- Georgia
Il faut comprendre que ma réaction soit celle-ci et qu'elle ne soit pas nécessairement enthousiaste et que je ne réponde pas par "Ah, merci, je suis tellement contente que tu me dises que c'est hyper trendy sur TikTok, le vitiligo" ou "Ah, merci, je suis hyper contente que tu aimes ma dépigmentation". C'est très bizarre. Il y a un côté où on n'a pas spécialement envie d'être comme ça, ramenée à son corps, à son rapport à son propre corps, à son rapport à sa maladie constamment.
- Giulietta
Bonjour et bienvenue dans lanomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Dans ce nouvel épisode, je reçois Georgia, avec qui j'étais en prépa il y a une dizaine d'années. Georgia vit avec un vitiligo. Il s'agit d'une maladie auto-immune qui cause une dépigmentation sur certaines zones du corps et du visage. Concrètement, cette maladie génère des plaques de peau blanches qui sont plus ou moins visibles en fonction de la carnation de la personne concernée. De fait, c'est le premier épisode que j'enregistre concerne une maladie visible. Ainsi, le vitiligo interfère souvent dans les interactions que Georgia peut avoir, notamment avec des personnes qu'elle connaît peu ou pas. Georgia évoque ainsi les remarques maladroites et déplacées selon moi, qu'on a pu lui adresser. Dans cette discussion, nous revenons sur la manière dont Georgia a grandi avec le vitiligo, qui finalement a posé plus de problèmes à ses parents qu'à elle-même. Nous parlons du regard des autres et de l'influence du mouvement body positive sur le vécu de Georgia. Si le vitiligo est devenu une maladie mieux documentée et visibilisée, certaines personnes ont parfois le sentiment que cela les autorise à faire des commentaires non sollicités sur le physique de Georgia. Enfin, nous revenons sur le fait de choisir de prendre un traitement ou non. Pour le moment, le seul impact connu du vitiligo est sur le plan physique, ces fameuses plaques blanches. Ils ne causent a priori pas de danger ou d'effet secondaire pour la personne qui en est atteinte. Dans ce cadre, quand et pourquoi choisir de se traiter dans un contexte où trouver le bon traitement peut s'avérer compliqué ? La discussion est riche, vous allez l'entendre. Georgia explique avec clarté et beaucoup de recul son histoire et son ressenti. Je vous souhaite donc une très bonne écoute et vous laisse avec une version de moi-même un peu impressionnée d'interviewer Georgia. Eh bien du coup, merci d'être là. Je viens de te le dire, mais en vrai, je suis un peu impressionnée parce qu'on se connaît depuis super longtemps. On était en prépa ensemble, on a fait trois ans de prépa ensemble. Moi, le souvenir que j'ai avec toi principal, enfin un de ceux que j'ai, c'est que ma maladie s'est déclarée au moment où on était en khube. Et t'es une des premières personnes à qui j'en ai parlé. Et Thomas était avec nous. Donc voilà, je suis trop contente d'enregistrer avec toi et aujourd'hui, c'est toi qui parles.
- Georgia
Ouais, moi aussi je suis un peu impressionnée.
- Giulietta
Oui, c'est trop cool, mais on va y arriver. Alors, première question, est-ce que tu peux te présenter ?
- Georgia
Oui, alors je m'appelle Georgia et j'ai 31 ans et voilà, je suis ici aujourd'hui pour parler de vitiligo.
- Giulietta
Et du coup, c'est quoi le vitiligo ?
- Georgia
Alors, le vitiligo, donc je suis quand même scientifique, donc j'ai voulu prendre une définition pour... Être sûr de ne pas dire de bêtises avant de parler de choses plus introspectives. Mais donc le vitiligo, c'est une maladie auto-immune qui est liée à un dysfonctionnement du système immunitaire et qui se transcrit par des taches blanches qui apparaissent sous la peau ou parfois des poils blancs, parfois les deux. C'est une dépigmentation qui peut arriver à peu près à n'importe quel moment de la vie, n'importe quel type de personne, n'importe quel type de couleur de peau. Donc ça c'est important de le savoir, et qui sont liées à un problème avec les mélanocytes, qui sont finalement les parties du corps qui font qu'on a une pigmentation sur la peau.
- Giulietta
Et toi, ça fait combien de temps que tu sais que tu as du vitiligo ou que tu l'as remarqué ?
- Georgia
Alors moi, ça fait très longtemps parce que j'ai déclenché la maladie quand j'avais deux ans et quelques. Donc j'ai... pas vraiment de souvenirs de moi sans cette maladie-là. Parce que mes premiers souvenirs sont après. Je ne sais pas si c'est très commun ou pas, mais en tout cas, je n'ai pas rencontré de personne qui l'avait eu aussi jeune. Et donc du coup, ça fait presque une trentaine d'années que je vis avec ça, avec toutes les fluctuations que ça implique au cours du temps, puisque la maladie, elle n'est pas stable. Donc j'ai eu des périodes où j'étais plus ou moins dépigmentée, où c'était plus ou moins visible, où ça posait plus ou moins de problèmes. Et donc ça fait à peu près autant de temps que je vis avec ça.
- Giulietta
Et du coup, c'est apparu super tôt. Comment est-ce que tu l'as vécu dans ton enfance ?
- Georgia
Dans l'enfance, on va dire qu'il y a plusieurs aspects à ça. Il y a des choses qui sont communes à l'enfance et à l'âge adulte, c'est-à-dire que les gens sont relativement ignorants vis-à-vis de la maladie, ce qui peut amener à des maladresses, dans la façon de s'adresser à toi, dans la compréhension de ce qu'ils ont en face d'eux. Et donc, du coup, quand j'étais enfant, effectivement, les enfants ne comprenaient pas vraiment ce que j'avais. Et leurs parents ne savaient pas nécessairement ce que j'avais aussi, ce qui créait des situations. Par exemple, certains parents disaient à leurs enfants de ne pas jouer avec moi parce qu'ils pensaient que j'avais un champignon, qu'eux allaient attraper la maladie. Moi, ça, enfant... Ça ne m'a pas tellement dérangée. Je ne l'ai jamais pris mal qu'un enfant me dise "Mes parents ne veulent pas que je joue avec toi" ou ce genre de choses, parce que j'avais conscience qu'ils ne savaient juste pas ce que c'était. Et donc du coup, je leur expliquais, je leur disais que ce n'était pas contagieux et que ce n'était pas si grave. Néanmoins, je pense que ça a créé un rapport un peu particulier au corps et un rapport un petit peu étrange avec comment j'étais vue dans l'espace public, comment les autres me voyaient. Il y a eu aussi un rapport médicalisé, puisque mes parents, quand ça s'est passé, ils se sont inquiétés. Du coup, j'ai vu beaucoup de médecins. Et puis à l'époque, on avait une connaissance très partielle de ce que c'était le vitiligo, de comment ça fonctionnait. Donc en fait, au début, on a conseillé à mes parents de faire des choses qui étaient finalement, maintenant, on le sait, des contre-indications. Donc en fait, mes parents... Ils essayaient de le cacher, donc en fait on mettait du fond de teint, ce qui en fait du coup par le frottement me dépigmentait plus, puisqu'en fait un des mécanismes par lesquels les taches peuvent apparaître ou s'agrandir, c'est par frottement, ou tout ce qui crée en fait une inflammation, ce qu'on appelle la comnerisation. Et donc du coup en frottant, j'avais des traces de doigts sur le visage parce qu'on essayait de... de le couvrir parce qu'on disait qu'il ne fallait pas aller au soleil, etc. Donc en fait, au début, je pense que mes parents, ils ont été confrontés aussi à une forme d'incompréhension, en tout cas un sentiment d'être un petit peu perdus vis-à-vis du système de santé et des réponses qu'on leur proposait. Et puis, on y reviendra peut-être après, plus tard, mais en fait, c'est vrai que sur tout ce qui est maladie dermato, je n'irai peut-être pas jusqu'à... tout ce qui est maladie auto-immune, mais il y a souvent, on renvoie beaucoup à l'aspect psychologique de ce genre des déclencheurs, etc. Et donc, je pense que pour mes parents aussi, il y avait beaucoup de culpabilité parce que ils se sont sentis coupables finalement. Ils se sont dit que peut-être qu'il s'était passé quelque chose, qu'ils n'avaient pas vu. Ma mère, au moment où moi, j'ai commencé à avoir du vitiligo, ma mère avait perdu sa mère. Et donc du coup, elle s'est fait toute une théorie sur le fait que c'était parce qu'elle n'était pas assez présente que finalement la maladie s'était déclenchée, ce qui n'était pas... Enfin, moi je ne pense vraiment pas le cas, mais en tout cas je pense que ça a été source de culpabilité. Et donc du coup, en tant qu'enfant, on ressent ça, on ressent que c'est un problème, on ressent l'angoisse des parents qui aussi sont anxieux, inquiets de comment les autres enfants vont réagir, de comment moi, je pouvais me sentir. Nous, on habitait à Marseille et à un moment, on a dû aller voir un spécialiste à Bordeaux, donc il fallait faire les allers-retours. Moi, je le vivais, je pense que j'interrogais beaucoup de choses. Je ne peux pas dire que je le vivais mal. Je ne peux pas dire que je le vivais bien non plus. Mais en tout cas, il y avait tout plein d'éléments, en fait, qui rentrent en jeu et qui après sont encore présents maintenant, finalement, dans le rapport aux autres, dans le rapport aux soins et dans est-ce qu'il faut soigner ou pas.
- Giulietta
Justement, c'est quoi ton rapport actuellement ?
- Georgia
Alors moi, actuellement, je suis dans une démarche de soins. Donc j'ai un protocole qui est tout nouveau. Je fais partie des personnes qui bénéficient de ce protocole-là. Donc c'est un médicament qui s'appelle Opzelura, et qui est un des premiers médicaments qui a été mis à disposition du public, pour soigner le vitiligo en particulier. Pendant très longtemps, il n'y a pas eu du tout de médicaments exprès. Et donc, en fait, j'ai eu plein de types de traitements au cours de ma vie. De la vitamine B12, j'ai pris des cachets de mélanine, on m'a dit de ne pas m'exposer, on m'a dit de m'exposer, on m'a dit de faire plein de choses. Et quand je suis allée voir ce spécialiste à Bordeaux, lui avait développé un traitement qui était fonctionnel, mais à la base en utilisant un médicament qui n'était pas fait pour le vitiligo à la base, qui s'appelle le Protopic. Et donc, l'idée, c'était de mettre cette crème-là. et de faire des expositions contrôlées au soleil. Donc la crème avait pour but de stopper la dépigmentation, et ensuite l'exposition contrôlée au soleil permettait de repigmenter, associée avec d'autres choses. Et ça, ça a été assez fonctionnel, et en fait pendant très longtemps, la maladie s'est stabilisée, je me dépigmentais un tout petit peu en hiver, mais pas tant que ça. Et l'été, je faisais mon traitement. Et finalement, on est arrivé à un point où c'était très contrôlé. J'avais quelques taches sur le visage, j'avais que quelques taches sur le corps. Et finalement, si je n'avais pas envie que ça soit visible, ça ne l'était pas. Je pense que ce n'était pas quelque chose qui était particulièrement visible quand on s'est connues. Ça se voyait, mais ce n'était pas comme maintenant. Et donc ça s'est resté comme ça pendant, je pense, une quinzaine d'années. Et en 2020-2021, autour du Covid, j'ai commencé à re-avoir des tâches de dépigmentation. Et puis ça a commencé par une, deux, et puis après ça a commencé à être vraiment partout. Et donc j'ai commencé à avoir mon visage qui se dépigmentait de plus en plus, des tâches qui apparaissaient dans des endroits où je n'en avais jamais eu avant, même quand j'ai eu ma première phase de dépigmentation quand j'étais enfant. Et donc, là, ça a commencé à m'inquiéter. Et donc, j'avais commencé une première démarche de soins à l'hôpital où j'avais recommencé ce traitement-là avec du Protopic, mais en dose un peu plus élevée, et où je faisais, parce que je n'habite plus à Marseille, malheureusement, et donc je n'ai plus accès à autant de soleil. Je devais aller à l'hôpital trois fois par semaine pour faire des UV. Ce protocole-là, à ce moment-là, moi, je... Finissais ma thèse, c'était quand même assez intensif, ça a un peu marché, mais l'expérience que j'ai eue à l'hôpital n'a pas été très bonne pour plein de raisons différentes. Et donc j'ai fait ça pendant quelques temps et puis après je suis partie à l'étranger, j'ai arrêté ce protocole-là et pendant un moment j'ai arrêté de me soigner parce que ça avait été un peu trop lourd. Et quand j'ai entendu qu'il y avait ce nouveau médicament qui était disponible, à ce moment-là, j'étais dans de meilleures dispositions et j'avais plus de temps pour faire un traitement. J'ai essayé d'avoir un rendez-vous à l'hôpital, que j'ai mis un an à avoir. Le rendez-vous, on m'a dit que mon cas allait passer en staff, puisque à l'époque, le médicament ne pouvait pas être accessible en dermatologie de ville. Et puis, on n'est jamais revenu vers moi. Et donc, du coup, à ce moment-là, j'ai appelé l'Association française du vitiligo. On a un petit peu discuté et finalement j'ai réussi à avoir un rendez-vous en dermatologie de ville avec une spécialiste du vitiligo qui m'a dit que je qualifiais du coup pour ce traitement-là puisqu'on avait un peu épuisé toutes les autres ressources au cours des 30 dernières années. Et donc là j'ai commencé ce nouveau traitement qui est en gros des immunosuppresseurs. C'est en voie cutanée, donc c'est de la crème et c'est d'essayer de supprimer, ralentir la réaction immunitaire du corps contre le... contre la pigmentation. Et donc, j'ai fait ça. Et cet été, je me suis mise au soleil. Et en fait, j'ai commencé à vachement repigmenter. Et pourquoi je le fais maintenant ? Parce qu'à un moment, j'ai eu besoin de reprendre un petit peu le contrôle sur ce qui m'arrivait. Je pense que le vitiligo, on pourra en reparler, mais ce n'est pas une maladie qui est grave. D'ailleurs, c'est ce que parfois les gens te disent quand ils t'interpellent dans la rue "Mais ce n'est pas si grave, etc". Oui, certes, pour l'instant, on n'a pas de connaissances que ça ait des conséquences, on va dire, dramatiques sur la santé, outre l'aspect esthétique. Mais c'est quand même très bizarre de se regarder tous les matins dans le miroir et de ne pas savoir à quoi on va ressembler. Et on n'a pas vraiment de perspective sur un vitiligo comme moi qui est non segmentaire, c'est-à-dire que je n'ai pas seulement la moitié de mon corps par exemple qui est affecté. Je pourrais entièrement me dépigmenter, comme ça pourrait s'arrêter. On ne sait pas pourquoi ça a recommencé, on ne sait pas quand est-ce que ça va s'arrêter. Et donc il y a quelque chose de très étrange en fait, à ne pas savoir à quoi on va ressembler. Donc ça c'est l'aspect plus psychologique qui a plus à voir avec la façon dont moi je me perçois. Après, il y a eu toute une partie dans l'espace public. Ma vie, elle n'a pas été exactement la même depuis que mon vitiligo est beaucoup plus visible. Pour plein de raisons différentes, et on pourra en parler encore une fois. Mais du coup, ça m'a aussi... Je pense qu'il ne faut pas se voiler la face, et je pense que... Le regard des autres a aussi été quelque chose qui, à un moment, m'a motivée pour reprendre cette démarche de soins. Même si je pense que la principale partie, c'était pour moi de pouvoir reprendre le contrôle sur ma maladie, sur mon corps et ce à quoi je ressemble. Même si je ne veux pas du tout que ça disparaisse entièrement. Ça fait partie de moi, ça a toujours fait partie de moi. Mais j'ai envie de pouvoir récupérer une forme de... sérénité vis-à-vis de mon corps et de ce à quoi je ressemble.
- Giulietta
Ce qui se comprend totalement. Mais du coup, pour la notion de contrôle, je comprends tout à fait. C'est une maladie auto-immune que j'ai aussi, mais elle ne se voit pas. Et il y a quelque chose qui est... Enfin, je ne sais pas si tu le ressens, mais qui est franchement flippant de ne pas savoir comment ça évolue, de savoir que ça vient de toi et que du jour au lendemain, ton état peut se dégrader, etc. Et je présume que sur le physique, ça doit aussi être quelque chose. La différence entre toi et moi, c'est que moi, je peux faire le choix d'en parler ou pas, puisque ça ne se voit pas. Mais toi, en fait, je présume que ça biaise pas mal d'interactions où des gens se permettent de te faire des réflexions alors que tu ne les as pas sollicitées, des choses comme ça.
- Georgia
Alors oui, donc ça, c'est vraiment... Une des raisons pour lesquelles je voulais faire ce podcast, c'était aussi pour pouvoir parler de ça. Effectivement, vu que c'est visible par tous, même si bon voilà on peut se maquiller etc mais maintenant j'en suis à un stade de dépigmentation sur mes mains, sur mon corps où, par exemple, en été c'est impossible de le cacher et donc du coup je suis beaucoup interpellée dans l'espace public. Ce dont il faut avoir conscience, c'est que mes proches, mes amis proches, toi, ça fait des années qu'on se connaît, on n'en a jamais parlé. J'ai des amis très très proches avec qui, j'en ai enfin qui ont attendu que moi j'en parle pour pouvoir m'en parler. Les gens de mon entourage sont très bienveillants vis-à-vis de ça et n'ont jamais fait de remarques ou quoi que ce soit. Par contre, des gens que je ne connais absolument pas se permettent de m'interpeller, de réagir. Et ça, j'ai des tonnes d'exemples. Par exemple, hier, je suis allée à la caisse de la FNAC. Et ça, par exemple, la caisse des magasins, c'est un grand classique. À la caisse des magasins, on me fait... systématiquement des remarques. Peut-être parce que les gens, ils se font chier, ils ont envie d'avoir une interaction dans la journée, et ça, je le comprends. Mais c'est systématique presque. Dès que je vais à la caisse d'un magasin, quelqu'un va me faire une remarque. Et là, c'était, ça c'est un grand classique, c'est, ah, vous êtes allé au ski, parce que les gens pensent que j'ai la marque des lunettes. Ce n'est pas une marque des lunettes, je tiens à le dire à tous les auditeuristes, la trois quarts du temps, à mon avis, ce n'est pas une marque des lunettes. Là, à ce moment-là, je dis "Ah ben non, c'est une maladie auto-immune". Et les gens sont là "Ah, bon, je suis un peu indiscret". Ben oui, vous êtes un peu indiscret. Ça m'est déjà arrivé qu'on me dise, toujours à la caisse d'un magasin "Ah, vous avez ça parce que vous êtes brûlés, vous êtes trop allée au soleil, vous n'avez pas fait attention". Je dis "Ben non, c'est pas ça". "Vous n'avez pas envie d'en parler ? Ben non, en fait, je suis en train d'acheter une essoreuse à salade, là". En fait, je ne suis pas en train d'avoir envie de parler de mon vitiligo. Et là, la personne m'a quand même dit "Ah ouais, mais bon, ça va, c'est pas grave, c'est pas un cancer non plus". Et donc là, on se retrouve à justifier, et ça c'est un autre point, de se justifier de son rapport à son corps. C'est-à-dire qu'il y a plein d'injonctions contradictoires. Il y a le fait que cette maladie est considérée, par la représentation qu'on a sur le corps, comme une anomalie, comme quelque chose qui est... en dehors de la norme, et donc qui est pathologique. Et donc qui fait que les gens, souvent, quand ils sont à côté de moi, par exemple au bar, je les entends parler. J'entends "Elle est mal maquillée ou ses parents n'ont pas fait attention à elle elle a joué dans les bacs à sable, elle a attrapé des maladies, c'est pour ça qu'elle a ça" C'est des choses que j'entends souvent. Les gens qui regardent, etc. La maladie est considérée comme quelque chose de mauvais, pathologique, pas terrible. Un stigmate, voilà. Mais il y a aussi tout un aspect maintenant avec tout ce qui est body positive, où il faudrait trouver ça beau, assumer, être bien dans son corps, bien vis-à-vis de ça. Ce qui fait que parfois les gens se permettent de faire des remarques sur le fait que je fais par exemple une démarche de soins actuellement, en disant mais "pourquoi tu te soignes ? C'est trop beau !" ou des gens qui se permettent de dire qu'ils adorent mon vitiligo, des gens que je ne connais pas. Je me souviens, une fois, je suis arrivée à la table d'un bar, une personne que je ne connaissais pas du tout, à travers, donc à l'autre bout de la table, me regarde et me dit "j'adore ton vitiligo" Moi, je lui ai dit "en fait, je ne l'ai pas mis ce matin en me levant, ce n'est pas un truc que j'ai choisi". Et les gens ne comprennent pas nécessairement qu'on ne leur répond pas sur le même plan. C'est-à-dire qu'eux, et je le comprends, ça vient peut-être d'un truc bienveillant. Ils viennent d'apprendre que ça existe, maintenant c'est à la mode, il y a des mannequins qui ont du vitiligo, il y a des campagnes de pub, il y a plein de choses, donc il y a des poupées avec du vitiligo, et c'est bien, il y a une forme de représentation. Mais du coup, ça devient un phénomène de mode, comme me l'a dit un des marcheurs dans la rue la dernière fois qui est venu me parler en m'abordant par mon vitiligo et en me disant mais tout le monde veut ça sur TikTok. Et donc les gens ne comprennent pas nécessairement que pour... Moi, dans mon cas, et je ne voudrais pas parler pour d'autres gens qui ont cette maladie, parce que chacun a son rapport, mais en tout cas, dans mon cas, ça fait 30 ans que je vis avec ça, j'ai tout un passif de mon rapport à cette maladie, et je n'ai pas spécialement envie d'en discuter avec la première personne qui m'interpelle là-dessus. Et il faut comprendre que ma réaction soit celle-ci, et qu'elle ne soit pas nécessairement enthousiaste, et que je ne réponde pas à pas "Ah merci, je suis tellement contente que tu me dises que c'est hyper trendy sur TikTok, le vitiligo" ou "Ah merci, je suis hyper contente que tu aimes ma dépigmentation". Enfin, c'est très bizarre. Il y a un côté où, en fait, on n'a pas spécialement envie d'être comme ça, ramenée à son corps, à son rapport à son propre corps, à son rapport à sa maladie, constamment. Même si l'intention n'est pas nécessairement mauvaise, ça peut partir d'un bon sentiment, mais c'est vrai que c'est très étrange. Et le dernier point, c'est aussi que les gens se sont permis de me toucher beaucoup plus. C'est vraiment ça, comme les femmes enceintes. Maintenant, les gens se sont permis à un moment de... de me prendre les mains, de me prendre le bras. Ça m'est arrivé dans une fête une fois avec une personne qui me prend le bras alors que je ne suis pas du tout en train de lui parler. Je suis en train de faire quelque chose de totalement différent. Elle me prend le bras, elle me touche le bras et elle me dit "Ah ben c'est fou, t'as cette maladie !" Et il n'y avait rien d'autre derrière. Il n'y avait pas une volonté d'engager un dialogue. Il y avait juste ça. Du coup j'ai dit "Bah ouais !". Et on s'est regardées dans le blanc des yeux. J'ai attendu qu'elle me lâche la main. Et puis, on a arrêté la conversation là. Et en fait, ce qu'il faut se dire, c'est que peut-être que vous, vous êtes la première personne à interpeller quelqu'un là-dessus. Mais nous, il y a peut-être 15 personnes qui nous ont... Enfin, je dis 15, j'exagère. Mais en été, par exemple, c'est possible que j'ai eu plusieurs interactions dans la journée qui ont eu à voir avec mon petit vitiligo. Parce que c'est présent. Et donc, du coup, c'est juste une charge à la fin de la journée. Même si le commentaire peut être sympathique, positif, mais je n'ai pas envie d'avoir une injonction supplémentaire à en plus m'accepter et aimer, et soi-disant être bien dans mon corps, et bien avec mes tâches, parce que c'est beau. Les gens me disent souvent "c'est beau ! Non, mais c'est trop beau". Oui, mais il y a 15 ans, vous trouviez ça trop moche. Et c'est un truc très personnel, en fait c'est un jugement normatif. Et que ça soit interprété comme moche ou beau, ça reste un jugement normatif. Et en fait du coup, le stade auquel je me suis bien arrivée, c'est qu'on sorte de ce jugement-là normatif finalement. Et que ça ne soit plus un sujet de conversation. Voilà exactement, à ma demande à moi. mais que ça ne soit pas un sujet d'interpellation dans l'espace public.
- Giulietta
Oui, ça me fait penser à deux points. Il y a le fait d'être interpellé par rapport à un trait physique qui est super problématique de manière générale, et ce que les gens perçoivent de toi, ce n'est pas nécessairement la perception que toi, tu as de toi-même, il y a des choses qu'on peut trouver belles chez quelqu'un et qui peuvent être sujets de complexes pour cette personne. Et le deuxième point, c'est le rapport à la maladie. En fait, c'est t'interpeller par justement... ta maladie, ce qui est ultra problématique. Moi, toutes mes interactions, commencer par "t'as une sclérose en plaques, trop cool", c'est pas possible, en fait. Et il y a beaucoup d'indélicatesse de la part des gens sur ces sujets-là. Moi, je me rappelle d'une fois d'une nana qui m'avait dit... J'avais expliqué que j'avais une sclérose en plaques et que j'allais lancer le podcast parce que j'avais cette maladie, que ça m'avait fait réfléchir à plein de sujets et tout. Elle me dit, +c'est trop cool, ça donne envie d'en avoir une+. Et t'as plein de trucs comme ça où... Enfin, je sais pas si toi, ça te le fait, mais moi, pendant... Genre, je dois faire des prises de sang et à chaque fois, la prise de sang, c'est l'occasion de parler, de me demander depuis quand je l'ai. Et puis, "c'est dommage, vous l'avez eue jeune et tout, mais c'est terrible et tout". Et puis, t'es là, tu fais... "En fait, je viens juste faire une prise de sang. Moi, ma psychothérapie, je l'ai faite. Mon rapport à ma maladie, il est noué. Ce n'est pas lors d'une interaction de trois minutes que je vais avoir une épiphanie". Et les gens, je pense que, comme tu le disais, ça part d'un bon sentiment, mais c'est terrible.
- Georgia
Oui, je suis tout à fait d'accord avec toi. Et c'est pour ça que, pour revenir à ce qu'on disait au début sur l'enfance, je trouve que l'ignorance, parfois, est plus facile à... à gérer. C'est-à-dire des gens qui ne savent pas et qui sont interloqués par quelque chose qu'ils ne comprennent pas ou dont ils ignorent l'existence. C'est moins... Parfois, c'est moins difficile à gérer qu'une nouvelle forme d'injonction à... à intérioriser, à... Et puis, c'est une interaction. Moi, je trouve que c'est des interactions qui ne sont pas faciles à gérer par rapport à comment on répond. C'est-à-dire qu'il y a des jours où on n'a pas envie d'en parler. En fait, il y a des moments où j'ai envie d'en parler, il y a des moments où je n'ai pas du tout envie. La plupart du temps, je n'ai pas envie d'en parler avec des inconnus, quand même. À part la seule fois, ou les très rares fois, où des personnes avec du vitiligo sont venues me parler. Où là, c'était des moments très chouettes, pour le coup. Mais ça ne renvoie pas une super image non plus de soi quand on doit gérer ces interactions là où quelqu'un a l'impression qu'il te fait un compliment ou que tu parles de maladresse, c'est vrai il y a beaucoup de maladresse mais du coup moi je suis obligée de répondre, en fait ce que j'ai envie de leur répondre c'est "j'ai pas envie d'en parler ou c'est maladroit ou bien, il faut pas faire ça" mais j'ai l'impression de ne pas être sympa. J'ai l'impression de... Et donc du coup, je suis un peu en train de me louvoyer pour essayer de faire des réponses qui soient à la fois qui donnent le message que j'ai envie de porter, c'est-à-dire "peut-être la prochaine fois, il faudra y réfléchir deux fois avant d'interpeller quelqu'un sur une caractéristique physique", d'autant plus quand c'est lié à une maladie, même s'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas conscience que c'est une maladie en réalité. Et... Être sympa, quoi. Et pas renvoyer les gens non plus dans les clous, pas être dans le conflit. Et puis aussi, exit, quoi. Un peu passer, tu vois. Ne pas rester dans cette interaction, essayer d'en sortir le plus rapidement possible, quoi. Et pas nécessairement être dans le conflit pour passer à autre chose et essayer de pas...
- Giulietta
Oui, oui, mais c'est méga dur. C'est méga dur. Moi, j'arrive pas... Il y a des moments où j'étais en colère, tout ça, mais je crois que je l'ai jamais trop dit. C'est difficile de vouloir bien faire, de te dire que tu dois éduquer les gens, mais c'est pas à toi de le faire. Je sais pas, j'ai pas de bonne réponse là-dessus. Avant, j'étais très énervée, maintenant, je le suis plus. Je me dis qu'effectivement, je préfère éviter ces trucs-là.
- Georgia
Mais c'est vrai que pour revenir à ce que tu disais sur le personnel médical, j'ai pas eu ce truc de... tout le temps de répéter depuis quand, etc. Je pense que ça peut être problématique parce que tu as beaucoup d'examens à faire, en tout cas assez réguliers. Moi, par exemple, j'ai été assez interpellée par la façon, notamment à l'hôpital - Je pense que ce n'est pas partout du tout, je ne voudrais pas. Et puis, c'est très, très dépendant aussi des conditions de travail des gens à l'hôpital qui aussi sont surmenés, n'ont pas le temps de passer. On n'a pas le temps de rester avec les patients, etc. Mais j'ai eu des consultations quand je faisais de la photothérapie qui étaient quand même lunaires. On te fait attendre dans un box toute nue, comme si tu étais une vache qui était là pour se faire examiner. Le ou la médecin rentre. On te demande à peine si on peut te toucher. On te tripote, on te fait "OK" puis on passe à autre chose. Il y a un aspect très... Sachant que quand même, L'aspect le plus difficile de cette maladie, c'est l'aspect psychologique. Ce genre d'interaction, ça ne fait pas te sentir très très bien. Mais bon, c'est aussi dû au fait que je pense, on le sait, l'hôpital c'est un flux tendu, les gens ne travaillent pas dans de très bonnes conditions. Mais si on pouvait passer une seconde de plus... à faire ressentir à la personne que c'est un humain. Parce qu'il y a eu ce flot de petites interactions dans la journée, dans le quotidien de la personne, qui font que...
- Giulietta
Je suis pas sûre que ça excuse tout. Alors effectivement, les conditions de travail sont difficiles et tout, mais ça excuse pas le fait d'humaniser la personne qu'on a en face de soi. Bref, j'enregistre un épisode avec une fille qui a été hospitalisée parce qu'elle a fait une espèce de crise d'épilepsie. Et un des moyens de vérifier si vraiment une crise d'épilepsie ou c'est autre chose, c'est de filmer la personne pour voir si elle a les yeux ouverts ou non. Mais donc, elle a été filmée pendant sa crise et personne n'a expliqué pourquoi. Et c'est ultra traumatisant, en fait, parce que t'es juste en train de perdre le contrôle. On te filme à des fins médicales sans t'expliquer pourquoi. Elle a cru qu'on se moquait d'elle. Méga traumatisant. Et effectivement, moi, j'ai jamais vécu des épisodes comme ça. Mais un sentiment de déshumanité, ça doit être...
- Georgia
Ouais, c'est un peu étrange. Et puis... Et puis l'aspect un peu systématique de ça, c'est-à-dire qu'on en ressort un peu de ces consultations, on n'est pas très bien. Puis les autres soignants viennent nous voir, les soignantes, en nous disant "Ah oui, non, mais c'est souvent comme ça, mais il faut s'accrocher, il faut faire le traitement". Après, on se dit "Bah oui, mais c'est peut-être pas si étonnant finalement si les gens ne s'accrochent pas". Oui, en fait, il y a beaucoup de... En fait, le fait est que je crois que l'état de la recherche actuellement n'arrive pas à mettre en évidence des liens de causalité entre un phénomène psychologique et l'apparition, par exemple, de vitiligo ou même d'alopécie, donc les personnes qui perdent leurs cheveux ou leurs poils. Mais c'est, je crois, à peu près reconnu qu'en tout cas, il y a une forme de corrélation entre les deux. Du coup, la manière dont tu es traitée, elle influe directement sur... Enfin, comment dire ? Ce n'est pas anodin.
- Giulietta
Oui, ce n'est pas anodin de ne pas faire attention à la manière dont tu traites les gens dans ce cadre-là. Sur la prise en charge, c'est complètement différent et ça n'a rien à voir avec le vitigo. Mais une fois, j'ai été maltraitée pendant une IRM où j'ai fait une crise d'angoisse et où je me suis fait un peu hurler dessus. Et en fait, les conséquences, elles sont longues quand tu ne te sens pas bien quelque part. Et moi, mon réflexe à ce moment-là, ça a été de me dire, "je vais arrêter les IRM". Donc c'est effectivement le fait de rester en culotte à l'attendre dans un box ou des choses comme ça. J'ai une autre pote qui a du vitiligo qui m'a décrit exactement la même scène. C'est ultra traumatique et ça ne me semble pas du tout aberrant de se dire à un moment, je vais arrêter ce traitement qui est...
- Georgia
C'est exactement ce qui s'est passé dans mon cas. C'est-à-dire que... Et puis... En fait, ce qui se passe à l'hôpital, c'est qu'on fait des UV, des UVB qui sont censés aider à la repigmentation, puisqu'il y a plein d'autres types d'UV à l'extérieur. Et donc là, on est focalisés sur quelque chose. C'est des traitements qui sont quand même... Je ne voudrais pas... Encore une fois, il y a des gens qui ont des traitements beaucoup plus difficiles. Mais c'est juste que c'est contraignant. Je dirais que c'est contraignant. En fait, il faut aller trois fois par semaine à l'hôpital. Idéalement, les créneaux ne sont pas ouverts tout le temps, il n'y a pas tous les hôpitaux qui proposent de faire de la phytothérapie, et en fait, on perd les bénéfices si on rate trop de séances. Donc en fait, c'est un petit peu le compteur qui se remet à zéro, si pour x ou y raison, on n'a pas pu y aller. Donc c'est déjà une démarche qui n'est pas hyper évidente. Moi, j'ai eu des effets secondaires de ces traitements. Par exemple, le Protopic, c'est bête, mais chez moi, je suis partie des je ne sais plus combien de pourcents, alors ce n'est pas non plus négligeable. Chez qui, le Protopic a fait un effet secondaire où je ne pouvais plus boire d'alcool. Mais personne ne m'avait prévenue. C'est-à-dire que pendant des mois, dès que je buvais un verre d'alcool, je devenais rouge tomate et j'avais le visage qui brûlait, et je ne comprenais pas d'où ça venait. Et justement, dans une de ces consultations rapides, j'ai réussi à glisser "Ah, ben en fait, j'ai ça. Est-ce que ça peut être lié ?" On m'a dit "Ah mais oui, c'est un effet secondaire connu". Ça, ça fait partie des choses où, ben voilà, en fait, ça serait sympa de le savoir. Parce qu'on pourrait peut-être ne pas s'inquiéter pendant quelques mois. C'est des petites choses. C'est pas grave de ne pas boire d'alcool, je veux dire. Voilà, mais juste le dire. Le vitiligo, ça crée aussi des démangeaisons. Avec parfois, avec justement... Quand on fait les UV et qu'on fait le Protopic, ça peut brûler si on ne fait pas attention. Donc on se démange. Il y a des petites choses comme ça. Ce n'est vraiment pas grand-chose. Mais si tu mets bout à bout toutes ces choses-là et que derrière, tu ne ressens pas de bienveillance, en fait, tu arrêtes. Parce qu'en fait, c'est juste... Tu fais ton emploi du temps en fonction de ça. Tu as ces effets secondaires, etc. Et puis... Après tout, tu te dis, on n'arrête pas de m'enjoindre, à m'accepter telle que je suis, etc. J'abandonne. Et je pense qu'il faut aussi se dire que ce rapport-là, il fluctue au cours du temps. C'est-à-dire que moi, je me rappelle qu'enfant, il y a des moments où je voulais le cacher. Il y a des moments où je voulais me soigner. Il y a des moments où j'étais là, où je disais non, je ne veux plus. Je ne veux plus me soigner. Puis il y a des moments où j'ai dit si. En ce moment, je me soigne. Il y a des moments où je n'ai plus du tout envie. Et ce n'est pas grave, en fait. Ce rapport à la maladie, il est très personnel. Il est évolutif. Et il ne faut pas culpabiliser s'il y a des moments où on n'a plus rien à faire, où on a envie de mettre ça de côté. On a envie de ne pas le gérer. Et ce qui est quand même un luxe pour le Vitiligo, c'est qu'on peut le mettre de côté pendant quelques temps. Après, effectivement... Quand on est en période active comme je suis actuellement, si on le met trop longtemps de côté, on se dit qu'on manque beaucoup. Donc après, il y a des arbitrages. Il y a des arbitrages aussi, je pense, qui vont se poser à terme sur les médicaments aussi. Puisque de ce que j'ai vu, et je ne parle pas sous le contrôle de médecins, mais pour l'instant, on ne m'a jamais tellement parlé de balance bénéfice-risque à long terme. Pourtant... Moi, ça fait très longtemps que j'utilise de la cortisone ou des immunosuppresseurs. Donc finalement, en fait, ce bilan-là, à terme, je pense qu'il y a aussi une question de recherche là qui mériterait d'être investiguée un petit peu sur le long terme pour aussi un peu mieux aiguiller les patients et les patientes. Et un peu mieux essayer peut-être de mieux comprendre la démarche de soins tout au long du cycle de vie, mieux accompagner les patients. J'ai appris il y a très peu de temps que je qualifiais pour être affectation longue durée à la sécurité sociale. Ce qui, par exemple, aurait pu me permettre de simplifier énormément de démarches de soins. Les UV, c'est remboursé, mais moi, par exemple, je suis tombée dans un espèce de trou où, finalement, j'ai dû avancer énormément de frais, frais que je n'ai jamais pu réussir à me faire rembourser par ma mutuelle. Voilà, c'est des choses simples, mais je pense que si à terme, on avait une démarche de soins qui était... Un peu mieux faite, mais ça, c'est beaucoup de personnes, beaucoup de maladies qui partagent ça. Mais ça pourrait simplifier beaucoup notre quotidien et la façon aussi dont on se projette dans l'avenir avec cette maladie, dont on sait qu'a priori, elle ne partira jamais, une fois qu'elle s'est déclenchée, en réalité.
- Giulietta
Moi, ce matin, je fais un petit journée à l'hôpital et tout, et ça recoupe un peu ce que tu as dit là. Là où je suis suivie, j'ai une infirmière référente et tout, et on a fait des tests moteurs ensemble. Et en fait, elle m'a expliqué plein de symptômes que je pouvais avoir sur la démarche, des choses comme ça, mais en fait, c'est des choses que tu peux pas savoir seule. Une fatigabilité, des choses comme ça, et en fait, vu que jamais personne te le dit, pareil sur les traitements, etc., ben, tu peux banaliser des choses qui devraient pas l'être, etc., et bon, alors, pour le coup, la sclérose en plaques, peut-être que c'est un peu plus documenté, ou qu'on en parle plus dans l'espace public, etc. Pour autant, en fait, il y a plein de symptômes à côté desquels tu passes parce que ta prise en charge n'est pas OK. Et c'est méga problématique en soi. Tu passes à côté de trucs. Il y a des choses que tu soignes pas, etc.
- Georgia
Oui, non, c'est sûr. Non, tout à fait. Je me disais un truc et j'ai totalement oublié.
- Giulietta
OK. Moi, j'ai une question. Du coup, moi, dans ma famille, il y a du vitigo à fond. Tout du côté de mon grand-père, en fait. Toute ma famille italienne. Et du coup, quand on était en prépa, j'avais remarqué, mais c'était un non-sujet pour moi. Enfin, je n'avais pas ressenti le besoin de t'en parler ou quoi que ce soit. Et donc, dans ma famille, c'est principalement les hommes qui sont touchés. Et le frère de ma mère, je me rappelle qu'à un moment, ça a été longtemps un sujet psychologique. Il a commencé une psychothérapie. Il a une énorme tâche ici. Il se la faisait repigmenter, donc il se tatouait. Je ne sais pas si c'est... Et je me rappelle, dans mon enfant, c'était un sujet. Ça l'a beaucoup préoccupé pendant pas mal de temps et puis à un moment je crois que ça lui a un peu sorti de la tête. La tâche, elle est toujours là mais on parle plus de sa maladie et du coup vu que comme tu le disais tout à l'heure dans les maladies auto-immunes, il y a une grosse dimension psychologique comment est-ce que tu fais la balance entre tout ça ? Pour ne pas culpabiliser parce qu'en fait t'es pas responsable non plus de ce qui t'arrive, tu peux avoir des moments de stress et je présume que ça décuple peut-être la perception que tu peux avoir de... des impacts que ça peut générer, etc. Comment tu le vis ?
- Georgia
Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus. Je pense que le fait que ça soit effectivement lié... potentiellement à des facteurs psychologiques, que ça peut te donner l'impression que parce que tu es anxieuse ou déprimée ou je ne sais pas quoi, ça va directement avoir un lien sur le redéclenchement d'une phase active ou la dépigmentation, et qu'à l'inverse, ça pourrait s'arrêter. Si tu allais mieux, ce qui je pense, il n'y a pas du tout un lien de cause à effet aussi marqué. Pour l'anecdote, moi je me souviens d'en avoir parlé avec Anna, que tu connais, et donc moi la phase active s'est redéclenchée quand j'étais en doctorat pendant le Covid. Je pense qu'à l'époque, peut-être, bon voilà, l'état de... Les choses étaient telles qu'elles étaient, et donc moi je me suis inquiétée de ça, parce que je me dépigmentais, mais je savais que j'étais anxieuse et que j'étais stressée, mais je n'avais pas nécessairement fait le lien tout de suite entre l'anxiété et la dépigmentation. Et puis même, j'étais plus dans un rapport "ok, j'ai envie quand même qu'on prenne ce truc au sérieux". Parce que renvoyer en permanence à la psychologie, ferait presque comme si finalement les concédures n'étaient pas là ou la maladie n'était pas là et on pouvait pas la traiter de manière médicale quoi peu importe les causes une fois que la dépigmentation est là, elle est là donc il faut la prendre en sérieux et peut-être qu'il y a aussi des pistes qui n'ont pas été explorées. Donc bon j'avais quand même envie qu'on explore toutes les pistes changement d'hormones je sais pas peu importe mais qu'on explique qu'on essaye quand même. Peut-être d'expliquer ce qui m'arrivait par des facteurs contextuels avant de renvoyer tout de suite à ma psychologie. Mais bon, pour revenir sur mon anecdote avec Anna, on en a reparlé quelques années plus tard. Elle m'a parlé de quelqu'un qu'elle avait vu en conférence qui avait du coup une alopécie et qui avait perdu tous ses cheveux et ses poils pendant sa thèse. Et donc, du coup, je lui dis "Ah, ouais ! Mais tu crois que mon vitiligo, c'est lié ?" Il faut savoir qu'Anna, c'est quand même quelqu'un qui est scientifique, qui travaille en pharmacie de formation, etc., qui travaille à l'hôpital. Et elle m'a dit "Mais bien sûr, Georgia ! Il y a des très fortes chances que ça le soit lié, quoi". Et là, j'étais plus encline peut-être à accepter que... potentiellement, il y avait peut-être un lien entre la situation dans laquelle j'étais et les moments de stress que j'avais vécus, peut-être dans les mois précédents, et après la dépigmentation. Néanmoins, là, ça fait plus de deux ans, et je continue à me dépigmenter, et il y a des périodes où je suis plus ou moins anxieuse, et pourtant, je pense que ce qui est compliqué, c'est cette espèce d'illusion qui serait de se dire si... Je fais une psychothérapie, que je fais du sport et que je dors bien, ce qui n'est pas nécessairement le cas tout le temps dans sa vie, ça va s'arrêter, ce n'est pas le cas. En fait, on ne sait pas. Je pense que c'est ça. Et c'est ça qui est aussi, je pense, assez dur. En fait, on ne sait pas. On ne sait pas pourquoi ça se déclenche à un moment donné. On ne sait pas quand est-ce que ça va s'arrêter. Et c'est l'incertitude, en fait, qui est difficile à vivre. Je pense que... pour n'importe quel individu, dans n'importe quelle situation, l'incertitude, c'est compliqué. Et tu le disais pour toi aussi. Et en fait, c'est cette incertitude qui est complexe. Après, sur l'aspect psychologique, effectivement, je pense que du côté de l'individu, moi, ça m'a renvoyée à ça. Et cet aspect, si tu mets toute ton énergie, peut-être que ça va s'arrêter. Mais en fait, non. Et il faut accepter ça, que ce n'est pas dans notre contrôle. Et je pense que, par exemple, pour ma mère, pour les parents, je pense aussi, pour la famille, pour les proches, parfois c'est compliqué, surtout quand ça se déclenche très tôt. Là, mettre l'accent sur l'aspect psychologique, c'est compliqué, sachant que moi, dans ma famille, dans la partie en tout cas que je connais, personne n'a du vitiligo. Et donc du coup, c'était arrivé un petit peu comme ça. Après, étant donné les origines géographiques de mes parents, Ce n'est pas hyper étonnant, parce qu'il y a beaucoup de prévalence en Méditerranée, en Afrique du Nord, etc. Mais il n'y avait pas un oncle, un grand-père, une grand-mère, une tante qui avaient ça. Et donc, du coup, on se dit, pourquoi la petite, elle a ça ? Et donc, du coup, à l'époque, l'explication, c'était, c'est psychologique. On se demande, qu'est-ce qui lui est arrivé à cette gamine ? Pourquoi il y a ça ? Et ça, c'est beaucoup plus qualifié, je pense.
- Giulietta
Oui.Ta mère est psy en plus.
- Georgia
Ma mère est psy, ouais. Ouais, ouais, elle s'est beaucoup pris la tête, ouais.
- Giulietta
J'imagine. Est-ce que t'as eu des figures, des référents, des choses qui t'ont aidé à construire un rapport à ton vitiligo ? De ce que t'exprimes, malgré tout, je ressens un peu que c'est pas agréable ce que tu vis ou quoi que ce soit, mais t'es pas en guerre contre lui ou t'as pas l'air... Je ressens pas de la colère ou...
- Georgia
Et comment t'expliques ce move d'en parler plus ? En fait, c'est Thomas qui m'a parlé du fait que t'en parlais.
- Giulietta
Ouais. J'en parle parce que c'est... Je pense que ce qui m'a amenée à en parler, c'était que tout d'un coup... Enfin, pas tout d'un coup. Je dis tout d'un coup parce qu'en fait, comme je me suis beaucoup dépigmentée pendant le Covid... Quand je suis ressortie dans la rue, tout d'un coup, je n'avais plus la même tête qu'avant. Pour moi, il y a un aspect un peu soudain parce que ça s'est joué à ce moment-là. Du coup, j'étais beaucoup plus interpellée qu'avant. Je n'avais pas le même type d'interpellation. Tout d'un coup, ça m'a amenée à recâbler énormément de choses. Ça m'a amenée à repenser à énormément d'aspects. J'en ai reparlé avec ma mère, des traitements, etc. Et puis, j'ai décidé d'en parler plus parce que je me suis dit que c'était très bizarre. finalement que je ne l'adresse pas du tout. En fait, j'ai trouvé ça un peu absurde, alors que c'est une partie inhérente de moi, dans le sens de mon corps, de mon vécu. Ça m'a beaucoup marquée, et ça me marque toujours. J'y ai un peu réfléchi, je me suis dit que c'est quand même très bizarre de ne pas du tout parler de ça avec ses proches. Et de finalement... On lit. pas les inclure dans les démarches de soins que je faisais ou dans les problèmes que ça pouvait me créer. Après, ça faisait partie d'une démarche plus globale, ou à l'aune quand même d'une psychothérapie. Je me suis rendue compte que je ne parlais pas grand-chose de personnel. Et donc, j'ai essayé aussi de m'ouvrir plus auprès des gens que j'ai si maître. les plus proches autour de moi, et de leur parler de plus de choses de ma vie. Et vitiligo, c'est parti. Et donc, voilà. Et puis après, j'en ai aussi plus parlé parce qu'il y a eu plus d'interactions où, en fait, c'était un sujet que je le veuille ou non. Et donc, du coup, ça m'a amenée aussi à définir, avec les gens, quelles étaient les interactions avec lesquelles j'étais en accord et celles que je n'avais pas envie d'avoir non plus.
- Georgia
Franchement, ça dépend. et ça fluctue vraiment de jour en jour. Il y a des jours où, là parce que justement, je fais ce traitement et que ça fonctionne et que je récupère un sens un petit peu et encore c'est compliqué parce que vivant ici et plus à un endroit il y a du soleil du coup là, momentanément, ça fonctionne plus trop la repigmentation. Quand on est au mois de novembre et qu'on a vu le soleil une fois dans le mois, bon, ça ne marche pas très bien. Par exemple, pour moi, c'est un sujet de frustration. Ça m'a fait aussi repenser mes choix de vie. Où est-ce que je veux vivre ? C'est quand même un truc qui me trotte pas mal en tête. Il y a des jours où ça va, et il y a des jours où je suis en colère. Il y a des jours où ça m'attriste énormément. Et puis, en fait, il y a des jours où j'ai l'impression que c'est sous contrôle. Et puis tout d'un coup, je vais me regarder dans le miroir et je vais voir une tâche que je n'avais jamais vue. Et tout d'un coup, ça peut me faire totalement basculer dans un truc où je me dis, mais en fait, ça ne s'arrêtera jamais, ça commence à me rendre anxieuse. Il y a des fois où j'en rigole, je peux même faire des blagues dessus, il n'y a pas de problème. Mais je ne dirais pas que je suis dans un rapport apaisé du tout avec ça. Je sais qu'il y a des gens qui... Par exemple, la personne que j'avais rencontrée dans la rue, elle, elle me disait qu'en fait, elle s'était laissée totalement dépigmentée. Et que depuis, ça allait beaucoup mieux. Et elle, c'était ça son rapport vers l'apaisement. Moi, je pense que ce chemin-là, il n'est pas bon pour moi. Mais non, je... En fait, c'est... C'est pas facile. Ouais, c'est pas facile. Et puis, pour le coup, tu parlais de modèle ou de choses comme ça. Pour moi, ça a été très solitaire. C'était très solitaire parce qu'à la fois, c'était quelque chose qui était très présent dans la cellule familiale. Parce qu'en fait, quand ton enfant a une maladie, il faut le forcer à faire le traitement, etc. Et puis, moi, je n'étais pas toujours d'accord. Donc c'était un sujet dans la sphère familiale, mais jusqu'à il n'y a pas très longtemps, jusqu'à il y a quelques mois, je n'avais jamais parlé à une personne qui avait un vitiligo. Je n'avais jamais partagé mon expérience avec quelqu'un qui avait été affecté par ça aussi. J'en parlais très peu à mes proches. Je n'en parlais pas avec les personnes avec qui je partageais ma vie non plus. Enfin, mes partenaires, je n'en ai pas spécialement parlé pendant très longtemps. C'était un truc totalement solitaire.
Déjà, avec ma famille, d'en reparler, ça m'a fait du bien. De comprendre un petit peu mieux le contexte, l'inquiétude, parce que je ressentais de l'inquiétude à l'époque, mais j'étais enfant et j'étais le sujet de cette inquiétude, donc je n'avais pas nécessairement tout le discours autour. En en ayant reparlé avec mon frère, ma mère, j'ai mieux compris. Le discours qui était porté autour de ça, à l'époque, quand j'étais enfant, ce qui m'a permis de mieux comprendre aussi pourquoi je m'étais construit ce rapport à cette maladie, une partie du rapport à mon corps, etc. Donc ça, ça m'a aidée. Et puis d'en parler avec des amis, ça m'a permis aussi d'en rigoler. d'en rigoler, de parler des difficultés que j'avais avec... Enfin, les difficultés auxquelles je faisais face à certains moments vis-à-vis de ça. Mais aussi de pouvoir faire des blagues dessus, de pouvoir se sentir un peu accompagnée de la personne avec qui je partage ma vie maintenant. On en rigole beaucoup. Il a été très soutenant dans tous les différents rapports que j'ai pu avoir avec cet âge manche. Et ça m'a beaucoup aidée, quoi, de pouvoir en parler, en fait.
- Giulietta
Ouais, alors juste, je rebondis sur le rire et tout, parce que je pense que la plupart des gens qui, peut-être, t'abordent dans la rue... pourrait peut-être taxer aussi le fait de dire "bah tu peux en parler ou c'est pas un sujet ou tu es pas drôle" ou quoi que ce soit en fait il y a des cas dans lesquels on peut interagir et puis des cas dans lesquels on peut faire des blagues là dessus. Et c'est pas avec tout le monde et il faut que ce soit le bon moment etc. Moi j'en parle depuis pas beaucoup parce que j'avais décidé que j'étais pas malade pendant très longtemps donc j'en parlais à personne. Maintenant, j'en parle et tout et, honnêtement,tous mes amis ont été ultra soutenants pour l'IRM, ma famille aussi, etc. Donc, c'est un bon relais. Mais pareil, en fait, c'est plutôt... Enfin, je ne sais pas comment tu le ressens, mais c'est plutôt... Enfin, moi, j'aime bien définir le tempo. Je n'ai pas envie qu'on arrive et qu'on me dise, alors, "Tu as une sclérose en plaques, comment c'est ?", et tout. C'est plutôt moi, si j'ai besoin d'en parler, j'ouvre le sujet. Si l'autre est apte à échanger avec moi, on le fait. Et puis sinon... Oui, c'est ça, ça a à voir avec le contrôle, quoi. En fait, je suis très contente. d'en parler quand je décide d'en parler, ce qui n'est pas toujours le cas dans la sphère familiale. Parce que du coup, la cellule familiale a toujours des enjeux un peu particuliers, mais en tout cas, avec mes amis et mes proches, en dehors de la cellule familiale, je trouve que... Et d'ailleurs, j'ai fait un gros travail dans la cellule familiale pour aussi essayer de... redéfinir un petit peu. Maintenant, c'est moi qui décide quand est-ce que j'en parle et c'est moi qui décide quand est-ce que je me soigne ou pas. C'est compliqué, mais je pense qu'on y arrive. Et encore une fois, en fait, ce que je trouve assez admirable, c'est que des gens... Tu parlais de Thomas. Thomas et moi, on se connaît depuis qu'on a 11 ans. Donc, ça fait très longtemps qu'on se connaît. Et il ne m'en a jamais parlé avant que je lui en parle, je pense, il y a quelques mois, un an, quoi. Je trouve ça fou, en fait. Je trouve ça hyper beau, des gens qui respectent...
- Georgia
Oui, oui. Oui, carrément. Et d'ailleurs, je ne sais plus comment c'est venu le sujet. On a parlé de ton vitiligo, je ne sais plus comment, si c'est lui qui a parlé ou quoi que ce soit. Mais bref, c'est un peu lui qui a fait la mise en relation pour qu'on se parle pour le podcast. Et donc, ma dernière question, ce serait, qu'est-ce que tu fais là, Georgia ?
- Giulietta
Qu'est-ce que je fais là ? Déjà, je suis contente de te voir. Pourquoi je suis là ? Parce que... Parce qu'on a beaucoup parlé du vitiligo ces derniers temps. Et beaucoup d'une manière... Le vitiligo, tout d'un coup, c'est ce que je te disais tout à l'heure. Mais tout d'un coup, cette chose qui pour moi était très personnelle et très solitaire. Tout d'un coup, les médias s'en sont emparés. La pub s'en est emparée. Il y avait des campagnes avec des photos, des articles, les réseaux sociaux, sur lesquels je ne suis pas spécialement, mais apparemment, on en parle beaucoup. Et c'est devenu un phénomène de mode. Et à l'aune de ça, les interactions avec les gens ont changé, le rapport sur cette maladie a changé, et pourtant, c'est presque pire qu'avant, d'une certaine manière. Et ça m'a beaucoup fait réfléchir. À pourquoi tu le vis comme ça, pourquoi ça te paraît étrange, d'où vient cette étrangeté que tu ressens. Je pense que ça m'a aussi amenée à en parler un peu plus autour de moi. Et j'aimerais bien, en fait, je parle surtout pour les, peut-être, je n'en sais rien, les quelques personnes qui ont du vitiligo aussi, et qui peut-être aussi ont ressenti cette étrangeté, qui peut-être galèrent avec... Avec la maladie, peut-être parce qu'elle vient de se déclarer et que ça leur fait peur, peut-être parce que ça fait hyper longtemps qu'ils l'ont ou qu'elles l'ont et que ça fait partie d'eux. Donc c'est surtout pour ces gens-là et aussi pour les autres gens pour arrêter d'être interpellés à la caisse.
- Georgia
L'épisode touche à sa fin. Je tiens tout d'abord à remercier Georgia d'avoir témoigné avec autant de sincérité. Nous n'avions jamais parlé du vitiligo ni de son ressenti par rapport à cette maladie par le passé. Je suis donc touchée qu'elle se soit confiée à mon micro. Et ça a été un véritable plaisir de la voir dérouler son raisonnement toujours limpide et réfléchi. Ce que je retiens de l'épisode, c'est le poids du regard et du jugement des autres. Si je pense que la plupart des commentaires ont été formulés à l'égard de Georgia sans penser à mal, ils ont eu un véritable impact sur son ressenti vis-à-vis d'elle-même. J'en retire deux choses. La première, assez évidente, c'est qu'il faut toujours se garder de formuler un commentaire sur le physique des autres. La seconde, un peu plus subtile, c'est que Georgia s'est beaucoup remise en question sur son ressenti vis-à-vis de tout ça. Est-ce qu'elle a été assez pédagogue ? Est-ce qu'elle a correctement expliqué les choses ? Etc. Je crois que parfois, en tant que personne malade en situation de handicap, on se retrouve avec un fardeau de plus, celui d'avoir la bonne réaction alors qu'on gère déjà des sujets complexes qui concernent finalement assez peu de monde. Avant de vous laisser, quelques mots sur lanomalie. Lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins, avec amour. Si vous souhaitez me soutenir dans ma démarche et remplir mon cœur de bonheur, vous pouvez noter le podcast sur votre plateforme d'écoute préférée et vous abonner pour ne rater aucun épisode. Si vous êtes d'humeur à déplacer des montagnes, Vous pouvez mettre un petit commentaire, cela permettra de rendre l'anomalie plus visible. Sur ces belles paroles, je vous dis à très bientôt pour de nouveaux épisodes, et d'ici là, prenez soin de vous.