- Speaker #0
J'ai pris ce parti-là de signifier à Hervé mes besoins. Les mots que je mets, moi, sur, par exemple, quand je suis fatiguée ou quand j'ai de la souffrance, c'est dur, mine de rien, même quand on porte un handicap, d'identifier vraiment, d'être au cœur des sensations, qu'elles soient physiques ou même de ce qui se passe dans notre tête, sur ce qu'on ressent, et de les transmettre à l'autre.
- Speaker #1
Bonjour et bienvenue dans l'anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Pour ce dernier épisode de la saison, j'avais envie de terminer sur une note positive et donc de parler d'amour, et de couple plus particulièrement. Bien évidemment, qui dit amour ne dit pas nécessairement couple, et la réciproque est vraie. Pour autant, j'ai décidé d'aborder cette forme de relation qui pose des questions fondamentales. En effet, dans de nombreux épisodes de l'anomalie, nous avons évoqué le rapport à l'autre, le fait de parler ou non de sa maladie, de choisir les personnes auxquelles on se confie. Il me semble que le couple est un espace où il est bien plus difficile de faire ce genre d'arbitrage, comme attendre le bon moment pour en parler, ou bien choisir ce que l'on monte. Je voulais donc décorsiquer ce numéro d'équilibriste en bonne compagnie pour dialoguer sur la manière de montrer ses vulnérabilités liées à la maladie ou handicap, les impératifs liés au fait de partager la manière dont on se sent et ses limites, et enfin la façon dont, en tant que conjoint ou conjointe, on peut accompagner notre partenaire. Pour cette conversation, j'ai eu le plaisir de retrouver Marlène et Thibault avec lesquels j'avais enregistré des épisodes lumineux que vous pourrez facilement retrouver sur votre plateforme d'écoute préférée. Leurs conjoints respectifs, Hervé et Pauline, se sont joints à la discussion pour apporter leurs éclairages. La discussion est ainsi vive, drôle, sincère et terriblement bretonne, puisque j'étais entourée de Brestois. Je vous laisse donc avec cet épisode en couleur. Alors, du coup, je suis ravie de réaliser ce dernier épisode de la saison de l'anomalie avec vous quatre. Le point de départ de l'enregistrement de cet épisode, c'est qu'en fait, je voulais faire un petit peu une boucle et reprendre là où tout avait commencé. Donc, c'était avec Thibaut, qui m'avait gentiment accueilli chez lui pour enregistrer le tout premier épisode. Et puis finalement, je me suis dit, ce serait quand même cool d'avoir... Pauline parce que je trouve que leur relation est super et que j'aimerais bien parler un petit peu de ce qu'il y a très haut couple et puis ensuite, en fait, Pauline Marlène et Hervé et Thibaut vous faites partie de la même famille et j'avais adoré enregistrer avec toi Marlène donc je me suis dit ça peut être très chouette de faire un enregistrement tous ensemble et finalement on se retrouve dans tous les cinq à enregistrer dans un contexte technique un peu compliqué mais je pense que ça va le faire Et j'avais très envie, pour ce dernier épisode, de parler de tout ce qui avait trait à l'amour au couple, parce que je trouve que c'est une très très belle thématique. Et donc, je suis ravie de faire cet enregistrement avec vous.
- Speaker #2
C'est bien évidemment réciproque.
- Speaker #1
Trop bien. Alors, pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter chacun ? Thibaut, Marlène, on vous connaît un petit peu, vu que vous avez chacun votre épisode. Mais ça peut être l'occasion pour Pauline et pour Hervé d'en dire un peu plus sur vous.
- Speaker #2
Alors Thibaut, l'homme du premier épisode, voilà , j'ai 30 ans, je suis toujours prof d'histoire, toujours fan de foot, voilà , un petit résumé rapide de ma vie.
- Speaker #0
Et moi, pour être dans la lignée de Thibaut, Marlène, toujours 43 ans, j'aimerais bien que ça reste figé comme ça, mais non, ça va forcément évoluer. Toujours avec le syndrome de Gittelman, malheureusement. Mais je suis aussi dans la même ligne formatrice indépendante. Et voilà pour moi.
- Speaker #3
Du coup, moi, c'est Hervé, le mari de la sympathique Marlène. Moi, je suis... Il est 44 ans. Je suis auteur-réalisateur. Et j'ai aussi une petite entreprise de films institutionnels. Et nous sommes en couple depuis maintenant 9 ans, me semble-t-il. Et c'est magnifique.
- Speaker #4
Moi, c'est Pauline, la copine de Thibaut, l'homme du premier épisode. Je suis prof de français, j'habite à Rennes, je travaille à Saint-Malo et je suis brestoise, pour ne pas refaire la triade bretonne. Et j'ai 28 ans, 28 ans maintenant. Voilà , voilà . Et on est ensemble depuis 2022.
- Speaker #0
Et puis, on n'a même pas précisé quand même que Hervé et Pauline étaient frères et sœurs. Je ne suis même pas sûre qu'on l'ait dit.
- Speaker #3
Oui, exact.
- Speaker #1
La toute première question, vraiment très, très large. Peut-être que... Oui, non, c'est vraiment très large. C'est, on commence dans le dur, quelle est la place de la maladie dans vos relations respectives ?
- Speaker #2
Ah oui, là tu commences par l'Everest d'entrée. Il n'y a pas de... Oui, d'accord, d'accord, ok. Non, non, est-ce que tu peux reformuler déjà ? Ou repréciser un tout petit peu la question ?
- Speaker #1
Quelle est la place qu'occupe la maladie dans vos relations respectives ? Par là , j'entends, est-ce que c'est un sujet quotidien ? C'est un sujet dont vous parlez parfois seulement au moment d'examens ou de choses comme ça ? Parce qu'il y a des pathologies qui nécessitent, là je pense plus à Marlène, mais... il y a une fatigue chronique ou des choses comme ça. Donc, je présume qu'il y a des interactions qui sont plus fréquentes sur le sujet de la pathologie et comment s'adapter, peut-être que pour toi, Thibault, en fait, c'est moins un sujet du quotidien et que vous l'évoquez plus ponctuellement avec Pauline.
- Speaker #2
C'est vrai que globalement, moi, mon déficit immunitaire, il a un impact bien évidemment assez lourd dans ma vie, mais je n'ai pas l'impression que ce soit du tout quelque chose au premier plan dans notre couple ou dont... on discuterait assez régulièrement au contraire, bon, évidemment quand il y a des questions d'organisation qui se posent bien sûr que ça devient un sujet, ça devient un sujet également quand on tombe malade ou un peu plus gravement que d'habitude enfin ce genre de choses mais globalement je pense que c'est plutôt à l'arrière-plan, je sais pas Pauline, peut-être que tu pourrais confirmer
- Speaker #4
Bah C'est vrai que je pense que c'est moins présent au quotidien que par exemple dans le quotidien de Marlène et Hervé, parce qu'il n'y a pas ces questions de fatigue chronique. En revanche, ça se pose pour des questions d'organisation toutes bêtes, quand Thibaut doit aller faire ses perfusions. Tout simplement, c'est ok, est-ce que tu prends la voiture ? Comment tu y vas ? Parce qu'il n'y a qu'une voiture entre deux, donc c'est vraiment sur des questions très très basiques. Et parfois pour les questions de suivi. Par exemple, tu attendais, il y avait une question de résultat ou de rendez-vous, etc. Donc ça revenait un petit peu sur le mode de la nouvelle. Est-ce que tu as eu des résultats ? Est-ce que tu as eu des nouvelles ou pas ? Mais c'est vraiment des questions du quotidien.
- Speaker #2
Oui, des questions assez basiques, mais je pense que tu auras des questions aussi sur tout ce qui a trait à la communication autour de ça dans le couple. Mais je pense qu'on n'y reviendra plus en détail tout à l'heure.
- Speaker #0
Alors, en fait, ça m'intéresse, je ne sais pas si tu veux bien, Hervé, répondre en premier à cette question-là .
- Speaker #3
Habile. Je pense que la maladie, c'est vrai qu'elle est présente tous les jours, mais ce n'est pas parce qu'elle est présente qu'elle prend autant de place qu'elle pourrait prendre, en fait. Ça fait presque partie maintenant d'un quotidien et d'une routine. Et à part... quand il y a vraiment des grands pics de fatigue, où là , on est tous les deux un petit peu stressés, un petit peu fatigués, là , ça se voit parce qu'on n'a pas forcément la même patience, on n'est pas dans la même dynamique. C'est un petit peu plus compliqué et c'est là qu'on voit vraiment pointer la maladie. Mais sinon, je dirais, même si ça nous impacte tous les jours, Ça fait partie de notre quotidien, en fait. Ça fait partie de notre vie. Et donc, on fait avec. On n'est pas là ... Enfin, moi, en tout cas. Moi, je ne suis pas là à me dire tous les jours « Ah oui, alors ça, c'est Marlène Malade qui parle. Donc, je vais agir comme ça. » Ce n'est pas du tout que ça fait « Marlène, elle est comme ça. Maladie, pas maladie. » Enfin, c'est... Pour moi, ça va être un peu... Je suis désolé, Marlène. Je vais dire un truc qui ne va peut-être pas te plaire, mais ça fait partie de l'identité de Marlène, en fait. Je le prends comme ça dans son entièreté. Et ce n'est que quand il y a vraiment de la fatigue que là , on est un petit peu à couteau tiré parce que quand on est fatigué, j'ai pu repérer ça, que quand on est fatigué, on a tendance un petit peu à se recroqueviller sur nous-mêmes et un petit peu à reprendre les vieux réflexes que l'on avait quand on était célibataire ou que l'on avait, moi par exemple, mes vieux réflexes quand je suis crevé, et bien c'est... C'est un peu débile, j'ai envie de sortir à tout va, j'ai envie de faire plein de trucs, j'ai envie de m'éparpiller complètement. Et ça, c'est quelque chose que la maladie de Marlène, la fatigabilité de Marlène ne permet pas. Et du coup, quand je suis crevée, je me dis que je suis obligée de me rappeler. Ah oui, mais ce n'est pas possible. Après, c'est à peu près tout en fait.
- Speaker #0
Ah, du coup, ça m'intéressait d'écouter des avis d'un peu tout le monde parce que… je pourrais réagir après en ping-pong ce que disaient Thibaut et Pauline. Je n'imaginais pas que ça allait répondre ça. Donc, c'est ce qu'on s'appelle bien contre tous les quatre aussi parce qu'on se connaît en dehors et je n'imaginais pas que pour eux, j'aime bien avoir un peu les coulisses aussi de ce que tu ressens, Thibaut, et toi aussi, Pauline, par ricochet. Et puis, Hervé, oui, à ce qu'il dit, j'aime bien avoir son point de vue aussi parce que lui, il me voit… de loin et moi, je ne me vois pas de loin, forcément. Je suis moi et en même temps, oui, forcément, je réagis à ce que tu dis. Pour moi, la maladie, elle ne me définit pas, heureusement. De mon point de vue, elle ne fait pas partie de mon identité, sinon ce serait terrible de dire que je suis d'une maladie, mais elle fait partie de mon quotidien. Donc moi, comme je vis avec, forcément, elle est au cœur un petit peu de tout. Par contre, elle ne modifie pas. ma relation avec Hervé, puisque Hervé m'a toujours connue comme ça. Donc je comprends pourquoi il dit que ça fait partie de l'identité de Marlène. Je comprends pourquoi tu dis ça. Et j'ai envie de dire que ça fait partie de... Disons qu'elle est une donnée dans notre couple. Plus que vraiment, c'est mon identité. Elle est présente là , depuis toujours. Et depuis toujours pour nous aussi, dans notre biographie de couple. Je ne sais pas si je peux dire ça, mais... Et donc forcément, elle impacte le couple puisque moi, j'ai de la fatigue chronique. Donc moi, je me réveille fatiguée, je me couche fatiguée. Et puis avec le temps, forcément, je n'ai pas en m'arrangeant. Donc c'est vrai qu'effectivement, dans le couple, quand on a envie de faire des trucs un peu sympas, légers, tiens, on sort, tiens, des trucs un peu spontanés de couple, nous, on ne peut pas. C'est vrai parce que la spontanéité espère quand tu es crevé, tu ne peux plus te spontaner. Tu es obligé de calculer, oui, mais là , non, je suis fatiguée. Et donc, oui, elle se pose au quotidien, puisque que ce soit les sorties, que ce soit la vie quotidienne, le soir quand il y a des grosses journées, quand lui aussi est fatigué, Hervé, ça va rajouter forcément, ça va faire double fatigue et moins de patience et moins d'aussi… d'empathie l'un pour l'autre. Il y a des choses qui se gomment forcément à ce moment-là . Mais oui, elle est une donnée de notre couple. Je pense que c'est un truc qu'il ne faut pas négliger ou dire « Non, ce n'est pas grave, ça fait partie. » Mais par contre, ça n'empêche pas la relation, l'amour, le couple. C'est juste une donnée qu'on a prise en compte.
- Speaker #3
Après, c'est une donnée, mais je dirais... personnellement, c'est quelque chose qui me... C'est un peu con, mais ça me fait aussi également grandir. C'est-à -dire que parce qu'il y a des contraintes, dans ces contraintes, j'arrive à essayer de tirer le meilleur aussi. Par exemple, on ne peut pas faire des longues balades, des longues balades, on peut faire quand même des petites balades, mais des longues balades à crapahuter en montagne et tout, ça on ne peut pas, on ne pourra pas le faire. Alors que... personnellement, j'aime bien marcher. Mais après, quand on a envie de passer un moment ensemble, ce qui est quand même le cas, je vais plutôt faire autre chose. Et donc, c'est en faisant autre chose que je découvre autre chose. Et donc, du coup, ça me fait aussi également grandir. Alors oui, sur l'aspect spontané, direct, tout de suite, maintenant, je ne me précipite pas, je suis obligé de prendre un petit peu de recul et de finalement choisir d'autres activités qui sont en adéquation avec Marlène. Et par exemple, je sais que dans un passé lointain, j'ai exercé le métier de maroquinier, et j'avais complètement mis ça de côté parce que c'était synonyme de mauvais souvenirs, de traumatismes d'enfance, d'adolescence. Et finalement, à cause ou grâce à ce handicap, je suis obligé de puiser en moi, et qu'est-ce que je puise en moi ? Par exemple, c'est... cette maroquinerie, que je redécouvre maintenant aujourd'hui. Et maintenant, on me demanderait le choix, si tu préfères aller crapauter ou faire de la maroquinerie. Je préfère faire de la maroquinerie, et faire de la maroquinerie avec Marlène à côté, c'est cool. Je trouve que c'est vraiment un vrai plaisir.
- Speaker #1
Trop cool, merci pour ces premiers éléments de réponse. Je trouve que c'est super intéressant ce que tu as dit pendant l'échange que vous avez eu, Marlène et Hervé, sur le fait que, Marlène, c'est évident que toi, tu ne te définis pas par ta maladie. mais que lui, dans la perception qu'il a de toi et de comment tu vis... Alors, je n'ai pas l'impression que ce que tu as voulu dire, Hervé, c'était que Marlène se définissait par sa maladie, mais que c'est vraiment une variable qui est super importante pour toi et que tu prends en compte en permanence dans les interactions que tu as avec Marlène pour t'adapter au mieux. Et pour faire le lien avec cette réflexion, donc là , je reviens au début de vos relations respectives. Comment est-ce que ça se passe au début quand on rencontre quelqu'un ? Parce que Marlène, du coup, c'est quelque chose qui est présent et je pense qu'en tant que partenaire, on doit s'adapter à ce que tu es capable de faire ou pas. Donc, comment est-ce qu'on évoque le sujet ? Et en tant que compagnon ou compagne, comment est-ce qu'on reçoit cette information ?
- Speaker #0
Alors moi, quand j'ai rencontré Hervé, j'avais déjà 35 ans. précise. Voilà , donc je savais que j'étais malade, puisque j'ai une maladie congénitale, juste pour rappeler, donc de naissance. J'ai été diagnostiquée tard, mais avant de rencontrer Harvey. Donc moi, dans ma tête, j'avais déjà cheminé, mais je n'avais pas forcément entré cette variable dans le couple. J'étais célibataire depuis un moment déjà , je venais de commencer ma thèse, donc j'étais en mode, je fais ma vie, j'ai un gros projet. un peu célibataire endurci, mais moi, j'avais commencé à cheminer déjà dans ma tête. Donc, quand j'ai rencontré Hervé, je me voyais mal lui dire « Au fait, j'ai un syndrome de Gittelman. » En plus, personne ne sait ce que c'est, donc tu es obligé en plus de donner l'explication que tu veux avec. « J'ai un syndrome de Gittelman. » « Ça va, je te plais quand même ? » « On y va ? » Bon, c'était… Voilà . C'était un peu dur de l'aborder. D'ailleurs, on ne l'a pas abordé, bien sûr, tout de suite. Je voulais garder une part de mystère. Donc, blague à part, je n'ai pas dit tout de suite. Et c'est vrai que je me suis questionnée de comment je vais l'aborder. Je me suis dit, est-ce que ça va être un problème ? Dans ma tête, je me suis dit, oui, ça pourrait être un frein au début de l'histoire. Ça, je l'avais intégré en me disant, c'est un risque. que quand je l'aborde, il puisse se dire « Ouh là , c'est trop compliqué. » Puis nous, on avait déjà 35 ans, 35 et 36 ans. Donc en plus, on savait vraiment ce qu'on voulait et puis on avait déjà des habitudes bien ancrées. Moi, je me suis dit « Peut-être qu'il ne voudra pas assumer ça. » Et puis je me suis posé beaucoup de questions. Et je ne sais plus, je l'ai abordé assez vite quand même. J'ai plus les détails, Hervé,
- Speaker #3
peut-être que tu les auras. Oui, si, tout à fait. On était à l'aéroport, en fait, tu devais partir, et tu l'avais dit entre... On avait bu un café, et tu l'as dit assez rapidement, en fait. On sortait pas ensemble encore. C'était... On flirtait. Et c'est au moment du flirt que tu l'as... Pour moi, dans ma tête, j'ai le souvenir d'une chose d'assez directe, d'assez... Pour moi, tu t'es absolument pas caché, Nico, ce soir. Et moi, ma réaction, c'était, dans ma tête, je m'en fous. Donc, ça... Et de me surprendre à penser ça, que je m'en foutais. Tiens, c'est marrant, je m'en fiche.
- Speaker #0
Tu vois, je ne me souvenais plus. Je sais que quand on s'est rencontrés, parce qu'il s'est passé du temps, quand on s'est rencontrés avec Hervé, ça n'a pas été immédiat. On ne s'est pas mis ensemble tout de suite. On s'est vus quelques temps, il les a mis, tout ça. Et c'est dans cette période-là où tu as raison. Je ne te l'ai pas dit tout de suite, mais je te l'ai dit vite fait avant de prendre mon vol, un peu en lâche. Au fait, j'ai ça. Ça y est, je me souviens.
- Speaker #3
Merci. Je l'avais plutôt bien vécu. Non, ça n'a pas du tout été un obstacle. Pas du tout. Pas du tout. Il n'était pas un frein. Pas du tout. C'était vraiment faire une confiance. Confiance au truc. Ne pas prendre la tête sur le... Alors que je suis quand même quelqu'un qui a assez un télo, qui prend la tête assez facilement dans un verre d'eau. Et là , pas du tout, pas du tout, du tout, du tout.
- Speaker #1
Et toi Thibaut, parce que je me rappelle quand on en avait parlé lors du premier épisode, tu avais dit que c'était une question d'honnêteté, il me semble.
- Speaker #2
Tout à fait. Je crois qu'on l'a abordé très, très vite aussi en réalité avec Pauline. Mais ce qui était aussi différent dans notre histoire, c'est qu'on a été dans un premier temps amis d'amis, amis. Puis en couple, donc finalement, les informations, je pense, étaient plus ou moins là dès le début. Bon après, pas de manière complètement exhaustive, mais comme j'étais quand même dans une période de ma vie où j'avais fini quand même globalement par bien accepter les choses, c'est quelque chose qui était devenu fluide, notamment dans la relation que j'avais avec mes amis. Je pouvais le dire, en fait, tout simplement que j'étais absent pour... telle ou telle raison et qui avait trait à ma maladie. Donc c'était quelque chose qui était devenu complètement fluide, on va dire, un petit peu mécanique dans mes relations sociales. Mais après, pour ce qui est de Pauline, oui, c'est une question très très vite, mais je pense qu'elle était quand même déjà au courant de deux ou trois petites choses. Tu peux infirmer si ce n'est pas le cas.
- Speaker #4
Si, si, si. Comme tu dis, on était amis d'abord et du coup, j'étais déjà au courant. Il n'y a pas eu d'effet d'annonce après la mise en couple. Et je me sens que ce n'est pas toi qui m'en a parlé la première fois, c'est une amie. Parce que tu avais dû dire, j'ai ma perf, je vais à l'hôpital. Je n'avais pas tilté. Et c'est après Lucie qui avait dit, oui, par rapport à son handicap. Ah bon, mais qu'est-ce qu'il a ? Et donc après, j'avais été jouer les ingénues auprès de toi en disant « En fait, t'as parlé de l'hôpital, mais tout va bien ? Qu'est-ce qui se passe ? » Et du coup, tu m'avais un peu expliqué. J'avais senti que c'était quand même un peu... Enfin, c'était bien accepté, mais c'était vraiment une routine pour toi. Et du coup, c'est un truc que tu gérais de ton côté. Parce que j'avais demandé « Ah bah, si t'as besoin d'aide, etc. » Tu m'avais dit « Alors, merci, c'est gentil, mais... » « Mais non, ça va aller, je me débrouille, etc. »
- Speaker #1
Ok, trop bien. Et si on prend un petit peu la suite, comment est-ce que votre communication s'est nouée sur ce sujet-là ? Parce que je pense qu'il y a des ajustements. Pour donner un exemple, moi, il fut un temps, j'ai fréquenté une personne qui sortait d'une leucémie, et donc de la chimiothérapie, etc. Et j'avais une vingtaine d'années. Et on était partis à Saint-Malo en vacances, et il était allé se baigner pour la première fois depuis la fin de sa chimio, et il est ressorti avec des plaques sur tout le corps. Il est venu me voir et il me dit « T'as vu, j'ai des plaques ? » Et moi, je m'étais inquiétée. Et vraiment, j'avais un peu paniqué, et je l'avais agacée. Et ce qui retenait, c'était sa joie d'avoir nagé à nouveau. Et moi, ce que j'avais retenu, c'est « Il y a peut-être un truc de grave qui est en train de se passer. » Et donc, je lui ai transmis une inquiétude qu'il n'avait pas envie de recevoir. Et... Tout au long de cette courte relation, j'ai eu que des réflexions à côté de la plaque où je lui transmettais mon inquiétude et ma vision de la maladie. C'était avant que j'accepte la mienne de maladie. Et donc, je pense que j'ai mis les pieds dans le plat tout le long. Vous, comment est-ce que ça s'est noué pour finalement avoir un espèce d'équilibre et être là l'un pour l'autre sans transmettre des inquiétudes qui ne sont pas nécessaires et qui ne sont pas bien reçues ?
- Speaker #0
Alors moi, il me vient tout de suite quelque chose quand tu poses cette question. Alors là , je parle avec mes lunettes à moi, ma vision est porteuse du handicap. Je pense que la communication, elle s'est faite aussi parce que, et je pense que c'est important, pour moi ça l'est, parce que j'ai su mettre des mots sur ce que je ressentais. C'est-à -dire que pour moi, je me suis dit, de toute façon, je me suis tellement ramassée avant que les autres, ils ne peuvent pas deviner. Et c'est très rare, il faut le dire, de trouver des personnes avec une empathie de dingue, qui vont, tu vois, deviner, avoir les bons mots, à part les thérapeutes ou les gens qui ont une empathie. Il y en a, mais tu vois, c'est vraiment très rare. Et je pense que pour aussi ne pas être déçue, l'idéal, si on n'est jamais mieux servi que par soi-même, c'est moi déjà de formuler ce que j'ai, mes besoins, mes envies, les actions peut-être à mettre en œuvre et à discuter. J'ai pris ce parti-là de signifier à Hervé mes besoins. Les mots que je mets moins sur, par exemple, quand je suis fatiguée ou quand j'ai de la souffrance, c'est dur, mine de rien, même quand on porte un handicap, d'identifier vraiment, d'être au cœur des sensations, qu'elles soient physiques ou même de ce qui se passe dans notre tête sur ce qu'on ressent et de les transmettre à l'autre. C'est déjà tout un travail. Moi, j'ai mis du temps à faire ça. Au fur et à mesure, ce que j'ai essayé de faire au Prévert V, c'est parce que je voyais qu'il ne comprenait pas, et je ne peux pas lui en vouloir. C'est comme les gens que j'avais en face de moi, parfois ils ne comprenaient pas, et puis c'est bien normal, puisque souvent les gens te disent, après une fois qu'ils ont vécu par exemple la même chose, « Ah oui, maintenant j'ai compris » . Donc c'est totalement humain. Donc moi je lui ai parlé, « Moi j'ai besoin de ça, voilà ce que je ressens » , en essayant d'expliquer du mieux que je pouvais. Voilà ce que je ressens, voilà ce que j'aimerais. Est-ce qu'on peut faire ça, par exemple ? Voilà comment j'ai voulu instaurer une communication entre nous.
- Speaker #1
Il me semble que ça a pris un peu de temps, non, Marlène ? Parce que dans l'épisode qu'on avait enregistré, tu disais qu'au début, tu étais plutôt un peu grouillon parfois ou que tu avais le sentiment que... Enfin, tu avais du mal à mettre justement des mots sur ce que tu ressentais, sur tes émotions.
- Speaker #0
Mais carrément. Donc, ça a pris le temps aussi. C'est ce que j'ai voulu instaurer. Mais une fois que j'avais compris que les gens, ils ne pouvaient pas... Ils ne pouvaient pas se mettre à ma place et aller au-devant de mes besoins. Si moi-même déjà je ne les avais pas identifiés, et si je ne savais pas m'exprimer de manière, en comprenant l'émotion, en mettant des mots dessus, en développant et en améliorant ma communication. Donc, je savais qu'il fallait qu'à un moment, j'ai compris qu'il fallait que ça vienne de moi en premier.
- Speaker #2
Oui, mais la grosse difficulté, je trouve, c'est que...
- Speaker #0
Les maladies renferment sur soi. On a un réflexe, je crois qu'on l'a abordé un peu tout à l'heure, mais on a un peu le réflexe de se protéger sur sa sphère intérieure, d'avoir ses réflexes primaires un peu à soi. C'est hyper dur dans ces moments-là de trouver le bon moyen de ne pas... pas frustrer son ou sa partenaire, puisque évidemment il faut trouver les mots justes, l'inquiétude elle est légitime en face en même temps c'est très très dur de communiquer correctement et je pense aussi on va aborder une question que tu aurais sans doute abordée, je pense, Julieta, je pense qu'il y a aussi la question du genre qui rentre en ligne de mire. Je pense que les hommes ont cette tendance un petit peu à ... sur la maladie, à faire comme si de rien n'était, on fait semblant que ça va, on laisse rouler le truc, jusqu'à ce que ça pète, en fait, définitivement. Et c'est un petit problème, je pense que je l'ai aussi, je pense que je l'ai eu très longtemps. Au niveau de la communication, ça peut poser un problème, bien évidemment, puisqu'en face, il y a une demande de... légitime de se prendre en charge fait quelque chose. Là , clairement, tu ne vas pas bien, tu refuses de le voir. Et clairement, c'est là aussi qu'un couple solide, c'est hyper important puisque c'est la personne qui va nous renvoyer justement le bon signal qu'on fait un peu de la merde.
- Speaker #1
Sur la communication, je reviens, tu m'as beaucoup facilité les choses dans le sens où ton traitement était fixe, réglé, etc. Tu dis ça dans le premier podcast, où tu disais que toi tu voulais laisser la maladie à l'hôpital. Et en fait, c'est un peu ça dans les premiers temps. Moi j'avais envie d'en parler parce que, n'en souffrant pas moi-même, pour moi c'était pas léger, mais dans le sens, ça me prenait moins, ça me concerne moins. Donc moi je voyais pas de problème à en parler. Surtout qu'il faut dire aussi qu'Hervé et moi, on a des parents médecins, donc en fait on est familier aussi des termes de médecine. On en parle assez facilement. Sauf que là , c'est très différent au sein d'un couple. Et quand il y a quelqu'un qui est intimement touché, j'ai mis un peu de temps à réaliser que c'était légitime que la personne ne veuille pas en parler tout le temps, etc. Et donc, apprendre à te laisser un peu le tempo. Si tu as envie d'en parler, tu en parles. Et à moi d'écouter. Mais si tu n'as pas envie d'en parler, il faut que je respecte ça aussi. Et c'est venu petit à petit. Tu m'as dit, est-ce que tu peux... Là , j'ai la perfusion, je vais être fatiguée. Est-ce que tu peux venir me chercher ? En fait, quand c'est arrivé, je me suis dit, ah, donc c'est une première étape où c'est OK pour toi d'en parler. Même pas directement de manière verbale, mais par ces petites questions banales. En fait, moi, j'ai pris ça comme ça. Et petit à petit, de trouver un équilibre sur quand est-ce que c'est bon d'en parler ? Quand est-ce que je peux... de pousser parce que je vois que t'es en train de te renfermer et du coup c'est mon rôle aussi de dire là peut-être non fais attention continue, rappelle tel ou tel médecin etc et quand est-ce que bah non t'as juste pas envie et c'est à moi aussi de faire taire un peu mes inquiétudes qui prennent un peu qui s'emballent un petit peu et c'est toi qui connais, c'est ton corps, tu as l'habitude de le gérer, de sentir quand ça passe la ligne rouge ou pas
- Speaker #0
Mais on en revient à la dimension genrée du coup, du care. Enfin, c'est quelque chose justement de très genré. Je pense que la question se pose vraiment là -dessus.
- Speaker #2
Ouais, je suis d'accord. Alors, c'est marrant parce que moi, j'ai été en couple avec... Enfin, j'ai fréquenté plusieurs personnes qui ont eu des soucis de santé, etc. Et donc, effectivement, je suis vachement dans le care de manière générale et un peu... surprotectrice et très inquiète. En revanche, vis-à -vis de moi, je le suis pas du tout. Mais quand j'étais en couple, je me rappelle d'une fois où j'ai passé une IRM et en fait, j'avais pas transmis l'information que c'était un gros événement pour moi. Et mon ex-compagnon, je le blâme pas du tout ou quoi que ce soit, mais en fait, il a pas eu les clés pour comprendre que moi, c'était mon événement de l'année, que j'étais terrorisée, etc. Et j'ai eu des résultats qui étaient pas terribles. Et donc, je suis sortie, j'étais seule. Je suis sortie dans un état catastrophique et bien évidemment, je l'ai engueulée, etc. Et je n'avais pas communiqué correctement, donc ils ne pouvaient pas savoir qu'à ce moment-là , j'avais vraiment besoin peut-être qu'ils se rendent disponibles, etc. Et donc, c'est super dur parfois, en tant que personne malade, de sortir la tête du guidon et de se dire, là , je suis à fleur de peau, ça ne va pas du tout. Et ce serait vraiment important pour moi qu'il soit là . Et ce n'est pas parce que c'est une mauvaise personne ou ce n'est pas parce qu'il n'aime pas vraiment qu'il n'a pas perçu ce signal-là . C'est juste qu'on ne parle pas la même langue parfois et que c'est OK. Et qu'il faut que j'explicite ces choses-là . Et donc là , maintenant, étant célibataire et passant toujours des IRM, je communique avec mes amis et je pense que c'est un super bon enseignement puisque c'est mes amis qui m'accompagnent et qui me gèrent dans ces moments-là . Et donc là , je ne peux pas avoir cette attente vis-à -vis de mes potes de tout comprendre, etc. Et donc, ça m'apprend à mettre en forme les choses et à expliquer. Là , c'est important pour moi que tu m'accompagnes. Donc, c'est Lauriane, une pote à Thibaut et moi, qui m'a accompagnée à l'IRM. Elle m'a proposé de passer la journée avec moi. Pour moi, ce n'était pas nécessaire. Et voilà , on s'est adapté, mais on a dû tout expliciter. Et finalement, ça sert vachement.
- Speaker #3
Ça met le doigt sur, justement, le niveau zéro dans lequel on se trouve face à nos propres émotions, en fait. C'est-à -dire qu'on est un petit peu tous un alphabète vis-à -vis de nos propres émotions, je trouve. Et par rapport, effectivement, quand Marlène a commencé à réussir à mettre des mots sur ses besoins, eh bien, ça m'a libre. libéré et ça m'a donné l'occasion aussi de travailler un petit peu sur mes propres émotions de façon à pouvoir réagir correctement aussi parce qu'avant ça effectivement c'était compliqué c'était compliqué mais pas par sa faute c'était compliqué parce que ben moi aussi j'étais complètement analphabète avec mes propres émotions et que du coup c'était un petit peu on était un petit peu chacun dans son coin mais pourquoi tu ne comprends pas mais pourtant je te l'ai dit mais enfin tu exagères et puis enfin c'était c'était vraiment des trucs comme ça et j'ai dit mais enfin mais mets toi à ma place deux minutes j'arrête pas de faire ça je fais que ça Et en fait, finalement, on n'arrivait pas du tout à communiquer correctement. On communiquait, bien sûr, mais pas avec les émotions. Mais c'est presque un problème de société. C'est vraiment nos propres émotions. On ne nous apprend pas et on n'apprend pas à les travailler, à les différencier, à les hiérarchiser, puis à les faire avec, tout simplement. Et c'est vrai que c'est pour ça que, quand je disais maladroitement... sur le côté identité, cette maladie, quelque part, elle me donne les clés aussi de m'améliorer, de grandir un petit peu, pour être à la hauteur du travail que Marlène fait vis-à -vis de moi, pour pouvoir s'exprimer correctement, pour pouvoir exprimer ses besoins. Par exemple, moi, j'ai bien aimé faire la fête et tout, et compagnie, et puis, par exemple, j'aimais bien les apéros. Et je me suis aperçu que finalement, de bien aimer les apéros, ça n'aidait pas forcément la compréhension, ça brouillait un peu les pistes émotionnelles pour avoir un accès un petit peu plus libre et plus libéré aux émotions de Marlène. Quand on se prend une caisse, c'est plutôt rigolo, mais le problème c'est quand on s'en prend plusieurs, il y a une espèce d'habitude, sans dire que c'était alcoolique tous les jours et compagnie, mais c'était l'habitude d'eux, et à force d'avoir ces habitudes-là , je trouvais que... mes idées n'étaient pas si claires que ça. Alors que finalement, c'était pas... Enfin, comment dirais-je ? C'était pas... À la base, de prendre un apéro, c'est quelque chose d'anodin, par exemple. Eh bien, je me suis aperçu, en travaillant correctement, en essayant d'identifier mes émotions et en les travaillant avec Marlène, je me suis aperçu que finalement, d'avoir cette habitude-là , de prendre des apéros et tout ça, pouvait apporter une perception un peu... peu embrouillé de ma propre réalité. Du coup, j'ai décidé d'arrêter les apéros. Et puis, effectivement, c'était bien le cas. Et ça m'a permis de travailler, d'être plus en accord et d'être plus aligné avec moi-même, de façon à être bien avec Marlène. Je trouve que je dirais... Marlène, tu vas m'engueuler, mais un peu bienheureuse maladie, parce que, quelque part, c'est insupportable d'entendre ça quand on est... quand on a une pathologie, et que l'autre vous dit que lui est bien portant, dit, ah, c'est bien une maladie. Non, pas du tout. C'est parce que je dis, c'est compliqué, c'est hardcore. Mais en tout cas, moi, j'essaye, en tout cas, à mon niveau, d'en tirer le meilleur, de trouver le petit chemin qui va me mener vers ce que je ressens pour Marlène.
- Speaker #0
Là , le podcast est devenu très Brestois. Il faut que tu candidates à longueur d'onde, Julieta. Tu leur envoies l'extrait.
- Speaker #2
Je vais vous remettre sur cet épisode justement pour appuyer ma candidature. Je vous remercie. Ah mince, j'ai perdu. Oui, non, ce que je voulais dire, c'est que en fait, ce que vous soulevez, c'est que ça... posent des questions sur le couple de manière générale, de comment bien communiquer. Et tu disais bien heureuse maladie, mais je pense qu'en fait, le fait de transmettre des émotions, de savoir correctement les mettre en forme pour qu'elles soient comprises par l'autre, etc., c'est des questions qui se posent de manière générale. Et donc, c'est un peu tout le fil rouge de ce podcast quand même, de dire que la maladie pose des questions universelles. Mais c'est des sujets qui se seraient sans doute posés, même si... Marlène, tu n'avais pas le syndrome de Gitelman et ça aurait été sur d'autres sujets de la vie, peut-être le rapport au travail ou des choses comme ça.
- Speaker #3
Tout à fait. Moi, je pense même, si je termine vite un petit peu là -dessus, je dirais que une personne qui est en situation de handicap va avoir accès beaucoup plus rapidement à sa propre humanité. Parce que, je dirais... c'est pas qu'elle est défaillante, non, mais parce que c'est bon gré, mal gré. Face à une personne qui est bien portante, qui a toute sa capacité intellectuelle et physique, mentale et physique, lui, il ne va pas poser ce genre de questions. Il va se les poser que quand il sera un petit peu... quand la vieillesse va commencer à pointer le bout de son nez. Et du coup, il dit, tiens, et donc une personne qui est en situation de handicap a beaucoup plus accès à sa propre humanité, à sa propre faiblesse, que beaucoup plus tôt. qu'une personne qui ne rencontrera ce genre de questionnement qu'à la soixantaine, ou quand on commence à avoir le dos qui fait mal, ou un accident, ou machin et compagnie. La vieillesse, quoi. Donc, quelque part, je trouve que c'est un accélérateur d'humanité, en fait.
- Speaker #0
Alors, moi, je suis parfaitement d'accord avec ce qu'a dit Hervé. Même le bienheureuse maladie, je l'ai très bien pris. Parce que, non, mais je trouve qu'effectivement, il a raison, ça développe une forme d'intelligence émotionnelle que... à laquelle on n'a pas forcément de suite accès si on n'est pas tombé malade ou si on n'a pas été confronté directement à la maladie. Donc, complètement, j'étais parfaitement d'accord avec Talogoré, Hervé.
- Speaker #2
Oui, je ne sais pas si j'irais bien de rose maladie, mais oui, effectivement. Moi, je le vois un peu comme une forme de mémento mori permanent où tu te retrouves confronté à des questions que tu n'es pas censé... Oui. poser, donc tous les trois, on a appris qu'on était malades relativement jeunes. Thibaut, toi, t'étais enfant. Mais du coup, effectivement, être confronté à des limites corporelles, à un corps qui s'érode, etc., c'est des questions qu'on est censé se poser, comme tu le disais, Hervé, plutôt à 60, 70, 80 ans. Et donc, ça apprend aussi à se poser les bonnes questions, à hiérarchiser les choses, à se demander qu'est-ce qui vaut vraiment la peine d'y consacrer du temps ou pas. Et donc... In fine, je trouve que ça conduit quand même à des réflexions qui sont intéressantes et à des choix plus tôt,
- Speaker #0
effectivement. On avait parlé de la mort, c'était joyeux.
- Speaker #2
VoilĂ , les visites sur le coup. Bienvenue Ă Brest,
- Speaker #4
Juliette. Bienvenue en Finistère.
- Speaker #3
Joie.
- Speaker #4
Désespoir. Mort. Bienvenue chez nous.
- Speaker #0
Alcoolisme.
- Speaker #2
Moi, j'avais une question sur... Alors... Qu'est-ce qu'on attend de l'autre dans un cadre de pathologie ? Alors là , je m'adresse plus à Thibaut et Marlène, mais après, Hervé et Pauline, vous aurez vos questions à vous. Mais qu'est-ce qui est... Enfin, je ne sais pas comment dire, qu'est-ce qui est le plus important pour vous ? Et je vais, moi, donner ma réponse. Pour moi, la chose la plus importante, c'est le fait que l'autre soit là . Donc, ça ne veut pas dire être là en permanence, me courir derrière en me disant « Comment tu te sens ce matin avec ta sclérose en plaques ? » Pas du tout. Mais le fait d'être présent, de savoir que je peux compter sur l'autre, Et que c'est quelqu'un qui va être à même de me soutenir sur d'autres sujets relatifs à ma maladie. Me rappeler que je n'ai pas pris mon traitement le matin, que je n'ai pas fait mes analyses, que je suis un peu dilettante. Ça, je n'en ai pas besoin. Mais sur les éventuels coups durs ou sur les moments d'anxiété, c'est important pour moi d'avoir une oreille attentive. Et c'est vraiment très ponctuel. Est-ce que vous, il y a des choses comme ça qui sont vraiment... importante pour vous et sur lesquelles vous êtes intransigeant ?
- Speaker #0
C'est un peu la fin de ta question qui me perturbe. Mais sinon, ce que j'aurais dit, déjà , j'étais aussi parfaitement d'accord avec ce que Pauline disait au tout début. Je trouve que, justement, peut-être qu'au début, c'est vrai qu'elle a eu tendance à poser des questions qui pouvaient un petit peu me déranger ou ne pas être dans le bon timing. Mais en fait... C'est comme pour tous les sujets de la vie en fait, il y a une intelligence aussi dans la communication de couple, dans le langage amoureux ou pas, mais en tout cas il faut développer ça, il faut développer justement des capacités d'écoute en fait, juste d'écoute. Toi tu dis être là , mais moi je parle juste d'écoute en fait, plus encore que de présence, et puis oui d'être capable de... De savoir, de savoir quand... Quand il faut pousser, en fait, effectivement, parfois, justement, je le disais avant dans le podcast, enfin, précédemment, je disais que parfois je fais de la merde. Enfin, nous, malades, faisons aussi des... Enfin, n'étons pas... Pardon, on n'est pas toujours à l'écoute de notre propre corps. Et donc, à ce moment-là , effectivement, je ne dirais pas que c'est la responsabilité de la personne, mais c'est bien qu'on ait une personne à côté qui nous dise attention. C'est pas possible ce que tu fais. Et inversement, justement, avoir juste cette écoute au quotidien, sinon cette forme d'intelligence aussi de savoir. Mais c'est à force de pratiquer une personne aussi. Donc c'est pour ça que je parlais un peu de presque de langage amoureux. Finalement, c'était presque du langage amoureux quand je t'ai dit justement de... De venir me chercher suite à ma perfusion, c'était presque un je t'aime.
- Speaker #2
C'est quoi qui t'a gêné sur la formulation de ma question ? C'était la notion d'intransigeance ?
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #2
Avant de te laisser la parole, Marlène, je précise juste ma pensée. Le fait que ma maladie soit prise en compte par l'autre, c'est un élément sur lequel je suis intransigeante. dans le sens où, alors bon, c'est quelque chose dont je parle systématiquement aux personnes que je rencontre, parce que si la personne s'en fout ou si la personne est gênée par ça, autant ne pas se voir, et couper court à la conversation. Et donc, je ne vais pas attendre, bien évidemment, qu'on vienne à mes IRM après un premier date, pas du tout. Mais il y a une notion de se sentir concernée, et faire preuve d'écoute, d'empathie, etc., mais un peu d'être là , genre, Si tu as besoin d'en parler, je t'entends, etc. Et donc, pour moi, c'est un peu une forme d'intransigeance dans le sens où j'estime que dans mon environnement en général, j'ai des amis, une famille qui sont ultra présents, etc. Et que si autour de moi, une personne que je fréquente ne se sent pas très concernée par le sujet, ce n'est pas la peine d'interagir en fait. Marlène, du coup ?
- Speaker #4
Alors moi, je suis d'accord avec Thibaut et toi sur l'aspect écoute. mais dans le sens écoute active. Donc, c'est une forme de compréhension, de présence et de compréhension. Ce que j'entends par écoute active, c'est dire, quand je formule un besoin, que vraiment, ce dont j'ai besoin, c'est que la personne, mais c'est Hervé, même mes proches aussi, parce que, bon, ce n'est pas toujours évident, même du point de vue familial, qu'ils prennent ce que je dis au sérieux. parce que généralement, quand je formule mon besoin, il est réfléchi, les mots sont pesés. Et si je dis que j'ai besoin de ça, c'est que je suis déjà arrivée assez loin dans mon seuil de tolérance et d'autonomie, en fait. Il faut le dire aussi, quand on s'est rencontrés, j'étais plus proche de la trentaine. Maintenant, nous, on va avoir presque arrivé à 45 ans, là . En 10 ans, tu prends une claque aussi, physiquement. Le besoin, il n'est pas le même. Et donc, c'est vrai qu'en face, j'ai besoin de ça. Mais c'est Hervé, mais aussi mes proches. Là , j'englobe un peu tout le monde. Aussi, parfois, je demande une aide précise parce que des fois, j'arrive à formuler aussi. Là , je me sens comme ça, donc j'ai besoin de ça. J'ai besoin d'aide, par exemple, des fois sur des trucs vraiment hyper concrets. Et c'est vrai que parfois, du coup, je pense que je peux être exigeante. envers Hervé, surtout que généralement, je pense très vite. Moi, je vois exactement ce qu'il faut faire. Là , j'ai ça comme besoin. En plus, j'ai une forme de pensée qui est vraiment rapide, ce qui n'est pas forcément un atout parce que ça peut générer de l'impatience vis-à -vis des autres. Là , j'ai besoin d'aide là et je peux formuler le besoin deux, trois, quatre fois. Je vais... Ce sera trop. Et puis, je vais mettre des crises de larmes. Parce qu'en plus, comme je suis épuisée, déjà , je puise dans des ressources, mais qui sont infinies. Tant que je suis debout en train de parler, parfois, ça arrive, j'ai l'impression que les autres se disent « ça va » . Et dès lors que tu t'effondres, ça y est, ça prend corps, ça existe. Et donc là , je vais t'aider et tout ça. Et ce n'est pas toujours facile à faire comprendre. Je sens, Julieta, que tu voulais... Je parle trop longtemps, excuse-moi.
- Speaker #2
Non, non, non, pas du tout. C'est juste que je voulais poser une question en lien avec ça. Du coup, ce que tu décris, c'est assez intense. C'est des moments où... tu arrives à une situation de détresse très profonde, mais comment dans le cas du couple, faire en sorte que la maladie ait sa place et soit un sujet, mais ne soit pas un troisième membre dans le couple ?
- Speaker #4
Là , j'avoue que je ne sais pas, parce que parfois, je pense qu'il y a une question d'anticipation qui peut être... Je pense que s'organiser et anticiper, ça peut être un bon moyen de ne pas arriver au bout et à une frontière où à un moment, tu ne peux plus, parce que tu es allé trop loin, en fait, déjà . et qu'il n'y a pas eu assez de sonnettes d'alarme avant, ou que ça n'a pas été bien dit. Mais c'est vrai que, par exemple en ce moment, pour être tout à fait transparente, moi c'est très compliqué au travail, parce que je travaille trop, je travaille trop, et je suis obligée de continuer à travailler comme ça pour subvenir aussi à nos besoins. Hervé et moi, on est indépendants tous les deux, et on a des situations financières qui ne sont pas régulières. Donc, c'est des choix qu'on a faits, qu'on assume. On est heureux comme ça. Mais c'est vrai que ça m'oblige à travailler trop. Pour moi, c'est très compliqué parce que je vois toujours mes propres limites se mettre. J'en ai de plus en plus, en fait, avec le boulot. Et je dis, mais je dois mal dire, je pense. Et en ce moment, je suis tellement parfois fatiguée, épuisée, que j'en ai presque marre de dire. C'est dur de trouver la frontière aussi. On dit « je ne comprends pas, je ne comprends pas » . Voilà , et c'est vrai qu'il faut continuer aussi, parce que ce n'est pas la faute de l'autre, en fait. Ce n'est pas sa faute. Lui, il n'y peut rien, il est déjà là , il accepte. Mais nous, ce qu'on doit déjà porter, les bottes de plomb qu'on doit déjà chausser au quotidien, c'est dur parfois aussi de continuer à aller sur la colline de l'autre. Et voilà , je suis en train de me perdre dans mon explication. Je ne sais même plus d'où je suis partie. Excusez-moi.
- Speaker #3
Après, moi, si je peux juste… Je vais juste compléter un petit peu. Pour revenir un petit peu à ce qu'on disait, il y a quand même une notion de... Moi, je l'ai perçu comme ça. Je trouve qu'il y a une notion d'apprentissage. C'est-à -dire que, par exemple, tu parlais de... Julieta, tu parlais de l'IRM après le premier date. Je ne peux pas dire que tout ce que je dis depuis tout à l'heure, ça a été aussi une promenade de santé. C'est le cas de le dire. C'est-à -dire qu'il a fallu vraiment un apprentissage. Et je pense que j'ai fait beaucoup d'erreurs aussi. Je pense qu'au début de notre relation, il y a eu des difficultés qui se sont montées. Et je n'étais pas forcément toujours présent. Et je n'étais pas au top niveau parce que je crois que c'était quelque chose qui me faisait peur. C'est quelque chose que je ne connaissais pas non plus. C'est quelque chose en disant, si je fonce tête baissée, je vais me perdre aussi. Donc, il y a vraiment cette notion-là d'apprentissage qui prend du temps et qui... même encore, d'ailleurs aujourd'hui on le vit aussi parce qu'effectivement Marlène tu te dis que tu es crevée et que tu as beau répéter dix fois la même chose je ne vais pas forcément entraver parce que j'ai ma propre fatigue aussi et parce que oui voilà parce que je suis préoccupé par autre chose aussi et du coup je ne suis pas forcément là et c'est là qu'il y a ce petit truc en plus qu'effectivement ce petit signal d'alarme qui dit attention attention là Je sais que tu n'aimes pas trop ça, Marlène, mais il dit, OK, vous êtes tous les deux crevés, mais il faut essayer de mettre cette casquette-là , cette casquette des dents, vraiment. C'est-à -dire ce truc-là , elle est crevée, elle n'a pas le temps, t'es crevée, t'as pas le temps, mais là , c'est la maladie qui parle, c'est la maladie qui est là , et il faut vraiment mettre cette casquette des dents, et là , il ne faut pas trop chercher. Ce n'est pas toujours évident d'arriver à trouver quand est-ce que c'est... que c'est cette casquette qu'il faut mettre, et uniquement cette casquette, pas forcément le couple. Je pense que c'est la prochaine étape, je pense, dans notre relation, qu'il va falloir arriver à définir, à identifier et à la mettre. Parce que par exemple, Marlène, quand tu parlais qu'il faut anticiper tout ça, oui, bien sûr, il faut anticiper. Mais l'autre n'est pas qu'une donnée non plus. Donc du coup, en anticipant et en disant « fais-le comme ci, comme ci, comme ça » , il va se... ce n'est pas forcément comme ci, comme ci, comme ça qu'on va répondre à la demande de l'autre. Donc, c'est du boulot. C'est vrai que là -dessus, c'est vraiment quand tu es un peu naze, chacun de notre côté. Donc, il y a un moment donné, je crois, je ne sais pas si je dis des conneries, mais j'ai vraiment cette impression-là qu'il y a un moment donné, il faut apprendre à savoir. En tout cas, moi, j'en suis là de, OK, là , c'est le casquette des dents. Et puis, ne cherche pas. C'est comme ça.
- Speaker #4
Oui, et je sais que c'est difficile aussi pour toi parce que tu as tes propres préoccupations, ta vie. ta fatigue. Et en plus, le pire, c'est que moi, je culpabilise en plus, quoi. Parce que je me dis, effectivement, là , je sens que j'ai un besoin parce que, non seulement, j'ai le même rythme de travail, des soucis aussi qui sont liés, voilà , au quotidien. plus la chèvre de plomb qui n'aide pas à avoir les idées claires. Et en plus, je fais subir ça à Hervé. C'est vrai que aussi, ce n'est pas tout le temps comme ça, mais en plus, derrière, je me dis, lui en plus, je vois que j'ai le sentiment parfois de trop lui en demander. Mais en même temps, ce dont j'ai besoin, il est presque vital en fait pour que ça aille. Et donc, c'est vrai que parfois, je me sens perdue aussi. Et surtout, je ressens de la culpabilité vis-à -vis d'Hervé de lui mettre ça en plus sur les épaules. Alors que ce n'est pas de sa faute, que lui aussi, il a ses besoins. C'est une personne qui n'a pas forcément demandé ça.
- Speaker #3
Et c'est dit de la tienne, de ta faute.
- Speaker #4
Oui, mais lui, il ne l'a pas en plus. Lui, il pourrait très... Enfin, voilà . Moi, de toute façon, je l'ai sur mes épaules à vie. Mais Hervé, il n'a pas ça. Donc, il a le quotidien d'un malade sans être malade. Tu vois ? C'est... Il y a cette espèce de dilemme moral aussi qui n'est pas évident à gérer des fois.
- Speaker #2
Thibaut, Pauline, vous avez une réaction ?
- Speaker #1
On a très bien parlé, donc je ne peux que être d'accord. Et vraiment, pour moi, c'est vraiment l'écoute active, c'est-à -dire écouter, écouter d'abord, écouter attentivement. Et ensuite, suivant ce qui a été évoqué, demander, agir. Mais d'abord, se poser, passer par l'écoute. Et ça... Ce n'est pas non plus évident à faire parce qu'il y a la casquette handicap qui fait un peu peur, mais on a aussi envie de bien faire. Donc, OK, je vais tout assumer. Allez, je fais ça, ça, ça. Et puis, en fait, c'est parce que l'autre demande. Jamais Thibaut n'a voulu me charger, etc. Et c'est moi qui me suis mis aussi une montagne comme ça sur les épaules. Et aussi, non mais d'abord, tu écoutes, en fait, et c'est déjà ... C'est déjà bien et c'est lui qui reste maître du... Enfin, dans sa maladie, qui reste maître du jeu, quoi. Ou maître des horloges. C'est lui qui décide du tempo à suivre. Et donc, cette écoute première, pour moi, elle est vraiment indispensable, quoi.
- Speaker #2
Ouais, c'est super intéressant ce que tu dis, justement, de ne pas anticiper et de ne pas te surinvestir et de perdre peut-être de l'énergie sur des choses, en fait, dont Thibaut n'a pas nécessairement besoin pour justement être concentré sur ce dont il a besoin. et sur ce qui est important pour lui.
- Speaker #1
Mais oui, voilà , c'est ça. C'est-à -dire quand il rentre de sa perf, déjà , être tranquille, en fait, c'est déjà beau. Et voilà , et moi, je peux faire autre chose de mon côté. Et je n'ai pas, du coup, à être à son chevet en permanence. Voilà , j'ai préparé ça. Est-ce que tu veux une part de quiche ? Est-ce que tu veux un café ? Enfin, voilà , juste, on se détend. Et juste avoir du repos, c'est déjà ce qui est demandé. Et c'est déjà suffisant.
- Speaker #0
Là aussi, je crois qu'on avait évoqué ça dans l'épisode 1. Moi, après, il y a des rapports individuels à la maladie, mais du coup, j'avais beaucoup accentué sur le fait qu'il y avait un sentiment que je détestais par-dessus tout, et c'était la pitié. Et donc, on en revient un petit peu à ça, c'est qu'à la fois, ça fait partie de mon identité, la maladie, mais ce n'est pas tout, quoi. Je n'ai pas envie d'être juste... le malade, entre guillemets.
- Speaker #2
C'est super intéressant ce que tu dis, effectivement. Alors, dans le cadre du couple, c'est encore plus délicat, puisque les personnes, on l'aime, on n'a pas envie de lui faire pitié, on n'a pas envie de générer ces sentiments-là . Et justement, ça m'amène à la notion... Alors, la transition n'est pas forcément très heureuse, mais tu as mentionné, il y a quelques minutes, tu as rêvé le rôle d'aidant. Tu as suivi une formation à ce sujet-là , il me semble, pour pouvoir accompagner Marlène au mieux. Et du coup, comment jongler entre ce rôle d'aidant et le rôle d'amant, d'amoureux, etc. ?
- Speaker #3
Déjà , je pense que Marlène a un handicap, certes, mais ce n'est pas non plus...
- Speaker #0
Pas d'exagéré non plus. Je ne suis pas là à son chevet. Non, on n'est pas... C'est pour ça que cette formation d'aidant, quand je l'ai faite, j'étais un petit peu décalé en décalage parce qu'il y a des gens qui étaient là pour une formation et là , c'était autre chose. C'était costaud. Mais cela dit, c'est une formation qui m'a aidé et qui m'aide encore justement parce qu'il y a un moment, il faut que je mette cette casquette-là . Et pour le moment, je t'avoue que pour le moment, je n'ai pas encore réussi à parfaitement identifier quand est-ce que ça doit venir et quand est-ce que ça doit intervenir ou pas. Pour le moment, je ne sais pas encore. Moi, je vois un psy comme beaucoup de gens et compagnie. Pendant ma thérapie, ça m'est arrivé de parler de ça, en fait, justement. Et je me suis surpris à dire, non, ce n'est pas non plus un devoir. Il ne faut pas non plus exagérer. Ce n'est pas un devoir. Je suis avec ma reine parce que je l'aime. Oui, il y a la maladie qui est là , mais on fait avec et puis c'est tout. Il n'y a vraiment pas cette notion de devoir à faire et je mets ma casquette, je mets la casquette dedans et tout ça. C'est vraiment cette petite soupape de sécurité grâce à la formation que j'ai pu avoir. C'est quand on est vraiment tous les deux crevés et qu'on finit par s'engueuler sur tout et n'importe quoi et qu'il y a une vraie demande, il y a ce petit truc en plus qui fait partie, elle, clairement de la maladie. Et là , à ce moment-là , oui, des fois, ça peut m'arriver de mettre la casquette dedans et basta. C'est-à -dire vraiment en mode un peu robot. Mais c'est hyper rare, quoi. Je veux dire, c'est vraiment rare. Je n'ai pas encore… Et tant mieux, d'ailleurs, parce que si c'était que ça…
- Speaker #1
Et puis, je n'en ai pas besoin.
- Speaker #0
Voilà , non. Déjà , il y a de ça.
- Speaker #1
Quand j'ai un besoin précis, je l'identifie et je t'en fais part. Et c'est vrai que parfois, le besoin, ça peut être aussi de ne pas avoir des dents. Ça peut être d'être seul. Je rebondis du coup sur ce que vous disiez. Des fois, quand on est hyper crevé, surtout quand tu es malade et que tu sens que de toute façon, ça ne sert à rien, OK, juste peut-être, sors, promenez le chien, laisse-moi dans ma bulle, dans ma petite bulle à moi, toute seule, me régénérer. Parce que même de formuler des besoins et d'expliquer aux gens, des fois, c'est fatigant. Donc, parfois, juste être seul pour... Parfois, j'ai cherché de la ressource dans le repli. C'est un besoin que j'ai clairement identifié aussi. Et juste d'être seule et pouvoir faire ce dont j'ai envie, ça peut être aussi un besoin. Et en ce sens, ça peut être aussi aider. C'est laisser à l'autre son espace, se reposer, s'abuler, parce qu'il en a besoin pour se ressourcer. Ça peut prendre de multiples formes. Ce n'est pas forcément être là au chevet de l'autre. Tiens, je te nourris, je te donne à boire. Enfin, on n'est pas autant.
- Speaker #0
D'ailleurs, ça nous arrive. On dit, tiens, ce soir, t'es crevé, on se parle pas. Ouais, ok. On regarde la Netflix et puis terminé, quoi. Mais comme ça, au moins, on a dépassé ce stade depuis longtemps maintenant. Pourquoi tu parles pas ? Qu'est-ce qu'il y a ? Ça va pas ? Enfin, tu fais la gueule, quoi. Tu fais quelque chose de mal. Ça en fait plus, ça. Tant mieux, d'ailleurs. Mais nous, on est vieux, c'est pour ça.
- Speaker #2
Oui, et puis, au bout de 9 ans de relation, quand même, c'est pas mal, de se connaître.
- Speaker #3
Non et puis aussi il faut dire que parce qu'on parle beaucoup de la personne qui souffre de handicap et l'autre qui est aidant mais aussi pourquoi c'est pas un devoir parce qu'en fait la réciproque est vraie c'est à dire que la personne porteuse de handicap est clairement aussi un support, ça va dans les deux sens et du coup encore une fois le handicap c'est qu'une donnée dans le couple parmi d'autres. Enfin, Marlène, je parlais de crise de larmes, etc. Bon, elles sont plutôt de mon côté. Et c'est Thibaut qui assume, là , le rôle de pacificateur, etc. Donc, encore une fois, ça fait de toi quelqu'un qui a un handicap, mais ça fait pas de toi un malade selon l'image d'Epinal, c'est-à -dire avec une bouillotte dans le lit, etc.
- Speaker #0
Je crois que c'est le rôle un peu de chaque couple, en fait, que quand t'as mal au ventre, je t'apporte une bouillotte, quoi. On fait un peu tout ça quand on est dans un couple qui s'entend plutôt bien.
- Speaker #4
Même en tant que malade, tu ne vas pas dire « Ah non, c'est moi le malade, donc non, démerde-toi ! »
- Speaker #1
Mais du coup, tu ne minimises pas non plus quand l'autre a mal quelque part. Parce que ça peut arriver, ça aussi, de dire, comme toi, tu as un handicap ou une maladie, dès que ton conjoint est malade, ça pourrait, l'autre part de la maladie pourrait dire « Attends, ouais. » Tu rigoles ou quoi ? Moi ce que j'ai au quotidien ? Mais non, l'idée c'est pas de minimiser que ressent l'autre aussi. Lui aussi bien sûr on sait qu'il peut ne pas être bien et on le considère tout autant qu'on aimerait être considéré mais... pas que par lui, en général. Bien sûr que ça va dans les deux sens.
- Speaker #0
Mais d'ailleurs, tu es beaucoup plus patiente avec moi quand je suis malade que moi vis-à -vis de toi quand ça ne va plus du tout. Je sais.
- Speaker #2
Moi, j'ai une dernière question qui me vient en tête. Après, vous pourrez partager vos réflexions s'il y a des sujets qu'on n'a pas brossés. Mais... Marlène, tu avais vachement parlé dans ton épisode, bien évidemment, de communiquer à l'intérieur du couple, etc. Mais quand on se met en couple avec quelqu'un, on rejoint aussi un autre cercle familial, un autre cercle d'amis, etc. Et qui n'est pas nécessairement très au fait de ce que représente la maladie. Et donc, en fait, effectivement, quand tu as rencontré la famille d'Hervé, tu disais que justement, il y avait un temps où ils avaient peut-être du mal à comprendre. ce que représentait la fatigue pour toi et que peut-être ils ont pu se vexer du fait que tu étais moins disponible et que ce n'était pas que tu n'avais pas envie de passer du temps avec eux, c'est que physiquement, tu ne pouvais pas en fait.
- Speaker #1
Ça, c'est vrai que... Je ne sais pas si Pauline le sait, peut-être pas. Mais j'ai rencontré assez rapidement la famille d'Hervé. Après, ses frères habitent Paris, donc on ne s'est pas vus tous ensemble tout de suite. J'ai rencontré Pauline en premier avec ses parents. Puis après, j'ai rencontré... C'était un bonheur. Et j'ai rencontré ces deux frères après. Mais c'est vrai qu'il y a eu un temps qui a duré quand même, où j'ai eu le sentiment que ce n'était pas forcément compris que je ne vienne pas à chaque fois aux réunions familiales parce que je ne pouvais pas venir à chaque fois. Parce qu'il y avait des fois... Ce n'est pas que je n'avais pas envie de les voir. C'est qu'effectivement, soit j'étais trop fatiguée ou alors... Tiens, on va faire une balade là . Et moi, j'avais mes limites quand même en termes d'aller de balade ou d'activité en famille. Et ce qu'on me renvoyait, mais c'est ce qui me renvoyait, c'était ce qu'on me renvoyait très souvent en fait. Finalement, tous les gens que je croisais, c'est « Pourquoi on ne dirait pas ? » Parce qu'en plus, je suis quelqu'un qui est très expressif, qui est dynamique et c'est ma vraie personnalité qui est très empêchée parce que voilà . Donc, quand je vois des gens… Quand je choisis d'aller voir des gens, c'est que je sais que je peux donner quelque chose. Si je sens que je n'ai pas de jus, je n'y vais pas, parce que ça me demande une énergie monumentale. Donc quand j'y vais, je suis dans des rapports très sincères où je donne tout ce que j'ai, comme quand je donne cours en fait. C'est très fatigant d'être en face-à -face aussi avec un public. Après, on met tous un peu des masques parfois, bien sûr, mais c'est vrai qu'il y a eu des fois où je me sentais blessée. c'était pas de leur faute non plus, mais de me dire est-ce que tu peux pas juste faire confiance à ce que je te dis ? J'avais l'impression quand on me disait oh bah dis donc, pourtant on dirait pas ou c'est arrivé parfois même avec des amis d'Hervé un peu moins délicats qui me disent oh mais t'es une mamie ou quoi ? Ça on me l'a dit souvent. Oh comment ça tu veux pas sortir mais t'es une mamie ? Et où je me retenais de vraiment dire surtout que la personne j'avais dit j'ai telle maladie les gens le savent. Les gens le savaient, j'avais dit plusieurs fois, mais j'avais l'impression que, alors que ce n'était pas le cas, j'avais l'impression qu'ils ne voulaient pas. Ça ne les arrangeait pas, quoi. Tu vois, parce que Marlène, bon, quand elle vient, on va discuter, elle a le sourire, et j'avais l'impression du coup que on minimisait en fait mon état. Non pas que je voulais non plus des gens complètement aussi, quelque chose de sirupeux, tu sais, on va te dire, « Oh Marlène, ça va, tu es un thé, tu veux ? » j'étais pas non plus là -dedans, mais je pense qu'il y avait un juste équilibre peut-être à trouver, juste de dire, ah ok, juste quand je dis non, ah ok, ça veut dire c'est non, ça veut dire là tu peux pas, point barre, voilà . Et ça, ça m'a parfois, ça a été parfois compliqué à vivre, mais avec le temps, ça s'est arrangé, voilà , je pense qu'à force, après c'est l'expérience, ça y est, je pense que dans l'entourage... d'Hervé alors familial, il n'y a aucun souci. Vraiment, maintenant, je pense que c'est intégré. Si Hervé dit… Même Hervé, il avait du mal à en parler, il pourra le dire, je pense. Il pourra peut-être rebondir parce que lui, du coup, il avait du mal aussi à dire vraiment ce qui se passait. Donc, on sentait que c'était… Enfin, je pense qu'il pourrait le dire mieux que moi, mais même toi, Hervé, tu avais du mal à trouver les mots, à justifier pourquoi je n'étais pas là .
- Speaker #0
C'est curieux parce que je ne l'ai jamais vécu comme étant le fait de ne pas assumer. Pas du tout, vraiment pas du tout. Mais c'était le fait de peut-être ne pas intégrer réellement les choses. Et du coup, ça me mettait en porte-à -faux. Et effectivement, bêtement, j'avais du mal à justifier. J'avais du mal à dire, par exemple, effectivement, les cousines qui disaient, tiens, on ne te voit plus comme avant, quoi. On ne te voit plus comme avant, ça va, tu es sûr que ça va, es-tu heureux, en d'autres termes, la question, c'est un peu ça, si tu veux, sous la cente, même si elles ne l'ont pas dit comme ça, mais c'était un petit peu, moi, c'était comme ça, je me persuadais, quoi. Je bottais un petit peu en tout, je n'étais pas très clair dans ma réponse, mais pas parce que je n'assumais pas, mais peut-être parce que c'était une forme pour moi, je n'avais pas encore réussi à intégrer le fait que Marlène avait un handicap. Je ne sais pas. Peut-être que c'est moi, dans mon petit cerveau, qui a mis du temps à assumer ça ou intégrer ça. Je ne sais pas. Ou peut-être de prendre conscience réellement qu'il y avait une maladie. dans le 3 pas je crois qu'il m'a fallu juste du temps autant Marlène est quelqu'un d'assez rapide dans sa tête dans sa réflexion, autant moi je suis beaucoup plus lent j'ai beaucoup plus besoin de temps pour incarner les choses pour que ce soit bien diffus et une fois qu'après c'est diffus, c'est bon, c'est plié et c'est vrai que maintenant, j'ai plus du tout aucun mal mais à tel point que je me pose la question comment ça se fait que je n'arrivais pas à dire les choses aussi clairement que maintenant
- Speaker #4
Ça rejoint aussi quand même les questions beaucoup plus larges sur le handicap invisible. Sauf que là , effectivement, dans le cadre du couple, c'est que, comme tu l'as dit plus ou moins, de Giulietta, c'est qu'on intègre les cercles de son compagnon ou de sa compagne. Évidemment, c'est comme disait Hervé, là je rebondis sur ce que disait Hervé, c'est un apprentissage des deux côtés, du côté des nouveaux cercles qu'on intègre. Et justement, de notre côté aussi, la maladie est une donnée, là encore une fois, parmi tant d'autres d'une relation humaine qu'on intègre avec les nouveaux cercles qu'on rencontre à l'occasion d'un couple. Ça fait très formel ce que je dis. Mais ça pose la question,
- Speaker #0
tout simplement, de l'altérité, le rapport à l'autre. tout simplement, c'est-à -dire qu'il y a un copain qui lui il a été diagnostiqué autiste Asperger mais il met vachement tard et il écrivait que avant tout le monde se foutait de sa gueule c'est bon, tu ne viens jamais aux soirées tu exagères un peu jusqu'au jour où il a été diagnostiqué et à ce moment-là tout le monde lui a dit je comprends, pas de problème sacré toi, pas de problème je reviens quand tu veux, on t'aime merci C'est marrant, ça pose une question finalement. Faut-il prévenir les gens de leur situation de handicap pour accepter la différence de l'autre ? Je ne sais pas. Moi, je trouve que ça montre l'état émotionnel de notre société et notre capacité, justement, à ce qu'on disait tout à l'heure, à analyser un petit peu nos propres émotions et à accepter l'autre tel qu'il est, non pas tel qu'on voudrait qu'il soit.
- Speaker #3
Après, on peut le voir d'une autre manière, dans le sens où, à partir du moment où on dit le mot handicap, les gens comprennent tout à fait. Et justement, moi, je n'ai jamais eu aucun souci, peut-être que j'en parle avec un peu trop de légèreté, mais je n'ai jamais eu aucun souci à dire, non, Thibault, il ne peut pas venir, il a sa perf, il a ceci, etc. Peut-être parce que ce n'est pas moi qui suis concernée intimement, etc. Est-ce que ce serait aussi légère si c'était moi qui étais concernée ? Mais je ne me sens pas du tout... gêné à le dire et du coup en fait je trouve que aussi, mais ça concerne pas seulement le handicap mais le fait de dire les choses ouvertement et avec simplicité en fait ça enlève vraiment plein de barrières et les gens comprennent tout à fait et ça peut être c'est négatif d'être obligé d'en arriver là pour que les gens comprennent etc, mais à l'inverse en fait de le dire avec simplicité du coup ça permet aux gens de le comprendre beaucoup plus vite de... Et de leur donner du recul, quoi. Ils disent, ah oui, d'accord, ok, elle vient pas parce que, ok, bah super, pas de problème, etc. Et ça simplifie du coup beaucoup les choses, je trouve. Après, bon, faut tomber sur les bonnes personnes aussi.
- Speaker #4
C'est ça, on n'a pas tous non plus la même intelligence relationnelle, la même intelligence émotionnelle non plus. Ça, c'est dans un monde pur et parfait.
- Speaker #3
Ça, c'est vrai que je me souviens... quand j'avais parlé de Thibaut à mes parents, etc., ils l'avaient rencontré, et ma mère m'avait dit un truc, moi, j'avais jamais réalisé, elle m'a dit, ah bah, c'est beau aussi, c'est bien que t'aies été capable, que tu as accepté, comme ça, le handicap, et vraiment... Je dis, c'est normal, il me fait batcher. Non, il y a des gens qui n'auraient pas été capables, etc. Et vraiment, ça ne m'avait jamais traversé l'esprit. C'est peut-être de la naïveté de ma part. Ce n'est pas que c'est un non-sujet, parce que c'est important, mais ça restait à sa place.
- Speaker #2
Ça rejoint ce que tu disais, Hervé, tout à l'heure, que quand Marlène te l'a dit, c'est un... pas été...
- Speaker #0
Oui, mais de ce que dit Pauline, j'ai l'impression que Pauline est bien plus mature que moi sur ce côté-là . Parce que moi, par exemple, dans la famille, ça a été plus compliqué de l'assumer et de dire... Et je ne savais pas, je n'ai jamais réussi à identifier pourquoi j'avais mis autant de temps à assumer ou aborder les choses comme dit Pauline avec autant de simplicité.
- Speaker #2
Alors, je ne sais pas si ça fait écho peut-être à ce que tu as pu ressentir, mais moi, je sais que mon ex-copain a eu beaucoup de mal à en parler par pudeur pour moi. Pour lui, c'était un sujet extrêmement intime. Et du coup, il ne voulait pas déflorer ce sujet à ma place ou quoi que ce soit. Et à l'époque, moi, justement, ça m'avait énervé parce que j'étais là , genre, mais vas-y, tu peux en parler, c'est un autre sujet. Je viens avec cette maladie, tu peux y aller et tout. Et lui, il me disait, ben, non, je ne sais pas, c'est à toi de le dire quand tu seras prête, etc. Mais voilà , il voulait, il a eu peur peut-être d'être imprécis dans la manière de parler de ça, etc. Donc, oui, il a mis beaucoup de temps à réussir à faire des choses.
- Speaker #0
Oui, c'est exactement ça.
- Speaker #3
Mais c'est marrant, ce serait presque comme un coming out que tu serais obligée de faire quand tu as un handicap, etc. Mais bon alors Hervé, moi je m'excuse parce que du coup, c'est vrai que parfois, moi je le disais ouvertement, « Ah bah non, Marlène ne peut pas venir là , elle est fatiguée avec sa maladie, elle ne peut pas, etc. » Donc moi j'en ai parlé beaucoup plus ouvertement.
- Speaker #1
Moi, je n'ai pas de soucis avec ça et au contraire, je veux dire, c'était juste, moi mon souhait, c'était... de dire voilà les choses elles sont posées, juste c'est ok en fait, il n'y a pas de jugement à porter là -dessus pour moi, mais après c'est moi avec moi-même, comment moi j'assume moi-même mon handicap et ma maladie qui va faire aussi que je vais le prendre plus ou moins bien ou plus ou moins mal, attention, dans la relation à l'autre, c'est jamais que l'un ou que l'autre, c'est toujours une rencontre, donc il y a la manière aussi dont moi je me perçois qui va entrer en jeu. dans comment je vais prendre, comment les autres réagissent.
- Speaker #0
C'est vrai que ce que tu dis, c'est vrai qu'au début de notre relation, toi aussi, tu avais du mal d'assumer ton handicap. C'est vrai que maintenant, de ce que tu dis, Julieta, c'est vrai que je crois que j'ai ce souvenir-là d'être un petit peu emmerdée, en fait. De dire, je sais que Marlène, quand elle est en famille et tout ça, je me rappelle de ça, c'était, elle veut faire bonne figure. C'est vrai que tu voulais faire bonne figure très longtemps, jusqu'au moment où tu te dis « je ne peux plus continuer comme ça » . C'est vrai. Oui, oui.
- Speaker #1
C'est un cercle vicieux, parce que tu veux faire bonne figure, et en même temps, quand tu dis « non, tu ne vas pas faire que bonne figure » , maintenant tu assumes, tu ne viens pas, tu es crevée. Je ne parle pas que de famille, je parle vraiment de l'entourage en général. Et quand j'assume et je me dis « non, je ne vais pas parce que je suis fatiguée, je suis en accord avec moi-même » , En face, je pouvais avoir des réactions, mais depuis des années, de gens qui ne comprennent pas parce qu'ils me voient telle qu'ils me voient. C'est-à -dire, bon, quand même, enfin. Et donc, pareil, c'était des dilemmes parce que je me disais qu'enfin, j'essaye d'être alignée avec mon besoin et que je ne viens pas parce que je suis crevée. J'avais le sentiment qu'on minimisait mon handicap. Et du coup, quand je venais, c'était pour faire bonne figure. Et du coup, c'était encore pire. Donc, ça alimentait quelque chose. Il y a aussi la façon dont on se sent avec soi-même. Puis effectivement, tu ne sais pas aussi. Comme tu disais Thibaut, c'est la loterie avec l'humain.
- Speaker #2
Moi, j'ai l'impression que vous avez des environnements super bienveillants parce que moi, ce n'était pas les mêmes sons de cloche. Justement, j'ai déjà eu dans ma famille des expériences qui ont été franchement désobligeantes où justement, je parlais de ce fameux gars que j'ai fréquenté, tout ça. Et j'ai eu des réactions qui m'ont fait perdre foi en l'humanité, un espèce de voyeurisme. pour savoir des choses qui sont de l'ordre du symptôme ou des choses comme ça, mais qui n'étaient pas pour moi me faire avancer dans ma réflexion ou quoi que ce soit. C'était juste du voyeurisme, en fait, ce que j'ai trouvé super inapproprié et cette espèce de réaction de « dis donc, t'aurais pu choisir un petit peu mieux » . Et en tant que personne malade, vu que j'ai la double casquette d'être moi aussi malade, je me suis dit « mais donc c'est la perception que certaines personnes peuvent avoir de moi, un espèce de voyeurisme sur des choses » . Ou le fait que je vaille peut-être moins bien que les autres parce que je suis en situation de handicap. Et alors là , c'est violentissime quand c'est quelqu'un, c'est son propre sang qui dit ça. Je me suis dit, certains membres de ma famille, bien évidemment pas tout le monde, et des personnes que j'estime qui ont pu avoir cette espèce de sortie de route.
- Speaker #1
C'est terrible. Non, non, nous, c'est vrai qu'on a eu de la chance dans toutes les rencontres qu'on a pu faire parce qu'il y a quand même l'amour au premier plan, même s'il y a des maladresses, même s'il n'y a jamais eu d'irrespect ou de méchanceté ou de choses comme ça. Il peut y avoir après, c'est normal, des maladresses, des trucs qu'on peut prendre mal soi. D'ailleurs, ce dont on a parlé, c'est des choses qu'on peut mal vivre, mais quand même. en filigrane, il y a cet amour et ce respect de l'autre qui a toujours primé. En tout cas, l'envie de bien faire. Tu vois ce que je veux dire ? Il y a quand même toujours cette intention de bien faire et d'être dans des rapports quand même harmonieux, familiaux. C'est ce que j'ai trouvé aussi dans la famille d'Hervé. Hervé, il a une grande famille. C'était déjà quelque chose d'assez nouveau pour moi parce que moi, j'ai une petite famille. Et il y a cette volonté, après, comme dans toutes les familles, c'est normal aussi. Déjà , trouver sa place au sein de sa propre famille, ça peut être compliqué. Mais alors, quand tu rencontres celle de l'autre, ou que les deux familles se rencontrent, ça fait des équations. Il faut du temps. Et vraiment, j'ai le sentiment qu'en règle générale, les rencontres se sont quand même bien faites et qu'on arrive, on essaye de tendre en tout cas tous vers un équilibre.
- Speaker #3
Et puis moi je dirais, c'est peut-être en rencontrant, alors là c'est le point de vue inverse, c'est-à -dire l'aidant qui rencontre la famille de la personne porteuse de handicap, mais moi c'est en rencontrant ta famille aussi que j'ai réalisé aussi ce que ça impliquait. Parce que, comme je le disais, c'est que j'ai rencontré Thibaut, les traitements ils sont calés, etc. Donc c'est un peu différent. quand tes parents racontent un peu votre enfance, parce que ta sœur aussi a la même maladie que toi, je me dis, waouh ! Voilà ce que ça implique aussi, et voilà ce qu'ils ont traversé, et ce n'est pas anodin, ce n'est pas facile. Je pense aussi que je n'avais pas trop, parce que tu avais... Est-ce que c'était pour m'épargner, ou est-ce que c'était parce que c'est ta manière de vivre la maladie ? Mais c'est très en dehors, et je l'avais... pas forcément réaliser toutes les ramifications que ça peut avoir, que ça n'a pas obligatoirement, mais que ça peut avoir.
- Speaker #4
Je crois, sans avoir fait de psychanalyse, qu'il y a une part de refoulée aussi. Si j'en parle pas, c'est que j'ai enfoui ça un petit peu et qu'on déterrera ça plus tard au fur et à mesure.
- Speaker #2
Ça fait presque une heure et demie qu'on enregistre. Et donc, ça fait un bon épisode. Est-ce que vous avez des points que vous souhaitez aborder ? Un mot de la fin ? Quelque chose qu'on aurait laissé de côté ?
- Speaker #3
Moi, je dirais peut-être l'importance du temps, dans le sens... Il y a des variations, en fait. Et que le handicap... Enfin, il y a ça dans tous les couples, dans toutes les relations, mais le handicap inclut ça aussi. C'est qu'il y a forcément des variations. Il y a des moments où... qui ne sont pas des moments de crise, donc des moments du quotidien, et ça va prendre moins de place, etc. Et d'autres, effectivement, ça va revenir bouleverser les choses parce qu'il y a un effet du handicap qui va faire telle ou telle chose, d'où, encore une fois, on retrouve la question de l'écoute. C'est-à -dire que ce n'est pas parce que les choses ont été formulées d'une telle manière à un moment T que ça va rester gravé dans le marbre. Il faut être prêt aussi à réactualiser et à faire face à de nouveaux... de nouveaux changements ?
- Speaker #4
Non, mais... Alors, moi, ce que j'aurais retenu, là , de l'heure et demie qui vient de s'écouler, moi, si je devais faire un petit résumé, effectivement, il y a le terme d'écoute et celui d'apprentissage, d'apprentissage à deux, finalement. Et à deux et même à plusieurs, puisqu'on a parlé des cercles, en fait, qui gravitent autour du couple. Donc, effectivement, écouter et apprentissage. Voilà .
- Speaker #1
Et j'aimerais bien, il y a une autre chose que je trouve intéressante aussi dans nos échanges, c'est que aussi, mine de rien, on parlait de genre tout à l'heure, mais il y a aussi, quand tu parlais de temps, il y a aussi l'âge. Je remarque qu'il y a des choses aussi, forcément avec le temps et avec l'âge, les besoins ne sont pas les mêmes aussi dans le couple, mais aussi en tant qu'individu. Les frontières ne sont pas les mêmes, d'autres limites peuvent venir s'ajouter, ou au contraire. Parce que parfois, avec le temps, l'âge, il y a aussi d'autres barrières qui tombent, plus psychologiques par exemple, où on est plus en phase, peut-être, j'en sais rien. Et puis, il y a aussi ce temps qui passe et qui va venir parfois plus limiter physiquement par exemple. les personnes qui souffrent de handicap, mais que justement dans le couple, il y a aussi ce qu'on fait quand on a 20 ans, ce qu'on vit quand on a 20 ans dans un couple, parce que j'ai eu des expériences plus malheureuses aussi en couple, avant, quand j'étais plus jeune, clairement des personnes qui ont fui, en fait, sans explication, sans rien, voilà , je l'ai vécu aussi, c'est pour te dire que parfois je me dis peut-être aussi… Alors, sans généraliser non plus, il y a des personnes très jeunes qui font preuve d'une maturité incroyable et d'autres à 50 ans où il y a encore de l'apprentissage à faire. Mais je pense qu'aussi, avec l'âge, il y a des données, ça évolue, ça fluctue. Voilà , il y a cette donnée-là aussi, je pense, qui est intéressante, je trouve, en écoutant Thibaut et Pauline, en tout cas.
- Speaker #2
Oui, sur la notion de fuite que tu viens d'évoquer, je me faisais la réflexion que... C'est assez marrant, avant de te donner la parole Hervé, c'est assez marrant, mais dans le cadre de rencontres, etc., ma maladie, c'est la seule chose sur laquelle je suis sûre de moi. C'est-à -dire que si quelqu'un, admettons, me dit « je ne souhaite pas continuer à te voir pour X raisons » , je vais me remettre en question. Et je vais me dire, mince, peut-être que je ne suis pas assez ci, pas assez ça, et je n'ai pas toujours confiance en moi, et donc ça va alimenter cette machine-là . Et ma maladie, pour le coup, si quelqu'un me disait, ta maladie est un problème, je me dirais, mais vraiment, c'est un tocard fini. Et pourtant, c'est quelque chose dont souvent j'ai pu avoir honte, j'ai mis beaucoup de temps à le verbaliser, j'ai beaucoup eu honte de sa présence et de certains de ses symptômes. Et maintenant, je suis arrivée à un stade où je l'accepte. pleinement et c'est un des seuls sujets sur lesquels étonnamment j'associe ça à de la confiance en moi dans le sens où je me remettrai jamais en question où je me dirai jamais je vaux moins bien que quelqu'un où je suis moins susceptible d'être aimée parce qu'elle est là , donc voilà , c'est tout Et t'as bien raison
- Speaker #0
Moi tu me disais, Julieta, le mot de la fin et depuis tout à l'heure, enfin pas le mot de la fin mais d'avoir un truc à dire et tout ça et depuis tout à l'heure je me dis mais j'ai plus rien à dire quoi ... Mais en fait, la seule chose que je dirais, c'est deux choses. La première, c'est que nous ne sommes que aidants dans le sens où celui qui porte la maladie souffrira toujours plus que celui qui est à côté. Et des fois, quand on est dans le guidon, on a un petit peu tendance aussi à l'oublier. Quand on est aussi crevé, on a un petit peu tendance à dire « Oh, mais enfin, quand même ! » Et des fois, c'est un peu compliqué. Et ça, c'est vraiment dur de trouver la nuance et tout ça. Et de toujours essayer de se rappeler que c'est toujours l'autre qui souffrira plus parce que l'autre, c'est celui qui vraiment souffre dans sa chair. On ne pourra jamais être à sa place. Donc, je dirais que la seule chose qui peut nous aider à essayer de comprendre l'autre, c'est de travailler sa propre empathie, son propre rapport à l'autre. encore une fois, c'est sa propre humanité, sa propre émotion et tout ça. Et c'est typiquement ce dont on manque aujourd'hui cruellement et dans les relations que l'on peut entretenir les uns avec les autres et dans notre société en général. Et ce qui m'amène au deuxième point, c'est que, là c'est pour toi Jean-Pierre, c'est que ton travail de podcast est super important et qu'il faut absolument le mettre le plus en avant possible. Et je te souhaite vraiment que ce podcast aille très très loin parce qu'il est... je pense, d'intérêt public réellement. Voilà .
- Speaker #5
L'épisode se termine donc sur les mots d'Hervé qui m'ont fait rougir et qui m'ont également beaucoup touché. Pour commencer, et comme toujours, un immense merci à Marlène, Pauline, Hervé et Thibaut d'avoir témoigné sur l'anomalie, sur un sujet aussi intime que le couple. À la réécoute de l'épisode, le mot qui ressort, c'est « communication » . Une part de moi a envie de dire, bon, rien de nouveau sous le soleil. Et pourtant, ce n'est pas franchement facile de communiquer sur des choses qui nous rendent vulnérables, comme l'a souligné Marlène, qui a mis du temps à mettre des mots sur ses épautions et son ressenti. La deuxième notion qui est mise en exergue, selon moi, c'est le temps. Tous les quatre insistent sur le fait qu'il a fallu du temps pour que les choses se mettent en place et qu'ils soient en mesure de communiquer de façon harmonieuse. Je crois que parfois, on se met un petit peu la pression à vouloir tout bien faire. C'est mon cas en tout cas. Et ça a quelque chose de rassurant de se dire qu'il faut aussi laisser le temps au temps. Pour clore l'épisode, et surtout la saison, un immense merci pour votre soutien. J'ai commencé il y a un an et demi et le chemin n'a pas été tout repos. Merci à toutes les personnes qui sont venues témoigner. Merci aux personnes qui m'ont soutenue de près ou de loin. Je vais faire une petite pause pour réfléchir à l'avenir du podcast, mais l'envie d'enregistrer demeure. Je vous dis à très bientôt pour les prochains épisodes, après une petite pause. D'ici là , prenez soin de vous.