un goûter, voire un dîner. Tout était possible, surtout l'imprévisible. Je ne pensais pas autant rire avec une bonbonne pour gonfler les ballons. C'est ça, un moment de fête entre amis, où la maladie n'existe pas.

  • Natacha Sels

    J'ai l'impression que tu aimes mettre des couleurs et du fun. C'est ce que j'ai cru comprendre.

  • Michel Perozzo

    Il faut le reconnaître, la vie de malade n'est pas ce qui se fait de plus drôle. Si on y ajoute le regard des passants dans la rue avant les Jeux Paralympiques, c'est à se tirer une balle. J'en avais marre de ce monde gris, sombre. Je veux de la couleur, et qu'on arrête de me plaindre et de faire la gueule devant moi. Je veux juste tout le contraire. C'est comme les enfants que je croise dans la rue, pour eux, je suis un être inclassable, avec mon fauteuil, et mes tuyaux. C'est ça qui me plaît et que je veux être.

  • Natacha Sels

    Et j'ai aussi cru comprendre que tu étais gourmand de la vie et des plaisirs gustatifs. Comment apprend-on à s'en passer ? Qu'est-ce qui arrive à te tenir à la place ?

  • Michel Perozzo

    Avant d'être malade, je me bouffais les doigts et puis je n'ai plus pu lever les mains à la bouche. Aujourd'hui, j'ai des ongles et des doigts superbes. Quand on n'a pas le choix, on n'a pas le choix, ça c'est du Chabat. C'est la même chose avec la nourriture, je ne peux plus manger, pourquoi me prendre la tête avec ça ? J'ai des petits palliatifs. Je regarde les émissions de cuisine sur YouTube, je m'envoie de la soupe par la GPE, et quand on trinque autour de moi, je bois une bonne bière par la GPE. C'est un petit plaisir. Mais, il arrive parfois que je regrette de ne plus pouvoir manger comme avant. L'autre jour, on a fêté les 60 ans de ma femme et de deux amis, le déjeuner a duré 4 heures. J'étais un peu jaloux de ne pas être vraiment avec eux.

  • Natacha Sels

    Alors, mais si j'ai bien compris, Michel, quand on lui met un petit peu de sauce sur la langue ou sur les lèvres, il a encore tout à fait accès au goût.

  • Véronique Perozzo

    Il a encore totalement le goût. Il a le goût, il a encore la sensibilité du toucher, du chaud, du froid. Si on le pince, ça lui fait mal. Simplement, une fois qu'on lui met quelque chose sur la langue, il a le goût, mais il ne sait pas l'avaler, donc c'est encombrant. En général, après, il faut aspirer.

  • Natacha Sels

    Et Michel, j'avais envie de te demander quel était ton plat préféré.

  • Véronique Perozzo

    Je pourrais presque répondre à ta place.

  • Natacha Sels

    Ah, alors on va voir les deux réponses. Tu dirais quoi ?

  • Véronique Perozzo

    À moi tout à base de saucisses. Tout ce qui est à base de saucisses et peut-être les dios au vin blanc. Un plat typiquement savoyard que lui faisait très bien sa maman.

  • Natacha Sels

    Des lentilles saucisses, bon t'étais pas loin.

  • Karel

    Je me présente, moi c'est Karel, j'ai 34 ans. Ça fait 8 mois que je suis avec monsieur et madame Perozzo. Moi je suis auxiliaire de vie.

  • Natacha Sels

    Quels sont les gestes que vous devez faire avec Michel ?

  • Karel

    Avec M. Perozzo, d'abord c'est les gestes. Bon le matin quand j'arrive, on fait la toilette. D'abord le fait de quitter le lit, le mettre sur la chaise pour aller prendre la douche.

  • Natacha Sels

    C'est des transferts qui se font avec du matériel ?

  • Karel

    Oui. Oui, oui, pour ça, il y en a, c'est super adapté, il y a tous les matériaux qu'on en a besoin. Au début, parce qu'il y a la peur, vous êtes dans un nouveau monde, on peut dire qu'on ne maîtrise pas, donc vous êtes un peu bloqué de la situation du tout, mais après... Il faut... Ce sont des gens aussi qui, surtout Mme Perozzo, elle a pris le temps pour me montrer des choses. Et après aussi, je pense aussi à la volonté de la personne qui travaille avec M. Perozzo. Et moi, j'en ai beaucoup mis. Oui, parce que d'abord, quand vous arrivez, vous voyez son état, on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qu'on a et on ne se rend pas compte. Et vous trouvez une personne qui se bat comme lui. C'est une personne vraiment joyeuse, toujours avec le sourire. Donc du coup, quand ça ne va pas, on le ressent aussi tout de suite.

  • Natacha Sels

    Quand il veut communiquer avec vous, il le fait comment ?

  • Karel

    La communication. Bon, la communication, on a deux manières de faire la communication avec M. Perozzo. Il y a une qui est avec un alphabet. pour que Monsieur Perozzo puisse se communiquer avec des yeux quand il n'y a pas la tablette. Donc du coup, cela veut dire au moment de la douche, parce que la tablette, c'est après la douche.

  • Natacha Sels

    Voyez ? Ah, oui.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle ? A,E,I. Rideau. Tu veux que je ferme le rideau ? Je suis en train de communiquer avec Michel avec un alphabet coloré. Je vais te montrer ce qu'on utilise, enfin que nous on connaît par cœur, mais je vais te montrer le support.

  • Natacha Sels

    C'est donc une feuille plastifiée avec A, E, I, O, U, Y en rouge, B, C, D, F en bleu, G, H, J, K, L en rouge, M, N, P, Q, R, S en jaune et puis les dernières T, V, W, X, Z en vert. Donc on joue avec la couleur. Bon déjà on sait où se trouve... Les lettres qu'on cherche, si c'est dans le rouge, le bleu, le jaune ?

  • Véronique Perozzo

    Michel y sait par cœur ce tableau. Moi je le connais par cœur aussi, mais quand on ne le connaît pas, on a ce support-là. Et je vais proposer à Michel, est-ce que c'est une voyelle ou est-ce que c'est dans les bleus, dans les rouges, dans les jaunes ou dans les verts ? Il va me répondre avec ses yeux, oui ou non. Donc oui, il regarde à droite avec ses yeux. Non, il regarde à gauche avec ses yeux. Donc il va me répondre en fonction des lettres que je vais lui proposer, la bonne avec ses yeux. Et moi je vais trouver lettre par lettre, je vais déchiffrer le mot.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous voulez faire un exemple ?

  • Véronique Perozzo

    T'as une idée d'un mot ? Ok. Voyelle.

  • Natacha Sels

    A, E, I, O, U, Y.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle. A, E, I, O. Voyelle. A, E, I, O, U Donc j'ai Y-O-U, Youpi. J'ai deviné les trois premières lettres, Y-O-U. Vu qu'il est en train de faire un énorme sourire, je me doutais bien que c'était un truc rigolo, donc c'était Youpi.

  • Natacha Sels

    En fait, il faut avoir de la mémoire pour retenir chaque fois les lettres, etc. Ce n'est pas facile quand même, mine de rien.

  • Véronique Perozzo

    Ce qu'on propose nous aux auxiliaires, c'est effectivement d'écrire les premières lettres qu'elles trouvent pour ne pas les oublier et surtout ne pas avoir le cerveau chargé de cette lettre qu'elles doivent stocker en mémoire. Et puis après, en général, ce sont surtout les auxiliaires de nuit qui utilisent ce système de communication, puisque la nuit, Michel n'a pas sa tablette. Et les besoins sont assez souvent les mêmes. C'est-à-dire qu'il a besoin d'être soit aspiré, ce que j'expliquais, soit d'être repositionné. Il va peut-être dire la couverture. Et ça veut dire là, est-ce qu'il faut remonter la couverture, baisser la couverture ? Donc, au bout d'un moment, on a un automatisme qui va assez vite.

  • Natacha Sels

    Alors Michel est en train d'écrire une phrase qu'on va entendre bientôt, toujours avec le système oculaire, mais cette fois-ci avec la tablette. Et puis dans le fond, on entend aussi un respirateur, c'est ça ? Le petit bruit de soufflerie.

  • Véronique Perozzo

    Alors en plus, comme il est très pointilleux, en général, quand on trouve un mot, il faut qu'il écrive la phrase avec le bon accent,la bonne orthographe.

  • Michel Perozzo

    C'est très important pour moi de pouvoir communiquer.

  • Véronique Perozzo

    Ce système de communication, ça devrait être totalement remboursé par la sécurité sociale. C'est aussi important qu'un médicament. Donc, c'est la survie. C'est vraiment... Comme dit Michel, sans communication, là,l'isolement est total.

  • Michel Perozzo

    Pour la communication, j'ai la tablette à commande occulaire. J'y passe mes journées, c'est ma fen^tre sur le monde. Sans cet outil je pense que j'aurais déjà quitté cette terre depuis longtemps. C'est aussi une façon de suivre l'évolution de la maladie, pour moi. Je me rends compte que je vais de plus en plus lentement quand j'écris. Il me faut plus de temps pour m'installer devant la tablette.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui vous plaît de travailler ici ?

  • Karel

    On apprend énormément de choses. Parce que les soins sont vraiment, on peut dire, infirmières, en fait. On touche beaucoup des choses qui sont plus...

  • Natacha Sels

    Médicales.

  • Karel

    Médicales, exactement, on peut dire. On apprend énormément. Et après, comme je vous ai dit, ce sont des gens, malgré leur situation, ils sont toujours positifs. Et on voit M. Perozzo, dans son état, il fait plein de choses. Il organise énormément de choses, des surprises à sa femme. Vraiment, c'est incroyable de vivre...

  • Natacha Sels

    Des surprises. Alors, par exemple ?

  • Karel

    Des fêtes de plus de, je ne sais pas, c'était 20 personnes, avec sa tablette. Comme ils ont plein d'amis. C'était l'anniversaire de Mme Perozzo. Et il avait organisé, elle ne s'en est même pas rendu compte.

  • Natacha Sels

    Donc, tout le monde est arrivé.

  • Karel

    C'est arrivé, c'était une grande fête. Elle m'a raconté parce que je n'étais pas là, moi, je suis que du matin. Et vraiment, c'est une personne incroyable. Il fait plein de choses. On apprend beaucoup avec lui, à valoriser beaucoup de choses. Et moi, j'adore parce qu'on parle beaucoup. Je parle beaucoup avec M. Perozzo. Et on rigole beaucoup. On rigole beaucoup. Mais c'est une personne, tout de suite, quand il n'est pas content, vous le savez tout de suite. Et quand ça va aussi, vous le savez tout de suite. Donc du coup, c'est une personne trop expressive.

  • Natacha Sels

    Comment vous le savez ? Par quoi il le montre ?

  • Karel

    Son visage, ça parle. Ça parle beaucoup le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a des choses qui te paraissent aujourd'hui dérisoires et d'autres dont tu te rapproches plutôt ?

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephan Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Ni remords, ni regrets. En plus,

  • Véronique Perozzo

    En plus, on a été à son concert la semaine dernière, c'est tout frais.

  • Michel Perozzo

    Ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Michel Perozzo, actuel Président et membre du Conseil scientifique de l’ARSLA, vit avec la maladie depuis 10 ans.


Au fil de l’évolution de la maladie, il ne s’est jamais défait un mot d’ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic : « Vivre, vivre, vivre avec la maladie. »


Entouré de sa femme Véronique, de ses amis "dégloutons" et de soignants engagés, Michel incarne une force de vie, faite de défis relevés et de moments de partage.


Plongez dans son univers et découvrez son humour, sa résilience et son regard lumineux sur la vie, à travers cet épisode.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephane Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 1. Aujourd'hui, je rencontre Michel Perozzo, ancien directeur de l'industrie pharmaceutique, actuel vice-président et membre du comité scientifique de l'ARSLA. Michel est atteint de la SLA depuis dix ans, faisant mentir les statistiques sur l'espérance de vie avec cette maladie. Peu à peu devenu tétraplégique, il ne s'est pourtant jamais défait d'un mot d'ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic. Vivre, v ivre, vivre avec la maladie. Dans l'appartement de Saint-Germain-en-Laye, qu'il occupe avec son épouse Véronique et la plupart du temps avec des soignants nécessaires à son quotidien, je découvre un homme souriant et vif, qui par nécessité a répondu à mes questions en amont de la rencontre. Car écrire avec ses yeux lui demande d'importants efforts, devenu plus lent avec l'évolution de la maladie. Michel reste toutefois très présent à la relation, qui représente l'essentiel dans son existence, foi de Dégloutons. Vous en saurez plus seulement si vous écoutez l'épisode. Il s'exprime grâce à une voix synthétique et me prie de l'excuser si je l'ai déjà entendu. En effet, seules trois voix masculines existent sur les logiciels de communication. En réalité, vous le découvrirez assez vite, sa voix est inimitable par son contenu de profondeur et d'humour.

  • Michel Perozzo

    Je m'appelle Michel Perozzo, je viens d'avoir 59 ans, je suis marié depuis 32 ans avec Véronique et nous avons deux garçons, âgés de 30 et 27 ans. Mon parcours professionnel nous a emmenés à vivre 10 ans au Japon, cela reste pour nous une période magnifique tant familialement que professionnellement.

  • Véronique Perozzo

    J'ai 60 ans, je suis l'épouse de Michel, nous avons deux enfants, deux garçons. Maxime qui a 30 ans, Amaury qui en a 27. Nous habitons maintenant à Saint-Germain-en-Laye depuis 20 ans. Auparavant, on a vécu au Japon pendant 10 ans. Et je suis l'aidante familiale de Michel depuis sa maladie, en sachant qu'avant, j'avais une activité tournée plutôt vers les ressources humaines.

  • Natacha Sels

    Comment vous vous êtes rencontrés avec Michel ?

  • Véronique Perozzo

    Et bien justement, dans le cadre du boulot, moi je finissais mes études de psychologie en faisant un stage chez ESSO. J'étais responsable du recrutement de tous les stagiaires pour ESSO. Et Michel, lui, finissait ses études à l'agro et cherchait aussi un stage. Et donc je l'ai recruté en tant que stagiaire et on était dans le même bureau.

  • Natacha Sels

    Oui, alors le recrutement était plus large que prévu.

  • Véronique Perozzo

    C'est ça, exactement. Ça a été une histoire assez rigolote de se dire que j'ai recruté mon mari.

  • Natacha Sels

    Alors, j'aimerais bien que vous le décriviez, Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors, si je dois le décrire maintenant, c'est sûr que physiquement, ce n'est pas le même homme que celui que j'ai épousé. Puisqu'aujourd'hui, à cause de la maladie, il est totalement tétraplégique. Donc, il est dans son fauteuil. Il ne peut plus du tout bouger, sauf ses yeux, heureusement, qui lui permettent de... travailler et de communiquer avec nous grâce à sa commande oculaire reliée à un ordinateur. Il ne peut plus communiquer, il ne peut plus bouger, il ne peut plus s'alimenter, ni même respirer par lui-même. Donc je pense qu'il doit être un peu impressionnant pour quelqu'un qui ne le connaît pas et qui le découvre parce qu'il est dans un fauteuil très imposant, et puis relié un petit peu partout. Est-ce qu'il a changé physiquement depuis la maladie ? Je dirais que son sourire est encore plus joli aujourd'hui et plus impactant qu'il ne l'était auparavant. Il est châtain, il a des lunettes, il n'est pas très grand. Il doit mesurer 1m71, il a toujours triché en disant qu'il faisait 1m72, mais il fait 1m71, il a les yeux foncés et il n'a pas trop de cheveux blancs encore.

  • Michel Perozzo

    J'habite à Saint-Germain-en-Laye, ville historique, qui rénove ses rues et ses trottoirs en mettant des pavés partout. C'est très désagréable pour les personnes en fauteuil comme moi, mais quand je vois tous les bébés en poussette, leur petite tête qui bouge au rythme des pavés, je regrette qu'ils ne puissent pas voter.

  • Véronique Perozzo

    Même si la communication est plus lente, plus hachée aujourd'hui, il arrive à nous balancer sa petite phrase, sa petite blague, parce qu'il est bourré d'humour.

  • Natacha Sels

    Et moralement, quel homme c'est ?

  • Véronique Perozzo

    Je crois que c'est quelqu'un... qui fonctionne très vite dans sa tête. Donc heureusement, la maladie ne touche pas ses capacités cognitives et intellectuelles. Donc je pense qu'il a appris avec la maladie à se contenter de ce que lui donne l'ordinateur pour se nourrir intellectuellement. Il continue à écouter beaucoup de musique, continue à aller avec moi maintenant et des amis à des concerts. Donc on n'y était pas plus tard que la semaine dernière, on va y retourner le mois prochain. Ça, c'est quelque chose qu'il continue à cultiver et à apprécier beaucoup.

  • Natacha Sels

    Pour faire un petit peu marche arrière, comment est arrivée la maladie ? Comment elle s'est annoncée à vous ?

  • Véronique Perozzo

    Je pense qu'il s'en est rendu compte avant moi. Il ne m'a rien dit au début. Il avait, m'a-t-il dit après, noté une perte de la force dans sa main.

  • Michel Perozzo

    Début 2015, j'ai commencé à avoir du mal à ramasser l'oreiller qui était par terre. En même temps... J'avais du mal pour arracher mes poils de nez. Je vous jure que c'est vrai. J'ai eu l'explication plus tard. Le muscle qui permet de faire une pince entre le pouce et l'index était touché et n'était plus fonctionnel. J'ai consulté mon médecin généraliste qui m'a ausculté et m'a recommandé à une neurologue de ville. J'ai fait toute une batterie d'examens. Le dernier examen, c'était un électromyogramme. Ça fait ça fait un peu mal, mais le médecin était jovial. Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation a posteriori de vous dire que quelque chose ne va pas dans ce que vous avez vécu. Je me suis réveillé le lendemain en repensant à la consultation. Le truc qui n'allait pas, c'est qu'au fil de l'examen, il n'était plus jovial du tout. Il devait voir se confirmer le diagnostic. En fait, la veille du rendez-vous avec la neurologue de ville, je me suis réveillé avec une intuition. J'ai vérifié sur Internet si les symptômes pouvaient être ceux d'une SLA, et tout était là. Il fallait attendre le diagnostic posé par un professionnel, mais quand elle m'a dit que j'avais une SLA, je n'étais pas surpris. On a beau ne pas être surpris, c'est quand même un immeuble qu'on prend sur la tête. J'avais l'impression que tout s'arrêtait, que j'allais mourir le lendemain. C'était vraiment un moment difficile.

  • Véronique Perozzo

    Donc sans rien me dire, en fait, il a été consulter notre généraliste, qui l'a orienté vers d'autres spécialistes. Donc il a fait différents examens. Là, il a commencé à me dire, ah bah, on a trouvé quelque chose. Je dis, bah super. Au début, je pensais qu'il avait mal simplement dans le bras, puisque c'est dans la main droite qu'il a commencé à sentir une différence de force, de préhension. Donc, j'imaginais un nerf coincé. J'ai dit, s'ils ont trouvé, c'est très bien, on va poursuivre. On va aller voir les spécialistes qu'il faut. On a ensuite été voir une neurologue en ville, orientée par notre médecin généraliste. La veille, Michel m'avait dit, je sais ce que j'ai, j'ai une SLA. Maladie, moi je ne connaissais absolument pas, j'en avais absolument pas entendu parler. Et quand il me dit ça, il fond en larmes, ce qui ne lui est jamais arrivé. Donc là je me dis, oulala, je ne sais pas ce que c'est, mais ça n'a l'air pas sympa. Donc on n'a pas dormi cette nuit-là, ni l'un ni l'autre. Et quand on est arrivé effectivement dans le cabinet de cette neurologue, elle nous a accueillis en nous disant, j'aurais préféré vous annoncer un cancer. À la fois, oui, je m'en souviens comme si c'était hier et quelque part, je pense que c'était maladroit. À la fois, je pense que c'est quelque chose qui, de toute façon, est très difficile à annoncer. Et on est parti l'été, on n'avait pas de plan, en fait, de vacances. On n'avait pas loué de maison ou quoi que ce soit. Donc, on a été voir des copains à droite, à gauche, un peu partout en France. Et une nuit, il me dit, j'ai vraiment mal partout, ça ne va pas du tout, je pense que je ne passerai pas l'été. Donc, on a beaucoup discuté et le lendemain, il m'a dit « bon ben, je vais vivre, je vais vivre avec ma maladie finalement » . Et là, il a changé complètement d'attitude et à partir de là, je ne dis pas que la vie est redevenue souriante et légère et facile, mais cette force de vie l'a poussé et m'a entraînée avec lui.

  • Natacha Sels

    Michel, qu'est-ce qui t'a permis de faire face et de relever la tête ?

  • Michel Perozzo

    Tout d'abord, il y a l'environnement proche, avec en premier lieu, mon épouse, mes enfants, et les amis, la famille, qu'ils sachent ou pas, pour la maladie. C'est la première ligne de réconfort. La deuxième ligne, c'est le travail, là encore, j'ai eu un soutien sans faille de mon boss, et de mes collègues. Enfin, il y a l'absence d'espoir. Je m'explique. Un des avantages de travailler dans l'industrie pharmaceutique, c'est qu'on sait, dans mon cas, qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas de traitement pour la maladie dans le temps qu'il me reste à vivre. Pour moi, c'était important de le savoir, car cela me permet d'avancer sans avoir à constamment penser aux médicaments miracles qui allaient tous nous guérir, nous les patients.

  • Natacha Sels

    Comment s'est passée l'annonce à vos proches ?

  • Michel Perozzo

    Je dois dire qu'on a été très mauvais sur cette phase. J'ai mis un an pour le dire à ma mère. On a décidé de laisser passer les vacances, avant de le dire à nos enfants, on leur a dit fin août, pour un diagnostic fin juin. Ils nous ont reproché de ne pas leur avoir dit immédiatement. Pour les amis, on avait une stratégie, on le disait au dessert. La première fois qu'on a fait l'annonce, un de nos amis s'est évanoui. Sur la base de notre expérience, je pense qu'il faut dire la nouvelle le plus rapidement possible pour pouvoir s'occuper de soi et d'autres démarches administratives.

  • Natacha Sels

    Quelles ont été les grandes étapes de l'apparition des symptômes ? Tu m'as dit avoir reçu le diagnostic en juin 2015 et en janvier 2017 perdre l'usage de tes jambes. Ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Michel Perozzo

    Je pense que pour chacun d'entre nous, malades, cela va trop vite. En ce qui me concerne, les grandes étapes ont été mises en place d'une sonde gastrique, la fameuse GPE, en novembre 2018, la trachéotomie, en octobre 2020. Mon système respiratoire était à bout. Mais il y a aussi... tous ces petits moments, en apparence moins importants, mais qui marquent nos vies. La première fois que je n'ai pas pu tenir le savon, parce que je ne contrôlais plus mes mains, a été un de ces moments, tout comme la fois où il a fallu annuler notre voyage en famille au Japon, une semaine avant le départ, parce que je n'avais plus la capacité respiratoire pour supporter l'atmosphère réduite en oxygène de la cabine de l'avion. Ce sont des exemples d'événements qui jalonnent la vie de chacun d'entre nous.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'aide dans la vie de tous les jours ? Par exemple, est-ce qu'il y a des personnes, des auteurs, des amis, des parents qui t'inspirent ou qui te soutiennent particulièrement ?

  • Michel Perozzo

    Nous avons la chance d'avoir un groupe d'amis très proche qui a été très présent. Dès le début de la maladie, ils ont été formidables tout au long de ces dix années. On rencontre des gens formidables qu'on n'aurait jamais rencontrés sans la maladie. Ce sont des professionnels de santé, des auxiliaires de vie, des associatifs, tous ces gens qui ne sont pas dans notre orbite et qu'on n'aurait jamais dû croiser, en tout cas, pas à notre âge.

  • Natacha Sels

    J'ai aussi l'impression que l'amitié est un point cardinal dans ta vie. Est-ce que tu peux m'en parler ?

  • Michel Perozzo

    C'est vrai qu'avoir un tel réseau d'amis, c'est rare. La majorité était à l'agro avec moi. Il y a 40 ans et puis, il y a ceux du Japon qui se sont ajoutés. Ça fait beaucoup d'amis et je pense que la chose qui nous unit, c'est la fête. Quand ils m'ont aidé à faire de mon rêve le tour du SLA'C, c'est une réalité. Ils étaient tous là.

  • Véronique Perozzo

    C'est le tour du lac du Bourget qu'on a transformé en tour du SLA'C. Pour mettre les trois lettres S-L-A dedans.

  • Natacha Sels

    D'accord. Et ça c'était le projet de Michel et vous vous y êtes tous mis pour le réaliser.

  • Véronique Perozzo

    Ah oui, ça a été un boulot de un an. On était, on va dire, une quinzaine, avec un noyau dur de 4-5 personnes pour réaliser ce projet, où au final, il y a eu donc 7 malades qui ont fait le tour en vélo, avec des vélos adaptés et 200 participants.

  • Michel Perozzo

    Ça avait vraiment de la gueule. Chacun avait un rôle défini. Et à la fin, on a fait un truc parfait. J'en ai encore des étoiles dans les yeux. Puis, il y a eu la soirée de Tous en selle, où nous avons eu droit à une ovation de 5 minutes quand nous avons présenté le film de cette journée.

  • Véronique Perozzo

    C'est à Paris, au Grand Rex. Parce qu'en fait, il y a un festival qui s'appelle Tous en selle. C'était la deuxième édition ou la troisième édition, je ne sais plus. En fait, c'est un festival sur le vélo. Donc plein d'histoires de gens à vélo. Quand on a entendu parler de ça par un ami, on s'est dit, on va essayer de se mettre en contact avec eux, parce que nous on a fait du vélo, et puis on a une histoire à raconter autour. Et effectivement, le directeur du festival a eu un coup de cœur pour notre film, et pour l'histoire du SLA'C. Et donc on a été projeté en premier, et on était sur scène avec Michel et Maxime, notre fils, qui a réalisé le film. Ça a été magique parce que c'est vrai que le film a été projeté. Nous, on est venus après la projection. Et là, avant même qu'on prenne la parole pour répondre aux questions, il y a eu cinq minutes, mais vraiment cinq minutes, montre en main. C'est très, très, très long, cinq minutes, où le public était debout à applaudir à tout rompre Michel. Et le Grand Rex, c'est quand même 2500 personnes. Oui,c'était magique.

  • Natacha Sels

    Et si nous revivions cette scène mémorable ?

  • Michel Perozzo

    Merci. Je ne voulais pas continuer à ressasser des souvenirs d'avant la maladie. Je dois dire que, avec le tour du SLA'C, les résultats ont dépassé mes attentes. Moi il y a une phrase que j'ai revenue dans ce film, et c'est toi qui l'as dit, c'est mettre de la couleur et du fun dans votre vie. Alors on va faire un truc, c'est qu'on va tous mettre du fun et de la vie dans la vie de Michel. Je vais vous demander de tous vous lever et de lui faire une putain de standing ovation, parce qu'il le mérite. Bravo !

  • Natacha Sels

    C'est le présentateur qui lève ton bras Michel, devant toute la foule du Grand Rex qui t'applaudit, waouh ! Je retrouve trace de cet événement cycliste sur le site des Dégloutons, qui semble être une sacrée belle bande d'amis à Michel dont j'apprends qu'ils pratiquent des dégloutés. Autrement dit, des moments volés à la vie et à l'adversité. J'ai bien envie d'en savoir plus.

  • Véronique Perozzo

    Les dégloutés, ce sont les moments qu'on passe ensemble. Donc on a appelé dégloutés parce que ça commençait par un déjeuner, et puis ça s'est prolongé par un goûter, et ça s'est terminé par un dîner. Donc on a fait une contraction de tout ça pour faire les dégloutés. Et naturellement, les participants de ces dégloutés sont devenus des dégloutons.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, vous avez créé une petite association, c'est ça ? Qui réunis les amis de Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors cette association, ce sont les amis de Michel proches, ceux qui nous ont aidés à organiser le tour du SLA'C. Ce sont essentiellement des agros qui ont fait l'agro avec Michel.

  • Michel Perozzo

    C'est à l'origine deux ou trois amis qui veulent donner à Véro un peu de temps libre pour qu'elle se repose. C'est tout. Et puis, il se passe un truc bizarre, c'est que les autres amis nous rejoignent un par un. On a fini l'année, on était quinze autour de la table. C'était la fête à la maison, un vendredi midi, par mois. Le nom vient de là. Un déjeuner qui dure jusqu'à devenir un goûter, voire un dîner. Tout était possible, surtout l'imprévisible. Je ne pensais pas autant rire avec une bonbonne pour gonfler les ballons. C'est ça, un moment de fête entre amis, où la maladie n'existe pas.

  • Natacha Sels

    J'ai l'impression que tu aimes mettre des couleurs et du fun. C'est ce que j'ai cru comprendre.

  • Michel Perozzo

    Il faut le reconnaître, la vie de malade n'est pas ce qui se fait de plus drôle. Si on y ajoute le regard des passants dans la rue avant les Jeux Paralympiques, c'est à se tirer une balle. J'en avais marre de ce monde gris, sombre. Je veux de la couleur, et qu'on arrête de me plaindre et de faire la gueule devant moi. Je veux juste tout le contraire. C'est comme les enfants que je croise dans la rue, pour eux, je suis un être inclassable, avec mon fauteuil, et mes tuyaux. C'est ça qui me plaît et que je veux être.

  • Natacha Sels

    Et j'ai aussi cru comprendre que tu étais gourmand de la vie et des plaisirs gustatifs. Comment apprend-on à s'en passer ? Qu'est-ce qui arrive à te tenir à la place ?

  • Michel Perozzo

    Avant d'être malade, je me bouffais les doigts et puis je n'ai plus pu lever les mains à la bouche. Aujourd'hui, j'ai des ongles et des doigts superbes. Quand on n'a pas le choix, on n'a pas le choix, ça c'est du Chabat. C'est la même chose avec la nourriture, je ne peux plus manger, pourquoi me prendre la tête avec ça ? J'ai des petits palliatifs. Je regarde les émissions de cuisine sur YouTube, je m'envoie de la soupe par la GPE, et quand on trinque autour de moi, je bois une bonne bière par la GPE. C'est un petit plaisir. Mais, il arrive parfois que je regrette de ne plus pouvoir manger comme avant. L'autre jour, on a fêté les 60 ans de ma femme et de deux amis, le déjeuner a duré 4 heures. J'étais un peu jaloux de ne pas être vraiment avec eux.

  • Natacha Sels

    Alors, mais si j'ai bien compris, Michel, quand on lui met un petit peu de sauce sur la langue ou sur les lèvres, il a encore tout à fait accès au goût.

  • Véronique Perozzo

    Il a encore totalement le goût. Il a le goût, il a encore la sensibilité du toucher, du chaud, du froid. Si on le pince, ça lui fait mal. Simplement, une fois qu'on lui met quelque chose sur la langue, il a le goût, mais il ne sait pas l'avaler, donc c'est encombrant. En général, après, il faut aspirer.

  • Natacha Sels

    Et Michel, j'avais envie de te demander quel était ton plat préféré.

  • Véronique Perozzo

    Je pourrais presque répondre à ta place.

  • Natacha Sels

    Ah, alors on va voir les deux réponses. Tu dirais quoi ?

  • Véronique Perozzo

    À moi tout à base de saucisses. Tout ce qui est à base de saucisses et peut-être les dios au vin blanc. Un plat typiquement savoyard que lui faisait très bien sa maman.

  • Natacha Sels

    Des lentilles saucisses, bon t'étais pas loin.

  • Karel

    Je me présente, moi c'est Karel, j'ai 34 ans. Ça fait 8 mois que je suis avec monsieur et madame Perozzo. Moi je suis auxiliaire de vie.

  • Natacha Sels

    Quels sont les gestes que vous devez faire avec Michel ?

  • Karel

    Avec M. Perozzo, d'abord c'est les gestes. Bon le matin quand j'arrive, on fait la toilette. D'abord le fait de quitter le lit, le mettre sur la chaise pour aller prendre la douche.

  • Natacha Sels

    C'est des transferts qui se font avec du matériel ?

  • Karel

    Oui. Oui, oui, pour ça, il y en a, c'est super adapté, il y a tous les matériaux qu'on en a besoin. Au début, parce qu'il y a la peur, vous êtes dans un nouveau monde, on peut dire qu'on ne maîtrise pas, donc vous êtes un peu bloqué de la situation du tout, mais après... Il faut... Ce sont des gens aussi qui, surtout Mme Perozzo, elle a pris le temps pour me montrer des choses. Et après aussi, je pense aussi à la volonté de la personne qui travaille avec M. Perozzo. Et moi, j'en ai beaucoup mis. Oui, parce que d'abord, quand vous arrivez, vous voyez son état, on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qu'on a et on ne se rend pas compte. Et vous trouvez une personne qui se bat comme lui. C'est une personne vraiment joyeuse, toujours avec le sourire. Donc du coup, quand ça ne va pas, on le ressent aussi tout de suite.

  • Natacha Sels

    Quand il veut communiquer avec vous, il le fait comment ?

  • Karel

    La communication. Bon, la communication, on a deux manières de faire la communication avec M. Perozzo. Il y a une qui est avec un alphabet. pour que Monsieur Perozzo puisse se communiquer avec des yeux quand il n'y a pas la tablette. Donc du coup, cela veut dire au moment de la douche, parce que la tablette, c'est après la douche.

  • Natacha Sels

    Voyez ? Ah, oui.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle ? A,E,I. Rideau. Tu veux que je ferme le rideau ? Je suis en train de communiquer avec Michel avec un alphabet coloré. Je vais te montrer ce qu'on utilise, enfin que nous on connaît par cœur, mais je vais te montrer le support.

  • Natacha Sels

    C'est donc une feuille plastifiée avec A, E, I, O, U, Y en rouge, B, C, D, F en bleu, G, H, J, K, L en rouge, M, N, P, Q, R, S en jaune et puis les dernières T, V, W, X, Z en vert. Donc on joue avec la couleur. Bon déjà on sait où se trouve... Les lettres qu'on cherche, si c'est dans le rouge, le bleu, le jaune ?

  • Véronique Perozzo

    Michel y sait par cœur ce tableau. Moi je le connais par cœur aussi, mais quand on ne le connaît pas, on a ce support-là. Et je vais proposer à Michel, est-ce que c'est une voyelle ou est-ce que c'est dans les bleus, dans les rouges, dans les jaunes ou dans les verts ? Il va me répondre avec ses yeux, oui ou non. Donc oui, il regarde à droite avec ses yeux. Non, il regarde à gauche avec ses yeux. Donc il va me répondre en fonction des lettres que je vais lui proposer, la bonne avec ses yeux. Et moi je vais trouver lettre par lettre, je vais déchiffrer le mot.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous voulez faire un exemple ?

  • Véronique Perozzo

    T'as une idée d'un mot ? Ok. Voyelle.

  • Natacha Sels

    A, E, I, O, U, Y.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle. A, E, I, O. Voyelle. A, E, I, O, U Donc j'ai Y-O-U, Youpi. J'ai deviné les trois premières lettres, Y-O-U. Vu qu'il est en train de faire un énorme sourire, je me doutais bien que c'était un truc rigolo, donc c'était Youpi.

  • Natacha Sels

    En fait, il faut avoir de la mémoire pour retenir chaque fois les lettres, etc. Ce n'est pas facile quand même, mine de rien.

  • Véronique Perozzo

    Ce qu'on propose nous aux auxiliaires, c'est effectivement d'écrire les premières lettres qu'elles trouvent pour ne pas les oublier et surtout ne pas avoir le cerveau chargé de cette lettre qu'elles doivent stocker en mémoire. Et puis après, en général, ce sont surtout les auxiliaires de nuit qui utilisent ce système de communication, puisque la nuit, Michel n'a pas sa tablette. Et les besoins sont assez souvent les mêmes. C'est-à-dire qu'il a besoin d'être soit aspiré, ce que j'expliquais, soit d'être repositionné. Il va peut-être dire la couverture. Et ça veut dire là, est-ce qu'il faut remonter la couverture, baisser la couverture ? Donc, au bout d'un moment, on a un automatisme qui va assez vite.

  • Natacha Sels

    Alors Michel est en train d'écrire une phrase qu'on va entendre bientôt, toujours avec le système oculaire, mais cette fois-ci avec la tablette. Et puis dans le fond, on entend aussi un respirateur, c'est ça ? Le petit bruit de soufflerie.

  • Véronique Perozzo

    Alors en plus, comme il est très pointilleux, en général, quand on trouve un mot, il faut qu'il écrive la phrase avec le bon accent,la bonne orthographe.

  • Michel Perozzo

    C'est très important pour moi de pouvoir communiquer.

  • Véronique Perozzo

    Ce système de communication, ça devrait être totalement remboursé par la sécurité sociale. C'est aussi important qu'un médicament. Donc, c'est la survie. C'est vraiment... Comme dit Michel, sans communication, là,l'isolement est total.

  • Michel Perozzo

    Pour la communication, j'ai la tablette à commande occulaire. J'y passe mes journées, c'est ma fen^tre sur le monde. Sans cet outil je pense que j'aurais déjà quitté cette terre depuis longtemps. C'est aussi une façon de suivre l'évolution de la maladie, pour moi. Je me rends compte que je vais de plus en plus lentement quand j'écris. Il me faut plus de temps pour m'installer devant la tablette.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui vous plaît de travailler ici ?

  • Karel

    On apprend énormément de choses. Parce que les soins sont vraiment, on peut dire, infirmières, en fait. On touche beaucoup des choses qui sont plus...

  • Natacha Sels

    Médicales.

  • Karel

    Médicales, exactement, on peut dire. On apprend énormément. Et après, comme je vous ai dit, ce sont des gens, malgré leur situation, ils sont toujours positifs. Et on voit M. Perozzo, dans son état, il fait plein de choses. Il organise énormément de choses, des surprises à sa femme. Vraiment, c'est incroyable de vivre...

  • Natacha Sels

    Des surprises. Alors, par exemple ?

  • Karel

    Des fêtes de plus de, je ne sais pas, c'était 20 personnes, avec sa tablette. Comme ils ont plein d'amis. C'était l'anniversaire de Mme Perozzo. Et il avait organisé, elle ne s'en est même pas rendu compte.

  • Natacha Sels

    Donc, tout le monde est arrivé.

  • Karel

    C'est arrivé, c'était une grande fête. Elle m'a raconté parce que je n'étais pas là, moi, je suis que du matin. Et vraiment, c'est une personne incroyable. Il fait plein de choses. On apprend beaucoup avec lui, à valoriser beaucoup de choses. Et moi, j'adore parce qu'on parle beaucoup. Je parle beaucoup avec M. Perozzo. Et on rigole beaucoup. On rigole beaucoup. Mais c'est une personne, tout de suite, quand il n'est pas content, vous le savez tout de suite. Et quand ça va aussi, vous le savez tout de suite. Donc du coup, c'est une personne trop expressive.

  • Natacha Sels

    Comment vous le savez ? Par quoi il le montre ?

  • Karel

    Son visage, ça parle. Ça parle beaucoup le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a des choses qui te paraissent aujourd'hui dérisoires et d'autres dont tu te rapproches plutôt ?

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephan Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Ni remords, ni regrets. En plus,

  • Véronique Perozzo

    En plus, on a été à son concert la semaine dernière, c'est tout frais.

  • Michel Perozzo

    Ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Description

Michel Perozzo, actuel Président et membre du Conseil scientifique de l’ARSLA, vit avec la maladie depuis 10 ans.


Au fil de l’évolution de la maladie, il ne s’est jamais défait un mot d’ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic : « Vivre, vivre, vivre avec la maladie. »


Entouré de sa femme Véronique, de ses amis "dégloutons" et de soignants engagés, Michel incarne une force de vie, faite de défis relevés et de moments de partage.


Plongez dans son univers et découvrez son humour, sa résilience et son regard lumineux sur la vie, à travers cet épisode.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephane Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 1. Aujourd'hui, je rencontre Michel Perozzo, ancien directeur de l'industrie pharmaceutique, actuel vice-président et membre du comité scientifique de l'ARSLA. Michel est atteint de la SLA depuis dix ans, faisant mentir les statistiques sur l'espérance de vie avec cette maladie. Peu à peu devenu tétraplégique, il ne s'est pourtant jamais défait d'un mot d'ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic. Vivre, v ivre, vivre avec la maladie. Dans l'appartement de Saint-Germain-en-Laye, qu'il occupe avec son épouse Véronique et la plupart du temps avec des soignants nécessaires à son quotidien, je découvre un homme souriant et vif, qui par nécessité a répondu à mes questions en amont de la rencontre. Car écrire avec ses yeux lui demande d'importants efforts, devenu plus lent avec l'évolution de la maladie. Michel reste toutefois très présent à la relation, qui représente l'essentiel dans son existence, foi de Dégloutons. Vous en saurez plus seulement si vous écoutez l'épisode. Il s'exprime grâce à une voix synthétique et me prie de l'excuser si je l'ai déjà entendu. En effet, seules trois voix masculines existent sur les logiciels de communication. En réalité, vous le découvrirez assez vite, sa voix est inimitable par son contenu de profondeur et d'humour.

  • Michel Perozzo

    Je m'appelle Michel Perozzo, je viens d'avoir 59 ans, je suis marié depuis 32 ans avec Véronique et nous avons deux garçons, âgés de 30 et 27 ans. Mon parcours professionnel nous a emmenés à vivre 10 ans au Japon, cela reste pour nous une période magnifique tant familialement que professionnellement.

  • Véronique Perozzo

    J'ai 60 ans, je suis l'épouse de Michel, nous avons deux enfants, deux garçons. Maxime qui a 30 ans, Amaury qui en a 27. Nous habitons maintenant à Saint-Germain-en-Laye depuis 20 ans. Auparavant, on a vécu au Japon pendant 10 ans. Et je suis l'aidante familiale de Michel depuis sa maladie, en sachant qu'avant, j'avais une activité tournée plutôt vers les ressources humaines.

  • Natacha Sels

    Comment vous vous êtes rencontrés avec Michel ?

  • Véronique Perozzo

    Et bien justement, dans le cadre du boulot, moi je finissais mes études de psychologie en faisant un stage chez ESSO. J'étais responsable du recrutement de tous les stagiaires pour ESSO. Et Michel, lui, finissait ses études à l'agro et cherchait aussi un stage. Et donc je l'ai recruté en tant que stagiaire et on était dans le même bureau.

  • Natacha Sels

    Oui, alors le recrutement était plus large que prévu.

  • Véronique Perozzo

    C'est ça, exactement. Ça a été une histoire assez rigolote de se dire que j'ai recruté mon mari.

  • Natacha Sels

    Alors, j'aimerais bien que vous le décriviez, Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors, si je dois le décrire maintenant, c'est sûr que physiquement, ce n'est pas le même homme que celui que j'ai épousé. Puisqu'aujourd'hui, à cause de la maladie, il est totalement tétraplégique. Donc, il est dans son fauteuil. Il ne peut plus du tout bouger, sauf ses yeux, heureusement, qui lui permettent de... travailler et de communiquer avec nous grâce à sa commande oculaire reliée à un ordinateur. Il ne peut plus communiquer, il ne peut plus bouger, il ne peut plus s'alimenter, ni même respirer par lui-même. Donc je pense qu'il doit être un peu impressionnant pour quelqu'un qui ne le connaît pas et qui le découvre parce qu'il est dans un fauteuil très imposant, et puis relié un petit peu partout. Est-ce qu'il a changé physiquement depuis la maladie ? Je dirais que son sourire est encore plus joli aujourd'hui et plus impactant qu'il ne l'était auparavant. Il est châtain, il a des lunettes, il n'est pas très grand. Il doit mesurer 1m71, il a toujours triché en disant qu'il faisait 1m72, mais il fait 1m71, il a les yeux foncés et il n'a pas trop de cheveux blancs encore.

  • Michel Perozzo

    J'habite à Saint-Germain-en-Laye, ville historique, qui rénove ses rues et ses trottoirs en mettant des pavés partout. C'est très désagréable pour les personnes en fauteuil comme moi, mais quand je vois tous les bébés en poussette, leur petite tête qui bouge au rythme des pavés, je regrette qu'ils ne puissent pas voter.

  • Véronique Perozzo

    Même si la communication est plus lente, plus hachée aujourd'hui, il arrive à nous balancer sa petite phrase, sa petite blague, parce qu'il est bourré d'humour.

  • Natacha Sels

    Et moralement, quel homme c'est ?

  • Véronique Perozzo

    Je crois que c'est quelqu'un... qui fonctionne très vite dans sa tête. Donc heureusement, la maladie ne touche pas ses capacités cognitives et intellectuelles. Donc je pense qu'il a appris avec la maladie à se contenter de ce que lui donne l'ordinateur pour se nourrir intellectuellement. Il continue à écouter beaucoup de musique, continue à aller avec moi maintenant et des amis à des concerts. Donc on n'y était pas plus tard que la semaine dernière, on va y retourner le mois prochain. Ça, c'est quelque chose qu'il continue à cultiver et à apprécier beaucoup.

  • Natacha Sels

    Pour faire un petit peu marche arrière, comment est arrivée la maladie ? Comment elle s'est annoncée à vous ?

  • Véronique Perozzo

    Je pense qu'il s'en est rendu compte avant moi. Il ne m'a rien dit au début. Il avait, m'a-t-il dit après, noté une perte de la force dans sa main.

  • Michel Perozzo

    Début 2015, j'ai commencé à avoir du mal à ramasser l'oreiller qui était par terre. En même temps... J'avais du mal pour arracher mes poils de nez. Je vous jure que c'est vrai. J'ai eu l'explication plus tard. Le muscle qui permet de faire une pince entre le pouce et l'index était touché et n'était plus fonctionnel. J'ai consulté mon médecin généraliste qui m'a ausculté et m'a recommandé à une neurologue de ville. J'ai fait toute une batterie d'examens. Le dernier examen, c'était un électromyogramme. Ça fait ça fait un peu mal, mais le médecin était jovial. Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation a posteriori de vous dire que quelque chose ne va pas dans ce que vous avez vécu. Je me suis réveillé le lendemain en repensant à la consultation. Le truc qui n'allait pas, c'est qu'au fil de l'examen, il n'était plus jovial du tout. Il devait voir se confirmer le diagnostic. En fait, la veille du rendez-vous avec la neurologue de ville, je me suis réveillé avec une intuition. J'ai vérifié sur Internet si les symptômes pouvaient être ceux d'une SLA, et tout était là. Il fallait attendre le diagnostic posé par un professionnel, mais quand elle m'a dit que j'avais une SLA, je n'étais pas surpris. On a beau ne pas être surpris, c'est quand même un immeuble qu'on prend sur la tête. J'avais l'impression que tout s'arrêtait, que j'allais mourir le lendemain. C'était vraiment un moment difficile.

  • Véronique Perozzo

    Donc sans rien me dire, en fait, il a été consulter notre généraliste, qui l'a orienté vers d'autres spécialistes. Donc il a fait différents examens. Là, il a commencé à me dire, ah bah, on a trouvé quelque chose. Je dis, bah super. Au début, je pensais qu'il avait mal simplement dans le bras, puisque c'est dans la main droite qu'il a commencé à sentir une différence de force, de préhension. Donc, j'imaginais un nerf coincé. J'ai dit, s'ils ont trouvé, c'est très bien, on va poursuivre. On va aller voir les spécialistes qu'il faut. On a ensuite été voir une neurologue en ville, orientée par notre médecin généraliste. La veille, Michel m'avait dit, je sais ce que j'ai, j'ai une SLA. Maladie, moi je ne connaissais absolument pas, j'en avais absolument pas entendu parler. Et quand il me dit ça, il fond en larmes, ce qui ne lui est jamais arrivé. Donc là je me dis, oulala, je ne sais pas ce que c'est, mais ça n'a l'air pas sympa. Donc on n'a pas dormi cette nuit-là, ni l'un ni l'autre. Et quand on est arrivé effectivement dans le cabinet de cette neurologue, elle nous a accueillis en nous disant, j'aurais préféré vous annoncer un cancer. À la fois, oui, je m'en souviens comme si c'était hier et quelque part, je pense que c'était maladroit. À la fois, je pense que c'est quelque chose qui, de toute façon, est très difficile à annoncer. Et on est parti l'été, on n'avait pas de plan, en fait, de vacances. On n'avait pas loué de maison ou quoi que ce soit. Donc, on a été voir des copains à droite, à gauche, un peu partout en France. Et une nuit, il me dit, j'ai vraiment mal partout, ça ne va pas du tout, je pense que je ne passerai pas l'été. Donc, on a beaucoup discuté et le lendemain, il m'a dit « bon ben, je vais vivre, je vais vivre avec ma maladie finalement » . Et là, il a changé complètement d'attitude et à partir de là, je ne dis pas que la vie est redevenue souriante et légère et facile, mais cette force de vie l'a poussé et m'a entraînée avec lui.

  • Natacha Sels

    Michel, qu'est-ce qui t'a permis de faire face et de relever la tête ?

  • Michel Perozzo

    Tout d'abord, il y a l'environnement proche, avec en premier lieu, mon épouse, mes enfants, et les amis, la famille, qu'ils sachent ou pas, pour la maladie. C'est la première ligne de réconfort. La deuxième ligne, c'est le travail, là encore, j'ai eu un soutien sans faille de mon boss, et de mes collègues. Enfin, il y a l'absence d'espoir. Je m'explique. Un des avantages de travailler dans l'industrie pharmaceutique, c'est qu'on sait, dans mon cas, qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas de traitement pour la maladie dans le temps qu'il me reste à vivre. Pour moi, c'était important de le savoir, car cela me permet d'avancer sans avoir à constamment penser aux médicaments miracles qui allaient tous nous guérir, nous les patients.

  • Natacha Sels

    Comment s'est passée l'annonce à vos proches ?

  • Michel Perozzo

    Je dois dire qu'on a été très mauvais sur cette phase. J'ai mis un an pour le dire à ma mère. On a décidé de laisser passer les vacances, avant de le dire à nos enfants, on leur a dit fin août, pour un diagnostic fin juin. Ils nous ont reproché de ne pas leur avoir dit immédiatement. Pour les amis, on avait une stratégie, on le disait au dessert. La première fois qu'on a fait l'annonce, un de nos amis s'est évanoui. Sur la base de notre expérience, je pense qu'il faut dire la nouvelle le plus rapidement possible pour pouvoir s'occuper de soi et d'autres démarches administratives.

  • Natacha Sels

    Quelles ont été les grandes étapes de l'apparition des symptômes ? Tu m'as dit avoir reçu le diagnostic en juin 2015 et en janvier 2017 perdre l'usage de tes jambes. Ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Michel Perozzo

    Je pense que pour chacun d'entre nous, malades, cela va trop vite. En ce qui me concerne, les grandes étapes ont été mises en place d'une sonde gastrique, la fameuse GPE, en novembre 2018, la trachéotomie, en octobre 2020. Mon système respiratoire était à bout. Mais il y a aussi... tous ces petits moments, en apparence moins importants, mais qui marquent nos vies. La première fois que je n'ai pas pu tenir le savon, parce que je ne contrôlais plus mes mains, a été un de ces moments, tout comme la fois où il a fallu annuler notre voyage en famille au Japon, une semaine avant le départ, parce que je n'avais plus la capacité respiratoire pour supporter l'atmosphère réduite en oxygène de la cabine de l'avion. Ce sont des exemples d'événements qui jalonnent la vie de chacun d'entre nous.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'aide dans la vie de tous les jours ? Par exemple, est-ce qu'il y a des personnes, des auteurs, des amis, des parents qui t'inspirent ou qui te soutiennent particulièrement ?

  • Michel Perozzo

    Nous avons la chance d'avoir un groupe d'amis très proche qui a été très présent. Dès le début de la maladie, ils ont été formidables tout au long de ces dix années. On rencontre des gens formidables qu'on n'aurait jamais rencontrés sans la maladie. Ce sont des professionnels de santé, des auxiliaires de vie, des associatifs, tous ces gens qui ne sont pas dans notre orbite et qu'on n'aurait jamais dû croiser, en tout cas, pas à notre âge.

  • Natacha Sels

    J'ai aussi l'impression que l'amitié est un point cardinal dans ta vie. Est-ce que tu peux m'en parler ?

  • Michel Perozzo

    C'est vrai qu'avoir un tel réseau d'amis, c'est rare. La majorité était à l'agro avec moi. Il y a 40 ans et puis, il y a ceux du Japon qui se sont ajoutés. Ça fait beaucoup d'amis et je pense que la chose qui nous unit, c'est la fête. Quand ils m'ont aidé à faire de mon rêve le tour du SLA'C, c'est une réalité. Ils étaient tous là.

  • Véronique Perozzo

    C'est le tour du lac du Bourget qu'on a transformé en tour du SLA'C. Pour mettre les trois lettres S-L-A dedans.

  • Natacha Sels

    D'accord. Et ça c'était le projet de Michel et vous vous y êtes tous mis pour le réaliser.

  • Véronique Perozzo

    Ah oui, ça a été un boulot de un an. On était, on va dire, une quinzaine, avec un noyau dur de 4-5 personnes pour réaliser ce projet, où au final, il y a eu donc 7 malades qui ont fait le tour en vélo, avec des vélos adaptés et 200 participants.

  • Michel Perozzo

    Ça avait vraiment de la gueule. Chacun avait un rôle défini. Et à la fin, on a fait un truc parfait. J'en ai encore des étoiles dans les yeux. Puis, il y a eu la soirée de Tous en selle, où nous avons eu droit à une ovation de 5 minutes quand nous avons présenté le film de cette journée.

  • Véronique Perozzo

    C'est à Paris, au Grand Rex. Parce qu'en fait, il y a un festival qui s'appelle Tous en selle. C'était la deuxième édition ou la troisième édition, je ne sais plus. En fait, c'est un festival sur le vélo. Donc plein d'histoires de gens à vélo. Quand on a entendu parler de ça par un ami, on s'est dit, on va essayer de se mettre en contact avec eux, parce que nous on a fait du vélo, et puis on a une histoire à raconter autour. Et effectivement, le directeur du festival a eu un coup de cœur pour notre film, et pour l'histoire du SLA'C. Et donc on a été projeté en premier, et on était sur scène avec Michel et Maxime, notre fils, qui a réalisé le film. Ça a été magique parce que c'est vrai que le film a été projeté. Nous, on est venus après la projection. Et là, avant même qu'on prenne la parole pour répondre aux questions, il y a eu cinq minutes, mais vraiment cinq minutes, montre en main. C'est très, très, très long, cinq minutes, où le public était debout à applaudir à tout rompre Michel. Et le Grand Rex, c'est quand même 2500 personnes. Oui,c'était magique.

  • Natacha Sels

    Et si nous revivions cette scène mémorable ?

  • Michel Perozzo

    Merci. Je ne voulais pas continuer à ressasser des souvenirs d'avant la maladie. Je dois dire que, avec le tour du SLA'C, les résultats ont dépassé mes attentes. Moi il y a une phrase que j'ai revenue dans ce film, et c'est toi qui l'as dit, c'est mettre de la couleur et du fun dans votre vie. Alors on va faire un truc, c'est qu'on va tous mettre du fun et de la vie dans la vie de Michel. Je vais vous demander de tous vous lever et de lui faire une putain de standing ovation, parce qu'il le mérite. Bravo !

  • Natacha Sels

    C'est le présentateur qui lève ton bras Michel, devant toute la foule du Grand Rex qui t'applaudit, waouh ! Je retrouve trace de cet événement cycliste sur le site des Dégloutons, qui semble être une sacrée belle bande d'amis à Michel dont j'apprends qu'ils pratiquent des dégloutés. Autrement dit, des moments volés à la vie et à l'adversité. J'ai bien envie d'en savoir plus.

  • Véronique Perozzo

    Les dégloutés, ce sont les moments qu'on passe ensemble. Donc on a appelé dégloutés parce que ça commençait par un déjeuner, et puis ça s'est prolongé par un goûter, et ça s'est terminé par un dîner. Donc on a fait une contraction de tout ça pour faire les dégloutés. Et naturellement, les participants de ces dégloutés sont devenus des dégloutons.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, vous avez créé une petite association, c'est ça ? Qui réunis les amis de Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors cette association, ce sont les amis de Michel proches, ceux qui nous ont aidés à organiser le tour du SLA'C. Ce sont essentiellement des agros qui ont fait l'agro avec Michel.

  • Michel Perozzo

    C'est à l'origine deux ou trois amis qui veulent donner à Véro un peu de temps libre pour qu'elle se repose. C'est tout. Et puis, il se passe un truc bizarre, c'est que les autres amis nous rejoignent un par un. On a fini l'année, on était quinze autour de la table. C'était la fête à la maison, un vendredi midi, par mois. Le nom vient de là. Un déjeuner qui dure jusqu'à devenir un goûter, voire un dîner. Tout était possible, surtout l'imprévisible. Je ne pensais pas autant rire avec une bonbonne pour gonfler les ballons. C'est ça, un moment de fête entre amis, où la maladie n'existe pas.

  • Natacha Sels

    J'ai l'impression que tu aimes mettre des couleurs et du fun. C'est ce que j'ai cru comprendre.

  • Michel Perozzo

    Il faut le reconnaître, la vie de malade n'est pas ce qui se fait de plus drôle. Si on y ajoute le regard des passants dans la rue avant les Jeux Paralympiques, c'est à se tirer une balle. J'en avais marre de ce monde gris, sombre. Je veux de la couleur, et qu'on arrête de me plaindre et de faire la gueule devant moi. Je veux juste tout le contraire. C'est comme les enfants que je croise dans la rue, pour eux, je suis un être inclassable, avec mon fauteuil, et mes tuyaux. C'est ça qui me plaît et que je veux être.

  • Natacha Sels

    Et j'ai aussi cru comprendre que tu étais gourmand de la vie et des plaisirs gustatifs. Comment apprend-on à s'en passer ? Qu'est-ce qui arrive à te tenir à la place ?

  • Michel Perozzo

    Avant d'être malade, je me bouffais les doigts et puis je n'ai plus pu lever les mains à la bouche. Aujourd'hui, j'ai des ongles et des doigts superbes. Quand on n'a pas le choix, on n'a pas le choix, ça c'est du Chabat. C'est la même chose avec la nourriture, je ne peux plus manger, pourquoi me prendre la tête avec ça ? J'ai des petits palliatifs. Je regarde les émissions de cuisine sur YouTube, je m'envoie de la soupe par la GPE, et quand on trinque autour de moi, je bois une bonne bière par la GPE. C'est un petit plaisir. Mais, il arrive parfois que je regrette de ne plus pouvoir manger comme avant. L'autre jour, on a fêté les 60 ans de ma femme et de deux amis, le déjeuner a duré 4 heures. J'étais un peu jaloux de ne pas être vraiment avec eux.

  • Natacha Sels

    Alors, mais si j'ai bien compris, Michel, quand on lui met un petit peu de sauce sur la langue ou sur les lèvres, il a encore tout à fait accès au goût.

  • Véronique Perozzo

    Il a encore totalement le goût. Il a le goût, il a encore la sensibilité du toucher, du chaud, du froid. Si on le pince, ça lui fait mal. Simplement, une fois qu'on lui met quelque chose sur la langue, il a le goût, mais il ne sait pas l'avaler, donc c'est encombrant. En général, après, il faut aspirer.

  • Natacha Sels

    Et Michel, j'avais envie de te demander quel était ton plat préféré.

  • Véronique Perozzo

    Je pourrais presque répondre à ta place.

  • Natacha Sels

    Ah, alors on va voir les deux réponses. Tu dirais quoi ?

  • Véronique Perozzo

    À moi tout à base de saucisses. Tout ce qui est à base de saucisses et peut-être les dios au vin blanc. Un plat typiquement savoyard que lui faisait très bien sa maman.

  • Natacha Sels

    Des lentilles saucisses, bon t'étais pas loin.

  • Karel

    Je me présente, moi c'est Karel, j'ai 34 ans. Ça fait 8 mois que je suis avec monsieur et madame Perozzo. Moi je suis auxiliaire de vie.

  • Natacha Sels

    Quels sont les gestes que vous devez faire avec Michel ?

  • Karel

    Avec M. Perozzo, d'abord c'est les gestes. Bon le matin quand j'arrive, on fait la toilette. D'abord le fait de quitter le lit, le mettre sur la chaise pour aller prendre la douche.

  • Natacha Sels

    C'est des transferts qui se font avec du matériel ?

  • Karel

    Oui. Oui, oui, pour ça, il y en a, c'est super adapté, il y a tous les matériaux qu'on en a besoin. Au début, parce qu'il y a la peur, vous êtes dans un nouveau monde, on peut dire qu'on ne maîtrise pas, donc vous êtes un peu bloqué de la situation du tout, mais après... Il faut... Ce sont des gens aussi qui, surtout Mme Perozzo, elle a pris le temps pour me montrer des choses. Et après aussi, je pense aussi à la volonté de la personne qui travaille avec M. Perozzo. Et moi, j'en ai beaucoup mis. Oui, parce que d'abord, quand vous arrivez, vous voyez son état, on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qu'on a et on ne se rend pas compte. Et vous trouvez une personne qui se bat comme lui. C'est une personne vraiment joyeuse, toujours avec le sourire. Donc du coup, quand ça ne va pas, on le ressent aussi tout de suite.

  • Natacha Sels

    Quand il veut communiquer avec vous, il le fait comment ?

  • Karel

    La communication. Bon, la communication, on a deux manières de faire la communication avec M. Perozzo. Il y a une qui est avec un alphabet. pour que Monsieur Perozzo puisse se communiquer avec des yeux quand il n'y a pas la tablette. Donc du coup, cela veut dire au moment de la douche, parce que la tablette, c'est après la douche.

  • Natacha Sels

    Voyez ? Ah, oui.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle ? A,E,I. Rideau. Tu veux que je ferme le rideau ? Je suis en train de communiquer avec Michel avec un alphabet coloré. Je vais te montrer ce qu'on utilise, enfin que nous on connaît par cœur, mais je vais te montrer le support.

  • Natacha Sels

    C'est donc une feuille plastifiée avec A, E, I, O, U, Y en rouge, B, C, D, F en bleu, G, H, J, K, L en rouge, M, N, P, Q, R, S en jaune et puis les dernières T, V, W, X, Z en vert. Donc on joue avec la couleur. Bon déjà on sait où se trouve... Les lettres qu'on cherche, si c'est dans le rouge, le bleu, le jaune ?

  • Véronique Perozzo

    Michel y sait par cœur ce tableau. Moi je le connais par cœur aussi, mais quand on ne le connaît pas, on a ce support-là. Et je vais proposer à Michel, est-ce que c'est une voyelle ou est-ce que c'est dans les bleus, dans les rouges, dans les jaunes ou dans les verts ? Il va me répondre avec ses yeux, oui ou non. Donc oui, il regarde à droite avec ses yeux. Non, il regarde à gauche avec ses yeux. Donc il va me répondre en fonction des lettres que je vais lui proposer, la bonne avec ses yeux. Et moi je vais trouver lettre par lettre, je vais déchiffrer le mot.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous voulez faire un exemple ?

  • Véronique Perozzo

    T'as une idée d'un mot ? Ok. Voyelle.

  • Natacha Sels

    A, E, I, O, U, Y.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle. A, E, I, O. Voyelle. A, E, I, O, U Donc j'ai Y-O-U, Youpi. J'ai deviné les trois premières lettres, Y-O-U. Vu qu'il est en train de faire un énorme sourire, je me doutais bien que c'était un truc rigolo, donc c'était Youpi.

  • Natacha Sels

    En fait, il faut avoir de la mémoire pour retenir chaque fois les lettres, etc. Ce n'est pas facile quand même, mine de rien.

  • Véronique Perozzo

    Ce qu'on propose nous aux auxiliaires, c'est effectivement d'écrire les premières lettres qu'elles trouvent pour ne pas les oublier et surtout ne pas avoir le cerveau chargé de cette lettre qu'elles doivent stocker en mémoire. Et puis après, en général, ce sont surtout les auxiliaires de nuit qui utilisent ce système de communication, puisque la nuit, Michel n'a pas sa tablette. Et les besoins sont assez souvent les mêmes. C'est-à-dire qu'il a besoin d'être soit aspiré, ce que j'expliquais, soit d'être repositionné. Il va peut-être dire la couverture. Et ça veut dire là, est-ce qu'il faut remonter la couverture, baisser la couverture ? Donc, au bout d'un moment, on a un automatisme qui va assez vite.

  • Natacha Sels

    Alors Michel est en train d'écrire une phrase qu'on va entendre bientôt, toujours avec le système oculaire, mais cette fois-ci avec la tablette. Et puis dans le fond, on entend aussi un respirateur, c'est ça ? Le petit bruit de soufflerie.

  • Véronique Perozzo

    Alors en plus, comme il est très pointilleux, en général, quand on trouve un mot, il faut qu'il écrive la phrase avec le bon accent,la bonne orthographe.

  • Michel Perozzo

    C'est très important pour moi de pouvoir communiquer.

  • Véronique Perozzo

    Ce système de communication, ça devrait être totalement remboursé par la sécurité sociale. C'est aussi important qu'un médicament. Donc, c'est la survie. C'est vraiment... Comme dit Michel, sans communication, là,l'isolement est total.

  • Michel Perozzo

    Pour la communication, j'ai la tablette à commande occulaire. J'y passe mes journées, c'est ma fen^tre sur le monde. Sans cet outil je pense que j'aurais déjà quitté cette terre depuis longtemps. C'est aussi une façon de suivre l'évolution de la maladie, pour moi. Je me rends compte que je vais de plus en plus lentement quand j'écris. Il me faut plus de temps pour m'installer devant la tablette.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui vous plaît de travailler ici ?

  • Karel

    On apprend énormément de choses. Parce que les soins sont vraiment, on peut dire, infirmières, en fait. On touche beaucoup des choses qui sont plus...

  • Natacha Sels

    Médicales.

  • Karel

    Médicales, exactement, on peut dire. On apprend énormément. Et après, comme je vous ai dit, ce sont des gens, malgré leur situation, ils sont toujours positifs. Et on voit M. Perozzo, dans son état, il fait plein de choses. Il organise énormément de choses, des surprises à sa femme. Vraiment, c'est incroyable de vivre...

  • Natacha Sels

    Des surprises. Alors, par exemple ?

  • Karel

    Des fêtes de plus de, je ne sais pas, c'était 20 personnes, avec sa tablette. Comme ils ont plein d'amis. C'était l'anniversaire de Mme Perozzo. Et il avait organisé, elle ne s'en est même pas rendu compte.

  • Natacha Sels

    Donc, tout le monde est arrivé.

  • Karel

    C'est arrivé, c'était une grande fête. Elle m'a raconté parce que je n'étais pas là, moi, je suis que du matin. Et vraiment, c'est une personne incroyable. Il fait plein de choses. On apprend beaucoup avec lui, à valoriser beaucoup de choses. Et moi, j'adore parce qu'on parle beaucoup. Je parle beaucoup avec M. Perozzo. Et on rigole beaucoup. On rigole beaucoup. Mais c'est une personne, tout de suite, quand il n'est pas content, vous le savez tout de suite. Et quand ça va aussi, vous le savez tout de suite. Donc du coup, c'est une personne trop expressive.

  • Natacha Sels

    Comment vous le savez ? Par quoi il le montre ?

  • Karel

    Son visage, ça parle. Ça parle beaucoup le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a des choses qui te paraissent aujourd'hui dérisoires et d'autres dont tu te rapproches plutôt ?

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephan Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Ni remords, ni regrets. En plus,

  • Véronique Perozzo

    En plus, on a été à son concert la semaine dernière, c'est tout frais.

  • Michel Perozzo

    Ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Michel Perozzo, actuel Président et membre du Conseil scientifique de l’ARSLA, vit avec la maladie depuis 10 ans.


Au fil de l’évolution de la maladie, il ne s’est jamais défait un mot d’ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic : « Vivre, vivre, vivre avec la maladie. »


Entouré de sa femme Véronique, de ses amis "dégloutons" et de soignants engagés, Michel incarne une force de vie, faite de défis relevés et de moments de partage.


Plongez dans son univers et découvrez son humour, sa résilience et son regard lumineux sur la vie, à travers cet épisode.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephane Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 1. Aujourd'hui, je rencontre Michel Perozzo, ancien directeur de l'industrie pharmaceutique, actuel vice-président et membre du comité scientifique de l'ARSLA. Michel est atteint de la SLA depuis dix ans, faisant mentir les statistiques sur l'espérance de vie avec cette maladie. Peu à peu devenu tétraplégique, il ne s'est pourtant jamais défait d'un mot d'ordre qui est devenu sa devise quelques semaines après le diagnostic. Vivre, v ivre, vivre avec la maladie. Dans l'appartement de Saint-Germain-en-Laye, qu'il occupe avec son épouse Véronique et la plupart du temps avec des soignants nécessaires à son quotidien, je découvre un homme souriant et vif, qui par nécessité a répondu à mes questions en amont de la rencontre. Car écrire avec ses yeux lui demande d'importants efforts, devenu plus lent avec l'évolution de la maladie. Michel reste toutefois très présent à la relation, qui représente l'essentiel dans son existence, foi de Dégloutons. Vous en saurez plus seulement si vous écoutez l'épisode. Il s'exprime grâce à une voix synthétique et me prie de l'excuser si je l'ai déjà entendu. En effet, seules trois voix masculines existent sur les logiciels de communication. En réalité, vous le découvrirez assez vite, sa voix est inimitable par son contenu de profondeur et d'humour.

  • Michel Perozzo

    Je m'appelle Michel Perozzo, je viens d'avoir 59 ans, je suis marié depuis 32 ans avec Véronique et nous avons deux garçons, âgés de 30 et 27 ans. Mon parcours professionnel nous a emmenés à vivre 10 ans au Japon, cela reste pour nous une période magnifique tant familialement que professionnellement.

  • Véronique Perozzo

    J'ai 60 ans, je suis l'épouse de Michel, nous avons deux enfants, deux garçons. Maxime qui a 30 ans, Amaury qui en a 27. Nous habitons maintenant à Saint-Germain-en-Laye depuis 20 ans. Auparavant, on a vécu au Japon pendant 10 ans. Et je suis l'aidante familiale de Michel depuis sa maladie, en sachant qu'avant, j'avais une activité tournée plutôt vers les ressources humaines.

  • Natacha Sels

    Comment vous vous êtes rencontrés avec Michel ?

  • Véronique Perozzo

    Et bien justement, dans le cadre du boulot, moi je finissais mes études de psychologie en faisant un stage chez ESSO. J'étais responsable du recrutement de tous les stagiaires pour ESSO. Et Michel, lui, finissait ses études à l'agro et cherchait aussi un stage. Et donc je l'ai recruté en tant que stagiaire et on était dans le même bureau.

  • Natacha Sels

    Oui, alors le recrutement était plus large que prévu.

  • Véronique Perozzo

    C'est ça, exactement. Ça a été une histoire assez rigolote de se dire que j'ai recruté mon mari.

  • Natacha Sels

    Alors, j'aimerais bien que vous le décriviez, Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors, si je dois le décrire maintenant, c'est sûr que physiquement, ce n'est pas le même homme que celui que j'ai épousé. Puisqu'aujourd'hui, à cause de la maladie, il est totalement tétraplégique. Donc, il est dans son fauteuil. Il ne peut plus du tout bouger, sauf ses yeux, heureusement, qui lui permettent de... travailler et de communiquer avec nous grâce à sa commande oculaire reliée à un ordinateur. Il ne peut plus communiquer, il ne peut plus bouger, il ne peut plus s'alimenter, ni même respirer par lui-même. Donc je pense qu'il doit être un peu impressionnant pour quelqu'un qui ne le connaît pas et qui le découvre parce qu'il est dans un fauteuil très imposant, et puis relié un petit peu partout. Est-ce qu'il a changé physiquement depuis la maladie ? Je dirais que son sourire est encore plus joli aujourd'hui et plus impactant qu'il ne l'était auparavant. Il est châtain, il a des lunettes, il n'est pas très grand. Il doit mesurer 1m71, il a toujours triché en disant qu'il faisait 1m72, mais il fait 1m71, il a les yeux foncés et il n'a pas trop de cheveux blancs encore.

  • Michel Perozzo

    J'habite à Saint-Germain-en-Laye, ville historique, qui rénove ses rues et ses trottoirs en mettant des pavés partout. C'est très désagréable pour les personnes en fauteuil comme moi, mais quand je vois tous les bébés en poussette, leur petite tête qui bouge au rythme des pavés, je regrette qu'ils ne puissent pas voter.

  • Véronique Perozzo

    Même si la communication est plus lente, plus hachée aujourd'hui, il arrive à nous balancer sa petite phrase, sa petite blague, parce qu'il est bourré d'humour.

  • Natacha Sels

    Et moralement, quel homme c'est ?

  • Véronique Perozzo

    Je crois que c'est quelqu'un... qui fonctionne très vite dans sa tête. Donc heureusement, la maladie ne touche pas ses capacités cognitives et intellectuelles. Donc je pense qu'il a appris avec la maladie à se contenter de ce que lui donne l'ordinateur pour se nourrir intellectuellement. Il continue à écouter beaucoup de musique, continue à aller avec moi maintenant et des amis à des concerts. Donc on n'y était pas plus tard que la semaine dernière, on va y retourner le mois prochain. Ça, c'est quelque chose qu'il continue à cultiver et à apprécier beaucoup.

  • Natacha Sels

    Pour faire un petit peu marche arrière, comment est arrivée la maladie ? Comment elle s'est annoncée à vous ?

  • Véronique Perozzo

    Je pense qu'il s'en est rendu compte avant moi. Il ne m'a rien dit au début. Il avait, m'a-t-il dit après, noté une perte de la force dans sa main.

  • Michel Perozzo

    Début 2015, j'ai commencé à avoir du mal à ramasser l'oreiller qui était par terre. En même temps... J'avais du mal pour arracher mes poils de nez. Je vous jure que c'est vrai. J'ai eu l'explication plus tard. Le muscle qui permet de faire une pince entre le pouce et l'index était touché et n'était plus fonctionnel. J'ai consulté mon médecin généraliste qui m'a ausculté et m'a recommandé à une neurologue de ville. J'ai fait toute une batterie d'examens. Le dernier examen, c'était un électromyogramme. Ça fait ça fait un peu mal, mais le médecin était jovial. Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation a posteriori de vous dire que quelque chose ne va pas dans ce que vous avez vécu. Je me suis réveillé le lendemain en repensant à la consultation. Le truc qui n'allait pas, c'est qu'au fil de l'examen, il n'était plus jovial du tout. Il devait voir se confirmer le diagnostic. En fait, la veille du rendez-vous avec la neurologue de ville, je me suis réveillé avec une intuition. J'ai vérifié sur Internet si les symptômes pouvaient être ceux d'une SLA, et tout était là. Il fallait attendre le diagnostic posé par un professionnel, mais quand elle m'a dit que j'avais une SLA, je n'étais pas surpris. On a beau ne pas être surpris, c'est quand même un immeuble qu'on prend sur la tête. J'avais l'impression que tout s'arrêtait, que j'allais mourir le lendemain. C'était vraiment un moment difficile.

  • Véronique Perozzo

    Donc sans rien me dire, en fait, il a été consulter notre généraliste, qui l'a orienté vers d'autres spécialistes. Donc il a fait différents examens. Là, il a commencé à me dire, ah bah, on a trouvé quelque chose. Je dis, bah super. Au début, je pensais qu'il avait mal simplement dans le bras, puisque c'est dans la main droite qu'il a commencé à sentir une différence de force, de préhension. Donc, j'imaginais un nerf coincé. J'ai dit, s'ils ont trouvé, c'est très bien, on va poursuivre. On va aller voir les spécialistes qu'il faut. On a ensuite été voir une neurologue en ville, orientée par notre médecin généraliste. La veille, Michel m'avait dit, je sais ce que j'ai, j'ai une SLA. Maladie, moi je ne connaissais absolument pas, j'en avais absolument pas entendu parler. Et quand il me dit ça, il fond en larmes, ce qui ne lui est jamais arrivé. Donc là je me dis, oulala, je ne sais pas ce que c'est, mais ça n'a l'air pas sympa. Donc on n'a pas dormi cette nuit-là, ni l'un ni l'autre. Et quand on est arrivé effectivement dans le cabinet de cette neurologue, elle nous a accueillis en nous disant, j'aurais préféré vous annoncer un cancer. À la fois, oui, je m'en souviens comme si c'était hier et quelque part, je pense que c'était maladroit. À la fois, je pense que c'est quelque chose qui, de toute façon, est très difficile à annoncer. Et on est parti l'été, on n'avait pas de plan, en fait, de vacances. On n'avait pas loué de maison ou quoi que ce soit. Donc, on a été voir des copains à droite, à gauche, un peu partout en France. Et une nuit, il me dit, j'ai vraiment mal partout, ça ne va pas du tout, je pense que je ne passerai pas l'été. Donc, on a beaucoup discuté et le lendemain, il m'a dit « bon ben, je vais vivre, je vais vivre avec ma maladie finalement » . Et là, il a changé complètement d'attitude et à partir de là, je ne dis pas que la vie est redevenue souriante et légère et facile, mais cette force de vie l'a poussé et m'a entraînée avec lui.

  • Natacha Sels

    Michel, qu'est-ce qui t'a permis de faire face et de relever la tête ?

  • Michel Perozzo

    Tout d'abord, il y a l'environnement proche, avec en premier lieu, mon épouse, mes enfants, et les amis, la famille, qu'ils sachent ou pas, pour la maladie. C'est la première ligne de réconfort. La deuxième ligne, c'est le travail, là encore, j'ai eu un soutien sans faille de mon boss, et de mes collègues. Enfin, il y a l'absence d'espoir. Je m'explique. Un des avantages de travailler dans l'industrie pharmaceutique, c'est qu'on sait, dans mon cas, qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas de traitement pour la maladie dans le temps qu'il me reste à vivre. Pour moi, c'était important de le savoir, car cela me permet d'avancer sans avoir à constamment penser aux médicaments miracles qui allaient tous nous guérir, nous les patients.

  • Natacha Sels

    Comment s'est passée l'annonce à vos proches ?

  • Michel Perozzo

    Je dois dire qu'on a été très mauvais sur cette phase. J'ai mis un an pour le dire à ma mère. On a décidé de laisser passer les vacances, avant de le dire à nos enfants, on leur a dit fin août, pour un diagnostic fin juin. Ils nous ont reproché de ne pas leur avoir dit immédiatement. Pour les amis, on avait une stratégie, on le disait au dessert. La première fois qu'on a fait l'annonce, un de nos amis s'est évanoui. Sur la base de notre expérience, je pense qu'il faut dire la nouvelle le plus rapidement possible pour pouvoir s'occuper de soi et d'autres démarches administratives.

  • Natacha Sels

    Quelles ont été les grandes étapes de l'apparition des symptômes ? Tu m'as dit avoir reçu le diagnostic en juin 2015 et en janvier 2017 perdre l'usage de tes jambes. Ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Michel Perozzo

    Je pense que pour chacun d'entre nous, malades, cela va trop vite. En ce qui me concerne, les grandes étapes ont été mises en place d'une sonde gastrique, la fameuse GPE, en novembre 2018, la trachéotomie, en octobre 2020. Mon système respiratoire était à bout. Mais il y a aussi... tous ces petits moments, en apparence moins importants, mais qui marquent nos vies. La première fois que je n'ai pas pu tenir le savon, parce que je ne contrôlais plus mes mains, a été un de ces moments, tout comme la fois où il a fallu annuler notre voyage en famille au Japon, une semaine avant le départ, parce que je n'avais plus la capacité respiratoire pour supporter l'atmosphère réduite en oxygène de la cabine de l'avion. Ce sont des exemples d'événements qui jalonnent la vie de chacun d'entre nous.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'aide dans la vie de tous les jours ? Par exemple, est-ce qu'il y a des personnes, des auteurs, des amis, des parents qui t'inspirent ou qui te soutiennent particulièrement ?

  • Michel Perozzo

    Nous avons la chance d'avoir un groupe d'amis très proche qui a été très présent. Dès le début de la maladie, ils ont été formidables tout au long de ces dix années. On rencontre des gens formidables qu'on n'aurait jamais rencontrés sans la maladie. Ce sont des professionnels de santé, des auxiliaires de vie, des associatifs, tous ces gens qui ne sont pas dans notre orbite et qu'on n'aurait jamais dû croiser, en tout cas, pas à notre âge.

  • Natacha Sels

    J'ai aussi l'impression que l'amitié est un point cardinal dans ta vie. Est-ce que tu peux m'en parler ?

  • Michel Perozzo

    C'est vrai qu'avoir un tel réseau d'amis, c'est rare. La majorité était à l'agro avec moi. Il y a 40 ans et puis, il y a ceux du Japon qui se sont ajoutés. Ça fait beaucoup d'amis et je pense que la chose qui nous unit, c'est la fête. Quand ils m'ont aidé à faire de mon rêve le tour du SLA'C, c'est une réalité. Ils étaient tous là.

  • Véronique Perozzo

    C'est le tour du lac du Bourget qu'on a transformé en tour du SLA'C. Pour mettre les trois lettres S-L-A dedans.

  • Natacha Sels

    D'accord. Et ça c'était le projet de Michel et vous vous y êtes tous mis pour le réaliser.

  • Véronique Perozzo

    Ah oui, ça a été un boulot de un an. On était, on va dire, une quinzaine, avec un noyau dur de 4-5 personnes pour réaliser ce projet, où au final, il y a eu donc 7 malades qui ont fait le tour en vélo, avec des vélos adaptés et 200 participants.

  • Michel Perozzo

    Ça avait vraiment de la gueule. Chacun avait un rôle défini. Et à la fin, on a fait un truc parfait. J'en ai encore des étoiles dans les yeux. Puis, il y a eu la soirée de Tous en selle, où nous avons eu droit à une ovation de 5 minutes quand nous avons présenté le film de cette journée.

  • Véronique Perozzo

    C'est à Paris, au Grand Rex. Parce qu'en fait, il y a un festival qui s'appelle Tous en selle. C'était la deuxième édition ou la troisième édition, je ne sais plus. En fait, c'est un festival sur le vélo. Donc plein d'histoires de gens à vélo. Quand on a entendu parler de ça par un ami, on s'est dit, on va essayer de se mettre en contact avec eux, parce que nous on a fait du vélo, et puis on a une histoire à raconter autour. Et effectivement, le directeur du festival a eu un coup de cœur pour notre film, et pour l'histoire du SLA'C. Et donc on a été projeté en premier, et on était sur scène avec Michel et Maxime, notre fils, qui a réalisé le film. Ça a été magique parce que c'est vrai que le film a été projeté. Nous, on est venus après la projection. Et là, avant même qu'on prenne la parole pour répondre aux questions, il y a eu cinq minutes, mais vraiment cinq minutes, montre en main. C'est très, très, très long, cinq minutes, où le public était debout à applaudir à tout rompre Michel. Et le Grand Rex, c'est quand même 2500 personnes. Oui,c'était magique.

  • Natacha Sels

    Et si nous revivions cette scène mémorable ?

  • Michel Perozzo

    Merci. Je ne voulais pas continuer à ressasser des souvenirs d'avant la maladie. Je dois dire que, avec le tour du SLA'C, les résultats ont dépassé mes attentes. Moi il y a une phrase que j'ai revenue dans ce film, et c'est toi qui l'as dit, c'est mettre de la couleur et du fun dans votre vie. Alors on va faire un truc, c'est qu'on va tous mettre du fun et de la vie dans la vie de Michel. Je vais vous demander de tous vous lever et de lui faire une putain de standing ovation, parce qu'il le mérite. Bravo !

  • Natacha Sels

    C'est le présentateur qui lève ton bras Michel, devant toute la foule du Grand Rex qui t'applaudit, waouh ! Je retrouve trace de cet événement cycliste sur le site des Dégloutons, qui semble être une sacrée belle bande d'amis à Michel dont j'apprends qu'ils pratiquent des dégloutés. Autrement dit, des moments volés à la vie et à l'adversité. J'ai bien envie d'en savoir plus.

  • Véronique Perozzo

    Les dégloutés, ce sont les moments qu'on passe ensemble. Donc on a appelé dégloutés parce que ça commençait par un déjeuner, et puis ça s'est prolongé par un goûter, et ça s'est terminé par un dîner. Donc on a fait une contraction de tout ça pour faire les dégloutés. Et naturellement, les participants de ces dégloutés sont devenus des dégloutons.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, vous avez créé une petite association, c'est ça ? Qui réunis les amis de Michel.

  • Véronique Perozzo

    Alors cette association, ce sont les amis de Michel proches, ceux qui nous ont aidés à organiser le tour du SLA'C. Ce sont essentiellement des agros qui ont fait l'agro avec Michel.

  • Michel Perozzo

    C'est à l'origine deux ou trois amis qui veulent donner à Véro un peu de temps libre pour qu'elle se repose. C'est tout. Et puis, il se passe un truc bizarre, c'est que les autres amis nous rejoignent un par un. On a fini l'année, on était quinze autour de la table. C'était la fête à la maison, un vendredi midi, par mois. Le nom vient de là. Un déjeuner qui dure jusqu'à devenir un goûter, voire un dîner. Tout était possible, surtout l'imprévisible. Je ne pensais pas autant rire avec une bonbonne pour gonfler les ballons. C'est ça, un moment de fête entre amis, où la maladie n'existe pas.

  • Natacha Sels

    J'ai l'impression que tu aimes mettre des couleurs et du fun. C'est ce que j'ai cru comprendre.

  • Michel Perozzo

    Il faut le reconnaître, la vie de malade n'est pas ce qui se fait de plus drôle. Si on y ajoute le regard des passants dans la rue avant les Jeux Paralympiques, c'est à se tirer une balle. J'en avais marre de ce monde gris, sombre. Je veux de la couleur, et qu'on arrête de me plaindre et de faire la gueule devant moi. Je veux juste tout le contraire. C'est comme les enfants que je croise dans la rue, pour eux, je suis un être inclassable, avec mon fauteuil, et mes tuyaux. C'est ça qui me plaît et que je veux être.

  • Natacha Sels

    Et j'ai aussi cru comprendre que tu étais gourmand de la vie et des plaisirs gustatifs. Comment apprend-on à s'en passer ? Qu'est-ce qui arrive à te tenir à la place ?

  • Michel Perozzo

    Avant d'être malade, je me bouffais les doigts et puis je n'ai plus pu lever les mains à la bouche. Aujourd'hui, j'ai des ongles et des doigts superbes. Quand on n'a pas le choix, on n'a pas le choix, ça c'est du Chabat. C'est la même chose avec la nourriture, je ne peux plus manger, pourquoi me prendre la tête avec ça ? J'ai des petits palliatifs. Je regarde les émissions de cuisine sur YouTube, je m'envoie de la soupe par la GPE, et quand on trinque autour de moi, je bois une bonne bière par la GPE. C'est un petit plaisir. Mais, il arrive parfois que je regrette de ne plus pouvoir manger comme avant. L'autre jour, on a fêté les 60 ans de ma femme et de deux amis, le déjeuner a duré 4 heures. J'étais un peu jaloux de ne pas être vraiment avec eux.

  • Natacha Sels

    Alors, mais si j'ai bien compris, Michel, quand on lui met un petit peu de sauce sur la langue ou sur les lèvres, il a encore tout à fait accès au goût.

  • Véronique Perozzo

    Il a encore totalement le goût. Il a le goût, il a encore la sensibilité du toucher, du chaud, du froid. Si on le pince, ça lui fait mal. Simplement, une fois qu'on lui met quelque chose sur la langue, il a le goût, mais il ne sait pas l'avaler, donc c'est encombrant. En général, après, il faut aspirer.

  • Natacha Sels

    Et Michel, j'avais envie de te demander quel était ton plat préféré.

  • Véronique Perozzo

    Je pourrais presque répondre à ta place.

  • Natacha Sels

    Ah, alors on va voir les deux réponses. Tu dirais quoi ?

  • Véronique Perozzo

    À moi tout à base de saucisses. Tout ce qui est à base de saucisses et peut-être les dios au vin blanc. Un plat typiquement savoyard que lui faisait très bien sa maman.

  • Natacha Sels

    Des lentilles saucisses, bon t'étais pas loin.

  • Karel

    Je me présente, moi c'est Karel, j'ai 34 ans. Ça fait 8 mois que je suis avec monsieur et madame Perozzo. Moi je suis auxiliaire de vie.

  • Natacha Sels

    Quels sont les gestes que vous devez faire avec Michel ?

  • Karel

    Avec M. Perozzo, d'abord c'est les gestes. Bon le matin quand j'arrive, on fait la toilette. D'abord le fait de quitter le lit, le mettre sur la chaise pour aller prendre la douche.

  • Natacha Sels

    C'est des transferts qui se font avec du matériel ?

  • Karel

    Oui. Oui, oui, pour ça, il y en a, c'est super adapté, il y a tous les matériaux qu'on en a besoin. Au début, parce qu'il y a la peur, vous êtes dans un nouveau monde, on peut dire qu'on ne maîtrise pas, donc vous êtes un peu bloqué de la situation du tout, mais après... Il faut... Ce sont des gens aussi qui, surtout Mme Perozzo, elle a pris le temps pour me montrer des choses. Et après aussi, je pense aussi à la volonté de la personne qui travaille avec M. Perozzo. Et moi, j'en ai beaucoup mis. Oui, parce que d'abord, quand vous arrivez, vous voyez son état, on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qu'on a et on ne se rend pas compte. Et vous trouvez une personne qui se bat comme lui. C'est une personne vraiment joyeuse, toujours avec le sourire. Donc du coup, quand ça ne va pas, on le ressent aussi tout de suite.

  • Natacha Sels

    Quand il veut communiquer avec vous, il le fait comment ?

  • Karel

    La communication. Bon, la communication, on a deux manières de faire la communication avec M. Perozzo. Il y a une qui est avec un alphabet. pour que Monsieur Perozzo puisse se communiquer avec des yeux quand il n'y a pas la tablette. Donc du coup, cela veut dire au moment de la douche, parce que la tablette, c'est après la douche.

  • Natacha Sels

    Voyez ? Ah, oui.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle ? A,E,I. Rideau. Tu veux que je ferme le rideau ? Je suis en train de communiquer avec Michel avec un alphabet coloré. Je vais te montrer ce qu'on utilise, enfin que nous on connaît par cœur, mais je vais te montrer le support.

  • Natacha Sels

    C'est donc une feuille plastifiée avec A, E, I, O, U, Y en rouge, B, C, D, F en bleu, G, H, J, K, L en rouge, M, N, P, Q, R, S en jaune et puis les dernières T, V, W, X, Z en vert. Donc on joue avec la couleur. Bon déjà on sait où se trouve... Les lettres qu'on cherche, si c'est dans le rouge, le bleu, le jaune ?

  • Véronique Perozzo

    Michel y sait par cœur ce tableau. Moi je le connais par cœur aussi, mais quand on ne le connaît pas, on a ce support-là. Et je vais proposer à Michel, est-ce que c'est une voyelle ou est-ce que c'est dans les bleus, dans les rouges, dans les jaunes ou dans les verts ? Il va me répondre avec ses yeux, oui ou non. Donc oui, il regarde à droite avec ses yeux. Non, il regarde à gauche avec ses yeux. Donc il va me répondre en fonction des lettres que je vais lui proposer, la bonne avec ses yeux. Et moi je vais trouver lettre par lettre, je vais déchiffrer le mot.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous voulez faire un exemple ?

  • Véronique Perozzo

    T'as une idée d'un mot ? Ok. Voyelle.

  • Natacha Sels

    A, E, I, O, U, Y.

  • Véronique Perozzo

    Voyelle. A, E, I, O. Voyelle. A, E, I, O, U Donc j'ai Y-O-U, Youpi. J'ai deviné les trois premières lettres, Y-O-U. Vu qu'il est en train de faire un énorme sourire, je me doutais bien que c'était un truc rigolo, donc c'était Youpi.

  • Natacha Sels

    En fait, il faut avoir de la mémoire pour retenir chaque fois les lettres, etc. Ce n'est pas facile quand même, mine de rien.

  • Véronique Perozzo

    Ce qu'on propose nous aux auxiliaires, c'est effectivement d'écrire les premières lettres qu'elles trouvent pour ne pas les oublier et surtout ne pas avoir le cerveau chargé de cette lettre qu'elles doivent stocker en mémoire. Et puis après, en général, ce sont surtout les auxiliaires de nuit qui utilisent ce système de communication, puisque la nuit, Michel n'a pas sa tablette. Et les besoins sont assez souvent les mêmes. C'est-à-dire qu'il a besoin d'être soit aspiré, ce que j'expliquais, soit d'être repositionné. Il va peut-être dire la couverture. Et ça veut dire là, est-ce qu'il faut remonter la couverture, baisser la couverture ? Donc, au bout d'un moment, on a un automatisme qui va assez vite.

  • Natacha Sels

    Alors Michel est en train d'écrire une phrase qu'on va entendre bientôt, toujours avec le système oculaire, mais cette fois-ci avec la tablette. Et puis dans le fond, on entend aussi un respirateur, c'est ça ? Le petit bruit de soufflerie.

  • Véronique Perozzo

    Alors en plus, comme il est très pointilleux, en général, quand on trouve un mot, il faut qu'il écrive la phrase avec le bon accent,la bonne orthographe.

  • Michel Perozzo

    C'est très important pour moi de pouvoir communiquer.

  • Véronique Perozzo

    Ce système de communication, ça devrait être totalement remboursé par la sécurité sociale. C'est aussi important qu'un médicament. Donc, c'est la survie. C'est vraiment... Comme dit Michel, sans communication, là,l'isolement est total.

  • Michel Perozzo

    Pour la communication, j'ai la tablette à commande occulaire. J'y passe mes journées, c'est ma fen^tre sur le monde. Sans cet outil je pense que j'aurais déjà quitté cette terre depuis longtemps. C'est aussi une façon de suivre l'évolution de la maladie, pour moi. Je me rends compte que je vais de plus en plus lentement quand j'écris. Il me faut plus de temps pour m'installer devant la tablette.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui vous plaît de travailler ici ?

  • Karel

    On apprend énormément de choses. Parce que les soins sont vraiment, on peut dire, infirmières, en fait. On touche beaucoup des choses qui sont plus...

  • Natacha Sels

    Médicales.

  • Karel

    Médicales, exactement, on peut dire. On apprend énormément. Et après, comme je vous ai dit, ce sont des gens, malgré leur situation, ils sont toujours positifs. Et on voit M. Perozzo, dans son état, il fait plein de choses. Il organise énormément de choses, des surprises à sa femme. Vraiment, c'est incroyable de vivre...

  • Natacha Sels

    Des surprises. Alors, par exemple ?

  • Karel

    Des fêtes de plus de, je ne sais pas, c'était 20 personnes, avec sa tablette. Comme ils ont plein d'amis. C'était l'anniversaire de Mme Perozzo. Et il avait organisé, elle ne s'en est même pas rendu compte.

  • Natacha Sels

    Donc, tout le monde est arrivé.

  • Karel

    C'est arrivé, c'était une grande fête. Elle m'a raconté parce que je n'étais pas là, moi, je suis que du matin. Et vraiment, c'est une personne incroyable. Il fait plein de choses. On apprend beaucoup avec lui, à valoriser beaucoup de choses. Et moi, j'adore parce qu'on parle beaucoup. Je parle beaucoup avec M. Perozzo. Et on rigole beaucoup. On rigole beaucoup. Mais c'est une personne, tout de suite, quand il n'est pas content, vous le savez tout de suite. Et quand ça va aussi, vous le savez tout de suite. Donc du coup, c'est une personne trop expressive.

  • Natacha Sels

    Comment vous le savez ? Par quoi il le montre ?

  • Karel

    Son visage, ça parle. Ça parle beaucoup le visage.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il y a des choses qui te paraissent aujourd'hui dérisoires et d'autres dont tu te rapproches plutôt ?

  • Michel Perozzo

    J'ai une très belle vie, et ça inclut les années avec la maladie. Je n'ai, comme le chante Stephan Eicher, ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Ni remords, ni regrets. En plus,

  • Véronique Perozzo

    En plus, on a été à son concert la semaine dernière, c'est tout frais.

  • Michel Perozzo

    Ni remords, ni regrets.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Michel Perozzo, Vivre avec la maladie, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie-la ! et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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