- Marie
Et en fait, le fait d'avoir ma fille, ça me tire là, ça m'accroche à la vie. Et ça me donne envie du meilleur pour elle, de me dépasser, de toujours trouver mieux. Et ouais, alors, être parent, ça peut être une grande force aussi, dans le courage qu'il faut à déployer quand on est dans des maladies chroniques et invisibles.
- Giulietta
Bonjour et bienvenue dans lanomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Je vous propose aujourd'hui d'écouter la discussion nouée avec Marie. Marie vit au quotidien avec des douleurs et une fatigue chronique, ainsi que des migraines. Son état de santé fluctue en fonction des soins qui lui sont produits et des efforts qu'elle réalise pour se préserver. Ainsi, Marie a dû profondément remodeler son quotidien, car elle n'est plus en mesure de travailler et voit son rôle de maman impacté par la maladie. C'est ce dernier point qui est le plus difficile pour Marie. Elle évoque dans l'épisode devoir demander à sa fille de l'aider sur des tâches de la vie quotidienne qu'elle ne peut pas réaliser et regrette de ne pas pouvoir participer à tous les temps forts de la vie de sa fille. C'est le premier épisode que je diffuse qui évoque la question de la parentalité. J'espère qu'il sera utile pour les personnes qui s'interrogent sur le sujet ou qui culpabilisent, car c'est souvent le cas quand on vit avec une maladie ou bien un handicap. Les difficultés que l'on rencontre sont d'autant plus lourdes quand elles touchent nos proches. Cet épisode revêt également une dimension politique. En effet, la maladie de Lyme ne fait pas l'objet d'une prise en charge via ce qu'on appelle une ALD, pour "affection longue durée". Cela signifie concrètement que les soins et les traitements de Marie ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Cette situation touche plusieurs pathologies, parmi lesquelles l'endométriose dont nous avions parlé avec Johanna. Par ailleurs, étant donné que Marie n'est plus en mesure de travailler, sa fille et elle vivent seulement avec le RSA que Marie touche actuellement. Vous comprendrez donc que cet épisode est essentiel. Trêve de bavardage, je vous laisse donc avec le beau témoignage de Marie.
Du coup, moi, je trouve que c'est toujours bien de commencer par demander comment est-ce que tu te sens aujourd'hui ?
- Marie
Aujourd'hui, je me sens fatiguée. J'ai eu une s éance de faciathérapie, ostéothérapie et ça m'a fait beaucoup de bien, mais en même temps, il y a un moment d'intégration. Donc aujourd'hui, c'est une journée qui va être plutôt lente dans mon rythme.
- Giulietta
Et comment est-ce que tu te sens à l'idée d'enregistrer également ?
- Marie
Un petit peu excitée, tu vois, un truc d'enthousiasme, quelque chose d'enthousiaste et puis évidemment un peu de trac aussi.
- Giulietta
C'est la première fois qu'on me dit qu'on est excité à l'idée d'enregistrer ! Alors pour donner un petit peu de contexte, c'est toi qui m'as contactée par mail. Il y a quelques mois, tu m'as écrit un très long mail où tu me racontais beaucoup de choses et où tu t'es beaucoup livrée. Ce qui m'a beaucoup touchée parce que tu es une des premières personnes que je reçois que je n'ai pas rencontrées dans la vraie vie. Donc tu m'as raconté beaucoup de choses à la fois sur ton parcours avec la maladie de Lyme, les difficultés que ça causait dans ta vie, les interrogations que tu pouvais avoir et sur lesquelles on va revenir pendant l'enregistrement. On a échangé en visio et tout s'est bien passé, on s'est senties à l'aise pour enregistrer ensemble. Et donc, je ne me sens pas du tout à l'aise pour te présenter ou pour donner des informations sur toi. Est-ce que tu peux te présenter de la façon dont tu le souhaites ?
- Marie
Oui. Je m'appelle Marie, j'ai 44 ans, je vis dans le sud de la France, en Ariège, dans les Pyrénées. Je suis maman solo d'une petite fille de 11 ans. Je suis de formation éducatrice de jeunes enfants, donc j'ai longtemps travaillé dans le prendre soin avec des tout jeunes enfants et leurs parents. Parallèlement à ça, j'avais aussi une association d'accompagnement à la parentalité, d'accompagnement dans le féminin. Et il y a cinq ans, j'en ai fait mon travail. J'ai une entreprise avec pour axe principal la formation et la communication bienveillante. Voilà, ça c'était il y a... Il y a 5 ans et il y a 4 ans, la maladie s'est déclarée. Et en fait, depuis, ma vie, ma vie ne tourne qu'autour de ça. Autour de ce combat, je vais dire, au quotidien. Et évidemment, l'éducation de ma fille. Ça prend tout mon espace, tout mon temps.
- Giulietta
Est-ce que tu pourrais expliquer concrètement ce qu'est la maladie de Lyme et dans quelle mesure, justement, ça prend actuellement énormément de place dans ta vie ? En me documentant sur le sujet, je me rends compte qu'il y a beaucoup de communications qui sont faites sur la prévention, de faire attention aux tiques, notamment quand on est en forêt, des choses comme ça. Mais il y a très peu de choses qui sont disponibles sur ce qu'est vivre avec la maladie de Lyme et quels sont les symptômes et les impacts dans la vie quotidienne.
- Marie
Oui, c'est une maladie qui n'est pas très connue encore en France. En tout cas, la France n'est pas très avancée sur ce sujet-là, tant au niveau du dépistage qu'au niveau de la prise en charge. C'est une maladie aussi qui est quand même assez particulière dans le sens où les symptômes sont différents d'une personne à une autre. Je crois qu'il y a un peu plus de 50 symptômes possibles. Alors, on ne les cumule pas tous les 50, heureusement, mais on peut avoir un panel dans ces 50 symptômes. Et c'est ce qui fait que cette maladie va se présenter totalement différemment d'une personne à une autre. Et au niveau des traitements, j'ai un peu l'impression qu'il y a beaucoup de tâtonnements. Moi, c'est ce que je vois autour de moi. Et pour moi, on essaye. On essaye un peu tout, des choses différentes. Et puis, il y a des choses qui marchent pour certains et pas pour d'autres. C'est ce qui rend la chose assez complexe. Moi concrètement, mes symptômes sont apparus il y a 4 ans, 4-5 ans. Les premiers, j'avais vu que je m'étais fait piquer, j'avais eu ce qu'on appelle l'érythème, mais j'avais pris des antibiotiques naturels, de l'armoise. Je pensais que ça allait passer comme ça. Et puis, je n'ai pas fait attention vraiment aux premiers signes. Et les premiers signes, ça a été de la fatigue. Et comme j'avais un rythme de vie très dense, que je travaillais beaucoup, que je faisais... À l'époque, j'avais deux endroits de vie, donc entre le Tarn et l'Ariège, je faisais 300 km par semaine. J'éduquais ma fille toute seule, je faisais l'école à la maison. À ce moment-là, je déménageais, j'ai vendu une maison immense qu'il a fallu vider. Bon, voilà, du coup... La fatigue, elle semblait être normale au vu de mon contexte. Et puis, quand le contexte s'est un peu calmé, que j'ai eu plus qu'un seul lieu de vie, on l'a mis sur le compte d'un burn-out. Donc, en fait, ça a traîné un petit peu comme ça pendant plus de six mois. Et ensuite, j'ai eu des douleurs qui sont arrivées, des douleurs articulaires, des douleurs musculaires. Cette fatigue qui allait en grandissant. Ensuite, j'ai eu, et c'est ça qui a été vraiment un signal d'alerte, moi j'ai beaucoup maigri. Je suis quelqu'un qui n'est pas très épaisse et j'ai perdu 6 kilos en 5 mois. Je me suis retrouvée à 42 kilos pour 1m60. Donc voilà, c'était à la limite de l'hospitalisation. C'est ça qui nous a alerté avec mon médecin. Donc elle m'a rapidement fait des check-up. Et on a vite compris que c'était ça. Donc j'ai eu un traitement assez rapidement qui a enrayé le plus gros. Mais aujourd'hui encore, je vis avec cette fatigue. Le mot fatigue n'est pas assez fort en fait. Ça va au-delà. C'est un épuisement en fait. Je vis avec un épuisement constant. Avec une fatigabilité en fait très rapide. C'est-à-dire que tout me fatigue. Faire une lessive, ça me fatigue. Faire un repas, ça me fatigue. Amener ma fille à l'école, ça me fatigue. Enfin, des choses qui sont anodines, en fait, dans le quotidien. Même prendre le thé avec quelqu'un et discuter pendant deux heures, ne serait-ce qu'une interaction intellectuelle, ça peut être très fatigant pour moi. Voilà, donc je vis encore avec ça. Les douleurs se sont atténuées au fil des ans. J'en ai encore de temps en temps quand j'ai des crises. Mais c'est mieux. Et la douleur qui me reste, c'est la migraine. Depuis deux ans, je vis avec la migraine, elle est arrivée longtemps après les premiers symptômes, mais elle ne me quitte plus depuis deux ans. Nuit et jour, j'ai mal à la tête, en fait. Ce qui est très handicapant, en fait. Comme la fatigue, ça m'oblige à prendre de longues pauses dans la journée, de longs temps de repos, autant physiques que psychiques ou intellectuels. Donc mon quotidien, c'est un petit peu ça. C'est le quotidien d'une personne de 75 ou 80 ans. Un quotidien très lent. Et vraiment avec cette idée toujours d'alterner une activité avec un temps de repos. Donc pendant une heure, je vais pouvoir faire deux, trois choses du quotidien et puis après, je vais être obligée de me reposer pendant une heure. Et toujours veiller à cet équilibre-là, parce que sinon, ça va me pousser à des crises en fait. Et si je tire un peu trop, si je veux trop en faire par rapport à ce que peut tolérer mon corps aujourd'hui, ça va me pousser dans des crises de douleur, de migraine, de fatigue, qui vont m'amener à des... En fait, mes jambes ne me porteront plus, je vais devoir marcher à quatre pattes pour arriver jusqu'au lit, je vais vomir, j'ai des vertiges. je ne vais plus rien supporter, même le noir, le calme total va être déjà trop. Ce sont des crises qui, de toute façon, m'arrivent au moins deux ou trois fois par semaine, même si je ne fais rien d'exceptionnel, même si je ne pousse pas fort, ça m'arrive de toute façon. Mais si en plus, j'essaie de forcer, là ça peut être tous les soirs et sans amélioration, par exemple le lendemain. Ça peut m'arriver aussi que ces crises-là aient duré plusieurs jours d'affilée, ce qui rend le quotidien très compliqué surtout que je suis toute seule avec ma fille, donc du coup, il y a un minimum à assurer quand même.
- Giulietta
Au vu de ce que tu racontes là et de ce que tu m'avais partagé lorsqu'on avait échangé toutes les deux, les impacts sur ton quotidien, ils sont énormes. Tu m'avais expliqué que justement, dans le cadre de ton rôle de maman, tu devais faire des choix et que parfois, tu avais le sentiment de... pas pouvoir participer à des temps forts de la vie de ta fille, de faire des activités ou des choses qui t'en demanderaient trop. Tu m'avais aussi parlé du fait que l'emmener à l'école, c'était un effort en soi, que ça te demandait beaucoup d'énergie et que parfois, tu n'avais pas l'énergie de venir la chercher et que tu t'arrangeais avec d'autres parents ou des personnes de ton entourage. Et les autres points qu'on avait évoqués, c'était également le fait d'avoir une activité professionnelle puisque ça te demande de... une disponibilité mentale, de l'énergie et actuellement, tu n'es pas en mesure de soutenir un effort continu. Est-ce que tu peux un peu revenir justement là-dessus et sur les choix malheureusement que tu es obligée de faire pour pouvoir justement préserver un petit peu ton confort ?
- Marie
Alors d'abord par rapport à ma fille cette maladie, quand je l'ai déclarée, ma fille elle avait 7 ans donc elle était encore assez petite. Elle a débuté l'école à ce moment-là. Et c'est vrai que, dans le fort de la maladie, tout ce que je pouvais faire, c'était l'amener à l'école et revenir la chercher le soir. Et ensuite, j'étais allongée toute la journée. Petit à petit, ça s'améliore, mais ça reste compliqué. L'école est assez loin, donc j'ai presque une heure de route pour aller la poser et remonter chez moi. Et c'est déjà considérable, en fait. Les trajets en voiture, c'est quelque chose qui me fatigue beaucoup. Donc quand je fais des trajets, je peux faire une heure de trajet et ensuite je suis obligée de m'arrêter une heure. Je peux refaire après une heure et puis je m'arrête. Donc pour aller voir ma famille dans le Tarn par exemple, il me faut la journée en fait. Il faut que je prenne une journée pour faire trois heures de route. Par rapport à ma fille, du coup, même les repas des fois c'est un challenge. Donc Emeline, très tôt, elle a dû apprendre à faire des repas. Elle m'a aussi beaucoup secondée dans le ménage. Déjà, à 7 ans, elle a appris à faire des repas, à faire le ménage, le minimum dans la maison pour que ce soit à peu près vivable. Et ça, je trouve ça assez dur pour un enfant si petit, d'avoir tout d'un coup des responsabilités qui ne devraient pas lui incomber. Mais c'est un endroit où il n'y a pas eu de choix. De la même façon qu'elle a été beaucoup obligée de s'adapter. parce que cette maladie a ça d'imprévisible aussi, elle est très imprévisible. Donc des fois on va dire, tiens on va aller promener, ou tiens il y a un anniversaire, et puis en fait non, je ne peux pas, je ne peux pas prendre la voiture, je ne peux pas bouger. Et du coup, il peut y avoir beaucoup de déceptions, beaucoup d'impuissance aussi face à ça en tant qu'enfant, et beaucoup de frustration. Donc elle est obligée aussi de... Comment on va dire ? De tempérer, enfin pas de tempérer, mais de jongler avec cette maladie autant que moi. Il y a effectivement des moments, comme je t'expliquais, des fois la fin de journée arrive et en fait je ne suis pas du tout bien, je ne peux pas prendre la voiture pour aller la chercher, donc je suis obligée d'appeler une... la maman d'une copine pour qu'elle puisse la prendre en charge pour la nuit, la ramener à l'école le lendemain. Voilà, ça c'est des choses que la maladie m'a amenée à faire, c'est de demander de l'aide à un endroit où moi j'étais quelqu'un de très indépendant, de très dynamique, très indépendant. Cette maladie-là, elle m'a coupée dans mon élan et elle m'a obligée à trouver des ressources différentes, des ressources extérieures. Toujours pareil, par rapport à ma fille, elle a été… comment dire… Oui, je pense qu'elle a gagné, elle a été obligée de gagner en maturité très vite. Elle a été obligée de gagner en maturité très vite. Ce qui est un point où, des fois, je peux avoir de la culpabilité en me disant "Mince, j'ai volé une partie de son enfance". Pardon, ça me donne de l'émotion. Oui, où je n'ai pas préservé son enfance comme j'aurais voulu, en fait. Enfin, la légèreté, et puis... Oui. L'insouciance. Elle a été assez vite confrontée à des responsabilités. Et aussi, sur un autre registre, ce que tu disais, que je t'avais évoqué, cet endroit où j'aimerais tellement faire plein de choses avec elle, auquel je suis obligée de renoncer, en fait, et auquel, du coup, je lui demande de renoncer aussi. Tout est réaménagé. Si on fait une sortie, il faut... Il faut la réaménager de façon à ce que je ne me fatigue pas trop. Alors qu'en 11 ans, elle est pleine d'énergie et elle pourrait déplacer des montagnes. Par rapport à ses amis aussi, je suis obligée de tempérer les invitations parce que ça me fatigue beaucoup d'avoir plusieurs enfants à la maison par exemple. Je suis obligée de renoncer à... à m'investir dans son école. C'est une école démocratique où il y a beaucoup de sorties, beaucoup d'implications des parents. J'aimerais tellement en faire plus, mais clairement, je ne peux pas. Voilà, donc il y a beaucoup, beaucoup de renoncements, beaucoup de frustrations au niveau de ma parentalité. Et ça m'amène des fois à des endroits de culpabilité assez importants.
- Giulietta
À t'écouter, il n'y a aucun doute sur le fait que tu es une maman très aimante et que tu veux le meilleur pour ta fille. C'est un point qui n'a pas encore été évoqué dans les épisodes qui sont diffusés du podcast, c'est celui de la parentalité. Comment est-ce que tu communiques avec elle sur ces sujets-là pour à la fois lui présenter tes limites, je présume d'une manière pédagogique et adaptée à son âge et à ce qu'elle peut comprendre, à la fois pour te préserver, mais je présume aussi, parce que c'est important de dire les choses. Dans les autres épisodes, on a parlé... par exemple du fait d'en parler à son entourage, à un conjoint ou à une conjointe, mais la relation parent-enfant, c'est quelque chose de différent. Comment est-ce que vous gérez ce sujet-là toutes les deux ?
- Marie
Alors avec beaucoup de transparence, parce que de toute façon, la maladie m'emmène dans des endroits où je ne peux pas faire semblant, où je ne peux pas cacher. Donc elle voit, elle voit de ses propres yeux que je ne peux pas me lever, elle voit qu'il y a plein de choses que je ne peux plus faire. Et donc, avec des mots assez simples, en fait, Je suis malade, je suis fatiguée, je ne peux pas faire ça aujourd'hui, je suis désolée, mais ça ne va pas être possible. Au bout de 4-5 ans, il n'y a plus besoin d'explication, en fait. Au début, il y en avait peut-être besoin un peu plus. Et puis maintenant, c'est acté, il y a une maladie, elle est là. Et en fait… on ne peut pas faire semblant, on ne peut pas faire comme si ça n'était pas là, comme si ça n'existait pas. Donc on prend acte, on fait avec, on essaye de trouver des alternatives. On n'a jamais autant regardé la télé que depuis que je suis malade. Je n'étais vraiment pas quelqu'un du tout pour les écrans, mais voilà, des fois maintenant, quand je suis obligée de rester allongée tout l'après-midi, il y a un peu plus d'écran que d'habitude. J'ai la chance de vivre dans une grande maison partagée, un HLM, qui a été partagée en appartement, avec une famille au-dessus qui a une petite fille de son âge. Donc en fait, les week-ends ou les mercredis, quand les crises m'attrapent, j'ai cette chance-là de pouvoir juste demander aux voisins s'ils sont présents et puis ils peuvent la prendre l'après-midi. Elle fait autre chose que de rester là avec sa maman couchée. Et du coup, elle peut profiter aussi d'être dans le jeu, dans l'extérieur, de voir autre chose. Il y a un livre qui m'a beaucoup aidée, qui s'appelle "Ma maman a une maladie invisible, mais moi je la vois". C'est un petit album jeunesse. Alors vraiment très simple, donc il peut être lu déjà à des enfants de 3 ans. Moi je l'ai acheté, elle avait 9 ans. Mais en fait ça a mis des mots, ça a mis des images sur notre vie au quotidien. Et j'ai vu quand je l'ai lu, elle était toute étonnée, en mode… "Ah mais ça existe ailleurs que chez moi en fait. Il y a d'autres personnes qui vivent ça". Et je pense que ça, ça l'a beaucoup aidée aussi Emeline. Ouvrir le dialogue là-dessus, savoir qu'elle n'est pas la seule, que je ne suis pas la seule à être malade comme ça, et qu'elle n'est pas la seule à subir ça. Et du coup, ça nous a même permis d'ouvrir le dialogue sur "Mais autour de nous, qui donc a une maladie ? On ne le voit pas". Et finalement, il y a pas mal de monde qui souffre comme ça tout seul dans son coin, sans le dire, sans que ça se voie.
- Giulietta
C'est marrant ce livre. Je ne sais pas si tu te rappelles, quand on avait échangé, je t'avais recommandé un podcast qui s'appelle Les Invisibles. Et bien, c'est elle, en fait, qui a créé ce podcast et qui a écrit ce livre.
- Marie
Je l'ai vu.
- Giulietta
Elle est jeune maman et tout, donc c'était marrant.
- Marie
Oui, oui, oui. Et ce livre, en fait... Sûrement qu'à la fin du livre, il y avait les références de ce podcast, mais à l'époque, je n'ai pas eu la curiosité d'aller voir, d'aller chercher. Je pense qu'il en existe d'autres, mais moi, c'est celui-là que j'ai trouvé, qui m'a aidée, qui a été très précieux. Et tout à l'heure, tu as engagé cette question en disant que tu ne pensais pas que j'étais quelqu'un de d'aimant par rapport à ma fille. Il y a quelque chose qui s'est révélé. Et je pense que d'autres parents peuvent, d'autres parents qui ont des maladies ou des défis à vivre comme ça dans leur quotidien. Il y a cet endroit aussi du parent qui, parfois, enfin souvent, on se dépasse en fait pour nos enfants. Et moi, je vois aujourd'hui à travers la maladie, alors là, je te décris tout ce qui m'empêche en fait, tout ce qui m'empêche d'être la maman que je voudrais être. Mais en même temps... je me rends compte que c'est aussi parce que je suis maman, en fait, que je peux déployer autant d'efforts, que je peux déployer autant de force aujourd'hui pour tenir bon. Souvent, je dis que ma fille, c'est mon assurance-vie, tu vois. Et des fois, ça m'amène à des endroits tellement de découragement et de désespoir, parfois, d'être malade à ce point-là qu'on voudrait tout envoyer en l'air. Et en fait, le fait d'avoir ma fille, ça me tire là, ça m'accroche à la vie et ça me donne envie du meilleur pour elle, de me dépasser, de toujours trouver mieux. Et ouais, alors, par exemple, ça peut être une grande force aussi dans le courage qu'il faut à déployer quand on est dans des maladies chroniques et invisibles.
- Giulietta
On a parlé effectivement de la frustration et de la culpabilité que tu pouvais avoir de ne pas pouvoir partager certaines activités avec elle. Est-ce qu'au contraire, vous avez des choses qui vous réconfortent toutes les deux et des activités qui ne te font pas de mal ou qui ne te sollicitent pas trop et sur lesquelles vous vous retrouvez, vous vous épanouissez ?
- Marie
Oui, oui, oui. Alors après moi, même avant d'être malade, j'avais la chance d'être... Avec ma fille, on se ressemble beaucoup. Donc, on a beaucoup de centres d'intérêt en commun. Et c'est encore vrai aujourd'hui. Et du coup, oui, alors, moi qui étais quelqu'un de très dynamique, j'aimais beaucoup les randos, j'étais assez sportive, je faisais... Bon, ben, avec l'état de mon corps qui s'est dégradé, j'ai été obligée de trouver d'autres centres d'intérêt, d'autres loisirs. Et par exemple, ça a été... Une de mes grandes découvertes et que Emeline partage avec moi, c'est le journal créatif. Alors, j'invite les gens à aller voir. C'est Anne-Marie Jobin qui a créé ça. Et en fait, c'est à la fois un mélange de journal intime, tu vois, un endroit où tu peux décharger tes émotions, et un mélange de peinture, collage, crayon, quelque chose qui met de la couleur, qui met de la matière. Et ça, par exemple, typiquement, c'est quelque chose qu'on partage avec... Avec Emeline, c'est quelque chose qui ne me demande pas beaucoup d'efforts physiques. Il y a beaucoup de lectures aussi qu'on partage. Elle est grande mais je continue à lui lire des livres, des romans, genre les tomes de Harry Potter.
- Giulietta
Il n'y a pas d'âge pour ça.
- Marie
Oui, c'est clair.
- Giulietta
Une belle activité à partager.
- Marie
Oui, c'est clair. Et puis, il y a aussi beaucoup de choses autour du corps. Alors moi, j'avais dans mon métier, déjà, j'étais en formation et je suis toujours autour de la sphère génitale et puis de tout ce qui est féminin. Et puis, ça s'est ouvert à quelque chose de plus global sur la santé sur l'équilibre du corps et tout ça. Je suis passionnée par ça et c'est des choses que je peux lui transmettre. Donc on a aussi beaucoup de temps à deux, toutes les deux, des temps de pratiques corporelles en fait. Pour aller dans la détente, pour rencontrer son corps, mieux se connaître, prendre soin. Je pense que ça c'est quelque chose que la maladie a amené en plus dans nos vies. Moi je prenais beaucoup soin des autres sans trop prendre soin de moi. Et maintenant je suis bien obligée de prendre soin de moi avant de prendre soin des autres. Et du coup, c'est quelque chose que j'essaie de lui transmettre. Comment prendre soin d'elle-même et de son corps dès maintenant.
- Giulietta
Ce qui est super important.
- Marie
Oui.
- Giulietta
Et malheureusement, c'est des choses, effectivement, qu'on découvre sur le tard, sur le fait de prendre soin de soi. Je suis un peu comme toi, où j'avais oublié que j'existais. Et effectivement, la maladie, en imposant, qu'on ralentisse parfois le tempo, ça peut permettre aussi de se rendre compte qu'il faut se ménager. Et effectivement, si tu peux lui transmettre ça, c'est important et c'est des valeurs qui sont essentielles. Ça ne veut pas dire qu'on est égoïste, mais ça veut juste dire qu'on est à l'écoute de soi.
- Marie
C'est très précieux parce qu'on n'a qu'un corps et on s'en rend compte quand il commence à dysfonctionner. Et je pense qu'il y a beaucoup de maladies qui se font le nid dans un corps qu'on a poussé à bout, qu'on a affaibli, qu'on n'a pas écouté pendant des années. En tout cas, pour moi, ça a été clair. Donc la prévention, je pense que c'est la meilleure des médecines. C'est un petit peu tard pour moi en gros, mais si je peux le transmettre, c'est déjà pas mal.
- Giulietta
Oui, c'est important. Lorsqu'on avait échangé, je crois que c'est dans le mail dans lequel tu m'avais écrit, tu m'avais expliqué que tu écoutais des podcasts, un petit peu pour avoir une espèce de bibliothèque dans laquelle piocher et... trouver des points de référence, pas nécessairement sur la maladie de Lyme, mais sur des rapports à la maladie, au handicap, etc. Et lorsqu'on a échangé de vive voix, tu avais évoqué la question de comment se réinventer dans un contexte de maladie. Tu m'avais parlé du fait que pendant très longtemps, tu étais dans la perspective où il y a eu un stop imposé par ta maladie et tu espérais reprendre ta vie d'avant à un moment. J'avais eu le sentiment, lorsqu'on avait papoté, que tu étais en train de changer un petit peu ce point de vue-là et que tu te posais la question justement de te réinventer avec cette maladie. Où est-ce que tu en es de ce cheminement-là ?
- Marie
Oui, en fait, effectivement, toujours dans le registre de... Je n'écoute pas mon corps. Quand la maladie est arrivée, ça a été fort et très violent. Mais j'étais dans l'idée que, bon, allez, dans six mois, je reprends le boulot. Et en fait, de six mois en six mois, tout le temps, je me disais "Oh, mais ça va aller à Noël, blablabla". Et en fait, je pense que c'était aussi une forme de déni. Je pense que je suis restée très longtemps dans ce déni-là. Trois ans et demi, peut-être. Alors, je ne sais pas, ça a mûri. Après, je fais aussi un travail psychologique de mon côté. J'avais commencé une thérapie individuelle avant la maladie. Et puis, je l'ai poursuivie parce que c'est très précieux justement dans cet accompagnement-là qu'elle peut m'offrir dans cette acceptation, en fait, de la maladie. Le deuil de la personne que j'étais et que je ne serai plus. Et c'est vrai que je suis restée longtemps dans cette idée de "Ok, ça m'a mis un gros stop dans mes projets de vie, dans mes projets familiaux, dans mes projets professionnels, mais ce n'est pas grave, je mets tout en stand-by et je vais la reprendre". Et ça, ça m'a duré des années. Et puis là, comme en hiver, il y a eu comme quelque chose à l'intérieur de moi qui s'est dit "Mais en fait, tu ne pourras pas reprendre ce que tu avais posé là, tes petits bagages là, posés sur le bord du quai. En fait, le train, il est parti, toi, tu es dans une autre gare. Donc c'est mort, en fait. Tu ne peux pas reprendre les choses comme tu les as laissées". Et du coup, voilà, ce questionnement de "Alors, si je ne fais pas tout ce que j'avais prévu comme projets, qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui ?". D'autant qu'aujourd'hui, si je prends en compte mon état, ça me limite, ça me limite et ça me frustre dans tellement de choses que j'avais envie de faire. Et je crois que c'est à ce moment-là que j'ai commencé à chercher des podcasts et des témoignages, parce que je me suis dit "Mais comment ils font les autres ?" Et puis en conscience aussi que je ne suis pas la plus à plaindre, qu'il y a bien pire, bien plus douloureux comme existence et comme challenge à relever. Et ouais, moi je suis avec ce questionnement-là de, quelle va être ma vie si je prends en compte mon état de corps aujourd'hui, que je ne me projette pas dans quelque chose de... Et je l'espère encore quand même, j'espère encore guérir, j'espère améliorer ma condition de vie. Mais j'ai compris aussi à travers cette maladie que j'ai zéro contrôle là-dessus. Et que peut-être je vais devoir me résigner à cet état de corps en fait. Donc, je crois que dans les podcasts, c'est ça aussi que je cherchais. C'était des pistes de réflexion, voir comment les gens pouvaient rebondir et puis changer complètement de vie, de plans, et comment on gère cette frustration, cette colère, cette impuissance que j'avais. Donc voilà, je suis en recherche. Et en même temps, tous ces podcasts, ils m'ont fait un bien fou : de ne pas me sentir seule, de voir aussi que la façon dont j'essaye de gérer mon quotidien dans une recherche d'équilibre. Comme je disais tout à l'heure, il y a plein de monde qui a aussi cette stratégie, et puis ça m'en donne d'autres. On est tous différents, on a toutes des stratégies différentes, et ça m'a enrichie à ce niveau-là. Donc aujourd'hui, je dirais que je suis dans une période de transition entre "Je sors du déni : ok j'accepte c'est là et ça va peut-être rester là pendant encore très longtemp"s donc je vais devoir vivre avec et ça c'est nouveau pour moi dire "je vais devoir vivre avec" donc je sors du déni. Je suis dans cette phase là mais en même temps je suis pas et peut-être que j'y serai jamais dans cet endroit d'acceptation pleine et entière où c'est ok. Parce que c'est hyper dur d'être ok avec le fait d'avoir une vie, une moitié de vie en fait. Moi j'ai l'impression que j'ai 44 ans et que j'ai une moitié de vie. Donc je ne sais pas si un jour je serai ok avec ça. Mais en tout cas j'essaie d'y amener de la douceur, de m'amener de la douceur déjà. Quelque chose que j'ai beaucoup travaillé, c'est d'arrêter de penser que c'était de ma faute, d'arrêter de penser que je n'en fais pas assez. Donc déjà, amener de la douceur par rapport à moi-même. Et effectivement aussi me réinventer un peu comme on disait tout à l'heure, comment j'ai dû réinventer ma parentalité, en amenant des activités différentes, en faisant des choses différentes avec ma fille, autres que ce que je partageais avec elle avant. Ben voilà, peut-être que professionnellement, peut-être que je ne pourrais plus travailler, parce qu'effectivement, déjà le quotidien c'est juste... énorme et je ne peux pas toujours le maintenir à flot. Donc en plus, même si ça devait être qu'une heure ou deux de travail par jour, je ne vois même pas comment je pourrais le gérer. Donc peut-être que je ne pourrais plus jamais contribuer comme ça avec mon travail, mais peut-être que bénévolement, peut-être qu'il y a des choses qui vont... Je ne sais pas, je suis vraiment en recherche par rapport à ça, parce que parmi les renoncements qui sont difficiles dans la maladie...... Pour moi, renoncer à travailler, parce que j'aimais mon travail, parce que j'avais aussi cette sensation d'être utile, d'amener quelque chose à des personnes, à d'autres, ça c'est un très grand renoncement qui m'est très difficile. Ne pas contribuer, ne pas participer au monde, pour moi c'est difficile.
- Giulietta
Oui, je comprends. Effectivement, sur le fait de se réinventer et d'avoir un rapport plus apaisé à la maladie, j'ai l'impression que parfois on est abreuvés de témoignages fascinants de personnes qui ont... tout revu, rebattu les cartes. Et je ne critique pas du tout, je pense notamment, je ne sais pas si tu vois qui est Olivier Goy, qui a la maladie de Charcot. Il me semble que c'est un entrepreneur assez connu et qui avait eu une vie pleine de réussite. Et puis la maladie de Charcot s'est déclarée : actuellement, il n'est plus en mesure de parler. C'est quelqu'un de très optimiste et vraiment, il a un visage rayonnant. Et il délivre des messages qui sont très, très beaux où il explique que... Sa vie n'est pas que frustration, elle est différente. C'est des super beaux témoignages, mais ça met aussi beaucoup la pression pour des personnes qui sont confrontées à la maladie, qui peuvent rencontrer de la frustration, de la colère, plein de sentiments qui sont tout aussi légitimes. Si moi, je reprends mon parcours à l'époque, donc j'ai fait un déni comme toi, il a duré 7 ans, après j'ai été en colère, etc. En fait, je le vois plus comme un chemin que comme un endroit où tu arrives et tout d'un coup tu te sens bien. On en avait parlé. La plupart du temps, je vis bien avec. Et puis après, parfois, j'ai des moments de colère, d'angoisse. Et effectivement, on avait parlé de la possibilité de faire une rechute et de ne pas s'en vouloir. Ce n'est pas parce qu'on met tout en place pour que ça se passe au mieux que si jamais il y a une poussée ou une crise, c'est de notre faute. Mais effectivement, je suis d'accord avec toi sur le fait d'essayer d'être doux la plupart du temps pour se préserver. C'est vraiment très compliqué d'avoir un rapport bienveillant avec soi-même alors qu'on est déjà, comment dire, quand même bien mis à mal par la maladie. Et en plus, il faut faire l'effort supplémentaire de rester douce envers soi. Sur le rapport au travail, tu m'avais longuement expliqué ta situation. Est-ce que tu te sens à l'aise pour en parler ou pas, vu que c'est un sujet un petit peu délicat ?
- Marie
Oui, mais en même temps, je pense très important d'un point de vue... social et politique. Donc moi, j'étais salariée, j'ai créé mon entreprise, mais je l'ai créée au sein d'une coopérative d'entreprises. Donc j'ai eu un statut de salariée. J'ai quand même eu cette chance-là, avant de tomber malade, j'avais ce statut. Donc j'ai eu des arrêts maladie qui ont été entrecoupés parce que de temps en temps, j'essayais quand même, toujours dans ce sort de déni de revenir au boulot. Et bref, en gros, j'ai eu, à un moment donné, plus d'un an d'arrêt maladie, évidemment, donc indemnisé. Et puis, au bout d'un an, je suis passée devant le médecin de conseil qui m'a gentiment dit que c'était terminé parce que cette maladie, elle n'est pas reconnue. Donc, aux yeux de la société, aux yeux de la sécurité sociale, je ne suis pas malade. Donc il y a un an, ils m'ont arrêté les indemnités du jour au lendemain. Je n'ai plus eu de revenus. Donc mes indemnités, elles n'étaient pas bien grandes, elles étaient complétées par une moitié de RSA déjà à l'époque. Donc quand les indemnités se sont arrêtées, je me suis retrouvée avec 400 euros pour vivre pendant plusieurs mois avec ma fille. Et là, ça a été un choc. Parce que je me suis dit, mais on est en France, alors on a beaucoup de droits, je dis par rapport à d'autres pays, je ne renie pas du tout ce qu'on a, on a déjà de la chance par rapport à certains droits. Et en même temps, il y a des moments de vie et des situations où on est dans la précarité et où clairement, à partir du moment où on ne répond pas à des cases, où on n'est pas au bon endroit, il n'y a rien pour nous. Et moi, à ce moment-là, ce qui m'a sauvée, ça a été les associations, les Restos du Coeur, la Croix-Rouge. C'est eux qui nous ont donné à manger. Et moi, je trouve ça aberrant qu'à l'heure d'aujourd'hui en France, on puisse en arriver là, en fait. Ça a été compliqué. Ça a été compliqué parce que, quand on parle de culpabilité, en tant que parent, déjà, comme je le disais tout à l'heure, par rapport aux activités et tout ça, on a... Là, j'ai eu une culpabilité énorme de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de ma fille. Je veux dire, c'est un besoin primaire, manger, se chauffer. Ça a été très dur, comment on dit, pour mon orgueil, pour ma fierté. Et de devoir aller demander de l'aide à des associations caractatives, ça m'a appris beaucoup, ça apprend l'humilité. Et encore, moi je suis parmi des personnes qui ont une famille autour, qui ont des amis. Donc voilà, on m'a fait des paniers de courses, j'ai été soutenue à des endroits où je sais que d'autres personnes peuvent ne pas l'être. Donc après cette situation elle s'est un petit peu arrangée au niveau, j'ai rencontré un assistant social qui nous a aidées et donc j'ai pu avoir un RSA à taux plein. Donc aujourd'hui je vis avec le RSA à taux plein, bon c'est 700 euros pour les deux, c'est pas énorme et pour pouvoir subvenir à nos besoins je tape dans des économies que j'ai. Parce que quand, il y a 4 ans, 4-5 ans, j'ai vendu une maison, donc j'avais pas grand-chose, j'ai beaucoup de crédit à rembourser. Mais voilà, du coup j'avais un petit pécule qui fond à vue d'œil. Au bout de 4 ans, j'en ai déjà presque plus en fait, et là ça pose la question de l'avenir quoi. Si effectivement d'ici un an, deux ans, je reprends pas le travail, qu'est-ce qui va se passer pour nous en fait ? Parce que... Aujourd'hui, avec le RSA, ce n'est pas suffisant pour couvrir nos besoins. Et on est vraiment des personnes quand même assez économes, toutes les deux, avec ma fille. Mais bon, voilà, la vie, elle est ce qu'elle est, elle est chère. Et puis, un autre aspect aussi de ces maladies-là, qui sont à long cours et bien souvent pas reconnues aussi, c'est les traitements qui ne sont pas remboursés, du coup. Donc sur ce petit budget-là, moi je suis obligée de prendre 150, des fois 200 euros par mois pour me soigner, pour acheter des médicaments en fait. Ils sont prescrits par le médecin mais pas remboursés. Donc ça greffe énormément le budget. Pendant un temps, j'ai eu beaucoup de soins aussi en Ayurveda par exemple, qui est une médecine qui m'a beaucoup aidée. Au niveau des massages, quand j'avais des douleurs insupportables au niveau des jambes, c'était presque vital en fait. Et c'est pareil, c'est un coup énorme. J'ai eu la chance de faire une petite retraite de trois jours avec des massages, une alimentation correcte et tout ça. J'avais tellement moins de douleur après pendant 15 jours. Mais c'est des choses qu'on ne peut pas se permettre d'en faire souvent. Et pourtant, peut-être que ça nous permettrait de sortir plus vite de la maladie. C'est un cercle vicieux en fait. Oui, c'est ça. C'est le serpent qui se mord la queue en fait. t'as pas d'argent, tu peux pas te soigner, bah tu peux pas te soigner du coup tu peux pas te travailler, bah tu peux pas te travailler t'as pas d'argent et vas-y, voilà c'est dans un truc qui s'enferme en fait.
- Giulietta
Il y a une difficulté liée à la maladie de Lyme sur laquelle tu mets le doigt qui est que pour l'instant c'est peu ou pas adressé en France, comme je l'ai dit au début de l'épisode, on met beaucoup l'accent sur la prévention et la prise en charge des patients s'ils sont détectés assez tôt, mais si en revanche la maladie se développe et que le traitement antibiotique est pas pris à temps... Il y a peu ou pas d'initiatives qui existent. En fait, là j'ai consulté les documents de la Haute Autorité de Santé. Il y a un parcours de soins qui est très bien défini pour le début de la maladie, mais le but c'est d'enrayer la maladie au plus tôt. En revanche, il n'y a absolument rien sur comment vivre avec cette maladie et faire en sorte de mettre en place un parcours de soins adapté. Pour comparer avec ma situation à moi, donc j'ai une sclérose en plaques, c'est considéré comme une affection longue durée. Ce qui veut dire que... Tous mes soins sont pris en charge par la Sécurité sociale et je n'ai pas à justifier de quoi que ce soit une fois que le diagnostic est posé. À la différence, dans ton cas, tu peux avoir des traitements qui sont prescrits par ton médecin, mais le fait que tu aies la maladie de Lyme ne débloque pas de remboursement. J'ai écouté un épisode de podcast, c'est un podcast qui s'appelle Vodka Piscine, sur les douleurs chroniques et il y a une patiente qui a la maladie de Lyme qui parle du fait qu'elle prend un traitement antipaludique. Et en fait, vu que la maladie de Lyme n'est pas reconnue par la Sécurité Sociale pour pouvoir permettre un remboursement, elle doit le financer elle-même et c'est extrêmement cher. En cherchant un petit peu, j'ai vu que c'est des sujets qui sont débattus au niveau du Sénat et le ministère des Solidarités et de la Santé a dit que la maladie de Lyme pouvait faire l'objet d'une ALD, donc affection longue durée, hors liste. Ça impliquerait pour le patient de constituer un dossier, d'avoir des éléments attestants du fait que la maladie impacte sur sa qualité de vie. Ça demande énormément de charge mentale de constituer un tel dossier et ça nécessite d'avoir une équipe médicale très soutenante, ce qui rend tout très compliqué. Toi actuellement, quelle est ta prise en charge côté médical ? Comment ça se passe ?
- Marie
Alors moi, je suis prise en charge par mon médecin traitant qui s'est beaucoup enseigné. qui de fait s'est presque spécialisée dans la maladie de Lyme parce qu'elle a eu affaire à beaucoup de personnes et elle m'a prescrit effectivement des médicaments qui sont des antibiotiques et des ATBS. Donc les ATBS, c'est un peu comme les antibiotiques,
- Giulietta
c'est de ce que j'ai compris.
- Marie
C'est comme les antibiotiques, mais avec un plus large spectre. Ça va sur les bactéries, les champignons, les parasites, les virus. Donc ce traitement-là qui n'est pas remboursé. J'ai fait plusieurs hospitalisations de jour pour avoir des bilans complets, pour être sûre que ce n'était pas autre chose aussi, parce qu'en fait, cette maladie, d'abord, elle n'arrive jamais seule. il y a toujours des co-infections. Elles dégradent aussi beaucoup le système intestinal. Donc, du coup, voilà, vérifier qu'il n'y avait rien ailleurs, parce que pareil, moi, j'ai souffré de beaucoup de confusion mentale à un moment donné, en plus des migraines. Donc, vérifier qu'il n'y avait rien dans le cerveau, tout ça. Enfin, voilà, ça, ça a été un peu plus pour éliminer les pistes. Moi, je n'ai pas de diagnostic aussi. Ça, c'est quelque chose qui est important à dire, c'est qu'en France, au niveau du diagnostic, déjà, c'est compliqué. parce qu'il n'existe que deux types de sérologie, dont une auquel on n'a même pas accès facilement. Et ces sérologies-là, elles font source de débats au sein du médical, parce qu'elles sembleraient qu'elles ne soient pas assez sensibles. Elles ne détecteraient que 5% des personnes qui sont atteintes de la maladie. Donc du coup, moi déjà, j'espère... J'ai cette malchance de ne pas être dans ces 5%. Donc clairement, face au système français de santé, oui, pour eux, je n'ai rien. Parce que les IRM ne montrent rien dans mon corps, les bilans sanguins ne montrent rien, et pour autant, j'ai cet état de corps qu'on ne peut pas nier. Donc j'ai quand même la chance d'avoir un médecin qui me comprend, qui m'accueille là-dedans et qui essaye de trouver des solutions avec moi. La prochaine piste qu'on va explorer, c'est en septembre, j'ai un rendez-vous dans... dans un service de médecine interne. C'est une médecine qui... Bon, la médecine occidentale, elle est spécialisée par système, le système digestif, le système neuro, le système immunitaire, tout ça. Et la médecine interne, c'est quelque chose qui regroupe tout ça, en fait, et qui a une vision peut-être plus holistique, plus globale du corps, et qui est spécialisée dans les maladies un peu bizarres, un peu rares. Donc voilà, mon parcours de soins se résume à ça, en fait.
- Giulietta
que là, en fait, un des objectifs, c'est de trouver un traitement qui serait adapté et qui permettrait de réduire la présence de cette maladie dans ton corps et donc d'atténuer tes symptômes. Alors, dis-moi si je me trompe, mais il y a des possibilités, du coup, que tu retrouves si jamais le traitement adéquat était mis en place, que tu retrouves une vie quotidienne plus agréable, où tu aurais plus de capacités. Je ne sais pas si on peut parler de rémission ou de guérison dans le cas de la maladie de Lyme.
- Marie
Je pense qu'on parle plutôt de rémission. Pour les témoignages que j'ai pu côtoyer auprès de moi, des amis qui ont eu cette maladie, à partir du moment où tu trouves le traitement qui te convient à toi, parce que c'est ça la difficulté, c'est de trouver vraiment celui qui convient à chacun, il semblerait que cette maladie, on peut la mettre en dormance. Elle est toujours là. Dans les moments de crise, elle va réapparaître. Par exemple, trop de fatigue ou un stress, un deuil, un déménagement. Du coup, on peut avoir des poussées. Mais moi, ce que je vois, même d'une amie à moi, elle a repris sa vie en fait et c'est reparti. Mais avec cette vigilance de faire plus attention peut-être que d'autres personnes à un certain équilibre dans le sommeil, dans l'alimentation, tout ce prendre soin qu'on a acquis, qu'on a appris dans la maladie. le garder après en fil conducteur. Oui, en fait, c'est ça l'objectif, c'est de trouver un traitement qui puisse diminuer les symptômes, enfin, diminuer, ce n'est pas les symptômes qu'il faut diminuer, mais diminuer la charge bactérienne suffisamment pour qu'il n'y ait plus de symptômes, en fait. Ce qu'il faut garder en tête aussi avec cette maladie, c'est que c'est une maladie qui peut aller dans le mauvais sens. C'est-à-dire que... Si je ne prends pas de traitement, et des fois je fais des pauses par rapport à l'argent, ce qu'on disait, je suis contrainte à faire des pauses, soit par rapport à l'argent, soit par rapport aux effets secondaires que peuvent amener les traitements, parce qu'ils ont des effets secondaires très forts. Mais pendant que je fais des pauses, la maladie, elle gagne du terrain en fait. Et c'est une maladie qui peut aller très loin. Il y a des personnes qui peuvent finir en fauteuil roulant, qui peuvent perdre la vue, on peut perdre la vue, on peut perdre... toutes ses capacités cognitives, elle est grave en fait cette maladie, elle peut être grave en fait. Donc, moi, l'idée, aujourd'hui, oui, j'ai des traitements qui ne me permettent pas d'avoir une vie encore adéquate, mais au moins, ça me maintient dans un niveau où j'espère que ça ne donne pas trop d'avancée à la maladie.
- Giulietta
Effectivement, sur la dimension financière, tu m'avais expliqué qu'il y a les traitements qui sont prescrits par les médecins, tu as également des compléments alimentaires, etc. Et en fait, effectivement, ça représente un budget qui est conséquent. en soi, mais compte tenu du fait que vous êtes deux à vivre sur tes économies, puis sur la RSA, ça devient franchement compliqué, et que parfois tu devais faire des choix et mettre de côté éventuellement des choses qui pourraient entrer dans le cadre du traitement de ta maladie.
- Marie
Oui, clairement. Les compléments alimentaires, par exemple, c'est un très bon exemple. En fait, on pourrait se dire, bon, ça, on n'en a pas besoin, mais en fait, la maladie... mange tellement d'énergie à l'intérieur et mange tellement de choses dans mon corps que concrètement aujourd'hui même tu vois je suis dans une rechute depuis quelques mois alors c'est ce qu'on disait tout à l'heure pourquoi comment qu'est ce que j'ai fait qu'est ce que j'ai pas fait j'en sais rien j'ai rien il s'est rien passé de suspect j'ai rien changé à mon régime alimentaire j'ai rien changé à mes traitements mais à un moment donné voilà il y a un truc qui est hors contrôle et donc je suis dans une rechute depuis quelques mois aujourd'hui je fais 41 kg pour en mettre 60 Donc les compléments alimentaires sont presque vitaux. Je me déminéralise. Il y a vraiment besoin d'apporter un supplément au corps à ce moment-là parce qu'il est épuisé. C'est des choses où je suis obligée de faire des choix. Je ne peux pas tout parce qu'il y a un budget trop énorme. Ce que je te disais tout à l'heure par rapport à la médecine ayurvédique, c'est pareil, ça m'apporte un vrai confort de vie. Hier, je suis allée chez l'ostéopathe, c'est pareil, c'est un coup. Mais en fait, je perds de la masse musculaire, je perds du poids, je perds de la masse musculaire. Mes muscles ne tiennent même plus mes vertèbres, tu vois. C'est des trucs tout bêtes, mais tu sais, c'est comme quand on se fait des fractures de fatigue. En fait, c'est pareil. Là, le corps, il est tellement épuisé, il n'a tellement pas assez de ressources que les vertèbres n'atteignent pas l'inier, par exemple. Du coup, ça se déplace. Du coup, c'est obligé d'aller me faire un soin. Tout ça, c'est hors budget, en fait. Complètement hors budget.
- Giulietta
Oui. D'où le fait, justement, de bien rappeler cette dimension à la fois politique et économique qui est super importante d'accompagner correctement les patients. Et il y a effectivement tout ce qui est prise en charge médicale, donc avoir un diagnostic qui est posé, bénéficier du traitement adapté. Mais il y a tous les à-côtés, en fait, qui font que quand on est parfois dans... confronté à la maladie ou handicap, c'est difficile de faire face à tous les plans et ça touche vraiment toutes les sphères de la vie.
- Marie
Oui, et c'est un peu ce que tu disais aussi tout à l'heure, cette histoire de papier, c'est pareil, c'est le parcours du combattant ajouté à déjà ton combat quotidien pour te lever, faire à manger, s'occuper de ta fille et tout ça. En plus, il faut faire des dossiers pour se faire reconnaître, en plus, il faut expliquer, en plus, il faut se justifier. C'est beaucoup d'énergie. beaucoup d'énergie, alors que s'il y avait une reconnaissance, ce serait tellement plus simple, tellement plus facile, déjà physiquement, dans toute cette énergie qui ne serait pas perdue, mais aussi et tout ce temps qui ne serait pas perdu, mais aussi moralement, émotionnellement. Parce que déjà, tout ce qu'on disait par rapport au deuil, l'acceptation, de se retrouver diminuée, de se trouver vraiment dans des endroits compliqués. Si en plus, en face, il y a des gens, que ce soit des médecins, donc de l'entourage, qui te disent Ah, mais allez, vas-y, c'est dans la tête. Non, mais c'est une question de volonté. C'est hyper dur, en fait. Ça rajoute… C'est la double peine, en fait. Déjà, ton corps, il fait pas ce que tu veux. Il te tient pas debout, mais en plus, on te dit que tu devrais faire mieux, tu devrais faire plus. C'est ta faute, c'est dans ta tête. C'est hyper dur. C'est très, très bon. Et la reconnaissance de la société, il y a tout cet enjeu-là, il y a l'enjeu financier, et puis il y a l'enjeu psychique, en fait, et émotionnel, d'être reconnue là-dedans.
- Giulietta
Oui, parce que j'ai écouté le fameux épisode de podcast sur une personne qui témoignait de la maladie de Lyme, et en fait, elle expliquait qu'au début de son parcours de soins, on lui a expliqué qu'elle était folle, et on lui a prescrit des antidépresseurs en lui disant... Bah, on n'arrive pas à identifier ce que vous avez, a priori c'est dans votre tête. Ce qui n'est toujours pas très adapté. Alors qu'elle avait des symptômes concrets et qu'elle avait des douleurs intenses. Et effectivement, moi je n'ai pas été confrontée à ça parce que ma maladie me permet d'être prise en charge. Et donc je suis considérée comme étant en situation de handicap de facto. Mais je présume que sur le fait de devoir constituer un dossier pour bénéficier de cette affection longue durée hors liste. Il y a une forme de violence symbolique aussi, à devoir justifier devant un personnel médical de ses symptômes, de devoir se justifier, alors qu'en fait, il ne devrait pas y avoir de justification. L'impact dans ta vie, il est bien là. Donc, c'est très violent.
- Marie
Oui, clairement. Et ça rejoint une réflexion que je me suis faite. J'ai entendu un témoignage qui allait un peu dans le sens que tu décris, où cette personne-là, elle avait fini, dans ce que j'avais entendu moi, elle avait fini par penser Ce que les autres disaient d'elle, en fait. Ils disaient Oh, mais toi, t'es fragile. Oh, mais toi, t'es trop ceci, t'es trop cela. Et elle avait fini par penser ça d'elle. Et bon, c'est une personne qui, heureusement, a pu guérir. Et donc, retrouver son dynamisme et retrouver sa joie de vivre. Alors qu'en fait, on l'avait catégorisée comme étant dépressive et fatiguée tout le temps. Et pas volontaire, en fait, pas dynamique. Et moi, des fois, je suis vigilante à ça, en fait. Parce que... Parce que ça va vite, en fait, de s'autocritiquer ou de se mettre des étiquettes, soi-même ou les autres. Ah ben ouais, mais toi... Ben non, en fait. Et pour ça, mes amis m'aident beaucoup, parce que ceux qui m'ont connue avant la maladie, ils savent, en fait, ils savent qui je suis au fond, ils savent à quel point je suis combattante, à quel point je peux être au bout d'entraînement, à quel point je peux avoir de la force et déplacer des montagnes et faire plein de choses. Et ils m'aident des fois à me rappeler ça, en fait. que ouais en fait non c'est pas moi cet état là c'est pas moi c'est la maladie et il y a tout un chemin que je suis en train d'apprendre et de faire avec ma thérapeute souvent moi je dis je suis malade mais en fait c'est j'ai une maladie en fait moi je m'identifiais beaucoup à ça je suis malade et encore des fois c'est une vraie gymnastique pour moi de sortir de ça parce qu'en fait Là, depuis quatre ans, la maladie, elle me définit. Et je me définis à travers elle, tu vois, presque. Dans ce truc, dans cet état de faiblesse. Ben non, en fait, je ne suis pas ça. Par contre, on m'a mis quelque chose dans les pattes qui m'a fait trébucher et qui fait qu'aujourd'hui, je ne suis plus au même endroit qu'avant. Mais pour autant, j'aime à penser que finalement, ma force, elle est encore là. Et c'est un peu ce que je disais tout à l'heure, et c'est ce que me rendent aussi mes amis, ma thérapeute. Donc, toute la force que je peux déployer pour continuer à éduquer ma fille au quotidien, toute seule, avec cette charge de maladie, waouh, c'est qu'elle est quand même là, tu vois, la force. Même si je suis allongée au fond du lit.
- Giulietta
Oui, c'est marrant, effectivement. Avec ma psy aussi, on avait travaillé sur le avoir une maladie versus être malade. Et c'est marrant, j'enregistrais un épisode il y a deux semaines avec Tevi, qui a un trouble schizoaffectif, donc c'est un trouble psy. Et toutes les deux, en fait, on a en commun de percevoir notre maladie comme une compagne de vie ou quelqu'un qui s'est ajouté à notre quotidien. Et en tout cas, je me retrouve dans ce que tu dis, de dire que ça a quelque chose d'apaisant, enfin, toute proportion gardée. Mais effectivement, je me sens plus à l'aise dans la perspective de me dire que j'ai un poids que je me trimballe avec moi, plutôt que de dire que c'est moi qui suis malade. Et du coup, les questions que ça avait soulevées moi à l'époque, c'est comment est-ce qu'on cohabite ensemble et comment on se laisse des espaces mutuels. Et donc effectivement, le fait de se préserver, de faire attention. Je me retrouve beaucoup dans ce que tu dis, avoir une maladie, ça peut soulager sur le plan psychologique.
- Marie
Dans le livre dont je parlais tout à l'heure pour enfants, c'est illustré de cette façon-là. Elle a appelé la maladie chromie. Il y a maman, il y a chromie. Ce ne sont pas deux entités différentes. Comment on vit dans la sphère familiale avec ça ? Moi, quelque chose qui m'avait aussi beaucoup aidée au tout début de la maladie, quand j'étais dans ma formation. en gynécologie holistique, j'avais appris que dans la lenteur, tout le travail qu'on peut faire autour de la faciathérapie et tout ça, Dans la lenteur, les organes se régénèrent. Tu vois, dans le repos, les organes se régénèrent. Et moi qui, du coup, à ce moment-là, étais contrainte à beaucoup de repos, tu vois, je me disais, OK, je vais vivre ma fatigue comme si c'était une amie, en fait. En fait, elle est là pour m'aider, en fait, la fatigue. Elle est là, comme tu dis, toi. Ce sont des signaux d'alarme, en fait, tu vois.
- Giulietta
C'est pour dire,
- Marie
OK, là, ton corps, il a besoin d'autre chose, en fait. Et du coup, j'ai essayé de garder cette image-là et de me dire, "OK, c'est mon amie, elle est là pour me dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas", donc je me repose, après ça ira mieux. C'est pareil, c'est un mécanisme mental. Il y a des jours où ça va et puis il y a des jours où tu es as juste par le bol.
- Giulietta
L'épisode se termine déjà. J'espère que les mots de Marie vous auront touchés autant que moi. En amont de l'enregistrement, Marie et moi n'avions échangé qu'une seule fois, en visio. Je suis donc d'autant plus impressionnée par la confiance qu'elle m'a accordée. et tout ce qu'elle a partagé au cours de cet épisode. Bien évidemment, j'ai été très émue par les mots concernant sa fille. Voir ses capacités diminuer est difficile à accepter sur le plan individuel, mais c'est d'autant plus compliqué lorsque cela impacte également nos proches. Malgré les sujets difficiles abordés, à la réécoute de l'épisode pour le montage, je trouve quelque chose de lumineux dans les propos de Marie, qui avance doucement mais sûrement. Je me retrouve dans ce qu'elle dit sur le fait de ralentir et d'apprendre à se connaître. Vous commencez à être rompus à l'exercice, mais je suis convaincue que la maladie ou le handicap posent certaines questions qui recomposent le rapport que nous entretenons avec nous-mêmes. Avant de vous laisser, quelques mots sur l'anomalie. L'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins, dans lequel je mets toute mon énergie et mon amour, et où il s'agit d'un projet bénévole. Le meilleur des soutiens est donc de laisser un avis sur votre plateforme d'écoute préférée, voire même de laisser un commentaire. Cela donne plus de visibilité. au podcast et c'est l'occasion de valoriser le travail de petites mains que je réalise. Vous pouvez également m'écrire sur Instagram à lanomalie.media Je suis toujours ravie de vous lire et d'avoir vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects. Rendez-vous dans les prochaines semaines pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.