"Je n'ai pas vu mon cancer comme une condamnation mais comme une recommandation à vivre plus fort " - Adeline et le cancer du sein cover
"Je n'ai pas vu mon cancer comme une condamnation mais comme une recommandation à vivre plus fort " - Adeline et le cancer du sein cover
lanomalie : témoignages sur la maladie et le handicap

"Je n'ai pas vu mon cancer comme une condamnation mais comme une recommandation à vivre plus fort " - Adeline et le cancer du sein

"Je n'ai pas vu mon cancer comme une condamnation mais comme une recommandation à vivre plus fort " - Adeline et le cancer du sein

57min |06/09/2025
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"Je n'ai pas vu mon cancer comme une condamnation mais comme une recommandation à vivre plus fort " - Adeline et le cancer du sein cover
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lanomalie : témoignages sur la maladie et le handicap

"Je n'ai pas vu mon cancer comme une condamnation mais comme une recommandation à vivre plus fort " - Adeline et le cancer du sein

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57min |06/09/2025
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Description

À quoi ça ressemble une introspection suite à l’annonce d’un cancer du sein triple négatif ?

Adeline, auteure de "Mon cancer, quelle chance ?", partage son parcours avec un cancer du sein triple négatif diagnostiqué en mai 2020. À 37 ans, cette consultante en communication se retrouve face à une maladie particulièrement agressive qui va transformer sa vision de la vie. Dans cet épisode, Adeline raconte comment elle a vécu une année de traitements intensifs : quatre mois de chimiothérapie, deux opérations, 33 séances de radiothérapie et un traitement complémentaire par voie orale. Mais le coeur de son témoignage, c'est l'approche qu'elle a développée pendant cette période. Convaincue que son corps lui envoyait un message, elle entreprend ce qu'elle appelle une "enquête" sur elle-même. À travers un travail d'introspection approfondi, elle explore les déséquilibres qui ont pu contribuer à sa maladie : perfectionnisme, stress chronique, difficultés à poser ses limites professionnelles et personnelles. Adeline explique comment elle a mobilisé différentes ressources : suivi psychologique classique, thérapies alternatives, lectures, podcasts. Elle détaille son processus de questionnement : "Est-ce que je fais vraiment ça pour moi ? Est-ce que ça part d'un élan authentique ?" Son témoignage aborde aussi la reconstruction post-cancer. Comment reprendre le travail différemment, apprendre à écouter les signaux de son corps, maintenir l'authenticité gagnée pendant la maladie. Elle parle de cette sensation étrange : se souvenir plus intensément de sa vie depuis le cancer que de celle d'avant, comme si elle avait enfin commencé à vraiment vivre. L'épisode explore des questions délicates : peut-on voir sa maladie comme une opportunité de croissance sans culpabiliser ? Comment concilier médecine conventionnelle et approches complémentaires ? Quelle responsabilité avons-nous dans ce qui nous arrive ? Adeline donne des conseils concrets pour ceux qui souhaiteraient entamer un travail similaire : commencer par des lectures qui nous attirent, chercher des thérapeutes de confiance, oser les conversations profondes avec ses proches. Elle insiste sur un point essentiel : ce travail sur soi ne remplace jamais les traitements médicaux conventionnels, mais peut les compléter efficacement. Son message n'est pas prescriptif mais offre une perspective différente sur l'expérience de la maladie.


💜 lanomalie est un podcast auto-produit, dont l’objectif est d’ouvrir de façon bienveillante la discussion sur la maladie et le handicap. Vous pouvez le suivre sur Instagram : @lanomalie.media.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Hello Adeline, je suis ravie de commencer la deuxième saison de lanomalie avec toi.

  • Adeline

    Salut Giulietta, je suis ravie aussi.

  • Giulietta

    Trop bien. Pour mettre un peu de contexte avant de commencer, c'est ton attachée de presse, Adeline, qui m'a contactée en lien avec ton livre « Mon cancer, quelle chance » , dans lequel tu reviens sur ton parcours après avoir appris que tu étais atteinte d'un cancer du sein triple négatif. Tu apporteras sans doute plus de précisions que ce que je vais faire là, mais juste pour expliquer brièvement ce qu'est un cancer du sein triple négatif. Il s'agit d'un cancer particulièrement agressif et qui ne répond pas aux thérapies qui sont habituellement employées pour traiter le cancer du sein. Ce qui m'a marquée dans ton travail et ce qui m'a fait ressentir une certaine proximité avec toi, c'est que tu as réalisé un long travail d'introspection pour créer ce que je qualifierais de "récit autour de ta maladie", pour essayer de la comprendre. Tu as analysé la personne que tu étais jusqu'à ce qu'on pose un diagnostic, ce que cette maladie pouvait dire de toi à l'époque, et tu t'es longuement demandé que faire pour qu'elle ne revienne surtout pas. Pour faire très simple, et je vais te laisser dérouler avec beaucoup plus de nuances que tout ça, la manière dont tu présentes les choses, c'est que ton cancer a mis le doigt sur des déséquilibres et une vie qui ne te correspondait pas tout à fait. Et ce qui m'intéresse, et ce que je voudrais étudier avec toi au cours de cet enregistrement, c'est comment ce travail d'introspection t'a permis d'aller de l'avant. et d'avoir un rapport avec ta maladie et cette expérience avec laquelle tu te sens à l'aise. Est-ce que tout est bon pour toi ?

  • Adeline

    Oui, c'est parfait.

  • Giulietta

    Alors, pour initier la discussion, je mets toujours un point d'honneur, bien évidemment, à ce que les invités se présentent, afin que les auditeurs puissent mieux les connaître. Du coup, Adeline, comment est-ce que tu te présentes ?

  • Adeline

    Comment est-ce que je me présente ? Alors, j'ai 42 ans, je suis la maman... Solo, la moitié du temps, d'un petit garçon de 11 ans. Et dans ma vie professionnelle, j'écris beaucoup. Donc évidemment, j'écris des livres. Celui-ci étant mon premier, j'espère vraiment pouvoir faire émerger un deuxième. Et j'écris aussi pour des clients, des entreprises ou des dirigeants. Je les aide à mettre en mots. leurs stratégies, leurs ambitions. Et puis du coup, je fais aussi ce qu'on appelle du consulting. Forcément, un peu de conseil stratégique autour de tout ça. Donc, c'est vraiment mon quotidien. Quand je suis tombée malade, cette vie-là, c'est une vie que j'ai en tant qu'indépendante. Je l'ai eue quasiment toute ma vie professionnelle. J'ai été à mon compte des années et des années. Mais j'avais fait une petite parenthèse vers le salariat juste avant de tomber malade, où j'ai été responsable de la communication pour un groupe d'école d'ingénieurs. Donc voilà, ça c'est ma vie pro et ma vie perso. J'ai un amoureux qui habite à Strasbourg, moi-même j'habite à Besançon, j'adore aussi travailler à Paris, donc j'ai un peu une vie supranomade qui est un peu fatigante, mais en fait des fois je me plains, mais finalement c'est que j'en veux bien de tout ça. Et donc je suis toujours avec ma valise et mon ordi sur le dos et à travailler un peu où je veux. Je suis vraiment une grande nomade professionnelle. Mais bon, je crois que tu sais aussi un petit peu ce que c'est que ce nomadisme de boulot.

  • Giulietta

    Oui, tout à fait.

  • Adeline

    Voilà. Donc voilà comment je peux me présenter, à peu près.

  • Giulietta

    Ok, très chouette. Tu te décris beaucoup par le faire, tout ce que tu fais, l'action.

  • Adeline

    J'avoue que c'est un peu mon travers. Je suis très très dans l'action. C'est peut-être aussi ce qui a pu me... porter préjudice à une époque. Mais c'est vrai qu'après, oui, on peut se décrire par qui l'on est. Je trouve que ça se découvre plus quand tu échanges. Il y a des choses qui se perçoivent aussi dans le ton de la voix, dans la façon de faire. C'est toujours difficile de dire je suis quelqu'un comme ci, comme ça. Mais c'est sûr que oui, je suis assez active et j'ai toujours plein de projets en tête. Mais après... j'en avais déjà beaucoup avant d'être malade, mais ça partait pas forcément du bon endroit, on y reviendra. Mais aujourd'hui, ça part vraiment du bon endroit, ça part vraiment de mon ventre, et puis je fais très attention aussi à pas me submerger non plus. C'est que j'ai une notion, j'ai envie de faire plein de choses, mais je sais aussi me dire, voilà, vas-y mollo, c'est ok. Mais j'ai un appétit assez vorace et féroce pour les projets, ça c'est sûr.

  • Giulietta

    On reviendra là-dessus juste après. Tu as évoqué très brièvement ta maladie. Est-ce que tu peux expliquer un petit peu comment elle est arrivée dans ta vie et ton parcours avec ton cancer du sein ?

  • Adeline

    Alors, ça est arrivé dans une période un peu trouble parce que moi, j'ai perdu ma maman d'un cancer du sein. En 2018, d'un cancer du sein. Après, il s'est un peu répandu partout. Fin 2018. Et dans la foulée de ça, j'ai quitté le père de mon fils. Une première fois, je dirais, parce que finalement, vouloir gérer une rupture plus le deuil de ma mère, c'était beaucoup trop difficile. Donc, du coup, je me suis remise avec lui fin 2019. Et après, on arrive début 2020, juste avant le confinement. Et puis, en fait, ça ne se passait pas si bien que ça, la nouvelle cohabitation. Et donc, j'étais encore dans le deuil de ma mère, mais que j'avais un peu... À nouveau, j'avais été très dans l'action pour pouvoir gérer ce deuil. Je ne m'autorisais pas à être vraiment triste. Donc, je gérais énormément de choses liées à sa succession. Et donc, j'étais à fond, à fond, à fond. J'avais lancé moi-même un podcast parce que j'étais comme si j'avais que ça à faire en parallèle de mon boulot. Et donc, j'étais à bloc comme ça. Et puis, est arrivé le confinement. Et là, ça a été très dur, très, très dur pour moi psychologiquement. J'ai eu très peur déjà d'être... enfermée avec quelqu'un avec qui ça se passait pas si bien que ça, d'être avec mon fils H24 qui à l'époque n'avait que 6 ans et je me disais "Mais comment je vais faire pour pouvoir gérer ça ?" et je venais de prendre du coup ce job de salarié. ça faisait genre 3 mois et puis à une nuit je me suis réveillée et j'ai senti un pincement sous l'aisselle mais j'ai pas capté tout de suite ce que c'était. Puis, le lendemain, je suis allée me balader et puis à nouveau ça m'a fait comme une décharge électrique et là j'ai mis ma main et j'ai senti une boule très dure. C'était vraiment sous l'aisselle, ce n'était pas au niveau du sein. J'ai blémi, mais je me suis dit "Ce n'est pas grave, ça doit être un kyste, ça va aller". Et en fait, j'ai quand même pris rendez-vous tout de suite chez ma généraliste. Mais elle, elle a vu la masse sous l'aisselle, mais elle a surtout vu que j'avais quelque chose dans le sein qui était assez gros, ce que je ne m'étais pas autorisée à regarder. Et donc finalement, elle m'a envoyée en échographie, mammographie, et il s'est avéré que j'avais une tumeur qui faisait déjà 3 cm dans le sein. Et que ce que j'avais senti, moi, comme décharge électrique, c'était un ganglion lymphatique qui était infecté et qui donc gonflait sous l'effet de la maladie, en fait, puisque les ganglions, finalement, essaient de faire barrière. Mais au bout d'un moment, ça se répand, ça se répand. Et puis, c'est pour ça qu'on les retire, d'ailleurs, en général, quand on opère les patientes. Donc, je suis très, très vite rentrée. Ça, c'était... J'ai senti la boule en avril. Début mai, je savais que j'avais un cancer. Et après, en juin, j'étais en chimio, quoi. Ça, s'est vraiment... enchaîné très vite.

  • Giulietta

    Et ça a duré combien de temps ton parcours de soins ?

  • Adeline

    Ça a duré une bonne année parce que j'ai quand même repris le travail, c'était donc du coup, on va dire vraiment diagnostic mai 2020, j'ai repris le travail en avril 2021, mais à mi-temps seulement, et j'avais encore un traitement médicamenteux. En fait, en gros, j'ai fait d'abord 4 mois de chimio, après j'ai eu 2 opérations. Je devais n'en avoir qu'une, mais ils ont fait la deuxième parce que des fois, ils ne prennent pas une zone de sécurité suffisamment importante. Donc, ils recommencent. Ça, c'est le coup de pas de bol. Après, j'ai fait 33 séances de radiothérapie. Ça, ça représentait à peu près un mois et demi, deux mois à l'hôpital tous les jours. Et puis du coup, on m'a redonné de la chimio par voie orale, un médicament à prendre chez soi qui a moins d'effet quand même que la chimio. C'est-à-dire qu'on ne perd pas nos cheveux. C'est plus soft, mais quand même il y a des effets pas très cools, mais c'est compatible avec la vie de tous les jours. On ne m'avait pas prévenu à la base que j'allais prendre ça, mais c'était une manière d'enfoncer le clou pour l'oncologue. C'était une chance quelque part, avec des avancées très récentes. Le cancer triple négatif étant quelque chose d'assez compliqué à soigner, on saisit toutes les opportunités de te donner un maximum de traitement pour que ton taux de guérison soit supra optimiste et le plus élevé possible. Et avec ce traitement-là, ça augmentait à, je ne sais plus, c'était beaucoup. Je vais peut-être dire une bêtise, mais c'était peut-être pas loin de 80%. C'était vraiment impressionnant. Donc, ça valait le coup, même si je ne l'ai pas super bien vécu au départ. Bon, voilà. Après, j'étais quand même contente de le prendre. Et donc, je crois que j'ai pris mon dernier cachet fin juin 2021. Voilà. Donc, une bonne année.

  • Giulietta

    Ok, intense. Et en parallèle, tu écrivais, tu avais un blog où tu racontais.

  • Adeline

    Et j'écrivais,j'avais un blog. Il y a eu un premier besoin, c'est d'oser sortir du bois et de dire à tout le monde sur Facebook "Coucou, en fait, j'ai un cancer" parce que tu gardes ça un peu pour toi. Il y a des gens qui n'aiment pas du tout en parler ; moi, j'avais besoin quand même que ça soit dit. Et je ne voulais pas juste le dire comme ça. Je me suis dit "Tiens, je vais raconter ce qui se passe". Puisque j'ai ce talent d'écriture, c'est naturel pour moi. Et j'avais besoin d'exorciser aussi ce qui se passait. Parce qu'il y avait des journées très dures, mais il y avait aussi des journées où finalement, je riais jaune. Il y avait vraiment moyen de se marrer. Tellement la situation était vraiment du rire acide. Mais quand même, tu pouvais mettre de l'humour dans tout ce qui se passait. Et je trouvais ça chouette de pouvoir le faire. Je trouvais ça chouette d'être dans la vérité de ce qui se passait au quotidien. sans tout dramatiser et tout, et mettre du pathos partout, tu vois. Et puis, au final, j'ai pas mal de gens que je connaissais. Il y a des gens que je ne connaissais pas qui me lisaient aussi, mais toutes mes copines, notamment, lisaient le blog, étaient abonnées, pour avoir tous les jours la petite newsletter quotidienne en recevant mon article et en prenant la température, finalement, de comment elle se sent. Et du coup, j'ai eu toute une vague de soutien moral par plein de gens, du coup, qui lisaient. De belles surprises en fait. Moi ça m'a fait beaucoup de bien de mobiliser comme ça cette communauté de personnes autour de ça et puis c'était un petit rendez-vous, ça me permettait de tenir aussi je pense quelque chose. Voilà, j'étais pas totalement désolée même si on parlait : j'ai entamé un très gros cheminement intérieur. ça a été aussi une grosse mission, c'était un truc un peu plus léger et qui me... qui me laissait connectée aussi à la vie réelle. Écrire un blog, c'est un peu continuer à être dans le game. C'était peut-être un peu ça.

  • Giulietta

    Oui, carrément. Et pour revenir justement sur ce travail de cheminement intérieur, lorsqu'on s'est appelées il y a un mois, tu m'as dit que tu t'étais lancée dans une forme d'enquête pour comprendre ce que cette maladie disait de toi et de ton rapport aux choses. Et il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit "il y a forcément quelque chose à comprendre. Ton corps, il crie là. Je me suis lancée dans une investigation pour comprendre". Et du coup, comment est-ce que tu as procédé pour réaliser cette enquête ? Qu'est-ce qui t'a motivée à le faire ? Et qu'est-ce que tu voulais comprendre ?

  • Adeline

    J'ai toujours été très sensible à ce principe qui est que notre corps nous dit quelque chose. Ma mère, qui était passée par là avant, était déjà beaucoup là-dedans. Je n'avais pas toujours les clés de lecture pour tout, mais je sais que je surveillais quand même un peu mes petits bobos, mes petits machins, même si en fait, je n'avais pas assez de clairvoyance réellement pour voir les choses en face parfois. Mais j'avais vraiment cette notion que le corps disait quelque chose. Et très vite, je me suis dit, attends, mais là, le cancer, c'est tes propres cellules qui dégénèrent. Ce n'est pas un truc que tu attrapes, comme plein de maladies auto-immunes et tout. Et tu te dis, à quel moment ton corps décide de se mettre en rébellion contre toi ? C'est quand même impressionnant. alors bien sûr que c'est multifactoriel, bien sûr qu'on peut accuser aussi ce qu'on mange, ce qu'on boit, ok, mais c'est quand même... Pour moi, il y avait quelque chose à aller creuser aussi, de l'ordre du... Et si mon fonctionnement jusqu'à présent avait conduit, effectivement, mon corps à sonner une alerte hyper forte, pour me dire, ça ne fonctionne pas ce que tu fais, arrête parce que tu es en train de nous pousser à bout, tu es en train d'aller dans une direction qui n'est pas en lien avec ton, on va dire, ton moi intérieur, ton âme, comme on veut l'appeler, en tout cas avec vraiment... ce qui te ressemble et ce qui fait sens pour toi, tu t'éparpilles, t'en fais trop, tu n'es pas connectée, et il faut que ça s'arrête, parce que là, tu cours à la catastrophe. Et donc moi, j'ai vu ça comme finalement, pour moi, ce n'était pas une condamnation à mort, d'avoir un cancer, c'était plutôt une recommandation à vivre plus fort et beaucoup mieux. Et je pense que mon corps m'a envoyé tout un tas d'autres signaux avant que je n'ai pas vraiment compris. pour déjà me dire, me manifester une fatigue latente, un stress beaucoup trop important. Mais je ne le voyais pas trop, j'étais dans un très gros déni. Et donc, il fallait un truc aussi fort qu'un cancer pour me faire arrêter. Et quand j'ai tout arrêté, puisque j'avais ce cancer, ce qui m'a marquée, c'est que je me suis sentie soulagée. Et là, je me suis dit "Comment ça se fait ? Alors que tu étais censée être cette chef d'entreprise accomplie, qui fait un podcast, qui fait ci, qui fait ça, qui est... qui a 8000 activités, qui a l'air de gérer sa vie d'une main de maître, comment ça se fait que tu es soulagée si tout ce que tu faisais, c'était supposé être épanouissant et kiffant ?" Et donc, je me suis dit, est-ce que ça n'était tant que ça ? J'ai commencé déjà par interroger ça et à me rendre compte que finalement, je faisais quand même un petit peu tout pour des mauvaises raisons. Par exemple, répondre d'abord aux injonctions d'autrui parce que j'avais peur qu'il m'abandonne. Donc, être tout le temps tournée vers les autres parce que... Mes blessures d'enfance voulaient ça, que finalement, si je ne fais pas ce que les autres attendent, ils ne vont pas m'aimer et ils vont me laisser tomber. Répondre à des injonctions sociétales, je pouvais aussi imaginer, on attend de moi que je sois ce genre de personne. Je suis une femme, jeune, je suis censée faire des études, réussir, machin, comment ma mère m'avait élevée avec ce culte de la performance et d'aller toujours plus loin, plus fort qui faisait que je cherchais toujours. C'était jamais assez bien ce que je faisais, il y avait tout un tas de choses et puis après j'ai mobilisé un peu des thérapies alternatives. ça peut s'apparenter à de la kinésio ou des soins un peu médiumniques mais là c'était plus pour comprendre : je voulais comprendre le sens du cancer du sein en particulier. Pourquoi le sein ? ça dit quoi de moi ? Ce qui est ressorti, ça peut être un truc assez universel : le sein, c'est l'organe nourricier donc c'est comment tu nourris tu te nourris toi ou à la limite comment tu nourris trop les autres à ton détriment. Et puis, il y avait un lien forcément aussi avec la maternité donc je me suis rendue compte qu'il y avait des choses que ça disait sur ma façon d'être mère, de culpabiliser sans arrêt en ayant la sensation que je ne fais jamais assez, que c'est jamais assez bien, de trop nourrir mais je nourrissais pas dans le bon sens, je nourrissais trop par le faire. Tu disais tout à l'heure, tu te définis beaucoup par l'action. Moi, j'avais l'impression que pour être une super bonne maman, il fallait que je fasse, faire ci, faire ça, faire ça, faire ça. Alors qu'en fait, un des premiers soins énergétiques que j'ai faits, la nana m'a dit, mais tu sais que tu es mère, tu n'as rien à faire d'autre. C'est un peu ça. Et en fait, je me souviens que ça m'avait beaucoup soulagée. Donc voilà, ça a commencé comme ça. Puis, j'ai été accompagnée par une dame qui a un petit peu des dons. Alors, c'était 100% bénévole. vous savez c'est vraiment les... c'est rebouteux de campagne comme on peut avoir en France des gens que tu sais pas expliquer, ils ont des dons de magnétisme des choses comme ça et moi, on m'avait recommandé d'aller chez cette dame en me disant "elle pourra soigner tes brûlures quand tu feras des rayons". En fait, j'y suis allée beaucoup plus tôt : j'y suis allée dès les premiers RDV, dès la chimio et j'ai aucune explication rationnelle à te donner mais cette femme elle a fait des trucs de fou. Elle m'a dit des trucs de fou, elle voyait en moi comme dans un livre et elle me sortait des vérités incroyables parce que Il y a ma mère qui a eu un cancer, il y a ma grand-mère avant. J'étais la troisième génération et elle me dit « Non, mais est-ce que vous vous transmettez de grand-mère en petite-fille ? De toute façon, c'est votre culte de la perfection. Vous cherchez à être parfaite pour être aimée. » Elle ne me connaissait pas. Je ne lui avais rien raconté. C'était tellement vrai, tellement juste. Tous ces gens me faisaient avancer. Je lisais des trucs, j'écoutais des podcasts. Bien sûr, je consultais un psychologue. Évidemment, tu vas aussi voir des choses plus rationnelles. Mais tout ça fait un... un melting pot de choses qui font que ça me permettait, moi, de comprendre ma maladie et ça me mettait dans de l'action aussi. C'était chouette de me dire, je vais comprendre ce que c'est et comme ça, en rémission, je vais agir et on n'y reprendra plus, quelque part. Et je trouve que c'est chouette, ça met dans un bon élan, tu vois, ça met dans un élan d'après, ça te raccroche à quelque chose de très positif pour ta vie ensuite. Et se dire comment je peux faire de cette maladie une chance. C'est pour ça que mon livre s'appelle « Mon cancer, quelle chance ? » plutôt que de juste me plaindre et déplorer ce qui m'arrive parce que oui, c'est hyper injuste. C'est injuste et à la fois peut-être que malgré moi, et ce n'est pas du tout culpabilisant, malgré moi, j'ai créé les conditions de cette maladie parce que je n'ai pas fait exprès, évidemment. Mais il y avait des choses que je faisais qui n'étaient pas super bonnes pour moi. Et qu'il était temps que j'ouvre les yeux pour aller mieux.

  • Giulietta

    Oui, je me reconnais vachement dans ce que tu dis. Tous les deux, on a une maladie où on s'attaque quelque part. Et donc, effectivement, je me reconnais dans ton récit, le fait de se dire "Quels sont les dysfonctionnements qu'il y avait dans ma vie à l'époque et qui ont conduit à ce que mon corps se comporte de la sorte ?" Alors, ça ne veut pas dire qu'il y a un lien de cause à effet établi, mais malgré tout, ça a pu contribuer. Et du coup, comment est-ce que tu décrirais les changements qui se sont impulsés petit à petit en toi suite à cette prise de conscience ?

  • Adeline

    Alors, j'ai commencé à être plus douce avec moi-même. Déjà, j'ai aussi interrogé tout ce que je faisais. J'ai pris chaque action et en me disant, je passais tout au tamis de "Est-ce que tu le fais vraiment pour toi ? Est-ce qu'il y a un vrai élan authentique ? Est-ce que tu le fais pas pour paraître comme si ou pour plaire à Bidule ?" Du coup, c'était un vrai questionnement. pour filtrer. Et puis, j'ai dû apprendre. Je ne sais pas, moi, à un moment donné, j'étais tellement... En fait, c'est une double lecture. Donc, il y a le travail sur soi, puis en plus, tu perds tes cheveux. J'avais pris du poids, je ne me ressemblais plus. J'ai toujours été quelqu'un qui plaisait plutôt, moi. J'ai une sorte de don pour connecter avec les gens. J'ai un petit charme naturel, on va dire, tu sais, genre une aisance à communiquer avec autrui qui faisait que les gens me regardent dans les yeux, et sont là, machin, il y a un dialogue, et là d'un coup, t'es chauve, t'es pas bien, on voit bien que t'es cancéreuse, les gens étaient vides quoi. Donc j'ai dû apprendre à être au monde carrément autrement, tu vois, comment tu fais pour exister quand t'es plus dans ce petit rôle de charme avec les gens, et du coup sur quoi tu te bases : tu dois être beaucoup plus dans ton intériorité, ton authenticité, ta vérité, ça s'est joué aussi beaucoup. Donc, c'était comme un oignon appelé, tu vois. C'est-à-dire que j'enlevais des couches et des couches de choses. Et en vrai, quand j'ai terminé mes traitements, je me suis dit « Waouh, j'ai avancé de fou, c'est génial ! » Mais en fait, ce travail, c'était que le début. Maintenant, je peux le dire, ça fait cinq ans. Et bien, c'était que le début. C'est-à-dire que je continue à travailler de fou sur moi, sur mes blessures et tout ça, parce que... Il était nécessaire que j'aie des grosses prises de conscience et que je démarre le chemin. La bonne nouvelle, c'est que quand tu es déjà récompensé de tout ça, quand tu te mets sur le chemin et que tu continues à travailler, tu n'as pas besoin d'avoir tout compris à la fin de ton cancer. Ça reste un chemin. Mais du coup, c'est toujours plus connecté à une vérité, à une authenticité, à faire des choses parce que c'est sincère et ça vivrait pas parce que tu veux... encore une fois, briller fort ou je ne sais quoi. C'est compliqué parce que c'est subtil. Et du coup, je suis toujours en train d'interroger tout ce que je fais à travers ça. Et quand des fois, il y a des obstacles, je me dis, tu es en train de faire un truc, réfléchis deux secondes. Ça bloque. Pourquoi ça bloque ? Est-ce que tu fais vraiment ça parce que ça part d'un élan sincère ou parce que c'est encore un petit peu ton habituel qui revient au galop ? Parce que l'habituel revient toujours au galop. Mais voilà, et puis ce qui a aidé aussi, c'est que je me suis reposée énormément et j'ai remis mon curseur de stress à zéro. Et c'est là que ça m'a permis de voir que je ne me sentais absolument pas stressée avant le cancer. Bien sûr que non, tu vois bien, je gérais tout, tout va bien. Tu parles, en fait, j'étais dans la zone rouge, mais j'étais tellement haut en stress, tellement haut. D'ailleurs, quand j'étais enceinte, justement enceinte en 2014, enfin en 2013, je... J'ai été arrêtée à 5 mois de grossesse parce que j'avais des contractions monstrueuses. Je ne me sentais pas stressée. Pareil, c'est mon corps qui parlait déjà. J'étais stressée, vraiment. En fait, ça a tout remis à zéro. Ça m'a permis à mon corps de me renvoyer les bons signaux. Maintenant, je sens que quand je dépasse mes limites, quand il y a quelque chose qui ne va pas… il y a les tensions qui montent, ça se crispe dans le dos, il y a une mélancolie qui arrive. Donc, c'est génial. C'est cadeau quand tu peux être connecté à tes sensations corporelles. Parce qu'en fait, ton corps te parle tout le temps, même avec le moindre petit signe. Mais sauf que si tu es, comme j'étais avant, tellement haut et que tu bois du café et du café pour tenir et que tu es toujours un peu excité comme ça, en fait, tu ne peux plus l'écouter ton corps. Il n'a plus moyen de te parler. Donc ça, ça a énormément changé. Et la connexion au corps, j'écoute tout ce qui se passe maintenant. Parce qu'en fait, tout est riche d'enseignements. Et il y a encore un mois, j'avais super mal à l'épaule. J'avais l'impression d'avoir une tendinite. Je me disais, mais ça n'a pas de sens. Je ne comprends pas. Et je voyais bien qu'il y avait quelque chose. Donc je cherchais, je cherchais, mais je ne mettais pas le doigt dessus. J'ai eu une conversation délicate avec quelqu'un. J'ai sorti quelque chose qui était important pour moi. Et je me suis rendue compte le lendemain que je n'avais plus mal. C'est vraiment du chaud. C'est vraiment... J'ai eu une discussion le soir, le lendemain matin, je n'avais plus mal, mais je ne me suis pas rendue compte tout de suite. Tu vois, c'est la fin de matinée, je me suis dit, attends, mon épaule, il n'y a plus rien. Et ça reste complètement fou, moi. Pour moi, ça me fascine, en fait. C'est ce pouvoir du corps pour nous envoyer des messages. Je trouve ça totalement dingue.

  • Giulietta

    Oui, c'est marrant. Je te l'ai déjà dit, mais bon, je suis une personne assez anxieuse. Parfois, le biais qu'on peut avoir, c'est de penser que l'anxiété ne veut rien dire, et qu'elle est là, et que ce n'est pas bien, et qu'il faut la combattre. Et en fait, l'anxiété n'est pas toujours là. Elle est là dans certaines situations où on perçoit quelque chose avec lequel on n'est pas à l'aise. C'est ce que tu disais, cette tension dans l'épaule. Et donc, très souvent, on n'est pas habitué à écouter ces signes et à les interpréter, et à se dire qu'il y a peut-être quelque chose qui ne me va pas et qu'il faut que j'adresse. Et donc, on reste avec ce poids sur les épaules pendant longtemps. avant de pouvoir être en mesure d'y apporter une réponse. Et je trouve que très souvent, ça peut paraître un peu ésotérique, ce qu'on est en train de dire toutes les deux, le fait de s'écouter, d'écouter les signaux de notre corps ou quoi que ce soit. Et en fait, le fait de réaliser ces actions-là, ça permet tellement de réduire le niveau de tension, parce que quand on s'écoute, soit on va aller parler à la personne avec laquelle on n'est pas d'accord. Soit on va éviter une situation sur laquelle on ne se sent pas à l'aise, mais en fait, on apporte une réponse plutôt que de se l'imposer. Comment ? Je ne sais pas si ça a été le cas pour toi, mais moi, en tout cas, j'ai réalisé aussi un travail sur moi, etc. Et puis, il y a eu un moment un peu vertigineux où je me suis dit « Oups, j'étais franchement pas bienveillante avec moi et je me suis imposé beaucoup de choses. » Quel est le regard que tu portes sur la personne que tu étais avant ?

  • Adeline

    Oui, c'est vrai que je n'étais pas forcément bienveillante. J'étais très exigeante avec moi-même. Mais je porte quand même un regard assez tendre parce que je ne m'en veux pas du tout. Parce que je sais très bien que je faisais tout ça parce que je n'avais pas d'autre choix. J'étais outillée comme ça. Donc, je reviendrai en arrière. La moitié, il y a dix ans, la trend qui avait pris à pas longtemps, je ne l'ai pas suivie cette trend. Mais si je devais lui parler, j'aurais beaucoup de bienveillance parce que je dirais "Pauvre chaton, là, t'es tellement encore aux prises avec tes blessures racines d'enfance, ton conditionnement familial. Tu peux pas t'en sortir autrement, là. En fait, c'est évident que t'es toujours dans la quête de la perfection, la quête du toujours mieux, la peur qu'on te lâche si tu fais pas tout ça, l'impression qu'effectivement, si tu réponds pas... ". Tu vois, j'étais indépendante pendant 15 ans avant d'être salariée, je peux dire ben c'est le client est roi, tu vois, alors qu'en fait, c'est pas vrai que le client est roi, tu peux aménager aussi les choses, tu vois. Mais donc je me pliais sans arrêt en 8 pour satisfaire, je prenais pas beaucoup de vacances, etc. Et puis, la maternité a fait aussi un petit peu de mal, parce que c'est quand même très pressurisant, ça c'est encore une autre histoire, mais c'est beaucoup, beaucoup de questions qui se posent, c'est une grosse claque dans la face, et puis, du coup, ça a carrément remis une couche sur mon côté "Il faut que je sois une mère parfaite maintenant, en plus d'être une femme parfaite et une professionnelle parfaite et tout". J'étais d'une exigence rare. Je me souviens que le père de mon fils, à l'époque, me le disait, mais il ne me le disait pas avec bienveillance. Il disait "De toute façon, tu mets toujours la barre trop haute". Comme il ne me le disait pas avec bienveillance, ça m'énervait. Je ne l'entendais pas. Je lui disais "Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai ce que tu dis, c'est faux". Mais non, il avait raison en fait mais je pouvais pas, j'étais dans une forme de déni, mais c'était un déni pour me protéger, quoi, en fait, parce que finalement, tout ça, ça fait que j'ai été tellement élevée comme ça. Ma mère, elle l'a pas fait exprès, mais elle m'a toujours un peu portée aux nues, et d'un côté, moi, j'ai un papa qui m'a abandonnée, littéralement, et de l'autre, j'ai une maman qui m'a élevée toute seule, mais qui voulait surtout pas que je sois en galère dans la vie à cause de ça. Et donc, il m'avait un peu portée aux nues, qu'elle voulait que je fasse de grandes choses et qu'elle voulait que je sois combattante dans la vie et tout. Sauf qu'en fait, moi, pour la petite fille que j'étais à l'époque, c'était si tu ne corresponds pas à ces idéaux-là de ta maman, elle ne t'aimera pas. Tu sais, quand on est enfant, on comprend mal. Et donc, d'un côté, j'avais "tu n'es pas digne d'être aimée". Et de l'autre, c'était "si tu n'es pas là-haut, tout là-haut, en fait, on ne t'aimera pas non plus". Donc, tu vois, ça faisait beaucoup. Et donc, finalement, j'ai grandi comme ça, tout le temps à côté de mes pompes, je ne pouvais pas être moi-même. Il fallait que je sois trop, ou alors si j'étais moi-même, c'était de la merde, puisque mon père m'avait abandonné. En fait, c'était horrible. Et donc, j'ai mis des œillères pour pouvoir grandir correctement, et j'ai été un bon petit soldat qui accomplit, qui fait des choses aussi grandes que possible, mais ça n'était jamais assez bien, donc j'étais tout le temps un peu malheureuse. On peut toujours faire mieux. Et puis des fois, je me ratais aussi, parce que voilà. Et du coup, j'ai fait du sport à bon niveau. Quand j'étais plus jeune, je faisais de la gymnastique rythmique, un sport qui est assez exigeant, très exigeant avec le corps en plus. C'est pareil, j'étais toujours trop grosse, je ne faisais jamais les bonnes perfs. Et puis des fois, je faisais des erreurs sous la pression assez énorme. Mais c'était trop dur. Et donc finalement, c'est pour ça qu'il y avait ce soulagement quand j'ai eu le cancer. En fait, je n'en pouvais plus vivre sous cette pression-là. Ce n'était pas moi qui la voulais. C'était pas vraiment moi donc voilà alors je sais plus quelle était ta question initiale. C'est le regard que tu portais sur la personne que tu étais. Voilà, le regard du coup il est assez bienveillant : je pouvais pas faire autrement, c'est pour ça que je me culpabilise jamais en disant "je me suis un peu entre guillemets fabriqué mon cancer". Bien sûr, j'y étais pour rien mais peut-être ça peut contribuer. C'est disons que c'est ma vie toute entière et mon fonctionnement tout entier qui a fabriqué ce cancer mais c'était pas possible. Je devais en passer par là quelque part, ça aurait été peut-être très dur d'ouvrir les yeux parce que quand t'as ce déni aussi fort... Moi, j'étais déjà suivie par des psys et tout mais en fait tu sais le psy quand tu veux pas voir quelque chose, ça marche pas. Il faut être très... et tu vois je rebondis sur ce que tu disais tout à l'heure dans cette écoute du corps et tout ce qui est très dur parce que moi j'essayais déjà de le faire avant le cancer, c'est justement d'être de regarder à l'intérieur de soi et même des parties pas très cool. Parce que des fois, quand tu as cette angoisse, cette anxiété ou cette tension, c'est effectivement en réaction à un événement extérieur, à une personne à qui tu as peut-être besoin de parler et tout. Mais peut-être que tu as besoin de lui parler, mais parce que toi aussi, finalement, ce n'est pas forcément complètement OK ce que tu fais. Une relation, tu sais, c'est toujours à deux. Chacun a 100% de son camembert, quoi. Et ton 100% à toi, peut-être qu'il y a des trucs que tu fais aussi.

  • Giulietta

    et qui sont pas ok pour l'autre personne et que c'est pour ça qu'elle te fait vivre un truc qui est pas cool pour toi et que tu vis cette anxiété donc c'est très dur d'être chez ma psy je prends cher à chaque fois que j'y vais quoi tu vois mais j'adore j'adore ce qu'elle me fait. Aujourd'hui, j'ai cette capacité, je n'ai plus de déni donc je prends tout, je comprends tout aussi et j'enregistre et je fais ouais ouais ouais ouais c'est vrai c'est vrai et je reconnais ma part de responsabilité dans tout ce qui m'arrive et ça ça c'est cadeau aussi quoi. Parce qu'en fait, on est responsable de tout ce qui nous arrive, même quand on a l'impression qu'on ne l'est pas. Ce n'est pas vrai. Et ça m'aide énormément dans mes relations aux autres aujourd'hui. Et je suis tout le temps dans ma relation amoureuse. Tu vois, des fois, je fais des reproches à mon mec. O n s'entend plutôt bien, mais ça peut arriver. Et en même temps, systématiquement, même quand je pars un peu en bris, comme ça, et que je dis un truc méchant, après, je réfléchis toujours sur moi et je fais "Je suis désolée parce que là, tu as dit un truc pas cool, mais tu vois, je crois que moi, j'ai généré à cause de". Et donc, tout le temps, des fois, il me dit "Non, mais t'accable pas non plus, c'est un peu moi qui ai merdé". "Non, mais je t'assure, je t'assure, je pense aussi que, tu vois, j'ai quand même fait ci, j'ai quand même fait ça". Et oui, il faut prendre sa responsabilité parce qu'en fait, ouais, bien y regarder, toi aussi, tu génères des trucs malgré toi, toujours, mais c'est bien d'être clairvoyante et d'avancer. Et ça, ouais, les bons thérapeutes, normalement, t'y aident et t'accompagnent là-dedans.

  • Adeline

    carrément sur la notion de responsabilité Je ne sais pas si tu seras d'accord avec moi, mais j'ai l'impression que très souvent, quand on fonctionne dans un écosystème ou avec une manière d'être particulière, donc toi comme moi, on a l'air assez exigeantes. En fait, vu qu'on n'a pas connu autre chose pendant longtemps, on pense que c'est la norme. Et tout d'un coup, quand il y a un move qui se fait et qu'on réalise qu'on peut maintenir un niveau d'exigence élevé, mais en abordant les choses différemment, en se disant que ce n'est pas la fin du monde, c'est là qu'on se rend compte que pendant tout ce temps, on s'est trompé. Et la responsabilité, je la vois dans le fait où on a accepté des choses, des interactions peut-être avec des clients, des patrons qui n'allaient pas, parce qu'on ne savait pas que ça pouvait être autrement et que ça pouvait être respectueux autrement en respectant, par exemple, notre santé mentale.

  • Giulietta

    C'est ça. Oui, c'est tout à fait juste. Parce qu'en fait, quand tu t'autorises à faire autrement, moi, je me souviens à l'époque, il y avait une maman de l'école qui était aussi à son compte, mais en tant que psychologue. Et elle me disait, mais Adeline, pourquoi tu ne poses pas plus ta limite ? Moi, tu vois, les gens, quand ils veulent bosser avec moi, je leur dis, c'est pas à mon temps. Je disais, ouais, mais nous, c'est la com. Tu vois, tout le monde est toujours pressé. En fait, ce n'était pas vrai parce que j'y arrive aujourd'hui. Quitte à dire non. D'ailleurs, en fait, non, je ne suis pas disponible. Rappelez-moi le mois prochain, mais là, je ne peux pas. C'était une vraie négo, quoi. Parce que tu dis, ils ont autant besoin de toi que toi, tu as besoin d'eux. Ce n'est pas juste... Moi, j'avais l'impression qu'on me faisait l'aumône. Tu es genre "Super, on me donne du travail, merci, du coup, je vais tout faire dans vos conditions à vous parce que vous êtes déjà bien gentil, mon bon seigneur, de me donner de quoi manger". Non, pas du tout, en fait. Et donc, quand tu apprends plus à te respecter, à respecter ton cadre et tes limites, tu as conscience aussi de tes capacités, de tes atouts. Moi, je sais ce que j'apporte à mes clients. Donc, en fait, je sais aussi pourquoi ils veulent travailler avec moi et que donc, ça suppose aussi de respecter un peu mon cadre à moi et que quand ce n'est pas OK, non, ce n'est pas OK, je suis désolée, là, je ne peux pas. Donc oui, on peut faire autrement, mais c'est un apprentissage constant. Clairement.

  • Adeline

    Je fais une mini digression, mais ça me fait penser, j'ai lu, tu vois, qui est Grégory Pouy. Il a un podcast qui s'appelle Vlan et j'ai vu passer un jour un post LinkedIn de lui qui disait la différence entre being nice et being kind. qu'on pourrait traduire la différence entre être un peu brave et être sincèrement, foncièrement gentil. Et en fait, être brave, c'est dire oui à tout parce qu'on veut faire plaisir à tout le monde, et qu'on se sacrifie constamment. Et le fait d'être gentil, c'est toujours se sacrifier, mais choisir le sacrifice qu'on fait parce qu'on tient vraiment à la personne et que ça fait sens pour nous. Et je pense que ça, ça peut être appliqué à tout ce que tu décris. Là, on ne parle pas d'arrêter d'être exigeante, d'arrêter d'avoir de l'ambition ou quoi que ce soit, c'est juste se dire WCet effort, est-ce que ça vaut le coup que je le réalise ou non ? Et peut-être cette perte de qualité de vie, le fait d'avoir une charrette, de terminer un petit peu plus tard, de ne pas pouvoir aller chercher ton enfant à l'école, des choses comme ça. Est-ce que ça vaut le coup, concrètement, ou non ?".

  • Giulietta

    C'est franchement compliqué. Ça m'arrive encore de dire oui en conscience maintenant en fait parce que le projet il me plaît trop et que c'est trop bien mais d'être capable quand même de dire aussi non, ça c'est chouette, c'est un cadeau aussi maintenant et je le vois puisque du coup il y a vraiment la chef d'entreprise d'avant le cancer. Et maintenant, je suis de nouveau la chef d'entreprise post-cancer et je vois bien que je ne travaille pas du tout de la même façon : je ne suis pas du tout aussi stressée qu'avant, je ne gagne pas moins bien ma vie, spoiler. Voilà elle s'était quand même pas en fait j'avais l'impression comme ça qu'il fallait que je m'agite dans tous les sens pour avoir mon chiffre d'affaires. Bah non, c'est une grande découverte et ça c'est c'est magique en fait de voir que ton authenticité, ta vérité et ton alignement, ils sont au service de ta vie et que ça marche en plus quoi t'es récompensée de ça en général oui oui je suis entièrement d'accord avec toi

  • Adeline

    Et justement, en lien avec ce travail d'introspection que tu as fait et qui a été un cheminement personnel, tu as commencé à avoir ton blog, etc. Et puis, tu as décidé de rendre encore plus public ton parcours en publiant un livre. Comment est-ce que tu as cheminé sur le sujet ? Et qu'est-ce qui t'a poussée justement à publier de manière un peu plus large ?

  • Giulietta

    Tu vois, j'ai appris tellement de choses sur moi pendant cette année de traitement. et j'ai fait... sur le transgénérationnel, sur l'épigénétique, sur ma propre biographie, mon fonctionnement, etc., ma vie de mère, je ne sais pas comment on est. Et là, je me suis dit "Mais il faut trop que je raconte ça, quelque part, que je puisse le dire dans un espace plus nourri qu'un blog" ou voilà. Parce qu'il y a un vrai effet miroir, en fait, en racontant ce que moi, j'ai compris et ce que moi, j'ai fait. Il y avait des lectures aussi, dans la relation à ma mère aussi, il y a eu beaucoup de choses. Lise Bourbeau a fait un livre là-dessus et c'est hyper édifiant. Et donc, oui, je me suis dit "Il faut que tu l'expliques parce que ce que tu vas raconter toi, ça va faire réfléchir d'autres personnes". Et donc, j'ai décidé de faire ce livre. Et de fait, tu vois, aujourd'hui, quand les gens me lisent, plein de femmes qui me disent "Déjà, j'ai l'impression que tu décris ma vie". Elles se reconnaissent beaucoup dans ce que je raconte de moi. Et puis, chacun ou chacune pioche un petit élément : "Ah ben oui, ça, ça me fait réfléchir. Ah oui, ça, ça me fait rebondir" et finalement de... ton expérience peut avoir un truc un peu universel, ça c'est un peu magique. Et je sais que moi j'aime beaucoup lire des témoignages, parce que tu peux te retrouver et t'identifier à la personne qui parle. Donc il m'a fallu que je digère quand même. J'ai essayé de le commencer en septembre 2021, j'ai écrit les premières pages, puis je l'ai laissé pendant des mois en jachère, j'y arrivais plus. Et donc j'ai attendu le printemps 2022 pour m'y remettre, et je l'ai fini en août 2022 et après il a fallu encore plusieurs mois. J'ai trouvé un éditeur tout de suite, j'ai eu beaucoup de chance et il a fallu encore plusieurs mois pour qu'il sorte parce que l'édition, c'est très long mais du coup il est sorti en juin 2023. Et voilà, j'étais prête à ce moment là quand je l'ai écrit, à raconter avec du recul tout ce que j'avais compris pendant la maladie et c'était chouette aussi parce que je pouvais ajouter le début de la rémission, le post-cancer ... avec des trucs qui n'étaient pas forcément tout à mon honneur, c'est-à-dire que je ne suis pas sortie comme petit Bouddha de tout ça. On pourrait croire que là, je me la pète, genre non, mais j'avais tout compris, donc du coup, j'étais très sage, j'avais très... J'ai eu une phase complètement trash à avoir besoin de repousser mes limites comme si j'étais une ado attardée, d'être un peu perdue parce que c'était trop d'émotions d'un coup, genre tu veux dévorer la vie, mais la vie te dévore, quoi. Et donc, en fait, il a fallu que je fasse retomber. J'étais comme quelqu'un qui a agité un bocal comme ça, il fallait le temps que l'huile et l'eau se séparent, je ne sais pas comment dire, mais que ça fasse de nouveau deux phases. Moi, j'avais tout agité, tout qui bougeait dans tous les sens. Donc, c'était marrant aussi de dire, attention, il n'y a pas d'épiphanie juste quand tu as terminé ton traitement. Non, c'est un chemin, c'est ce que tu disais tout à l'heure, c'est un chemin très très long. Et que tu peux aussi un peu te perdre. Moi, je croyais vraiment qu'il y aurait un jour nuit, que j'allais terminer mon dernier cachet et que ça allait être genre "ça y est, je suis sage". Eh bien non. Et c'était chouette de le dire aussi. De ne pas être que dans le côté trop positif ou trop édulcoré de tout ça. Tu passes par plein d'émotions très contradictoires. Mais la vérité quand même, c'est que malgré tout ce chambardement et ces émotions un peu endenties et tout, il y avait un truc tellement plus authentique. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression que depuis 5 ans, je me souviens beaucoup plus de ma vie que ma vie d'avant. C'est bizarre ce truc-là. Comme si j'avais été spectatrice d'un film et que j'ai que des bribes de souvenirs. Ça me donne même l'impression que ce n'est pas vraiment moi qui ai vécu tout ça. C'est assez bizarre. Alors que là, maintenant, ce que je vis, c'est complètement moi qui le vis. Il y a vraiment ce truc, c'est mes souvenirs, c'est ma vie, c'est très vif, c'est très ancré, c'est très fort. Mais les trucs de la vie d'avant, c'est genre, mais c'était moi, cette personne-là. C'est trop bizarre, en fait. Je ne me souviens pas de tout ça, ou très peu, ou c'est une hallucination. Il y a même des fois où je me dis "Attends, ça, c'était un rêve, ou c'était vraiment un rêve ?" Je ne sais plus. parce que je pense que j'étais... J'étais tellement à côté de mes pompes, que j'étais pas tout à fait là. Oui,

  • Adeline

    carrément. Et j'ai l'impression que parfois, quand on n'est pas aligné avec soi-même, ça met comme un filtre qui floute un petit peu tout. Et ça n'empêche pas de vivre les situations intensément, les situations difficiles ou quoi que ce soit. Mais je ne sais pas comment dire. ouais pour Un exemple. Je vois. Oui, tu vois.

  • Giulietta

    Oui, je vois tout à fait. Tu n'es pas... Oui, c'est ça. Tu n'es pas complètement là. Effectivement, ça filtre les situations. Mais vraiment, je trouve que c'est encore plus probant quand tu te rappelles. C'est sur le moment, tu as l'impression que tu vis ta vie normalement. Mais c'est dans les souvenirs. Les souvenirs ont un filtre flou. Un truc un peu, une buée comme ça devant.

  • Adeline

    Exactement. Et oui, tu es en dehors des choses. Alors, je viens de te picouiller un tout petit peu. mais je te l'avais dit déjà quand on avait échangé en visio. Ma perception en tout cas de l'emploi du terme chance dans le titre de ton ouvrage, je la comprends totalement dans ta perspective à toi et dans ton vécu et je me pose la question de est-ce que ça peut pas aussi créer une espèce d'injonction contradictoire où des personnes, par exemple, de l'entourage d'une personne qui serait atteinte par un cancer peuvent dire "Mais prends-le comme une chance. Tiens, tu pourrais changer de vie toi aussi et revoir tout différemment". Est-ce que toi déjà, tu as vécu de l'extérieur ces espèces d'injonctions qui ne sont pas franchement agréables ? Et comment est-ce que tu te positionnes par rapport à ça ?

  • Giulietta

    Non, moi je n'ai pas vécu ça. Personne ne s'est permis. Je crois que même... Je sais que, du coup, depuis que j'ai fait ce livre, il est souvent offert à des personnes qui sont malades. Mais je ne crois pas que ce soit vécu comme une injonction. Parce qu'il y a ce truc de... "Ben voilà, en fait, tiens, on t'offre une autre lecture de ta maladie. Fais-en ce que tu peux. C'est OK, en fait. Mais si ça peut t'aider à mieux la vivre, en fait". Moi, j'ai plus l'impression que c'est ça, finalement. C'est pas... C'est pas à tout prix, tu dois réussir ton cancer, quoi. Tu vois ? C'est plutôt... ça t'offre un autre regard, ça te fait sortir de la noirceur et de l'injustice que tu peux connaître, et peut-être que tu peux y piocher quelque chose de lumineux et qui va te faire du bien pour traverser tout ça. Donc, c'est vrai que je ne crois pas que ça fait une injonction contradictoire, et en plus, à aucun moment je dis, si tu vis ton cancer comme ça, et que tu es récitant de faire une chance, c'est comme ça que tu vas guérir. Non. tu mets toutes les chances de ton côté, en fait. C'est juste, ça ne gâche rien, bien au contraire. Et ça ne peut que faire du bien à ton corps, que faire du bien à ton mental, sachant que si on a eu, entre guillemets, le pouvoir de créer notre maladie, on a aussi le pouvoir d'agir dans l'autre sens. Et ça, c'est tout le travail de la sophro, de tout. Enfin, je veux dire, on sait qu'un mental qui va bien, qui est très positif et tout ça, influence tout le reste. Enfin, je veux dire, c'est prouvé, quoi. Donc, en fait, t'as tellement d'intérêt à te dire, bah oui tiens euh Qu'est-ce que je pourrais faire de ça maintenant que ça m'arrive, de cette expérience détestable ? Comment je peux m'en sortir avec ça ? À ma mesure et à ma manière. Et en fait, t'as pas besoin de... Comme je disais tout à l'heure, t'as pas besoin de tout comprendre. T'as pas besoin d'être tout de suite dans le... Ça y est, j'ai capté. Je suis allée hyper fort, hyper vite. C'est vraiment se mettre sur le chemin. Finalement, quand tu te dis à ton corps, OK, je crois que je comprends que t'as un truc à me dire, viens, on avance ensemble. Ça fait déjà du différent. C'est vraiment... t'es plus dans le rejet de toi-même, t'es plus dans le déni, t'es plus dans tout ça, t'es dans quelque chose où t'es... Tu commences à te réaligner. Donc après, tout suit son cours et ça va plus ou moins vite, plus ou moins lentement, on s'en fout en fait, dès lors que juste tu reprends possession de toi-même et à tes degrés à toi et à ta vitesse à toi et c'est ça qui est génial. Donc ouais, c'est pas tant une injonction, c'est plus, est-ce que tu te reconnais là-dedans et si tu te reconnais, c'est super cool. cool parce que ça aura pu t'aider. Ça aura pu t'aider.

  • Adeline

    Voilà. C'est ça que je trouve intéressant dans ta posture. C'est en fait le fait que tu as trouvé un récit avec lequel tu te sentais à l'aise. Peut-être que scientifiquement, ce n'est pas 100% vérifié, ce dont on parle. Mais que c'est ce qui te permet d'avancer. Et là, tu viens de mentionner que tu avais un rapport quand même qui était plutôt apaisé avec ce qui s'est passé. Et quand on avait échangé il y a quelque temps, tu avais dit "Je toise ma maladie et je l'écoute, je vais faire en sorte que tu t'en ailles, tu n'auras plus besoin de revenir". Et je trouve que c'est très doux, en fait, cette manière de te parler, de parler à ta maladie, où tu lui donnes une existence propre, mais qui est liée à toi, mais tu la détestes pas, tu te bats pas contre, tu mets plutôt en place les conditions pour aller de l'avant et qu'elles se représentent pas.

  • Giulietta

    C'est ça, parce qu'en fait, si tu commences à être dans la haine du cancer, il y a beaucoup de gens qui sont comme ça, « Ouais, on va le battre et tout, on va le détruire. » Mais non, c'est des bouts de toit que tu vas détruire. Non, c'est pas ça. Non, non, c'est genre "Ok, t'es là, t'es là pour me dire un truc". Et c'était un des nombreux soignants que j'avais qui m'avait dit, « Ouais, toi, là, comme un adversaire d'une partie d'échecs complexe, t'as quelqu'un devant toi que tu dois respecter parce qu'il est là pour une raison. Enfin, voilà, tu dois le respecter comme un adversaire. » Par contre... tu vas gentiment lui dire de dégager parce que c'est toi qui vas gagner à la fin. Donc genre "Ok, je t'entends, vas-y, montre-moi ton jeu, mais par contre, salut, c'est quand même moi qui vais rester". Et donc, c'est cette notion de le regarder comme ça et de ne pas être dans la haine. On ne peut pas être dans la haine de soi parce que sinon, c'est trop bête. Et puis, on ne s'aide pas soi-même en étant comme ça. Mais en fait, c'est un peu de la volonté, c'est d'être ferme. Mais pas dans la haine, c'est un petit peu le truc un peu délicat de pas lui en vouloir d'être là en fait ce cancer parce qu'il a un truc à te dire voilà. En même temps, moi je le voyais presque comme un truc genre "Non mais je suis ok pour repartir en fait là. Je suis venu parce que tu vois tu m'as pas laissé le choix". Tu vois, je l'imaginais me parler comme ça : "Tu m'as pas laissé le choix cocotte là franchement tu faisais juste n'importe quoi Donc bon, t'as compris. Ok, c'est bon, allez, je repars. C'est bon, j'ai capté, tu vois". C'était... C'est pas... Si la vie avait voulu que je meure, j'aurais eu une attaque. Voilà, c'est ce que je dis dans mon livre aussi. J'aurais eu un truc foudrayant, en fait. C'était pas la fin de ma vie qui arrivait. C'était le début d'une nouvelle, tu vois. Mais bon, peut-être que si... Après, je peux pas dire. J'allais dire, c'est peut-être que j'avais continué à tourner en rond dans mes histoires. Est-ce que j'aurais guéri ? On sait pas, en fait parce que comme tu dis, ce n'est pas scientifique tout ça, on ne peut pas affirmer. Et puis moi, j'ai aussi une amie très chère, Olivia, qui s'est mise dans le même process que moi et qui, elle, a eu une rechute. Et pourquoi ? Elle continue de se dire, j'ai encore des trucs à travailler, effectivement. Et puis elle continue de creuser très, très loin sur plein de choses. Donc peut-être, peut-être pas. Mais en tout cas, ce qui est admirable chez elle, elle reste dans ce mental de... Mais j'ai un truc à apprendre de tout ça. Un jour, ça va aller mieux. Et moi, je suis convaincue qu'effectivement, ça ira mieux. Mais quand je lui ai dit qu'elle retombait malade, j'ai dit "Putain, moi, j'ai rien. et elle, oui". Et on était dans le même bateau de prise de conscience. Donc, c'est pour ça que jamais je n'affirmerais « c'est bon, tu auras tout gagné » . Juste, tu gagnes une qualité de vie, tu gagnes un mental, tu gagnes de mieux vivre tes soins, mieux vivre tout ça. Et ça, c'est déjà énorme, en fait. C'est vraiment super, ne serait-ce qu'à cet égard-là, en fait. Parce que sinon, c'est la dépression assurée, en fait. Donc, on ne peut pas se laisser aller comme ça. C'est trop difficile.

  • Adeline

    Je suis entièrement d'accord avec toi. Du coup, on n'a pas du tout le même type de maladie. Moi, la mienne, elle sera là pour la vie. C'est une sclérose en plaques. Et en fait, la posture que j'ai vis-à-vis d'elle et qui m'aide à avancer, c'est de me dire que c'est une partie dysfonctionnelle de moi. Donc, je sais qu'elle ne fonctionne pas. Elle fait partie de moi. Et en fait, quand elle se manifeste, c'est juste que je dois lever le pied, prendre soin d'elle pour mieux repartir ensuite. Mais du coup, effectivement, pareil, je ne pense pas que mon neurologue validerait cette interprétation et qu'il me dirait « mais bien sûr, vous avez raison » . Mais en attendant, c'est moi ce qui me permet d'avancer et de laisser la place à des possibles rechutes, à des possibles nouvelles poussées et à les accepter et aussi à prendre soin de moi sans m'en vouloir, sans me battre contre elles.

  • Giulietta

    Et c'est chouette parce que tu te désidentifies de ta maladie aussi. tu la vois comme une entité avec laquelle tu peux être dans l'empathie, dans la douceur. Elle a un truc à te dire, elle crie de temps en temps parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas, comme ton bébé intérieur. Et c'est pas mal, parce que oui, tu composes avec. C'est pareil, tu n'essaies pas de lutter à tout prix. Mais après, peut-être aller regarder pourquoi cette petite entité, elle est là, c'est un très long chemin. Et à partir du moment où tu es sur ce chemin d'essayer d'écouter, c'est pareil, je pense que c'est la voie pour que ça soit peut-être de plus en plus ténu, un peu moins envahissant. Je ne sais pas, est-ce que tu as vu une différence si tu es déjà sur ce chemin-là et est-ce que tu vois une différence par rapport à ta maladie ? Est-ce que ça revient moins souvent ? Est-ce que c'est intéressant ça quand même ? Oui,

  • Adeline

    à fond. Depuis que j'avais mal aux yeux. parce que j'ai une poussée sur mon oeil gauche et j'avais mal à l'oeil quand je stressais très fort et c'est plus arrivé depuis 7 ou 8 ans depuis que justement je m'écoute plus donc oui pareil, il n'y a rien de scientifique ou quoi que ce soit mais en tout cas ça a permis de changer mon rapport aux choses et tu mentionnais le fait de se désidentifier. Il y a souvent une dichotomie dont on parle entre se décrire comme étant malade et se décrire comme ayant une maladie. Donc là, la posture que tu as, c'est de dire que tu as eu un cancer. Est-ce qu'à un moment de ton parcours, tu t'es décrite comme étant malade et comme si la maladie te décrivait ?

  • Giulietta

    Tu me poses une colle, je ne crois pas. Je crois que j'ai toujours dit que j'avais un cancer. Est-ce que tu disais que j'étais malade ? Je ne devais jamais prononcer cette phrase, je suis malade ou je ne sais pas. Non, oui, je cohabitais avec un truc. Je cohabitais avec un cancer que j'allais bientôt mettre dehors. C'était mon coloc envahissant. Et je crois que ça ne m'a jamais vraiment définie. Non, je ne voulais pas me définir par ça. Je voulais plus me définir par ma pugnacité et par ma capacité à aller de l'avant à partir de ça. Mais ouais, c'était... Je n'avais pas trop envie d'être dans la plainte. C'est peut-être pour ça aussi que je tenais ce blog où j'essayais de mettre de l'humour et tout, parce que je ne voulais pas être dans le pathos. Je n'avais pas envie d'être... Et puis, pareil, c'est mon amie Olivia dont je parlais. Je l'ai connue pendant le cancer et elle était un peu plus avancée que moi. Elle était déjà en radiothérapie quand je finissais ma chimio. Et ce qui m'avait marquée chez Olivia, c'est qu'elle n'avait jamais porté de bonnet de chimio, de perruque. Elle avait toujours été tête nue et pareil, en fait, c'était mon erreur d'indiquer "non mais ok j'ai une maladie mais c'est bon là, je suis pas faible regarde" et d'oser comme ça se sortir la tête nue et que les gens te regardent et oh mon dieu, c'est pas grave tu mets du rouge à lèvres, tu mets des grosses boucles d'oreilles et t'y vas quand même et ça c'était c'était un truc dur. J'aurais pas réussi au début : elle m'a beaucoup inspirée et c'est pareil c'était mais... arrêter de détourner le regard, en fait, c'est pas contagieux. Et puis, en fait, il y a moyen de... Voilà, en fait, on est plutôt... On est forte, on est combative et c'est plutôt admirable, quoi. Et du coup, ouais, c'est ça. Et peut-être se complaire trop dans le côté "Je suis malade", c'est un peu trop, pour moi, en tout cas, c'était un peu trop me laisser aller à quelque chose qui n'allait pas me tirer vers le haut. C'est-à-dire que quand je dis tirer vers le haut, c'était vraiment tirer vers... des bonnes sensations pour que je puisse tenir le choc malgré tout, parce que le corps trinque de fou quand même. Et donc, j'avais plein de moments de découragement et plein de moments très durs. Donc, tu as besoin de garder ce mental un peu fort. Sinon, tu t'effondres complètement parce que du coup, tu ne peux pas supporter et l'injustice, et en plus après les traitements, les effets secondaires et tout, ça fait trop. Donc, il faut... Il faut garder une forme de niaque comme ça, et un peu rock, un peu rebelle. Est-ce que ça m'a aidée encore une fois ?

  • Adeline

    Oui, je suis assez d'accord avec toi. Un de mes points, je pense que j'étais en colère contre ma maladie pendant longtemps, ça a été de me dire qu'en fait, on est sur le même bateau. On est dans le même corps, on partage le même espace. Et comment est-ce qu'on apprend à vivre ensemble ? Parce qu'a priori, on va vivre ensemble, etc. Comment est-ce qu'on cohabite d'une manière où on respecte nos espaces respectifs ? Du coup, moi, je l'écoute et je lui laisse de la place. Mais je suis entièrement d'accord avec toi.

  • Giulietta

    Mais tu sais, quelque part, c'est marrant. J'y pense là parce qu'on en parle. C'est comme s'il était encore là quelque part, le cancer. Il n'est plus dans mon corps. Tout va très bien. Mais genre, je pense à lui : "Je ne t'oublie pas. Je sais que tu es arrivé. Donc, je fais gaffe. T'inquiète. Je fais gaffe. J'ai compris ce que tu m'avais dit. Et je t'ai toujours dans la tête. Et je ne fais pas... Je ne fais pas comme si je pouvais reprendre les choses exactement où elles étaient avant. Je fais attention à moi, je fais attention à toi, je te guette un peu". Et du coup, oui, c'est encore un peu cohabiter avec ce souvenir-là et ne pas ignorer que ça a été et qu'il faut faire attention. Il faut faire attention médicalement. Je fais tous les suivis, je suis au taquet, je peux pas faire plus que ce que je fais. Et faire attention à sa santé mentale aussi et à ce que j'ai réussi à gagner en authenticité et en vérité sur moi, de le maintenir et de continuer ce travail. Je laisse une thune folle chez la psy. Franchement, il y a des fois où je me dis, quand même, si je gardais tout cet argent pour autre chose. Mais en fait, non, ça fait complètement partie de ma vie et c'est primordial pour moi aujourd'hui de mettre de l'argent là-dedans parce que c'est investir sur ma santé au sens large. C'est holistique en fait. C'est primordial pour moi. Je n'hésite plus du tout sur ces choses-là. Je complète avec des petits, je vais chez l'ostéo, je fais des massages, la réflexe au plantaire, des trucs qui font du bien. Mais en fait, quand tu as un bon thérapeute et qu'il te fait avancer, qu'il ne te ménage pas et avec qui tu peux vraiment travailler à fond, c'est cadeau. Et il faut se l'offrir. C'est le meilleur cadeau que tu puisses te faire.

  • Adeline

    Ce que j'allais te dire, c'est le meilleur investissement que tu puisses réaliser.

  • Giulietta

    Ouais, carrément.

  • Adeline

    Et bien, justement, ça m'amène à ma dernière question. Est-ce qu'il y a des choses que tu aimerais partager avec des personnes, justement, qui s'apprêtent à entamer ce travail d'introspection et qui ne savent pas trop par quel bout commencer ?

  • Giulietta

    Il faut tirer la pelote comme ça vient, en fait. Moi, j'ai, je ne sais pas, se dire, tiens, aller dans une bibliothèque ou une librairie, regarder des bouquins. Puis quand on est attiré par un bouquin, commencer par là, regarder des podcasts, des vidéos. En fait, ton instinct est bien fait, tout est bien fait, et tu vas être attiré instinctivement par quelque chose qui va t'aider à cheminer. Il y a des livres sur les mots de l'âme, les mots du corps qui sont les reflets de l'âme, etc. Il y a plein de trucs comme ça, on peut commencer avec ça. Essayer de demander autour de soi "Tiens, toi, t'as pas quelqu'un ? tu connais pas quelqu'un qui pourrait m'aider ? t'as pas un thérapeute machin tu peux commencer aussi par la détente du corps ?". En fait, je crois que quand on commence à ouvrir les vannes et à se dire "J'ai quelque chose à comprendre de cette maladie", bizarrement t'as les infos qui t'arrivent en fait un peu comme par magie parce que je pense que tu es perméable à autre chose et qu'un truc va retenir ton attention. Moi, des fois encore maintenant, je suis abonnée à plein de podcasts et puis je prends ma voiture des fois et puis je me dis tiens lesquelles j'écoute et puis... Je tombe sur un épisode où le titre, ça n'a pas l'air. Mais en fait, quand j'écoute, je fais, c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre en ce moment. Mais c'est fou, ce n'était pas annoncé dans le titre. Et comment ça, c'est dingue que j'entende ça maintenant. Ou bien, tu as des amis aussi qui vont t'envoyer des trucs. Des amis qui sont un peu connectés à toi, de façon complètement inexplicable, et qui vont t'envoyer une petite vidéo, un petit machin. Et tu vas te dire "C'est exactement ce que j'avais besoin de découvrir". Et voilà. Et du coup, commencer à cheminer, lire des trucs, lire, écouter, regarder, investiguer, se faire aider, pourquoi pas, par des thérapeutes, comme on a envie. Psychologue, c'est vraiment le top. Psychologue, psychothérapeute, c'est vraiment au top. Mais si on est réceptif à d'autres choses, pourquoi pas essayer d'autres choses, toujours dans un réseau de confiance. Je sais que, de plus en plus, il y a des centres de médecine intégrative qui ouvrent. Vous pouvez vous renseigner dans vos villes. Il y en a un qui va ouvrir dans ma ville à Besançon et je suis impliquée dans le projet. Donc, c'est des centres qui travaillent en partenariat avec le CHU et où il y a plein de thérapeutes très sérieux. Mais ça peut être même le yoga du rire, des trucs comme ça. Mais c'est des thérapeutes qui sont sélectionnés, etc. Et du coup, c'est en confiance qu'on peut aller les consulter. Et puis, je sais que pour mon corps, le Shiatsu m'avait beaucoup aidée aussi. C'était pour l'aspect physique, pour aider les organes. Il y a plein de trucs à faire, mais c'est en fonction de sa sensibilité personnelle et de ce en quoi on croit. Mais déjà, en passant par les lectures, les podcasts, et puis les échanges avec des gens, des personnes aussi, qui peuvent vous nourrir, des gens de votre famille, des gens qui sont passés par là et avec qui vous allez échanger et qui ne vous auront peut-être jamais raconté des trucs, alors qu'ils ont eu aussi des grosses prises de conscience. Il ne faut pas hésiter à ouvrir la discussion. et moi je sais que quand on ouvre les vannes ça arrive tout seul c'est le premier pas en fait de s'autoriser à se dire juste s'autoriser à se dire ça j'ai passé cette maladie par hasard et je vais essayer de comprendre pourquoi juste s'autoriser ça après le reste ça

  • Adeline

    arrive un peu de soi même ok trop bien moi je suis arrivée au bout de mes questions et on est quasiment arrivée au bout du temps en partie est-ce qu'il y a quelque chose que tu voudrais ajouter ?

  • Giulietta

    Non, non, non. C'est chouette parce que j'ai raconté des trucs que je racontais un peu moins dans d'autres émissions, donc c'est bien cool. Je ne parle pas forcément toujours de tous ces trucs alternatifs qui peuvent sembler un peu perché. Mais en fait, ça a vraiment fait grandement partie. Alors, toujours, ce que je peux dire quand même, c'est que là, on parle de tous ces trucs alternatifs mais qu'à aucun moment, on ne m'a conseillé d'arrêter mes traitements. C'est hyper important de continuer à suivre ce que les médecins nous disent. Moi, il n'y a pas... personne qui a essayé de me faire croire que oui, on va te guérir par les plantes et tout. Voilà, les charnatans, il y en a peut-être quelques-uns, mais en fait, il n'y en a pas tant. Et il faut toujours savoir raison garder. Il faut toujours dire à un moment donné, il y a un cancer, il faut éteindre le feu. Et donc, il faut faire les traitements médicaux. Voilà, c'est tout. C'est ça qui te sauve. Et après, tu peux te sauver aussi toi-même, continuer à te sauver toi-même en travaillant sur toi. Mais c'est vraiment ce duo, en fait, médical et holistique. quelque part qui fait que ça fait un bon combo mais ne jamais se laisser raconter que ça suffirait de travailler sur soi, non pas du tout mais c'est un super complément et c'est un super complément aussi pour supporter les traitements aussi, clairement vraiment parfait,

  • Adeline

    merci pour ce mot de la fin

  • Giulietta

    Merci à toi, c'était un très bon moment. Oui,

  • Adeline

    moi aussi je suis contente.

Description

À quoi ça ressemble une introspection suite à l’annonce d’un cancer du sein triple négatif ?

Adeline, auteure de "Mon cancer, quelle chance ?", partage son parcours avec un cancer du sein triple négatif diagnostiqué en mai 2020. À 37 ans, cette consultante en communication se retrouve face à une maladie particulièrement agressive qui va transformer sa vision de la vie. Dans cet épisode, Adeline raconte comment elle a vécu une année de traitements intensifs : quatre mois de chimiothérapie, deux opérations, 33 séances de radiothérapie et un traitement complémentaire par voie orale. Mais le coeur de son témoignage, c'est l'approche qu'elle a développée pendant cette période. Convaincue que son corps lui envoyait un message, elle entreprend ce qu'elle appelle une "enquête" sur elle-même. À travers un travail d'introspection approfondi, elle explore les déséquilibres qui ont pu contribuer à sa maladie : perfectionnisme, stress chronique, difficultés à poser ses limites professionnelles et personnelles. Adeline explique comment elle a mobilisé différentes ressources : suivi psychologique classique, thérapies alternatives, lectures, podcasts. Elle détaille son processus de questionnement : "Est-ce que je fais vraiment ça pour moi ? Est-ce que ça part d'un élan authentique ?" Son témoignage aborde aussi la reconstruction post-cancer. Comment reprendre le travail différemment, apprendre à écouter les signaux de son corps, maintenir l'authenticité gagnée pendant la maladie. Elle parle de cette sensation étrange : se souvenir plus intensément de sa vie depuis le cancer que de celle d'avant, comme si elle avait enfin commencé à vraiment vivre. L'épisode explore des questions délicates : peut-on voir sa maladie comme une opportunité de croissance sans culpabiliser ? Comment concilier médecine conventionnelle et approches complémentaires ? Quelle responsabilité avons-nous dans ce qui nous arrive ? Adeline donne des conseils concrets pour ceux qui souhaiteraient entamer un travail similaire : commencer par des lectures qui nous attirent, chercher des thérapeutes de confiance, oser les conversations profondes avec ses proches. Elle insiste sur un point essentiel : ce travail sur soi ne remplace jamais les traitements médicaux conventionnels, mais peut les compléter efficacement. Son message n'est pas prescriptif mais offre une perspective différente sur l'expérience de la maladie.


💜 lanomalie est un podcast auto-produit, dont l’objectif est d’ouvrir de façon bienveillante la discussion sur la maladie et le handicap. Vous pouvez le suivre sur Instagram : @lanomalie.media.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Hello Adeline, je suis ravie de commencer la deuxième saison de lanomalie avec toi.

  • Adeline

    Salut Giulietta, je suis ravie aussi.

  • Giulietta

    Trop bien. Pour mettre un peu de contexte avant de commencer, c'est ton attachée de presse, Adeline, qui m'a contactée en lien avec ton livre « Mon cancer, quelle chance » , dans lequel tu reviens sur ton parcours après avoir appris que tu étais atteinte d'un cancer du sein triple négatif. Tu apporteras sans doute plus de précisions que ce que je vais faire là, mais juste pour expliquer brièvement ce qu'est un cancer du sein triple négatif. Il s'agit d'un cancer particulièrement agressif et qui ne répond pas aux thérapies qui sont habituellement employées pour traiter le cancer du sein. Ce qui m'a marquée dans ton travail et ce qui m'a fait ressentir une certaine proximité avec toi, c'est que tu as réalisé un long travail d'introspection pour créer ce que je qualifierais de "récit autour de ta maladie", pour essayer de la comprendre. Tu as analysé la personne que tu étais jusqu'à ce qu'on pose un diagnostic, ce que cette maladie pouvait dire de toi à l'époque, et tu t'es longuement demandé que faire pour qu'elle ne revienne surtout pas. Pour faire très simple, et je vais te laisser dérouler avec beaucoup plus de nuances que tout ça, la manière dont tu présentes les choses, c'est que ton cancer a mis le doigt sur des déséquilibres et une vie qui ne te correspondait pas tout à fait. Et ce qui m'intéresse, et ce que je voudrais étudier avec toi au cours de cet enregistrement, c'est comment ce travail d'introspection t'a permis d'aller de l'avant. et d'avoir un rapport avec ta maladie et cette expérience avec laquelle tu te sens à l'aise. Est-ce que tout est bon pour toi ?

  • Adeline

    Oui, c'est parfait.

  • Giulietta

    Alors, pour initier la discussion, je mets toujours un point d'honneur, bien évidemment, à ce que les invités se présentent, afin que les auditeurs puissent mieux les connaître. Du coup, Adeline, comment est-ce que tu te présentes ?

  • Adeline

    Comment est-ce que je me présente ? Alors, j'ai 42 ans, je suis la maman... Solo, la moitié du temps, d'un petit garçon de 11 ans. Et dans ma vie professionnelle, j'écris beaucoup. Donc évidemment, j'écris des livres. Celui-ci étant mon premier, j'espère vraiment pouvoir faire émerger un deuxième. Et j'écris aussi pour des clients, des entreprises ou des dirigeants. Je les aide à mettre en mots. leurs stratégies, leurs ambitions. Et puis du coup, je fais aussi ce qu'on appelle du consulting. Forcément, un peu de conseil stratégique autour de tout ça. Donc, c'est vraiment mon quotidien. Quand je suis tombée malade, cette vie-là, c'est une vie que j'ai en tant qu'indépendante. Je l'ai eue quasiment toute ma vie professionnelle. J'ai été à mon compte des années et des années. Mais j'avais fait une petite parenthèse vers le salariat juste avant de tomber malade, où j'ai été responsable de la communication pour un groupe d'école d'ingénieurs. Donc voilà, ça c'est ma vie pro et ma vie perso. J'ai un amoureux qui habite à Strasbourg, moi-même j'habite à Besançon, j'adore aussi travailler à Paris, donc j'ai un peu une vie supranomade qui est un peu fatigante, mais en fait des fois je me plains, mais finalement c'est que j'en veux bien de tout ça. Et donc je suis toujours avec ma valise et mon ordi sur le dos et à travailler un peu où je veux. Je suis vraiment une grande nomade professionnelle. Mais bon, je crois que tu sais aussi un petit peu ce que c'est que ce nomadisme de boulot.

  • Giulietta

    Oui, tout à fait.

  • Adeline

    Voilà. Donc voilà comment je peux me présenter, à peu près.

  • Giulietta

    Ok, très chouette. Tu te décris beaucoup par le faire, tout ce que tu fais, l'action.

  • Adeline

    J'avoue que c'est un peu mon travers. Je suis très très dans l'action. C'est peut-être aussi ce qui a pu me... porter préjudice à une époque. Mais c'est vrai qu'après, oui, on peut se décrire par qui l'on est. Je trouve que ça se découvre plus quand tu échanges. Il y a des choses qui se perçoivent aussi dans le ton de la voix, dans la façon de faire. C'est toujours difficile de dire je suis quelqu'un comme ci, comme ça. Mais c'est sûr que oui, je suis assez active et j'ai toujours plein de projets en tête. Mais après... j'en avais déjà beaucoup avant d'être malade, mais ça partait pas forcément du bon endroit, on y reviendra. Mais aujourd'hui, ça part vraiment du bon endroit, ça part vraiment de mon ventre, et puis je fais très attention aussi à pas me submerger non plus. C'est que j'ai une notion, j'ai envie de faire plein de choses, mais je sais aussi me dire, voilà, vas-y mollo, c'est ok. Mais j'ai un appétit assez vorace et féroce pour les projets, ça c'est sûr.

  • Giulietta

    On reviendra là-dessus juste après. Tu as évoqué très brièvement ta maladie. Est-ce que tu peux expliquer un petit peu comment elle est arrivée dans ta vie et ton parcours avec ton cancer du sein ?

  • Adeline

    Alors, ça est arrivé dans une période un peu trouble parce que moi, j'ai perdu ma maman d'un cancer du sein. En 2018, d'un cancer du sein. Après, il s'est un peu répandu partout. Fin 2018. Et dans la foulée de ça, j'ai quitté le père de mon fils. Une première fois, je dirais, parce que finalement, vouloir gérer une rupture plus le deuil de ma mère, c'était beaucoup trop difficile. Donc, du coup, je me suis remise avec lui fin 2019. Et après, on arrive début 2020, juste avant le confinement. Et puis, en fait, ça ne se passait pas si bien que ça, la nouvelle cohabitation. Et donc, j'étais encore dans le deuil de ma mère, mais que j'avais un peu... À nouveau, j'avais été très dans l'action pour pouvoir gérer ce deuil. Je ne m'autorisais pas à être vraiment triste. Donc, je gérais énormément de choses liées à sa succession. Et donc, j'étais à fond, à fond, à fond. J'avais lancé moi-même un podcast parce que j'étais comme si j'avais que ça à faire en parallèle de mon boulot. Et donc, j'étais à bloc comme ça. Et puis, est arrivé le confinement. Et là, ça a été très dur, très, très dur pour moi psychologiquement. J'ai eu très peur déjà d'être... enfermée avec quelqu'un avec qui ça se passait pas si bien que ça, d'être avec mon fils H24 qui à l'époque n'avait que 6 ans et je me disais "Mais comment je vais faire pour pouvoir gérer ça ?" et je venais de prendre du coup ce job de salarié. ça faisait genre 3 mois et puis à une nuit je me suis réveillée et j'ai senti un pincement sous l'aisselle mais j'ai pas capté tout de suite ce que c'était. Puis, le lendemain, je suis allée me balader et puis à nouveau ça m'a fait comme une décharge électrique et là j'ai mis ma main et j'ai senti une boule très dure. C'était vraiment sous l'aisselle, ce n'était pas au niveau du sein. J'ai blémi, mais je me suis dit "Ce n'est pas grave, ça doit être un kyste, ça va aller". Et en fait, j'ai quand même pris rendez-vous tout de suite chez ma généraliste. Mais elle, elle a vu la masse sous l'aisselle, mais elle a surtout vu que j'avais quelque chose dans le sein qui était assez gros, ce que je ne m'étais pas autorisée à regarder. Et donc finalement, elle m'a envoyée en échographie, mammographie, et il s'est avéré que j'avais une tumeur qui faisait déjà 3 cm dans le sein. Et que ce que j'avais senti, moi, comme décharge électrique, c'était un ganglion lymphatique qui était infecté et qui donc gonflait sous l'effet de la maladie, en fait, puisque les ganglions, finalement, essaient de faire barrière. Mais au bout d'un moment, ça se répand, ça se répand. Et puis, c'est pour ça qu'on les retire, d'ailleurs, en général, quand on opère les patientes. Donc, je suis très, très vite rentrée. Ça, c'était... J'ai senti la boule en avril. Début mai, je savais que j'avais un cancer. Et après, en juin, j'étais en chimio, quoi. Ça, s'est vraiment... enchaîné très vite.

  • Giulietta

    Et ça a duré combien de temps ton parcours de soins ?

  • Adeline

    Ça a duré une bonne année parce que j'ai quand même repris le travail, c'était donc du coup, on va dire vraiment diagnostic mai 2020, j'ai repris le travail en avril 2021, mais à mi-temps seulement, et j'avais encore un traitement médicamenteux. En fait, en gros, j'ai fait d'abord 4 mois de chimio, après j'ai eu 2 opérations. Je devais n'en avoir qu'une, mais ils ont fait la deuxième parce que des fois, ils ne prennent pas une zone de sécurité suffisamment importante. Donc, ils recommencent. Ça, c'est le coup de pas de bol. Après, j'ai fait 33 séances de radiothérapie. Ça, ça représentait à peu près un mois et demi, deux mois à l'hôpital tous les jours. Et puis du coup, on m'a redonné de la chimio par voie orale, un médicament à prendre chez soi qui a moins d'effet quand même que la chimio. C'est-à-dire qu'on ne perd pas nos cheveux. C'est plus soft, mais quand même il y a des effets pas très cools, mais c'est compatible avec la vie de tous les jours. On ne m'avait pas prévenu à la base que j'allais prendre ça, mais c'était une manière d'enfoncer le clou pour l'oncologue. C'était une chance quelque part, avec des avancées très récentes. Le cancer triple négatif étant quelque chose d'assez compliqué à soigner, on saisit toutes les opportunités de te donner un maximum de traitement pour que ton taux de guérison soit supra optimiste et le plus élevé possible. Et avec ce traitement-là, ça augmentait à, je ne sais plus, c'était beaucoup. Je vais peut-être dire une bêtise, mais c'était peut-être pas loin de 80%. C'était vraiment impressionnant. Donc, ça valait le coup, même si je ne l'ai pas super bien vécu au départ. Bon, voilà. Après, j'étais quand même contente de le prendre. Et donc, je crois que j'ai pris mon dernier cachet fin juin 2021. Voilà. Donc, une bonne année.

  • Giulietta

    Ok, intense. Et en parallèle, tu écrivais, tu avais un blog où tu racontais.

  • Adeline

    Et j'écrivais,j'avais un blog. Il y a eu un premier besoin, c'est d'oser sortir du bois et de dire à tout le monde sur Facebook "Coucou, en fait, j'ai un cancer" parce que tu gardes ça un peu pour toi. Il y a des gens qui n'aiment pas du tout en parler ; moi, j'avais besoin quand même que ça soit dit. Et je ne voulais pas juste le dire comme ça. Je me suis dit "Tiens, je vais raconter ce qui se passe". Puisque j'ai ce talent d'écriture, c'est naturel pour moi. Et j'avais besoin d'exorciser aussi ce qui se passait. Parce qu'il y avait des journées très dures, mais il y avait aussi des journées où finalement, je riais jaune. Il y avait vraiment moyen de se marrer. Tellement la situation était vraiment du rire acide. Mais quand même, tu pouvais mettre de l'humour dans tout ce qui se passait. Et je trouvais ça chouette de pouvoir le faire. Je trouvais ça chouette d'être dans la vérité de ce qui se passait au quotidien. sans tout dramatiser et tout, et mettre du pathos partout, tu vois. Et puis, au final, j'ai pas mal de gens que je connaissais. Il y a des gens que je ne connaissais pas qui me lisaient aussi, mais toutes mes copines, notamment, lisaient le blog, étaient abonnées, pour avoir tous les jours la petite newsletter quotidienne en recevant mon article et en prenant la température, finalement, de comment elle se sent. Et du coup, j'ai eu toute une vague de soutien moral par plein de gens, du coup, qui lisaient. De belles surprises en fait. Moi ça m'a fait beaucoup de bien de mobiliser comme ça cette communauté de personnes autour de ça et puis c'était un petit rendez-vous, ça me permettait de tenir aussi je pense quelque chose. Voilà, j'étais pas totalement désolée même si on parlait : j'ai entamé un très gros cheminement intérieur. ça a été aussi une grosse mission, c'était un truc un peu plus léger et qui me... qui me laissait connectée aussi à la vie réelle. Écrire un blog, c'est un peu continuer à être dans le game. C'était peut-être un peu ça.

  • Giulietta

    Oui, carrément. Et pour revenir justement sur ce travail de cheminement intérieur, lorsqu'on s'est appelées il y a un mois, tu m'as dit que tu t'étais lancée dans une forme d'enquête pour comprendre ce que cette maladie disait de toi et de ton rapport aux choses. Et il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit "il y a forcément quelque chose à comprendre. Ton corps, il crie là. Je me suis lancée dans une investigation pour comprendre". Et du coup, comment est-ce que tu as procédé pour réaliser cette enquête ? Qu'est-ce qui t'a motivée à le faire ? Et qu'est-ce que tu voulais comprendre ?

  • Adeline

    J'ai toujours été très sensible à ce principe qui est que notre corps nous dit quelque chose. Ma mère, qui était passée par là avant, était déjà beaucoup là-dedans. Je n'avais pas toujours les clés de lecture pour tout, mais je sais que je surveillais quand même un peu mes petits bobos, mes petits machins, même si en fait, je n'avais pas assez de clairvoyance réellement pour voir les choses en face parfois. Mais j'avais vraiment cette notion que le corps disait quelque chose. Et très vite, je me suis dit, attends, mais là, le cancer, c'est tes propres cellules qui dégénèrent. Ce n'est pas un truc que tu attrapes, comme plein de maladies auto-immunes et tout. Et tu te dis, à quel moment ton corps décide de se mettre en rébellion contre toi ? C'est quand même impressionnant. alors bien sûr que c'est multifactoriel, bien sûr qu'on peut accuser aussi ce qu'on mange, ce qu'on boit, ok, mais c'est quand même... Pour moi, il y avait quelque chose à aller creuser aussi, de l'ordre du... Et si mon fonctionnement jusqu'à présent avait conduit, effectivement, mon corps à sonner une alerte hyper forte, pour me dire, ça ne fonctionne pas ce que tu fais, arrête parce que tu es en train de nous pousser à bout, tu es en train d'aller dans une direction qui n'est pas en lien avec ton, on va dire, ton moi intérieur, ton âme, comme on veut l'appeler, en tout cas avec vraiment... ce qui te ressemble et ce qui fait sens pour toi, tu t'éparpilles, t'en fais trop, tu n'es pas connectée, et il faut que ça s'arrête, parce que là, tu cours à la catastrophe. Et donc moi, j'ai vu ça comme finalement, pour moi, ce n'était pas une condamnation à mort, d'avoir un cancer, c'était plutôt une recommandation à vivre plus fort et beaucoup mieux. Et je pense que mon corps m'a envoyé tout un tas d'autres signaux avant que je n'ai pas vraiment compris. pour déjà me dire, me manifester une fatigue latente, un stress beaucoup trop important. Mais je ne le voyais pas trop, j'étais dans un très gros déni. Et donc, il fallait un truc aussi fort qu'un cancer pour me faire arrêter. Et quand j'ai tout arrêté, puisque j'avais ce cancer, ce qui m'a marquée, c'est que je me suis sentie soulagée. Et là, je me suis dit "Comment ça se fait ? Alors que tu étais censée être cette chef d'entreprise accomplie, qui fait un podcast, qui fait ci, qui fait ça, qui est... qui a 8000 activités, qui a l'air de gérer sa vie d'une main de maître, comment ça se fait que tu es soulagée si tout ce que tu faisais, c'était supposé être épanouissant et kiffant ?" Et donc, je me suis dit, est-ce que ça n'était tant que ça ? J'ai commencé déjà par interroger ça et à me rendre compte que finalement, je faisais quand même un petit peu tout pour des mauvaises raisons. Par exemple, répondre d'abord aux injonctions d'autrui parce que j'avais peur qu'il m'abandonne. Donc, être tout le temps tournée vers les autres parce que... Mes blessures d'enfance voulaient ça, que finalement, si je ne fais pas ce que les autres attendent, ils ne vont pas m'aimer et ils vont me laisser tomber. Répondre à des injonctions sociétales, je pouvais aussi imaginer, on attend de moi que je sois ce genre de personne. Je suis une femme, jeune, je suis censée faire des études, réussir, machin, comment ma mère m'avait élevée avec ce culte de la performance et d'aller toujours plus loin, plus fort qui faisait que je cherchais toujours. C'était jamais assez bien ce que je faisais, il y avait tout un tas de choses et puis après j'ai mobilisé un peu des thérapies alternatives. ça peut s'apparenter à de la kinésio ou des soins un peu médiumniques mais là c'était plus pour comprendre : je voulais comprendre le sens du cancer du sein en particulier. Pourquoi le sein ? ça dit quoi de moi ? Ce qui est ressorti, ça peut être un truc assez universel : le sein, c'est l'organe nourricier donc c'est comment tu nourris tu te nourris toi ou à la limite comment tu nourris trop les autres à ton détriment. Et puis, il y avait un lien forcément aussi avec la maternité donc je me suis rendue compte qu'il y avait des choses que ça disait sur ma façon d'être mère, de culpabiliser sans arrêt en ayant la sensation que je ne fais jamais assez, que c'est jamais assez bien, de trop nourrir mais je nourrissais pas dans le bon sens, je nourrissais trop par le faire. Tu disais tout à l'heure, tu te définis beaucoup par l'action. Moi, j'avais l'impression que pour être une super bonne maman, il fallait que je fasse, faire ci, faire ça, faire ça, faire ça. Alors qu'en fait, un des premiers soins énergétiques que j'ai faits, la nana m'a dit, mais tu sais que tu es mère, tu n'as rien à faire d'autre. C'est un peu ça. Et en fait, je me souviens que ça m'avait beaucoup soulagée. Donc voilà, ça a commencé comme ça. Puis, j'ai été accompagnée par une dame qui a un petit peu des dons. Alors, c'était 100% bénévole. vous savez c'est vraiment les... c'est rebouteux de campagne comme on peut avoir en France des gens que tu sais pas expliquer, ils ont des dons de magnétisme des choses comme ça et moi, on m'avait recommandé d'aller chez cette dame en me disant "elle pourra soigner tes brûlures quand tu feras des rayons". En fait, j'y suis allée beaucoup plus tôt : j'y suis allée dès les premiers RDV, dès la chimio et j'ai aucune explication rationnelle à te donner mais cette femme elle a fait des trucs de fou. Elle m'a dit des trucs de fou, elle voyait en moi comme dans un livre et elle me sortait des vérités incroyables parce que Il y a ma mère qui a eu un cancer, il y a ma grand-mère avant. J'étais la troisième génération et elle me dit « Non, mais est-ce que vous vous transmettez de grand-mère en petite-fille ? De toute façon, c'est votre culte de la perfection. Vous cherchez à être parfaite pour être aimée. » Elle ne me connaissait pas. Je ne lui avais rien raconté. C'était tellement vrai, tellement juste. Tous ces gens me faisaient avancer. Je lisais des trucs, j'écoutais des podcasts. Bien sûr, je consultais un psychologue. Évidemment, tu vas aussi voir des choses plus rationnelles. Mais tout ça fait un... un melting pot de choses qui font que ça me permettait, moi, de comprendre ma maladie et ça me mettait dans de l'action aussi. C'était chouette de me dire, je vais comprendre ce que c'est et comme ça, en rémission, je vais agir et on n'y reprendra plus, quelque part. Et je trouve que c'est chouette, ça met dans un bon élan, tu vois, ça met dans un élan d'après, ça te raccroche à quelque chose de très positif pour ta vie ensuite. Et se dire comment je peux faire de cette maladie une chance. C'est pour ça que mon livre s'appelle « Mon cancer, quelle chance ? » plutôt que de juste me plaindre et déplorer ce qui m'arrive parce que oui, c'est hyper injuste. C'est injuste et à la fois peut-être que malgré moi, et ce n'est pas du tout culpabilisant, malgré moi, j'ai créé les conditions de cette maladie parce que je n'ai pas fait exprès, évidemment. Mais il y avait des choses que je faisais qui n'étaient pas super bonnes pour moi. Et qu'il était temps que j'ouvre les yeux pour aller mieux.

  • Giulietta

    Oui, je me reconnais vachement dans ce que tu dis. Tous les deux, on a une maladie où on s'attaque quelque part. Et donc, effectivement, je me reconnais dans ton récit, le fait de se dire "Quels sont les dysfonctionnements qu'il y avait dans ma vie à l'époque et qui ont conduit à ce que mon corps se comporte de la sorte ?" Alors, ça ne veut pas dire qu'il y a un lien de cause à effet établi, mais malgré tout, ça a pu contribuer. Et du coup, comment est-ce que tu décrirais les changements qui se sont impulsés petit à petit en toi suite à cette prise de conscience ?

  • Adeline

    Alors, j'ai commencé à être plus douce avec moi-même. Déjà, j'ai aussi interrogé tout ce que je faisais. J'ai pris chaque action et en me disant, je passais tout au tamis de "Est-ce que tu le fais vraiment pour toi ? Est-ce qu'il y a un vrai élan authentique ? Est-ce que tu le fais pas pour paraître comme si ou pour plaire à Bidule ?" Du coup, c'était un vrai questionnement. pour filtrer. Et puis, j'ai dû apprendre. Je ne sais pas, moi, à un moment donné, j'étais tellement... En fait, c'est une double lecture. Donc, il y a le travail sur soi, puis en plus, tu perds tes cheveux. J'avais pris du poids, je ne me ressemblais plus. J'ai toujours été quelqu'un qui plaisait plutôt, moi. J'ai une sorte de don pour connecter avec les gens. J'ai un petit charme naturel, on va dire, tu sais, genre une aisance à communiquer avec autrui qui faisait que les gens me regardent dans les yeux, et sont là, machin, il y a un dialogue, et là d'un coup, t'es chauve, t'es pas bien, on voit bien que t'es cancéreuse, les gens étaient vides quoi. Donc j'ai dû apprendre à être au monde carrément autrement, tu vois, comment tu fais pour exister quand t'es plus dans ce petit rôle de charme avec les gens, et du coup sur quoi tu te bases : tu dois être beaucoup plus dans ton intériorité, ton authenticité, ta vérité, ça s'est joué aussi beaucoup. Donc, c'était comme un oignon appelé, tu vois. C'est-à-dire que j'enlevais des couches et des couches de choses. Et en vrai, quand j'ai terminé mes traitements, je me suis dit « Waouh, j'ai avancé de fou, c'est génial ! » Mais en fait, ce travail, c'était que le début. Maintenant, je peux le dire, ça fait cinq ans. Et bien, c'était que le début. C'est-à-dire que je continue à travailler de fou sur moi, sur mes blessures et tout ça, parce que... Il était nécessaire que j'aie des grosses prises de conscience et que je démarre le chemin. La bonne nouvelle, c'est que quand tu es déjà récompensé de tout ça, quand tu te mets sur le chemin et que tu continues à travailler, tu n'as pas besoin d'avoir tout compris à la fin de ton cancer. Ça reste un chemin. Mais du coup, c'est toujours plus connecté à une vérité, à une authenticité, à faire des choses parce que c'est sincère et ça vivrait pas parce que tu veux... encore une fois, briller fort ou je ne sais quoi. C'est compliqué parce que c'est subtil. Et du coup, je suis toujours en train d'interroger tout ce que je fais à travers ça. Et quand des fois, il y a des obstacles, je me dis, tu es en train de faire un truc, réfléchis deux secondes. Ça bloque. Pourquoi ça bloque ? Est-ce que tu fais vraiment ça parce que ça part d'un élan sincère ou parce que c'est encore un petit peu ton habituel qui revient au galop ? Parce que l'habituel revient toujours au galop. Mais voilà, et puis ce qui a aidé aussi, c'est que je me suis reposée énormément et j'ai remis mon curseur de stress à zéro. Et c'est là que ça m'a permis de voir que je ne me sentais absolument pas stressée avant le cancer. Bien sûr que non, tu vois bien, je gérais tout, tout va bien. Tu parles, en fait, j'étais dans la zone rouge, mais j'étais tellement haut en stress, tellement haut. D'ailleurs, quand j'étais enceinte, justement enceinte en 2014, enfin en 2013, je... J'ai été arrêtée à 5 mois de grossesse parce que j'avais des contractions monstrueuses. Je ne me sentais pas stressée. Pareil, c'est mon corps qui parlait déjà. J'étais stressée, vraiment. En fait, ça a tout remis à zéro. Ça m'a permis à mon corps de me renvoyer les bons signaux. Maintenant, je sens que quand je dépasse mes limites, quand il y a quelque chose qui ne va pas… il y a les tensions qui montent, ça se crispe dans le dos, il y a une mélancolie qui arrive. Donc, c'est génial. C'est cadeau quand tu peux être connecté à tes sensations corporelles. Parce qu'en fait, ton corps te parle tout le temps, même avec le moindre petit signe. Mais sauf que si tu es, comme j'étais avant, tellement haut et que tu bois du café et du café pour tenir et que tu es toujours un peu excité comme ça, en fait, tu ne peux plus l'écouter ton corps. Il n'a plus moyen de te parler. Donc ça, ça a énormément changé. Et la connexion au corps, j'écoute tout ce qui se passe maintenant. Parce qu'en fait, tout est riche d'enseignements. Et il y a encore un mois, j'avais super mal à l'épaule. J'avais l'impression d'avoir une tendinite. Je me disais, mais ça n'a pas de sens. Je ne comprends pas. Et je voyais bien qu'il y avait quelque chose. Donc je cherchais, je cherchais, mais je ne mettais pas le doigt dessus. J'ai eu une conversation délicate avec quelqu'un. J'ai sorti quelque chose qui était important pour moi. Et je me suis rendue compte le lendemain que je n'avais plus mal. C'est vraiment du chaud. C'est vraiment... J'ai eu une discussion le soir, le lendemain matin, je n'avais plus mal, mais je ne me suis pas rendue compte tout de suite. Tu vois, c'est la fin de matinée, je me suis dit, attends, mon épaule, il n'y a plus rien. Et ça reste complètement fou, moi. Pour moi, ça me fascine, en fait. C'est ce pouvoir du corps pour nous envoyer des messages. Je trouve ça totalement dingue.

  • Giulietta

    Oui, c'est marrant. Je te l'ai déjà dit, mais bon, je suis une personne assez anxieuse. Parfois, le biais qu'on peut avoir, c'est de penser que l'anxiété ne veut rien dire, et qu'elle est là, et que ce n'est pas bien, et qu'il faut la combattre. Et en fait, l'anxiété n'est pas toujours là. Elle est là dans certaines situations où on perçoit quelque chose avec lequel on n'est pas à l'aise. C'est ce que tu disais, cette tension dans l'épaule. Et donc, très souvent, on n'est pas habitué à écouter ces signes et à les interpréter, et à se dire qu'il y a peut-être quelque chose qui ne me va pas et qu'il faut que j'adresse. Et donc, on reste avec ce poids sur les épaules pendant longtemps. avant de pouvoir être en mesure d'y apporter une réponse. Et je trouve que très souvent, ça peut paraître un peu ésotérique, ce qu'on est en train de dire toutes les deux, le fait de s'écouter, d'écouter les signaux de notre corps ou quoi que ce soit. Et en fait, le fait de réaliser ces actions-là, ça permet tellement de réduire le niveau de tension, parce que quand on s'écoute, soit on va aller parler à la personne avec laquelle on n'est pas d'accord. Soit on va éviter une situation sur laquelle on ne se sent pas à l'aise, mais en fait, on apporte une réponse plutôt que de se l'imposer. Comment ? Je ne sais pas si ça a été le cas pour toi, mais moi, en tout cas, j'ai réalisé aussi un travail sur moi, etc. Et puis, il y a eu un moment un peu vertigineux où je me suis dit « Oups, j'étais franchement pas bienveillante avec moi et je me suis imposé beaucoup de choses. » Quel est le regard que tu portes sur la personne que tu étais avant ?

  • Adeline

    Oui, c'est vrai que je n'étais pas forcément bienveillante. J'étais très exigeante avec moi-même. Mais je porte quand même un regard assez tendre parce que je ne m'en veux pas du tout. Parce que je sais très bien que je faisais tout ça parce que je n'avais pas d'autre choix. J'étais outillée comme ça. Donc, je reviendrai en arrière. La moitié, il y a dix ans, la trend qui avait pris à pas longtemps, je ne l'ai pas suivie cette trend. Mais si je devais lui parler, j'aurais beaucoup de bienveillance parce que je dirais "Pauvre chaton, là, t'es tellement encore aux prises avec tes blessures racines d'enfance, ton conditionnement familial. Tu peux pas t'en sortir autrement, là. En fait, c'est évident que t'es toujours dans la quête de la perfection, la quête du toujours mieux, la peur qu'on te lâche si tu fais pas tout ça, l'impression qu'effectivement, si tu réponds pas... ". Tu vois, j'étais indépendante pendant 15 ans avant d'être salariée, je peux dire ben c'est le client est roi, tu vois, alors qu'en fait, c'est pas vrai que le client est roi, tu peux aménager aussi les choses, tu vois. Mais donc je me pliais sans arrêt en 8 pour satisfaire, je prenais pas beaucoup de vacances, etc. Et puis, la maternité a fait aussi un petit peu de mal, parce que c'est quand même très pressurisant, ça c'est encore une autre histoire, mais c'est beaucoup, beaucoup de questions qui se posent, c'est une grosse claque dans la face, et puis, du coup, ça a carrément remis une couche sur mon côté "Il faut que je sois une mère parfaite maintenant, en plus d'être une femme parfaite et une professionnelle parfaite et tout". J'étais d'une exigence rare. Je me souviens que le père de mon fils, à l'époque, me le disait, mais il ne me le disait pas avec bienveillance. Il disait "De toute façon, tu mets toujours la barre trop haute". Comme il ne me le disait pas avec bienveillance, ça m'énervait. Je ne l'entendais pas. Je lui disais "Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai ce que tu dis, c'est faux". Mais non, il avait raison en fait mais je pouvais pas, j'étais dans une forme de déni, mais c'était un déni pour me protéger, quoi, en fait, parce que finalement, tout ça, ça fait que j'ai été tellement élevée comme ça. Ma mère, elle l'a pas fait exprès, mais elle m'a toujours un peu portée aux nues, et d'un côté, moi, j'ai un papa qui m'a abandonnée, littéralement, et de l'autre, j'ai une maman qui m'a élevée toute seule, mais qui voulait surtout pas que je sois en galère dans la vie à cause de ça. Et donc, il m'avait un peu portée aux nues, qu'elle voulait que je fasse de grandes choses et qu'elle voulait que je sois combattante dans la vie et tout. Sauf qu'en fait, moi, pour la petite fille que j'étais à l'époque, c'était si tu ne corresponds pas à ces idéaux-là de ta maman, elle ne t'aimera pas. Tu sais, quand on est enfant, on comprend mal. Et donc, d'un côté, j'avais "tu n'es pas digne d'être aimée". Et de l'autre, c'était "si tu n'es pas là-haut, tout là-haut, en fait, on ne t'aimera pas non plus". Donc, tu vois, ça faisait beaucoup. Et donc, finalement, j'ai grandi comme ça, tout le temps à côté de mes pompes, je ne pouvais pas être moi-même. Il fallait que je sois trop, ou alors si j'étais moi-même, c'était de la merde, puisque mon père m'avait abandonné. En fait, c'était horrible. Et donc, j'ai mis des œillères pour pouvoir grandir correctement, et j'ai été un bon petit soldat qui accomplit, qui fait des choses aussi grandes que possible, mais ça n'était jamais assez bien, donc j'étais tout le temps un peu malheureuse. On peut toujours faire mieux. Et puis des fois, je me ratais aussi, parce que voilà. Et du coup, j'ai fait du sport à bon niveau. Quand j'étais plus jeune, je faisais de la gymnastique rythmique, un sport qui est assez exigeant, très exigeant avec le corps en plus. C'est pareil, j'étais toujours trop grosse, je ne faisais jamais les bonnes perfs. Et puis des fois, je faisais des erreurs sous la pression assez énorme. Mais c'était trop dur. Et donc finalement, c'est pour ça qu'il y avait ce soulagement quand j'ai eu le cancer. En fait, je n'en pouvais plus vivre sous cette pression-là. Ce n'était pas moi qui la voulais. C'était pas vraiment moi donc voilà alors je sais plus quelle était ta question initiale. C'est le regard que tu portais sur la personne que tu étais. Voilà, le regard du coup il est assez bienveillant : je pouvais pas faire autrement, c'est pour ça que je me culpabilise jamais en disant "je me suis un peu entre guillemets fabriqué mon cancer". Bien sûr, j'y étais pour rien mais peut-être ça peut contribuer. C'est disons que c'est ma vie toute entière et mon fonctionnement tout entier qui a fabriqué ce cancer mais c'était pas possible. Je devais en passer par là quelque part, ça aurait été peut-être très dur d'ouvrir les yeux parce que quand t'as ce déni aussi fort... Moi, j'étais déjà suivie par des psys et tout mais en fait tu sais le psy quand tu veux pas voir quelque chose, ça marche pas. Il faut être très... et tu vois je rebondis sur ce que tu disais tout à l'heure dans cette écoute du corps et tout ce qui est très dur parce que moi j'essayais déjà de le faire avant le cancer, c'est justement d'être de regarder à l'intérieur de soi et même des parties pas très cool. Parce que des fois, quand tu as cette angoisse, cette anxiété ou cette tension, c'est effectivement en réaction à un événement extérieur, à une personne à qui tu as peut-être besoin de parler et tout. Mais peut-être que tu as besoin de lui parler, mais parce que toi aussi, finalement, ce n'est pas forcément complètement OK ce que tu fais. Une relation, tu sais, c'est toujours à deux. Chacun a 100% de son camembert, quoi. Et ton 100% à toi, peut-être qu'il y a des trucs que tu fais aussi.

  • Giulietta

    et qui sont pas ok pour l'autre personne et que c'est pour ça qu'elle te fait vivre un truc qui est pas cool pour toi et que tu vis cette anxiété donc c'est très dur d'être chez ma psy je prends cher à chaque fois que j'y vais quoi tu vois mais j'adore j'adore ce qu'elle me fait. Aujourd'hui, j'ai cette capacité, je n'ai plus de déni donc je prends tout, je comprends tout aussi et j'enregistre et je fais ouais ouais ouais ouais c'est vrai c'est vrai et je reconnais ma part de responsabilité dans tout ce qui m'arrive et ça ça c'est cadeau aussi quoi. Parce qu'en fait, on est responsable de tout ce qui nous arrive, même quand on a l'impression qu'on ne l'est pas. Ce n'est pas vrai. Et ça m'aide énormément dans mes relations aux autres aujourd'hui. Et je suis tout le temps dans ma relation amoureuse. Tu vois, des fois, je fais des reproches à mon mec. O n s'entend plutôt bien, mais ça peut arriver. Et en même temps, systématiquement, même quand je pars un peu en bris, comme ça, et que je dis un truc méchant, après, je réfléchis toujours sur moi et je fais "Je suis désolée parce que là, tu as dit un truc pas cool, mais tu vois, je crois que moi, j'ai généré à cause de". Et donc, tout le temps, des fois, il me dit "Non, mais t'accable pas non plus, c'est un peu moi qui ai merdé". "Non, mais je t'assure, je t'assure, je pense aussi que, tu vois, j'ai quand même fait ci, j'ai quand même fait ça". Et oui, il faut prendre sa responsabilité parce qu'en fait, ouais, bien y regarder, toi aussi, tu génères des trucs malgré toi, toujours, mais c'est bien d'être clairvoyante et d'avancer. Et ça, ouais, les bons thérapeutes, normalement, t'y aident et t'accompagnent là-dedans.

  • Adeline

    carrément sur la notion de responsabilité Je ne sais pas si tu seras d'accord avec moi, mais j'ai l'impression que très souvent, quand on fonctionne dans un écosystème ou avec une manière d'être particulière, donc toi comme moi, on a l'air assez exigeantes. En fait, vu qu'on n'a pas connu autre chose pendant longtemps, on pense que c'est la norme. Et tout d'un coup, quand il y a un move qui se fait et qu'on réalise qu'on peut maintenir un niveau d'exigence élevé, mais en abordant les choses différemment, en se disant que ce n'est pas la fin du monde, c'est là qu'on se rend compte que pendant tout ce temps, on s'est trompé. Et la responsabilité, je la vois dans le fait où on a accepté des choses, des interactions peut-être avec des clients, des patrons qui n'allaient pas, parce qu'on ne savait pas que ça pouvait être autrement et que ça pouvait être respectueux autrement en respectant, par exemple, notre santé mentale.

  • Giulietta

    C'est ça. Oui, c'est tout à fait juste. Parce qu'en fait, quand tu t'autorises à faire autrement, moi, je me souviens à l'époque, il y avait une maman de l'école qui était aussi à son compte, mais en tant que psychologue. Et elle me disait, mais Adeline, pourquoi tu ne poses pas plus ta limite ? Moi, tu vois, les gens, quand ils veulent bosser avec moi, je leur dis, c'est pas à mon temps. Je disais, ouais, mais nous, c'est la com. Tu vois, tout le monde est toujours pressé. En fait, ce n'était pas vrai parce que j'y arrive aujourd'hui. Quitte à dire non. D'ailleurs, en fait, non, je ne suis pas disponible. Rappelez-moi le mois prochain, mais là, je ne peux pas. C'était une vraie négo, quoi. Parce que tu dis, ils ont autant besoin de toi que toi, tu as besoin d'eux. Ce n'est pas juste... Moi, j'avais l'impression qu'on me faisait l'aumône. Tu es genre "Super, on me donne du travail, merci, du coup, je vais tout faire dans vos conditions à vous parce que vous êtes déjà bien gentil, mon bon seigneur, de me donner de quoi manger". Non, pas du tout, en fait. Et donc, quand tu apprends plus à te respecter, à respecter ton cadre et tes limites, tu as conscience aussi de tes capacités, de tes atouts. Moi, je sais ce que j'apporte à mes clients. Donc, en fait, je sais aussi pourquoi ils veulent travailler avec moi et que donc, ça suppose aussi de respecter un peu mon cadre à moi et que quand ce n'est pas OK, non, ce n'est pas OK, je suis désolée, là, je ne peux pas. Donc oui, on peut faire autrement, mais c'est un apprentissage constant. Clairement.

  • Adeline

    Je fais une mini digression, mais ça me fait penser, j'ai lu, tu vois, qui est Grégory Pouy. Il a un podcast qui s'appelle Vlan et j'ai vu passer un jour un post LinkedIn de lui qui disait la différence entre being nice et being kind. qu'on pourrait traduire la différence entre être un peu brave et être sincèrement, foncièrement gentil. Et en fait, être brave, c'est dire oui à tout parce qu'on veut faire plaisir à tout le monde, et qu'on se sacrifie constamment. Et le fait d'être gentil, c'est toujours se sacrifier, mais choisir le sacrifice qu'on fait parce qu'on tient vraiment à la personne et que ça fait sens pour nous. Et je pense que ça, ça peut être appliqué à tout ce que tu décris. Là, on ne parle pas d'arrêter d'être exigeante, d'arrêter d'avoir de l'ambition ou quoi que ce soit, c'est juste se dire WCet effort, est-ce que ça vaut le coup que je le réalise ou non ? Et peut-être cette perte de qualité de vie, le fait d'avoir une charrette, de terminer un petit peu plus tard, de ne pas pouvoir aller chercher ton enfant à l'école, des choses comme ça. Est-ce que ça vaut le coup, concrètement, ou non ?".

  • Giulietta

    C'est franchement compliqué. Ça m'arrive encore de dire oui en conscience maintenant en fait parce que le projet il me plaît trop et que c'est trop bien mais d'être capable quand même de dire aussi non, ça c'est chouette, c'est un cadeau aussi maintenant et je le vois puisque du coup il y a vraiment la chef d'entreprise d'avant le cancer. Et maintenant, je suis de nouveau la chef d'entreprise post-cancer et je vois bien que je ne travaille pas du tout de la même façon : je ne suis pas du tout aussi stressée qu'avant, je ne gagne pas moins bien ma vie, spoiler. Voilà elle s'était quand même pas en fait j'avais l'impression comme ça qu'il fallait que je m'agite dans tous les sens pour avoir mon chiffre d'affaires. Bah non, c'est une grande découverte et ça c'est c'est magique en fait de voir que ton authenticité, ta vérité et ton alignement, ils sont au service de ta vie et que ça marche en plus quoi t'es récompensée de ça en général oui oui je suis entièrement d'accord avec toi

  • Adeline

    Et justement, en lien avec ce travail d'introspection que tu as fait et qui a été un cheminement personnel, tu as commencé à avoir ton blog, etc. Et puis, tu as décidé de rendre encore plus public ton parcours en publiant un livre. Comment est-ce que tu as cheminé sur le sujet ? Et qu'est-ce qui t'a poussée justement à publier de manière un peu plus large ?

  • Giulietta

    Tu vois, j'ai appris tellement de choses sur moi pendant cette année de traitement. et j'ai fait... sur le transgénérationnel, sur l'épigénétique, sur ma propre biographie, mon fonctionnement, etc., ma vie de mère, je ne sais pas comment on est. Et là, je me suis dit "Mais il faut trop que je raconte ça, quelque part, que je puisse le dire dans un espace plus nourri qu'un blog" ou voilà. Parce qu'il y a un vrai effet miroir, en fait, en racontant ce que moi, j'ai compris et ce que moi, j'ai fait. Il y avait des lectures aussi, dans la relation à ma mère aussi, il y a eu beaucoup de choses. Lise Bourbeau a fait un livre là-dessus et c'est hyper édifiant. Et donc, oui, je me suis dit "Il faut que tu l'expliques parce que ce que tu vas raconter toi, ça va faire réfléchir d'autres personnes". Et donc, j'ai décidé de faire ce livre. Et de fait, tu vois, aujourd'hui, quand les gens me lisent, plein de femmes qui me disent "Déjà, j'ai l'impression que tu décris ma vie". Elles se reconnaissent beaucoup dans ce que je raconte de moi. Et puis, chacun ou chacune pioche un petit élément : "Ah ben oui, ça, ça me fait réfléchir. Ah oui, ça, ça me fait rebondir" et finalement de... ton expérience peut avoir un truc un peu universel, ça c'est un peu magique. Et je sais que moi j'aime beaucoup lire des témoignages, parce que tu peux te retrouver et t'identifier à la personne qui parle. Donc il m'a fallu que je digère quand même. J'ai essayé de le commencer en septembre 2021, j'ai écrit les premières pages, puis je l'ai laissé pendant des mois en jachère, j'y arrivais plus. Et donc j'ai attendu le printemps 2022 pour m'y remettre, et je l'ai fini en août 2022 et après il a fallu encore plusieurs mois. J'ai trouvé un éditeur tout de suite, j'ai eu beaucoup de chance et il a fallu encore plusieurs mois pour qu'il sorte parce que l'édition, c'est très long mais du coup il est sorti en juin 2023. Et voilà, j'étais prête à ce moment là quand je l'ai écrit, à raconter avec du recul tout ce que j'avais compris pendant la maladie et c'était chouette aussi parce que je pouvais ajouter le début de la rémission, le post-cancer ... avec des trucs qui n'étaient pas forcément tout à mon honneur, c'est-à-dire que je ne suis pas sortie comme petit Bouddha de tout ça. On pourrait croire que là, je me la pète, genre non, mais j'avais tout compris, donc du coup, j'étais très sage, j'avais très... J'ai eu une phase complètement trash à avoir besoin de repousser mes limites comme si j'étais une ado attardée, d'être un peu perdue parce que c'était trop d'émotions d'un coup, genre tu veux dévorer la vie, mais la vie te dévore, quoi. Et donc, en fait, il a fallu que je fasse retomber. J'étais comme quelqu'un qui a agité un bocal comme ça, il fallait le temps que l'huile et l'eau se séparent, je ne sais pas comment dire, mais que ça fasse de nouveau deux phases. Moi, j'avais tout agité, tout qui bougeait dans tous les sens. Donc, c'était marrant aussi de dire, attention, il n'y a pas d'épiphanie juste quand tu as terminé ton traitement. Non, c'est un chemin, c'est ce que tu disais tout à l'heure, c'est un chemin très très long. Et que tu peux aussi un peu te perdre. Moi, je croyais vraiment qu'il y aurait un jour nuit, que j'allais terminer mon dernier cachet et que ça allait être genre "ça y est, je suis sage". Eh bien non. Et c'était chouette de le dire aussi. De ne pas être que dans le côté trop positif ou trop édulcoré de tout ça. Tu passes par plein d'émotions très contradictoires. Mais la vérité quand même, c'est que malgré tout ce chambardement et ces émotions un peu endenties et tout, il y avait un truc tellement plus authentique. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression que depuis 5 ans, je me souviens beaucoup plus de ma vie que ma vie d'avant. C'est bizarre ce truc-là. Comme si j'avais été spectatrice d'un film et que j'ai que des bribes de souvenirs. Ça me donne même l'impression que ce n'est pas vraiment moi qui ai vécu tout ça. C'est assez bizarre. Alors que là, maintenant, ce que je vis, c'est complètement moi qui le vis. Il y a vraiment ce truc, c'est mes souvenirs, c'est ma vie, c'est très vif, c'est très ancré, c'est très fort. Mais les trucs de la vie d'avant, c'est genre, mais c'était moi, cette personne-là. C'est trop bizarre, en fait. Je ne me souviens pas de tout ça, ou très peu, ou c'est une hallucination. Il y a même des fois où je me dis "Attends, ça, c'était un rêve, ou c'était vraiment un rêve ?" Je ne sais plus. parce que je pense que j'étais... J'étais tellement à côté de mes pompes, que j'étais pas tout à fait là. Oui,

  • Adeline

    carrément. Et j'ai l'impression que parfois, quand on n'est pas aligné avec soi-même, ça met comme un filtre qui floute un petit peu tout. Et ça n'empêche pas de vivre les situations intensément, les situations difficiles ou quoi que ce soit. Mais je ne sais pas comment dire. ouais pour Un exemple. Je vois. Oui, tu vois.

  • Giulietta

    Oui, je vois tout à fait. Tu n'es pas... Oui, c'est ça. Tu n'es pas complètement là. Effectivement, ça filtre les situations. Mais vraiment, je trouve que c'est encore plus probant quand tu te rappelles. C'est sur le moment, tu as l'impression que tu vis ta vie normalement. Mais c'est dans les souvenirs. Les souvenirs ont un filtre flou. Un truc un peu, une buée comme ça devant.

  • Adeline

    Exactement. Et oui, tu es en dehors des choses. Alors, je viens de te picouiller un tout petit peu. mais je te l'avais dit déjà quand on avait échangé en visio. Ma perception en tout cas de l'emploi du terme chance dans le titre de ton ouvrage, je la comprends totalement dans ta perspective à toi et dans ton vécu et je me pose la question de est-ce que ça peut pas aussi créer une espèce d'injonction contradictoire où des personnes, par exemple, de l'entourage d'une personne qui serait atteinte par un cancer peuvent dire "Mais prends-le comme une chance. Tiens, tu pourrais changer de vie toi aussi et revoir tout différemment". Est-ce que toi déjà, tu as vécu de l'extérieur ces espèces d'injonctions qui ne sont pas franchement agréables ? Et comment est-ce que tu te positionnes par rapport à ça ?

  • Giulietta

    Non, moi je n'ai pas vécu ça. Personne ne s'est permis. Je crois que même... Je sais que, du coup, depuis que j'ai fait ce livre, il est souvent offert à des personnes qui sont malades. Mais je ne crois pas que ce soit vécu comme une injonction. Parce qu'il y a ce truc de... "Ben voilà, en fait, tiens, on t'offre une autre lecture de ta maladie. Fais-en ce que tu peux. C'est OK, en fait. Mais si ça peut t'aider à mieux la vivre, en fait". Moi, j'ai plus l'impression que c'est ça, finalement. C'est pas... C'est pas à tout prix, tu dois réussir ton cancer, quoi. Tu vois ? C'est plutôt... ça t'offre un autre regard, ça te fait sortir de la noirceur et de l'injustice que tu peux connaître, et peut-être que tu peux y piocher quelque chose de lumineux et qui va te faire du bien pour traverser tout ça. Donc, c'est vrai que je ne crois pas que ça fait une injonction contradictoire, et en plus, à aucun moment je dis, si tu vis ton cancer comme ça, et que tu es récitant de faire une chance, c'est comme ça que tu vas guérir. Non. tu mets toutes les chances de ton côté, en fait. C'est juste, ça ne gâche rien, bien au contraire. Et ça ne peut que faire du bien à ton corps, que faire du bien à ton mental, sachant que si on a eu, entre guillemets, le pouvoir de créer notre maladie, on a aussi le pouvoir d'agir dans l'autre sens. Et ça, c'est tout le travail de la sophro, de tout. Enfin, je veux dire, on sait qu'un mental qui va bien, qui est très positif et tout ça, influence tout le reste. Enfin, je veux dire, c'est prouvé, quoi. Donc, en fait, t'as tellement d'intérêt à te dire, bah oui tiens euh Qu'est-ce que je pourrais faire de ça maintenant que ça m'arrive, de cette expérience détestable ? Comment je peux m'en sortir avec ça ? À ma mesure et à ma manière. Et en fait, t'as pas besoin de... Comme je disais tout à l'heure, t'as pas besoin de tout comprendre. T'as pas besoin d'être tout de suite dans le... Ça y est, j'ai capté. Je suis allée hyper fort, hyper vite. C'est vraiment se mettre sur le chemin. Finalement, quand tu te dis à ton corps, OK, je crois que je comprends que t'as un truc à me dire, viens, on avance ensemble. Ça fait déjà du différent. C'est vraiment... t'es plus dans le rejet de toi-même, t'es plus dans le déni, t'es plus dans tout ça, t'es dans quelque chose où t'es... Tu commences à te réaligner. Donc après, tout suit son cours et ça va plus ou moins vite, plus ou moins lentement, on s'en fout en fait, dès lors que juste tu reprends possession de toi-même et à tes degrés à toi et à ta vitesse à toi et c'est ça qui est génial. Donc ouais, c'est pas tant une injonction, c'est plus, est-ce que tu te reconnais là-dedans et si tu te reconnais, c'est super cool. cool parce que ça aura pu t'aider. Ça aura pu t'aider.

  • Adeline

    Voilà. C'est ça que je trouve intéressant dans ta posture. C'est en fait le fait que tu as trouvé un récit avec lequel tu te sentais à l'aise. Peut-être que scientifiquement, ce n'est pas 100% vérifié, ce dont on parle. Mais que c'est ce qui te permet d'avancer. Et là, tu viens de mentionner que tu avais un rapport quand même qui était plutôt apaisé avec ce qui s'est passé. Et quand on avait échangé il y a quelque temps, tu avais dit "Je toise ma maladie et je l'écoute, je vais faire en sorte que tu t'en ailles, tu n'auras plus besoin de revenir". Et je trouve que c'est très doux, en fait, cette manière de te parler, de parler à ta maladie, où tu lui donnes une existence propre, mais qui est liée à toi, mais tu la détestes pas, tu te bats pas contre, tu mets plutôt en place les conditions pour aller de l'avant et qu'elles se représentent pas.

  • Giulietta

    C'est ça, parce qu'en fait, si tu commences à être dans la haine du cancer, il y a beaucoup de gens qui sont comme ça, « Ouais, on va le battre et tout, on va le détruire. » Mais non, c'est des bouts de toit que tu vas détruire. Non, c'est pas ça. Non, non, c'est genre "Ok, t'es là, t'es là pour me dire un truc". Et c'était un des nombreux soignants que j'avais qui m'avait dit, « Ouais, toi, là, comme un adversaire d'une partie d'échecs complexe, t'as quelqu'un devant toi que tu dois respecter parce qu'il est là pour une raison. Enfin, voilà, tu dois le respecter comme un adversaire. » Par contre... tu vas gentiment lui dire de dégager parce que c'est toi qui vas gagner à la fin. Donc genre "Ok, je t'entends, vas-y, montre-moi ton jeu, mais par contre, salut, c'est quand même moi qui vais rester". Et donc, c'est cette notion de le regarder comme ça et de ne pas être dans la haine. On ne peut pas être dans la haine de soi parce que sinon, c'est trop bête. Et puis, on ne s'aide pas soi-même en étant comme ça. Mais en fait, c'est un peu de la volonté, c'est d'être ferme. Mais pas dans la haine, c'est un petit peu le truc un peu délicat de pas lui en vouloir d'être là en fait ce cancer parce qu'il a un truc à te dire voilà. En même temps, moi je le voyais presque comme un truc genre "Non mais je suis ok pour repartir en fait là. Je suis venu parce que tu vois tu m'as pas laissé le choix". Tu vois, je l'imaginais me parler comme ça : "Tu m'as pas laissé le choix cocotte là franchement tu faisais juste n'importe quoi Donc bon, t'as compris. Ok, c'est bon, allez, je repars. C'est bon, j'ai capté, tu vois". C'était... C'est pas... Si la vie avait voulu que je meure, j'aurais eu une attaque. Voilà, c'est ce que je dis dans mon livre aussi. J'aurais eu un truc foudrayant, en fait. C'était pas la fin de ma vie qui arrivait. C'était le début d'une nouvelle, tu vois. Mais bon, peut-être que si... Après, je peux pas dire. J'allais dire, c'est peut-être que j'avais continué à tourner en rond dans mes histoires. Est-ce que j'aurais guéri ? On sait pas, en fait parce que comme tu dis, ce n'est pas scientifique tout ça, on ne peut pas affirmer. Et puis moi, j'ai aussi une amie très chère, Olivia, qui s'est mise dans le même process que moi et qui, elle, a eu une rechute. Et pourquoi ? Elle continue de se dire, j'ai encore des trucs à travailler, effectivement. Et puis elle continue de creuser très, très loin sur plein de choses. Donc peut-être, peut-être pas. Mais en tout cas, ce qui est admirable chez elle, elle reste dans ce mental de... Mais j'ai un truc à apprendre de tout ça. Un jour, ça va aller mieux. Et moi, je suis convaincue qu'effectivement, ça ira mieux. Mais quand je lui ai dit qu'elle retombait malade, j'ai dit "Putain, moi, j'ai rien. et elle, oui". Et on était dans le même bateau de prise de conscience. Donc, c'est pour ça que jamais je n'affirmerais « c'est bon, tu auras tout gagné » . Juste, tu gagnes une qualité de vie, tu gagnes un mental, tu gagnes de mieux vivre tes soins, mieux vivre tout ça. Et ça, c'est déjà énorme, en fait. C'est vraiment super, ne serait-ce qu'à cet égard-là, en fait. Parce que sinon, c'est la dépression assurée, en fait. Donc, on ne peut pas se laisser aller comme ça. C'est trop difficile.

  • Adeline

    Je suis entièrement d'accord avec toi. Du coup, on n'a pas du tout le même type de maladie. Moi, la mienne, elle sera là pour la vie. C'est une sclérose en plaques. Et en fait, la posture que j'ai vis-à-vis d'elle et qui m'aide à avancer, c'est de me dire que c'est une partie dysfonctionnelle de moi. Donc, je sais qu'elle ne fonctionne pas. Elle fait partie de moi. Et en fait, quand elle se manifeste, c'est juste que je dois lever le pied, prendre soin d'elle pour mieux repartir ensuite. Mais du coup, effectivement, pareil, je ne pense pas que mon neurologue validerait cette interprétation et qu'il me dirait « mais bien sûr, vous avez raison » . Mais en attendant, c'est moi ce qui me permet d'avancer et de laisser la place à des possibles rechutes, à des possibles nouvelles poussées et à les accepter et aussi à prendre soin de moi sans m'en vouloir, sans me battre contre elles.

  • Giulietta

    Et c'est chouette parce que tu te désidentifies de ta maladie aussi. tu la vois comme une entité avec laquelle tu peux être dans l'empathie, dans la douceur. Elle a un truc à te dire, elle crie de temps en temps parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas, comme ton bébé intérieur. Et c'est pas mal, parce que oui, tu composes avec. C'est pareil, tu n'essaies pas de lutter à tout prix. Mais après, peut-être aller regarder pourquoi cette petite entité, elle est là, c'est un très long chemin. Et à partir du moment où tu es sur ce chemin d'essayer d'écouter, c'est pareil, je pense que c'est la voie pour que ça soit peut-être de plus en plus ténu, un peu moins envahissant. Je ne sais pas, est-ce que tu as vu une différence si tu es déjà sur ce chemin-là et est-ce que tu vois une différence par rapport à ta maladie ? Est-ce que ça revient moins souvent ? Est-ce que c'est intéressant ça quand même ? Oui,

  • Adeline

    à fond. Depuis que j'avais mal aux yeux. parce que j'ai une poussée sur mon oeil gauche et j'avais mal à l'oeil quand je stressais très fort et c'est plus arrivé depuis 7 ou 8 ans depuis que justement je m'écoute plus donc oui pareil, il n'y a rien de scientifique ou quoi que ce soit mais en tout cas ça a permis de changer mon rapport aux choses et tu mentionnais le fait de se désidentifier. Il y a souvent une dichotomie dont on parle entre se décrire comme étant malade et se décrire comme ayant une maladie. Donc là, la posture que tu as, c'est de dire que tu as eu un cancer. Est-ce qu'à un moment de ton parcours, tu t'es décrite comme étant malade et comme si la maladie te décrivait ?

  • Giulietta

    Tu me poses une colle, je ne crois pas. Je crois que j'ai toujours dit que j'avais un cancer. Est-ce que tu disais que j'étais malade ? Je ne devais jamais prononcer cette phrase, je suis malade ou je ne sais pas. Non, oui, je cohabitais avec un truc. Je cohabitais avec un cancer que j'allais bientôt mettre dehors. C'était mon coloc envahissant. Et je crois que ça ne m'a jamais vraiment définie. Non, je ne voulais pas me définir par ça. Je voulais plus me définir par ma pugnacité et par ma capacité à aller de l'avant à partir de ça. Mais ouais, c'était... Je n'avais pas trop envie d'être dans la plainte. C'est peut-être pour ça aussi que je tenais ce blog où j'essayais de mettre de l'humour et tout, parce que je ne voulais pas être dans le pathos. Je n'avais pas envie d'être... Et puis, pareil, c'est mon amie Olivia dont je parlais. Je l'ai connue pendant le cancer et elle était un peu plus avancée que moi. Elle était déjà en radiothérapie quand je finissais ma chimio. Et ce qui m'avait marquée chez Olivia, c'est qu'elle n'avait jamais porté de bonnet de chimio, de perruque. Elle avait toujours été tête nue et pareil, en fait, c'était mon erreur d'indiquer "non mais ok j'ai une maladie mais c'est bon là, je suis pas faible regarde" et d'oser comme ça se sortir la tête nue et que les gens te regardent et oh mon dieu, c'est pas grave tu mets du rouge à lèvres, tu mets des grosses boucles d'oreilles et t'y vas quand même et ça c'était c'était un truc dur. J'aurais pas réussi au début : elle m'a beaucoup inspirée et c'est pareil c'était mais... arrêter de détourner le regard, en fait, c'est pas contagieux. Et puis, en fait, il y a moyen de... Voilà, en fait, on est plutôt... On est forte, on est combative et c'est plutôt admirable, quoi. Et du coup, ouais, c'est ça. Et peut-être se complaire trop dans le côté "Je suis malade", c'est un peu trop, pour moi, en tout cas, c'était un peu trop me laisser aller à quelque chose qui n'allait pas me tirer vers le haut. C'est-à-dire que quand je dis tirer vers le haut, c'était vraiment tirer vers... des bonnes sensations pour que je puisse tenir le choc malgré tout, parce que le corps trinque de fou quand même. Et donc, j'avais plein de moments de découragement et plein de moments très durs. Donc, tu as besoin de garder ce mental un peu fort. Sinon, tu t'effondres complètement parce que du coup, tu ne peux pas supporter et l'injustice, et en plus après les traitements, les effets secondaires et tout, ça fait trop. Donc, il faut... Il faut garder une forme de niaque comme ça, et un peu rock, un peu rebelle. Est-ce que ça m'a aidée encore une fois ?

  • Adeline

    Oui, je suis assez d'accord avec toi. Un de mes points, je pense que j'étais en colère contre ma maladie pendant longtemps, ça a été de me dire qu'en fait, on est sur le même bateau. On est dans le même corps, on partage le même espace. Et comment est-ce qu'on apprend à vivre ensemble ? Parce qu'a priori, on va vivre ensemble, etc. Comment est-ce qu'on cohabite d'une manière où on respecte nos espaces respectifs ? Du coup, moi, je l'écoute et je lui laisse de la place. Mais je suis entièrement d'accord avec toi.

  • Giulietta

    Mais tu sais, quelque part, c'est marrant. J'y pense là parce qu'on en parle. C'est comme s'il était encore là quelque part, le cancer. Il n'est plus dans mon corps. Tout va très bien. Mais genre, je pense à lui : "Je ne t'oublie pas. Je sais que tu es arrivé. Donc, je fais gaffe. T'inquiète. Je fais gaffe. J'ai compris ce que tu m'avais dit. Et je t'ai toujours dans la tête. Et je ne fais pas... Je ne fais pas comme si je pouvais reprendre les choses exactement où elles étaient avant. Je fais attention à moi, je fais attention à toi, je te guette un peu". Et du coup, oui, c'est encore un peu cohabiter avec ce souvenir-là et ne pas ignorer que ça a été et qu'il faut faire attention. Il faut faire attention médicalement. Je fais tous les suivis, je suis au taquet, je peux pas faire plus que ce que je fais. Et faire attention à sa santé mentale aussi et à ce que j'ai réussi à gagner en authenticité et en vérité sur moi, de le maintenir et de continuer ce travail. Je laisse une thune folle chez la psy. Franchement, il y a des fois où je me dis, quand même, si je gardais tout cet argent pour autre chose. Mais en fait, non, ça fait complètement partie de ma vie et c'est primordial pour moi aujourd'hui de mettre de l'argent là-dedans parce que c'est investir sur ma santé au sens large. C'est holistique en fait. C'est primordial pour moi. Je n'hésite plus du tout sur ces choses-là. Je complète avec des petits, je vais chez l'ostéo, je fais des massages, la réflexe au plantaire, des trucs qui font du bien. Mais en fait, quand tu as un bon thérapeute et qu'il te fait avancer, qu'il ne te ménage pas et avec qui tu peux vraiment travailler à fond, c'est cadeau. Et il faut se l'offrir. C'est le meilleur cadeau que tu puisses te faire.

  • Adeline

    Ce que j'allais te dire, c'est le meilleur investissement que tu puisses réaliser.

  • Giulietta

    Ouais, carrément.

  • Adeline

    Et bien, justement, ça m'amène à ma dernière question. Est-ce qu'il y a des choses que tu aimerais partager avec des personnes, justement, qui s'apprêtent à entamer ce travail d'introspection et qui ne savent pas trop par quel bout commencer ?

  • Giulietta

    Il faut tirer la pelote comme ça vient, en fait. Moi, j'ai, je ne sais pas, se dire, tiens, aller dans une bibliothèque ou une librairie, regarder des bouquins. Puis quand on est attiré par un bouquin, commencer par là, regarder des podcasts, des vidéos. En fait, ton instinct est bien fait, tout est bien fait, et tu vas être attiré instinctivement par quelque chose qui va t'aider à cheminer. Il y a des livres sur les mots de l'âme, les mots du corps qui sont les reflets de l'âme, etc. Il y a plein de trucs comme ça, on peut commencer avec ça. Essayer de demander autour de soi "Tiens, toi, t'as pas quelqu'un ? tu connais pas quelqu'un qui pourrait m'aider ? t'as pas un thérapeute machin tu peux commencer aussi par la détente du corps ?". En fait, je crois que quand on commence à ouvrir les vannes et à se dire "J'ai quelque chose à comprendre de cette maladie", bizarrement t'as les infos qui t'arrivent en fait un peu comme par magie parce que je pense que tu es perméable à autre chose et qu'un truc va retenir ton attention. Moi, des fois encore maintenant, je suis abonnée à plein de podcasts et puis je prends ma voiture des fois et puis je me dis tiens lesquelles j'écoute et puis... Je tombe sur un épisode où le titre, ça n'a pas l'air. Mais en fait, quand j'écoute, je fais, c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre en ce moment. Mais c'est fou, ce n'était pas annoncé dans le titre. Et comment ça, c'est dingue que j'entende ça maintenant. Ou bien, tu as des amis aussi qui vont t'envoyer des trucs. Des amis qui sont un peu connectés à toi, de façon complètement inexplicable, et qui vont t'envoyer une petite vidéo, un petit machin. Et tu vas te dire "C'est exactement ce que j'avais besoin de découvrir". Et voilà. Et du coup, commencer à cheminer, lire des trucs, lire, écouter, regarder, investiguer, se faire aider, pourquoi pas, par des thérapeutes, comme on a envie. Psychologue, c'est vraiment le top. Psychologue, psychothérapeute, c'est vraiment au top. Mais si on est réceptif à d'autres choses, pourquoi pas essayer d'autres choses, toujours dans un réseau de confiance. Je sais que, de plus en plus, il y a des centres de médecine intégrative qui ouvrent. Vous pouvez vous renseigner dans vos villes. Il y en a un qui va ouvrir dans ma ville à Besançon et je suis impliquée dans le projet. Donc, c'est des centres qui travaillent en partenariat avec le CHU et où il y a plein de thérapeutes très sérieux. Mais ça peut être même le yoga du rire, des trucs comme ça. Mais c'est des thérapeutes qui sont sélectionnés, etc. Et du coup, c'est en confiance qu'on peut aller les consulter. Et puis, je sais que pour mon corps, le Shiatsu m'avait beaucoup aidée aussi. C'était pour l'aspect physique, pour aider les organes. Il y a plein de trucs à faire, mais c'est en fonction de sa sensibilité personnelle et de ce en quoi on croit. Mais déjà, en passant par les lectures, les podcasts, et puis les échanges avec des gens, des personnes aussi, qui peuvent vous nourrir, des gens de votre famille, des gens qui sont passés par là et avec qui vous allez échanger et qui ne vous auront peut-être jamais raconté des trucs, alors qu'ils ont eu aussi des grosses prises de conscience. Il ne faut pas hésiter à ouvrir la discussion. et moi je sais que quand on ouvre les vannes ça arrive tout seul c'est le premier pas en fait de s'autoriser à se dire juste s'autoriser à se dire ça j'ai passé cette maladie par hasard et je vais essayer de comprendre pourquoi juste s'autoriser ça après le reste ça

  • Adeline

    arrive un peu de soi même ok trop bien moi je suis arrivée au bout de mes questions et on est quasiment arrivée au bout du temps en partie est-ce qu'il y a quelque chose que tu voudrais ajouter ?

  • Giulietta

    Non, non, non. C'est chouette parce que j'ai raconté des trucs que je racontais un peu moins dans d'autres émissions, donc c'est bien cool. Je ne parle pas forcément toujours de tous ces trucs alternatifs qui peuvent sembler un peu perché. Mais en fait, ça a vraiment fait grandement partie. Alors, toujours, ce que je peux dire quand même, c'est que là, on parle de tous ces trucs alternatifs mais qu'à aucun moment, on ne m'a conseillé d'arrêter mes traitements. C'est hyper important de continuer à suivre ce que les médecins nous disent. Moi, il n'y a pas... personne qui a essayé de me faire croire que oui, on va te guérir par les plantes et tout. Voilà, les charnatans, il y en a peut-être quelques-uns, mais en fait, il n'y en a pas tant. Et il faut toujours savoir raison garder. Il faut toujours dire à un moment donné, il y a un cancer, il faut éteindre le feu. Et donc, il faut faire les traitements médicaux. Voilà, c'est tout. C'est ça qui te sauve. Et après, tu peux te sauver aussi toi-même, continuer à te sauver toi-même en travaillant sur toi. Mais c'est vraiment ce duo, en fait, médical et holistique. quelque part qui fait que ça fait un bon combo mais ne jamais se laisser raconter que ça suffirait de travailler sur soi, non pas du tout mais c'est un super complément et c'est un super complément aussi pour supporter les traitements aussi, clairement vraiment parfait,

  • Adeline

    merci pour ce mot de la fin

  • Giulietta

    Merci à toi, c'était un très bon moment. Oui,

  • Adeline

    moi aussi je suis contente.

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Description

À quoi ça ressemble une introspection suite à l’annonce d’un cancer du sein triple négatif ?

Adeline, auteure de "Mon cancer, quelle chance ?", partage son parcours avec un cancer du sein triple négatif diagnostiqué en mai 2020. À 37 ans, cette consultante en communication se retrouve face à une maladie particulièrement agressive qui va transformer sa vision de la vie. Dans cet épisode, Adeline raconte comment elle a vécu une année de traitements intensifs : quatre mois de chimiothérapie, deux opérations, 33 séances de radiothérapie et un traitement complémentaire par voie orale. Mais le coeur de son témoignage, c'est l'approche qu'elle a développée pendant cette période. Convaincue que son corps lui envoyait un message, elle entreprend ce qu'elle appelle une "enquête" sur elle-même. À travers un travail d'introspection approfondi, elle explore les déséquilibres qui ont pu contribuer à sa maladie : perfectionnisme, stress chronique, difficultés à poser ses limites professionnelles et personnelles. Adeline explique comment elle a mobilisé différentes ressources : suivi psychologique classique, thérapies alternatives, lectures, podcasts. Elle détaille son processus de questionnement : "Est-ce que je fais vraiment ça pour moi ? Est-ce que ça part d'un élan authentique ?" Son témoignage aborde aussi la reconstruction post-cancer. Comment reprendre le travail différemment, apprendre à écouter les signaux de son corps, maintenir l'authenticité gagnée pendant la maladie. Elle parle de cette sensation étrange : se souvenir plus intensément de sa vie depuis le cancer que de celle d'avant, comme si elle avait enfin commencé à vraiment vivre. L'épisode explore des questions délicates : peut-on voir sa maladie comme une opportunité de croissance sans culpabiliser ? Comment concilier médecine conventionnelle et approches complémentaires ? Quelle responsabilité avons-nous dans ce qui nous arrive ? Adeline donne des conseils concrets pour ceux qui souhaiteraient entamer un travail similaire : commencer par des lectures qui nous attirent, chercher des thérapeutes de confiance, oser les conversations profondes avec ses proches. Elle insiste sur un point essentiel : ce travail sur soi ne remplace jamais les traitements médicaux conventionnels, mais peut les compléter efficacement. Son message n'est pas prescriptif mais offre une perspective différente sur l'expérience de la maladie.


💜 lanomalie est un podcast auto-produit, dont l’objectif est d’ouvrir de façon bienveillante la discussion sur la maladie et le handicap. Vous pouvez le suivre sur Instagram : @lanomalie.media.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Hello Adeline, je suis ravie de commencer la deuxième saison de lanomalie avec toi.

  • Adeline

    Salut Giulietta, je suis ravie aussi.

  • Giulietta

    Trop bien. Pour mettre un peu de contexte avant de commencer, c'est ton attachée de presse, Adeline, qui m'a contactée en lien avec ton livre « Mon cancer, quelle chance » , dans lequel tu reviens sur ton parcours après avoir appris que tu étais atteinte d'un cancer du sein triple négatif. Tu apporteras sans doute plus de précisions que ce que je vais faire là, mais juste pour expliquer brièvement ce qu'est un cancer du sein triple négatif. Il s'agit d'un cancer particulièrement agressif et qui ne répond pas aux thérapies qui sont habituellement employées pour traiter le cancer du sein. Ce qui m'a marquée dans ton travail et ce qui m'a fait ressentir une certaine proximité avec toi, c'est que tu as réalisé un long travail d'introspection pour créer ce que je qualifierais de "récit autour de ta maladie", pour essayer de la comprendre. Tu as analysé la personne que tu étais jusqu'à ce qu'on pose un diagnostic, ce que cette maladie pouvait dire de toi à l'époque, et tu t'es longuement demandé que faire pour qu'elle ne revienne surtout pas. Pour faire très simple, et je vais te laisser dérouler avec beaucoup plus de nuances que tout ça, la manière dont tu présentes les choses, c'est que ton cancer a mis le doigt sur des déséquilibres et une vie qui ne te correspondait pas tout à fait. Et ce qui m'intéresse, et ce que je voudrais étudier avec toi au cours de cet enregistrement, c'est comment ce travail d'introspection t'a permis d'aller de l'avant. et d'avoir un rapport avec ta maladie et cette expérience avec laquelle tu te sens à l'aise. Est-ce que tout est bon pour toi ?

  • Adeline

    Oui, c'est parfait.

  • Giulietta

    Alors, pour initier la discussion, je mets toujours un point d'honneur, bien évidemment, à ce que les invités se présentent, afin que les auditeurs puissent mieux les connaître. Du coup, Adeline, comment est-ce que tu te présentes ?

  • Adeline

    Comment est-ce que je me présente ? Alors, j'ai 42 ans, je suis la maman... Solo, la moitié du temps, d'un petit garçon de 11 ans. Et dans ma vie professionnelle, j'écris beaucoup. Donc évidemment, j'écris des livres. Celui-ci étant mon premier, j'espère vraiment pouvoir faire émerger un deuxième. Et j'écris aussi pour des clients, des entreprises ou des dirigeants. Je les aide à mettre en mots. leurs stratégies, leurs ambitions. Et puis du coup, je fais aussi ce qu'on appelle du consulting. Forcément, un peu de conseil stratégique autour de tout ça. Donc, c'est vraiment mon quotidien. Quand je suis tombée malade, cette vie-là, c'est une vie que j'ai en tant qu'indépendante. Je l'ai eue quasiment toute ma vie professionnelle. J'ai été à mon compte des années et des années. Mais j'avais fait une petite parenthèse vers le salariat juste avant de tomber malade, où j'ai été responsable de la communication pour un groupe d'école d'ingénieurs. Donc voilà, ça c'est ma vie pro et ma vie perso. J'ai un amoureux qui habite à Strasbourg, moi-même j'habite à Besançon, j'adore aussi travailler à Paris, donc j'ai un peu une vie supranomade qui est un peu fatigante, mais en fait des fois je me plains, mais finalement c'est que j'en veux bien de tout ça. Et donc je suis toujours avec ma valise et mon ordi sur le dos et à travailler un peu où je veux. Je suis vraiment une grande nomade professionnelle. Mais bon, je crois que tu sais aussi un petit peu ce que c'est que ce nomadisme de boulot.

  • Giulietta

    Oui, tout à fait.

  • Adeline

    Voilà. Donc voilà comment je peux me présenter, à peu près.

  • Giulietta

    Ok, très chouette. Tu te décris beaucoup par le faire, tout ce que tu fais, l'action.

  • Adeline

    J'avoue que c'est un peu mon travers. Je suis très très dans l'action. C'est peut-être aussi ce qui a pu me... porter préjudice à une époque. Mais c'est vrai qu'après, oui, on peut se décrire par qui l'on est. Je trouve que ça se découvre plus quand tu échanges. Il y a des choses qui se perçoivent aussi dans le ton de la voix, dans la façon de faire. C'est toujours difficile de dire je suis quelqu'un comme ci, comme ça. Mais c'est sûr que oui, je suis assez active et j'ai toujours plein de projets en tête. Mais après... j'en avais déjà beaucoup avant d'être malade, mais ça partait pas forcément du bon endroit, on y reviendra. Mais aujourd'hui, ça part vraiment du bon endroit, ça part vraiment de mon ventre, et puis je fais très attention aussi à pas me submerger non plus. C'est que j'ai une notion, j'ai envie de faire plein de choses, mais je sais aussi me dire, voilà, vas-y mollo, c'est ok. Mais j'ai un appétit assez vorace et féroce pour les projets, ça c'est sûr.

  • Giulietta

    On reviendra là-dessus juste après. Tu as évoqué très brièvement ta maladie. Est-ce que tu peux expliquer un petit peu comment elle est arrivée dans ta vie et ton parcours avec ton cancer du sein ?

  • Adeline

    Alors, ça est arrivé dans une période un peu trouble parce que moi, j'ai perdu ma maman d'un cancer du sein. En 2018, d'un cancer du sein. Après, il s'est un peu répandu partout. Fin 2018. Et dans la foulée de ça, j'ai quitté le père de mon fils. Une première fois, je dirais, parce que finalement, vouloir gérer une rupture plus le deuil de ma mère, c'était beaucoup trop difficile. Donc, du coup, je me suis remise avec lui fin 2019. Et après, on arrive début 2020, juste avant le confinement. Et puis, en fait, ça ne se passait pas si bien que ça, la nouvelle cohabitation. Et donc, j'étais encore dans le deuil de ma mère, mais que j'avais un peu... À nouveau, j'avais été très dans l'action pour pouvoir gérer ce deuil. Je ne m'autorisais pas à être vraiment triste. Donc, je gérais énormément de choses liées à sa succession. Et donc, j'étais à fond, à fond, à fond. J'avais lancé moi-même un podcast parce que j'étais comme si j'avais que ça à faire en parallèle de mon boulot. Et donc, j'étais à bloc comme ça. Et puis, est arrivé le confinement. Et là, ça a été très dur, très, très dur pour moi psychologiquement. J'ai eu très peur déjà d'être... enfermée avec quelqu'un avec qui ça se passait pas si bien que ça, d'être avec mon fils H24 qui à l'époque n'avait que 6 ans et je me disais "Mais comment je vais faire pour pouvoir gérer ça ?" et je venais de prendre du coup ce job de salarié. ça faisait genre 3 mois et puis à une nuit je me suis réveillée et j'ai senti un pincement sous l'aisselle mais j'ai pas capté tout de suite ce que c'était. Puis, le lendemain, je suis allée me balader et puis à nouveau ça m'a fait comme une décharge électrique et là j'ai mis ma main et j'ai senti une boule très dure. C'était vraiment sous l'aisselle, ce n'était pas au niveau du sein. J'ai blémi, mais je me suis dit "Ce n'est pas grave, ça doit être un kyste, ça va aller". Et en fait, j'ai quand même pris rendez-vous tout de suite chez ma généraliste. Mais elle, elle a vu la masse sous l'aisselle, mais elle a surtout vu que j'avais quelque chose dans le sein qui était assez gros, ce que je ne m'étais pas autorisée à regarder. Et donc finalement, elle m'a envoyée en échographie, mammographie, et il s'est avéré que j'avais une tumeur qui faisait déjà 3 cm dans le sein. Et que ce que j'avais senti, moi, comme décharge électrique, c'était un ganglion lymphatique qui était infecté et qui donc gonflait sous l'effet de la maladie, en fait, puisque les ganglions, finalement, essaient de faire barrière. Mais au bout d'un moment, ça se répand, ça se répand. Et puis, c'est pour ça qu'on les retire, d'ailleurs, en général, quand on opère les patientes. Donc, je suis très, très vite rentrée. Ça, c'était... J'ai senti la boule en avril. Début mai, je savais que j'avais un cancer. Et après, en juin, j'étais en chimio, quoi. Ça, s'est vraiment... enchaîné très vite.

  • Giulietta

    Et ça a duré combien de temps ton parcours de soins ?

  • Adeline

    Ça a duré une bonne année parce que j'ai quand même repris le travail, c'était donc du coup, on va dire vraiment diagnostic mai 2020, j'ai repris le travail en avril 2021, mais à mi-temps seulement, et j'avais encore un traitement médicamenteux. En fait, en gros, j'ai fait d'abord 4 mois de chimio, après j'ai eu 2 opérations. Je devais n'en avoir qu'une, mais ils ont fait la deuxième parce que des fois, ils ne prennent pas une zone de sécurité suffisamment importante. Donc, ils recommencent. Ça, c'est le coup de pas de bol. Après, j'ai fait 33 séances de radiothérapie. Ça, ça représentait à peu près un mois et demi, deux mois à l'hôpital tous les jours. Et puis du coup, on m'a redonné de la chimio par voie orale, un médicament à prendre chez soi qui a moins d'effet quand même que la chimio. C'est-à-dire qu'on ne perd pas nos cheveux. C'est plus soft, mais quand même il y a des effets pas très cools, mais c'est compatible avec la vie de tous les jours. On ne m'avait pas prévenu à la base que j'allais prendre ça, mais c'était une manière d'enfoncer le clou pour l'oncologue. C'était une chance quelque part, avec des avancées très récentes. Le cancer triple négatif étant quelque chose d'assez compliqué à soigner, on saisit toutes les opportunités de te donner un maximum de traitement pour que ton taux de guérison soit supra optimiste et le plus élevé possible. Et avec ce traitement-là, ça augmentait à, je ne sais plus, c'était beaucoup. Je vais peut-être dire une bêtise, mais c'était peut-être pas loin de 80%. C'était vraiment impressionnant. Donc, ça valait le coup, même si je ne l'ai pas super bien vécu au départ. Bon, voilà. Après, j'étais quand même contente de le prendre. Et donc, je crois que j'ai pris mon dernier cachet fin juin 2021. Voilà. Donc, une bonne année.

  • Giulietta

    Ok, intense. Et en parallèle, tu écrivais, tu avais un blog où tu racontais.

  • Adeline

    Et j'écrivais,j'avais un blog. Il y a eu un premier besoin, c'est d'oser sortir du bois et de dire à tout le monde sur Facebook "Coucou, en fait, j'ai un cancer" parce que tu gardes ça un peu pour toi. Il y a des gens qui n'aiment pas du tout en parler ; moi, j'avais besoin quand même que ça soit dit. Et je ne voulais pas juste le dire comme ça. Je me suis dit "Tiens, je vais raconter ce qui se passe". Puisque j'ai ce talent d'écriture, c'est naturel pour moi. Et j'avais besoin d'exorciser aussi ce qui se passait. Parce qu'il y avait des journées très dures, mais il y avait aussi des journées où finalement, je riais jaune. Il y avait vraiment moyen de se marrer. Tellement la situation était vraiment du rire acide. Mais quand même, tu pouvais mettre de l'humour dans tout ce qui se passait. Et je trouvais ça chouette de pouvoir le faire. Je trouvais ça chouette d'être dans la vérité de ce qui se passait au quotidien. sans tout dramatiser et tout, et mettre du pathos partout, tu vois. Et puis, au final, j'ai pas mal de gens que je connaissais. Il y a des gens que je ne connaissais pas qui me lisaient aussi, mais toutes mes copines, notamment, lisaient le blog, étaient abonnées, pour avoir tous les jours la petite newsletter quotidienne en recevant mon article et en prenant la température, finalement, de comment elle se sent. Et du coup, j'ai eu toute une vague de soutien moral par plein de gens, du coup, qui lisaient. De belles surprises en fait. Moi ça m'a fait beaucoup de bien de mobiliser comme ça cette communauté de personnes autour de ça et puis c'était un petit rendez-vous, ça me permettait de tenir aussi je pense quelque chose. Voilà, j'étais pas totalement désolée même si on parlait : j'ai entamé un très gros cheminement intérieur. ça a été aussi une grosse mission, c'était un truc un peu plus léger et qui me... qui me laissait connectée aussi à la vie réelle. Écrire un blog, c'est un peu continuer à être dans le game. C'était peut-être un peu ça.

  • Giulietta

    Oui, carrément. Et pour revenir justement sur ce travail de cheminement intérieur, lorsqu'on s'est appelées il y a un mois, tu m'as dit que tu t'étais lancée dans une forme d'enquête pour comprendre ce que cette maladie disait de toi et de ton rapport aux choses. Et il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit "il y a forcément quelque chose à comprendre. Ton corps, il crie là. Je me suis lancée dans une investigation pour comprendre". Et du coup, comment est-ce que tu as procédé pour réaliser cette enquête ? Qu'est-ce qui t'a motivée à le faire ? Et qu'est-ce que tu voulais comprendre ?

  • Adeline

    J'ai toujours été très sensible à ce principe qui est que notre corps nous dit quelque chose. Ma mère, qui était passée par là avant, était déjà beaucoup là-dedans. Je n'avais pas toujours les clés de lecture pour tout, mais je sais que je surveillais quand même un peu mes petits bobos, mes petits machins, même si en fait, je n'avais pas assez de clairvoyance réellement pour voir les choses en face parfois. Mais j'avais vraiment cette notion que le corps disait quelque chose. Et très vite, je me suis dit, attends, mais là, le cancer, c'est tes propres cellules qui dégénèrent. Ce n'est pas un truc que tu attrapes, comme plein de maladies auto-immunes et tout. Et tu te dis, à quel moment ton corps décide de se mettre en rébellion contre toi ? C'est quand même impressionnant. alors bien sûr que c'est multifactoriel, bien sûr qu'on peut accuser aussi ce qu'on mange, ce qu'on boit, ok, mais c'est quand même... Pour moi, il y avait quelque chose à aller creuser aussi, de l'ordre du... Et si mon fonctionnement jusqu'à présent avait conduit, effectivement, mon corps à sonner une alerte hyper forte, pour me dire, ça ne fonctionne pas ce que tu fais, arrête parce que tu es en train de nous pousser à bout, tu es en train d'aller dans une direction qui n'est pas en lien avec ton, on va dire, ton moi intérieur, ton âme, comme on veut l'appeler, en tout cas avec vraiment... ce qui te ressemble et ce qui fait sens pour toi, tu t'éparpilles, t'en fais trop, tu n'es pas connectée, et il faut que ça s'arrête, parce que là, tu cours à la catastrophe. Et donc moi, j'ai vu ça comme finalement, pour moi, ce n'était pas une condamnation à mort, d'avoir un cancer, c'était plutôt une recommandation à vivre plus fort et beaucoup mieux. Et je pense que mon corps m'a envoyé tout un tas d'autres signaux avant que je n'ai pas vraiment compris. pour déjà me dire, me manifester une fatigue latente, un stress beaucoup trop important. Mais je ne le voyais pas trop, j'étais dans un très gros déni. Et donc, il fallait un truc aussi fort qu'un cancer pour me faire arrêter. Et quand j'ai tout arrêté, puisque j'avais ce cancer, ce qui m'a marquée, c'est que je me suis sentie soulagée. Et là, je me suis dit "Comment ça se fait ? Alors que tu étais censée être cette chef d'entreprise accomplie, qui fait un podcast, qui fait ci, qui fait ça, qui est... qui a 8000 activités, qui a l'air de gérer sa vie d'une main de maître, comment ça se fait que tu es soulagée si tout ce que tu faisais, c'était supposé être épanouissant et kiffant ?" Et donc, je me suis dit, est-ce que ça n'était tant que ça ? J'ai commencé déjà par interroger ça et à me rendre compte que finalement, je faisais quand même un petit peu tout pour des mauvaises raisons. Par exemple, répondre d'abord aux injonctions d'autrui parce que j'avais peur qu'il m'abandonne. Donc, être tout le temps tournée vers les autres parce que... Mes blessures d'enfance voulaient ça, que finalement, si je ne fais pas ce que les autres attendent, ils ne vont pas m'aimer et ils vont me laisser tomber. Répondre à des injonctions sociétales, je pouvais aussi imaginer, on attend de moi que je sois ce genre de personne. Je suis une femme, jeune, je suis censée faire des études, réussir, machin, comment ma mère m'avait élevée avec ce culte de la performance et d'aller toujours plus loin, plus fort qui faisait que je cherchais toujours. C'était jamais assez bien ce que je faisais, il y avait tout un tas de choses et puis après j'ai mobilisé un peu des thérapies alternatives. ça peut s'apparenter à de la kinésio ou des soins un peu médiumniques mais là c'était plus pour comprendre : je voulais comprendre le sens du cancer du sein en particulier. Pourquoi le sein ? ça dit quoi de moi ? Ce qui est ressorti, ça peut être un truc assez universel : le sein, c'est l'organe nourricier donc c'est comment tu nourris tu te nourris toi ou à la limite comment tu nourris trop les autres à ton détriment. Et puis, il y avait un lien forcément aussi avec la maternité donc je me suis rendue compte qu'il y avait des choses que ça disait sur ma façon d'être mère, de culpabiliser sans arrêt en ayant la sensation que je ne fais jamais assez, que c'est jamais assez bien, de trop nourrir mais je nourrissais pas dans le bon sens, je nourrissais trop par le faire. Tu disais tout à l'heure, tu te définis beaucoup par l'action. Moi, j'avais l'impression que pour être une super bonne maman, il fallait que je fasse, faire ci, faire ça, faire ça, faire ça. Alors qu'en fait, un des premiers soins énergétiques que j'ai faits, la nana m'a dit, mais tu sais que tu es mère, tu n'as rien à faire d'autre. C'est un peu ça. Et en fait, je me souviens que ça m'avait beaucoup soulagée. Donc voilà, ça a commencé comme ça. Puis, j'ai été accompagnée par une dame qui a un petit peu des dons. Alors, c'était 100% bénévole. vous savez c'est vraiment les... c'est rebouteux de campagne comme on peut avoir en France des gens que tu sais pas expliquer, ils ont des dons de magnétisme des choses comme ça et moi, on m'avait recommandé d'aller chez cette dame en me disant "elle pourra soigner tes brûlures quand tu feras des rayons". En fait, j'y suis allée beaucoup plus tôt : j'y suis allée dès les premiers RDV, dès la chimio et j'ai aucune explication rationnelle à te donner mais cette femme elle a fait des trucs de fou. Elle m'a dit des trucs de fou, elle voyait en moi comme dans un livre et elle me sortait des vérités incroyables parce que Il y a ma mère qui a eu un cancer, il y a ma grand-mère avant. J'étais la troisième génération et elle me dit « Non, mais est-ce que vous vous transmettez de grand-mère en petite-fille ? De toute façon, c'est votre culte de la perfection. Vous cherchez à être parfaite pour être aimée. » Elle ne me connaissait pas. Je ne lui avais rien raconté. C'était tellement vrai, tellement juste. Tous ces gens me faisaient avancer. Je lisais des trucs, j'écoutais des podcasts. Bien sûr, je consultais un psychologue. Évidemment, tu vas aussi voir des choses plus rationnelles. Mais tout ça fait un... un melting pot de choses qui font que ça me permettait, moi, de comprendre ma maladie et ça me mettait dans de l'action aussi. C'était chouette de me dire, je vais comprendre ce que c'est et comme ça, en rémission, je vais agir et on n'y reprendra plus, quelque part. Et je trouve que c'est chouette, ça met dans un bon élan, tu vois, ça met dans un élan d'après, ça te raccroche à quelque chose de très positif pour ta vie ensuite. Et se dire comment je peux faire de cette maladie une chance. C'est pour ça que mon livre s'appelle « Mon cancer, quelle chance ? » plutôt que de juste me plaindre et déplorer ce qui m'arrive parce que oui, c'est hyper injuste. C'est injuste et à la fois peut-être que malgré moi, et ce n'est pas du tout culpabilisant, malgré moi, j'ai créé les conditions de cette maladie parce que je n'ai pas fait exprès, évidemment. Mais il y avait des choses que je faisais qui n'étaient pas super bonnes pour moi. Et qu'il était temps que j'ouvre les yeux pour aller mieux.

  • Giulietta

    Oui, je me reconnais vachement dans ce que tu dis. Tous les deux, on a une maladie où on s'attaque quelque part. Et donc, effectivement, je me reconnais dans ton récit, le fait de se dire "Quels sont les dysfonctionnements qu'il y avait dans ma vie à l'époque et qui ont conduit à ce que mon corps se comporte de la sorte ?" Alors, ça ne veut pas dire qu'il y a un lien de cause à effet établi, mais malgré tout, ça a pu contribuer. Et du coup, comment est-ce que tu décrirais les changements qui se sont impulsés petit à petit en toi suite à cette prise de conscience ?

  • Adeline

    Alors, j'ai commencé à être plus douce avec moi-même. Déjà, j'ai aussi interrogé tout ce que je faisais. J'ai pris chaque action et en me disant, je passais tout au tamis de "Est-ce que tu le fais vraiment pour toi ? Est-ce qu'il y a un vrai élan authentique ? Est-ce que tu le fais pas pour paraître comme si ou pour plaire à Bidule ?" Du coup, c'était un vrai questionnement. pour filtrer. Et puis, j'ai dû apprendre. Je ne sais pas, moi, à un moment donné, j'étais tellement... En fait, c'est une double lecture. Donc, il y a le travail sur soi, puis en plus, tu perds tes cheveux. J'avais pris du poids, je ne me ressemblais plus. J'ai toujours été quelqu'un qui plaisait plutôt, moi. J'ai une sorte de don pour connecter avec les gens. J'ai un petit charme naturel, on va dire, tu sais, genre une aisance à communiquer avec autrui qui faisait que les gens me regardent dans les yeux, et sont là, machin, il y a un dialogue, et là d'un coup, t'es chauve, t'es pas bien, on voit bien que t'es cancéreuse, les gens étaient vides quoi. Donc j'ai dû apprendre à être au monde carrément autrement, tu vois, comment tu fais pour exister quand t'es plus dans ce petit rôle de charme avec les gens, et du coup sur quoi tu te bases : tu dois être beaucoup plus dans ton intériorité, ton authenticité, ta vérité, ça s'est joué aussi beaucoup. Donc, c'était comme un oignon appelé, tu vois. C'est-à-dire que j'enlevais des couches et des couches de choses. Et en vrai, quand j'ai terminé mes traitements, je me suis dit « Waouh, j'ai avancé de fou, c'est génial ! » Mais en fait, ce travail, c'était que le début. Maintenant, je peux le dire, ça fait cinq ans. Et bien, c'était que le début. C'est-à-dire que je continue à travailler de fou sur moi, sur mes blessures et tout ça, parce que... Il était nécessaire que j'aie des grosses prises de conscience et que je démarre le chemin. La bonne nouvelle, c'est que quand tu es déjà récompensé de tout ça, quand tu te mets sur le chemin et que tu continues à travailler, tu n'as pas besoin d'avoir tout compris à la fin de ton cancer. Ça reste un chemin. Mais du coup, c'est toujours plus connecté à une vérité, à une authenticité, à faire des choses parce que c'est sincère et ça vivrait pas parce que tu veux... encore une fois, briller fort ou je ne sais quoi. C'est compliqué parce que c'est subtil. Et du coup, je suis toujours en train d'interroger tout ce que je fais à travers ça. Et quand des fois, il y a des obstacles, je me dis, tu es en train de faire un truc, réfléchis deux secondes. Ça bloque. Pourquoi ça bloque ? Est-ce que tu fais vraiment ça parce que ça part d'un élan sincère ou parce que c'est encore un petit peu ton habituel qui revient au galop ? Parce que l'habituel revient toujours au galop. Mais voilà, et puis ce qui a aidé aussi, c'est que je me suis reposée énormément et j'ai remis mon curseur de stress à zéro. Et c'est là que ça m'a permis de voir que je ne me sentais absolument pas stressée avant le cancer. Bien sûr que non, tu vois bien, je gérais tout, tout va bien. Tu parles, en fait, j'étais dans la zone rouge, mais j'étais tellement haut en stress, tellement haut. D'ailleurs, quand j'étais enceinte, justement enceinte en 2014, enfin en 2013, je... J'ai été arrêtée à 5 mois de grossesse parce que j'avais des contractions monstrueuses. Je ne me sentais pas stressée. Pareil, c'est mon corps qui parlait déjà. J'étais stressée, vraiment. En fait, ça a tout remis à zéro. Ça m'a permis à mon corps de me renvoyer les bons signaux. Maintenant, je sens que quand je dépasse mes limites, quand il y a quelque chose qui ne va pas… il y a les tensions qui montent, ça se crispe dans le dos, il y a une mélancolie qui arrive. Donc, c'est génial. C'est cadeau quand tu peux être connecté à tes sensations corporelles. Parce qu'en fait, ton corps te parle tout le temps, même avec le moindre petit signe. Mais sauf que si tu es, comme j'étais avant, tellement haut et que tu bois du café et du café pour tenir et que tu es toujours un peu excité comme ça, en fait, tu ne peux plus l'écouter ton corps. Il n'a plus moyen de te parler. Donc ça, ça a énormément changé. Et la connexion au corps, j'écoute tout ce qui se passe maintenant. Parce qu'en fait, tout est riche d'enseignements. Et il y a encore un mois, j'avais super mal à l'épaule. J'avais l'impression d'avoir une tendinite. Je me disais, mais ça n'a pas de sens. Je ne comprends pas. Et je voyais bien qu'il y avait quelque chose. Donc je cherchais, je cherchais, mais je ne mettais pas le doigt dessus. J'ai eu une conversation délicate avec quelqu'un. J'ai sorti quelque chose qui était important pour moi. Et je me suis rendue compte le lendemain que je n'avais plus mal. C'est vraiment du chaud. C'est vraiment... J'ai eu une discussion le soir, le lendemain matin, je n'avais plus mal, mais je ne me suis pas rendue compte tout de suite. Tu vois, c'est la fin de matinée, je me suis dit, attends, mon épaule, il n'y a plus rien. Et ça reste complètement fou, moi. Pour moi, ça me fascine, en fait. C'est ce pouvoir du corps pour nous envoyer des messages. Je trouve ça totalement dingue.

  • Giulietta

    Oui, c'est marrant. Je te l'ai déjà dit, mais bon, je suis une personne assez anxieuse. Parfois, le biais qu'on peut avoir, c'est de penser que l'anxiété ne veut rien dire, et qu'elle est là, et que ce n'est pas bien, et qu'il faut la combattre. Et en fait, l'anxiété n'est pas toujours là. Elle est là dans certaines situations où on perçoit quelque chose avec lequel on n'est pas à l'aise. C'est ce que tu disais, cette tension dans l'épaule. Et donc, très souvent, on n'est pas habitué à écouter ces signes et à les interpréter, et à se dire qu'il y a peut-être quelque chose qui ne me va pas et qu'il faut que j'adresse. Et donc, on reste avec ce poids sur les épaules pendant longtemps. avant de pouvoir être en mesure d'y apporter une réponse. Et je trouve que très souvent, ça peut paraître un peu ésotérique, ce qu'on est en train de dire toutes les deux, le fait de s'écouter, d'écouter les signaux de notre corps ou quoi que ce soit. Et en fait, le fait de réaliser ces actions-là, ça permet tellement de réduire le niveau de tension, parce que quand on s'écoute, soit on va aller parler à la personne avec laquelle on n'est pas d'accord. Soit on va éviter une situation sur laquelle on ne se sent pas à l'aise, mais en fait, on apporte une réponse plutôt que de se l'imposer. Comment ? Je ne sais pas si ça a été le cas pour toi, mais moi, en tout cas, j'ai réalisé aussi un travail sur moi, etc. Et puis, il y a eu un moment un peu vertigineux où je me suis dit « Oups, j'étais franchement pas bienveillante avec moi et je me suis imposé beaucoup de choses. » Quel est le regard que tu portes sur la personne que tu étais avant ?

  • Adeline

    Oui, c'est vrai que je n'étais pas forcément bienveillante. J'étais très exigeante avec moi-même. Mais je porte quand même un regard assez tendre parce que je ne m'en veux pas du tout. Parce que je sais très bien que je faisais tout ça parce que je n'avais pas d'autre choix. J'étais outillée comme ça. Donc, je reviendrai en arrière. La moitié, il y a dix ans, la trend qui avait pris à pas longtemps, je ne l'ai pas suivie cette trend. Mais si je devais lui parler, j'aurais beaucoup de bienveillance parce que je dirais "Pauvre chaton, là, t'es tellement encore aux prises avec tes blessures racines d'enfance, ton conditionnement familial. Tu peux pas t'en sortir autrement, là. En fait, c'est évident que t'es toujours dans la quête de la perfection, la quête du toujours mieux, la peur qu'on te lâche si tu fais pas tout ça, l'impression qu'effectivement, si tu réponds pas... ". Tu vois, j'étais indépendante pendant 15 ans avant d'être salariée, je peux dire ben c'est le client est roi, tu vois, alors qu'en fait, c'est pas vrai que le client est roi, tu peux aménager aussi les choses, tu vois. Mais donc je me pliais sans arrêt en 8 pour satisfaire, je prenais pas beaucoup de vacances, etc. Et puis, la maternité a fait aussi un petit peu de mal, parce que c'est quand même très pressurisant, ça c'est encore une autre histoire, mais c'est beaucoup, beaucoup de questions qui se posent, c'est une grosse claque dans la face, et puis, du coup, ça a carrément remis une couche sur mon côté "Il faut que je sois une mère parfaite maintenant, en plus d'être une femme parfaite et une professionnelle parfaite et tout". J'étais d'une exigence rare. Je me souviens que le père de mon fils, à l'époque, me le disait, mais il ne me le disait pas avec bienveillance. Il disait "De toute façon, tu mets toujours la barre trop haute". Comme il ne me le disait pas avec bienveillance, ça m'énervait. Je ne l'entendais pas. Je lui disais "Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai ce que tu dis, c'est faux". Mais non, il avait raison en fait mais je pouvais pas, j'étais dans une forme de déni, mais c'était un déni pour me protéger, quoi, en fait, parce que finalement, tout ça, ça fait que j'ai été tellement élevée comme ça. Ma mère, elle l'a pas fait exprès, mais elle m'a toujours un peu portée aux nues, et d'un côté, moi, j'ai un papa qui m'a abandonnée, littéralement, et de l'autre, j'ai une maman qui m'a élevée toute seule, mais qui voulait surtout pas que je sois en galère dans la vie à cause de ça. Et donc, il m'avait un peu portée aux nues, qu'elle voulait que je fasse de grandes choses et qu'elle voulait que je sois combattante dans la vie et tout. Sauf qu'en fait, moi, pour la petite fille que j'étais à l'époque, c'était si tu ne corresponds pas à ces idéaux-là de ta maman, elle ne t'aimera pas. Tu sais, quand on est enfant, on comprend mal. Et donc, d'un côté, j'avais "tu n'es pas digne d'être aimée". Et de l'autre, c'était "si tu n'es pas là-haut, tout là-haut, en fait, on ne t'aimera pas non plus". Donc, tu vois, ça faisait beaucoup. Et donc, finalement, j'ai grandi comme ça, tout le temps à côté de mes pompes, je ne pouvais pas être moi-même. Il fallait que je sois trop, ou alors si j'étais moi-même, c'était de la merde, puisque mon père m'avait abandonné. En fait, c'était horrible. Et donc, j'ai mis des œillères pour pouvoir grandir correctement, et j'ai été un bon petit soldat qui accomplit, qui fait des choses aussi grandes que possible, mais ça n'était jamais assez bien, donc j'étais tout le temps un peu malheureuse. On peut toujours faire mieux. Et puis des fois, je me ratais aussi, parce que voilà. Et du coup, j'ai fait du sport à bon niveau. Quand j'étais plus jeune, je faisais de la gymnastique rythmique, un sport qui est assez exigeant, très exigeant avec le corps en plus. C'est pareil, j'étais toujours trop grosse, je ne faisais jamais les bonnes perfs. Et puis des fois, je faisais des erreurs sous la pression assez énorme. Mais c'était trop dur. Et donc finalement, c'est pour ça qu'il y avait ce soulagement quand j'ai eu le cancer. En fait, je n'en pouvais plus vivre sous cette pression-là. Ce n'était pas moi qui la voulais. C'était pas vraiment moi donc voilà alors je sais plus quelle était ta question initiale. C'est le regard que tu portais sur la personne que tu étais. Voilà, le regard du coup il est assez bienveillant : je pouvais pas faire autrement, c'est pour ça que je me culpabilise jamais en disant "je me suis un peu entre guillemets fabriqué mon cancer". Bien sûr, j'y étais pour rien mais peut-être ça peut contribuer. C'est disons que c'est ma vie toute entière et mon fonctionnement tout entier qui a fabriqué ce cancer mais c'était pas possible. Je devais en passer par là quelque part, ça aurait été peut-être très dur d'ouvrir les yeux parce que quand t'as ce déni aussi fort... Moi, j'étais déjà suivie par des psys et tout mais en fait tu sais le psy quand tu veux pas voir quelque chose, ça marche pas. Il faut être très... et tu vois je rebondis sur ce que tu disais tout à l'heure dans cette écoute du corps et tout ce qui est très dur parce que moi j'essayais déjà de le faire avant le cancer, c'est justement d'être de regarder à l'intérieur de soi et même des parties pas très cool. Parce que des fois, quand tu as cette angoisse, cette anxiété ou cette tension, c'est effectivement en réaction à un événement extérieur, à une personne à qui tu as peut-être besoin de parler et tout. Mais peut-être que tu as besoin de lui parler, mais parce que toi aussi, finalement, ce n'est pas forcément complètement OK ce que tu fais. Une relation, tu sais, c'est toujours à deux. Chacun a 100% de son camembert, quoi. Et ton 100% à toi, peut-être qu'il y a des trucs que tu fais aussi.

  • Giulietta

    et qui sont pas ok pour l'autre personne et que c'est pour ça qu'elle te fait vivre un truc qui est pas cool pour toi et que tu vis cette anxiété donc c'est très dur d'être chez ma psy je prends cher à chaque fois que j'y vais quoi tu vois mais j'adore j'adore ce qu'elle me fait. Aujourd'hui, j'ai cette capacité, je n'ai plus de déni donc je prends tout, je comprends tout aussi et j'enregistre et je fais ouais ouais ouais ouais c'est vrai c'est vrai et je reconnais ma part de responsabilité dans tout ce qui m'arrive et ça ça c'est cadeau aussi quoi. Parce qu'en fait, on est responsable de tout ce qui nous arrive, même quand on a l'impression qu'on ne l'est pas. Ce n'est pas vrai. Et ça m'aide énormément dans mes relations aux autres aujourd'hui. Et je suis tout le temps dans ma relation amoureuse. Tu vois, des fois, je fais des reproches à mon mec. O n s'entend plutôt bien, mais ça peut arriver. Et en même temps, systématiquement, même quand je pars un peu en bris, comme ça, et que je dis un truc méchant, après, je réfléchis toujours sur moi et je fais "Je suis désolée parce que là, tu as dit un truc pas cool, mais tu vois, je crois que moi, j'ai généré à cause de". Et donc, tout le temps, des fois, il me dit "Non, mais t'accable pas non plus, c'est un peu moi qui ai merdé". "Non, mais je t'assure, je t'assure, je pense aussi que, tu vois, j'ai quand même fait ci, j'ai quand même fait ça". Et oui, il faut prendre sa responsabilité parce qu'en fait, ouais, bien y regarder, toi aussi, tu génères des trucs malgré toi, toujours, mais c'est bien d'être clairvoyante et d'avancer. Et ça, ouais, les bons thérapeutes, normalement, t'y aident et t'accompagnent là-dedans.

  • Adeline

    carrément sur la notion de responsabilité Je ne sais pas si tu seras d'accord avec moi, mais j'ai l'impression que très souvent, quand on fonctionne dans un écosystème ou avec une manière d'être particulière, donc toi comme moi, on a l'air assez exigeantes. En fait, vu qu'on n'a pas connu autre chose pendant longtemps, on pense que c'est la norme. Et tout d'un coup, quand il y a un move qui se fait et qu'on réalise qu'on peut maintenir un niveau d'exigence élevé, mais en abordant les choses différemment, en se disant que ce n'est pas la fin du monde, c'est là qu'on se rend compte que pendant tout ce temps, on s'est trompé. Et la responsabilité, je la vois dans le fait où on a accepté des choses, des interactions peut-être avec des clients, des patrons qui n'allaient pas, parce qu'on ne savait pas que ça pouvait être autrement et que ça pouvait être respectueux autrement en respectant, par exemple, notre santé mentale.

  • Giulietta

    C'est ça. Oui, c'est tout à fait juste. Parce qu'en fait, quand tu t'autorises à faire autrement, moi, je me souviens à l'époque, il y avait une maman de l'école qui était aussi à son compte, mais en tant que psychologue. Et elle me disait, mais Adeline, pourquoi tu ne poses pas plus ta limite ? Moi, tu vois, les gens, quand ils veulent bosser avec moi, je leur dis, c'est pas à mon temps. Je disais, ouais, mais nous, c'est la com. Tu vois, tout le monde est toujours pressé. En fait, ce n'était pas vrai parce que j'y arrive aujourd'hui. Quitte à dire non. D'ailleurs, en fait, non, je ne suis pas disponible. Rappelez-moi le mois prochain, mais là, je ne peux pas. C'était une vraie négo, quoi. Parce que tu dis, ils ont autant besoin de toi que toi, tu as besoin d'eux. Ce n'est pas juste... Moi, j'avais l'impression qu'on me faisait l'aumône. Tu es genre "Super, on me donne du travail, merci, du coup, je vais tout faire dans vos conditions à vous parce que vous êtes déjà bien gentil, mon bon seigneur, de me donner de quoi manger". Non, pas du tout, en fait. Et donc, quand tu apprends plus à te respecter, à respecter ton cadre et tes limites, tu as conscience aussi de tes capacités, de tes atouts. Moi, je sais ce que j'apporte à mes clients. Donc, en fait, je sais aussi pourquoi ils veulent travailler avec moi et que donc, ça suppose aussi de respecter un peu mon cadre à moi et que quand ce n'est pas OK, non, ce n'est pas OK, je suis désolée, là, je ne peux pas. Donc oui, on peut faire autrement, mais c'est un apprentissage constant. Clairement.

  • Adeline

    Je fais une mini digression, mais ça me fait penser, j'ai lu, tu vois, qui est Grégory Pouy. Il a un podcast qui s'appelle Vlan et j'ai vu passer un jour un post LinkedIn de lui qui disait la différence entre being nice et being kind. qu'on pourrait traduire la différence entre être un peu brave et être sincèrement, foncièrement gentil. Et en fait, être brave, c'est dire oui à tout parce qu'on veut faire plaisir à tout le monde, et qu'on se sacrifie constamment. Et le fait d'être gentil, c'est toujours se sacrifier, mais choisir le sacrifice qu'on fait parce qu'on tient vraiment à la personne et que ça fait sens pour nous. Et je pense que ça, ça peut être appliqué à tout ce que tu décris. Là, on ne parle pas d'arrêter d'être exigeante, d'arrêter d'avoir de l'ambition ou quoi que ce soit, c'est juste se dire WCet effort, est-ce que ça vaut le coup que je le réalise ou non ? Et peut-être cette perte de qualité de vie, le fait d'avoir une charrette, de terminer un petit peu plus tard, de ne pas pouvoir aller chercher ton enfant à l'école, des choses comme ça. Est-ce que ça vaut le coup, concrètement, ou non ?".

  • Giulietta

    C'est franchement compliqué. Ça m'arrive encore de dire oui en conscience maintenant en fait parce que le projet il me plaît trop et que c'est trop bien mais d'être capable quand même de dire aussi non, ça c'est chouette, c'est un cadeau aussi maintenant et je le vois puisque du coup il y a vraiment la chef d'entreprise d'avant le cancer. Et maintenant, je suis de nouveau la chef d'entreprise post-cancer et je vois bien que je ne travaille pas du tout de la même façon : je ne suis pas du tout aussi stressée qu'avant, je ne gagne pas moins bien ma vie, spoiler. Voilà elle s'était quand même pas en fait j'avais l'impression comme ça qu'il fallait que je m'agite dans tous les sens pour avoir mon chiffre d'affaires. Bah non, c'est une grande découverte et ça c'est c'est magique en fait de voir que ton authenticité, ta vérité et ton alignement, ils sont au service de ta vie et que ça marche en plus quoi t'es récompensée de ça en général oui oui je suis entièrement d'accord avec toi

  • Adeline

    Et justement, en lien avec ce travail d'introspection que tu as fait et qui a été un cheminement personnel, tu as commencé à avoir ton blog, etc. Et puis, tu as décidé de rendre encore plus public ton parcours en publiant un livre. Comment est-ce que tu as cheminé sur le sujet ? Et qu'est-ce qui t'a poussée justement à publier de manière un peu plus large ?

  • Giulietta

    Tu vois, j'ai appris tellement de choses sur moi pendant cette année de traitement. et j'ai fait... sur le transgénérationnel, sur l'épigénétique, sur ma propre biographie, mon fonctionnement, etc., ma vie de mère, je ne sais pas comment on est. Et là, je me suis dit "Mais il faut trop que je raconte ça, quelque part, que je puisse le dire dans un espace plus nourri qu'un blog" ou voilà. Parce qu'il y a un vrai effet miroir, en fait, en racontant ce que moi, j'ai compris et ce que moi, j'ai fait. Il y avait des lectures aussi, dans la relation à ma mère aussi, il y a eu beaucoup de choses. Lise Bourbeau a fait un livre là-dessus et c'est hyper édifiant. Et donc, oui, je me suis dit "Il faut que tu l'expliques parce que ce que tu vas raconter toi, ça va faire réfléchir d'autres personnes". Et donc, j'ai décidé de faire ce livre. Et de fait, tu vois, aujourd'hui, quand les gens me lisent, plein de femmes qui me disent "Déjà, j'ai l'impression que tu décris ma vie". Elles se reconnaissent beaucoup dans ce que je raconte de moi. Et puis, chacun ou chacune pioche un petit élément : "Ah ben oui, ça, ça me fait réfléchir. Ah oui, ça, ça me fait rebondir" et finalement de... ton expérience peut avoir un truc un peu universel, ça c'est un peu magique. Et je sais que moi j'aime beaucoup lire des témoignages, parce que tu peux te retrouver et t'identifier à la personne qui parle. Donc il m'a fallu que je digère quand même. J'ai essayé de le commencer en septembre 2021, j'ai écrit les premières pages, puis je l'ai laissé pendant des mois en jachère, j'y arrivais plus. Et donc j'ai attendu le printemps 2022 pour m'y remettre, et je l'ai fini en août 2022 et après il a fallu encore plusieurs mois. J'ai trouvé un éditeur tout de suite, j'ai eu beaucoup de chance et il a fallu encore plusieurs mois pour qu'il sorte parce que l'édition, c'est très long mais du coup il est sorti en juin 2023. Et voilà, j'étais prête à ce moment là quand je l'ai écrit, à raconter avec du recul tout ce que j'avais compris pendant la maladie et c'était chouette aussi parce que je pouvais ajouter le début de la rémission, le post-cancer ... avec des trucs qui n'étaient pas forcément tout à mon honneur, c'est-à-dire que je ne suis pas sortie comme petit Bouddha de tout ça. On pourrait croire que là, je me la pète, genre non, mais j'avais tout compris, donc du coup, j'étais très sage, j'avais très... J'ai eu une phase complètement trash à avoir besoin de repousser mes limites comme si j'étais une ado attardée, d'être un peu perdue parce que c'était trop d'émotions d'un coup, genre tu veux dévorer la vie, mais la vie te dévore, quoi. Et donc, en fait, il a fallu que je fasse retomber. J'étais comme quelqu'un qui a agité un bocal comme ça, il fallait le temps que l'huile et l'eau se séparent, je ne sais pas comment dire, mais que ça fasse de nouveau deux phases. Moi, j'avais tout agité, tout qui bougeait dans tous les sens. Donc, c'était marrant aussi de dire, attention, il n'y a pas d'épiphanie juste quand tu as terminé ton traitement. Non, c'est un chemin, c'est ce que tu disais tout à l'heure, c'est un chemin très très long. Et que tu peux aussi un peu te perdre. Moi, je croyais vraiment qu'il y aurait un jour nuit, que j'allais terminer mon dernier cachet et que ça allait être genre "ça y est, je suis sage". Eh bien non. Et c'était chouette de le dire aussi. De ne pas être que dans le côté trop positif ou trop édulcoré de tout ça. Tu passes par plein d'émotions très contradictoires. Mais la vérité quand même, c'est que malgré tout ce chambardement et ces émotions un peu endenties et tout, il y avait un truc tellement plus authentique. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression que depuis 5 ans, je me souviens beaucoup plus de ma vie que ma vie d'avant. C'est bizarre ce truc-là. Comme si j'avais été spectatrice d'un film et que j'ai que des bribes de souvenirs. Ça me donne même l'impression que ce n'est pas vraiment moi qui ai vécu tout ça. C'est assez bizarre. Alors que là, maintenant, ce que je vis, c'est complètement moi qui le vis. Il y a vraiment ce truc, c'est mes souvenirs, c'est ma vie, c'est très vif, c'est très ancré, c'est très fort. Mais les trucs de la vie d'avant, c'est genre, mais c'était moi, cette personne-là. C'est trop bizarre, en fait. Je ne me souviens pas de tout ça, ou très peu, ou c'est une hallucination. Il y a même des fois où je me dis "Attends, ça, c'était un rêve, ou c'était vraiment un rêve ?" Je ne sais plus. parce que je pense que j'étais... J'étais tellement à côté de mes pompes, que j'étais pas tout à fait là. Oui,

  • Adeline

    carrément. Et j'ai l'impression que parfois, quand on n'est pas aligné avec soi-même, ça met comme un filtre qui floute un petit peu tout. Et ça n'empêche pas de vivre les situations intensément, les situations difficiles ou quoi que ce soit. Mais je ne sais pas comment dire. ouais pour Un exemple. Je vois. Oui, tu vois.

  • Giulietta

    Oui, je vois tout à fait. Tu n'es pas... Oui, c'est ça. Tu n'es pas complètement là. Effectivement, ça filtre les situations. Mais vraiment, je trouve que c'est encore plus probant quand tu te rappelles. C'est sur le moment, tu as l'impression que tu vis ta vie normalement. Mais c'est dans les souvenirs. Les souvenirs ont un filtre flou. Un truc un peu, une buée comme ça devant.

  • Adeline

    Exactement. Et oui, tu es en dehors des choses. Alors, je viens de te picouiller un tout petit peu. mais je te l'avais dit déjà quand on avait échangé en visio. Ma perception en tout cas de l'emploi du terme chance dans le titre de ton ouvrage, je la comprends totalement dans ta perspective à toi et dans ton vécu et je me pose la question de est-ce que ça peut pas aussi créer une espèce d'injonction contradictoire où des personnes, par exemple, de l'entourage d'une personne qui serait atteinte par un cancer peuvent dire "Mais prends-le comme une chance. Tiens, tu pourrais changer de vie toi aussi et revoir tout différemment". Est-ce que toi déjà, tu as vécu de l'extérieur ces espèces d'injonctions qui ne sont pas franchement agréables ? Et comment est-ce que tu te positionnes par rapport à ça ?

  • Giulietta

    Non, moi je n'ai pas vécu ça. Personne ne s'est permis. Je crois que même... Je sais que, du coup, depuis que j'ai fait ce livre, il est souvent offert à des personnes qui sont malades. Mais je ne crois pas que ce soit vécu comme une injonction. Parce qu'il y a ce truc de... "Ben voilà, en fait, tiens, on t'offre une autre lecture de ta maladie. Fais-en ce que tu peux. C'est OK, en fait. Mais si ça peut t'aider à mieux la vivre, en fait". Moi, j'ai plus l'impression que c'est ça, finalement. C'est pas... C'est pas à tout prix, tu dois réussir ton cancer, quoi. Tu vois ? C'est plutôt... ça t'offre un autre regard, ça te fait sortir de la noirceur et de l'injustice que tu peux connaître, et peut-être que tu peux y piocher quelque chose de lumineux et qui va te faire du bien pour traverser tout ça. Donc, c'est vrai que je ne crois pas que ça fait une injonction contradictoire, et en plus, à aucun moment je dis, si tu vis ton cancer comme ça, et que tu es récitant de faire une chance, c'est comme ça que tu vas guérir. Non. tu mets toutes les chances de ton côté, en fait. C'est juste, ça ne gâche rien, bien au contraire. Et ça ne peut que faire du bien à ton corps, que faire du bien à ton mental, sachant que si on a eu, entre guillemets, le pouvoir de créer notre maladie, on a aussi le pouvoir d'agir dans l'autre sens. Et ça, c'est tout le travail de la sophro, de tout. Enfin, je veux dire, on sait qu'un mental qui va bien, qui est très positif et tout ça, influence tout le reste. Enfin, je veux dire, c'est prouvé, quoi. Donc, en fait, t'as tellement d'intérêt à te dire, bah oui tiens euh Qu'est-ce que je pourrais faire de ça maintenant que ça m'arrive, de cette expérience détestable ? Comment je peux m'en sortir avec ça ? À ma mesure et à ma manière. Et en fait, t'as pas besoin de... Comme je disais tout à l'heure, t'as pas besoin de tout comprendre. T'as pas besoin d'être tout de suite dans le... Ça y est, j'ai capté. Je suis allée hyper fort, hyper vite. C'est vraiment se mettre sur le chemin. Finalement, quand tu te dis à ton corps, OK, je crois que je comprends que t'as un truc à me dire, viens, on avance ensemble. Ça fait déjà du différent. C'est vraiment... t'es plus dans le rejet de toi-même, t'es plus dans le déni, t'es plus dans tout ça, t'es dans quelque chose où t'es... Tu commences à te réaligner. Donc après, tout suit son cours et ça va plus ou moins vite, plus ou moins lentement, on s'en fout en fait, dès lors que juste tu reprends possession de toi-même et à tes degrés à toi et à ta vitesse à toi et c'est ça qui est génial. Donc ouais, c'est pas tant une injonction, c'est plus, est-ce que tu te reconnais là-dedans et si tu te reconnais, c'est super cool. cool parce que ça aura pu t'aider. Ça aura pu t'aider.

  • Adeline

    Voilà. C'est ça que je trouve intéressant dans ta posture. C'est en fait le fait que tu as trouvé un récit avec lequel tu te sentais à l'aise. Peut-être que scientifiquement, ce n'est pas 100% vérifié, ce dont on parle. Mais que c'est ce qui te permet d'avancer. Et là, tu viens de mentionner que tu avais un rapport quand même qui était plutôt apaisé avec ce qui s'est passé. Et quand on avait échangé il y a quelque temps, tu avais dit "Je toise ma maladie et je l'écoute, je vais faire en sorte que tu t'en ailles, tu n'auras plus besoin de revenir". Et je trouve que c'est très doux, en fait, cette manière de te parler, de parler à ta maladie, où tu lui donnes une existence propre, mais qui est liée à toi, mais tu la détestes pas, tu te bats pas contre, tu mets plutôt en place les conditions pour aller de l'avant et qu'elles se représentent pas.

  • Giulietta

    C'est ça, parce qu'en fait, si tu commences à être dans la haine du cancer, il y a beaucoup de gens qui sont comme ça, « Ouais, on va le battre et tout, on va le détruire. » Mais non, c'est des bouts de toit que tu vas détruire. Non, c'est pas ça. Non, non, c'est genre "Ok, t'es là, t'es là pour me dire un truc". Et c'était un des nombreux soignants que j'avais qui m'avait dit, « Ouais, toi, là, comme un adversaire d'une partie d'échecs complexe, t'as quelqu'un devant toi que tu dois respecter parce qu'il est là pour une raison. Enfin, voilà, tu dois le respecter comme un adversaire. » Par contre... tu vas gentiment lui dire de dégager parce que c'est toi qui vas gagner à la fin. Donc genre "Ok, je t'entends, vas-y, montre-moi ton jeu, mais par contre, salut, c'est quand même moi qui vais rester". Et donc, c'est cette notion de le regarder comme ça et de ne pas être dans la haine. On ne peut pas être dans la haine de soi parce que sinon, c'est trop bête. Et puis, on ne s'aide pas soi-même en étant comme ça. Mais en fait, c'est un peu de la volonté, c'est d'être ferme. Mais pas dans la haine, c'est un petit peu le truc un peu délicat de pas lui en vouloir d'être là en fait ce cancer parce qu'il a un truc à te dire voilà. En même temps, moi je le voyais presque comme un truc genre "Non mais je suis ok pour repartir en fait là. Je suis venu parce que tu vois tu m'as pas laissé le choix". Tu vois, je l'imaginais me parler comme ça : "Tu m'as pas laissé le choix cocotte là franchement tu faisais juste n'importe quoi Donc bon, t'as compris. Ok, c'est bon, allez, je repars. C'est bon, j'ai capté, tu vois". C'était... C'est pas... Si la vie avait voulu que je meure, j'aurais eu une attaque. Voilà, c'est ce que je dis dans mon livre aussi. J'aurais eu un truc foudrayant, en fait. C'était pas la fin de ma vie qui arrivait. C'était le début d'une nouvelle, tu vois. Mais bon, peut-être que si... Après, je peux pas dire. J'allais dire, c'est peut-être que j'avais continué à tourner en rond dans mes histoires. Est-ce que j'aurais guéri ? On sait pas, en fait parce que comme tu dis, ce n'est pas scientifique tout ça, on ne peut pas affirmer. Et puis moi, j'ai aussi une amie très chère, Olivia, qui s'est mise dans le même process que moi et qui, elle, a eu une rechute. Et pourquoi ? Elle continue de se dire, j'ai encore des trucs à travailler, effectivement. Et puis elle continue de creuser très, très loin sur plein de choses. Donc peut-être, peut-être pas. Mais en tout cas, ce qui est admirable chez elle, elle reste dans ce mental de... Mais j'ai un truc à apprendre de tout ça. Un jour, ça va aller mieux. Et moi, je suis convaincue qu'effectivement, ça ira mieux. Mais quand je lui ai dit qu'elle retombait malade, j'ai dit "Putain, moi, j'ai rien. et elle, oui". Et on était dans le même bateau de prise de conscience. Donc, c'est pour ça que jamais je n'affirmerais « c'est bon, tu auras tout gagné » . Juste, tu gagnes une qualité de vie, tu gagnes un mental, tu gagnes de mieux vivre tes soins, mieux vivre tout ça. Et ça, c'est déjà énorme, en fait. C'est vraiment super, ne serait-ce qu'à cet égard-là, en fait. Parce que sinon, c'est la dépression assurée, en fait. Donc, on ne peut pas se laisser aller comme ça. C'est trop difficile.

  • Adeline

    Je suis entièrement d'accord avec toi. Du coup, on n'a pas du tout le même type de maladie. Moi, la mienne, elle sera là pour la vie. C'est une sclérose en plaques. Et en fait, la posture que j'ai vis-à-vis d'elle et qui m'aide à avancer, c'est de me dire que c'est une partie dysfonctionnelle de moi. Donc, je sais qu'elle ne fonctionne pas. Elle fait partie de moi. Et en fait, quand elle se manifeste, c'est juste que je dois lever le pied, prendre soin d'elle pour mieux repartir ensuite. Mais du coup, effectivement, pareil, je ne pense pas que mon neurologue validerait cette interprétation et qu'il me dirait « mais bien sûr, vous avez raison » . Mais en attendant, c'est moi ce qui me permet d'avancer et de laisser la place à des possibles rechutes, à des possibles nouvelles poussées et à les accepter et aussi à prendre soin de moi sans m'en vouloir, sans me battre contre elles.

  • Giulietta

    Et c'est chouette parce que tu te désidentifies de ta maladie aussi. tu la vois comme une entité avec laquelle tu peux être dans l'empathie, dans la douceur. Elle a un truc à te dire, elle crie de temps en temps parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas, comme ton bébé intérieur. Et c'est pas mal, parce que oui, tu composes avec. C'est pareil, tu n'essaies pas de lutter à tout prix. Mais après, peut-être aller regarder pourquoi cette petite entité, elle est là, c'est un très long chemin. Et à partir du moment où tu es sur ce chemin d'essayer d'écouter, c'est pareil, je pense que c'est la voie pour que ça soit peut-être de plus en plus ténu, un peu moins envahissant. Je ne sais pas, est-ce que tu as vu une différence si tu es déjà sur ce chemin-là et est-ce que tu vois une différence par rapport à ta maladie ? Est-ce que ça revient moins souvent ? Est-ce que c'est intéressant ça quand même ? Oui,

  • Adeline

    à fond. Depuis que j'avais mal aux yeux. parce que j'ai une poussée sur mon oeil gauche et j'avais mal à l'oeil quand je stressais très fort et c'est plus arrivé depuis 7 ou 8 ans depuis que justement je m'écoute plus donc oui pareil, il n'y a rien de scientifique ou quoi que ce soit mais en tout cas ça a permis de changer mon rapport aux choses et tu mentionnais le fait de se désidentifier. Il y a souvent une dichotomie dont on parle entre se décrire comme étant malade et se décrire comme ayant une maladie. Donc là, la posture que tu as, c'est de dire que tu as eu un cancer. Est-ce qu'à un moment de ton parcours, tu t'es décrite comme étant malade et comme si la maladie te décrivait ?

  • Giulietta

    Tu me poses une colle, je ne crois pas. Je crois que j'ai toujours dit que j'avais un cancer. Est-ce que tu disais que j'étais malade ? Je ne devais jamais prononcer cette phrase, je suis malade ou je ne sais pas. Non, oui, je cohabitais avec un truc. Je cohabitais avec un cancer que j'allais bientôt mettre dehors. C'était mon coloc envahissant. Et je crois que ça ne m'a jamais vraiment définie. Non, je ne voulais pas me définir par ça. Je voulais plus me définir par ma pugnacité et par ma capacité à aller de l'avant à partir de ça. Mais ouais, c'était... Je n'avais pas trop envie d'être dans la plainte. C'est peut-être pour ça aussi que je tenais ce blog où j'essayais de mettre de l'humour et tout, parce que je ne voulais pas être dans le pathos. Je n'avais pas envie d'être... Et puis, pareil, c'est mon amie Olivia dont je parlais. Je l'ai connue pendant le cancer et elle était un peu plus avancée que moi. Elle était déjà en radiothérapie quand je finissais ma chimio. Et ce qui m'avait marquée chez Olivia, c'est qu'elle n'avait jamais porté de bonnet de chimio, de perruque. Elle avait toujours été tête nue et pareil, en fait, c'était mon erreur d'indiquer "non mais ok j'ai une maladie mais c'est bon là, je suis pas faible regarde" et d'oser comme ça se sortir la tête nue et que les gens te regardent et oh mon dieu, c'est pas grave tu mets du rouge à lèvres, tu mets des grosses boucles d'oreilles et t'y vas quand même et ça c'était c'était un truc dur. J'aurais pas réussi au début : elle m'a beaucoup inspirée et c'est pareil c'était mais... arrêter de détourner le regard, en fait, c'est pas contagieux. Et puis, en fait, il y a moyen de... Voilà, en fait, on est plutôt... On est forte, on est combative et c'est plutôt admirable, quoi. Et du coup, ouais, c'est ça. Et peut-être se complaire trop dans le côté "Je suis malade", c'est un peu trop, pour moi, en tout cas, c'était un peu trop me laisser aller à quelque chose qui n'allait pas me tirer vers le haut. C'est-à-dire que quand je dis tirer vers le haut, c'était vraiment tirer vers... des bonnes sensations pour que je puisse tenir le choc malgré tout, parce que le corps trinque de fou quand même. Et donc, j'avais plein de moments de découragement et plein de moments très durs. Donc, tu as besoin de garder ce mental un peu fort. Sinon, tu t'effondres complètement parce que du coup, tu ne peux pas supporter et l'injustice, et en plus après les traitements, les effets secondaires et tout, ça fait trop. Donc, il faut... Il faut garder une forme de niaque comme ça, et un peu rock, un peu rebelle. Est-ce que ça m'a aidée encore une fois ?

  • Adeline

    Oui, je suis assez d'accord avec toi. Un de mes points, je pense que j'étais en colère contre ma maladie pendant longtemps, ça a été de me dire qu'en fait, on est sur le même bateau. On est dans le même corps, on partage le même espace. Et comment est-ce qu'on apprend à vivre ensemble ? Parce qu'a priori, on va vivre ensemble, etc. Comment est-ce qu'on cohabite d'une manière où on respecte nos espaces respectifs ? Du coup, moi, je l'écoute et je lui laisse de la place. Mais je suis entièrement d'accord avec toi.

  • Giulietta

    Mais tu sais, quelque part, c'est marrant. J'y pense là parce qu'on en parle. C'est comme s'il était encore là quelque part, le cancer. Il n'est plus dans mon corps. Tout va très bien. Mais genre, je pense à lui : "Je ne t'oublie pas. Je sais que tu es arrivé. Donc, je fais gaffe. T'inquiète. Je fais gaffe. J'ai compris ce que tu m'avais dit. Et je t'ai toujours dans la tête. Et je ne fais pas... Je ne fais pas comme si je pouvais reprendre les choses exactement où elles étaient avant. Je fais attention à moi, je fais attention à toi, je te guette un peu". Et du coup, oui, c'est encore un peu cohabiter avec ce souvenir-là et ne pas ignorer que ça a été et qu'il faut faire attention. Il faut faire attention médicalement. Je fais tous les suivis, je suis au taquet, je peux pas faire plus que ce que je fais. Et faire attention à sa santé mentale aussi et à ce que j'ai réussi à gagner en authenticité et en vérité sur moi, de le maintenir et de continuer ce travail. Je laisse une thune folle chez la psy. Franchement, il y a des fois où je me dis, quand même, si je gardais tout cet argent pour autre chose. Mais en fait, non, ça fait complètement partie de ma vie et c'est primordial pour moi aujourd'hui de mettre de l'argent là-dedans parce que c'est investir sur ma santé au sens large. C'est holistique en fait. C'est primordial pour moi. Je n'hésite plus du tout sur ces choses-là. Je complète avec des petits, je vais chez l'ostéo, je fais des massages, la réflexe au plantaire, des trucs qui font du bien. Mais en fait, quand tu as un bon thérapeute et qu'il te fait avancer, qu'il ne te ménage pas et avec qui tu peux vraiment travailler à fond, c'est cadeau. Et il faut se l'offrir. C'est le meilleur cadeau que tu puisses te faire.

  • Adeline

    Ce que j'allais te dire, c'est le meilleur investissement que tu puisses réaliser.

  • Giulietta

    Ouais, carrément.

  • Adeline

    Et bien, justement, ça m'amène à ma dernière question. Est-ce qu'il y a des choses que tu aimerais partager avec des personnes, justement, qui s'apprêtent à entamer ce travail d'introspection et qui ne savent pas trop par quel bout commencer ?

  • Giulietta

    Il faut tirer la pelote comme ça vient, en fait. Moi, j'ai, je ne sais pas, se dire, tiens, aller dans une bibliothèque ou une librairie, regarder des bouquins. Puis quand on est attiré par un bouquin, commencer par là, regarder des podcasts, des vidéos. En fait, ton instinct est bien fait, tout est bien fait, et tu vas être attiré instinctivement par quelque chose qui va t'aider à cheminer. Il y a des livres sur les mots de l'âme, les mots du corps qui sont les reflets de l'âme, etc. Il y a plein de trucs comme ça, on peut commencer avec ça. Essayer de demander autour de soi "Tiens, toi, t'as pas quelqu'un ? tu connais pas quelqu'un qui pourrait m'aider ? t'as pas un thérapeute machin tu peux commencer aussi par la détente du corps ?". En fait, je crois que quand on commence à ouvrir les vannes et à se dire "J'ai quelque chose à comprendre de cette maladie", bizarrement t'as les infos qui t'arrivent en fait un peu comme par magie parce que je pense que tu es perméable à autre chose et qu'un truc va retenir ton attention. Moi, des fois encore maintenant, je suis abonnée à plein de podcasts et puis je prends ma voiture des fois et puis je me dis tiens lesquelles j'écoute et puis... Je tombe sur un épisode où le titre, ça n'a pas l'air. Mais en fait, quand j'écoute, je fais, c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre en ce moment. Mais c'est fou, ce n'était pas annoncé dans le titre. Et comment ça, c'est dingue que j'entende ça maintenant. Ou bien, tu as des amis aussi qui vont t'envoyer des trucs. Des amis qui sont un peu connectés à toi, de façon complètement inexplicable, et qui vont t'envoyer une petite vidéo, un petit machin. Et tu vas te dire "C'est exactement ce que j'avais besoin de découvrir". Et voilà. Et du coup, commencer à cheminer, lire des trucs, lire, écouter, regarder, investiguer, se faire aider, pourquoi pas, par des thérapeutes, comme on a envie. Psychologue, c'est vraiment le top. Psychologue, psychothérapeute, c'est vraiment au top. Mais si on est réceptif à d'autres choses, pourquoi pas essayer d'autres choses, toujours dans un réseau de confiance. Je sais que, de plus en plus, il y a des centres de médecine intégrative qui ouvrent. Vous pouvez vous renseigner dans vos villes. Il y en a un qui va ouvrir dans ma ville à Besançon et je suis impliquée dans le projet. Donc, c'est des centres qui travaillent en partenariat avec le CHU et où il y a plein de thérapeutes très sérieux. Mais ça peut être même le yoga du rire, des trucs comme ça. Mais c'est des thérapeutes qui sont sélectionnés, etc. Et du coup, c'est en confiance qu'on peut aller les consulter. Et puis, je sais que pour mon corps, le Shiatsu m'avait beaucoup aidée aussi. C'était pour l'aspect physique, pour aider les organes. Il y a plein de trucs à faire, mais c'est en fonction de sa sensibilité personnelle et de ce en quoi on croit. Mais déjà, en passant par les lectures, les podcasts, et puis les échanges avec des gens, des personnes aussi, qui peuvent vous nourrir, des gens de votre famille, des gens qui sont passés par là et avec qui vous allez échanger et qui ne vous auront peut-être jamais raconté des trucs, alors qu'ils ont eu aussi des grosses prises de conscience. Il ne faut pas hésiter à ouvrir la discussion. et moi je sais que quand on ouvre les vannes ça arrive tout seul c'est le premier pas en fait de s'autoriser à se dire juste s'autoriser à se dire ça j'ai passé cette maladie par hasard et je vais essayer de comprendre pourquoi juste s'autoriser ça après le reste ça

  • Adeline

    arrive un peu de soi même ok trop bien moi je suis arrivée au bout de mes questions et on est quasiment arrivée au bout du temps en partie est-ce qu'il y a quelque chose que tu voudrais ajouter ?

  • Giulietta

    Non, non, non. C'est chouette parce que j'ai raconté des trucs que je racontais un peu moins dans d'autres émissions, donc c'est bien cool. Je ne parle pas forcément toujours de tous ces trucs alternatifs qui peuvent sembler un peu perché. Mais en fait, ça a vraiment fait grandement partie. Alors, toujours, ce que je peux dire quand même, c'est que là, on parle de tous ces trucs alternatifs mais qu'à aucun moment, on ne m'a conseillé d'arrêter mes traitements. C'est hyper important de continuer à suivre ce que les médecins nous disent. Moi, il n'y a pas... personne qui a essayé de me faire croire que oui, on va te guérir par les plantes et tout. Voilà, les charnatans, il y en a peut-être quelques-uns, mais en fait, il n'y en a pas tant. Et il faut toujours savoir raison garder. Il faut toujours dire à un moment donné, il y a un cancer, il faut éteindre le feu. Et donc, il faut faire les traitements médicaux. Voilà, c'est tout. C'est ça qui te sauve. Et après, tu peux te sauver aussi toi-même, continuer à te sauver toi-même en travaillant sur toi. Mais c'est vraiment ce duo, en fait, médical et holistique. quelque part qui fait que ça fait un bon combo mais ne jamais se laisser raconter que ça suffirait de travailler sur soi, non pas du tout mais c'est un super complément et c'est un super complément aussi pour supporter les traitements aussi, clairement vraiment parfait,

  • Adeline

    merci pour ce mot de la fin

  • Giulietta

    Merci à toi, c'était un très bon moment. Oui,

  • Adeline

    moi aussi je suis contente.

Description

À quoi ça ressemble une introspection suite à l’annonce d’un cancer du sein triple négatif ?

Adeline, auteure de "Mon cancer, quelle chance ?", partage son parcours avec un cancer du sein triple négatif diagnostiqué en mai 2020. À 37 ans, cette consultante en communication se retrouve face à une maladie particulièrement agressive qui va transformer sa vision de la vie. Dans cet épisode, Adeline raconte comment elle a vécu une année de traitements intensifs : quatre mois de chimiothérapie, deux opérations, 33 séances de radiothérapie et un traitement complémentaire par voie orale. Mais le coeur de son témoignage, c'est l'approche qu'elle a développée pendant cette période. Convaincue que son corps lui envoyait un message, elle entreprend ce qu'elle appelle une "enquête" sur elle-même. À travers un travail d'introspection approfondi, elle explore les déséquilibres qui ont pu contribuer à sa maladie : perfectionnisme, stress chronique, difficultés à poser ses limites professionnelles et personnelles. Adeline explique comment elle a mobilisé différentes ressources : suivi psychologique classique, thérapies alternatives, lectures, podcasts. Elle détaille son processus de questionnement : "Est-ce que je fais vraiment ça pour moi ? Est-ce que ça part d'un élan authentique ?" Son témoignage aborde aussi la reconstruction post-cancer. Comment reprendre le travail différemment, apprendre à écouter les signaux de son corps, maintenir l'authenticité gagnée pendant la maladie. Elle parle de cette sensation étrange : se souvenir plus intensément de sa vie depuis le cancer que de celle d'avant, comme si elle avait enfin commencé à vraiment vivre. L'épisode explore des questions délicates : peut-on voir sa maladie comme une opportunité de croissance sans culpabiliser ? Comment concilier médecine conventionnelle et approches complémentaires ? Quelle responsabilité avons-nous dans ce qui nous arrive ? Adeline donne des conseils concrets pour ceux qui souhaiteraient entamer un travail similaire : commencer par des lectures qui nous attirent, chercher des thérapeutes de confiance, oser les conversations profondes avec ses proches. Elle insiste sur un point essentiel : ce travail sur soi ne remplace jamais les traitements médicaux conventionnels, mais peut les compléter efficacement. Son message n'est pas prescriptif mais offre une perspective différente sur l'expérience de la maladie.


💜 lanomalie est un podcast auto-produit, dont l’objectif est d’ouvrir de façon bienveillante la discussion sur la maladie et le handicap. Vous pouvez le suivre sur Instagram : @lanomalie.media.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Giulietta

    Hello Adeline, je suis ravie de commencer la deuxième saison de lanomalie avec toi.

  • Adeline

    Salut Giulietta, je suis ravie aussi.

  • Giulietta

    Trop bien. Pour mettre un peu de contexte avant de commencer, c'est ton attachée de presse, Adeline, qui m'a contactée en lien avec ton livre « Mon cancer, quelle chance » , dans lequel tu reviens sur ton parcours après avoir appris que tu étais atteinte d'un cancer du sein triple négatif. Tu apporteras sans doute plus de précisions que ce que je vais faire là, mais juste pour expliquer brièvement ce qu'est un cancer du sein triple négatif. Il s'agit d'un cancer particulièrement agressif et qui ne répond pas aux thérapies qui sont habituellement employées pour traiter le cancer du sein. Ce qui m'a marquée dans ton travail et ce qui m'a fait ressentir une certaine proximité avec toi, c'est que tu as réalisé un long travail d'introspection pour créer ce que je qualifierais de "récit autour de ta maladie", pour essayer de la comprendre. Tu as analysé la personne que tu étais jusqu'à ce qu'on pose un diagnostic, ce que cette maladie pouvait dire de toi à l'époque, et tu t'es longuement demandé que faire pour qu'elle ne revienne surtout pas. Pour faire très simple, et je vais te laisser dérouler avec beaucoup plus de nuances que tout ça, la manière dont tu présentes les choses, c'est que ton cancer a mis le doigt sur des déséquilibres et une vie qui ne te correspondait pas tout à fait. Et ce qui m'intéresse, et ce que je voudrais étudier avec toi au cours de cet enregistrement, c'est comment ce travail d'introspection t'a permis d'aller de l'avant. et d'avoir un rapport avec ta maladie et cette expérience avec laquelle tu te sens à l'aise. Est-ce que tout est bon pour toi ?

  • Adeline

    Oui, c'est parfait.

  • Giulietta

    Alors, pour initier la discussion, je mets toujours un point d'honneur, bien évidemment, à ce que les invités se présentent, afin que les auditeurs puissent mieux les connaître. Du coup, Adeline, comment est-ce que tu te présentes ?

  • Adeline

    Comment est-ce que je me présente ? Alors, j'ai 42 ans, je suis la maman... Solo, la moitié du temps, d'un petit garçon de 11 ans. Et dans ma vie professionnelle, j'écris beaucoup. Donc évidemment, j'écris des livres. Celui-ci étant mon premier, j'espère vraiment pouvoir faire émerger un deuxième. Et j'écris aussi pour des clients, des entreprises ou des dirigeants. Je les aide à mettre en mots. leurs stratégies, leurs ambitions. Et puis du coup, je fais aussi ce qu'on appelle du consulting. Forcément, un peu de conseil stratégique autour de tout ça. Donc, c'est vraiment mon quotidien. Quand je suis tombée malade, cette vie-là, c'est une vie que j'ai en tant qu'indépendante. Je l'ai eue quasiment toute ma vie professionnelle. J'ai été à mon compte des années et des années. Mais j'avais fait une petite parenthèse vers le salariat juste avant de tomber malade, où j'ai été responsable de la communication pour un groupe d'école d'ingénieurs. Donc voilà, ça c'est ma vie pro et ma vie perso. J'ai un amoureux qui habite à Strasbourg, moi-même j'habite à Besançon, j'adore aussi travailler à Paris, donc j'ai un peu une vie supranomade qui est un peu fatigante, mais en fait des fois je me plains, mais finalement c'est que j'en veux bien de tout ça. Et donc je suis toujours avec ma valise et mon ordi sur le dos et à travailler un peu où je veux. Je suis vraiment une grande nomade professionnelle. Mais bon, je crois que tu sais aussi un petit peu ce que c'est que ce nomadisme de boulot.

  • Giulietta

    Oui, tout à fait.

  • Adeline

    Voilà. Donc voilà comment je peux me présenter, à peu près.

  • Giulietta

    Ok, très chouette. Tu te décris beaucoup par le faire, tout ce que tu fais, l'action.

  • Adeline

    J'avoue que c'est un peu mon travers. Je suis très très dans l'action. C'est peut-être aussi ce qui a pu me... porter préjudice à une époque. Mais c'est vrai qu'après, oui, on peut se décrire par qui l'on est. Je trouve que ça se découvre plus quand tu échanges. Il y a des choses qui se perçoivent aussi dans le ton de la voix, dans la façon de faire. C'est toujours difficile de dire je suis quelqu'un comme ci, comme ça. Mais c'est sûr que oui, je suis assez active et j'ai toujours plein de projets en tête. Mais après... j'en avais déjà beaucoup avant d'être malade, mais ça partait pas forcément du bon endroit, on y reviendra. Mais aujourd'hui, ça part vraiment du bon endroit, ça part vraiment de mon ventre, et puis je fais très attention aussi à pas me submerger non plus. C'est que j'ai une notion, j'ai envie de faire plein de choses, mais je sais aussi me dire, voilà, vas-y mollo, c'est ok. Mais j'ai un appétit assez vorace et féroce pour les projets, ça c'est sûr.

  • Giulietta

    On reviendra là-dessus juste après. Tu as évoqué très brièvement ta maladie. Est-ce que tu peux expliquer un petit peu comment elle est arrivée dans ta vie et ton parcours avec ton cancer du sein ?

  • Adeline

    Alors, ça est arrivé dans une période un peu trouble parce que moi, j'ai perdu ma maman d'un cancer du sein. En 2018, d'un cancer du sein. Après, il s'est un peu répandu partout. Fin 2018. Et dans la foulée de ça, j'ai quitté le père de mon fils. Une première fois, je dirais, parce que finalement, vouloir gérer une rupture plus le deuil de ma mère, c'était beaucoup trop difficile. Donc, du coup, je me suis remise avec lui fin 2019. Et après, on arrive début 2020, juste avant le confinement. Et puis, en fait, ça ne se passait pas si bien que ça, la nouvelle cohabitation. Et donc, j'étais encore dans le deuil de ma mère, mais que j'avais un peu... À nouveau, j'avais été très dans l'action pour pouvoir gérer ce deuil. Je ne m'autorisais pas à être vraiment triste. Donc, je gérais énormément de choses liées à sa succession. Et donc, j'étais à fond, à fond, à fond. J'avais lancé moi-même un podcast parce que j'étais comme si j'avais que ça à faire en parallèle de mon boulot. Et donc, j'étais à bloc comme ça. Et puis, est arrivé le confinement. Et là, ça a été très dur, très, très dur pour moi psychologiquement. J'ai eu très peur déjà d'être... enfermée avec quelqu'un avec qui ça se passait pas si bien que ça, d'être avec mon fils H24 qui à l'époque n'avait que 6 ans et je me disais "Mais comment je vais faire pour pouvoir gérer ça ?" et je venais de prendre du coup ce job de salarié. ça faisait genre 3 mois et puis à une nuit je me suis réveillée et j'ai senti un pincement sous l'aisselle mais j'ai pas capté tout de suite ce que c'était. Puis, le lendemain, je suis allée me balader et puis à nouveau ça m'a fait comme une décharge électrique et là j'ai mis ma main et j'ai senti une boule très dure. C'était vraiment sous l'aisselle, ce n'était pas au niveau du sein. J'ai blémi, mais je me suis dit "Ce n'est pas grave, ça doit être un kyste, ça va aller". Et en fait, j'ai quand même pris rendez-vous tout de suite chez ma généraliste. Mais elle, elle a vu la masse sous l'aisselle, mais elle a surtout vu que j'avais quelque chose dans le sein qui était assez gros, ce que je ne m'étais pas autorisée à regarder. Et donc finalement, elle m'a envoyée en échographie, mammographie, et il s'est avéré que j'avais une tumeur qui faisait déjà 3 cm dans le sein. Et que ce que j'avais senti, moi, comme décharge électrique, c'était un ganglion lymphatique qui était infecté et qui donc gonflait sous l'effet de la maladie, en fait, puisque les ganglions, finalement, essaient de faire barrière. Mais au bout d'un moment, ça se répand, ça se répand. Et puis, c'est pour ça qu'on les retire, d'ailleurs, en général, quand on opère les patientes. Donc, je suis très, très vite rentrée. Ça, c'était... J'ai senti la boule en avril. Début mai, je savais que j'avais un cancer. Et après, en juin, j'étais en chimio, quoi. Ça, s'est vraiment... enchaîné très vite.

  • Giulietta

    Et ça a duré combien de temps ton parcours de soins ?

  • Adeline

    Ça a duré une bonne année parce que j'ai quand même repris le travail, c'était donc du coup, on va dire vraiment diagnostic mai 2020, j'ai repris le travail en avril 2021, mais à mi-temps seulement, et j'avais encore un traitement médicamenteux. En fait, en gros, j'ai fait d'abord 4 mois de chimio, après j'ai eu 2 opérations. Je devais n'en avoir qu'une, mais ils ont fait la deuxième parce que des fois, ils ne prennent pas une zone de sécurité suffisamment importante. Donc, ils recommencent. Ça, c'est le coup de pas de bol. Après, j'ai fait 33 séances de radiothérapie. Ça, ça représentait à peu près un mois et demi, deux mois à l'hôpital tous les jours. Et puis du coup, on m'a redonné de la chimio par voie orale, un médicament à prendre chez soi qui a moins d'effet quand même que la chimio. C'est-à-dire qu'on ne perd pas nos cheveux. C'est plus soft, mais quand même il y a des effets pas très cools, mais c'est compatible avec la vie de tous les jours. On ne m'avait pas prévenu à la base que j'allais prendre ça, mais c'était une manière d'enfoncer le clou pour l'oncologue. C'était une chance quelque part, avec des avancées très récentes. Le cancer triple négatif étant quelque chose d'assez compliqué à soigner, on saisit toutes les opportunités de te donner un maximum de traitement pour que ton taux de guérison soit supra optimiste et le plus élevé possible. Et avec ce traitement-là, ça augmentait à, je ne sais plus, c'était beaucoup. Je vais peut-être dire une bêtise, mais c'était peut-être pas loin de 80%. C'était vraiment impressionnant. Donc, ça valait le coup, même si je ne l'ai pas super bien vécu au départ. Bon, voilà. Après, j'étais quand même contente de le prendre. Et donc, je crois que j'ai pris mon dernier cachet fin juin 2021. Voilà. Donc, une bonne année.

  • Giulietta

    Ok, intense. Et en parallèle, tu écrivais, tu avais un blog où tu racontais.

  • Adeline

    Et j'écrivais,j'avais un blog. Il y a eu un premier besoin, c'est d'oser sortir du bois et de dire à tout le monde sur Facebook "Coucou, en fait, j'ai un cancer" parce que tu gardes ça un peu pour toi. Il y a des gens qui n'aiment pas du tout en parler ; moi, j'avais besoin quand même que ça soit dit. Et je ne voulais pas juste le dire comme ça. Je me suis dit "Tiens, je vais raconter ce qui se passe". Puisque j'ai ce talent d'écriture, c'est naturel pour moi. Et j'avais besoin d'exorciser aussi ce qui se passait. Parce qu'il y avait des journées très dures, mais il y avait aussi des journées où finalement, je riais jaune. Il y avait vraiment moyen de se marrer. Tellement la situation était vraiment du rire acide. Mais quand même, tu pouvais mettre de l'humour dans tout ce qui se passait. Et je trouvais ça chouette de pouvoir le faire. Je trouvais ça chouette d'être dans la vérité de ce qui se passait au quotidien. sans tout dramatiser et tout, et mettre du pathos partout, tu vois. Et puis, au final, j'ai pas mal de gens que je connaissais. Il y a des gens que je ne connaissais pas qui me lisaient aussi, mais toutes mes copines, notamment, lisaient le blog, étaient abonnées, pour avoir tous les jours la petite newsletter quotidienne en recevant mon article et en prenant la température, finalement, de comment elle se sent. Et du coup, j'ai eu toute une vague de soutien moral par plein de gens, du coup, qui lisaient. De belles surprises en fait. Moi ça m'a fait beaucoup de bien de mobiliser comme ça cette communauté de personnes autour de ça et puis c'était un petit rendez-vous, ça me permettait de tenir aussi je pense quelque chose. Voilà, j'étais pas totalement désolée même si on parlait : j'ai entamé un très gros cheminement intérieur. ça a été aussi une grosse mission, c'était un truc un peu plus léger et qui me... qui me laissait connectée aussi à la vie réelle. Écrire un blog, c'est un peu continuer à être dans le game. C'était peut-être un peu ça.

  • Giulietta

    Oui, carrément. Et pour revenir justement sur ce travail de cheminement intérieur, lorsqu'on s'est appelées il y a un mois, tu m'as dit que tu t'étais lancée dans une forme d'enquête pour comprendre ce que cette maladie disait de toi et de ton rapport aux choses. Et il y a une phrase qui m'a marquée. Tu as dit "il y a forcément quelque chose à comprendre. Ton corps, il crie là. Je me suis lancée dans une investigation pour comprendre". Et du coup, comment est-ce que tu as procédé pour réaliser cette enquête ? Qu'est-ce qui t'a motivée à le faire ? Et qu'est-ce que tu voulais comprendre ?

  • Adeline

    J'ai toujours été très sensible à ce principe qui est que notre corps nous dit quelque chose. Ma mère, qui était passée par là avant, était déjà beaucoup là-dedans. Je n'avais pas toujours les clés de lecture pour tout, mais je sais que je surveillais quand même un peu mes petits bobos, mes petits machins, même si en fait, je n'avais pas assez de clairvoyance réellement pour voir les choses en face parfois. Mais j'avais vraiment cette notion que le corps disait quelque chose. Et très vite, je me suis dit, attends, mais là, le cancer, c'est tes propres cellules qui dégénèrent. Ce n'est pas un truc que tu attrapes, comme plein de maladies auto-immunes et tout. Et tu te dis, à quel moment ton corps décide de se mettre en rébellion contre toi ? C'est quand même impressionnant. alors bien sûr que c'est multifactoriel, bien sûr qu'on peut accuser aussi ce qu'on mange, ce qu'on boit, ok, mais c'est quand même... Pour moi, il y avait quelque chose à aller creuser aussi, de l'ordre du... Et si mon fonctionnement jusqu'à présent avait conduit, effectivement, mon corps à sonner une alerte hyper forte, pour me dire, ça ne fonctionne pas ce que tu fais, arrête parce que tu es en train de nous pousser à bout, tu es en train d'aller dans une direction qui n'est pas en lien avec ton, on va dire, ton moi intérieur, ton âme, comme on veut l'appeler, en tout cas avec vraiment... ce qui te ressemble et ce qui fait sens pour toi, tu t'éparpilles, t'en fais trop, tu n'es pas connectée, et il faut que ça s'arrête, parce que là, tu cours à la catastrophe. Et donc moi, j'ai vu ça comme finalement, pour moi, ce n'était pas une condamnation à mort, d'avoir un cancer, c'était plutôt une recommandation à vivre plus fort et beaucoup mieux. Et je pense que mon corps m'a envoyé tout un tas d'autres signaux avant que je n'ai pas vraiment compris. pour déjà me dire, me manifester une fatigue latente, un stress beaucoup trop important. Mais je ne le voyais pas trop, j'étais dans un très gros déni. Et donc, il fallait un truc aussi fort qu'un cancer pour me faire arrêter. Et quand j'ai tout arrêté, puisque j'avais ce cancer, ce qui m'a marquée, c'est que je me suis sentie soulagée. Et là, je me suis dit "Comment ça se fait ? Alors que tu étais censée être cette chef d'entreprise accomplie, qui fait un podcast, qui fait ci, qui fait ça, qui est... qui a 8000 activités, qui a l'air de gérer sa vie d'une main de maître, comment ça se fait que tu es soulagée si tout ce que tu faisais, c'était supposé être épanouissant et kiffant ?" Et donc, je me suis dit, est-ce que ça n'était tant que ça ? J'ai commencé déjà par interroger ça et à me rendre compte que finalement, je faisais quand même un petit peu tout pour des mauvaises raisons. Par exemple, répondre d'abord aux injonctions d'autrui parce que j'avais peur qu'il m'abandonne. Donc, être tout le temps tournée vers les autres parce que... Mes blessures d'enfance voulaient ça, que finalement, si je ne fais pas ce que les autres attendent, ils ne vont pas m'aimer et ils vont me laisser tomber. Répondre à des injonctions sociétales, je pouvais aussi imaginer, on attend de moi que je sois ce genre de personne. Je suis une femme, jeune, je suis censée faire des études, réussir, machin, comment ma mère m'avait élevée avec ce culte de la performance et d'aller toujours plus loin, plus fort qui faisait que je cherchais toujours. C'était jamais assez bien ce que je faisais, il y avait tout un tas de choses et puis après j'ai mobilisé un peu des thérapies alternatives. ça peut s'apparenter à de la kinésio ou des soins un peu médiumniques mais là c'était plus pour comprendre : je voulais comprendre le sens du cancer du sein en particulier. Pourquoi le sein ? ça dit quoi de moi ? Ce qui est ressorti, ça peut être un truc assez universel : le sein, c'est l'organe nourricier donc c'est comment tu nourris tu te nourris toi ou à la limite comment tu nourris trop les autres à ton détriment. Et puis, il y avait un lien forcément aussi avec la maternité donc je me suis rendue compte qu'il y avait des choses que ça disait sur ma façon d'être mère, de culpabiliser sans arrêt en ayant la sensation que je ne fais jamais assez, que c'est jamais assez bien, de trop nourrir mais je nourrissais pas dans le bon sens, je nourrissais trop par le faire. Tu disais tout à l'heure, tu te définis beaucoup par l'action. Moi, j'avais l'impression que pour être une super bonne maman, il fallait que je fasse, faire ci, faire ça, faire ça, faire ça. Alors qu'en fait, un des premiers soins énergétiques que j'ai faits, la nana m'a dit, mais tu sais que tu es mère, tu n'as rien à faire d'autre. C'est un peu ça. Et en fait, je me souviens que ça m'avait beaucoup soulagée. Donc voilà, ça a commencé comme ça. Puis, j'ai été accompagnée par une dame qui a un petit peu des dons. Alors, c'était 100% bénévole. vous savez c'est vraiment les... c'est rebouteux de campagne comme on peut avoir en France des gens que tu sais pas expliquer, ils ont des dons de magnétisme des choses comme ça et moi, on m'avait recommandé d'aller chez cette dame en me disant "elle pourra soigner tes brûlures quand tu feras des rayons". En fait, j'y suis allée beaucoup plus tôt : j'y suis allée dès les premiers RDV, dès la chimio et j'ai aucune explication rationnelle à te donner mais cette femme elle a fait des trucs de fou. Elle m'a dit des trucs de fou, elle voyait en moi comme dans un livre et elle me sortait des vérités incroyables parce que Il y a ma mère qui a eu un cancer, il y a ma grand-mère avant. J'étais la troisième génération et elle me dit « Non, mais est-ce que vous vous transmettez de grand-mère en petite-fille ? De toute façon, c'est votre culte de la perfection. Vous cherchez à être parfaite pour être aimée. » Elle ne me connaissait pas. Je ne lui avais rien raconté. C'était tellement vrai, tellement juste. Tous ces gens me faisaient avancer. Je lisais des trucs, j'écoutais des podcasts. Bien sûr, je consultais un psychologue. Évidemment, tu vas aussi voir des choses plus rationnelles. Mais tout ça fait un... un melting pot de choses qui font que ça me permettait, moi, de comprendre ma maladie et ça me mettait dans de l'action aussi. C'était chouette de me dire, je vais comprendre ce que c'est et comme ça, en rémission, je vais agir et on n'y reprendra plus, quelque part. Et je trouve que c'est chouette, ça met dans un bon élan, tu vois, ça met dans un élan d'après, ça te raccroche à quelque chose de très positif pour ta vie ensuite. Et se dire comment je peux faire de cette maladie une chance. C'est pour ça que mon livre s'appelle « Mon cancer, quelle chance ? » plutôt que de juste me plaindre et déplorer ce qui m'arrive parce que oui, c'est hyper injuste. C'est injuste et à la fois peut-être que malgré moi, et ce n'est pas du tout culpabilisant, malgré moi, j'ai créé les conditions de cette maladie parce que je n'ai pas fait exprès, évidemment. Mais il y avait des choses que je faisais qui n'étaient pas super bonnes pour moi. Et qu'il était temps que j'ouvre les yeux pour aller mieux.

  • Giulietta

    Oui, je me reconnais vachement dans ce que tu dis. Tous les deux, on a une maladie où on s'attaque quelque part. Et donc, effectivement, je me reconnais dans ton récit, le fait de se dire "Quels sont les dysfonctionnements qu'il y avait dans ma vie à l'époque et qui ont conduit à ce que mon corps se comporte de la sorte ?" Alors, ça ne veut pas dire qu'il y a un lien de cause à effet établi, mais malgré tout, ça a pu contribuer. Et du coup, comment est-ce que tu décrirais les changements qui se sont impulsés petit à petit en toi suite à cette prise de conscience ?

  • Adeline

    Alors, j'ai commencé à être plus douce avec moi-même. Déjà, j'ai aussi interrogé tout ce que je faisais. J'ai pris chaque action et en me disant, je passais tout au tamis de "Est-ce que tu le fais vraiment pour toi ? Est-ce qu'il y a un vrai élan authentique ? Est-ce que tu le fais pas pour paraître comme si ou pour plaire à Bidule ?" Du coup, c'était un vrai questionnement. pour filtrer. Et puis, j'ai dû apprendre. Je ne sais pas, moi, à un moment donné, j'étais tellement... En fait, c'est une double lecture. Donc, il y a le travail sur soi, puis en plus, tu perds tes cheveux. J'avais pris du poids, je ne me ressemblais plus. J'ai toujours été quelqu'un qui plaisait plutôt, moi. J'ai une sorte de don pour connecter avec les gens. J'ai un petit charme naturel, on va dire, tu sais, genre une aisance à communiquer avec autrui qui faisait que les gens me regardent dans les yeux, et sont là, machin, il y a un dialogue, et là d'un coup, t'es chauve, t'es pas bien, on voit bien que t'es cancéreuse, les gens étaient vides quoi. Donc j'ai dû apprendre à être au monde carrément autrement, tu vois, comment tu fais pour exister quand t'es plus dans ce petit rôle de charme avec les gens, et du coup sur quoi tu te bases : tu dois être beaucoup plus dans ton intériorité, ton authenticité, ta vérité, ça s'est joué aussi beaucoup. Donc, c'était comme un oignon appelé, tu vois. C'est-à-dire que j'enlevais des couches et des couches de choses. Et en vrai, quand j'ai terminé mes traitements, je me suis dit « Waouh, j'ai avancé de fou, c'est génial ! » Mais en fait, ce travail, c'était que le début. Maintenant, je peux le dire, ça fait cinq ans. Et bien, c'était que le début. C'est-à-dire que je continue à travailler de fou sur moi, sur mes blessures et tout ça, parce que... Il était nécessaire que j'aie des grosses prises de conscience et que je démarre le chemin. La bonne nouvelle, c'est que quand tu es déjà récompensé de tout ça, quand tu te mets sur le chemin et que tu continues à travailler, tu n'as pas besoin d'avoir tout compris à la fin de ton cancer. Ça reste un chemin. Mais du coup, c'est toujours plus connecté à une vérité, à une authenticité, à faire des choses parce que c'est sincère et ça vivrait pas parce que tu veux... encore une fois, briller fort ou je ne sais quoi. C'est compliqué parce que c'est subtil. Et du coup, je suis toujours en train d'interroger tout ce que je fais à travers ça. Et quand des fois, il y a des obstacles, je me dis, tu es en train de faire un truc, réfléchis deux secondes. Ça bloque. Pourquoi ça bloque ? Est-ce que tu fais vraiment ça parce que ça part d'un élan sincère ou parce que c'est encore un petit peu ton habituel qui revient au galop ? Parce que l'habituel revient toujours au galop. Mais voilà, et puis ce qui a aidé aussi, c'est que je me suis reposée énormément et j'ai remis mon curseur de stress à zéro. Et c'est là que ça m'a permis de voir que je ne me sentais absolument pas stressée avant le cancer. Bien sûr que non, tu vois bien, je gérais tout, tout va bien. Tu parles, en fait, j'étais dans la zone rouge, mais j'étais tellement haut en stress, tellement haut. D'ailleurs, quand j'étais enceinte, justement enceinte en 2014, enfin en 2013, je... J'ai été arrêtée à 5 mois de grossesse parce que j'avais des contractions monstrueuses. Je ne me sentais pas stressée. Pareil, c'est mon corps qui parlait déjà. J'étais stressée, vraiment. En fait, ça a tout remis à zéro. Ça m'a permis à mon corps de me renvoyer les bons signaux. Maintenant, je sens que quand je dépasse mes limites, quand il y a quelque chose qui ne va pas… il y a les tensions qui montent, ça se crispe dans le dos, il y a une mélancolie qui arrive. Donc, c'est génial. C'est cadeau quand tu peux être connecté à tes sensations corporelles. Parce qu'en fait, ton corps te parle tout le temps, même avec le moindre petit signe. Mais sauf que si tu es, comme j'étais avant, tellement haut et que tu bois du café et du café pour tenir et que tu es toujours un peu excité comme ça, en fait, tu ne peux plus l'écouter ton corps. Il n'a plus moyen de te parler. Donc ça, ça a énormément changé. Et la connexion au corps, j'écoute tout ce qui se passe maintenant. Parce qu'en fait, tout est riche d'enseignements. Et il y a encore un mois, j'avais super mal à l'épaule. J'avais l'impression d'avoir une tendinite. Je me disais, mais ça n'a pas de sens. Je ne comprends pas. Et je voyais bien qu'il y avait quelque chose. Donc je cherchais, je cherchais, mais je ne mettais pas le doigt dessus. J'ai eu une conversation délicate avec quelqu'un. J'ai sorti quelque chose qui était important pour moi. Et je me suis rendue compte le lendemain que je n'avais plus mal. C'est vraiment du chaud. C'est vraiment... J'ai eu une discussion le soir, le lendemain matin, je n'avais plus mal, mais je ne me suis pas rendue compte tout de suite. Tu vois, c'est la fin de matinée, je me suis dit, attends, mon épaule, il n'y a plus rien. Et ça reste complètement fou, moi. Pour moi, ça me fascine, en fait. C'est ce pouvoir du corps pour nous envoyer des messages. Je trouve ça totalement dingue.

  • Giulietta

    Oui, c'est marrant. Je te l'ai déjà dit, mais bon, je suis une personne assez anxieuse. Parfois, le biais qu'on peut avoir, c'est de penser que l'anxiété ne veut rien dire, et qu'elle est là, et que ce n'est pas bien, et qu'il faut la combattre. Et en fait, l'anxiété n'est pas toujours là. Elle est là dans certaines situations où on perçoit quelque chose avec lequel on n'est pas à l'aise. C'est ce que tu disais, cette tension dans l'épaule. Et donc, très souvent, on n'est pas habitué à écouter ces signes et à les interpréter, et à se dire qu'il y a peut-être quelque chose qui ne me va pas et qu'il faut que j'adresse. Et donc, on reste avec ce poids sur les épaules pendant longtemps. avant de pouvoir être en mesure d'y apporter une réponse. Et je trouve que très souvent, ça peut paraître un peu ésotérique, ce qu'on est en train de dire toutes les deux, le fait de s'écouter, d'écouter les signaux de notre corps ou quoi que ce soit. Et en fait, le fait de réaliser ces actions-là, ça permet tellement de réduire le niveau de tension, parce que quand on s'écoute, soit on va aller parler à la personne avec laquelle on n'est pas d'accord. Soit on va éviter une situation sur laquelle on ne se sent pas à l'aise, mais en fait, on apporte une réponse plutôt que de se l'imposer. Comment ? Je ne sais pas si ça a été le cas pour toi, mais moi, en tout cas, j'ai réalisé aussi un travail sur moi, etc. Et puis, il y a eu un moment un peu vertigineux où je me suis dit « Oups, j'étais franchement pas bienveillante avec moi et je me suis imposé beaucoup de choses. » Quel est le regard que tu portes sur la personne que tu étais avant ?

  • Adeline

    Oui, c'est vrai que je n'étais pas forcément bienveillante. J'étais très exigeante avec moi-même. Mais je porte quand même un regard assez tendre parce que je ne m'en veux pas du tout. Parce que je sais très bien que je faisais tout ça parce que je n'avais pas d'autre choix. J'étais outillée comme ça. Donc, je reviendrai en arrière. La moitié, il y a dix ans, la trend qui avait pris à pas longtemps, je ne l'ai pas suivie cette trend. Mais si je devais lui parler, j'aurais beaucoup de bienveillance parce que je dirais "Pauvre chaton, là, t'es tellement encore aux prises avec tes blessures racines d'enfance, ton conditionnement familial. Tu peux pas t'en sortir autrement, là. En fait, c'est évident que t'es toujours dans la quête de la perfection, la quête du toujours mieux, la peur qu'on te lâche si tu fais pas tout ça, l'impression qu'effectivement, si tu réponds pas... ". Tu vois, j'étais indépendante pendant 15 ans avant d'être salariée, je peux dire ben c'est le client est roi, tu vois, alors qu'en fait, c'est pas vrai que le client est roi, tu peux aménager aussi les choses, tu vois. Mais donc je me pliais sans arrêt en 8 pour satisfaire, je prenais pas beaucoup de vacances, etc. Et puis, la maternité a fait aussi un petit peu de mal, parce que c'est quand même très pressurisant, ça c'est encore une autre histoire, mais c'est beaucoup, beaucoup de questions qui se posent, c'est une grosse claque dans la face, et puis, du coup, ça a carrément remis une couche sur mon côté "Il faut que je sois une mère parfaite maintenant, en plus d'être une femme parfaite et une professionnelle parfaite et tout". J'étais d'une exigence rare. Je me souviens que le père de mon fils, à l'époque, me le disait, mais il ne me le disait pas avec bienveillance. Il disait "De toute façon, tu mets toujours la barre trop haute". Comme il ne me le disait pas avec bienveillance, ça m'énervait. Je ne l'entendais pas. Je lui disais "Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai ce que tu dis, c'est faux". Mais non, il avait raison en fait mais je pouvais pas, j'étais dans une forme de déni, mais c'était un déni pour me protéger, quoi, en fait, parce que finalement, tout ça, ça fait que j'ai été tellement élevée comme ça. Ma mère, elle l'a pas fait exprès, mais elle m'a toujours un peu portée aux nues, et d'un côté, moi, j'ai un papa qui m'a abandonnée, littéralement, et de l'autre, j'ai une maman qui m'a élevée toute seule, mais qui voulait surtout pas que je sois en galère dans la vie à cause de ça. Et donc, il m'avait un peu portée aux nues, qu'elle voulait que je fasse de grandes choses et qu'elle voulait que je sois combattante dans la vie et tout. Sauf qu'en fait, moi, pour la petite fille que j'étais à l'époque, c'était si tu ne corresponds pas à ces idéaux-là de ta maman, elle ne t'aimera pas. Tu sais, quand on est enfant, on comprend mal. Et donc, d'un côté, j'avais "tu n'es pas digne d'être aimée". Et de l'autre, c'était "si tu n'es pas là-haut, tout là-haut, en fait, on ne t'aimera pas non plus". Donc, tu vois, ça faisait beaucoup. Et donc, finalement, j'ai grandi comme ça, tout le temps à côté de mes pompes, je ne pouvais pas être moi-même. Il fallait que je sois trop, ou alors si j'étais moi-même, c'était de la merde, puisque mon père m'avait abandonné. En fait, c'était horrible. Et donc, j'ai mis des œillères pour pouvoir grandir correctement, et j'ai été un bon petit soldat qui accomplit, qui fait des choses aussi grandes que possible, mais ça n'était jamais assez bien, donc j'étais tout le temps un peu malheureuse. On peut toujours faire mieux. Et puis des fois, je me ratais aussi, parce que voilà. Et du coup, j'ai fait du sport à bon niveau. Quand j'étais plus jeune, je faisais de la gymnastique rythmique, un sport qui est assez exigeant, très exigeant avec le corps en plus. C'est pareil, j'étais toujours trop grosse, je ne faisais jamais les bonnes perfs. Et puis des fois, je faisais des erreurs sous la pression assez énorme. Mais c'était trop dur. Et donc finalement, c'est pour ça qu'il y avait ce soulagement quand j'ai eu le cancer. En fait, je n'en pouvais plus vivre sous cette pression-là. Ce n'était pas moi qui la voulais. C'était pas vraiment moi donc voilà alors je sais plus quelle était ta question initiale. C'est le regard que tu portais sur la personne que tu étais. Voilà, le regard du coup il est assez bienveillant : je pouvais pas faire autrement, c'est pour ça que je me culpabilise jamais en disant "je me suis un peu entre guillemets fabriqué mon cancer". Bien sûr, j'y étais pour rien mais peut-être ça peut contribuer. C'est disons que c'est ma vie toute entière et mon fonctionnement tout entier qui a fabriqué ce cancer mais c'était pas possible. Je devais en passer par là quelque part, ça aurait été peut-être très dur d'ouvrir les yeux parce que quand t'as ce déni aussi fort... Moi, j'étais déjà suivie par des psys et tout mais en fait tu sais le psy quand tu veux pas voir quelque chose, ça marche pas. Il faut être très... et tu vois je rebondis sur ce que tu disais tout à l'heure dans cette écoute du corps et tout ce qui est très dur parce que moi j'essayais déjà de le faire avant le cancer, c'est justement d'être de regarder à l'intérieur de soi et même des parties pas très cool. Parce que des fois, quand tu as cette angoisse, cette anxiété ou cette tension, c'est effectivement en réaction à un événement extérieur, à une personne à qui tu as peut-être besoin de parler et tout. Mais peut-être que tu as besoin de lui parler, mais parce que toi aussi, finalement, ce n'est pas forcément complètement OK ce que tu fais. Une relation, tu sais, c'est toujours à deux. Chacun a 100% de son camembert, quoi. Et ton 100% à toi, peut-être qu'il y a des trucs que tu fais aussi.

  • Giulietta

    et qui sont pas ok pour l'autre personne et que c'est pour ça qu'elle te fait vivre un truc qui est pas cool pour toi et que tu vis cette anxiété donc c'est très dur d'être chez ma psy je prends cher à chaque fois que j'y vais quoi tu vois mais j'adore j'adore ce qu'elle me fait. Aujourd'hui, j'ai cette capacité, je n'ai plus de déni donc je prends tout, je comprends tout aussi et j'enregistre et je fais ouais ouais ouais ouais c'est vrai c'est vrai et je reconnais ma part de responsabilité dans tout ce qui m'arrive et ça ça c'est cadeau aussi quoi. Parce qu'en fait, on est responsable de tout ce qui nous arrive, même quand on a l'impression qu'on ne l'est pas. Ce n'est pas vrai. Et ça m'aide énormément dans mes relations aux autres aujourd'hui. Et je suis tout le temps dans ma relation amoureuse. Tu vois, des fois, je fais des reproches à mon mec. O n s'entend plutôt bien, mais ça peut arriver. Et en même temps, systématiquement, même quand je pars un peu en bris, comme ça, et que je dis un truc méchant, après, je réfléchis toujours sur moi et je fais "Je suis désolée parce que là, tu as dit un truc pas cool, mais tu vois, je crois que moi, j'ai généré à cause de". Et donc, tout le temps, des fois, il me dit "Non, mais t'accable pas non plus, c'est un peu moi qui ai merdé". "Non, mais je t'assure, je t'assure, je pense aussi que, tu vois, j'ai quand même fait ci, j'ai quand même fait ça". Et oui, il faut prendre sa responsabilité parce qu'en fait, ouais, bien y regarder, toi aussi, tu génères des trucs malgré toi, toujours, mais c'est bien d'être clairvoyante et d'avancer. Et ça, ouais, les bons thérapeutes, normalement, t'y aident et t'accompagnent là-dedans.

  • Adeline

    carrément sur la notion de responsabilité Je ne sais pas si tu seras d'accord avec moi, mais j'ai l'impression que très souvent, quand on fonctionne dans un écosystème ou avec une manière d'être particulière, donc toi comme moi, on a l'air assez exigeantes. En fait, vu qu'on n'a pas connu autre chose pendant longtemps, on pense que c'est la norme. Et tout d'un coup, quand il y a un move qui se fait et qu'on réalise qu'on peut maintenir un niveau d'exigence élevé, mais en abordant les choses différemment, en se disant que ce n'est pas la fin du monde, c'est là qu'on se rend compte que pendant tout ce temps, on s'est trompé. Et la responsabilité, je la vois dans le fait où on a accepté des choses, des interactions peut-être avec des clients, des patrons qui n'allaient pas, parce qu'on ne savait pas que ça pouvait être autrement et que ça pouvait être respectueux autrement en respectant, par exemple, notre santé mentale.

  • Giulietta

    C'est ça. Oui, c'est tout à fait juste. Parce qu'en fait, quand tu t'autorises à faire autrement, moi, je me souviens à l'époque, il y avait une maman de l'école qui était aussi à son compte, mais en tant que psychologue. Et elle me disait, mais Adeline, pourquoi tu ne poses pas plus ta limite ? Moi, tu vois, les gens, quand ils veulent bosser avec moi, je leur dis, c'est pas à mon temps. Je disais, ouais, mais nous, c'est la com. Tu vois, tout le monde est toujours pressé. En fait, ce n'était pas vrai parce que j'y arrive aujourd'hui. Quitte à dire non. D'ailleurs, en fait, non, je ne suis pas disponible. Rappelez-moi le mois prochain, mais là, je ne peux pas. C'était une vraie négo, quoi. Parce que tu dis, ils ont autant besoin de toi que toi, tu as besoin d'eux. Ce n'est pas juste... Moi, j'avais l'impression qu'on me faisait l'aumône. Tu es genre "Super, on me donne du travail, merci, du coup, je vais tout faire dans vos conditions à vous parce que vous êtes déjà bien gentil, mon bon seigneur, de me donner de quoi manger". Non, pas du tout, en fait. Et donc, quand tu apprends plus à te respecter, à respecter ton cadre et tes limites, tu as conscience aussi de tes capacités, de tes atouts. Moi, je sais ce que j'apporte à mes clients. Donc, en fait, je sais aussi pourquoi ils veulent travailler avec moi et que donc, ça suppose aussi de respecter un peu mon cadre à moi et que quand ce n'est pas OK, non, ce n'est pas OK, je suis désolée, là, je ne peux pas. Donc oui, on peut faire autrement, mais c'est un apprentissage constant. Clairement.

  • Adeline

    Je fais une mini digression, mais ça me fait penser, j'ai lu, tu vois, qui est Grégory Pouy. Il a un podcast qui s'appelle Vlan et j'ai vu passer un jour un post LinkedIn de lui qui disait la différence entre being nice et being kind. qu'on pourrait traduire la différence entre être un peu brave et être sincèrement, foncièrement gentil. Et en fait, être brave, c'est dire oui à tout parce qu'on veut faire plaisir à tout le monde, et qu'on se sacrifie constamment. Et le fait d'être gentil, c'est toujours se sacrifier, mais choisir le sacrifice qu'on fait parce qu'on tient vraiment à la personne et que ça fait sens pour nous. Et je pense que ça, ça peut être appliqué à tout ce que tu décris. Là, on ne parle pas d'arrêter d'être exigeante, d'arrêter d'avoir de l'ambition ou quoi que ce soit, c'est juste se dire WCet effort, est-ce que ça vaut le coup que je le réalise ou non ? Et peut-être cette perte de qualité de vie, le fait d'avoir une charrette, de terminer un petit peu plus tard, de ne pas pouvoir aller chercher ton enfant à l'école, des choses comme ça. Est-ce que ça vaut le coup, concrètement, ou non ?".

  • Giulietta

    C'est franchement compliqué. Ça m'arrive encore de dire oui en conscience maintenant en fait parce que le projet il me plaît trop et que c'est trop bien mais d'être capable quand même de dire aussi non, ça c'est chouette, c'est un cadeau aussi maintenant et je le vois puisque du coup il y a vraiment la chef d'entreprise d'avant le cancer. Et maintenant, je suis de nouveau la chef d'entreprise post-cancer et je vois bien que je ne travaille pas du tout de la même façon : je ne suis pas du tout aussi stressée qu'avant, je ne gagne pas moins bien ma vie, spoiler. Voilà elle s'était quand même pas en fait j'avais l'impression comme ça qu'il fallait que je m'agite dans tous les sens pour avoir mon chiffre d'affaires. Bah non, c'est une grande découverte et ça c'est c'est magique en fait de voir que ton authenticité, ta vérité et ton alignement, ils sont au service de ta vie et que ça marche en plus quoi t'es récompensée de ça en général oui oui je suis entièrement d'accord avec toi

  • Adeline

    Et justement, en lien avec ce travail d'introspection que tu as fait et qui a été un cheminement personnel, tu as commencé à avoir ton blog, etc. Et puis, tu as décidé de rendre encore plus public ton parcours en publiant un livre. Comment est-ce que tu as cheminé sur le sujet ? Et qu'est-ce qui t'a poussée justement à publier de manière un peu plus large ?

  • Giulietta

    Tu vois, j'ai appris tellement de choses sur moi pendant cette année de traitement. et j'ai fait... sur le transgénérationnel, sur l'épigénétique, sur ma propre biographie, mon fonctionnement, etc., ma vie de mère, je ne sais pas comment on est. Et là, je me suis dit "Mais il faut trop que je raconte ça, quelque part, que je puisse le dire dans un espace plus nourri qu'un blog" ou voilà. Parce qu'il y a un vrai effet miroir, en fait, en racontant ce que moi, j'ai compris et ce que moi, j'ai fait. Il y avait des lectures aussi, dans la relation à ma mère aussi, il y a eu beaucoup de choses. Lise Bourbeau a fait un livre là-dessus et c'est hyper édifiant. Et donc, oui, je me suis dit "Il faut que tu l'expliques parce que ce que tu vas raconter toi, ça va faire réfléchir d'autres personnes". Et donc, j'ai décidé de faire ce livre. Et de fait, tu vois, aujourd'hui, quand les gens me lisent, plein de femmes qui me disent "Déjà, j'ai l'impression que tu décris ma vie". Elles se reconnaissent beaucoup dans ce que je raconte de moi. Et puis, chacun ou chacune pioche un petit élément : "Ah ben oui, ça, ça me fait réfléchir. Ah oui, ça, ça me fait rebondir" et finalement de... ton expérience peut avoir un truc un peu universel, ça c'est un peu magique. Et je sais que moi j'aime beaucoup lire des témoignages, parce que tu peux te retrouver et t'identifier à la personne qui parle. Donc il m'a fallu que je digère quand même. J'ai essayé de le commencer en septembre 2021, j'ai écrit les premières pages, puis je l'ai laissé pendant des mois en jachère, j'y arrivais plus. Et donc j'ai attendu le printemps 2022 pour m'y remettre, et je l'ai fini en août 2022 et après il a fallu encore plusieurs mois. J'ai trouvé un éditeur tout de suite, j'ai eu beaucoup de chance et il a fallu encore plusieurs mois pour qu'il sorte parce que l'édition, c'est très long mais du coup il est sorti en juin 2023. Et voilà, j'étais prête à ce moment là quand je l'ai écrit, à raconter avec du recul tout ce que j'avais compris pendant la maladie et c'était chouette aussi parce que je pouvais ajouter le début de la rémission, le post-cancer ... avec des trucs qui n'étaient pas forcément tout à mon honneur, c'est-à-dire que je ne suis pas sortie comme petit Bouddha de tout ça. On pourrait croire que là, je me la pète, genre non, mais j'avais tout compris, donc du coup, j'étais très sage, j'avais très... J'ai eu une phase complètement trash à avoir besoin de repousser mes limites comme si j'étais une ado attardée, d'être un peu perdue parce que c'était trop d'émotions d'un coup, genre tu veux dévorer la vie, mais la vie te dévore, quoi. Et donc, en fait, il a fallu que je fasse retomber. J'étais comme quelqu'un qui a agité un bocal comme ça, il fallait le temps que l'huile et l'eau se séparent, je ne sais pas comment dire, mais que ça fasse de nouveau deux phases. Moi, j'avais tout agité, tout qui bougeait dans tous les sens. Donc, c'était marrant aussi de dire, attention, il n'y a pas d'épiphanie juste quand tu as terminé ton traitement. Non, c'est un chemin, c'est ce que tu disais tout à l'heure, c'est un chemin très très long. Et que tu peux aussi un peu te perdre. Moi, je croyais vraiment qu'il y aurait un jour nuit, que j'allais terminer mon dernier cachet et que ça allait être genre "ça y est, je suis sage". Eh bien non. Et c'était chouette de le dire aussi. De ne pas être que dans le côté trop positif ou trop édulcoré de tout ça. Tu passes par plein d'émotions très contradictoires. Mais la vérité quand même, c'est que malgré tout ce chambardement et ces émotions un peu endenties et tout, il y avait un truc tellement plus authentique. Et c'est marrant parce que j'ai l'impression que depuis 5 ans, je me souviens beaucoup plus de ma vie que ma vie d'avant. C'est bizarre ce truc-là. Comme si j'avais été spectatrice d'un film et que j'ai que des bribes de souvenirs. Ça me donne même l'impression que ce n'est pas vraiment moi qui ai vécu tout ça. C'est assez bizarre. Alors que là, maintenant, ce que je vis, c'est complètement moi qui le vis. Il y a vraiment ce truc, c'est mes souvenirs, c'est ma vie, c'est très vif, c'est très ancré, c'est très fort. Mais les trucs de la vie d'avant, c'est genre, mais c'était moi, cette personne-là. C'est trop bizarre, en fait. Je ne me souviens pas de tout ça, ou très peu, ou c'est une hallucination. Il y a même des fois où je me dis "Attends, ça, c'était un rêve, ou c'était vraiment un rêve ?" Je ne sais plus. parce que je pense que j'étais... J'étais tellement à côté de mes pompes, que j'étais pas tout à fait là. Oui,

  • Adeline

    carrément. Et j'ai l'impression que parfois, quand on n'est pas aligné avec soi-même, ça met comme un filtre qui floute un petit peu tout. Et ça n'empêche pas de vivre les situations intensément, les situations difficiles ou quoi que ce soit. Mais je ne sais pas comment dire. ouais pour Un exemple. Je vois. Oui, tu vois.

  • Giulietta

    Oui, je vois tout à fait. Tu n'es pas... Oui, c'est ça. Tu n'es pas complètement là. Effectivement, ça filtre les situations. Mais vraiment, je trouve que c'est encore plus probant quand tu te rappelles. C'est sur le moment, tu as l'impression que tu vis ta vie normalement. Mais c'est dans les souvenirs. Les souvenirs ont un filtre flou. Un truc un peu, une buée comme ça devant.

  • Adeline

    Exactement. Et oui, tu es en dehors des choses. Alors, je viens de te picouiller un tout petit peu. mais je te l'avais dit déjà quand on avait échangé en visio. Ma perception en tout cas de l'emploi du terme chance dans le titre de ton ouvrage, je la comprends totalement dans ta perspective à toi et dans ton vécu et je me pose la question de est-ce que ça peut pas aussi créer une espèce d'injonction contradictoire où des personnes, par exemple, de l'entourage d'une personne qui serait atteinte par un cancer peuvent dire "Mais prends-le comme une chance. Tiens, tu pourrais changer de vie toi aussi et revoir tout différemment". Est-ce que toi déjà, tu as vécu de l'extérieur ces espèces d'injonctions qui ne sont pas franchement agréables ? Et comment est-ce que tu te positionnes par rapport à ça ?

  • Giulietta

    Non, moi je n'ai pas vécu ça. Personne ne s'est permis. Je crois que même... Je sais que, du coup, depuis que j'ai fait ce livre, il est souvent offert à des personnes qui sont malades. Mais je ne crois pas que ce soit vécu comme une injonction. Parce qu'il y a ce truc de... "Ben voilà, en fait, tiens, on t'offre une autre lecture de ta maladie. Fais-en ce que tu peux. C'est OK, en fait. Mais si ça peut t'aider à mieux la vivre, en fait". Moi, j'ai plus l'impression que c'est ça, finalement. C'est pas... C'est pas à tout prix, tu dois réussir ton cancer, quoi. Tu vois ? C'est plutôt... ça t'offre un autre regard, ça te fait sortir de la noirceur et de l'injustice que tu peux connaître, et peut-être que tu peux y piocher quelque chose de lumineux et qui va te faire du bien pour traverser tout ça. Donc, c'est vrai que je ne crois pas que ça fait une injonction contradictoire, et en plus, à aucun moment je dis, si tu vis ton cancer comme ça, et que tu es récitant de faire une chance, c'est comme ça que tu vas guérir. Non. tu mets toutes les chances de ton côté, en fait. C'est juste, ça ne gâche rien, bien au contraire. Et ça ne peut que faire du bien à ton corps, que faire du bien à ton mental, sachant que si on a eu, entre guillemets, le pouvoir de créer notre maladie, on a aussi le pouvoir d'agir dans l'autre sens. Et ça, c'est tout le travail de la sophro, de tout. Enfin, je veux dire, on sait qu'un mental qui va bien, qui est très positif et tout ça, influence tout le reste. Enfin, je veux dire, c'est prouvé, quoi. Donc, en fait, t'as tellement d'intérêt à te dire, bah oui tiens euh Qu'est-ce que je pourrais faire de ça maintenant que ça m'arrive, de cette expérience détestable ? Comment je peux m'en sortir avec ça ? À ma mesure et à ma manière. Et en fait, t'as pas besoin de... Comme je disais tout à l'heure, t'as pas besoin de tout comprendre. T'as pas besoin d'être tout de suite dans le... Ça y est, j'ai capté. Je suis allée hyper fort, hyper vite. C'est vraiment se mettre sur le chemin. Finalement, quand tu te dis à ton corps, OK, je crois que je comprends que t'as un truc à me dire, viens, on avance ensemble. Ça fait déjà du différent. C'est vraiment... t'es plus dans le rejet de toi-même, t'es plus dans le déni, t'es plus dans tout ça, t'es dans quelque chose où t'es... Tu commences à te réaligner. Donc après, tout suit son cours et ça va plus ou moins vite, plus ou moins lentement, on s'en fout en fait, dès lors que juste tu reprends possession de toi-même et à tes degrés à toi et à ta vitesse à toi et c'est ça qui est génial. Donc ouais, c'est pas tant une injonction, c'est plus, est-ce que tu te reconnais là-dedans et si tu te reconnais, c'est super cool. cool parce que ça aura pu t'aider. Ça aura pu t'aider.

  • Adeline

    Voilà. C'est ça que je trouve intéressant dans ta posture. C'est en fait le fait que tu as trouvé un récit avec lequel tu te sentais à l'aise. Peut-être que scientifiquement, ce n'est pas 100% vérifié, ce dont on parle. Mais que c'est ce qui te permet d'avancer. Et là, tu viens de mentionner que tu avais un rapport quand même qui était plutôt apaisé avec ce qui s'est passé. Et quand on avait échangé il y a quelque temps, tu avais dit "Je toise ma maladie et je l'écoute, je vais faire en sorte que tu t'en ailles, tu n'auras plus besoin de revenir". Et je trouve que c'est très doux, en fait, cette manière de te parler, de parler à ta maladie, où tu lui donnes une existence propre, mais qui est liée à toi, mais tu la détestes pas, tu te bats pas contre, tu mets plutôt en place les conditions pour aller de l'avant et qu'elles se représentent pas.

  • Giulietta

    C'est ça, parce qu'en fait, si tu commences à être dans la haine du cancer, il y a beaucoup de gens qui sont comme ça, « Ouais, on va le battre et tout, on va le détruire. » Mais non, c'est des bouts de toit que tu vas détruire. Non, c'est pas ça. Non, non, c'est genre "Ok, t'es là, t'es là pour me dire un truc". Et c'était un des nombreux soignants que j'avais qui m'avait dit, « Ouais, toi, là, comme un adversaire d'une partie d'échecs complexe, t'as quelqu'un devant toi que tu dois respecter parce qu'il est là pour une raison. Enfin, voilà, tu dois le respecter comme un adversaire. » Par contre... tu vas gentiment lui dire de dégager parce que c'est toi qui vas gagner à la fin. Donc genre "Ok, je t'entends, vas-y, montre-moi ton jeu, mais par contre, salut, c'est quand même moi qui vais rester". Et donc, c'est cette notion de le regarder comme ça et de ne pas être dans la haine. On ne peut pas être dans la haine de soi parce que sinon, c'est trop bête. Et puis, on ne s'aide pas soi-même en étant comme ça. Mais en fait, c'est un peu de la volonté, c'est d'être ferme. Mais pas dans la haine, c'est un petit peu le truc un peu délicat de pas lui en vouloir d'être là en fait ce cancer parce qu'il a un truc à te dire voilà. En même temps, moi je le voyais presque comme un truc genre "Non mais je suis ok pour repartir en fait là. Je suis venu parce que tu vois tu m'as pas laissé le choix". Tu vois, je l'imaginais me parler comme ça : "Tu m'as pas laissé le choix cocotte là franchement tu faisais juste n'importe quoi Donc bon, t'as compris. Ok, c'est bon, allez, je repars. C'est bon, j'ai capté, tu vois". C'était... C'est pas... Si la vie avait voulu que je meure, j'aurais eu une attaque. Voilà, c'est ce que je dis dans mon livre aussi. J'aurais eu un truc foudrayant, en fait. C'était pas la fin de ma vie qui arrivait. C'était le début d'une nouvelle, tu vois. Mais bon, peut-être que si... Après, je peux pas dire. J'allais dire, c'est peut-être que j'avais continué à tourner en rond dans mes histoires. Est-ce que j'aurais guéri ? On sait pas, en fait parce que comme tu dis, ce n'est pas scientifique tout ça, on ne peut pas affirmer. Et puis moi, j'ai aussi une amie très chère, Olivia, qui s'est mise dans le même process que moi et qui, elle, a eu une rechute. Et pourquoi ? Elle continue de se dire, j'ai encore des trucs à travailler, effectivement. Et puis elle continue de creuser très, très loin sur plein de choses. Donc peut-être, peut-être pas. Mais en tout cas, ce qui est admirable chez elle, elle reste dans ce mental de... Mais j'ai un truc à apprendre de tout ça. Un jour, ça va aller mieux. Et moi, je suis convaincue qu'effectivement, ça ira mieux. Mais quand je lui ai dit qu'elle retombait malade, j'ai dit "Putain, moi, j'ai rien. et elle, oui". Et on était dans le même bateau de prise de conscience. Donc, c'est pour ça que jamais je n'affirmerais « c'est bon, tu auras tout gagné » . Juste, tu gagnes une qualité de vie, tu gagnes un mental, tu gagnes de mieux vivre tes soins, mieux vivre tout ça. Et ça, c'est déjà énorme, en fait. C'est vraiment super, ne serait-ce qu'à cet égard-là, en fait. Parce que sinon, c'est la dépression assurée, en fait. Donc, on ne peut pas se laisser aller comme ça. C'est trop difficile.

  • Adeline

    Je suis entièrement d'accord avec toi. Du coup, on n'a pas du tout le même type de maladie. Moi, la mienne, elle sera là pour la vie. C'est une sclérose en plaques. Et en fait, la posture que j'ai vis-à-vis d'elle et qui m'aide à avancer, c'est de me dire que c'est une partie dysfonctionnelle de moi. Donc, je sais qu'elle ne fonctionne pas. Elle fait partie de moi. Et en fait, quand elle se manifeste, c'est juste que je dois lever le pied, prendre soin d'elle pour mieux repartir ensuite. Mais du coup, effectivement, pareil, je ne pense pas que mon neurologue validerait cette interprétation et qu'il me dirait « mais bien sûr, vous avez raison » . Mais en attendant, c'est moi ce qui me permet d'avancer et de laisser la place à des possibles rechutes, à des possibles nouvelles poussées et à les accepter et aussi à prendre soin de moi sans m'en vouloir, sans me battre contre elles.

  • Giulietta

    Et c'est chouette parce que tu te désidentifies de ta maladie aussi. tu la vois comme une entité avec laquelle tu peux être dans l'empathie, dans la douceur. Elle a un truc à te dire, elle crie de temps en temps parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas, comme ton bébé intérieur. Et c'est pas mal, parce que oui, tu composes avec. C'est pareil, tu n'essaies pas de lutter à tout prix. Mais après, peut-être aller regarder pourquoi cette petite entité, elle est là, c'est un très long chemin. Et à partir du moment où tu es sur ce chemin d'essayer d'écouter, c'est pareil, je pense que c'est la voie pour que ça soit peut-être de plus en plus ténu, un peu moins envahissant. Je ne sais pas, est-ce que tu as vu une différence si tu es déjà sur ce chemin-là et est-ce que tu vois une différence par rapport à ta maladie ? Est-ce que ça revient moins souvent ? Est-ce que c'est intéressant ça quand même ? Oui,

  • Adeline

    à fond. Depuis que j'avais mal aux yeux. parce que j'ai une poussée sur mon oeil gauche et j'avais mal à l'oeil quand je stressais très fort et c'est plus arrivé depuis 7 ou 8 ans depuis que justement je m'écoute plus donc oui pareil, il n'y a rien de scientifique ou quoi que ce soit mais en tout cas ça a permis de changer mon rapport aux choses et tu mentionnais le fait de se désidentifier. Il y a souvent une dichotomie dont on parle entre se décrire comme étant malade et se décrire comme ayant une maladie. Donc là, la posture que tu as, c'est de dire que tu as eu un cancer. Est-ce qu'à un moment de ton parcours, tu t'es décrite comme étant malade et comme si la maladie te décrivait ?

  • Giulietta

    Tu me poses une colle, je ne crois pas. Je crois que j'ai toujours dit que j'avais un cancer. Est-ce que tu disais que j'étais malade ? Je ne devais jamais prononcer cette phrase, je suis malade ou je ne sais pas. Non, oui, je cohabitais avec un truc. Je cohabitais avec un cancer que j'allais bientôt mettre dehors. C'était mon coloc envahissant. Et je crois que ça ne m'a jamais vraiment définie. Non, je ne voulais pas me définir par ça. Je voulais plus me définir par ma pugnacité et par ma capacité à aller de l'avant à partir de ça. Mais ouais, c'était... Je n'avais pas trop envie d'être dans la plainte. C'est peut-être pour ça aussi que je tenais ce blog où j'essayais de mettre de l'humour et tout, parce que je ne voulais pas être dans le pathos. Je n'avais pas envie d'être... Et puis, pareil, c'est mon amie Olivia dont je parlais. Je l'ai connue pendant le cancer et elle était un peu plus avancée que moi. Elle était déjà en radiothérapie quand je finissais ma chimio. Et ce qui m'avait marquée chez Olivia, c'est qu'elle n'avait jamais porté de bonnet de chimio, de perruque. Elle avait toujours été tête nue et pareil, en fait, c'était mon erreur d'indiquer "non mais ok j'ai une maladie mais c'est bon là, je suis pas faible regarde" et d'oser comme ça se sortir la tête nue et que les gens te regardent et oh mon dieu, c'est pas grave tu mets du rouge à lèvres, tu mets des grosses boucles d'oreilles et t'y vas quand même et ça c'était c'était un truc dur. J'aurais pas réussi au début : elle m'a beaucoup inspirée et c'est pareil c'était mais... arrêter de détourner le regard, en fait, c'est pas contagieux. Et puis, en fait, il y a moyen de... Voilà, en fait, on est plutôt... On est forte, on est combative et c'est plutôt admirable, quoi. Et du coup, ouais, c'est ça. Et peut-être se complaire trop dans le côté "Je suis malade", c'est un peu trop, pour moi, en tout cas, c'était un peu trop me laisser aller à quelque chose qui n'allait pas me tirer vers le haut. C'est-à-dire que quand je dis tirer vers le haut, c'était vraiment tirer vers... des bonnes sensations pour que je puisse tenir le choc malgré tout, parce que le corps trinque de fou quand même. Et donc, j'avais plein de moments de découragement et plein de moments très durs. Donc, tu as besoin de garder ce mental un peu fort. Sinon, tu t'effondres complètement parce que du coup, tu ne peux pas supporter et l'injustice, et en plus après les traitements, les effets secondaires et tout, ça fait trop. Donc, il faut... Il faut garder une forme de niaque comme ça, et un peu rock, un peu rebelle. Est-ce que ça m'a aidée encore une fois ?

  • Adeline

    Oui, je suis assez d'accord avec toi. Un de mes points, je pense que j'étais en colère contre ma maladie pendant longtemps, ça a été de me dire qu'en fait, on est sur le même bateau. On est dans le même corps, on partage le même espace. Et comment est-ce qu'on apprend à vivre ensemble ? Parce qu'a priori, on va vivre ensemble, etc. Comment est-ce qu'on cohabite d'une manière où on respecte nos espaces respectifs ? Du coup, moi, je l'écoute et je lui laisse de la place. Mais je suis entièrement d'accord avec toi.

  • Giulietta

    Mais tu sais, quelque part, c'est marrant. J'y pense là parce qu'on en parle. C'est comme s'il était encore là quelque part, le cancer. Il n'est plus dans mon corps. Tout va très bien. Mais genre, je pense à lui : "Je ne t'oublie pas. Je sais que tu es arrivé. Donc, je fais gaffe. T'inquiète. Je fais gaffe. J'ai compris ce que tu m'avais dit. Et je t'ai toujours dans la tête. Et je ne fais pas... Je ne fais pas comme si je pouvais reprendre les choses exactement où elles étaient avant. Je fais attention à moi, je fais attention à toi, je te guette un peu". Et du coup, oui, c'est encore un peu cohabiter avec ce souvenir-là et ne pas ignorer que ça a été et qu'il faut faire attention. Il faut faire attention médicalement. Je fais tous les suivis, je suis au taquet, je peux pas faire plus que ce que je fais. Et faire attention à sa santé mentale aussi et à ce que j'ai réussi à gagner en authenticité et en vérité sur moi, de le maintenir et de continuer ce travail. Je laisse une thune folle chez la psy. Franchement, il y a des fois où je me dis, quand même, si je gardais tout cet argent pour autre chose. Mais en fait, non, ça fait complètement partie de ma vie et c'est primordial pour moi aujourd'hui de mettre de l'argent là-dedans parce que c'est investir sur ma santé au sens large. C'est holistique en fait. C'est primordial pour moi. Je n'hésite plus du tout sur ces choses-là. Je complète avec des petits, je vais chez l'ostéo, je fais des massages, la réflexe au plantaire, des trucs qui font du bien. Mais en fait, quand tu as un bon thérapeute et qu'il te fait avancer, qu'il ne te ménage pas et avec qui tu peux vraiment travailler à fond, c'est cadeau. Et il faut se l'offrir. C'est le meilleur cadeau que tu puisses te faire.

  • Adeline

    Ce que j'allais te dire, c'est le meilleur investissement que tu puisses réaliser.

  • Giulietta

    Ouais, carrément.

  • Adeline

    Et bien, justement, ça m'amène à ma dernière question. Est-ce qu'il y a des choses que tu aimerais partager avec des personnes, justement, qui s'apprêtent à entamer ce travail d'introspection et qui ne savent pas trop par quel bout commencer ?

  • Giulietta

    Il faut tirer la pelote comme ça vient, en fait. Moi, j'ai, je ne sais pas, se dire, tiens, aller dans une bibliothèque ou une librairie, regarder des bouquins. Puis quand on est attiré par un bouquin, commencer par là, regarder des podcasts, des vidéos. En fait, ton instinct est bien fait, tout est bien fait, et tu vas être attiré instinctivement par quelque chose qui va t'aider à cheminer. Il y a des livres sur les mots de l'âme, les mots du corps qui sont les reflets de l'âme, etc. Il y a plein de trucs comme ça, on peut commencer avec ça. Essayer de demander autour de soi "Tiens, toi, t'as pas quelqu'un ? tu connais pas quelqu'un qui pourrait m'aider ? t'as pas un thérapeute machin tu peux commencer aussi par la détente du corps ?". En fait, je crois que quand on commence à ouvrir les vannes et à se dire "J'ai quelque chose à comprendre de cette maladie", bizarrement t'as les infos qui t'arrivent en fait un peu comme par magie parce que je pense que tu es perméable à autre chose et qu'un truc va retenir ton attention. Moi, des fois encore maintenant, je suis abonnée à plein de podcasts et puis je prends ma voiture des fois et puis je me dis tiens lesquelles j'écoute et puis... Je tombe sur un épisode où le titre, ça n'a pas l'air. Mais en fait, quand j'écoute, je fais, c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre en ce moment. Mais c'est fou, ce n'était pas annoncé dans le titre. Et comment ça, c'est dingue que j'entende ça maintenant. Ou bien, tu as des amis aussi qui vont t'envoyer des trucs. Des amis qui sont un peu connectés à toi, de façon complètement inexplicable, et qui vont t'envoyer une petite vidéo, un petit machin. Et tu vas te dire "C'est exactement ce que j'avais besoin de découvrir". Et voilà. Et du coup, commencer à cheminer, lire des trucs, lire, écouter, regarder, investiguer, se faire aider, pourquoi pas, par des thérapeutes, comme on a envie. Psychologue, c'est vraiment le top. Psychologue, psychothérapeute, c'est vraiment au top. Mais si on est réceptif à d'autres choses, pourquoi pas essayer d'autres choses, toujours dans un réseau de confiance. Je sais que, de plus en plus, il y a des centres de médecine intégrative qui ouvrent. Vous pouvez vous renseigner dans vos villes. Il y en a un qui va ouvrir dans ma ville à Besançon et je suis impliquée dans le projet. Donc, c'est des centres qui travaillent en partenariat avec le CHU et où il y a plein de thérapeutes très sérieux. Mais ça peut être même le yoga du rire, des trucs comme ça. Mais c'est des thérapeutes qui sont sélectionnés, etc. Et du coup, c'est en confiance qu'on peut aller les consulter. Et puis, je sais que pour mon corps, le Shiatsu m'avait beaucoup aidée aussi. C'était pour l'aspect physique, pour aider les organes. Il y a plein de trucs à faire, mais c'est en fonction de sa sensibilité personnelle et de ce en quoi on croit. Mais déjà, en passant par les lectures, les podcasts, et puis les échanges avec des gens, des personnes aussi, qui peuvent vous nourrir, des gens de votre famille, des gens qui sont passés par là et avec qui vous allez échanger et qui ne vous auront peut-être jamais raconté des trucs, alors qu'ils ont eu aussi des grosses prises de conscience. Il ne faut pas hésiter à ouvrir la discussion. et moi je sais que quand on ouvre les vannes ça arrive tout seul c'est le premier pas en fait de s'autoriser à se dire juste s'autoriser à se dire ça j'ai passé cette maladie par hasard et je vais essayer de comprendre pourquoi juste s'autoriser ça après le reste ça

  • Adeline

    arrive un peu de soi même ok trop bien moi je suis arrivée au bout de mes questions et on est quasiment arrivée au bout du temps en partie est-ce qu'il y a quelque chose que tu voudrais ajouter ?

  • Giulietta

    Non, non, non. C'est chouette parce que j'ai raconté des trucs que je racontais un peu moins dans d'autres émissions, donc c'est bien cool. Je ne parle pas forcément toujours de tous ces trucs alternatifs qui peuvent sembler un peu perché. Mais en fait, ça a vraiment fait grandement partie. Alors, toujours, ce que je peux dire quand même, c'est que là, on parle de tous ces trucs alternatifs mais qu'à aucun moment, on ne m'a conseillé d'arrêter mes traitements. C'est hyper important de continuer à suivre ce que les médecins nous disent. Moi, il n'y a pas... personne qui a essayé de me faire croire que oui, on va te guérir par les plantes et tout. Voilà, les charnatans, il y en a peut-être quelques-uns, mais en fait, il n'y en a pas tant. Et il faut toujours savoir raison garder. Il faut toujours dire à un moment donné, il y a un cancer, il faut éteindre le feu. Et donc, il faut faire les traitements médicaux. Voilà, c'est tout. C'est ça qui te sauve. Et après, tu peux te sauver aussi toi-même, continuer à te sauver toi-même en travaillant sur toi. Mais c'est vraiment ce duo, en fait, médical et holistique. quelque part qui fait que ça fait un bon combo mais ne jamais se laisser raconter que ça suffirait de travailler sur soi, non pas du tout mais c'est un super complément et c'est un super complément aussi pour supporter les traitements aussi, clairement vraiment parfait,

  • Adeline

    merci pour ce mot de la fin

  • Giulietta

    Merci à toi, c'était un très bon moment. Oui,

  • Adeline

    moi aussi je suis contente.

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