- Speaker #0
Moi, j'ai beaucoup caché. Les premières années, je les ai vécues toutes seules, sans me demander d'aide, pas trop, parce que j'avais beaucoup de fierté, que c'était compliqué pour moi d'offrir, même à mon entourage, la vulnérabilité.
- Speaker #1
Bonjour et bienvenue sur l'Anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Alors aujourd'hui, une introduction un petit peu différente que les autres pour cet épisode, qui n'en est pas vraiment un. C'est en fait la suite de la discussion avec Marie. Lorsqu'on a terminé l'enregistrement, j'ai pris le temps de voir avec elle comment ça allait, puisque déjà nous étions à distance. Et par ailleurs, les sujets évoqués avaient été particulièrement difficiles. Il y a eu des moments où Marie a été très émue. À la base, la question, donc je l'ai coupée au montage, c'était simplement comment ça va et comment tu te sens. Et ça a ouvert la porte à une discussion passionnante qui m'a semblé importante de partager sur le rapport à la maladie. Je l'ai mis à part parce que pour moi, on parle... Pas de la maladie de Lyme en soi, on ne parle pas des symptômes liés à la maladie de Lyme, on parle plus de la condition en tant que personne vivant avec une maladie ou avec un handicap. Et pour moi, c'est vraiment une discussion qui se tient seule. Pour introduire très rapidement la discussion, on parle notamment du fait de se débarrasser de la honte, du fait de parler, pourquoi est-ce que c'est important d'écouter des témoignages, pourquoi est-ce que c'est important de témoigner. Et puis... Dans quelle mesure on peut se débarrasser de ce sentiment de honte que je pense qu'on a toutes et tous ressenti dans le cadre de la maladie ou du handicap si on vit avec ce compagnon de vie un petit peu lourd à déplacer. Donc voilà, je vous laisse avec cette discussion.
- Speaker #0
C'est un peu ce que je te disais dans ma lettre. Je suis contente si je peux participer à ton édifice. Parce que moi, quand je t'ai contactée, c'était avant tout pour te remercier. Parce que, voilà, à ce moment-là, j'avais vraiment besoin de témoignages, j'avais vraiment besoin de me sentir appartenir, enfin, pas appartenir, mais de sentir qu'il y avait d'autres personnes qui traversaient des choses similaires, qui pouvaient me donner des pistes. Ça m'a tellement éclairée, en fait, ça m'a vraiment soutenue, en fait, ton podcast, ton travail. Voilà, que du coup, j'ai eu cet élan-là, donc je me suis dit, si il y a un endroit où je peux contribuer, je veux bien, quoi, en fait. Je suis contente. Je te remercie du coup pour l'accueil de mon témoignage.
- Speaker #1
Grand plaisir, mais je trouve que tu as évoqué plein de choses. J'ai l'impression qu'on a évoqué des choses difficiles, mais que c'était important d'en parler. D'un côté, j'ai trouvé ça extrêmement doux aussi. Donc, c'était un beau moment.
- Speaker #0
Oui, c'est des choses difficiles, effectivement. Mais en même temps, le mettre à jour, déjà, ça fait du bien à la personne qui parle. Mais je pense aussi que ça fait du bien à d'autres. Moi, en tout cas, c'est pareil que le miroir. Ça me fait du bien quand je me reconnais dans des témoignages. Et quelque part, la vie, c'est un mélange de tout ça. C'est un mélange de toutes ces choses difficiles. Et en même temps, c'est quand même la vie avec ses moments de joie, ses moments de douceur. Il y a des moments de renoncement, mais en même temps, il y a des petites victoires. Et ça, c'est quelque chose que j'ai appris aussi ces dernières années. J'avais des objectifs de vie un peu comme tout le monde, tu vois, des trucs. Je vais faire ça, je vais travailler comme ça, je vais avoir une maison comme ça. Maintenant, mes objectifs, c'est de finir la journée, d'avoir répondu au besoin de ma fille. Mes victoires, maintenant, elles sont là-dedans, ce sont des petites victoires, dans mes petits objectifs, des petites victoires. Mais ça reste quand même des petites victoires. Et quelque part aussi témoigner aujourd'hui, pour moi, c'est aussi, je pense que c'est un pas de plus vers cette acceptation dont on parlait tout à l'heure. Moi j'ai beaucoup caché, les premières années je les ai vécues toutes seules, sans demander d'aide, pas trop, parce que j'avais beaucoup de fierté, et c'était compliqué pour moi d'offrir, même à mon entourage, la vulnérabilité. Et quelque part, le faire de façon publique aujourd'hui, c'est un chemin, c'est un pas sur ce chemin dont on parlait tout à l'heure. D'accepter qu'aujourd'hui, je suis cette personne-là. Aujourd'hui, c'est ma vulnérabilité et mes ressources, mes failles et ma force. Donc je te remercie, parce que ça compte aussi pour moi dans ce sens-là. C'est vraiment un pas. Même pas pour moi.
- Speaker #1
Avec plaisir, mais je me faisais la réflexion. Bon, alors moi, je n'ai pas témoigné. De fait, je n'ai jamais témoigné. Je donne la parole aux gens, mais je n'ai jamais fait la démarche de parler quelque part. La plupart des gens qui me contactent me disent que souvent, c'est une première, que c'est un parcours dans leur cheminement vers leur acceptation de leur situation. Il y a souvent beaucoup de... honte vis-à-vis d'un état de maladie, de handicap, etc. Et je réfléchissais et je me disais que je crois qu'on peut avoir honte des choses qu'on a faites sciemment, d'actes qu'on a faits. Je peux avoir honte, je ne sais pas, d'avoir eu un comportement pas sympathique, inadapté vis-à-vis de quelqu'un. En revanche, avoir honte de son état, on n'est pas responsable de ça. Et je n'ai pas de confusion à cette phrase, mais je me disais juste que c'était dommage de se censurer et de ne pas oser parler de ce qu'on traverse, alors qu'en soi, on n'est pas responsable de ce qui nous arrive. Et il n'y a rien de honteux à ce qui se passe, en fait.
- Speaker #0
Oui, clairement. Et je pense que ça fait partie aussi de tout ce cheminement dans l'acceptation. C'est déjà se débarrasser de la honte. C'est déjà un bon... Mon bon gros morceau. Oui,
- Speaker #1
qu'est-ce que tu veux ? Et un peu dans la même veine, enfin je ne sais pas si ça fera écho avec ce que tu ressens, mais de fait, d'échanger avec des gens, d'écouter des témoignages, parfois j'ai honte de certains symptômes que je peux avoir. Et en écoutant d'autres personnes, à aucun moment je les juge ou je me dis Oh là là ! plutôt généralement, j'écoute et je reçois ce qui est dit. Et du coup, je trouve que ça a quelque chose aussi de, parfois, je sais pas si le terme adapté c'est salvateur, mais de se confronter aux différences des autres, de se rendre compte que nous, dans notre perception, on les juge pas, et que du coup, on n'est pas digne, enfin, qu'à aucun moment, on devrait être jugé pour notre situation.
- Speaker #0
Oui, oui, et puis... C'est intéressant aussi de ce regard de... Enfin, moi, je connais bien ça de moi, à quel point je peux être dans l'accueil, dans la compassion, dans l'acceptation de ce qui vient de l'autre, et puis à l'inverse, pas de ce qui vient de moi, en fait. Alors qu'en fait, faire ce pas de côté, de se dire, mais moi, j'accueille quelqu'un qui vient me dire qu'il est triste, qu'il est malheureux, qu'il est fatigué, qu'il est en colère. Alors je peux être accueillie aussi là-dedans, et oser aller se montrer à l'autre dans ce qu'on est, dans l'authenticité. Mais même sans maladie, je crois que ça c'est un vrai travail et un bon parcours à faire, un vrai cadeau à se faire, et à faire aux autres.
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Du coup, la maladie, ça accélère dans notre difficulté ou dans le fait que ce ne soit pas très agréable à vivre quand même. Ça accélère beaucoup de réflexion.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
De fait, c'est ce que tu disais un petit peu. On est obligé, on est au pied du mur. Et donc, qu'est-ce qu'on fait de cette petite chape de plomb ? Comment est-ce qu'on vit avec ? Est-ce qu'on reste dans la frustration, la colère, la déception ? On essaie un petit peu de modéliser tout ça et de s'en accommoder comme on peut.
- Speaker #0
Et quand tu dis que ça accélère, j'ai eu cette réflexion très tôt que j'avais l'impression que ça avait accéléré ma vie. J'ai l'impression que... Là, aujourd'hui, avec ce que j'ai traversé, ce que je traversais encore dans mon corps, je crois que je peux toucher ce que c'est que la vieillesse du corps. Avec ses limites, avec ses renoncements, Oui, toute cette lenteur qui t'est imposée. Je me souviens, au début de la maladie, j'étais partie en vacances avec toute ma famille, avec ma grand-mère de 90 ans, tu vois. En fait, je faisais les mêmes choses qu'elle. J'étais au même endroit qu'elle, en fait. Et là, tu vois, ma grand-mère, c'est quelqu'un de très dynamique. Et elle a souvent laissé transparaître cette frustration à pouvoir faire ce qu'elle voulait faire. Là, tu vois, moi, j'ai touché du doigt avant mes 90 ans, quoi. Et dans un de tes podcasts, il y avait un homme qui parlait de ça, de cet endroit où la maladie peut nous amener à nous poser des questions sur la vieillesse, sur la mort, sur le porc qui se délite, c'est un mot un peu fort, mais qui vieillit, qui perd ses capacités. Et moi, je crois que ça m'a amené aussi encore plus de compassion. Et tu vois, je crois que je suis encore plus en capacité d'écouter maintenant la souffrance de quelqu'un d'autre, en fait, et de la comprendre peut-être un peu plus. Et même dans les petits jugements qu'on peut avoir très facilement, de ne pas juger les gens sur ce qu'on croit avoir d'eux, en fait. Parce qu'en fait, tu ne sais jamais ce qui se passe. Le propre de la maladie invisible, c'est ça. Moi, j'ai bonne mine. Je suis tout le temps dehors, alors j'ai bonne mine. On ne voit pas tout le temps que je suis malade. Là, on le voit parce qu'à ce moment-là, j'ai beaucoup maigri. Mais sinon, ça ne se voit pas tout le temps. Du coup, je fais attention à appliquer ça maintenant. Des fois, on te dit lui, tout va bien Non, tu n'en sais rien en fait. Tu ne sais pas ce qu'il vit, ni dans sa vie, ni dans son corps. La maladie m'a amenée aussi beaucoup à ça, à réserver mon jugement.
- Speaker #1
C'est ce que j'allais dire, ça ramène à une forme d'humanité, je trouve, dans le sens où on vit des choses qu'on n'est pas censé vivre et on est confronté à une forme de différence qu'on n'est pas censé voir. Et du coup, encore une fois, je n'essaie pas d'esthétiser la maladie ou de dire purée, mais ça m'ouvre des perspectives incroyables sur le monde et Dieu merci qu'elle soit là pas du tout. Mais ça enrichit un peu la réflexion. Pour donner un exemple, moi, c'était quand ? Il y a 3-4 mois, j'ai dû aller... consultée dans un service de neuro-urologie parce que j'ai des impatiences urinaires liées à ma maladie. Et donc, j'étais avec des gens qui ont des problèmes urinaires et typiquement qui peuvent se faire pipi dessus. Et déjà, quand je suis arrivée dans ce service, moi, j'avais honte de moi d'être là. Et je les ai tous regardés, à aucun moment j'avais envie de me moquer d'eux et de dire Oh là là, leur vie est pourrie parce qu'ils font de l'incontinence Et en fait, je me suis rendue compte qu'il y avait des gens pas beaucoup plus âgés que moi. Bref, il y a un monsieur qui avait sa sonde qui était mal posée, qui avait des fuites. Il s'est fait mal parler par le personnel médical à ce moment-là. Et ce que j'ai juste ressenti, c'est ce que tu dis, de la compassion, mais aucun jugement ou aucune pitié. C'est juste, je me suis dit, ben... Cette personne, elle a cette difficulté-là et je pense qu'on devrait un peu plus l'entendre. Et c'est vraiment ce qui m'a amenée aussi à avoir plus de douceur envers moi, de me dire, il y a ce dysfonctionnement-là chez toutes les personnes qui sont dans cette salle. Pour autant, je n'estime pas qu'ils valent moins que les autres. C'est une composante de notre vie à tous. Et toute personne a plein de choses à dire autre que ce symptôme-là. Et donc, je trouve que la maladie peut amener justement à faire la part des choses entre une condition physique et tout ce qu'il y a autour, en fait, et qui vaut vraiment le coup d'être considéré.
- Speaker #0
Et dans le chemin dont on parlait tout à l'heure, et dans ce que, en tout cas, moi, la maladie m'a fait traverser, mais je pense que c'est assez universel, assez commun, il y a cette histoire de valeur, tu vois. On le sait dans nos sociétés, la valeur est clairement liée à ta capacité physique, ta capacité à produire du travail, ta capacité à mener de front plusieurs choses. Et à partir du moment où tu n'as plus cette capacité-là, clairement, moi j'avais perdu ma valeur. Je pense que c'est pareil quand on parlait tout à l'heure de politique, il y a toute la reconnaissance, c'est aussi ça, c'est aussi reconnaître aux gens. malgré des handicaps ou des maladies une valeur égale à quelqu'un de valide au sein de la société.
- Speaker #1
Alors j'espère que ce bref enregistrement vous aura plu et qui vous aura donné des points de réflexion qui vous aura peut-être soulagé ou apaisé parce que j'ai trouvé cette discussion toute douce. Je vous remercie vraiment Marie pour les discussions qu'on a eues. et qu'on aura peut-être à l'avenir. Mais j'apprécie cette douceur, cette lenteur. Elle parle très doucement. Elle prend son temps quand elle parle et c'est toujours passionnant. Avant de vous laisser, quelques mots sur l'Anomalie. L'Anomalie est un podcast autoproduit par mes soins, dans lesquels je mets toute mon énergie et mon amour. Et il s'agit d'un projet bénévole. Le meilleur des soutiens est donc de laisser un avis sur votre plateforme d'écoute préférée, voire même de laisser un commentaire. Cela donne plus de visibilité au podcast et c'est l'occasion de valoriser le travail de petites mains que je réalise. Vous pouvez également m'écrire sur Instagram à lanomalie.media. Je suis toujours ravie de vous lire et d'avoir vos retours, qu'ils soient positifs ou plus circonspects. Rendez-vous dans les prochaines semaines pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous. Hello, ici la Giulietta du montage. Je me permets une petite incursion pour vous dire que Marie a lancé une cagnotte pour l'aider à subvenir à ses besoins. Le lien vers la cagnotte est placé en haut de la description de l'épisode afin que vous puissiez le retrouver facilement. Elle lance cette cagnotte parce que les frais sont importants dans le cadre de la maladie de Lyme. En effet, une partie des traitements qui lui sont préconisés ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Elle doit donc les financer sur ses fonds propres. Marie, comme elle l'évoque dans l'épisode, a déjà beaucoup pris sur ses économies et n'est plus en mesure de soutenir l'effort. Donc si vous le souhaitez, si vous avez été touché par son témoignage, vous pouvez avoir une petite attention envers Marie qui, j'en suis certaine, sera ravie.