- Romain LE GAL
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et aujourd'hui j'ai le plaisir de vous retrouver en Normandie. Je suis arrivé hier dans cette belle région de la Manche, qui est le Pays du Cotentin et je me trouve ce matin avec Valérie Blandin à Picauville. Valérie, présidente de la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin, également agricultrice. Bonjour Valérie.
- Valérie BLANDIN
Bonjour Romain.
- Romain LE GAL
Valérie, je te propose en quelques mots de commencer à te présenter un petit peu : qui tu es et ton parcours.
- Valérie BLANDIN
Oui, je suis agricultrice, productrice de lait sur la commune historique de Gourbesville, qui est devenue commune de Picauville. J'ai 43 ans, je suis mariée, j'ai un garçon de 17 ans. Je suis agricultrice depuis 2012. J'ai rejoint mon mari sur l'exploitation qui, lui, était déjà installé sur cette exploitation depuis 2005. Et avant d'être agricultrice, j'étais donc conseillère agricole au sein du réseau des Cerfrance pendant une petite dizaine d'années.
- Romain LE GAL
C'est quoi ça comme métier, conseillère agricole ? Ça consiste en quoi ? Pour expliquer à ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas forcément ce métier.
- Valérie BLANDIN
Un conseiller agricole intervient en parallèle, en binôme avec un comptable à la suite des travaux du comptable. On est là pour parler de l'analyse des chiffres, du compte de résultat, du bilan des exploitants, des producteurs, et puis amener les clés pour l'aider à conduire au mieux son exploitation en matière de stratégie de production agricole. Donc ça veut dire qu'il faut réfléchir à tous les domaines d'activité, des domaines techniques, des domaines économiques, la partie juridique, comment on monte les projets, les dossiers d'installation.
- Romain LE GAL
Un métier riche.
- Valérie BLANDIN
Un métier riche d'expérience parce qu'en fait, ce que j'en retire moi de cette expérience-là, c'est que j'ai vu beaucoup de systèmes de production agricole, tous différents. Des systèmes bien maîtrisés, des systèmes moins bien maîtrisés par les producteurs, mais tous différents. Et donc, en matière de performance économique et de rentabilité, il n'y a pas une ligne de conduite.
- Romain LE GAL
Il faut toujours s'adapter.
- Valérie BLANDIN
Oui, il faut toujours s'adapter. Et il n'y a pas un système qui fonctionne dans un territoire. Et c'est ce qu'on retrouve aujourd'hui dans le portefeuille des producteurs de la coopérative.
- Romain LE GAL
Donc du coup, là, avant 2012, tu t'es installée en 2012, c'est ça ? Et qu'est-ce qui t'a donné envie de t'installer ?
- Valérie BLANDIN
C'est ça. C'était un projet de vie que l'on avait avec mon mari. Voilà, un véritable projet de vie d'avoir une ferme, d'avoir notre propre outil, d'être chefs d'entreprise et d'avoir en fait cette liberté d'action, de mener à bien son entreprise, mais aussi de pouvoir y concilier vie personnelle et vie familiale; parce que moi, j'ai des parents qui étaient agriculteurs. J'ai connu ça, ça m'a laissé un très très bon souvenir. Et donc, c'est aussi pour ça que je voulais faire ce métier-là.
- Romain LE GAL
Et donc, du coup, aujourd'hui, c'est quoi ton parcours pour passer, finalement, CER, productrice, agricultrice, on reparlera un petit peu de l'exploitation juste après, à présidente de la coopérative ? Comment t'en es arrivée là, finalement ?
- Valérie BLANDIN
C'est un petit peu un enchaînement et puis des circonstances; c'est-à-dire que,pour faire vite, sortie de parcours d'école, j'entre dans le réseau des Cerfrance, je le sais déjà quand j'entre, c'est pour me former, pour acquérir cette expérience, ces notions comptables et de gestion qui me permettront plus tard de mener à bien...
- Romain LE GAL
D'être performante sur l'exploitation.
- Valérie BLANDIN
Voilà, sur l'exploitation. Et donc, par concours de circonstances, l'opportunité se présente de conforter l'exploitation. Mon mari est déjà installé ici depuis 2005 sur une ferme qui est donc hors cadre familial, puisque lui, ses parents n'étaient pas agriculteurs.
- Romain LE GAL
Donc, un système en plus un peu compliqué aujourd'hui de trouver une ferme ?
- Valérie BLANDIN
Oui, on a eu cette chance et cette opportunité de pouvoir s'installer sur cette ferme par connaissance, en fait. Donc, on a saisi l'occasion. On a saisi l'occasion, puis Christophe est installé en 2005 et moi, je le rejoins en 2012 en confortant l'exploitation, en reprenant quelques hectares à côté. Et donc, s'enchaîne le parcours à l'installation, parcours à l'installation aidé. Donc 2012, je suis très vite sollicitée par le maire de la commune pour intégrer le conseil municipal. Quand on arrive sur la ferme, c'était les échéances de 2008. Je suis entrée au conseil municipal de Gourbesville en 2008. Et j'ai prolongé aussi ce mandat-là.
- Romain LE GAL
Donc une envie de s'intégrer dans la vie du territoire.
- Valérie BLANDIN
Oui, c'était l'objectif. Je considère que c'est facile de critiquer et de dire qu'il n'y a rien de fait. Mais en final, il n'y a qu'à faut qu'on, c'est toujours facile à dire. Donc je prends ma petite part de responsabilité et d'engagement. J'accepte de me présenter comme conseillère municipale dans un premier temps. Et puis, ça s'enchaîne, les candidats ne se représentaient pas au mandat qui suivait, j'ai continué l'engagement et je me suis présentée en 2014 comme maire sur la commune historique de Gourbesville. Et puis, j'ai eu un engagement du municipal, un engagement politique à représenter ma commune au sein de la communauté de communes. C'était assez chronophage comme mission.
- Romain LE GAL
Et en parallèle, après, au fur et à mesure, tu as pris, tout en gardant finalement des engagements auprès des collectivités de ton territoire, tu as commencé aussi à t'engager dans la coopérative.
- Valérie BLANDIN
C'est ça, c'est ça. Donc en 2017, j'avais l'opportunité de remplacer un administrateur sortant sur la section territoriale.
- Romain LE GAL
Donc rentrer dans la vie de la coopérative. On verra juste après comment fonctionne justement la coopérative.
- Valérie BLANDIN
La vie de la coopérative. Et l'opportunité s'est présentée. Et donc, je considérais que l'engagement auprès de la coopérative, c'était aussi une continuité de notre vie professionnelle. Donc, j'ai pris aussi cet engagement de me présenter au poste d'administrateur en 2017.
- Romain LE GAL
2017. Et après, du coup ?
- Valérie BLANDIN
Et bien, et après, je suis, et à la fois, il y a une période où je suis et à la fois engagée sur mon territoire et engagée à la coopérative ou ça commence à prendre un petit peu plus d'ampleur, de responsabilité, de temps, de missions qui me sont confiées. Et donc en 2020, au renouvellement du conseil municipal, aux échéances municipales, je fais le choix de ne pas me représenter aux échéances électorales, parce que je sentais que mon engagement était plutôt, professionnelle et c'était plutôt la voie de l'agriculture, la continuité de mon métier qui m'intéressait. J'ai choisi la voie maître laitier.
- Romain LE GAL
Et donc après, tu prends la présidence quand des maîtres laitiers ? Et dans quel contexte ? Parce qu'il y avait quand même un président qui était là depuis quelques années, voire décennies, Christophe Levavasseur.
- Valérie BLANDIN
C'est vrai. La coopérative des maîtres laitiers du Cotentin, elle a cette ambiance particularité d'être quelque part une jeune coopérative. Elle a à peine 40 ans. Elle est née en 1986. Et donc, se sont succédés deux présidents à cette coopérative, dont Christophe Levavasseur, qui lui a été plus de 20 ans à la présidence de la coopérative.
- Romain LE GAL
Plus de 30 ans engagés dans la coopérative.
- Valérie BLANDIN
Exactement. Exactement. Donc, forcément, arrivant plutôt sur sa fin de mission, les choses s'organisent pour la transmission et donc impliqué. Et lui décide de ne pas se représenter à l'échéance de son mandat en 2022. Et donc, c'est le grand saut, il faut y aller. Donc je suis élue présidente de la coopérative des maîtres laitiers du Cotentin depuis septembre 2022.
- Romain LE GAL
Une des premières femmes en plus à être élue à la présidence d'une coopérative laitière.
- Valérie BLANDIN
Oui, je fais partie de ces rares...
- Romain LE GAL
rares
- Valérie BLANDIN
rares exceptions, femme présidente de coopérative. Ce n'est pas un cheval de bataille, ce n'est pas un argument pour moi. Ce n'est pas un argument pour moi. C'est-à-dire que c'est vrai que je suis une exception, mais je n'attends pas de différence de traitement parce qu'il y aurait une différence de genre, qu'on me regarde et qu'on me respecte. Donc, je n'ai pas de soucis à ce niveau-là. Je veux dire, il n'y a aucun... Dans l'environnement dans lequel j'ai progressé, que ce soit l'environnement municipal, électoral, ou que ce soit en agriculture. Certes, je faisais partie peut-être aussi au niveau municipal de ces rares femmes à vouloir s'engager, et ça a continué en agriculture. Bon, voilà, c'est un contexte, il y a tout un environnement. On arrive aussi à ce niveau de responsabilité, non pas en claquant des doigts.
- Romain LE GAL
Il y a du travail.
- Valérie BLANDIN
Oui, je confirme.
- Romain LE GAL
Et de l'engagement, c'est du travail et de l'engagement.
- Valérie BLANDIN
C'est du travail et de l'engagement. Alors du travail parce qu'évidemment, je concilie trois vies quelque part : je concilie une vie de mère, je concilie une vie professionnelle parce que je suis agricultrice et les deux pieds dans les bottes.
- Romain LE GAL
Ce matin...
- Valérie BLANDIN
Ce matin, j'étais à la traite.
- Romain LE GAL
Pour vous mettre dans la confidence, hier soir, on a participé à une soirée avec la coopérative d'un challenge qualité que j'ai eu le plaisir d'animer, et on a fini cette soirée-là assez tard. Donc ce matin, il fallait aussi être debout. Au cul des vaches, comme on dit.
- Valérie BLANDIN
C'est ça, c'est exactement ça. La traite m'attendait ce matin, donc j'ai cette mission: je suis agricultrice, productrice de lait, et j'ai encore les pieds dans les bottes. Et il y a aussi cette mission de présidente de la coopérative.
- Romain LE GAL
Comment tu fais pour organiser ton temps de travail ? C'est quoi, en tant que Valérie, une journée type ? Alors, je pense qu'une journée type, ça n'existe pas, à part que c'est 7 jours sur 7, puisque quand on est en exploitation polyculture, élevage, laitier, de toute façon il n'y a pas le choix, c'est du 7-7 ?
- Valérie BLANDIN
Exactement. Quand on travaille avec du vivant et avec des animaux, c'est du 7 jours sur 7, samedi, dimanche et jour férié sans répit. Donc mon organisation, moi j'aime bien les choses qui soient assez calées, assez organisées pour que il n'y ait pas trop de grains de sable dans les engrenages et ça permet d'être assez productif dans son travail. Donc oui, les journées sont conséquentes. On est au bâtiment des vaches laitières pour 6h le matin et je dirais que la journée ne se termine pas forcément avant 20h. Alors 20h, pas forcément à la ferme, mais il peut y avoir sur la fin de la journée plutôt des missions qui sont autres, notamment pour mettre au laitier. Donc il faut s'organiser, il faut planifier : les déplacements, les rendez-vous, organiser tout ça aussi avec les salariés et la main d'oeuvre sur l'exploitation pour que ma mission n'empiète pas aussi sur le confort de travail des autres personnes qui travaillent sur l'exploitation, donc mon mari, une salariée, c'est une femme qui nous accompagne. Et puis il y a un apprenti qui devrait arriver.
- Romain LE GAL
Un peu de jeunesse, il faut transmettre, encore une fois, transmettre et partager, et finalement s'impliquer pour la suite ?
- Valérie BLANDIN
Oui, parce que je suis convaincue qu'on a tous notre part de responsabilité dans la transmission des fermes et des outils pour demain. Donc, j'ai certes peut-être pas trop de temps, mais je veille quand même à ce qu'on puisse accueillir des stagiaires ou des apprenants sur l'exploitation pour transmettre et découvrir le métier.
- Romain LE GAL
Et du coup, en quelques mots, l'exploitation, c'est combien d'hectares ? Combien de vaches laitières ?
- Valérie BLANDIN
Alors l'exploitation, aujourd'hui, elle compte 150 hectares, 120 vaches laitières, les génisses de renouvellement et quelques animaux de viande que l'on fait sur des pâturages. Donc la ferme compte au total 300 animaux, 150 hectares. Donc nous livrons autour d'un million, 100 000 litres de lait à la coopérative.
- Romain LE GAL
Au niveau des vaches, c'est quoi comme vache ?
- Valérie BLANDIN
Alors, on est en race Prim'Holstein, la race qui était présente sur l'exploitation quand nous nous sommes installés, et donc, on a gardé cette race maintenue.
- Romain LE GAL
Un peu de noir.
- Valérie BLANDIN
Oui, un peu de noir.
- Romain LE GAL
Un paysage où quand même, on a un peu de normande aussi.
- Valérie BLANDIN
Oui, c'est vrai. Mais vous savez, quand on s'installe sur une ferme, la priorité ce n'est pas de changer de troupeau, et puis c'est d'adapter en fonction de l'existant, de ce qui est présent. Démontrer auprès de votre banquier que vous êtes capable de faire tourner une exploitation et qu'il vous fasse confiance. Donc, il y avait un troupeau qui allait bien, qu'on a amélioré par la voie génétique, et qui nous donne entière satisfaction, donc on l'a gardé.
- Romain LE GAL
Est-ce que tu pourrais me présenter en quelques mots la coopérative Maître Laitier ?
- Valérie BLANDIN
Alors, Maître Laitier du Cotentin, c'est une coopérative assez jeune, qui date de 1986 et qui résulte, pour faire simple, de la fusion de coopératives historiques situées sur le nord du département de la Manche.
- Romain LE GAL
Quand on parle de coopérative, c'est quoi une coopérative en termes finalement sémantiques ? C'est quoi la définition d'une coopérative ?
- Valérie BLANDIN
Coopérer, c'est bien se regrouper, mettre des moyens en commun pour pour progresser, pour suivre une stratégie commune. À l'origine, les producteurs, coopérateurs, ont bien mis des moyens en commun par la constitution du capital social de la coopérative pour pouvoir détenir les outils industriels et valoriser le lait qu'ils apportaient à la coopérative. Et l'objectif, j'en parle au passé parce que c'est la genèse, mais l'objectif, il est toujours là, c'est-à-dire que les fonds de la coopérative sont détenus par les associés coopérateurs.
- Romain LE GAL
On appelle aussi les sociétaires.
- Valérie BLANDIN
Ils sont détenus par les sociétaires. Et le but, c'est de participer par l'intermédiaire du capital social à la stratégie, au développement, au financement des investissements. Et le but est toujours le même.
- Romain LE GAL
Et donc aujourd'hui, c'est combien de sociétés MLC ?
- Valérie BLANDIN
Alors aujourd'hui, Maître Laitier, c'est un petit peu plus de 1000 sociétaires regroupés sur 620 exploitations.
- Romain LE GAL
Et vous collectez à peu près combien de litres de lait ?
- Valérie BLANDIN
Au total, la coopérative collecte 470 millions de litres de lait. Principalement et uniquement sur le département de la Manche du Nord au Sud.
- Romain LE GAL
Au final, dans l'univers des coopératives, ça reste une petite coopérative.
- Valérie BLANDIN
Alors, on est des petits parmi les gros, et sûrement des gros parmi les petits. C'est toujours une question de relativité, il faut relativiser. Mais voilà, c'est une coopérative à taille humaine.
- Romain LE GAL
Quand on dit sociétaire, ça veut dire que tous les coopérateurs finalement ont une voix, peuvent faire entendre leur voix. Comment ça marche la vie d'une coopérative ?
- Valérie BLANDIN
C'est le fondement même de la coopérative. Un homme égale une voix, sans lien avec le volume de lait qu'il apporte à la coopérative. Les producteurs sont répartis sur le territoire. Le territoire de collecte de la coopérative est partagé en sept sections territoriales. Au sein de ces sept sections territoriales, les producteurs élisent leurs producteurs représentants administrateurs. Donc, tout ça s'est régi dans nos statuts, dans notre règlement intérieur, en fonction du nombre d'exploitations et du nombre de sociétaires. C'est deux à trois administrateurs par section territoriale. Il y a sept sections territoriales sur le département à la coopérative. Donc, au total, le conseil d'administration est composé de 18 administrateurs, répartis de façon à peu près équitable d'un point de vue géographique.
- Romain LE GAL
C'est très important. territoire a finalement ses particularités.
- Valérie BLANDIN
Oui, alors chaque territoire a ses particularités, des volumes de lait collectés qui sont différents, mais la représentativité des producteurs elle est bien en fonction...
- Romain LE GAL
C'est une petite démocratie.
- Valérie BLANDIN
C'est une démocratie à part entière.
- Romain LE GAL
Je dis "petite" dans le sens de la démocratie du pays.
- Valérie BLANDIN
C'est purement démocratique, c'est-à-dire que les sociétaires élisent leurs représentants, leurs administrateurs au cours des assemblées de section qui se tiennent tous les ans. Et donc, ces 18 administrateurs composent le conseil d'administration, lequel élit son président, vice-président, secrétaire, membres du bureau. Ça ne peut pas être plus démocratique et le mandat d'un administrateur dure trois ans.
- Romain LE GAL
D'accord. Et aujourd'hui, du coup, MLC, les maîtres laitiers dans leur histoire, ils ont aussi un peu une particularité, puisque dans l'histoire, ce n'est pas qu'une coopérative, ils ont aussi su créer un modèle. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu le modèle avec finalement aussi une partie transformation et distribution ?
- Valérie BLANDIN
À l'origine, quand les producteurs se sont regroupés, il y a eu création des sites industriels et des sites modernes pour pouvoir transformer le lait des producteurs en produits finis. Aujourd'hui, on retrouve des sites industriels situés sur Valognes, Sottevast, plus récemment Méautis. Et donc, les produits finis sont aujourd'hui commercialisés dans une partie d'un réseau de distribution propre à la coopérative, qui a été constitué au fil des années, puisque tout a démarré par l'acquisition d'un premier grossiste distributeur, parce que la coopérative vendait et à la fois en GMS, et il y avait très peu d'opérateurs à se préoccuper de la restauration hors foyer; en fait, ça n'intéressait pas beaucoup d'industriels. Il faut reconnaître que monsieur Jean-François Fortin a l'initiative de cette création, de l'origine de ce réseau, c'était plutôt un challenge et plutôt pari gagnant. Donc, au fur et à mesure...
- Romain LE GAL
Avec du bon sens agricole, ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
- Valérie BLANDIN
Et d'aller chercher la valeur ajoutée jusqu'au dernier consommateur final.
- Romain LE GAL
Et sécuriser le circuit d'approvisionnement et les sorties de ce que produisait la coopérative.
- Valérie BLANDIN
Exactement. Le modèle maître laitier aujourd'hui, c'est bien un modèle où on maîtrise la production laitière. Ce lait est transformé dans nos outils industriels et les produits pour partie, commercialisés par le réseau de distribution grossiste-distributeur recoupés au sein du réseau France Frais.
- Romain LE GAL
Donc un beau modèle de la fourche à la fourchette quasiment.
- Valérie BLANDIN
Oui, c'est vrai, c'est vrai, de la fourche à la fourchette. C'est toujours un peu bateau quand on dit cette phrase-là. C'est un circuit court à échelle nationale, puisqu'en fait des grossistes et des entreprises de distribution sont réparties sur le territoire national. Et donc, c'est un circuit court à échelle nationale, avec très peu d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, puisque, évidemment, vous avez compris que les capitaux étaient détenus par les agriculteurs.
- Romain LE GAL
Aujourd'hui, pour toi, et surtout demain, pour toi, Valérie, qui est agricultrice, et puis aussi avec, finalement, un peu plus de recul avec ton poste de présidente, Ça va être quoi les enjeux de l'agriculture demain, à moyen, long terme ? Comment, ce sera quoi le visage, par rapport à ton territoire de la Normandie, pour toi ce sera quoi le visage de la Normandie agricole demain ?
- Valérie BLANDIN
Alors certes, il y a plusieurs visions. La vision court terme, moyen terme, je pense qu'il y a un défi de génération à relever quand même, de transmission et de renouvellement des générations, puisqu'en fait, les producteurs et notre pyramide des âges démontrent qu'il y a un certain nombre de producteurs qui vont arriver en retraite là sur 2025 et qui sont aujourd'hui apporteurs de lait à la coopérative. Ils ont leurs outils. Tout le monde connaît le contexte de la main-d'œuvre qui n'est pas un contexte propre à l'agriculture. Voilà, avec des envies de sociétés avoir moins d'astreintes, de ne pas avoir d'astreintes 7 jours sur 7. Il y a un véritable défi à relever de toujours transmettre les outils.
- Romain LE GAL
La coopérative accompagne ?
- Valérie BLANDIN
Oui, il y a un dispositif plan jeune qui existe et la coopérative accompagne les transmissions des outils et l'installation des jeunes. Donc il faudra être vigilant à ce niveau-là. Il y a déjà ce défi. Je crois qu'on est dans une région qui restera une région laitière, malgré le changement climatique et les évolutions que l'on peut voir dans notre métier. On voit bien qu'on a des périodes de chaleur qui durent, des périodes de pluie qui durent, de précipitations conséquentes.
- Romain LE GAL
Je confirme qu'en deux jours en Normandie, j'ai vu beaucoup de pluie. Avec des giboulées de mars en juin.
- Valérie BLANDIN
Avec des giboulées de mars en juin. Donc il faut s'adapter à tout ça.
- Romain LE GAL
Les changements climatiques ?
- Valérie BLANDIN
Alors ça nécessite peut-être d'avoir un petit peu plus de stock de fourrage pour faire face aux aléas, mais il me semble que nous serons toujours dans une région plutôt propice à la... à la production laitière. Donc voilà, moi je vois plutôt un effet positif à ce qu'il y ait encore du lait pour approvisionner les outils demain.
- Romain LE GAL
Et du coup, quand on entend aujourd'hui, on entend parler de décroissance, de déprise laitière, comment tu vois ça ? Comment la coopérative vous fait pour anticiper ça ?
- Valérie BLANDIN
Ce n'est pas un sujet simple ça.
- Romain LE GAL
Je ne t'aide pas avec ma question, sans doute.
- Valérie BLANDIN
C'est vrai que la déprise laitière, elle...
- Romain LE GAL
On parle en moyenne, c'est 1-2% par an, c'est ça à peu près ?
- Valérie BLANDIN
Voilà, c'est ça, c'est ça.
- Romain LE GAL
Toujours plus de boules à nourrir.
- Valérie BLANDIN
Voilà, mais elle est plus forte dans certaines régions de France où les effets du changement climatique se font sentir.
- Romain LE GAL
Et peut-être la pression foncière aussi ?
- Valérie BLANDIN
Une pression foncière également, puisque si on parle de zéro artificialisation nette, c'est pas pour rien, la disparition des terres agricoles, il faut y être vigilant. Sur cette question de déprise laitière, il y a un premier sujet qui est le renouvellement des générations et l'image qu'on donne à notre métier. Je crois qu'il faut aussi savoir inverser la tendance. Je reste persuadée que l'image de notre métier... C'est celle d'un métier où on ne peut pas s'épanouir, on fait beaucoup d'heures, on n'est pas rémunéré. Il n'y a que du négatif autour de notre métier d'agriculteur.
- Romain LE GAL
Si tu devais donner trois points positifs sur le métier d'agriculteur ?
- Valérie BLANDIN
Trois points positifs ?
- Romain LE GAL
Agriculteur ou agricultrice ?
- Valérie BLANDIN
Ou agri ?
- Romain LE GAL
Agri, tout court.
- Valérie BLANDIN
Agri, je crois que c'est un métier... Alors, moi, je m'épanouis parce que... Ça me va bien en matière d'organisation de travail. Je suis chef d'entreprise et donc je gère mes journées comme j'en ai envie. D'un point de vue organisation de travail, comme tout chef d'entreprise, on est libre de s'organiser. On ne vit pas en décalé de la société non plus, mais on est libre de son organisation. On est multicarte, voilà. Donc, on est polyvalent.
- Romain LE GAL
Plein de casquettes. Oui,
- Valérie BLANDIN
on est polyvalent en matière de métier. Vous êtes éleveur, un petit peu vétérinaire, un petit peu mécanicien, touche à tout. Il faut savoir réparer.
- Romain LE GAL
Avec deux bouts de ficelle parfois.
- Valérie BLANDIN
Voilà. Avec Gaiveur. Ça fait partie de nos compétences. Voilà, on est polyvalent, un petit peu comptable, un petit peu vétérinaire aussi. Et puis...
- Romain LE GAL
Pour le troisième point positif, j'aurais envie de dire la mission qui nous est confiée de nourrir les hommes aussi.
- Valérie BLANDIN
Je pense qu'un point positif, c'est être au grand air aussi.
- Romain LE GAL
Être au grand air, oui, être au grand air, ça fait partie des conditions de travail aussi. Après, il faut être à la campagne. Mais on a cette mission noble de nourrir les hommes et d'avoir à cœur de bien faire son métier. Parce qu'on sait que le... produit qui sort de l'exploitation doit être conforme d'un point de vue qualité et pour être valorisé et transformé dans des conditions d'hygiène sanitaire, sécurité, qui derrière permettent aux consommateurs de ne pas se poser de questions quand ils ouvrent un pot de fromage blanc.
- Valérie BLANDIN
Et d'expliquer qu'il y a des gens derrière. C'est toute une filière. Et ça, c'est quelque chose qui est important de valoriser toute la filière du producteur au transformateur jusqu'au distributeur. Et du coup, aujourd'hui, il y a quelque chose aussi qu'on a un petit peu échangé un petit peu avant l'entretien. C'était sur aujourd'hui, est-ce que c'est facile de s'installer quand on n'est pas du monde agricole ?
- Romain LE GAL
Alors nous, on l'a fait. On l'a fait.
- Valérie BLANDIN
Alors toi, tu étais déjà un petit peu... Oui,
- Romain LE GAL
j'ai fait. J'avais une famille producteur. Mon mari avait quelques liens familiaux, mais ses parents n'étaient pas agriculteurs. Et pour autant, on l'a fait. Après, c'est aussi parce qu'on y a beaucoup travaillé qu'on a réussi, qu'on n'a pas regardé quelles étaient nos heures de travail, qu'on s'est investi, engagé pour la réussite. de l'exploitation. Je crois qu'il faut y mettre beaucoup d'engagement pour pouvoir être complètement époigné, qu'on soit du milieu agricole ou pas. Mais hors milieu agricole, ce n'est pas incompatible de devenir agriculteur. Non, loin de là. C'est même une belle reconversion professionnelle, je trouve.
- Valérie BLANDIN
Oui, parce que des fois, de l'extérieur, le monde agricole, pour certaines personnes, peut paraître un petit peu fermé, avec d'autres codes.
- Romain LE GAL
Oui, mais ça a changé tout ça quand même.
- Valérie BLANDIN
Ça a changé. Non ? Si, complètement. Mais justement, je trouve aujourd'hui, en tout cas pour ma part, qu'on ne parle pas encore assez d'agriculture aux enfants, qu'on n'explique pas assez. Alors après, ma mission aujourd'hui de meilleur ouvrier de France Fromager, d'un des meilleurs ouvriers de France Fromager, c'est aussi de parler de la filière. Mais je trouve que c'est important de transmettre et transmettre aux plus jeunes âges. pour justement susciter des vocations et que demain, on maîtrise encore notre alimentation. On a quand même la chance d'avoir... On oublie souvent de dire qu'on a une des agricultures les plus vertueuses du monde. On pointe souvent le côté très négatif, mais c'est aussi... On met en place, l'agriculture met en place les choses pour justement, demain, être vertueuse et encore, demain, être là avec le respect de la planète.
- Romain LE GAL
Ah bah complètement, ça ça fait partie des défis pour demain et c'est vrai que ça peut paraître paradoxal parce que c'est vrai que quand on parle bilan carbone et autres, de par la nature de la production laitière et des ruminants qui produisent malheureusement des gaz à effet de serre, il y a ce paradoxe de... Oui, mais c'est pour se nourrir. C'est pour se nourrir. Donc, on sait aussi qu'on devra faire des efforts et démontrer que...
- Valérie BLANDIN
Avec des densités d'élevage qui changent, avec des manières de produire qui sont différentes.
- Romain LE GAL
Oui, avec des stockages de carbone. Et puis, il y a des moyens techniques, des pistes pour pouvoir aussi avoir un bilan qui soit un petit peu plus...
- Valérie BLANDIN
Équilibré ?
- Romain LE GAL
Équilibré, oui, équilibré.
- Valérie BLANDIN
Pour terminer, j'aurais une dernière question, Valérie. Quelle est ta pizza préférée ? Souvent, ça surprend parce que les gens ne s'attendent pas à ce que je pose cette question.
- Romain LE GAL
Pourquoi la question sur la pizza ? C'est ça ? Pourquoi ?
- Valérie BLANDIN
Parce qu'aujourd'hui, la pizza, c'est un des plats les plus consommés en France. Et qu'aujourd'hui, on a chacun une pizza préférée.
- Romain LE GAL
Alors, moi, si je dois prendre une pizza...
- Valérie BLANDIN
Et tu as le droit de dire la wayenne si tu le souhaites ?
- Romain LE GAL
Non, pas du tout, pas du tout. Mais j'aime bien les fromages de Savoie. Donc forcément, genre Savoyard ou tartiflette.
- Valérie BLANDIN
Un truc un peu light.
- Romain LE GAL
Un peu light, bah oui, c'est une pizza.
- Valérie BLANDIN
Jusqu'au bout. Jusqu'au bout.
- Romain LE GAL
Jusqu'au bout.
- Valérie BLANDIN
Donc aujourd'hui, on a eu la chance de partager avant l'entretien quelques fromages avec Valérie. Je t'avais présenté du coup un fromage de chèvre le Maconais. Et puis ensuite... On a dégusté un petit bout de fumaison. T'en as pensé quoi de ce fromage de brebis fumaison ?
- Romain LE GAL
Je m'attendais à ce que le goût de fumée soit plus prononcé, et pas du tout. C'était surprenant en termes de goût, j'ai bien aimé.
- Valérie BLANDIN
Et puis un fromage que tu avais dégusté il n'y a pas longtemps, qu'est l'Etiva, un beau fromage d'alpage suisse. Une belle planche de fromage partagée ensemble. Merci Valérie. de m'avoir permis de faire ce petit entretien avec toi. J'espère que cet épisode de l'échange vous a plu. N'hésitez pas à le partager et à liker, mettre 5 étoiles. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode. Au revoir Valérie.
- Romain LE GAL
Au revoir Romain.