Jean et la cyclothymie - Le marin et la tempête cover
Jean et la cyclothymie - Le marin et la tempête cover
lanomalie : le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie

Jean et la cyclothymie - Le marin et la tempête

Jean et la cyclothymie - Le marin et la tempête

1h19 |14/05/2024
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Description

Peut-on bien vivre avec un trouble de l'humeur ?


C'est à cette question que répond Jean dans ce nouvel épisode de lanomalie. Jean est atteint de cyclothymie depuis plusieurs années mais le diagnostic n'a été posé que récemment, comme pour de nombreuses personnes atteintes par ce trouble.


Jean compare la cyclothymie à une navigation par un temps de tempête, alternant sans cesse entre des phases dépressives et des phases euphoriques. Si Jean vit aujourd'hui très bien avec cette pathologie, cela n'a pas toujours été le cas. Il évoque dans l'épisode son temps d'errance médicale ainsi que les idées noires qui l'accompagnaient.


La cyclothymie, qu'est-ce que c'est ?

Il s'agit d'un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Comme pour une bipolarité, la personne atteinte oscille entre des moments d'euphorie, qu'on qualifie de "maniaques" et des phases de dépression. La particularité de la cyclothymie est que ces variations sont particulièrement reserrées dans temps : dans la même journée, Jean peut passer d'une phase à l'autre. Le début de l'épisode pose les bases théoriques qui permettent de comprendre en détail ce trouble de l'humeur.

La cyclothymie concerne environ 1% de la population française mais demeure un trouble psychiatrique encore peu connu, autant par le grand public que par les médecins. La conséquence directe est un temps de diagnostic extrêmement long (environ une dizaine d'années).


Nous évoquons dans cet épisode :

  • Les meilleures astuces de Jean pour bien vivre avec cette pathologie

  • Le rapport délicat que cette maladie induit dans le rapport à l'entourage et au travail

  • La relation que Jean entretient avec la psychiatre qui le suit ainsi que l'impact de son traitement sur sa vie quotidienne

  • Les conséquences de la cyclothymie et des épisodes dépressifs que Jean a connus


⚠️ Assurez-vous d'écouter l'épisode à un moment où c'est ok pour vous. Nous parlons d'idées suicidaires et de violences intrafamiliales dans cet épisode.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Jean

    Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué. Tu vas mal, tu ne sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien. Donc tu culpabilises parce que tu ne comprends pas pourquoi tu as été aussi loin alors qu'en soi, il n'y a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable.

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps et une psyché qui vont bien, qui tiennent la route et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Pour ce nouvel épisode, je vous propose de rencontrer Jean, un ami à moi atteint de cyclothymie. La cyclothymie, c'est un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Tout comme pour une bipolarité, il y a des fluctuations entre des périodes de dépression et des périodes euphoriques qualifiées de "maniaques". La particularité de la cyclothymie, c'est que ces changements de phase s'opèrent de manière brusque. Jean en parle très bien dans l'épisode : dans la même journée, il peut connaître des moments de joie intense, puis se trouver cloué au fond de son lit, ou bien très anxieux. Cet épisode est particulier à plusieurs égards. Tout d'abord, c'est le premier qui traite de santé mentale. Je voulais m'en tenir au corps, au départ pour ce podcast, mais le récit de Jean m'a profondément touchée, ainsi que sa volonté de sensibiliser sur un trouble encore peu connu en France. Il se peut également que vous remarquiez un ton guilleret dans cet épisode, qui contraste avec les sujets évoqués. Nous avons enregistré autour d'une bonne bouteille de vin, pour nous donner du courage. L'ensemble me semble être tendre et plutôt clair, malgré une certaine ébriété. Avant de vous laisser avec cet épisode, petit trigger warning. Les sujets évoqués sont compliqués : Jean évoque notamment des envies suicidaires. Assurez-vous d'écouter l'épisode dans de bonnes conditions, ou bien différez son écoute si vous sentez que ce n'est pas le moment. Sur ce, je vous souhaite une très bonne écoute. Je vais commencer par une question métaphysique, comment est-ce que tu te sens aujourd'hui Jean ?

  • Jean

    Comment je me sens ? Bah ça va, ça va ... Ça va. D'ailleurs, c'est une bonne introduction, le "comment ça va ?", parce que justement... on devait faire l'épisode d'hier. Et hier, j'étais dans une phase un peu dépressive. Donc voilà. Et aujourd'hui, ça va très bien. Même, je dirais, c'est un tout petit peu de l'autre côté. C'est le principe même de la cyclothymie d'un jour à l'autre, voire d'une minute à l'autre parfois : ça va et puis ça ne va plus.

  • Giulietta

    Oui, effectivement. Hier, tu m'as envoyé un SMS pour me dire "est-ce qu'on peut décaler ? Je ne me sens pas très bien". Du coup, je n'ai pas compris ton SMS. J'étais là, genre on a rendez-vous ce soir. Et après, j'ai relu. Je me suis dit "ah ouais, non, en fait", tu me proposais de décaler parce que ça n'allait pas.

  • Jean

    Oui.

  • Giulietta

    Donc pas de soucis, est-ce que tu te sens de décrire ce que c'est des moments où tu te sens moins bien ?

  • Jean

    Alors, en fait c'est un peu complexe à expliquer. Bah le, typiquement, le bouquin de... Le bouquin qui s'appelle Goupil ou face de Lou Lubie, il y a une page, au bout d'un moment, où elle décrit ses états émotionnels avec des petits dessins. Des visages, son portrait, en gros, où ça va, c'est super, et puis d'un coup ça va pas. Mais c'est pas le ça va pas, c'est... Je me sens déstructuré, je me sens angoissé, stressé, je me sens super excité, je me sens... Et en fait, c'est un peu ça, ce qui a créé, ce que moi j'appelle des down, mais ce qui va plonger dans la phase dépressive, peut créer des manifestations émotionnelles différentes. Par exemple, hier, j'étais hyper anxieux. T'as des fois, je vais pas être anxieux. T'as des fois, je vais juste être complètement abattu. Même parfois, avec des pensées suicidaires, par exemple. Le travail... au fur et à mesure des années fait que je sais que c'est comme ... Je me vois toujours comme ça en général quand je pars de l'autre côté, c'est... c'est un peu comme un marin qui va pêcher, qui est dans un bateau un petit bateau en pleine tempête. La cyclothymie, c'est un peu ça quoi. La mer peut être très calme puis d'un coup partir dans une tempête terrible et ok je suis un marin, j'ai l'habitude de naviguer sur des mers en pleine tempête, je sais que ça va passer, et c'est exactement ça.

  • Giulietta

    T'as abordé bien évidemment plein de sujets sur lesquels j'ai envie de développer, mais les auditeurs et auditrices ne te connaissent pas. Est-ce que tu peux donner deux, trois éléments pour te présenter de la façon dont tu le souhaites, histoire de poser les bases de l'échange et qu'on sache un peu qui tu es ?

  • Jean

    Très bien, je m'appelle Jean, j'ai 33 ans, je suis designer dans une agence parisienne. Qu'est-ce que je peux dire ? J'aime plein de choses, je crois. Je suis très... J'aime plein de choses, je suis très émerveillé par la vie en général, ce qui est d'ailleurs un des mérites de la cyclothymie. Je suis toujours émerveillé comme un gamin par tout ce qui peut m'entourer. Je sais pas ce que je peux te dire... Ouais, je sais pas ce que je peux te dire...

  • Giulietta

    Et est-ce que tu peux parler de la raison pour laquelle tu es là aujourd'hui ? Du coup, il y a ta cyclothymie et il y a ton TDAH, je ne sais pas si tu veux en parler ou pas.

  • Jean

    Ouais, ouais, ouais, carrément. Alors, pourquoi ? Justement, pourquoi je voulais t'aider sur ce podcast. Parce qu'en l'occurrence, aujourd'hui, en France, la cyclothymie, c'est quelque chose qui est encore peu compris, peu connu. Il y a peu de littérature en France. Pour les auditeurs, quand je parle de littérature... Je parle de littérature scientifique, d'études. Il y a peu de littérature en France, et en général, même dans le monde, il n'y en a pas tant que ça. Il y en a plus aux États-Unis notamment, mais bon. En France, en tout cas, c'est une maladie qui est... C'est le terme, c'est une maladie. C'est une maladie qui est encore très méconnue, qui est peu comprise par les psychiatres, et par les psychologues en général. Ça s'explique de différentes façons, mais on va voir au fur et à mesure du podcast, je pense que je vais en parler. En tout cas, voilà. Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué, Tu vas mal, tu sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien, donc tu culpabilises parce que tu comprends pas pourquoi t'as été aussi loin alors qu'en soi y'a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable, ça m'a conduit à des situations où... J'aurais pu partir, définitivement. J'ai la force de ne pas le faire, mais je... Mais voilà. Et donc, quelque part, de participer à ce podcast sur cette maladie, c'est, quelque part, espérer que quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il a, mais qui l'écoute, et qui puisse se dire "Ah mais, ça correspond à ce que j'ai, en fait". Eh bien, peut-être que ça va l'aider à sortir de son errance médicale. Peut-être que ça va aussi permettre de sensibiliser... d'autres personnes finalement à cette problématique comme tes autres épisodes ont finalement sensibilisé à certains sujets. Effectivement, c'est pour ça que je suis là. C'est vraiment pour aider et éclairer, même une seule personne. C'est déjà génial. Si je peux la sortir de son enfer, je suis très content.

  • Giulietta

    Effectivement, en me documentant un petit peu, je me suis rendue compte que la cyclothymie, visiblement, ça touchait 3 à 6% de la population, donc c'est loin d'être un petit sujet, et que le temps de diagnostic était estimé actuellement à... 10 ans ! Donc, dans le cadre d'un trouble psy, c'est extrêmement long parce que comme tu l'as décrit, il y a des moments qui sont extrêmement difficiles à vivre, on ne sait pas ce qui nous arrive. Et le fait de ne pas avoir une réponse, enfin une prise en charge adaptée, je présume que ça doit mener à une certaine détresse. Est-ce que tu peux expliquer ce que c'est que la cyclothymie avec tes mots ?

  • Jean

    Déjà, revenons aux bases, analysons deux secondes le terme, juste deux secondes. Cyclothymie, il y a le terme "cycle" donc finalement s'il y a le terme cycle on peut aller jusqu'à cyclique. En fait la cyclothymie, normalement, c'est cyclique un peu comme la bipolarité, je vais venir. Ça devrait être cyclique mais en fait la cyclothymie, c'est pas exactement ça, c'est un peu plus compliqué. Là, je vais prendre la bipolarité. La bipolarité qu'elle soit de type 1 ou de type 2. Type 1 , c'est la bipolarité qu'on voit dans les films. C'est concrètement une personne qui ne peut pas vivre en société. Ce n'est pas possible. C'est trop compliqué. Type 2, avec un bon traitement, une bonne prise en charge psychothérapeutique, ça peut aller. Ça peut se faire. Potentiellement. Mais bon, je dis tout ça avec des pincettes. Attention. Mais il y a quelque chose qui fait qu'ils se ressemblent bien. C'est que... En fait, leurs phases émotionnelles sont effectivement cycliques. Elles peuvent se déclencher, par exemple, une personne va très bien, et puis pendant un an, deux ans, elle a un accident de voiture, et d'un coup, en fait, c'est cyclique. C'est-à-dire que sa phase émotionnelle, qu'elle soit dépressive ou maniaque, il faudra qu'on l'explique d'ailleurs, va se déclencher. Ça va rester un mois, deux mois, six mois, deux ans, quatre ans. Et puis ça va redescendre, mais ça reviendra. C'est cyclique. Dans le cadre de la cyclothymie, c'est un peu plus compliqué parce que la cyclothymie, en l'occurrence, c'est assez cyclique, mais c'est beaucoup plus sensible que la bipolarité. Je vais citer un exemple. Une fois, j'avais fait un super projet en design, j'avais cartonné, j'étais hyper fier de moi. Le client était hyper content, mais le client a dit "Par contre, Jean quand il s'exprime, il est un peu trop cool, un peu trop... parfois il oublie un tout petit peu qu'on est ses clients et il parle un peu comme s'il nous connaissait un peu trop bien". Et ça m'a dévasté. J'étais au fond de mon lit, je ne pouvais plus bouger alors que j'étais voilà j'étais en plein jours de travail, j'étais dans mon lit je pouvais plus bouger. Et j'étais parti là, je savais que jusqu'au soir c'était terminé. Une de mes anciennes voisines m'appelle, et je l'aime bien. J'ai vu son appel, j'ai décroché : "Ça va, machin, etc.." L'appel s'est fini, je me suis levé, je suis retourné travailler, j'étais guilleret, j'étais super content. Même un peu euphorique. Comment ça se fait que tu passes d'une phase où t'es en dépression nerveuse lourde, tu peux plus manger, t'es lent, ton ego est en berne, etc. à une phase où t'es limite euphorique, t'es content de toi, t'es fier de toi, tout va bien, il y a des oiseaux dehors, ça chante. En fait, c'est là où c'est compliqué l'histoire de cycliques, c'est-à-dire que, oui, il y a une forme de cycle, mais en fait, la cyclothymie, réellement, c'est vraiment des allers-retours, en continu, et pour X ou X raisons, ça peut partir dans un sens ou dans un autre, et ça ne s'arrête jamais.

  • Giulietta

    Du coup, là, on a bien expliqué ce que c'était la dimension cyclique de la cyclothymie. Tu as parlé d'épisodes plutôt maniaques et d'épisodes dépressifs ?

  • Jean

    Là, on peut rentrer dans le détail de façon un peu plus théorique. Dans l'idée, en gros... On peut se représenter comme une forme d'échelle. Une échelle. Où une personne, toi, par exemple. Quand tu vas vivre ta vie, tiens, il y a un verre avec les copains. De l'autre côté, tiens, j'ai appris une mauvaise nouvelle "zut, j'ai des impôts à payer". En fait, tu vas être à travers cette échelle. Cette échelle, en gros, pour qu'on s'illustre bien, il y a cinq étages. L'étage au milieu, c'est celui dans lequel vont rester les gens, en général. On pourrait dire presque, sinon, que c'est le rez-de-chaussée, en gros. Et le cerveau des gens, normalement... Il va un petit peu descendre selon ce qu'il apprend. Donc là, c'est, on va dire, le sous-sol et le sous-sous-sol. C'est deux étages de dépression. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Je ne sais pas comment on appelle ça, parce qu'il y a différents termes. On pourrait appeler ça la dépression légère, l'étage de dépression légère. En fait, ce n'est pas du tout léger. Ça ne va pas, ça ne va pas du tout. C'est une hypodépression, quelque part. Ça n'a pas du tout, les effets sont bien là. Et puis, il y a l'étage en dessous. Donc là, c'est la dépression sévère, extrême. Là, on parle plus d'idées noires. On parle plus d'envie de se suicider. Il y a des pensées qui sont là et qui ne sont pas sympas du tout. Il y a une extrême dévalorisation de soi-même. Et puis, tu ne peux plus te sortir de ton lit. Enfin, là, c'est terminé. Tu passes de l'autre côté. Donc, je retourne au rez de chaussée et je remonte au dessus. Là, ce sont les étages de... Je n'aime pas le terme, mais "maniaques". C'est les étages de manie. Donc là, il y a deux étages. Il y a hypomaniaque et maniaque. En gros, cet étage-là, il est un peu chiant. Parce que la phase dépressive, on comprend, tu vois. Tu es fatigué, tu n'as plus d'énergie, dévalorisation de toi-même, idées noires potentiellement, plus de volonté. Enfin, voilà. Finalement tout le monde a un petit bagage sur la dépression nerveuse. On imagine les coups de blues et tout. On imagine un peu ce que c'est. Les étages maniaques, ils sont plus compliqués. Parce que c'est à la fois de l'euphorie, moi souvent c'est de l'euphorie. D'ailleurs là, je suis un peu euphorique. C'est de l'euphorie, ça peut être des comportements complètement, complètement, comment dire, excessifs. C'est-à-dire, je vais quitter ma nana, je vais acheter deux bagnoles, Je vais me raser les cheveux. Voilà, ça peut être n'importe quoi. Ça peut être... Attention, là, ça ne va pas être cool. ça va être ma mère par exemple parce que c'est génétique Ma mère, par exemple, quand elle avait des phases maniaques, moi, mon frère et ma soeur, en fait, elle nous battait pendant des heures jusqu'au moment où ça allait redescendre. Et après, inversement, du coup, elle descendait plus bas parce que c'est une des perversités de la cyclothymie. Mais c'est vrai pour la bipolarité aussi, remarque. C'est plus tu montes haut, plus tu vas descendre bas. Donc voilà, les étages, l'échelle. Des phases maniaques, c'est extrêmement compliqué parce que c'est à la fois de l'extrême violence, à la fois des comportements excessifs, à la fois des choses super joyeuses, comme de l'euphorie. C'est assez compliqué. Pour reprendre, quelqu'un de normal, comme toi par exemple, il va être concrètement toujours au milieu. Son cerveau va faire ce qu'il faut pour balancer telle ou telle molécule pour que ça aille bien, pour le faire remonter ou redescendre, à peu près. Ça n'empêche pas que tu peux, un petit peu, même aller parfois un petit peu loin, dans un sens ou dans l'autre. Ça va être très vite régulé. Donc je ne suis pas en train de dire que quelqu'un qui n'est pas atteint de cyclothymie ne peut pas avoir un coup de blues, c'est pas ce que je dis. Le problème du cyclothymie, c'est que par contre, c'est un trouble émotionnel où c'est complètement mal géré, où le cerveau concrètement n'a jamais un coup d'avance, il a toujours un coup de retard, et en plus d'avoir un coup de retard, il a toujours des carences d'un point de vue moléculaire, donc il n'arrive jamais finalement à faire ce qu'il faut.

  • Giulietta

    Oui j'ai l'impression qu'il y a une hypersensibilté... ...qui fait que c'est encore plus difficile d'apporter la réponse adéquate.

  • Jean

    Totalement et il y a plein de choses. Tu vois quelqu'un dans la rue qui tombe... Tu vois une petite vieille qui tombe dans le caniveau, tu vas l'aider, etc. Sur le coup tu vas pas voir qu'il y a quelque chose, il y a une émotion qui est en train de s'installer, tu l'aides, tu as un coup d'angoisse, tu l'aides et tout, elle se relève, bon en fait ça va tranquille, etc. Derrière tu vas le payer parce que tu as une bonne nervosité qui s'est mise en route, une bonne décharge d'adrénaline. Donc, derrière, tu vas tu vas le payer où tu vas être anxieux pendant 3h, 4h, 5h. Alors qu'en fait, ça va, tout va bien. Parce que quelqu'un qui n'est pas atteint de la cyclotimie va l'avoir aussi, sauf que son cerveau va faire ce qu'il faut. Et moi, en plus, j'ai d'autant plus un coup de bol, c'est que j'ai été diagnostiqué aussi assez récemment, d'un TDAH, Troubles Déficitaires de l'Attention Handicapant. Ça, c'est impeccable, parce que les deux se répondent très bien, il n'y a pas de problème. C'est-à-dire que pour que ça aille bien avec la cyclotimie, il faudrait que j'ai une vie assez saine, où je fasse du sport, où je mange bien, où je ne sois pas trop stimulé par les choses. Voilà, juste une vie de moine, il ne faut pas exagérer, juste une vie raisonnable, confortable, avec du voyage, tu te fais plaisir, mais voilà, confortable. Le problème, c'est que de l'autre côté, tu as le TDAH, où tu as une carence en dopamine, ce qui fait que ton cerveau est sous-stimulé en permanence, donc il cherche la stimulation absolument partout. Ce qui te fait avoir des comportements qui ne sont pas super, et ces comportements pas super font qu'après, tu plonges. Ou tu es overstimulé par un truc, donc ça va te faire une montée d'euphorie, et donc après, tu plonges, etc. Et ça, c'est pourquoi je dis ça, parce qu'il y a un truc qui est important avec la cyclothymie. C'est que c'est hypersensible et chaque facteur de comorbidité, c'est-à-dire il y a une maladie qui répond à l'autre par exemple, va faire dérailler le train. Le TDAH, je sais que ça participe largement à faire dérailler le train. Mais les facteurs de comorbidité, il faut les identifier le plus rapidement possible parce que dès qu'on en a conscience, ça... Ça permet de mieux contrôler sa cyclothymie.

  • Giulietta

    Merci pour cette explication ! Je suis très contente parce que je suis en train de vivre mon premier point de désaccord avec un invité. Tu as employé l'expression "personnes normales comme toi". Et en fait, je ne suis pas d'accord avec l'emploi du terme "normal". Je m'explique. Donc déjà, le podcast s'appelle lanomalie parce que j'ai un problème avec la notion de normalité. Pendant toute mon enfance, moi, j'ai eu très très peur justement d'avoir un trouble psy parce que mon père est psychiatre et qu'il... employait des termes pas très cool en me parlant, en me disant que j'étais paranoïaque. Et j'étais persuadée d'avoir un truc, un trouble aussi, donc d'être dépressive ou d'être parano, ou quoi que ce soit. Et je me sentais pas normale. Et en grandissant, je me suis rendue compte qu'il n'y a pas des gens normaux ou pas normaux. C'est plus un continuum. Il y a des gens qui sont plus ou moins régulés.

  • Jean

    Si je parlais de normalité, effectivement, je ne suis pas d'accord avec moi-même aussi, mais je vais plutôt rentrer un tout petit peu dans le détail. Je vais plutôt parler de dysfonctionnement émotionnel ou dysfonctionnement neuronal, concrètement. La cyclothymie, c'est un trouble émotionnel. Aucun cerveau n'est câblé pour être tout le temps au milieu, de toute façon. Il y a des gens qui ne sont pas cyclothymiques et qui sont tout le temps un tout petit peu en dessous. Il y en a qui sont tout petit peu au-dessus. On connaît tous des gens qui sont un peu surrex en permanence, ou qui sont tout le temps hyper contents, qui ont la joie de vivre, qui sont très énervants, parce qu'ils sont toujours contents ces gens-là. Et inversement, on connaît des gens qui sont toujours un peu raplapla, ou qui ont un tempérament mélancolique. Donc il n'y a pas vraiment de normalité là-dessus, c'est sûr. La seule chose, c'est que là, on atteint un point où ce n'est pas quelqu'un qui est... ce n'est pas quelqu'un... qui est cyclothymique n'est pas normal, c'est pas du tout ça. La normalité c'est un concept qui est puant, réellement c'est un concept qui est toxique. Par contre, il va y avoir un dysfonctionnement émotionnel dû à des troubles neuronaux qui font que par contre il va y avoir une complexité à gérer ses émotions.

  • Giulietta

    Effectivement, je préfère l'emploi du terme dysfonctionnement, où on se concentre sur les faits et effectivement dans le cas... Je ne sais pas, par exemple, moi, pour ma sclérose en plaques, il y a un dysfonctionnement au niveau de mes défenses immunitaires qui se retournent contre mes connexions nerveuses. Donc ça, ça dysfonctionne. En revanche, je trouve que l'emploi du terme normal, anormal est péjoratif, surtout pour le terme anormal. Et là, je fais une digression sociologique. Je crois que c'est Durkheim qui travaille sur le normal et le pathologique. Donc normal, c'est ce qu'une société va considérer comme existant, allant de soi, etc. Et tout ce qui s'écarte de la norme est jugé comme pathologique. Donc... On en revient à tout le vocabulaire de la maladie. Le problème du pathologique, c'est souvent jugé comme étant stigmatisant. Quand on a une maladie, très souvent, on est confronté au regard de personnes qui nous jugent un petit peu comme étant différents, surtout je pense sur de la psychiatrie. Il y a encore des clichés qui perdurent. Il y a pas mal de vidéos Konbini sur les sujets de santé mentale qui sont trop cool, et de personnes notamment bipolaires qui expliquent que quand elles annoncent à quelqu'un qu'elles sont bipolaires, les gens sont persuadés qu'ils vont se faire arracher les yeux, mais pas du tout en fait. Et donc ça c'est un stigmate, clairement, puisqu'on va projeter sur l'autre la perception que l'on a de son dysfonctionnement.

  • Jean

    Une toute petite réaction Une toute petite Sinon, ce serait heurter ma réputation. Non, non, concernant Durkheim, justement, et si tu veux même aller un tout petit peu plus loin, on peut même dire que finalement, une société a aussi un fonctionnement qui est basé notamment sur ses codes moraux. Chaque société a des codes moraux différents. Chaque groupe, quelque part, une société, c'est un géant groupe culturel qui a une division, une subdivision de... groupes culturels jusqu'aux plus petits, un peu comme le corps, les atomes, etc. Et chacun a sa petite morale. Donc quand on parle de morale, il y a aussi cette échelle de normal, il y a aussi cette échelle de morale. Finalement, en ayant quelque chose de différent de ce qui est attendu par la société, de ce qui est attendu par les codes moraux, de ce qui est attendu en termes de comportement, finalement tu vas être anormal. Finalement, c'est pas très moral d'être un peu surexcité dans un open space ou ne pas parler dans un open space. On va pas dire que c'est pas moral parce qu'en fait c'est un peu bizarre de dire que c'est pas le moral, on va dire que c'est anormal. Mais, en fait, c'est parce que ça heurte la morale et je me méfie vachement de ce genre de discours qui sont quasi eugénistes selon moi pour aller dans ton sens cette fois-ci.

  • Giulietta

    Il y a peut-être certains auditeurs ou auditrices qui sont confrontés à ce que tu décris et d'autres peut-être qui écoutent cet épisode par curiosité et qui ne comprennent pas ce qu'est une phase dépressive ou ce qu'est une phase maniaque. Moi, je l'ai vécu de l'extérieur, je ne suis pas concernée directement, mais dans ma famille, il y a des personnes qui sont bipolaires. Et une phase dépressive, ce n'est pas juste je ne me sens pas bien, c'est vraiment une détresse qu'on ne peut pas s'imaginer lorsqu'on n'est pas soi-même en dépression, mais c'est vraiment un sentiment de perte de sens intersidéral, un manque d'énergie vraiment très important, le sentiment que rien ne va. Si j'ai bien observé les personnes autour de moi, il y a le sentiment que rien n'ira mieux, c'est quand même très très intense. Et a contrario, j'ai aussi pu observer quelques phases maniaques. C'est pas juste de l'euphorie, type j'ai pris un peu trop de drogue et je suis on fire, c'est des comportements à risque. Vraiment, si vous n'avez pas connu vous-même ou si vous n'avez pas observé dans votre entourage tout ça, il faut vraiment enlever toutes ces préconceptions et se dire que c'est quelque chose qui sort de l'ordinaire complètement. Toi, là... J'ai l'impression que tu as beaucoup cheminé et que tu as beaucoup de recul. La manière dont tu exprimais le fait qu'à un moment tu étais au fond du bac, puis ta voisine t'a appelé et là ça allait mieux. Quand t'es la tête dans le guidon et que justement t'es soit dans ta phase plutôt... que t'es maniaque soit dans ta phase plutôt dépressive, est-ce que tu arrives à te rendre compte que tu es dans cette phase-là et t'arrives à te dire "Attention, ça va revirer" ou en fait c'est tellement pernicieux que tu vis juste le truc intensément ?

  • Jean

    Question complexe, réponse complexe. En fait, ça dépend. Vraiment, ça dépend. C'est-à-dire que parfois, tu ne te rends pas compte que tu es en train de plonger, tout doucement. Gentiment. Et moi, mes phases de... "Je pars dans un sens ou je pars dans l'autre", même si moi, j'ai vraiment des tendances plutôt côté dépression. Je ne monte pas très haut en général. C'est aussi, voilà, la cyclothymie, c'est là où c'est compliqué. C'est que chacun vit sa cyclothymie comme chacun vit sa bipolarité, très différemment. Moi, je suis plutôt très dépressif. Enfin, plutôt côté échelle dépressive. Je monte un petit peu de temps en temps en hypomanie, mais c'est gentil, c'est un petit peu euphorique. Voilà, ça ne va pas plus loin. Par contre, je peux descendre très bas. Et donc, attends, c'est quoi la question ?

  • Giulietta

    Tu te rends compte que tu es dans une phase.

  • Jean

    Voilà, c'est ça. Et donc, en fait, ça dépend. C'est-à-dire que parfois... Je vais voir le truc arriver, gros comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, où là je sais que je vais plonge. Je vais prévenir ma compagne qu'il faut qu'elle s'y attende parce que potentiellement, là, je plonge pendant plusieurs jours. Mais en général c'est ça le truc, quand je sens que je vais plonger pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, je vois le bateau arriver. C'est les oscillations ponctuelles voire parfois journalières que je ne vois pas arriver. C'est-à-dire que ça va, ça va, ça va, et franchement ça va super quoi tu vois, ça va super. Puis en fait oui ça va super, mais en fait non, si ça va super, c'est que ça va pas en fait. C'est que tu t'es pas rendu compte qu'en fait, comme ça va super, t'arrêtes pas de sortir, tu bosses beaucoup trop, t'as plus d'hygiène de vie etc. Mais ça va super, tout va super. Oui mais en fait c'est parce que là t'es un petit peu en hypomanie, mais tu t'en es pas rendu compte quoi. Et puis d'un coup tu plonges en phase dépressive, voire très dépressive. Et puis tu comprends pas pourquoi. Ça allait si bien. Enfin, pourquoi ? Alors, la culpabilité se met en place, la fameuse dévalorisation, tout ça. T'as plus d'énergie, t'as plus rien. Et en même temps, c'est incompréhensible, tu ne comprends pas. Alors que pourtant, ça fait des années que je me paye de la cyclothymie, et tu ne comprends pas. Et puis après, quand la tempête se calme, là, tu comprends, tu fais le cheminement, et tu comprends. Il y a une ressource qui a un peu, pour moi, le Freud, on va dire, français de la cyclothymie, qui est docteur Elie Antouche. Il a écrit un bouquin d'anthologie qui s'appelle "Vivre heureux avec des hauts et des bas". Et il en parle de ça. Il parle de plein de choses. Il parle notamment de ça. En fait, il y a plein de signes précurseurs qui vont te faire comprendre que tu vas te prendre un mur, que tu vas être à bord d'un train qui déraille. C'est plein de petits signes auxquels il faut être hypersensible en permanence. Le problème, c'est que si tu es en permanence ultra sensible à ces signes, en fait, tu ne vis plus. Donc généralement, c'est pour ça que je disais, en général, vraiment, quand tu vois le train arriver de loin, l'éléphant finalement dans le magasin de porcelaine, tu te dis, "Ok, là je vais plonger". Excepté que quand tu le vois arriver, en général, tu sais que tu vas plonger pendant un moment. Alors moi, ça n'a pas duré six mois, mais ça a duré un mois ou deux mois. La dernière fois que j'ai vu vraiment le... Je l'ai vraiment vu comme ça. Tu vois, je voyais vraiment l'éléphant me charger. C'était pendant le deuxième confinement. J'ai fait un... Un burn-out ? J'étais trop à fond sur mon projet et ça se passait super bien. C'est un projet de design, en fait. Un truc absolument énormissime. Juste avant Noël, impeccable, tu vois. J'ai fait un boulot super. Ça a eu beaucoup de succès.

  • Giulietta

    Et à ce moment-là, tu te rendais pas compte ?

  • Jean

    75 heures par semaine, quoi.

  • Giulietta

    Et au contraire, je présume que t'étais galvanisé ?

  • Jean

    Ouais, c'est ça. Et de temps en temps, ma compagne disait "Fais gaffe", alors qu'elle bosse beaucoup. "Fais gaffe parce que là, tu vas trop loin". Et des fois, mon esprit me rappelait ou mon corps me rappelait. "Tu tires la corde là", mais j'y retournais. Je me levais à 3h du matin parce que j'avais une idée lumineuse et puis en fait, je ne me recouchais plus. Je bossais dans le train encore. J'étais en train de faire ma livraison le 24 quand j'étais dans le train pour aller chez les parents de ma compagne. Et puis j'ai rebossé en janvier, j'ai continué, j'ai reçu le cachet, mais j'ai continué, puis j'ai continué jusqu'en mars. Et puis en mars, je me suis pris le train en plein dans les dents, mais je l'ai vu arriver, et là je me suis transformé en Gainsbard, où je savais que j'étais fichu, que là ça y est, j'étais parti pour longtemps, mais je continuais à boire. Et à boire, et à ne plus dormir avec elle, parce que je me voyais comme une... comme on dit, pour ne pas être vulgaire, un petit déchet ? Un petit déchet, et j'avais une terrible envie de m'auto-détruire. Ça fait partie des possibles effets de la cyclothymie, et que tu peux trouver dans la dépression nerveuse. Au-demain, quelqu'un qui finit au burn-out, il est en dépression nerveuse, il s'enfonce. Je crois que Philippe Labro a écrit un bouquin d'ailleurs dessus. Et en fait, il se voit, les choses perdent leur goût, plus rien n'a d'intérêt. Voilà, là, le train, je l'ai vu arriver, je l'ai pris en pleine poire. Ça m'a pris plusieurs mois pour m'en remettre. avec des phases euphoriques, mais je redescendrai tout de suite, tu vois. Donc, c'était une longue réponse, mais c'était une manière aussi d'aider pour les auditeurs, pour ceux, en tout cas, qui pourraient se reconnaître dedans. Une réponse un peu complexe.

  • Giulietta

    Tu as l'air de bien te connaître, tu fais un travail sur toi, t'as une psy qui t'accompagne, de ce que je comprends. Et comment... Comment tu vis avec tout ça ?

  • Jean

    Alors, il y a... Il y a plusieurs choses. Il y a plein de choses. Déjà, la première chose, c'est que j'ai été diagnostiqué, ce qui n'était pas du tout le cas à l'époque. A l'époque, je ne savais pas ce que j'avais. J'ai vu le train arriver, pour reprendre l'histoire de quand je suis parti en burn-out. J'ai vu le train arriver, le train de la noirceur, je sais que je vais plonger. Mais sans savoir que c'était la cyclothymie, tu vois. Juste, je me suis vu... En fait, je ressentais des effets, tu vois. Je me disais "OK, ça ne va plus du tout... Je ne peux plus travailler, je ne peux plus rien faire, je n'arrive plus à me lever le matin, etc. Je suis en train de plonger en dépression, tu vois". Mais je ne m'étais pas dit "Ah ! C'est la cyclothymie".

  • Giulietta

    Tu vivais comment par rapport à ces symptômes-là ? Tu culpabilisais ? Tu as beaucoup parlé de culpabilité.

  • Jean

    Quand j'avais des phases, par exemple, euphoriques... Je mettais ça sur le compte de "de toute façon, je suis assez joyeux, assez jovial, naturellement". Je ne mettais pas ça sur le compte de la cyclothymie, puisque je n'étais pas au courant. Les phases de dépression, c'était "de toute façon, j'ai eu une enfance assez sympathique" (c'est ironique) J'ai eu une enfance plutôt, disons franchement, pas exceptionnelle. Donc je mettais ça sur le compte des traumas.Ç a y est, ça me reprenait. Je mettais déjà le "ça me reprenait" tu vois. Ça te donne une explication de ce qui a pu à la fois me permettre de tenir et à la fois ce qui a pu me berner pendant des années. Chacun va s'inventer une bonne excuse pour se dire c'était le truc qui me reprend tu vois. Comme un ressac. Donc c'est comme ça que je le vivais. Mais je le vivais sans le vivre. Finalement, le truc m'est arrivé en... Tout m'est arrivé en pleine poire, en permanence. C'est-à-dire que t'es sur un ring, t'as 10 boxeurs et tu passes ton temps à te faire boxer. Tu comprends pas pourquoi. Tu comprends pas d'où ça arrive, tu comprends rien. T'as une énorme culpabilité, puisque, en fait, tu ne maîtrises rien. Tu ne comprends pas pourquoi, par exemple, t'allais en soirée, tout était sympa, et pourtant, toi, t'étais pas bien. Il n'y a aucune espèce de raison. Mais ça, tu ne le vois pas. Tout ce que tu vois, c'est "Ouais, j'ai pas beaucoup parlé aux autres, je suis resté avec mes copains". C'est pas très bien, tu vois. C'est un peu dommage. "Ah, ben là, j'ai quand même beaucoup picolé", tu vois. Ou "Ah, ben tiens, dans l'open space, là, je parlais hyper fort. J'étais un peu trop jovial, etc. J'ai dérangé des gens. C'est la honte, les gens ne vont plus voir bosser avec moi", tu vois. C'est toujours un truc de culpabilité comme ça. Et en plus, tout est amplifié, quoi. C'est-à-dire que tu as l'impression d'avoir fait des trucs énormes, alors qu'en fait, ce n'est pas si énorme que ça. Et en fait, quand ma psy de l'époque, d'un coup, a identifié un comportement qui ressemble un peu à celui des bipolaires, mais en même temps pas exactement, elle m'a parlé de cyclothymie. Elle m'en a parlé comme ça en disant... C'est un sujet, alors que c'est une psychiatre de haut de volée, vraiment. C'est pas parce que c'est ma psy qu'elle est bonne, d'ailleurs c'est elle qui m'a fait comprendre le point que la cyclotimie en France c'est encore pas très compris. C'est que, même elle, elle avait lu des trucs dessus, mais elle ne maîtrisait pas très bien, elle a plus de 50 ans. Bon, et c'est elle qui m'a dit "Je pense que vous êtes cyclotimique, on va voir, on va creuser". Au fur et à mesure des mois, on a creusé ensemble, puis elle a fini par dire "Bon, le diagnostic, c'est clair, c'est moins facile à comprendre que la bipolarité". Et donc après, elle m'a mis sous un traitement. Il y en a plusieurs, mais je suis sous Lamotrigine. Je crois que c'est le nom générique. C'est pas grave. Ça a été miraculeux, quoi. C'est-à-dire que d'un coup, déjà, je voyais les choses arriver. Je comprenais ce que j'avais, donc en plus, je lisais dessus. Donc c'était beaucoup plus facile. Puis voilà, j'avais des comportements qui étaient beaucoup plus OK. S'il y avait des phases dépressives, etc., je sais pas. Au début, je ne le savais même pas autant que maintenant, mais je savais que j'étais dans un bateau qui tanguait. Il fallait attendre que la tempête passe, mais elle allait passer. Mais maintenant, tu sais qu'elle va passer. À l'époque, tu ne sais pas qu'elle va passer, tu ne comprends juste rien. Tu es juste baladé dans ton bateau, mais tu ne comprends pas. Tu vois la tempête, mais tu ne comprends pas. Tu ne sais pas quand elle va passer, tu ne sais rien. Là, c'est un peu comme si tu avais un indicateur météo.

  • Giulietta

    Tu mets le doigt sur les particularités de la cyclothymie. Si j'arrive à déverrouiller mon ordinateur, c'est qu'en fait... On en a parlé juste avant l'enregistrement, mais j'ai l'impression... que ça se définit vachement par la négative. Ce qui rend difficile le diagnostic, c'est qu'en fait, je caricature, mais c'est un petit peu ce que tu m'as dit tout à l'heure, c'est une petite bipolarité. En tout cas, ça peut être perçu comme tel. Non, pardon. Ça peut être perçu comme tel, mais ce n'est pas une petite bipolarité. Pardon, Jean.

  • Jean

    Ok. Non, non, non, mais c'est pas ça. C'est pas une histoire de petite bipolarité. C'est qu'en fait, c'est juste... C'est là qu'il y a une finesse. Il y a une énorme finesse qui n'est pas comprise par les psychiatres en France. Cette finesse, c'est qu'en fait, tu peux avoir des syndromes hardcore dans un sens ou dans l'autre avec la cyclothymie. Par contre, ça bouge très vite. C'est pour ça que c'est une bipolarité. De toute façon, c'est une bipolarité officiellement. Il suffit d'ouvrir le dernier DSM, c'est inscrit dedans. En revanche...

  • Giulietta

    J'ai justement la définition du DSM. C'est un petit peu le livre de chevet des psychiatres pour poser un diagnostic et pour définir quelle pathologie a le patient. Et donc... Pour la cyclothymie, il faut que les éléments suivants soient présents plus de deux ans. Donc de nombreuses périodes avec des symptômes hypomaniaques qui ne répondent pas aux critères d'un hypos... Bon, grosso modo. Pendant plus de deux ans, il faut avoir eu des épisodes hypomaniaques mais pas maniaques, c'est-à-dire avoir eu des épisodes où on était quand même euphorique mais pas trop, et des épisodes dépressifs mais qui ne répondent pas aux critères d'un épisode dépressif majeur. En fait... ce que je suis en train d'expliquer de manière pas du tout précise et le vin n'aide absolument pas, c'est que grosso modo, c'est perçu dans la description du DSM comme des petits symptômes qu'on pourrait comparer à ceux de la bipolarité. Et qui dit petit, dit que ça peut passer inaperçu et je pense également qu'il y a un biais côté psychiatre c'est que parfois ils sont confrontés à des symptômes qui sont tellement grandiloquents qu'ils n'accordent peut-être pas l'importance nécessaire à des symptômes qu'ils vont juger comme générant moins de souffrance ou comme étant moins graves, alors que la souffrance du patient, elle est bien là et la difficulté à vivre, elle est là. Et toi, ça a été quoi ton parcours ? Donc, tu as quand même fait la démarche de consulter quelqu'un ?

  • Jean

    Moi, en fait, j'ai vu plusieurs psys. Il y a eu des résultats très clairs. Mais, au bout d'un moment, avec mon premier job, quand j'ai fini mon alternance, premier vrai CDI, en fait, ça ne s'est pas du tout bien passé, quoi. Vraiment, je n'y arrivais pas. En fait, d'un coup, on te fait comprendre maintenant que tu n'es plus en alternance et que tu dois avoir la responsabilité d'un CDI, tu vois. Ce qui est tout à fait logique. Mais en fait, moi, je n'y arrivais pas. C'est pas une histoire d'incompétence, c'est une histoire de... Je me mettais une pression absolument monumentale, ce qui me mettait dans des états absolument épiques. Et au bout d'un moment, j'avais l'impression de devenir dingue. Vraiment, de menacer, de faire un burn-out tellement explosif qu'en fait, la trajectoire logique, c'est le cimetière. Et c'est tel que... L'idée même de passer à côté du Père Lachaise, où j'habite pas loin, et j'habitais pas loin aussi à l'époque, était vraiment mais hyper agréable. C'était pas juste que c'était calme, c'est qu'il y avait un endroit potentiellement où peut-être que tout pouvait s'arrêter et je pouvais enfin avoir une mer absolument calme et définitive. Et c'était un truc, ça me soulageait à l'époque, et je me suis dit, au bout d'un moment "Bon, ok. J'ai quand même un CDI, j'ai réussi des études qui sont pas mal, j'ai un bon CV, je suis pas trop vieux, ça va. J'ai une nana qui est très cool, j'ai un appartement qui est cool, j'habite sur Paris, ce qui n'est pas donné à tout le monde. C'est quand même dommage de se suicider, c'est un peu bête". Je comprends toute personne qui a envie de le faire ou toute personne qui l'a fait, même si elle ne pourra plus m'entendre. C'est Cioran qui disait que si le suicide est la liberté absolue, c'est peut-être la liberté absolue, mais en fait on peut potentiellement réussir à être libre sans arriver au bout. Parce qu'en fait le suicide, c'est juste le truc où tu as l'impression que tu ne peux plus rien faire que tu es condamné, c'est fini et tu n'en peux plus. Oui, mais en fait, si la vie te donne un petit coup de main, peut-être que d'un coup, tu peux sortir de cet univers-là et que ça va aller. Et c'est ce qui s'est passé. C'est-à-dire que je suis allé voir une psy qui est spécialisée dans les TCC (thérapie cognitivo-comportementale). Et elle a eu le discours de "En fait, c'est comme si vous avez mal au ventre. Vous me dites que vous avez l'appendicite. Vous me demandez de vous opérer, mais en fait, vous n'êtes pas médecin, vous n'êtes pas chirurgien. Comment vous savez que c'est vraiment l'appendicite ? On va pas faire de TCC, on va regarder tout ça, quoi". Et voilà. Et ça a commencé par une psychothérapie, qui a fait ressortir beaucoup de choses, évidemment, comme tout un chacun qui va faire une psychothérapie. Mais, mais, mais, mais, mais, mais, évidemment, il y a eu le truc de... "Ah ! En fait, je crois que vous êtes un peu... Vous êtes un peu cyclothymique, là, quand même". Bon. Ce qu'elle appelait un trouble émotionnel. Mais elle a mis un mot dessus. Et d'ailleurs, c'est un truc qui m'a toujours fait... Il y avait chez elle ce truc de... Elle ne disait jamais cyclothymie. Elle l'a dit quelques fois, mais en général, elle préférait dire "trouble émotionnel". Et elle m'a expliqué pourquoi. En fait, c'est que appelons un chat un chat, au bout d'un moment, ça te rappelle en permanence que en fait, tu n'es plus Jean, tu es Monsieur Cyclothymie. Tu n'es plus autre chose, en fait, que ta cyclothymie.

  • Giulietta

    Tu te tends la main... En vrai, c'est plutôt toi qui t'es tendue la main par rapport à ça parce que tu as eu le courage d'aller consulter. Parfois, on a le sentiment que quelque chose doit venir de l'extérieur. Aller consulter ou demander de l'aide, c'est déjà une main tendue et c'est un bel effort qu'on peut faire envers soi-même. Et c'est très cool. Par ailleurs, il faut que je me rappelle de ce que je voulais dire. Qu'est-ce que tu as dit que j'ai trouvé génial ? En fait, ça fait écho à un épisode que je suis en train d'enregistrer en solo sur l'identité. Tu as dit, on devient le bipolaire ou le cyclotimique. Eh bien, je vais citer Claire Marin. Est-ce que tu connais Claire Marin ? Claire Marin, c'est incroyable. Claire Marin, c'est une philosophie, une philosophe et autrice qui travaille sur la maladie. Elle a une maladie qui, je crois, est neurologique. et qui génère beaucoup de souffrance chez elle. Elle a écrit un livre incroyable qui s'appelle Hors de moi et elle a écrit un autre livre qui s'appelle La maladie, catastrophe intime et elle nous dit que la maladie est littéralement un bouleversement brutal du monde intérieur, du sens de l'identité du malade, du sens de son existence même. et dans ce renversement, elle assigne au malade une autre identité à son corps défendant. Dans le cas d'une maladie psy, c'est plutôt à sa psyché défendante. Et en fait, la difficulté, c'est que parfois, surtout quand on a un diagnostic, on va se définir par sa maladie et on va... Enfin bon, bref, je vais prendre mon cas pour ne pas parler à ta place, mais dire aux gens je suis malade, j'ai une sclérose en plaques Par ailleurs, le corps médical peut parfois nous assigner cette identité. J'ai une pote de pote que j'avais interviewée pour préparer mon travail sur l'anomalie qui m'avait expliqué que par exemple lorsqu'elle passait des IRM, les gens disaient c'est la sclérose en plat qui va passer. Bah non, c'est pas la sclérose en plaques, elle a un nom, elle a un prénom. Et donc c'est difficile de définir son identité. C'est hyper violent et d'un autre côté, factuellement, ça peut s'expliquer, eux, de leur côté en termes de logistique. Et moi j'avais fait un long travail avec ma psy pour arriver à cette conclusion. Que moi je me sentais plus à l'aise avec l'idée de dire que j'avais une maladie plutôt que de dire que j'étais malade. Et que donc ma maladie c'est ma compagne de vie, elle est présente tous les jours, elle m'accompagne, elle est... Mais que c'était une composante de moi parmi d'autres, et en tout cas c'est la posture avec laquelle je me sens à l'aise. Je trouvais que c'était assez délicat de la part de ta psy de parler de troubles.

  • Jean

    Oui. Mais c'est exactement ça. Et je trouve ça fascinant parce qu'elle a vraiment mis en place ce truc dès qu'elle a compris, dès qu'elle a diagnostiqué, elle a mis en place ce truc dès le début, entre nous. pas en me forçant mais pas loin parce que moi au contraire j'étais tellement heureux mais c'était incroyable mais enfin vraiment je sais pas si quelqu'un en écoutant ce podcast se retrouvera dedans peut-être parce qu'il l'est et qu'il est passé par par les épisodes par lesquels je suis passé aussi mais quand il doit en diger le truc c'est une sortie brutale de l'enfer enfin En fait d'un coup oui, c'est pas toi en fait le problème, tu vois. Et ce qui est fort, c'est qu'effectivement quand tu vas jusqu'au bout, et que t'arrives toi-même à te dire à la fin, Ok. C'est pas que je suis cyclotimique, c'est que ça fait partie de moi. Et moi, ça m'a pris du temps, tu vois. Je m'identifiais que là-dedans, et c'était vachement agréable sur le coup, parce que j'avais enfin la main sur un truc palpable, et en même temps, c'était compliqué. Mais oui, je crois que c'est hyper important de passer par cette phase-là de compréhension que ça fait partie de toi, mais tu n'es pas ça. Je pense que c'est long, quand même. mais ça en fait partie et c'est d'autant plus nécessaire que ça va te faire basculer sur un épisode après qui est le mais en fait comment tu fais maintenant pour que ce truc là qui te bouffait de base et qui malgré tout est un pagnon de vie comme tu disais peut devenir en fait une force et moi je sais alors dans ton cas je sais pas mais c'est quand même pas tout à fait la même chose mais dans mon cas par exemple bah moi maintenant ma cyclotémie m'aide alors des fois elle m'envoie en enfer on va pas se mentir mais des fois beaucoup mais je suis ok avec et par contre elle va m'aider dans mon boulot elle va m'aider à avoir des produits qui sont beaucoup plus proches finalement des utilisateurs que je vise à la fin donc J'arrive à être beaucoup plus empathique, j'arrive à être beaucoup plus sensible à leurs expressions de visage, à ce qu'ils racontent, à voir le petit truc derrière qui se cache. Je dis un truc, mais tout en disant Hey, il y a un petit mot là qui s'est caché. Ah, mais moi je l'ai vu en fait. Toi, tu t'en es même pas rendu compte que tu l'as dit, mais moi je l'ai vu. Ce que fait un psy en fait d'ailleurs. C'est le petit mot qui cache une forêt en fait. Enfin voilà, il y a tout un tas de choses qui fait que maintenant la cyclothymie c'est à la fois devenu un gros problème avec lequel j'ai appris à vivre, et à la fois vraiment une amie aussi, qui fait que c'est pas juste que je suis beaucoup plus fort qu'avant. C'est qu'en fait, c'est à la fois une maladie, à la fois mon ennemi, et à la fois, c'est un super pote qui peut me permettre d'aller très très loin.

  • Giulietta

    Il y a un brin sur lequel je voulais rebondir.

  • Jean

    Je pense que ça, c'est important.

  • Giulietta

    Toi, tu as exprimé ton soulagement au moment où tu as eu ton diagnostic, dans le sens où tu as eu une explication à ce qui se passait et que ça t'a donné les outils pour comprendre et pour ensuite mieux vivre avec. Donc, tu as ton traitement, mais tu as aussi la compréhension et le travail que tu fais sur toi. Je pense que c'est plein de cartes que tu peux utiliser en fonction des périodes que tu traverses. Moi, je vais apporter un éclairage complémentaire qui est celui de l'entourage. Mon père est bipolaire et en fait, j'ai appris qu'il était bipolaire seulement cet été. Donc j'ai 30 ans et j'ai appris qu'il était bipolaire. J'avais 29 ans et demi et pendant 29 ans et demi, j'ai vécu dans la terreur puisque mon père n'a jamais été violent envers moi. En revanche, il avait des crises de colère très très fortes. Pendant toute mon adolescence notamment, et ma vie de jeune femme, j'ai pensé que c'était moi la cause de sa colère, et j'ai pensé que je n'étais pas à la hauteur. Et donc, à 29 ans et demi, après des épisodes difficiles dans ma vie personnelle, je me suis retrouvée chez lui, on a parlé, et puis là, je lui ai demandé si lui-même n'était pas atteint par quelque chose, puisqu'il me semblait qu'il avait des comportements qui étaient particuliers, et il m'a expliqué qu'il était bipolaire de type 2, et que le diagnostic avait été posé récemment. Et en fait, ça m'a tellement soulagée, étonnamment, parce que je me suis dit, mais ce n'est pas de ma faute. Ce n'est pas vraiment de sa faute non plus. La seule responsabilité qu'il a, c'est de ne pas avoir choisi d'être traité. En revanche, personne n'est responsable de ces états intenses et surtout pas moi. Et donc, voilà, ça m'a fait du bien. Toi, est-ce que ton entourage, alors je n'ai pas l'impression que ta famille, ce soit le cas, mais peut-être ta compagne a pu comprendre certaines choses ?

  • Jean

    Déjà... Je reste quand même un personnage haut en couleur, je dirais, un peu original. Il n'y a pas que potentiellement la cyclotimie qui me caractérise, heureusement. Je suis quand même un personnage original, donc déjà, quand tu te mets en couple avec moi, c'est quand même que tu n'aimes pas les personnages qui sont trop normalisés. Tu ne sors pas avec Ken, qui est complètement droit dans ses bottes. Mais... Cela dit, il y a quand même eu des phases assez complexes. Je parlais de la phase où je m'étais transformé en Gainsborough. Une phase où concrètement, je sortais pour être ivre et fumer un max de cigarettes. Je rentrais, je continuais à boire, je buvais toute la journée. Tu aurais très peu de temps, mais je sais que ça a été dur pour elle. Et ça lui a permis de comprendre, par exemple, cet épisode-là. Moi, ça m'a permis de comprendre aussi, du coup, et de ne plus jamais recommencer. Et quand tu retrouves ta compagne en pleurs parce que tu l'envoies pêtre quand elle te demande d'aller dormir avec elle.

  • Giulietta

    En lien avec ce qu'on disait tout à l'heure sur la difficulté de diagnostic de la cyclothymie et une certaine errance médicale. Un des trucs que tu m'as dit, c'est qu'il existait peu de ressources sur lesquelles se reposer. Il y a un livre, alors tu en as amené deux parce que tu es bonne élève, tu es venue avec tes notes, et deux livres. Et il y a Goupiloufas, qui est une BD qui a été rédigée et conçue par une personne à elle-même atteinte de cyclotimie. C'est à la fois cool qu'il y ait cette ressource-là, et d'un côté, il n'y a qu'une BD qui existe sur le sujet, visiblement, et je pense que tu as dû chercher des ressources. Donc c'est un peu symptomatique du fait qu'on parle encore très peu de la cyclotimie.

  • Jean

    Bah, il y a des... Non, bah, alors, typiquement, il y a aussi ce bouquin-là, Dr. Elie Antouche... Les rêves dans tous les capes. Voilà. Ça, c'est vraiment une référence. En fait, Dr. Elie Antouche, c'est une des personnes dans le monde occidental, parce que de l'autre côté, je sais pas, mais dans le monde occidental, qui a été capable... de comprendre les tenants et les aboutissants de la cyclotimie. Mais un peu comme Freud quand il a fondé la psychologie moderne, il y a des trucs qui sont super intéressants, il y a des trucs peut-être qui aujourd'hui seraient un peu moins compris. Mais je... Enfin... C'est ce que j'ai publié, en tout cas, sur Internet. Moi, quand j'ai lu le bouquin, j'ai trouvé ça fascinant, extraordinaire. J'ai trouvé qu'il avait fait un travail incroyable. J'ai pas du tout ressenti ce truc-là, mais bon. En tout cas, c'est sûr qu'il a participé au Vraiment une Voix. Le truc, c'est que Dr Elie Antouche, on parle pas de Freud, hein. C'est-à-dire que moi, demain, j'appelle Dr Elie Antouche, je peux peut-être avoir une consultation, hein. C'est un monsieur qui est pas si vieux que ça, quoi. Et c'est ça qui est inquiétant. C'est qu'en fait, c'est récent. Alors, il y a d'autres bouquins. Mais il n'y en a pas non plus de 200. Puis c'est des bouquins. Tu vois, ça par exemple, ce que tu feuilletais, c'est un essai, en fait. Mais je veux dire, il y a des études. Non, pas des essais, là. Des études, des études, il n'y en a pas beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de livres. Aux États-Unis, il y en a un peu plus, mais il n'y en a pas tant que ça non plus. Et puis c'est pareil, tu vois. C'est-à-dire que... L'aschizophrénie, par exemple, quand tu veux chercher à la comprendre, il y a plein de trucs ultra vulgarisés, des vidéos ultra vulgarisées sur Internet, des machins, des... T'as de quoi comprendre, même sans forcément ouvrir des bouquins, tu vois. La cyclotimie, bah, peut t'accrocher, hein, parce qu'en fait, oui, tu peux suivre des trucs sur la bipolarité, comprendre la bipolarité, il y a plein de choses. Oui, mais la cyclotimie, en fait, c'est pas exactement de la bipolarité, c'est... c'est différent. c'est très différent de comment ça se manifeste dans ta vie en général comment tu peux vivre avec comment tu peux faire pour ne pas créer d'épisodes désagréables, comment tu fais pour avoir une hygiène de vie c'est pas exactement pareil que la bipolarité et tu vois typiquement tu parlais de Goupiloufas de Louloubi cette BD a été vraiment salutaire c'est à dire que je voyais une scie etc, mais je n'avais pas encore trouvé de truc, tu sais, déjà qui soit un peu fun, qui vulgarise un peu, qui ne soit pas un truc un peu compliqué, j'adore les bouquins, je lis, ce n'est pas le problème, mais... Si tu rentres dans un bouquin où c'est un peu compliqué, où il faut un peu t'accrocher, où c'est pas fun, c'est un peu austère, etc., eh bien, je veux dire, voilà. Là, t'as un truc qui est fun, où il y a des couleurs, où c'est chouette, où tu ris, en fait. Moi, je l'ai relu pour l'épisode, et j'ai ri plusieurs fois. Ma compagne aussi, accessoirement, puisqu'elle me reconnaissait dans les pages. Typiquement la bipolarité Comment il s'appelle ? Une chaîne Youtube qui s'appelle Psycho Quack C'est un psychiatre qui, je pense, à notre âge, peut-être un petit peu plus vieux, qui est vachement bon. Et il fait des épisodes qui sont sur la bipolarité, sur la dépression, mais en fait, le mec est à mourir de rire. Vraiment, il est un peu rock'n'roll en plus, et c'est hyper drôle. Il fait plein de blagues, il fait des schémas, et en fait, c'est des petits épisodes de 25 minutes. mais pourquoi ça ça n'existe pas sur la cyclotimie et moi j'ai vraiment ce truc de mais c'est pas possible en fait y'a rien qui existe quoi c'est comme si c'était une maladie qui n'existait pas avant les années 80-90 ça n'existait pas et puis là d'un coup ça commence à émerger et je trouve ça incompréhensible parce que c'est une forme de bipolarité y'a des gens qui souffrent je parlais d'errance médicale tout à l'heure et t'en parlais aussi mais moi ça m'a pris 10 ans peut-être 15 ans Je sais pas à partir de quand ça commence à faire effet, peut-être que ça fait très longtemps que ça fait effet, moi j'arrive pas trop à me souvenir, mais je sais qu'à partir d'un certain moment j'ai commencé vraiment à m'en baver. Donc je veux dire, c'est pas petit quoi, tu vois, un truc qui a failli m'emmener au suicide plusieurs fois, c'est pas une petite maladie, tu vois, comment ça se fait qu'on trouve pas, voilà.

  • Giulietta

    Si ça va, je vais poser la question que la personne que nous avons en commun nous a adressée. Et donc, la question de notre cher ami est la suivante. Rétrospectivement, Jean pense-t-il que la cyclotimie a eu des impacts dans ses choix en vie perso, pro, notamment sur ses relations amoureuses ?

  • Jean

    De toute façon, j'ai envie de dire que l'être humain est un être d'émotion. C'est 75% d'émotions et le reste de raisons. L'homo economicus est très loin, c'est un mensonge. Donc à partir de là, comme la cyclotimie est un trouble émotionnel, je dirais donc que oui, nécessairement, la cyclotimie a participé à formuler mes choix. Toutes les compagnes que j'ai eues, sans exception, enfin non, je ne veux pas dire compagne, je veux dire copine, voilà. En fait, c'était toujours des personnes très... l'opposé de ma famille, justement, très sensibles, très proches de l'art, avec une sensibilité émotionnelle très forte. C'était des actes généralement assez émotionnels, assez chauds, pas forcément dans la colère, mais... Voilà, c'est des personnes qui peuvent... qui sont très très empathiques, qui peuvent rapidement pleurer ou rire aux larmes, enfin, des personnes en général qui sont très ouvertes, très curieuses. Alors, je suis un peu tout ça, en fait, et donc, quelque part, je sors aussi avec des personnes... Peut-être qu'il me ressemble un peu, j'en sais rien. En même temps, tu connais un minimum ma compagne puisque tu as bossé avec elle. Elle est comme ça tout en étant très différente de moi. Je pense qu'en amour, c'est ce que je dirais. Ça l'a déterminé sur cet angle-là. Je pense que je n'aurais pas pu être avec quelqu'un de... Justement de... On retourne dans la normalité. Qu'est-ce que la normalité ? J'en sais rien. Quelqu'un de très conventionnel. Après, je me disais, qu'est-ce que c'est quelqu'un de conventionnel ? Mais quelqu'un qui est peut-être un peu fermé ou un peu brutal ou quelqu'un qui est très les études, le job, machin, qui est très conditionné, très cadré, très machin et tout, très droit. Je ne sais pas si j'aurais pu sortir avec. Et je pense que ça fait partie aussi de mon trouble, en l'occurrence, C'est que j'ai besoin de quelqu'un de pas forcément chaotique, tu vois, mais quelqu'un qui a les chakras très ouverts, qui n'est pas refermé sur lui, qui est vachement dans l'improvisation, vachement dans... Donc je pense que ça en a fait partie. Dans mes choix pros, alors déjà... On va dire les deux segments d'études principaux, parce que sinon ça prendrait trop longtemps. Il y a eu mes études en art à la Sorbonne, à Paris 3, et il y a eu mes études en design. Je pense que mes études dans les arts à Pareil 3, même si j'ai vachement aimé, à mon avis, c'était vraiment des études de raison, finalement. J'étais passionné. Et le design, finalement, c'était vraiment le... Vraiment le contraire, c'est-à-dire que j'ai trouvé un espèce d'équilibre dans le design qui est un peu ce qui se passe dans ma tête en permanence, c'est-à-dire à la fois écouter les émotions et en même temps être vachement dans la maîtrise pour pas que ça m'embarque de trop. Donc t'es vraiment à l'écoute de toi, t'es à l'écoute du monde, t'es à l'écoute des autres. C'est très créatif, que ce soit intellectuellement ou que ce soit vraiment de... T'as ton crayon et puis tu commences à griffonner. T'es tout le temps à la rencontre des gens, etc. C'est un peu l'histoire de ma vie, au fond. Et c'est un peu du coup ce qui m'allait le mieux aussi dans ma personnalité et dans la cyclotimie. Parce qu'au fond, c'est un exercice mental qui se fait tous les jours. L'art... Le fait de créer exactement, ça te permet d'expurger des émotions, ça te permet de mettre sur papier des émotions que tu ressens inconsciemment, qui sont en train de te travailler intérieurement, mais tu ne le sais pas. Mais par contre, quand tu vas les mettre sur le papier, c'est là que tu vas les voir. et en plus un effet psychothérapeutique nécessairement puisque du coup tout ce que j'ai pu apprendre dans mon errance médicale finalement bah maintenant je m'en sers aussi pour comprendre les gens est-ce qu'il y a eu des moments où t'as eu le sentiment que t'as si que le type,

  • Giulietta

    parce que là t'as décrit quelque chose de relativement apaisé ou que ça a exalté des choses dont tu as réussi à faire une force Mais je présume que ça, c'est seulement depuis que tu as eu le diagnostic et que tu as compris les ressorts de ta pathologie. Est-ce qu'il y a eu des moments où tu as eu le sentiment que ta maladie a pris le pouvoir sur toi et que tu as fait des choses que tu as regrettées par la suite ?

  • Jean

    Oui. Il y a deux choses. Des expériences en particulier ? Il y en a plein d'autres, probablement. Comme tout être, on regrette des choses dont on ne se souvient plus. Mais il y a deux expériences en particulier. Il y en a une, ce n'est pas vraiment un regret, mais je sais que ça a pris le contrôle. Justement, quand j'étais en train de partir dans le design, Dans ma deuxième alternance, c'est une petite agence tout à fait sympathique, des gens très sympas, hyper pros, etc., qui m'ont beaucoup appris. Mais voilà, mais en fait, j'ai un de mes meilleurs amis de l'époque. On avait fait les 400 coups ensemble, on avait voyagé, on se voyait tout le temps, on avait beaucoup habité ensemble. Enfin bon, bref, on avait vécu des grandes expériences ensemble. En fait, cet ami... Il nous a dit, un mec brillant, il nous a dit, parce que c'était nous, on était trois copains, il nous a dit à l'époque que ça n'allait pas très bien, qu'il sentait qu'il était en train de faire un burn-out encore. Il est parti en vacances avec son cousin, il a pris des champignons là-bas, et il n'est jamais revenu. Il a décompensé avec les champignons. C'est... Enfin, voilà. m'a balancé les pires horreurs possibles alors que c'est une personne très importante dans ma vie ça m'a littéralement détruit j'en ai pleuré non plus que vous voir c'était très dur et là je sais que la cyclotimie a pris le pas là je me suis fait dévorer pendant un an où là j'arrivais plus à ressortir J'arrivais plus à remonter. Je ne savais pas ce que c'était à l'époque, mais j'arrivais plus à... Ouais, j'arrivais plus à revenir dans la réalité, donc j'étais tout le temps, tout le temps, tout le temps en enfer. Et j'étais tout le temps en enfer, alors... Ça va m'amener à un sujet dont je vais parler après, mais j'osais un poker face, pour que personne ne s'en rende compte, mais en fait, j'étais en enfer permanent, avec des phases, du coup, où je m'en sortais, puisque phase d'euphorie, mais qui me renvoyait de l'autre côté. Et là, ouais. Là, j'étais tout le temps entre dépression et... Enfin... L'échelle, la dépression légère et puis dépression sévère, avec des pensées noires, etc. Là, ça a été très dur et j'ai complètement foiré mon alternance.

  • Giulietta

    Et du coup, pour donner moi mon regard en tant que personne qui commençait à te connaître à ce moment-là, moi, je n'avais rien remarqué. Et pour comparer avec des personnes qui sont en dépression, généralement, ça se remarque. Il y a des difficultés à faire face, à sortir, à sociabiliser, tout ça. Et donc je présume qu'une des perversions de la cyclotimie, et peut-être aussi une des ressources que tu as, c'est que tu alternes entre deux sentiments, et même si ton mood général était plutôt dépressif, tu as eu des moments de sociabilité et des moments euphoriques. Ou en fait, tu donnais carrément le champ, j'y reviens rien.

  • Jean

    En fait, tu sais... Je vais parler de Jim Carrey.

  • Giulietta

    Ah bah, vas-y.

  • Jean

    C'est ça, hein. Dites-en. Jim Carrey, il a eu le plus ou le moins arrêté sa carrière en général. Il fait surtout de la peinture et donne des interviews. Il n'a pas le mal parlé de dépression, notamment. Et il a parlé d'un sujet, en l'occurrence, dont je voulais parler, donc ça tombe très bien. Il s'appelle le faux self. Le faux self, en gros, c'est... Tu vois la comédie à l'arté avec les deux masques. Ben voilà. En gros, t'as le masque souriant. En fait, ce masque souriant, c'est un faux self. C'est un masque. Parce que derrière, par contre, c'est pas un masque qui boude. Enfin, derrière, il n'y a pas de masque. C'est vraiment toi, quoi. Donc, en fait, finalement, tu te mets un masque. pour qu'en société, tu sois acceptable. Et en fait, même le but ultime, c'est un peu de cacher ce que tu ressens réellement. Parfois, c'est même un peu inconscient. Et moi, j'ai tellement, tellement été habitué à porter un masque, finalement, être dans un fauteuil, avec une personne toujours très joyeuse, très... à faire des gros bruits, des grands gestes, etc. que finalement, ça ne se voyait pas. Et même moi, ça me rassura à l'époque. de me voir comme ça avec les autres parce que ça me prouvait que j'étais pas encore tombé, que j'étais encore là en fait ça allait très très mal ça allait extrêmement mal et quand il s'agissait de bosser par exemple, c'était pas possible c'était vraiment pas possible rétrospectivement ce que j'aurais dû faire c'est me mettre 6 mois en arrêt maladie et aller dans un institut de repos ou un truc comme ça pour être coupé du monde et rebranché avec la réalité parce que j'étais en enfer

  • Giulietta

    C'est une difficulté liée à la psychiatrie, c'est que, autant sur un symptôme physique, quand on te dit on va te mettre en arrêt maladie, il faut que tu ailles à l'hôpital, il faut que tu te poses, attention, fais gaffe et tout, ben tu le fais. Autant expliquer aux gens que t'es en dépression, que t'arrives pas à faire face et que c'est compliqué, et le fait d'aller te faire hospitaliser en lien avec ta santé psy, ben là ça devient tout de suite beaucoup plus compliqué.

  • Jean

    De toute façon, sans même parler de cyclotimie, il suffit, et t'as dû le voir toi-même, peut-être ou pas, en tout cas moi je l'ai vu à plusieurs reprises, il suffit de voir quand quelqu'un est atteint de dépression nerveuse. Sans forcément être au bout, au ras du suicide, mais juste quelqu'un qui est atteint de dépression nerveuse. Il ne peut plus se réveiller... Le matin, il ne fiche plus grand-chose, il joue aux jeux vidéo, etc. En fait, il ne va pas bien, le monsieur-là. Il ne va pas bien du tout, en fait. Plutôt que de lui mettre des... Comme si mettre un coup de pied en fesse à quelqu'un qui ne va pas bien, ça va forcément l'aider. C'est sûr. C'est vrai que j'aurais dû y penser, j'aurais dû mettre un coup de pied en fesse, puis aujourd'hui, je serais plus... Moi, je n'ai pas été dans ce cadre-là, parce que faux self. Mais... Quand je vais trop mal, je m'en vais. Et je pars d'endroits, je me débrouille. Mais je pars d'endroits où je pars du job, où je ne sais pas, où je crée une nouvelle forme de vie. Parce que c'est de la cyclotimie, donc je sais que c'est mécanique. Et même avant, quelque part, je savais un peu inconsciemment que c'était mécanique, parce que ça finit par passer quand même. Ce que je voulais dire de base, c'est ça. C'est qu'on a un peu digressé. C'est que la dépression nerveuse, qui est pourtant un truc simple, théoriquement, pardon les faits, mais théoriquement, que tout le monde comprend, que tout le monde connaît, qui est accepté par la société, tu vois encore aujourd'hui pourtant que quelqu'un qui est en dépression nerveuse ou qui ne se dit pas en dépression nerveuse, mais qui a les symptômes d'une dépression nerveuse, va être vu comme quelqu'un qui se laisse aller. pas son entourage. Ça pose quand même deux, trois questions. Alors que la cyclotimie, qui est un truc qui n'est pas connu, qui est très mal compris même par les psychiatres en France, oui, en fait, tu comprends pourquoi il y a des gros problèmes. Tu comprends pourquoi les gens ne se sont pas pris au sérieux. Tu comprends pourquoi il y a des gens qui sont atteints de cyclotimie et qui vont en fait, de base, peut-être ne pas avoir de trauma, mais qui vont en avoir parce qu'ils vivent avec un truc qui leur bousille la santé.

  • Giulietta

    et qui ne sont pas reconnus en tant que tels ou qui sont vus comme des gens qui exagèrent leurs symptômes je crois que t'en parlais tout à l'heure moi j'ai plus trop de questions est-ce qu'il y a des points que tu souhaites aborder parce que tu es venu avec plusieurs pages de notes oui alors le truc je regarde rapidement mais le truc c'est que je prends ton temps parce que j'ai pas envie que tu partes

  • Jean

    en te disant que tu n'as pas dit quelque chose ouais tu as bien raison non c'est bon j'ai tout dit c'est formidable il y a un dernier truc que j'aimerais rajouter mais je sais pas si t'avais prévu je crois pas c'est justement comment bien vivre avec ta cyclotimie et

  • Giulietta

    bah vas-y Les recettes de Jean.

  • Jean

    Les recettes de Jeannot. Alors, comment vient vivre sa cyclotimie ? Je ne sais pas. Il y a quelques livres en France qui sont intéressants. Il y a des études en France et des études aux Etats-Unis qui sont intéressantes. Il faut fouiller. C'est pénible, mais il y a des trucs qui sont intéressants. Ça, c'est le premier point. Il faut les lire. C'est vraiment important. Ça peut parfois être carrément hermétique, mais il faut se lancer parce que... ça permet de mieux comprendre déjà ce qu'on ressent, ça permet de mieux comprendre ce qu'on a, et ça permet justement de mieux, derrière, créer et adapter des mécanismes pour davantage prendre en charge sa cyclotimie. Et quand bien même on a trouvé un psychothérapeute qui comprend la cyclotimie et qui vous aide en tant que patient, ça ne suffit pas, il faut quand même un peu se prendre en charge par soi-même aussi. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, et ça, c'est vraiment des basiques, mais on parle d'avoir une hygiène de vie pour quelqu'un qui n'est pas forcément atteint de troubles émotionnels. Ça l'aidera à aller loin. Oui, en fait, les cycles thymiques, c'est qu'en fait, si tu es cycle thymique, tu ne peux pas faire ta vie sans avoir un minimum d'hygiène de vie. Parce qu'en fait, plus tu as une bonne hygiène de vie, plus tu pourras éviter d'avoir des yo-yos émotionnels. Et surtout, moins tu auras des yo-yos émotionnels, moins tu auras des yo-yos émotionnels. Inversement, plus tu auras des yo-yos émotionnels, plus tes yo-yos émotionnels seront forts, ils iront loin, et donc plus ils deviendront forts. En fait, là pour le coup, c'est un peu cyclique, c'est plus c'est fort, plus c'est fort, moins c'est fort, moins c'est fort. Je ne suis pas une bonne personne pour dire ça, du fait que je suis un très bon vivant, mais l'hygiène de vie, ça ne paraît pas comme ça, ça paraît être un argument bête, mais en fait c'est hyper important pour la cyclotimie d'avoir une bonne hygiène de vie. C'est vrai pour tout le monde, ce n'est pas particulièrement vrai avec les cyclotimies. Entourez-vous de gens qui vous comprennent et qui vous comprennent vraiment. Fuyez absolument les gens qui ne vous comprennent pas, qui sont toxiques, Parce qu'en fait, c'est vrai pour une personne qui n'est pas atteinte de cyclotimie, mais dans votre cas, ça va vous entraîner encore pire dans vos tourments, dans un sens ou dans l'autre. La personne d'un coup est super sympa, très bien, ça vous envoie dans une phase hypomaniaque. La personne vous rejette ou a un comportement toxique, ça vous envoie en enfer. Et de toute façon, si vous allez dans une phase hypomaniaque, ça vous enverra aussi en enfer, quoi qu'il se passe. Et plus vous montez, plus vous descendez. Voilà, c'est vraiment des basiques. Et surtout, soyez créatifs. Faites des choses créatives. Utilisez vos mains. Ça vous fera le plus grand bien et ça vous donnera beaucoup de confiance en vous. Pour reprendre sur un dernier exemple que j'avais zappé et qui pourtant est vital, c'est Dr Elie Antouche, pour le coup, qui en parle dans son bouquin que je fais et qui est... rébarbatif, pénible et même disons-le carrément chiant au début comme exercice mais qui devient après hyper intéressant c'est le fait que chaque jour, dans un petit carnet sans aller jusqu'au point où il dit avec un tableau machin et tout mais juste décrire comment cette journée on s'est senti émotionnellement quel comportement problématique on a eu qui pouvait être symptomatique d'un souci émotionnel, dans un sens comme dans l'autre, et si oui, pourquoi, qu'est-ce qu'il a généré ? L'idée, c'est que derrière, ça peut permettre de voir quand on est en train de partir dans une série de comportements hypomaniaques ou inversement, dans une série de comportements dépressifs. Si la cyclotimie, c'est yo-yo, il y a quand même des tendances et il y a aussi un peu des vagues aussi, malgré tout. C'est là où c'est un peu pervers aussi, c'est que je peux être plus ou moins en dépression en continu pendant une phase, pendant un mois, deux mois, six mois, tout en ayant des comportements complètement hypomaniaques. Voilà, donc il faut se méfier de tout ça. Et donc ça, c'est un bon moyen d'avoir un... Il n'y en a plus. D'avoir un... a un bon contrôle sur son état émotionnel. Et ça permet notamment de se dire Ouh là là, je bois trop en ce moment, c'est pas bien ou Oh là là, je fais rien en ce moment, je reste sous le chemin Bon bref, voilà, c'est vraiment important. C'est bon, je crois ?

  • Giulietta

    Ouais, c'est bon. Est-ce que t'as un mot de la fin ?

  • Jean

    Sortez couverts ? Non, ça marche pas, ça.

  • Giulietta

    Vraiment, je m'attendais à mieux venant de ta part.

  • Jean

    Non. Est-ce que j'ai un mot de la fin ? Je réfléchis. Je dirais deux choses, ouais, je pense, qui m'ont vraiment aidé dans ma vie, mais qui m'ont aidé aussi avec la cyclotimie. La première chose, c'est l'autocritique. Et in fine la critique. Faut être capable de toujours remettre les choses en question. Même les médecins. J'ai une médecin qui m'a dit un bon patient, c'est un patient critique. C'est un patient qui, s'il n'est pas tout à fait OK sur le diagnostic, même s'il n'est pas médecin, ça n'empêche pas d'être critique, il faut aller voir un autre praticien. Et le meilleur moyen d'être diagnostiqué, c'est clotimique. c'est de voir plusieurs personnes. Et typiquement, Loubi en parle dans sa BD. Moi, je l'ai vécu. J'ai eu de l'errance médicale aussi. Ça a été terrible. C'est un trauma, d'ailleurs. Je peux le dire. C'est un trauma. Je sais qu'il y a des gens qui prendront encore plus de temps que moi. Moi, ça m'a pris quand même 15 ans à la fin. Donc c'est ce que je dirais. Soyez critique envers vous-même. Ça vous aidera à voir l'éléphant arriver et ça vous aidera à résister aussi quand vous êtes en pleine tempête émotionnelle. mais ça vous aidera aussi à résister à quand vos proches sont un peu toxiques avec vous concernant la cyclotimie ou concernant vos troubles émotionnels, vous avez une dépression passagère ou quoi. En fait, ce n'est pas un petit truc, ce n'est pas pour blaguer. Soyez critique envers leur discours et soyez critique envers le médecin si le médecin, vous avez l'impression qu'il dit qu'il est à côté de la plaque ou qu'il ne connaît pas le sujet ou qu'il est un peu dans la facilité. Bah, changez de médecin, allez-vous en voir un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis au bout d'un moment, ça ira.

  • Giulietta

    Vous avez deux conseils, ça c'est le premier.

  • Jean

    Non, le deuxième conseil, c'est les amis. C'est vrai pour tout le monde, mais... et je pense à notre ami notamment, qui a posé la question, qui se reconnaîtra probablement, mais... les amis, c'est quand même un truc hyper important. C'est vrai en général, mais dans le cadre de la cyclotimie, c'est particulièrement important. Quand vous avez des vrais bons amis qui vous connaissent, c'est eux qui seront capables de vous ramener à bon port. Que vous soyez un peu dans l'hypomanie et que vous commencez à avoir des comportements qui ne sont pas bons pour vous. Typiquement, les amis sont là un peu comme la... C'est un peu la tour de guêpe de la cyclotimie. Ils sont capables de vous voir partir dans un sens comme dans l'autre et de vous ramener. Donc c'est important de les trouver, et typiquement notre ami commun, sans s'en rendre compte malgré lui, par ses simples comportements naturels, par sa simple présence, plusieurs fois il m'a ramené à bon port. Juste parce que c'est quelqu'un de solide, juste parce que c'est quelqu'un de merveilleux finalement. Et plusieurs fois il m'a ramené à bon port, et il y en a d'autres et ils n'ont pas forcément besoin de vous dire les choses juste le fait qu'ils soient là ça vous aidera à vous corriger et à éviter d'aller dans des situations où vous allez vous faire mal un immense merci à Jean d'avoir partagé son récit et son regard sur le monde j'ai été très touchée au montage de cet épisode de me rendre compte de tout ce que Jean avait partagé les moments compliqués comme les périodes de joie le tout sans faux semblants et avec une sincérité désarmante j'espère sincèrement que cet épisode vous sera utile, que vous soyez à l'atteinte de Cyclotini ou non on parle encore malheureusement trop peu des troubles de l'humeur et de la dépression alors que ce sont des pathologies qui ont un impact important sur la vie de celles et ceux qui vivent avec l'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins imaginé et enregistré à Paris lancé entre Marseille et Naples diffusé avec amour si ce format vous plaît et que vous souhaitez me soutenir n'hésitez pas à noter l'anomalie sur votre plateforme d'écoute de podcast préférée, cela m'aidera beaucoup en attendant les prochains contenus, prenez soin de vous

Description

Peut-on bien vivre avec un trouble de l'humeur ?


C'est à cette question que répond Jean dans ce nouvel épisode de lanomalie. Jean est atteint de cyclothymie depuis plusieurs années mais le diagnostic n'a été posé que récemment, comme pour de nombreuses personnes atteintes par ce trouble.


Jean compare la cyclothymie à une navigation par un temps de tempête, alternant sans cesse entre des phases dépressives et des phases euphoriques. Si Jean vit aujourd'hui très bien avec cette pathologie, cela n'a pas toujours été le cas. Il évoque dans l'épisode son temps d'errance médicale ainsi que les idées noires qui l'accompagnaient.


La cyclothymie, qu'est-ce que c'est ?

Il s'agit d'un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Comme pour une bipolarité, la personne atteinte oscille entre des moments d'euphorie, qu'on qualifie de "maniaques" et des phases de dépression. La particularité de la cyclothymie est que ces variations sont particulièrement reserrées dans temps : dans la même journée, Jean peut passer d'une phase à l'autre. Le début de l'épisode pose les bases théoriques qui permettent de comprendre en détail ce trouble de l'humeur.

La cyclothymie concerne environ 1% de la population française mais demeure un trouble psychiatrique encore peu connu, autant par le grand public que par les médecins. La conséquence directe est un temps de diagnostic extrêmement long (environ une dizaine d'années).


Nous évoquons dans cet épisode :

  • Les meilleures astuces de Jean pour bien vivre avec cette pathologie

  • Le rapport délicat que cette maladie induit dans le rapport à l'entourage et au travail

  • La relation que Jean entretient avec la psychiatre qui le suit ainsi que l'impact de son traitement sur sa vie quotidienne

  • Les conséquences de la cyclothymie et des épisodes dépressifs que Jean a connus


⚠️ Assurez-vous d'écouter l'épisode à un moment où c'est ok pour vous. Nous parlons d'idées suicidaires et de violences intrafamiliales dans cet épisode.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Jean

    Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué. Tu vas mal, tu ne sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien. Donc tu culpabilises parce que tu ne comprends pas pourquoi tu as été aussi loin alors qu'en soi, il n'y a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable.

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps et une psyché qui vont bien, qui tiennent la route et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Pour ce nouvel épisode, je vous propose de rencontrer Jean, un ami à moi atteint de cyclothymie. La cyclothymie, c'est un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Tout comme pour une bipolarité, il y a des fluctuations entre des périodes de dépression et des périodes euphoriques qualifiées de "maniaques". La particularité de la cyclothymie, c'est que ces changements de phase s'opèrent de manière brusque. Jean en parle très bien dans l'épisode : dans la même journée, il peut connaître des moments de joie intense, puis se trouver cloué au fond de son lit, ou bien très anxieux. Cet épisode est particulier à plusieurs égards. Tout d'abord, c'est le premier qui traite de santé mentale. Je voulais m'en tenir au corps, au départ pour ce podcast, mais le récit de Jean m'a profondément touchée, ainsi que sa volonté de sensibiliser sur un trouble encore peu connu en France. Il se peut également que vous remarquiez un ton guilleret dans cet épisode, qui contraste avec les sujets évoqués. Nous avons enregistré autour d'une bonne bouteille de vin, pour nous donner du courage. L'ensemble me semble être tendre et plutôt clair, malgré une certaine ébriété. Avant de vous laisser avec cet épisode, petit trigger warning. Les sujets évoqués sont compliqués : Jean évoque notamment des envies suicidaires. Assurez-vous d'écouter l'épisode dans de bonnes conditions, ou bien différez son écoute si vous sentez que ce n'est pas le moment. Sur ce, je vous souhaite une très bonne écoute. Je vais commencer par une question métaphysique, comment est-ce que tu te sens aujourd'hui Jean ?

  • Jean

    Comment je me sens ? Bah ça va, ça va ... Ça va. D'ailleurs, c'est une bonne introduction, le "comment ça va ?", parce que justement... on devait faire l'épisode d'hier. Et hier, j'étais dans une phase un peu dépressive. Donc voilà. Et aujourd'hui, ça va très bien. Même, je dirais, c'est un tout petit peu de l'autre côté. C'est le principe même de la cyclothymie d'un jour à l'autre, voire d'une minute à l'autre parfois : ça va et puis ça ne va plus.

  • Giulietta

    Oui, effectivement. Hier, tu m'as envoyé un SMS pour me dire "est-ce qu'on peut décaler ? Je ne me sens pas très bien". Du coup, je n'ai pas compris ton SMS. J'étais là, genre on a rendez-vous ce soir. Et après, j'ai relu. Je me suis dit "ah ouais, non, en fait", tu me proposais de décaler parce que ça n'allait pas.

  • Jean

    Oui.

  • Giulietta

    Donc pas de soucis, est-ce que tu te sens de décrire ce que c'est des moments où tu te sens moins bien ?

  • Jean

    Alors, en fait c'est un peu complexe à expliquer. Bah le, typiquement, le bouquin de... Le bouquin qui s'appelle Goupil ou face de Lou Lubie, il y a une page, au bout d'un moment, où elle décrit ses états émotionnels avec des petits dessins. Des visages, son portrait, en gros, où ça va, c'est super, et puis d'un coup ça va pas. Mais c'est pas le ça va pas, c'est... Je me sens déstructuré, je me sens angoissé, stressé, je me sens super excité, je me sens... Et en fait, c'est un peu ça, ce qui a créé, ce que moi j'appelle des down, mais ce qui va plonger dans la phase dépressive, peut créer des manifestations émotionnelles différentes. Par exemple, hier, j'étais hyper anxieux. T'as des fois, je vais pas être anxieux. T'as des fois, je vais juste être complètement abattu. Même parfois, avec des pensées suicidaires, par exemple. Le travail... au fur et à mesure des années fait que je sais que c'est comme ... Je me vois toujours comme ça en général quand je pars de l'autre côté, c'est... c'est un peu comme un marin qui va pêcher, qui est dans un bateau un petit bateau en pleine tempête. La cyclothymie, c'est un peu ça quoi. La mer peut être très calme puis d'un coup partir dans une tempête terrible et ok je suis un marin, j'ai l'habitude de naviguer sur des mers en pleine tempête, je sais que ça va passer, et c'est exactement ça.

  • Giulietta

    T'as abordé bien évidemment plein de sujets sur lesquels j'ai envie de développer, mais les auditeurs et auditrices ne te connaissent pas. Est-ce que tu peux donner deux, trois éléments pour te présenter de la façon dont tu le souhaites, histoire de poser les bases de l'échange et qu'on sache un peu qui tu es ?

  • Jean

    Très bien, je m'appelle Jean, j'ai 33 ans, je suis designer dans une agence parisienne. Qu'est-ce que je peux dire ? J'aime plein de choses, je crois. Je suis très... J'aime plein de choses, je suis très émerveillé par la vie en général, ce qui est d'ailleurs un des mérites de la cyclothymie. Je suis toujours émerveillé comme un gamin par tout ce qui peut m'entourer. Je sais pas ce que je peux te dire... Ouais, je sais pas ce que je peux te dire...

  • Giulietta

    Et est-ce que tu peux parler de la raison pour laquelle tu es là aujourd'hui ? Du coup, il y a ta cyclothymie et il y a ton TDAH, je ne sais pas si tu veux en parler ou pas.

  • Jean

    Ouais, ouais, ouais, carrément. Alors, pourquoi ? Justement, pourquoi je voulais t'aider sur ce podcast. Parce qu'en l'occurrence, aujourd'hui, en France, la cyclothymie, c'est quelque chose qui est encore peu compris, peu connu. Il y a peu de littérature en France. Pour les auditeurs, quand je parle de littérature... Je parle de littérature scientifique, d'études. Il y a peu de littérature en France, et en général, même dans le monde, il n'y en a pas tant que ça. Il y en a plus aux États-Unis notamment, mais bon. En France, en tout cas, c'est une maladie qui est... C'est le terme, c'est une maladie. C'est une maladie qui est encore très méconnue, qui est peu comprise par les psychiatres, et par les psychologues en général. Ça s'explique de différentes façons, mais on va voir au fur et à mesure du podcast, je pense que je vais en parler. En tout cas, voilà. Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué, Tu vas mal, tu sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien, donc tu culpabilises parce que tu comprends pas pourquoi t'as été aussi loin alors qu'en soi y'a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable, ça m'a conduit à des situations où... J'aurais pu partir, définitivement. J'ai la force de ne pas le faire, mais je... Mais voilà. Et donc, quelque part, de participer à ce podcast sur cette maladie, c'est, quelque part, espérer que quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il a, mais qui l'écoute, et qui puisse se dire "Ah mais, ça correspond à ce que j'ai, en fait". Eh bien, peut-être que ça va l'aider à sortir de son errance médicale. Peut-être que ça va aussi permettre de sensibiliser... d'autres personnes finalement à cette problématique comme tes autres épisodes ont finalement sensibilisé à certains sujets. Effectivement, c'est pour ça que je suis là. C'est vraiment pour aider et éclairer, même une seule personne. C'est déjà génial. Si je peux la sortir de son enfer, je suis très content.

  • Giulietta

    Effectivement, en me documentant un petit peu, je me suis rendue compte que la cyclothymie, visiblement, ça touchait 3 à 6% de la population, donc c'est loin d'être un petit sujet, et que le temps de diagnostic était estimé actuellement à... 10 ans ! Donc, dans le cadre d'un trouble psy, c'est extrêmement long parce que comme tu l'as décrit, il y a des moments qui sont extrêmement difficiles à vivre, on ne sait pas ce qui nous arrive. Et le fait de ne pas avoir une réponse, enfin une prise en charge adaptée, je présume que ça doit mener à une certaine détresse. Est-ce que tu peux expliquer ce que c'est que la cyclothymie avec tes mots ?

  • Jean

    Déjà, revenons aux bases, analysons deux secondes le terme, juste deux secondes. Cyclothymie, il y a le terme "cycle" donc finalement s'il y a le terme cycle on peut aller jusqu'à cyclique. En fait la cyclothymie, normalement, c'est cyclique un peu comme la bipolarité, je vais venir. Ça devrait être cyclique mais en fait la cyclothymie, c'est pas exactement ça, c'est un peu plus compliqué. Là, je vais prendre la bipolarité. La bipolarité qu'elle soit de type 1 ou de type 2. Type 1 , c'est la bipolarité qu'on voit dans les films. C'est concrètement une personne qui ne peut pas vivre en société. Ce n'est pas possible. C'est trop compliqué. Type 2, avec un bon traitement, une bonne prise en charge psychothérapeutique, ça peut aller. Ça peut se faire. Potentiellement. Mais bon, je dis tout ça avec des pincettes. Attention. Mais il y a quelque chose qui fait qu'ils se ressemblent bien. C'est que... En fait, leurs phases émotionnelles sont effectivement cycliques. Elles peuvent se déclencher, par exemple, une personne va très bien, et puis pendant un an, deux ans, elle a un accident de voiture, et d'un coup, en fait, c'est cyclique. C'est-à-dire que sa phase émotionnelle, qu'elle soit dépressive ou maniaque, il faudra qu'on l'explique d'ailleurs, va se déclencher. Ça va rester un mois, deux mois, six mois, deux ans, quatre ans. Et puis ça va redescendre, mais ça reviendra. C'est cyclique. Dans le cadre de la cyclothymie, c'est un peu plus compliqué parce que la cyclothymie, en l'occurrence, c'est assez cyclique, mais c'est beaucoup plus sensible que la bipolarité. Je vais citer un exemple. Une fois, j'avais fait un super projet en design, j'avais cartonné, j'étais hyper fier de moi. Le client était hyper content, mais le client a dit "Par contre, Jean quand il s'exprime, il est un peu trop cool, un peu trop... parfois il oublie un tout petit peu qu'on est ses clients et il parle un peu comme s'il nous connaissait un peu trop bien". Et ça m'a dévasté. J'étais au fond de mon lit, je ne pouvais plus bouger alors que j'étais voilà j'étais en plein jours de travail, j'étais dans mon lit je pouvais plus bouger. Et j'étais parti là, je savais que jusqu'au soir c'était terminé. Une de mes anciennes voisines m'appelle, et je l'aime bien. J'ai vu son appel, j'ai décroché : "Ça va, machin, etc.." L'appel s'est fini, je me suis levé, je suis retourné travailler, j'étais guilleret, j'étais super content. Même un peu euphorique. Comment ça se fait que tu passes d'une phase où t'es en dépression nerveuse lourde, tu peux plus manger, t'es lent, ton ego est en berne, etc. à une phase où t'es limite euphorique, t'es content de toi, t'es fier de toi, tout va bien, il y a des oiseaux dehors, ça chante. En fait, c'est là où c'est compliqué l'histoire de cycliques, c'est-à-dire que, oui, il y a une forme de cycle, mais en fait, la cyclothymie, réellement, c'est vraiment des allers-retours, en continu, et pour X ou X raisons, ça peut partir dans un sens ou dans un autre, et ça ne s'arrête jamais.

  • Giulietta

    Du coup, là, on a bien expliqué ce que c'était la dimension cyclique de la cyclothymie. Tu as parlé d'épisodes plutôt maniaques et d'épisodes dépressifs ?

  • Jean

    Là, on peut rentrer dans le détail de façon un peu plus théorique. Dans l'idée, en gros... On peut se représenter comme une forme d'échelle. Une échelle. Où une personne, toi, par exemple. Quand tu vas vivre ta vie, tiens, il y a un verre avec les copains. De l'autre côté, tiens, j'ai appris une mauvaise nouvelle "zut, j'ai des impôts à payer". En fait, tu vas être à travers cette échelle. Cette échelle, en gros, pour qu'on s'illustre bien, il y a cinq étages. L'étage au milieu, c'est celui dans lequel vont rester les gens, en général. On pourrait dire presque, sinon, que c'est le rez-de-chaussée, en gros. Et le cerveau des gens, normalement... Il va un petit peu descendre selon ce qu'il apprend. Donc là, c'est, on va dire, le sous-sol et le sous-sous-sol. C'est deux étages de dépression. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Je ne sais pas comment on appelle ça, parce qu'il y a différents termes. On pourrait appeler ça la dépression légère, l'étage de dépression légère. En fait, ce n'est pas du tout léger. Ça ne va pas, ça ne va pas du tout. C'est une hypodépression, quelque part. Ça n'a pas du tout, les effets sont bien là. Et puis, il y a l'étage en dessous. Donc là, c'est la dépression sévère, extrême. Là, on parle plus d'idées noires. On parle plus d'envie de se suicider. Il y a des pensées qui sont là et qui ne sont pas sympas du tout. Il y a une extrême dévalorisation de soi-même. Et puis, tu ne peux plus te sortir de ton lit. Enfin, là, c'est terminé. Tu passes de l'autre côté. Donc, je retourne au rez de chaussée et je remonte au dessus. Là, ce sont les étages de... Je n'aime pas le terme, mais "maniaques". C'est les étages de manie. Donc là, il y a deux étages. Il y a hypomaniaque et maniaque. En gros, cet étage-là, il est un peu chiant. Parce que la phase dépressive, on comprend, tu vois. Tu es fatigué, tu n'as plus d'énergie, dévalorisation de toi-même, idées noires potentiellement, plus de volonté. Enfin, voilà. Finalement tout le monde a un petit bagage sur la dépression nerveuse. On imagine les coups de blues et tout. On imagine un peu ce que c'est. Les étages maniaques, ils sont plus compliqués. Parce que c'est à la fois de l'euphorie, moi souvent c'est de l'euphorie. D'ailleurs là, je suis un peu euphorique. C'est de l'euphorie, ça peut être des comportements complètement, complètement, comment dire, excessifs. C'est-à-dire, je vais quitter ma nana, je vais acheter deux bagnoles, Je vais me raser les cheveux. Voilà, ça peut être n'importe quoi. Ça peut être... Attention, là, ça ne va pas être cool. ça va être ma mère par exemple parce que c'est génétique Ma mère, par exemple, quand elle avait des phases maniaques, moi, mon frère et ma soeur, en fait, elle nous battait pendant des heures jusqu'au moment où ça allait redescendre. Et après, inversement, du coup, elle descendait plus bas parce que c'est une des perversités de la cyclothymie. Mais c'est vrai pour la bipolarité aussi, remarque. C'est plus tu montes haut, plus tu vas descendre bas. Donc voilà, les étages, l'échelle. Des phases maniaques, c'est extrêmement compliqué parce que c'est à la fois de l'extrême violence, à la fois des comportements excessifs, à la fois des choses super joyeuses, comme de l'euphorie. C'est assez compliqué. Pour reprendre, quelqu'un de normal, comme toi par exemple, il va être concrètement toujours au milieu. Son cerveau va faire ce qu'il faut pour balancer telle ou telle molécule pour que ça aille bien, pour le faire remonter ou redescendre, à peu près. Ça n'empêche pas que tu peux, un petit peu, même aller parfois un petit peu loin, dans un sens ou dans l'autre. Ça va être très vite régulé. Donc je ne suis pas en train de dire que quelqu'un qui n'est pas atteint de cyclothymie ne peut pas avoir un coup de blues, c'est pas ce que je dis. Le problème du cyclothymie, c'est que par contre, c'est un trouble émotionnel où c'est complètement mal géré, où le cerveau concrètement n'a jamais un coup d'avance, il a toujours un coup de retard, et en plus d'avoir un coup de retard, il a toujours des carences d'un point de vue moléculaire, donc il n'arrive jamais finalement à faire ce qu'il faut.

  • Giulietta

    Oui j'ai l'impression qu'il y a une hypersensibilté... ...qui fait que c'est encore plus difficile d'apporter la réponse adéquate.

  • Jean

    Totalement et il y a plein de choses. Tu vois quelqu'un dans la rue qui tombe... Tu vois une petite vieille qui tombe dans le caniveau, tu vas l'aider, etc. Sur le coup tu vas pas voir qu'il y a quelque chose, il y a une émotion qui est en train de s'installer, tu l'aides, tu as un coup d'angoisse, tu l'aides et tout, elle se relève, bon en fait ça va tranquille, etc. Derrière tu vas le payer parce que tu as une bonne nervosité qui s'est mise en route, une bonne décharge d'adrénaline. Donc, derrière, tu vas tu vas le payer où tu vas être anxieux pendant 3h, 4h, 5h. Alors qu'en fait, ça va, tout va bien. Parce que quelqu'un qui n'est pas atteint de la cyclotimie va l'avoir aussi, sauf que son cerveau va faire ce qu'il faut. Et moi, en plus, j'ai d'autant plus un coup de bol, c'est que j'ai été diagnostiqué aussi assez récemment, d'un TDAH, Troubles Déficitaires de l'Attention Handicapant. Ça, c'est impeccable, parce que les deux se répondent très bien, il n'y a pas de problème. C'est-à-dire que pour que ça aille bien avec la cyclotimie, il faudrait que j'ai une vie assez saine, où je fasse du sport, où je mange bien, où je ne sois pas trop stimulé par les choses. Voilà, juste une vie de moine, il ne faut pas exagérer, juste une vie raisonnable, confortable, avec du voyage, tu te fais plaisir, mais voilà, confortable. Le problème, c'est que de l'autre côté, tu as le TDAH, où tu as une carence en dopamine, ce qui fait que ton cerveau est sous-stimulé en permanence, donc il cherche la stimulation absolument partout. Ce qui te fait avoir des comportements qui ne sont pas super, et ces comportements pas super font qu'après, tu plonges. Ou tu es overstimulé par un truc, donc ça va te faire une montée d'euphorie, et donc après, tu plonges, etc. Et ça, c'est pourquoi je dis ça, parce qu'il y a un truc qui est important avec la cyclothymie. C'est que c'est hypersensible et chaque facteur de comorbidité, c'est-à-dire il y a une maladie qui répond à l'autre par exemple, va faire dérailler le train. Le TDAH, je sais que ça participe largement à faire dérailler le train. Mais les facteurs de comorbidité, il faut les identifier le plus rapidement possible parce que dès qu'on en a conscience, ça... Ça permet de mieux contrôler sa cyclothymie.

  • Giulietta

    Merci pour cette explication ! Je suis très contente parce que je suis en train de vivre mon premier point de désaccord avec un invité. Tu as employé l'expression "personnes normales comme toi". Et en fait, je ne suis pas d'accord avec l'emploi du terme "normal". Je m'explique. Donc déjà, le podcast s'appelle lanomalie parce que j'ai un problème avec la notion de normalité. Pendant toute mon enfance, moi, j'ai eu très très peur justement d'avoir un trouble psy parce que mon père est psychiatre et qu'il... employait des termes pas très cool en me parlant, en me disant que j'étais paranoïaque. Et j'étais persuadée d'avoir un truc, un trouble aussi, donc d'être dépressive ou d'être parano, ou quoi que ce soit. Et je me sentais pas normale. Et en grandissant, je me suis rendue compte qu'il n'y a pas des gens normaux ou pas normaux. C'est plus un continuum. Il y a des gens qui sont plus ou moins régulés.

  • Jean

    Si je parlais de normalité, effectivement, je ne suis pas d'accord avec moi-même aussi, mais je vais plutôt rentrer un tout petit peu dans le détail. Je vais plutôt parler de dysfonctionnement émotionnel ou dysfonctionnement neuronal, concrètement. La cyclothymie, c'est un trouble émotionnel. Aucun cerveau n'est câblé pour être tout le temps au milieu, de toute façon. Il y a des gens qui ne sont pas cyclothymiques et qui sont tout le temps un tout petit peu en dessous. Il y en a qui sont tout petit peu au-dessus. On connaît tous des gens qui sont un peu surrex en permanence, ou qui sont tout le temps hyper contents, qui ont la joie de vivre, qui sont très énervants, parce qu'ils sont toujours contents ces gens-là. Et inversement, on connaît des gens qui sont toujours un peu raplapla, ou qui ont un tempérament mélancolique. Donc il n'y a pas vraiment de normalité là-dessus, c'est sûr. La seule chose, c'est que là, on atteint un point où ce n'est pas quelqu'un qui est... ce n'est pas quelqu'un... qui est cyclothymique n'est pas normal, c'est pas du tout ça. La normalité c'est un concept qui est puant, réellement c'est un concept qui est toxique. Par contre, il va y avoir un dysfonctionnement émotionnel dû à des troubles neuronaux qui font que par contre il va y avoir une complexité à gérer ses émotions.

  • Giulietta

    Effectivement, je préfère l'emploi du terme dysfonctionnement, où on se concentre sur les faits et effectivement dans le cas... Je ne sais pas, par exemple, moi, pour ma sclérose en plaques, il y a un dysfonctionnement au niveau de mes défenses immunitaires qui se retournent contre mes connexions nerveuses. Donc ça, ça dysfonctionne. En revanche, je trouve que l'emploi du terme normal, anormal est péjoratif, surtout pour le terme anormal. Et là, je fais une digression sociologique. Je crois que c'est Durkheim qui travaille sur le normal et le pathologique. Donc normal, c'est ce qu'une société va considérer comme existant, allant de soi, etc. Et tout ce qui s'écarte de la norme est jugé comme pathologique. Donc... On en revient à tout le vocabulaire de la maladie. Le problème du pathologique, c'est souvent jugé comme étant stigmatisant. Quand on a une maladie, très souvent, on est confronté au regard de personnes qui nous jugent un petit peu comme étant différents, surtout je pense sur de la psychiatrie. Il y a encore des clichés qui perdurent. Il y a pas mal de vidéos Konbini sur les sujets de santé mentale qui sont trop cool, et de personnes notamment bipolaires qui expliquent que quand elles annoncent à quelqu'un qu'elles sont bipolaires, les gens sont persuadés qu'ils vont se faire arracher les yeux, mais pas du tout en fait. Et donc ça c'est un stigmate, clairement, puisqu'on va projeter sur l'autre la perception que l'on a de son dysfonctionnement.

  • Jean

    Une toute petite réaction Une toute petite Sinon, ce serait heurter ma réputation. Non, non, concernant Durkheim, justement, et si tu veux même aller un tout petit peu plus loin, on peut même dire que finalement, une société a aussi un fonctionnement qui est basé notamment sur ses codes moraux. Chaque société a des codes moraux différents. Chaque groupe, quelque part, une société, c'est un géant groupe culturel qui a une division, une subdivision de... groupes culturels jusqu'aux plus petits, un peu comme le corps, les atomes, etc. Et chacun a sa petite morale. Donc quand on parle de morale, il y a aussi cette échelle de normal, il y a aussi cette échelle de morale. Finalement, en ayant quelque chose de différent de ce qui est attendu par la société, de ce qui est attendu par les codes moraux, de ce qui est attendu en termes de comportement, finalement tu vas être anormal. Finalement, c'est pas très moral d'être un peu surexcité dans un open space ou ne pas parler dans un open space. On va pas dire que c'est pas moral parce qu'en fait c'est un peu bizarre de dire que c'est pas le moral, on va dire que c'est anormal. Mais, en fait, c'est parce que ça heurte la morale et je me méfie vachement de ce genre de discours qui sont quasi eugénistes selon moi pour aller dans ton sens cette fois-ci.

  • Giulietta

    Il y a peut-être certains auditeurs ou auditrices qui sont confrontés à ce que tu décris et d'autres peut-être qui écoutent cet épisode par curiosité et qui ne comprennent pas ce qu'est une phase dépressive ou ce qu'est une phase maniaque. Moi, je l'ai vécu de l'extérieur, je ne suis pas concernée directement, mais dans ma famille, il y a des personnes qui sont bipolaires. Et une phase dépressive, ce n'est pas juste je ne me sens pas bien, c'est vraiment une détresse qu'on ne peut pas s'imaginer lorsqu'on n'est pas soi-même en dépression, mais c'est vraiment un sentiment de perte de sens intersidéral, un manque d'énergie vraiment très important, le sentiment que rien ne va. Si j'ai bien observé les personnes autour de moi, il y a le sentiment que rien n'ira mieux, c'est quand même très très intense. Et a contrario, j'ai aussi pu observer quelques phases maniaques. C'est pas juste de l'euphorie, type j'ai pris un peu trop de drogue et je suis on fire, c'est des comportements à risque. Vraiment, si vous n'avez pas connu vous-même ou si vous n'avez pas observé dans votre entourage tout ça, il faut vraiment enlever toutes ces préconceptions et se dire que c'est quelque chose qui sort de l'ordinaire complètement. Toi, là... J'ai l'impression que tu as beaucoup cheminé et que tu as beaucoup de recul. La manière dont tu exprimais le fait qu'à un moment tu étais au fond du bac, puis ta voisine t'a appelé et là ça allait mieux. Quand t'es la tête dans le guidon et que justement t'es soit dans ta phase plutôt... que t'es maniaque soit dans ta phase plutôt dépressive, est-ce que tu arrives à te rendre compte que tu es dans cette phase-là et t'arrives à te dire "Attention, ça va revirer" ou en fait c'est tellement pernicieux que tu vis juste le truc intensément ?

  • Jean

    Question complexe, réponse complexe. En fait, ça dépend. Vraiment, ça dépend. C'est-à-dire que parfois, tu ne te rends pas compte que tu es en train de plonger, tout doucement. Gentiment. Et moi, mes phases de... "Je pars dans un sens ou je pars dans l'autre", même si moi, j'ai vraiment des tendances plutôt côté dépression. Je ne monte pas très haut en général. C'est aussi, voilà, la cyclothymie, c'est là où c'est compliqué. C'est que chacun vit sa cyclothymie comme chacun vit sa bipolarité, très différemment. Moi, je suis plutôt très dépressif. Enfin, plutôt côté échelle dépressive. Je monte un petit peu de temps en temps en hypomanie, mais c'est gentil, c'est un petit peu euphorique. Voilà, ça ne va pas plus loin. Par contre, je peux descendre très bas. Et donc, attends, c'est quoi la question ?

  • Giulietta

    Tu te rends compte que tu es dans une phase.

  • Jean

    Voilà, c'est ça. Et donc, en fait, ça dépend. C'est-à-dire que parfois... Je vais voir le truc arriver, gros comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, où là je sais que je vais plonge. Je vais prévenir ma compagne qu'il faut qu'elle s'y attende parce que potentiellement, là, je plonge pendant plusieurs jours. Mais en général c'est ça le truc, quand je sens que je vais plonger pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, je vois le bateau arriver. C'est les oscillations ponctuelles voire parfois journalières que je ne vois pas arriver. C'est-à-dire que ça va, ça va, ça va, et franchement ça va super quoi tu vois, ça va super. Puis en fait oui ça va super, mais en fait non, si ça va super, c'est que ça va pas en fait. C'est que tu t'es pas rendu compte qu'en fait, comme ça va super, t'arrêtes pas de sortir, tu bosses beaucoup trop, t'as plus d'hygiène de vie etc. Mais ça va super, tout va super. Oui mais en fait c'est parce que là t'es un petit peu en hypomanie, mais tu t'en es pas rendu compte quoi. Et puis d'un coup tu plonges en phase dépressive, voire très dépressive. Et puis tu comprends pas pourquoi. Ça allait si bien. Enfin, pourquoi ? Alors, la culpabilité se met en place, la fameuse dévalorisation, tout ça. T'as plus d'énergie, t'as plus rien. Et en même temps, c'est incompréhensible, tu ne comprends pas. Alors que pourtant, ça fait des années que je me paye de la cyclothymie, et tu ne comprends pas. Et puis après, quand la tempête se calme, là, tu comprends, tu fais le cheminement, et tu comprends. Il y a une ressource qui a un peu, pour moi, le Freud, on va dire, français de la cyclothymie, qui est docteur Elie Antouche. Il a écrit un bouquin d'anthologie qui s'appelle "Vivre heureux avec des hauts et des bas". Et il en parle de ça. Il parle de plein de choses. Il parle notamment de ça. En fait, il y a plein de signes précurseurs qui vont te faire comprendre que tu vas te prendre un mur, que tu vas être à bord d'un train qui déraille. C'est plein de petits signes auxquels il faut être hypersensible en permanence. Le problème, c'est que si tu es en permanence ultra sensible à ces signes, en fait, tu ne vis plus. Donc généralement, c'est pour ça que je disais, en général, vraiment, quand tu vois le train arriver de loin, l'éléphant finalement dans le magasin de porcelaine, tu te dis, "Ok, là je vais plonger". Excepté que quand tu le vois arriver, en général, tu sais que tu vas plonger pendant un moment. Alors moi, ça n'a pas duré six mois, mais ça a duré un mois ou deux mois. La dernière fois que j'ai vu vraiment le... Je l'ai vraiment vu comme ça. Tu vois, je voyais vraiment l'éléphant me charger. C'était pendant le deuxième confinement. J'ai fait un... Un burn-out ? J'étais trop à fond sur mon projet et ça se passait super bien. C'est un projet de design, en fait. Un truc absolument énormissime. Juste avant Noël, impeccable, tu vois. J'ai fait un boulot super. Ça a eu beaucoup de succès.

  • Giulietta

    Et à ce moment-là, tu te rendais pas compte ?

  • Jean

    75 heures par semaine, quoi.

  • Giulietta

    Et au contraire, je présume que t'étais galvanisé ?

  • Jean

    Ouais, c'est ça. Et de temps en temps, ma compagne disait "Fais gaffe", alors qu'elle bosse beaucoup. "Fais gaffe parce que là, tu vas trop loin". Et des fois, mon esprit me rappelait ou mon corps me rappelait. "Tu tires la corde là", mais j'y retournais. Je me levais à 3h du matin parce que j'avais une idée lumineuse et puis en fait, je ne me recouchais plus. Je bossais dans le train encore. J'étais en train de faire ma livraison le 24 quand j'étais dans le train pour aller chez les parents de ma compagne. Et puis j'ai rebossé en janvier, j'ai continué, j'ai reçu le cachet, mais j'ai continué, puis j'ai continué jusqu'en mars. Et puis en mars, je me suis pris le train en plein dans les dents, mais je l'ai vu arriver, et là je me suis transformé en Gainsbard, où je savais que j'étais fichu, que là ça y est, j'étais parti pour longtemps, mais je continuais à boire. Et à boire, et à ne plus dormir avec elle, parce que je me voyais comme une... comme on dit, pour ne pas être vulgaire, un petit déchet ? Un petit déchet, et j'avais une terrible envie de m'auto-détruire. Ça fait partie des possibles effets de la cyclothymie, et que tu peux trouver dans la dépression nerveuse. Au-demain, quelqu'un qui finit au burn-out, il est en dépression nerveuse, il s'enfonce. Je crois que Philippe Labro a écrit un bouquin d'ailleurs dessus. Et en fait, il se voit, les choses perdent leur goût, plus rien n'a d'intérêt. Voilà, là, le train, je l'ai vu arriver, je l'ai pris en pleine poire. Ça m'a pris plusieurs mois pour m'en remettre. avec des phases euphoriques, mais je redescendrai tout de suite, tu vois. Donc, c'était une longue réponse, mais c'était une manière aussi d'aider pour les auditeurs, pour ceux, en tout cas, qui pourraient se reconnaître dedans. Une réponse un peu complexe.

  • Giulietta

    Tu as l'air de bien te connaître, tu fais un travail sur toi, t'as une psy qui t'accompagne, de ce que je comprends. Et comment... Comment tu vis avec tout ça ?

  • Jean

    Alors, il y a... Il y a plusieurs choses. Il y a plein de choses. Déjà, la première chose, c'est que j'ai été diagnostiqué, ce qui n'était pas du tout le cas à l'époque. A l'époque, je ne savais pas ce que j'avais. J'ai vu le train arriver, pour reprendre l'histoire de quand je suis parti en burn-out. J'ai vu le train arriver, le train de la noirceur, je sais que je vais plonger. Mais sans savoir que c'était la cyclothymie, tu vois. Juste, je me suis vu... En fait, je ressentais des effets, tu vois. Je me disais "OK, ça ne va plus du tout... Je ne peux plus travailler, je ne peux plus rien faire, je n'arrive plus à me lever le matin, etc. Je suis en train de plonger en dépression, tu vois". Mais je ne m'étais pas dit "Ah ! C'est la cyclothymie".

  • Giulietta

    Tu vivais comment par rapport à ces symptômes-là ? Tu culpabilisais ? Tu as beaucoup parlé de culpabilité.

  • Jean

    Quand j'avais des phases, par exemple, euphoriques... Je mettais ça sur le compte de "de toute façon, je suis assez joyeux, assez jovial, naturellement". Je ne mettais pas ça sur le compte de la cyclothymie, puisque je n'étais pas au courant. Les phases de dépression, c'était "de toute façon, j'ai eu une enfance assez sympathique" (c'est ironique) J'ai eu une enfance plutôt, disons franchement, pas exceptionnelle. Donc je mettais ça sur le compte des traumas.Ç a y est, ça me reprenait. Je mettais déjà le "ça me reprenait" tu vois. Ça te donne une explication de ce qui a pu à la fois me permettre de tenir et à la fois ce qui a pu me berner pendant des années. Chacun va s'inventer une bonne excuse pour se dire c'était le truc qui me reprend tu vois. Comme un ressac. Donc c'est comme ça que je le vivais. Mais je le vivais sans le vivre. Finalement, le truc m'est arrivé en... Tout m'est arrivé en pleine poire, en permanence. C'est-à-dire que t'es sur un ring, t'as 10 boxeurs et tu passes ton temps à te faire boxer. Tu comprends pas pourquoi. Tu comprends pas d'où ça arrive, tu comprends rien. T'as une énorme culpabilité, puisque, en fait, tu ne maîtrises rien. Tu ne comprends pas pourquoi, par exemple, t'allais en soirée, tout était sympa, et pourtant, toi, t'étais pas bien. Il n'y a aucune espèce de raison. Mais ça, tu ne le vois pas. Tout ce que tu vois, c'est "Ouais, j'ai pas beaucoup parlé aux autres, je suis resté avec mes copains". C'est pas très bien, tu vois. C'est un peu dommage. "Ah, ben là, j'ai quand même beaucoup picolé", tu vois. Ou "Ah, ben tiens, dans l'open space, là, je parlais hyper fort. J'étais un peu trop jovial, etc. J'ai dérangé des gens. C'est la honte, les gens ne vont plus voir bosser avec moi", tu vois. C'est toujours un truc de culpabilité comme ça. Et en plus, tout est amplifié, quoi. C'est-à-dire que tu as l'impression d'avoir fait des trucs énormes, alors qu'en fait, ce n'est pas si énorme que ça. Et en fait, quand ma psy de l'époque, d'un coup, a identifié un comportement qui ressemble un peu à celui des bipolaires, mais en même temps pas exactement, elle m'a parlé de cyclothymie. Elle m'en a parlé comme ça en disant... C'est un sujet, alors que c'est une psychiatre de haut de volée, vraiment. C'est pas parce que c'est ma psy qu'elle est bonne, d'ailleurs c'est elle qui m'a fait comprendre le point que la cyclotimie en France c'est encore pas très compris. C'est que, même elle, elle avait lu des trucs dessus, mais elle ne maîtrisait pas très bien, elle a plus de 50 ans. Bon, et c'est elle qui m'a dit "Je pense que vous êtes cyclotimique, on va voir, on va creuser". Au fur et à mesure des mois, on a creusé ensemble, puis elle a fini par dire "Bon, le diagnostic, c'est clair, c'est moins facile à comprendre que la bipolarité". Et donc après, elle m'a mis sous un traitement. Il y en a plusieurs, mais je suis sous Lamotrigine. Je crois que c'est le nom générique. C'est pas grave. Ça a été miraculeux, quoi. C'est-à-dire que d'un coup, déjà, je voyais les choses arriver. Je comprenais ce que j'avais, donc en plus, je lisais dessus. Donc c'était beaucoup plus facile. Puis voilà, j'avais des comportements qui étaient beaucoup plus OK. S'il y avait des phases dépressives, etc., je sais pas. Au début, je ne le savais même pas autant que maintenant, mais je savais que j'étais dans un bateau qui tanguait. Il fallait attendre que la tempête passe, mais elle allait passer. Mais maintenant, tu sais qu'elle va passer. À l'époque, tu ne sais pas qu'elle va passer, tu ne comprends juste rien. Tu es juste baladé dans ton bateau, mais tu ne comprends pas. Tu vois la tempête, mais tu ne comprends pas. Tu ne sais pas quand elle va passer, tu ne sais rien. Là, c'est un peu comme si tu avais un indicateur météo.

  • Giulietta

    Tu mets le doigt sur les particularités de la cyclothymie. Si j'arrive à déverrouiller mon ordinateur, c'est qu'en fait... On en a parlé juste avant l'enregistrement, mais j'ai l'impression... que ça se définit vachement par la négative. Ce qui rend difficile le diagnostic, c'est qu'en fait, je caricature, mais c'est un petit peu ce que tu m'as dit tout à l'heure, c'est une petite bipolarité. En tout cas, ça peut être perçu comme tel. Non, pardon. Ça peut être perçu comme tel, mais ce n'est pas une petite bipolarité. Pardon, Jean.

  • Jean

    Ok. Non, non, non, mais c'est pas ça. C'est pas une histoire de petite bipolarité. C'est qu'en fait, c'est juste... C'est là qu'il y a une finesse. Il y a une énorme finesse qui n'est pas comprise par les psychiatres en France. Cette finesse, c'est qu'en fait, tu peux avoir des syndromes hardcore dans un sens ou dans l'autre avec la cyclothymie. Par contre, ça bouge très vite. C'est pour ça que c'est une bipolarité. De toute façon, c'est une bipolarité officiellement. Il suffit d'ouvrir le dernier DSM, c'est inscrit dedans. En revanche...

  • Giulietta

    J'ai justement la définition du DSM. C'est un petit peu le livre de chevet des psychiatres pour poser un diagnostic et pour définir quelle pathologie a le patient. Et donc... Pour la cyclothymie, il faut que les éléments suivants soient présents plus de deux ans. Donc de nombreuses périodes avec des symptômes hypomaniaques qui ne répondent pas aux critères d'un hypos... Bon, grosso modo. Pendant plus de deux ans, il faut avoir eu des épisodes hypomaniaques mais pas maniaques, c'est-à-dire avoir eu des épisodes où on était quand même euphorique mais pas trop, et des épisodes dépressifs mais qui ne répondent pas aux critères d'un épisode dépressif majeur. En fait... ce que je suis en train d'expliquer de manière pas du tout précise et le vin n'aide absolument pas, c'est que grosso modo, c'est perçu dans la description du DSM comme des petits symptômes qu'on pourrait comparer à ceux de la bipolarité. Et qui dit petit, dit que ça peut passer inaperçu et je pense également qu'il y a un biais côté psychiatre c'est que parfois ils sont confrontés à des symptômes qui sont tellement grandiloquents qu'ils n'accordent peut-être pas l'importance nécessaire à des symptômes qu'ils vont juger comme générant moins de souffrance ou comme étant moins graves, alors que la souffrance du patient, elle est bien là et la difficulté à vivre, elle est là. Et toi, ça a été quoi ton parcours ? Donc, tu as quand même fait la démarche de consulter quelqu'un ?

  • Jean

    Moi, en fait, j'ai vu plusieurs psys. Il y a eu des résultats très clairs. Mais, au bout d'un moment, avec mon premier job, quand j'ai fini mon alternance, premier vrai CDI, en fait, ça ne s'est pas du tout bien passé, quoi. Vraiment, je n'y arrivais pas. En fait, d'un coup, on te fait comprendre maintenant que tu n'es plus en alternance et que tu dois avoir la responsabilité d'un CDI, tu vois. Ce qui est tout à fait logique. Mais en fait, moi, je n'y arrivais pas. C'est pas une histoire d'incompétence, c'est une histoire de... Je me mettais une pression absolument monumentale, ce qui me mettait dans des états absolument épiques. Et au bout d'un moment, j'avais l'impression de devenir dingue. Vraiment, de menacer, de faire un burn-out tellement explosif qu'en fait, la trajectoire logique, c'est le cimetière. Et c'est tel que... L'idée même de passer à côté du Père Lachaise, où j'habite pas loin, et j'habitais pas loin aussi à l'époque, était vraiment mais hyper agréable. C'était pas juste que c'était calme, c'est qu'il y avait un endroit potentiellement où peut-être que tout pouvait s'arrêter et je pouvais enfin avoir une mer absolument calme et définitive. Et c'était un truc, ça me soulageait à l'époque, et je me suis dit, au bout d'un moment "Bon, ok. J'ai quand même un CDI, j'ai réussi des études qui sont pas mal, j'ai un bon CV, je suis pas trop vieux, ça va. J'ai une nana qui est très cool, j'ai un appartement qui est cool, j'habite sur Paris, ce qui n'est pas donné à tout le monde. C'est quand même dommage de se suicider, c'est un peu bête". Je comprends toute personne qui a envie de le faire ou toute personne qui l'a fait, même si elle ne pourra plus m'entendre. C'est Cioran qui disait que si le suicide est la liberté absolue, c'est peut-être la liberté absolue, mais en fait on peut potentiellement réussir à être libre sans arriver au bout. Parce qu'en fait le suicide, c'est juste le truc où tu as l'impression que tu ne peux plus rien faire que tu es condamné, c'est fini et tu n'en peux plus. Oui, mais en fait, si la vie te donne un petit coup de main, peut-être que d'un coup, tu peux sortir de cet univers-là et que ça va aller. Et c'est ce qui s'est passé. C'est-à-dire que je suis allé voir une psy qui est spécialisée dans les TCC (thérapie cognitivo-comportementale). Et elle a eu le discours de "En fait, c'est comme si vous avez mal au ventre. Vous me dites que vous avez l'appendicite. Vous me demandez de vous opérer, mais en fait, vous n'êtes pas médecin, vous n'êtes pas chirurgien. Comment vous savez que c'est vraiment l'appendicite ? On va pas faire de TCC, on va regarder tout ça, quoi". Et voilà. Et ça a commencé par une psychothérapie, qui a fait ressortir beaucoup de choses, évidemment, comme tout un chacun qui va faire une psychothérapie. Mais, mais, mais, mais, mais, mais, évidemment, il y a eu le truc de... "Ah ! En fait, je crois que vous êtes un peu... Vous êtes un peu cyclothymique, là, quand même". Bon. Ce qu'elle appelait un trouble émotionnel. Mais elle a mis un mot dessus. Et d'ailleurs, c'est un truc qui m'a toujours fait... Il y avait chez elle ce truc de... Elle ne disait jamais cyclothymie. Elle l'a dit quelques fois, mais en général, elle préférait dire "trouble émotionnel". Et elle m'a expliqué pourquoi. En fait, c'est que appelons un chat un chat, au bout d'un moment, ça te rappelle en permanence que en fait, tu n'es plus Jean, tu es Monsieur Cyclothymie. Tu n'es plus autre chose, en fait, que ta cyclothymie.

  • Giulietta

    Tu te tends la main... En vrai, c'est plutôt toi qui t'es tendue la main par rapport à ça parce que tu as eu le courage d'aller consulter. Parfois, on a le sentiment que quelque chose doit venir de l'extérieur. Aller consulter ou demander de l'aide, c'est déjà une main tendue et c'est un bel effort qu'on peut faire envers soi-même. Et c'est très cool. Par ailleurs, il faut que je me rappelle de ce que je voulais dire. Qu'est-ce que tu as dit que j'ai trouvé génial ? En fait, ça fait écho à un épisode que je suis en train d'enregistrer en solo sur l'identité. Tu as dit, on devient le bipolaire ou le cyclotimique. Eh bien, je vais citer Claire Marin. Est-ce que tu connais Claire Marin ? Claire Marin, c'est incroyable. Claire Marin, c'est une philosophie, une philosophe et autrice qui travaille sur la maladie. Elle a une maladie qui, je crois, est neurologique. et qui génère beaucoup de souffrance chez elle. Elle a écrit un livre incroyable qui s'appelle Hors de moi et elle a écrit un autre livre qui s'appelle La maladie, catastrophe intime et elle nous dit que la maladie est littéralement un bouleversement brutal du monde intérieur, du sens de l'identité du malade, du sens de son existence même. et dans ce renversement, elle assigne au malade une autre identité à son corps défendant. Dans le cas d'une maladie psy, c'est plutôt à sa psyché défendante. Et en fait, la difficulté, c'est que parfois, surtout quand on a un diagnostic, on va se définir par sa maladie et on va... Enfin bon, bref, je vais prendre mon cas pour ne pas parler à ta place, mais dire aux gens je suis malade, j'ai une sclérose en plaques Par ailleurs, le corps médical peut parfois nous assigner cette identité. J'ai une pote de pote que j'avais interviewée pour préparer mon travail sur l'anomalie qui m'avait expliqué que par exemple lorsqu'elle passait des IRM, les gens disaient c'est la sclérose en plat qui va passer. Bah non, c'est pas la sclérose en plaques, elle a un nom, elle a un prénom. Et donc c'est difficile de définir son identité. C'est hyper violent et d'un autre côté, factuellement, ça peut s'expliquer, eux, de leur côté en termes de logistique. Et moi j'avais fait un long travail avec ma psy pour arriver à cette conclusion. Que moi je me sentais plus à l'aise avec l'idée de dire que j'avais une maladie plutôt que de dire que j'étais malade. Et que donc ma maladie c'est ma compagne de vie, elle est présente tous les jours, elle m'accompagne, elle est... Mais que c'était une composante de moi parmi d'autres, et en tout cas c'est la posture avec laquelle je me sens à l'aise. Je trouvais que c'était assez délicat de la part de ta psy de parler de troubles.

  • Jean

    Oui. Mais c'est exactement ça. Et je trouve ça fascinant parce qu'elle a vraiment mis en place ce truc dès qu'elle a compris, dès qu'elle a diagnostiqué, elle a mis en place ce truc dès le début, entre nous. pas en me forçant mais pas loin parce que moi au contraire j'étais tellement heureux mais c'était incroyable mais enfin vraiment je sais pas si quelqu'un en écoutant ce podcast se retrouvera dedans peut-être parce qu'il l'est et qu'il est passé par par les épisodes par lesquels je suis passé aussi mais quand il doit en diger le truc c'est une sortie brutale de l'enfer enfin En fait d'un coup oui, c'est pas toi en fait le problème, tu vois. Et ce qui est fort, c'est qu'effectivement quand tu vas jusqu'au bout, et que t'arrives toi-même à te dire à la fin, Ok. C'est pas que je suis cyclotimique, c'est que ça fait partie de moi. Et moi, ça m'a pris du temps, tu vois. Je m'identifiais que là-dedans, et c'était vachement agréable sur le coup, parce que j'avais enfin la main sur un truc palpable, et en même temps, c'était compliqué. Mais oui, je crois que c'est hyper important de passer par cette phase-là de compréhension que ça fait partie de toi, mais tu n'es pas ça. Je pense que c'est long, quand même. mais ça en fait partie et c'est d'autant plus nécessaire que ça va te faire basculer sur un épisode après qui est le mais en fait comment tu fais maintenant pour que ce truc là qui te bouffait de base et qui malgré tout est un pagnon de vie comme tu disais peut devenir en fait une force et moi je sais alors dans ton cas je sais pas mais c'est quand même pas tout à fait la même chose mais dans mon cas par exemple bah moi maintenant ma cyclotémie m'aide alors des fois elle m'envoie en enfer on va pas se mentir mais des fois beaucoup mais je suis ok avec et par contre elle va m'aider dans mon boulot elle va m'aider à avoir des produits qui sont beaucoup plus proches finalement des utilisateurs que je vise à la fin donc J'arrive à être beaucoup plus empathique, j'arrive à être beaucoup plus sensible à leurs expressions de visage, à ce qu'ils racontent, à voir le petit truc derrière qui se cache. Je dis un truc, mais tout en disant Hey, il y a un petit mot là qui s'est caché. Ah, mais moi je l'ai vu en fait. Toi, tu t'en es même pas rendu compte que tu l'as dit, mais moi je l'ai vu. Ce que fait un psy en fait d'ailleurs. C'est le petit mot qui cache une forêt en fait. Enfin voilà, il y a tout un tas de choses qui fait que maintenant la cyclothymie c'est à la fois devenu un gros problème avec lequel j'ai appris à vivre, et à la fois vraiment une amie aussi, qui fait que c'est pas juste que je suis beaucoup plus fort qu'avant. C'est qu'en fait, c'est à la fois une maladie, à la fois mon ennemi, et à la fois, c'est un super pote qui peut me permettre d'aller très très loin.

  • Giulietta

    Il y a un brin sur lequel je voulais rebondir.

  • Jean

    Je pense que ça, c'est important.

  • Giulietta

    Toi, tu as exprimé ton soulagement au moment où tu as eu ton diagnostic, dans le sens où tu as eu une explication à ce qui se passait et que ça t'a donné les outils pour comprendre et pour ensuite mieux vivre avec. Donc, tu as ton traitement, mais tu as aussi la compréhension et le travail que tu fais sur toi. Je pense que c'est plein de cartes que tu peux utiliser en fonction des périodes que tu traverses. Moi, je vais apporter un éclairage complémentaire qui est celui de l'entourage. Mon père est bipolaire et en fait, j'ai appris qu'il était bipolaire seulement cet été. Donc j'ai 30 ans et j'ai appris qu'il était bipolaire. J'avais 29 ans et demi et pendant 29 ans et demi, j'ai vécu dans la terreur puisque mon père n'a jamais été violent envers moi. En revanche, il avait des crises de colère très très fortes. Pendant toute mon adolescence notamment, et ma vie de jeune femme, j'ai pensé que c'était moi la cause de sa colère, et j'ai pensé que je n'étais pas à la hauteur. Et donc, à 29 ans et demi, après des épisodes difficiles dans ma vie personnelle, je me suis retrouvée chez lui, on a parlé, et puis là, je lui ai demandé si lui-même n'était pas atteint par quelque chose, puisqu'il me semblait qu'il avait des comportements qui étaient particuliers, et il m'a expliqué qu'il était bipolaire de type 2, et que le diagnostic avait été posé récemment. Et en fait, ça m'a tellement soulagée, étonnamment, parce que je me suis dit, mais ce n'est pas de ma faute. Ce n'est pas vraiment de sa faute non plus. La seule responsabilité qu'il a, c'est de ne pas avoir choisi d'être traité. En revanche, personne n'est responsable de ces états intenses et surtout pas moi. Et donc, voilà, ça m'a fait du bien. Toi, est-ce que ton entourage, alors je n'ai pas l'impression que ta famille, ce soit le cas, mais peut-être ta compagne a pu comprendre certaines choses ?

  • Jean

    Déjà... Je reste quand même un personnage haut en couleur, je dirais, un peu original. Il n'y a pas que potentiellement la cyclotimie qui me caractérise, heureusement. Je suis quand même un personnage original, donc déjà, quand tu te mets en couple avec moi, c'est quand même que tu n'aimes pas les personnages qui sont trop normalisés. Tu ne sors pas avec Ken, qui est complètement droit dans ses bottes. Mais... Cela dit, il y a quand même eu des phases assez complexes. Je parlais de la phase où je m'étais transformé en Gainsborough. Une phase où concrètement, je sortais pour être ivre et fumer un max de cigarettes. Je rentrais, je continuais à boire, je buvais toute la journée. Tu aurais très peu de temps, mais je sais que ça a été dur pour elle. Et ça lui a permis de comprendre, par exemple, cet épisode-là. Moi, ça m'a permis de comprendre aussi, du coup, et de ne plus jamais recommencer. Et quand tu retrouves ta compagne en pleurs parce que tu l'envoies pêtre quand elle te demande d'aller dormir avec elle.

  • Giulietta

    En lien avec ce qu'on disait tout à l'heure sur la difficulté de diagnostic de la cyclothymie et une certaine errance médicale. Un des trucs que tu m'as dit, c'est qu'il existait peu de ressources sur lesquelles se reposer. Il y a un livre, alors tu en as amené deux parce que tu es bonne élève, tu es venue avec tes notes, et deux livres. Et il y a Goupiloufas, qui est une BD qui a été rédigée et conçue par une personne à elle-même atteinte de cyclotimie. C'est à la fois cool qu'il y ait cette ressource-là, et d'un côté, il n'y a qu'une BD qui existe sur le sujet, visiblement, et je pense que tu as dû chercher des ressources. Donc c'est un peu symptomatique du fait qu'on parle encore très peu de la cyclotimie.

  • Jean

    Bah, il y a des... Non, bah, alors, typiquement, il y a aussi ce bouquin-là, Dr. Elie Antouche... Les rêves dans tous les capes. Voilà. Ça, c'est vraiment une référence. En fait, Dr. Elie Antouche, c'est une des personnes dans le monde occidental, parce que de l'autre côté, je sais pas, mais dans le monde occidental, qui a été capable... de comprendre les tenants et les aboutissants de la cyclotimie. Mais un peu comme Freud quand il a fondé la psychologie moderne, il y a des trucs qui sont super intéressants, il y a des trucs peut-être qui aujourd'hui seraient un peu moins compris. Mais je... Enfin... C'est ce que j'ai publié, en tout cas, sur Internet. Moi, quand j'ai lu le bouquin, j'ai trouvé ça fascinant, extraordinaire. J'ai trouvé qu'il avait fait un travail incroyable. J'ai pas du tout ressenti ce truc-là, mais bon. En tout cas, c'est sûr qu'il a participé au Vraiment une Voix. Le truc, c'est que Dr Elie Antouche, on parle pas de Freud, hein. C'est-à-dire que moi, demain, j'appelle Dr Elie Antouche, je peux peut-être avoir une consultation, hein. C'est un monsieur qui est pas si vieux que ça, quoi. Et c'est ça qui est inquiétant. C'est qu'en fait, c'est récent. Alors, il y a d'autres bouquins. Mais il n'y en a pas non plus de 200. Puis c'est des bouquins. Tu vois, ça par exemple, ce que tu feuilletais, c'est un essai, en fait. Mais je veux dire, il y a des études. Non, pas des essais, là. Des études, des études, il n'y en a pas beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de livres. Aux États-Unis, il y en a un peu plus, mais il n'y en a pas tant que ça non plus. Et puis c'est pareil, tu vois. C'est-à-dire que... L'aschizophrénie, par exemple, quand tu veux chercher à la comprendre, il y a plein de trucs ultra vulgarisés, des vidéos ultra vulgarisées sur Internet, des machins, des... T'as de quoi comprendre, même sans forcément ouvrir des bouquins, tu vois. La cyclotimie, bah, peut t'accrocher, hein, parce qu'en fait, oui, tu peux suivre des trucs sur la bipolarité, comprendre la bipolarité, il y a plein de choses. Oui, mais la cyclotimie, en fait, c'est pas exactement de la bipolarité, c'est... c'est différent. c'est très différent de comment ça se manifeste dans ta vie en général comment tu peux vivre avec comment tu peux faire pour ne pas créer d'épisodes désagréables, comment tu fais pour avoir une hygiène de vie c'est pas exactement pareil que la bipolarité et tu vois typiquement tu parlais de Goupiloufas de Louloubi cette BD a été vraiment salutaire c'est à dire que je voyais une scie etc, mais je n'avais pas encore trouvé de truc, tu sais, déjà qui soit un peu fun, qui vulgarise un peu, qui ne soit pas un truc un peu compliqué, j'adore les bouquins, je lis, ce n'est pas le problème, mais... Si tu rentres dans un bouquin où c'est un peu compliqué, où il faut un peu t'accrocher, où c'est pas fun, c'est un peu austère, etc., eh bien, je veux dire, voilà. Là, t'as un truc qui est fun, où il y a des couleurs, où c'est chouette, où tu ris, en fait. Moi, je l'ai relu pour l'épisode, et j'ai ri plusieurs fois. Ma compagne aussi, accessoirement, puisqu'elle me reconnaissait dans les pages. Typiquement la bipolarité Comment il s'appelle ? Une chaîne Youtube qui s'appelle Psycho Quack C'est un psychiatre qui, je pense, à notre âge, peut-être un petit peu plus vieux, qui est vachement bon. Et il fait des épisodes qui sont sur la bipolarité, sur la dépression, mais en fait, le mec est à mourir de rire. Vraiment, il est un peu rock'n'roll en plus, et c'est hyper drôle. Il fait plein de blagues, il fait des schémas, et en fait, c'est des petits épisodes de 25 minutes. mais pourquoi ça ça n'existe pas sur la cyclotimie et moi j'ai vraiment ce truc de mais c'est pas possible en fait y'a rien qui existe quoi c'est comme si c'était une maladie qui n'existait pas avant les années 80-90 ça n'existait pas et puis là d'un coup ça commence à émerger et je trouve ça incompréhensible parce que c'est une forme de bipolarité y'a des gens qui souffrent je parlais d'errance médicale tout à l'heure et t'en parlais aussi mais moi ça m'a pris 10 ans peut-être 15 ans Je sais pas à partir de quand ça commence à faire effet, peut-être que ça fait très longtemps que ça fait effet, moi j'arrive pas trop à me souvenir, mais je sais qu'à partir d'un certain moment j'ai commencé vraiment à m'en baver. Donc je veux dire, c'est pas petit quoi, tu vois, un truc qui a failli m'emmener au suicide plusieurs fois, c'est pas une petite maladie, tu vois, comment ça se fait qu'on trouve pas, voilà.

  • Giulietta

    Si ça va, je vais poser la question que la personne que nous avons en commun nous a adressée. Et donc, la question de notre cher ami est la suivante. Rétrospectivement, Jean pense-t-il que la cyclotimie a eu des impacts dans ses choix en vie perso, pro, notamment sur ses relations amoureuses ?

  • Jean

    De toute façon, j'ai envie de dire que l'être humain est un être d'émotion. C'est 75% d'émotions et le reste de raisons. L'homo economicus est très loin, c'est un mensonge. Donc à partir de là, comme la cyclotimie est un trouble émotionnel, je dirais donc que oui, nécessairement, la cyclotimie a participé à formuler mes choix. Toutes les compagnes que j'ai eues, sans exception, enfin non, je ne veux pas dire compagne, je veux dire copine, voilà. En fait, c'était toujours des personnes très... l'opposé de ma famille, justement, très sensibles, très proches de l'art, avec une sensibilité émotionnelle très forte. C'était des actes généralement assez émotionnels, assez chauds, pas forcément dans la colère, mais... Voilà, c'est des personnes qui peuvent... qui sont très très empathiques, qui peuvent rapidement pleurer ou rire aux larmes, enfin, des personnes en général qui sont très ouvertes, très curieuses. Alors, je suis un peu tout ça, en fait, et donc, quelque part, je sors aussi avec des personnes... Peut-être qu'il me ressemble un peu, j'en sais rien. En même temps, tu connais un minimum ma compagne puisque tu as bossé avec elle. Elle est comme ça tout en étant très différente de moi. Je pense qu'en amour, c'est ce que je dirais. Ça l'a déterminé sur cet angle-là. Je pense que je n'aurais pas pu être avec quelqu'un de... Justement de... On retourne dans la normalité. Qu'est-ce que la normalité ? J'en sais rien. Quelqu'un de très conventionnel. Après, je me disais, qu'est-ce que c'est quelqu'un de conventionnel ? Mais quelqu'un qui est peut-être un peu fermé ou un peu brutal ou quelqu'un qui est très les études, le job, machin, qui est très conditionné, très cadré, très machin et tout, très droit. Je ne sais pas si j'aurais pu sortir avec. Et je pense que ça fait partie aussi de mon trouble, en l'occurrence, C'est que j'ai besoin de quelqu'un de pas forcément chaotique, tu vois, mais quelqu'un qui a les chakras très ouverts, qui n'est pas refermé sur lui, qui est vachement dans l'improvisation, vachement dans... Donc je pense que ça en a fait partie. Dans mes choix pros, alors déjà... On va dire les deux segments d'études principaux, parce que sinon ça prendrait trop longtemps. Il y a eu mes études en art à la Sorbonne, à Paris 3, et il y a eu mes études en design. Je pense que mes études dans les arts à Pareil 3, même si j'ai vachement aimé, à mon avis, c'était vraiment des études de raison, finalement. J'étais passionné. Et le design, finalement, c'était vraiment le... Vraiment le contraire, c'est-à-dire que j'ai trouvé un espèce d'équilibre dans le design qui est un peu ce qui se passe dans ma tête en permanence, c'est-à-dire à la fois écouter les émotions et en même temps être vachement dans la maîtrise pour pas que ça m'embarque de trop. Donc t'es vraiment à l'écoute de toi, t'es à l'écoute du monde, t'es à l'écoute des autres. C'est très créatif, que ce soit intellectuellement ou que ce soit vraiment de... T'as ton crayon et puis tu commences à griffonner. T'es tout le temps à la rencontre des gens, etc. C'est un peu l'histoire de ma vie, au fond. Et c'est un peu du coup ce qui m'allait le mieux aussi dans ma personnalité et dans la cyclotimie. Parce qu'au fond, c'est un exercice mental qui se fait tous les jours. L'art... Le fait de créer exactement, ça te permet d'expurger des émotions, ça te permet de mettre sur papier des émotions que tu ressens inconsciemment, qui sont en train de te travailler intérieurement, mais tu ne le sais pas. Mais par contre, quand tu vas les mettre sur le papier, c'est là que tu vas les voir. et en plus un effet psychothérapeutique nécessairement puisque du coup tout ce que j'ai pu apprendre dans mon errance médicale finalement bah maintenant je m'en sers aussi pour comprendre les gens est-ce qu'il y a eu des moments où t'as eu le sentiment que t'as si que le type,

  • Giulietta

    parce que là t'as décrit quelque chose de relativement apaisé ou que ça a exalté des choses dont tu as réussi à faire une force Mais je présume que ça, c'est seulement depuis que tu as eu le diagnostic et que tu as compris les ressorts de ta pathologie. Est-ce qu'il y a eu des moments où tu as eu le sentiment que ta maladie a pris le pouvoir sur toi et que tu as fait des choses que tu as regrettées par la suite ?

  • Jean

    Oui. Il y a deux choses. Des expériences en particulier ? Il y en a plein d'autres, probablement. Comme tout être, on regrette des choses dont on ne se souvient plus. Mais il y a deux expériences en particulier. Il y en a une, ce n'est pas vraiment un regret, mais je sais que ça a pris le contrôle. Justement, quand j'étais en train de partir dans le design, Dans ma deuxième alternance, c'est une petite agence tout à fait sympathique, des gens très sympas, hyper pros, etc., qui m'ont beaucoup appris. Mais voilà, mais en fait, j'ai un de mes meilleurs amis de l'époque. On avait fait les 400 coups ensemble, on avait voyagé, on se voyait tout le temps, on avait beaucoup habité ensemble. Enfin bon, bref, on avait vécu des grandes expériences ensemble. En fait, cet ami... Il nous a dit, un mec brillant, il nous a dit, parce que c'était nous, on était trois copains, il nous a dit à l'époque que ça n'allait pas très bien, qu'il sentait qu'il était en train de faire un burn-out encore. Il est parti en vacances avec son cousin, il a pris des champignons là-bas, et il n'est jamais revenu. Il a décompensé avec les champignons. C'est... Enfin, voilà. m'a balancé les pires horreurs possibles alors que c'est une personne très importante dans ma vie ça m'a littéralement détruit j'en ai pleuré non plus que vous voir c'était très dur et là je sais que la cyclotimie a pris le pas là je me suis fait dévorer pendant un an où là j'arrivais plus à ressortir J'arrivais plus à remonter. Je ne savais pas ce que c'était à l'époque, mais j'arrivais plus à... Ouais, j'arrivais plus à revenir dans la réalité, donc j'étais tout le temps, tout le temps, tout le temps en enfer. Et j'étais tout le temps en enfer, alors... Ça va m'amener à un sujet dont je vais parler après, mais j'osais un poker face, pour que personne ne s'en rende compte, mais en fait, j'étais en enfer permanent, avec des phases, du coup, où je m'en sortais, puisque phase d'euphorie, mais qui me renvoyait de l'autre côté. Et là, ouais. Là, j'étais tout le temps entre dépression et... Enfin... L'échelle, la dépression légère et puis dépression sévère, avec des pensées noires, etc. Là, ça a été très dur et j'ai complètement foiré mon alternance.

  • Giulietta

    Et du coup, pour donner moi mon regard en tant que personne qui commençait à te connaître à ce moment-là, moi, je n'avais rien remarqué. Et pour comparer avec des personnes qui sont en dépression, généralement, ça se remarque. Il y a des difficultés à faire face, à sortir, à sociabiliser, tout ça. Et donc je présume qu'une des perversions de la cyclotimie, et peut-être aussi une des ressources que tu as, c'est que tu alternes entre deux sentiments, et même si ton mood général était plutôt dépressif, tu as eu des moments de sociabilité et des moments euphoriques. Ou en fait, tu donnais carrément le champ, j'y reviens rien.

  • Jean

    En fait, tu sais... Je vais parler de Jim Carrey.

  • Giulietta

    Ah bah, vas-y.

  • Jean

    C'est ça, hein. Dites-en. Jim Carrey, il a eu le plus ou le moins arrêté sa carrière en général. Il fait surtout de la peinture et donne des interviews. Il n'a pas le mal parlé de dépression, notamment. Et il a parlé d'un sujet, en l'occurrence, dont je voulais parler, donc ça tombe très bien. Il s'appelle le faux self. Le faux self, en gros, c'est... Tu vois la comédie à l'arté avec les deux masques. Ben voilà. En gros, t'as le masque souriant. En fait, ce masque souriant, c'est un faux self. C'est un masque. Parce que derrière, par contre, c'est pas un masque qui boude. Enfin, derrière, il n'y a pas de masque. C'est vraiment toi, quoi. Donc, en fait, finalement, tu te mets un masque. pour qu'en société, tu sois acceptable. Et en fait, même le but ultime, c'est un peu de cacher ce que tu ressens réellement. Parfois, c'est même un peu inconscient. Et moi, j'ai tellement, tellement été habitué à porter un masque, finalement, être dans un fauteuil, avec une personne toujours très joyeuse, très... à faire des gros bruits, des grands gestes, etc. que finalement, ça ne se voyait pas. Et même moi, ça me rassura à l'époque. de me voir comme ça avec les autres parce que ça me prouvait que j'étais pas encore tombé, que j'étais encore là en fait ça allait très très mal ça allait extrêmement mal et quand il s'agissait de bosser par exemple, c'était pas possible c'était vraiment pas possible rétrospectivement ce que j'aurais dû faire c'est me mettre 6 mois en arrêt maladie et aller dans un institut de repos ou un truc comme ça pour être coupé du monde et rebranché avec la réalité parce que j'étais en enfer

  • Giulietta

    C'est une difficulté liée à la psychiatrie, c'est que, autant sur un symptôme physique, quand on te dit on va te mettre en arrêt maladie, il faut que tu ailles à l'hôpital, il faut que tu te poses, attention, fais gaffe et tout, ben tu le fais. Autant expliquer aux gens que t'es en dépression, que t'arrives pas à faire face et que c'est compliqué, et le fait d'aller te faire hospitaliser en lien avec ta santé psy, ben là ça devient tout de suite beaucoup plus compliqué.

  • Jean

    De toute façon, sans même parler de cyclotimie, il suffit, et t'as dû le voir toi-même, peut-être ou pas, en tout cas moi je l'ai vu à plusieurs reprises, il suffit de voir quand quelqu'un est atteint de dépression nerveuse. Sans forcément être au bout, au ras du suicide, mais juste quelqu'un qui est atteint de dépression nerveuse. Il ne peut plus se réveiller... Le matin, il ne fiche plus grand-chose, il joue aux jeux vidéo, etc. En fait, il ne va pas bien, le monsieur-là. Il ne va pas bien du tout, en fait. Plutôt que de lui mettre des... Comme si mettre un coup de pied en fesse à quelqu'un qui ne va pas bien, ça va forcément l'aider. C'est sûr. C'est vrai que j'aurais dû y penser, j'aurais dû mettre un coup de pied en fesse, puis aujourd'hui, je serais plus... Moi, je n'ai pas été dans ce cadre-là, parce que faux self. Mais... Quand je vais trop mal, je m'en vais. Et je pars d'endroits, je me débrouille. Mais je pars d'endroits où je pars du job, où je ne sais pas, où je crée une nouvelle forme de vie. Parce que c'est de la cyclotimie, donc je sais que c'est mécanique. Et même avant, quelque part, je savais un peu inconsciemment que c'était mécanique, parce que ça finit par passer quand même. Ce que je voulais dire de base, c'est ça. C'est qu'on a un peu digressé. C'est que la dépression nerveuse, qui est pourtant un truc simple, théoriquement, pardon les faits, mais théoriquement, que tout le monde comprend, que tout le monde connaît, qui est accepté par la société, tu vois encore aujourd'hui pourtant que quelqu'un qui est en dépression nerveuse ou qui ne se dit pas en dépression nerveuse, mais qui a les symptômes d'une dépression nerveuse, va être vu comme quelqu'un qui se laisse aller. pas son entourage. Ça pose quand même deux, trois questions. Alors que la cyclotimie, qui est un truc qui n'est pas connu, qui est très mal compris même par les psychiatres en France, oui, en fait, tu comprends pourquoi il y a des gros problèmes. Tu comprends pourquoi les gens ne se sont pas pris au sérieux. Tu comprends pourquoi il y a des gens qui sont atteints de cyclotimie et qui vont en fait, de base, peut-être ne pas avoir de trauma, mais qui vont en avoir parce qu'ils vivent avec un truc qui leur bousille la santé.

  • Giulietta

    et qui ne sont pas reconnus en tant que tels ou qui sont vus comme des gens qui exagèrent leurs symptômes je crois que t'en parlais tout à l'heure moi j'ai plus trop de questions est-ce qu'il y a des points que tu souhaites aborder parce que tu es venu avec plusieurs pages de notes oui alors le truc je regarde rapidement mais le truc c'est que je prends ton temps parce que j'ai pas envie que tu partes

  • Jean

    en te disant que tu n'as pas dit quelque chose ouais tu as bien raison non c'est bon j'ai tout dit c'est formidable il y a un dernier truc que j'aimerais rajouter mais je sais pas si t'avais prévu je crois pas c'est justement comment bien vivre avec ta cyclotimie et

  • Giulietta

    bah vas-y Les recettes de Jean.

  • Jean

    Les recettes de Jeannot. Alors, comment vient vivre sa cyclotimie ? Je ne sais pas. Il y a quelques livres en France qui sont intéressants. Il y a des études en France et des études aux Etats-Unis qui sont intéressantes. Il faut fouiller. C'est pénible, mais il y a des trucs qui sont intéressants. Ça, c'est le premier point. Il faut les lire. C'est vraiment important. Ça peut parfois être carrément hermétique, mais il faut se lancer parce que... ça permet de mieux comprendre déjà ce qu'on ressent, ça permet de mieux comprendre ce qu'on a, et ça permet justement de mieux, derrière, créer et adapter des mécanismes pour davantage prendre en charge sa cyclotimie. Et quand bien même on a trouvé un psychothérapeute qui comprend la cyclotimie et qui vous aide en tant que patient, ça ne suffit pas, il faut quand même un peu se prendre en charge par soi-même aussi. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, et ça, c'est vraiment des basiques, mais on parle d'avoir une hygiène de vie pour quelqu'un qui n'est pas forcément atteint de troubles émotionnels. Ça l'aidera à aller loin. Oui, en fait, les cycles thymiques, c'est qu'en fait, si tu es cycle thymique, tu ne peux pas faire ta vie sans avoir un minimum d'hygiène de vie. Parce qu'en fait, plus tu as une bonne hygiène de vie, plus tu pourras éviter d'avoir des yo-yos émotionnels. Et surtout, moins tu auras des yo-yos émotionnels, moins tu auras des yo-yos émotionnels. Inversement, plus tu auras des yo-yos émotionnels, plus tes yo-yos émotionnels seront forts, ils iront loin, et donc plus ils deviendront forts. En fait, là pour le coup, c'est un peu cyclique, c'est plus c'est fort, plus c'est fort, moins c'est fort, moins c'est fort. Je ne suis pas une bonne personne pour dire ça, du fait que je suis un très bon vivant, mais l'hygiène de vie, ça ne paraît pas comme ça, ça paraît être un argument bête, mais en fait c'est hyper important pour la cyclotimie d'avoir une bonne hygiène de vie. C'est vrai pour tout le monde, ce n'est pas particulièrement vrai avec les cyclotimies. Entourez-vous de gens qui vous comprennent et qui vous comprennent vraiment. Fuyez absolument les gens qui ne vous comprennent pas, qui sont toxiques, Parce qu'en fait, c'est vrai pour une personne qui n'est pas atteinte de cyclotimie, mais dans votre cas, ça va vous entraîner encore pire dans vos tourments, dans un sens ou dans l'autre. La personne d'un coup est super sympa, très bien, ça vous envoie dans une phase hypomaniaque. La personne vous rejette ou a un comportement toxique, ça vous envoie en enfer. Et de toute façon, si vous allez dans une phase hypomaniaque, ça vous enverra aussi en enfer, quoi qu'il se passe. Et plus vous montez, plus vous descendez. Voilà, c'est vraiment des basiques. Et surtout, soyez créatifs. Faites des choses créatives. Utilisez vos mains. Ça vous fera le plus grand bien et ça vous donnera beaucoup de confiance en vous. Pour reprendre sur un dernier exemple que j'avais zappé et qui pourtant est vital, c'est Dr Elie Antouche, pour le coup, qui en parle dans son bouquin que je fais et qui est... rébarbatif, pénible et même disons-le carrément chiant au début comme exercice mais qui devient après hyper intéressant c'est le fait que chaque jour, dans un petit carnet sans aller jusqu'au point où il dit avec un tableau machin et tout mais juste décrire comment cette journée on s'est senti émotionnellement quel comportement problématique on a eu qui pouvait être symptomatique d'un souci émotionnel, dans un sens comme dans l'autre, et si oui, pourquoi, qu'est-ce qu'il a généré ? L'idée, c'est que derrière, ça peut permettre de voir quand on est en train de partir dans une série de comportements hypomaniaques ou inversement, dans une série de comportements dépressifs. Si la cyclotimie, c'est yo-yo, il y a quand même des tendances et il y a aussi un peu des vagues aussi, malgré tout. C'est là où c'est un peu pervers aussi, c'est que je peux être plus ou moins en dépression en continu pendant une phase, pendant un mois, deux mois, six mois, tout en ayant des comportements complètement hypomaniaques. Voilà, donc il faut se méfier de tout ça. Et donc ça, c'est un bon moyen d'avoir un... Il n'y en a plus. D'avoir un... a un bon contrôle sur son état émotionnel. Et ça permet notamment de se dire Ouh là là, je bois trop en ce moment, c'est pas bien ou Oh là là, je fais rien en ce moment, je reste sous le chemin Bon bref, voilà, c'est vraiment important. C'est bon, je crois ?

  • Giulietta

    Ouais, c'est bon. Est-ce que t'as un mot de la fin ?

  • Jean

    Sortez couverts ? Non, ça marche pas, ça.

  • Giulietta

    Vraiment, je m'attendais à mieux venant de ta part.

  • Jean

    Non. Est-ce que j'ai un mot de la fin ? Je réfléchis. Je dirais deux choses, ouais, je pense, qui m'ont vraiment aidé dans ma vie, mais qui m'ont aidé aussi avec la cyclotimie. La première chose, c'est l'autocritique. Et in fine la critique. Faut être capable de toujours remettre les choses en question. Même les médecins. J'ai une médecin qui m'a dit un bon patient, c'est un patient critique. C'est un patient qui, s'il n'est pas tout à fait OK sur le diagnostic, même s'il n'est pas médecin, ça n'empêche pas d'être critique, il faut aller voir un autre praticien. Et le meilleur moyen d'être diagnostiqué, c'est clotimique. c'est de voir plusieurs personnes. Et typiquement, Loubi en parle dans sa BD. Moi, je l'ai vécu. J'ai eu de l'errance médicale aussi. Ça a été terrible. C'est un trauma, d'ailleurs. Je peux le dire. C'est un trauma. Je sais qu'il y a des gens qui prendront encore plus de temps que moi. Moi, ça m'a pris quand même 15 ans à la fin. Donc c'est ce que je dirais. Soyez critique envers vous-même. Ça vous aidera à voir l'éléphant arriver et ça vous aidera à résister aussi quand vous êtes en pleine tempête émotionnelle. mais ça vous aidera aussi à résister à quand vos proches sont un peu toxiques avec vous concernant la cyclotimie ou concernant vos troubles émotionnels, vous avez une dépression passagère ou quoi. En fait, ce n'est pas un petit truc, ce n'est pas pour blaguer. Soyez critique envers leur discours et soyez critique envers le médecin si le médecin, vous avez l'impression qu'il dit qu'il est à côté de la plaque ou qu'il ne connaît pas le sujet ou qu'il est un peu dans la facilité. Bah, changez de médecin, allez-vous en voir un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis au bout d'un moment, ça ira.

  • Giulietta

    Vous avez deux conseils, ça c'est le premier.

  • Jean

    Non, le deuxième conseil, c'est les amis. C'est vrai pour tout le monde, mais... et je pense à notre ami notamment, qui a posé la question, qui se reconnaîtra probablement, mais... les amis, c'est quand même un truc hyper important. C'est vrai en général, mais dans le cadre de la cyclotimie, c'est particulièrement important. Quand vous avez des vrais bons amis qui vous connaissent, c'est eux qui seront capables de vous ramener à bon port. Que vous soyez un peu dans l'hypomanie et que vous commencez à avoir des comportements qui ne sont pas bons pour vous. Typiquement, les amis sont là un peu comme la... C'est un peu la tour de guêpe de la cyclotimie. Ils sont capables de vous voir partir dans un sens comme dans l'autre et de vous ramener. Donc c'est important de les trouver, et typiquement notre ami commun, sans s'en rendre compte malgré lui, par ses simples comportements naturels, par sa simple présence, plusieurs fois il m'a ramené à bon port. Juste parce que c'est quelqu'un de solide, juste parce que c'est quelqu'un de merveilleux finalement. Et plusieurs fois il m'a ramené à bon port, et il y en a d'autres et ils n'ont pas forcément besoin de vous dire les choses juste le fait qu'ils soient là ça vous aidera à vous corriger et à éviter d'aller dans des situations où vous allez vous faire mal un immense merci à Jean d'avoir partagé son récit et son regard sur le monde j'ai été très touchée au montage de cet épisode de me rendre compte de tout ce que Jean avait partagé les moments compliqués comme les périodes de joie le tout sans faux semblants et avec une sincérité désarmante j'espère sincèrement que cet épisode vous sera utile, que vous soyez à l'atteinte de Cyclotini ou non on parle encore malheureusement trop peu des troubles de l'humeur et de la dépression alors que ce sont des pathologies qui ont un impact important sur la vie de celles et ceux qui vivent avec l'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins imaginé et enregistré à Paris lancé entre Marseille et Naples diffusé avec amour si ce format vous plaît et que vous souhaitez me soutenir n'hésitez pas à noter l'anomalie sur votre plateforme d'écoute de podcast préférée, cela m'aidera beaucoup en attendant les prochains contenus, prenez soin de vous

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Description

Peut-on bien vivre avec un trouble de l'humeur ?


C'est à cette question que répond Jean dans ce nouvel épisode de lanomalie. Jean est atteint de cyclothymie depuis plusieurs années mais le diagnostic n'a été posé que récemment, comme pour de nombreuses personnes atteintes par ce trouble.


Jean compare la cyclothymie à une navigation par un temps de tempête, alternant sans cesse entre des phases dépressives et des phases euphoriques. Si Jean vit aujourd'hui très bien avec cette pathologie, cela n'a pas toujours été le cas. Il évoque dans l'épisode son temps d'errance médicale ainsi que les idées noires qui l'accompagnaient.


La cyclothymie, qu'est-ce que c'est ?

Il s'agit d'un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Comme pour une bipolarité, la personne atteinte oscille entre des moments d'euphorie, qu'on qualifie de "maniaques" et des phases de dépression. La particularité de la cyclothymie est que ces variations sont particulièrement reserrées dans temps : dans la même journée, Jean peut passer d'une phase à l'autre. Le début de l'épisode pose les bases théoriques qui permettent de comprendre en détail ce trouble de l'humeur.

La cyclothymie concerne environ 1% de la population française mais demeure un trouble psychiatrique encore peu connu, autant par le grand public que par les médecins. La conséquence directe est un temps de diagnostic extrêmement long (environ une dizaine d'années).


Nous évoquons dans cet épisode :

  • Les meilleures astuces de Jean pour bien vivre avec cette pathologie

  • Le rapport délicat que cette maladie induit dans le rapport à l'entourage et au travail

  • La relation que Jean entretient avec la psychiatre qui le suit ainsi que l'impact de son traitement sur sa vie quotidienne

  • Les conséquences de la cyclothymie et des épisodes dépressifs que Jean a connus


⚠️ Assurez-vous d'écouter l'épisode à un moment où c'est ok pour vous. Nous parlons d'idées suicidaires et de violences intrafamiliales dans cet épisode.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Jean

    Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué. Tu vas mal, tu ne sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien. Donc tu culpabilises parce que tu ne comprends pas pourquoi tu as été aussi loin alors qu'en soi, il n'y a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable.

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps et une psyché qui vont bien, qui tiennent la route et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Pour ce nouvel épisode, je vous propose de rencontrer Jean, un ami à moi atteint de cyclothymie. La cyclothymie, c'est un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Tout comme pour une bipolarité, il y a des fluctuations entre des périodes de dépression et des périodes euphoriques qualifiées de "maniaques". La particularité de la cyclothymie, c'est que ces changements de phase s'opèrent de manière brusque. Jean en parle très bien dans l'épisode : dans la même journée, il peut connaître des moments de joie intense, puis se trouver cloué au fond de son lit, ou bien très anxieux. Cet épisode est particulier à plusieurs égards. Tout d'abord, c'est le premier qui traite de santé mentale. Je voulais m'en tenir au corps, au départ pour ce podcast, mais le récit de Jean m'a profondément touchée, ainsi que sa volonté de sensibiliser sur un trouble encore peu connu en France. Il se peut également que vous remarquiez un ton guilleret dans cet épisode, qui contraste avec les sujets évoqués. Nous avons enregistré autour d'une bonne bouteille de vin, pour nous donner du courage. L'ensemble me semble être tendre et plutôt clair, malgré une certaine ébriété. Avant de vous laisser avec cet épisode, petit trigger warning. Les sujets évoqués sont compliqués : Jean évoque notamment des envies suicidaires. Assurez-vous d'écouter l'épisode dans de bonnes conditions, ou bien différez son écoute si vous sentez que ce n'est pas le moment. Sur ce, je vous souhaite une très bonne écoute. Je vais commencer par une question métaphysique, comment est-ce que tu te sens aujourd'hui Jean ?

  • Jean

    Comment je me sens ? Bah ça va, ça va ... Ça va. D'ailleurs, c'est une bonne introduction, le "comment ça va ?", parce que justement... on devait faire l'épisode d'hier. Et hier, j'étais dans une phase un peu dépressive. Donc voilà. Et aujourd'hui, ça va très bien. Même, je dirais, c'est un tout petit peu de l'autre côté. C'est le principe même de la cyclothymie d'un jour à l'autre, voire d'une minute à l'autre parfois : ça va et puis ça ne va plus.

  • Giulietta

    Oui, effectivement. Hier, tu m'as envoyé un SMS pour me dire "est-ce qu'on peut décaler ? Je ne me sens pas très bien". Du coup, je n'ai pas compris ton SMS. J'étais là, genre on a rendez-vous ce soir. Et après, j'ai relu. Je me suis dit "ah ouais, non, en fait", tu me proposais de décaler parce que ça n'allait pas.

  • Jean

    Oui.

  • Giulietta

    Donc pas de soucis, est-ce que tu te sens de décrire ce que c'est des moments où tu te sens moins bien ?

  • Jean

    Alors, en fait c'est un peu complexe à expliquer. Bah le, typiquement, le bouquin de... Le bouquin qui s'appelle Goupil ou face de Lou Lubie, il y a une page, au bout d'un moment, où elle décrit ses états émotionnels avec des petits dessins. Des visages, son portrait, en gros, où ça va, c'est super, et puis d'un coup ça va pas. Mais c'est pas le ça va pas, c'est... Je me sens déstructuré, je me sens angoissé, stressé, je me sens super excité, je me sens... Et en fait, c'est un peu ça, ce qui a créé, ce que moi j'appelle des down, mais ce qui va plonger dans la phase dépressive, peut créer des manifestations émotionnelles différentes. Par exemple, hier, j'étais hyper anxieux. T'as des fois, je vais pas être anxieux. T'as des fois, je vais juste être complètement abattu. Même parfois, avec des pensées suicidaires, par exemple. Le travail... au fur et à mesure des années fait que je sais que c'est comme ... Je me vois toujours comme ça en général quand je pars de l'autre côté, c'est... c'est un peu comme un marin qui va pêcher, qui est dans un bateau un petit bateau en pleine tempête. La cyclothymie, c'est un peu ça quoi. La mer peut être très calme puis d'un coup partir dans une tempête terrible et ok je suis un marin, j'ai l'habitude de naviguer sur des mers en pleine tempête, je sais que ça va passer, et c'est exactement ça.

  • Giulietta

    T'as abordé bien évidemment plein de sujets sur lesquels j'ai envie de développer, mais les auditeurs et auditrices ne te connaissent pas. Est-ce que tu peux donner deux, trois éléments pour te présenter de la façon dont tu le souhaites, histoire de poser les bases de l'échange et qu'on sache un peu qui tu es ?

  • Jean

    Très bien, je m'appelle Jean, j'ai 33 ans, je suis designer dans une agence parisienne. Qu'est-ce que je peux dire ? J'aime plein de choses, je crois. Je suis très... J'aime plein de choses, je suis très émerveillé par la vie en général, ce qui est d'ailleurs un des mérites de la cyclothymie. Je suis toujours émerveillé comme un gamin par tout ce qui peut m'entourer. Je sais pas ce que je peux te dire... Ouais, je sais pas ce que je peux te dire...

  • Giulietta

    Et est-ce que tu peux parler de la raison pour laquelle tu es là aujourd'hui ? Du coup, il y a ta cyclothymie et il y a ton TDAH, je ne sais pas si tu veux en parler ou pas.

  • Jean

    Ouais, ouais, ouais, carrément. Alors, pourquoi ? Justement, pourquoi je voulais t'aider sur ce podcast. Parce qu'en l'occurrence, aujourd'hui, en France, la cyclothymie, c'est quelque chose qui est encore peu compris, peu connu. Il y a peu de littérature en France. Pour les auditeurs, quand je parle de littérature... Je parle de littérature scientifique, d'études. Il y a peu de littérature en France, et en général, même dans le monde, il n'y en a pas tant que ça. Il y en a plus aux États-Unis notamment, mais bon. En France, en tout cas, c'est une maladie qui est... C'est le terme, c'est une maladie. C'est une maladie qui est encore très méconnue, qui est peu comprise par les psychiatres, et par les psychologues en général. Ça s'explique de différentes façons, mais on va voir au fur et à mesure du podcast, je pense que je vais en parler. En tout cas, voilà. Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué, Tu vas mal, tu sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien, donc tu culpabilises parce que tu comprends pas pourquoi t'as été aussi loin alors qu'en soi y'a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable, ça m'a conduit à des situations où... J'aurais pu partir, définitivement. J'ai la force de ne pas le faire, mais je... Mais voilà. Et donc, quelque part, de participer à ce podcast sur cette maladie, c'est, quelque part, espérer que quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il a, mais qui l'écoute, et qui puisse se dire "Ah mais, ça correspond à ce que j'ai, en fait". Eh bien, peut-être que ça va l'aider à sortir de son errance médicale. Peut-être que ça va aussi permettre de sensibiliser... d'autres personnes finalement à cette problématique comme tes autres épisodes ont finalement sensibilisé à certains sujets. Effectivement, c'est pour ça que je suis là. C'est vraiment pour aider et éclairer, même une seule personne. C'est déjà génial. Si je peux la sortir de son enfer, je suis très content.

  • Giulietta

    Effectivement, en me documentant un petit peu, je me suis rendue compte que la cyclothymie, visiblement, ça touchait 3 à 6% de la population, donc c'est loin d'être un petit sujet, et que le temps de diagnostic était estimé actuellement à... 10 ans ! Donc, dans le cadre d'un trouble psy, c'est extrêmement long parce que comme tu l'as décrit, il y a des moments qui sont extrêmement difficiles à vivre, on ne sait pas ce qui nous arrive. Et le fait de ne pas avoir une réponse, enfin une prise en charge adaptée, je présume que ça doit mener à une certaine détresse. Est-ce que tu peux expliquer ce que c'est que la cyclothymie avec tes mots ?

  • Jean

    Déjà, revenons aux bases, analysons deux secondes le terme, juste deux secondes. Cyclothymie, il y a le terme "cycle" donc finalement s'il y a le terme cycle on peut aller jusqu'à cyclique. En fait la cyclothymie, normalement, c'est cyclique un peu comme la bipolarité, je vais venir. Ça devrait être cyclique mais en fait la cyclothymie, c'est pas exactement ça, c'est un peu plus compliqué. Là, je vais prendre la bipolarité. La bipolarité qu'elle soit de type 1 ou de type 2. Type 1 , c'est la bipolarité qu'on voit dans les films. C'est concrètement une personne qui ne peut pas vivre en société. Ce n'est pas possible. C'est trop compliqué. Type 2, avec un bon traitement, une bonne prise en charge psychothérapeutique, ça peut aller. Ça peut se faire. Potentiellement. Mais bon, je dis tout ça avec des pincettes. Attention. Mais il y a quelque chose qui fait qu'ils se ressemblent bien. C'est que... En fait, leurs phases émotionnelles sont effectivement cycliques. Elles peuvent se déclencher, par exemple, une personne va très bien, et puis pendant un an, deux ans, elle a un accident de voiture, et d'un coup, en fait, c'est cyclique. C'est-à-dire que sa phase émotionnelle, qu'elle soit dépressive ou maniaque, il faudra qu'on l'explique d'ailleurs, va se déclencher. Ça va rester un mois, deux mois, six mois, deux ans, quatre ans. Et puis ça va redescendre, mais ça reviendra. C'est cyclique. Dans le cadre de la cyclothymie, c'est un peu plus compliqué parce que la cyclothymie, en l'occurrence, c'est assez cyclique, mais c'est beaucoup plus sensible que la bipolarité. Je vais citer un exemple. Une fois, j'avais fait un super projet en design, j'avais cartonné, j'étais hyper fier de moi. Le client était hyper content, mais le client a dit "Par contre, Jean quand il s'exprime, il est un peu trop cool, un peu trop... parfois il oublie un tout petit peu qu'on est ses clients et il parle un peu comme s'il nous connaissait un peu trop bien". Et ça m'a dévasté. J'étais au fond de mon lit, je ne pouvais plus bouger alors que j'étais voilà j'étais en plein jours de travail, j'étais dans mon lit je pouvais plus bouger. Et j'étais parti là, je savais que jusqu'au soir c'était terminé. Une de mes anciennes voisines m'appelle, et je l'aime bien. J'ai vu son appel, j'ai décroché : "Ça va, machin, etc.." L'appel s'est fini, je me suis levé, je suis retourné travailler, j'étais guilleret, j'étais super content. Même un peu euphorique. Comment ça se fait que tu passes d'une phase où t'es en dépression nerveuse lourde, tu peux plus manger, t'es lent, ton ego est en berne, etc. à une phase où t'es limite euphorique, t'es content de toi, t'es fier de toi, tout va bien, il y a des oiseaux dehors, ça chante. En fait, c'est là où c'est compliqué l'histoire de cycliques, c'est-à-dire que, oui, il y a une forme de cycle, mais en fait, la cyclothymie, réellement, c'est vraiment des allers-retours, en continu, et pour X ou X raisons, ça peut partir dans un sens ou dans un autre, et ça ne s'arrête jamais.

  • Giulietta

    Du coup, là, on a bien expliqué ce que c'était la dimension cyclique de la cyclothymie. Tu as parlé d'épisodes plutôt maniaques et d'épisodes dépressifs ?

  • Jean

    Là, on peut rentrer dans le détail de façon un peu plus théorique. Dans l'idée, en gros... On peut se représenter comme une forme d'échelle. Une échelle. Où une personne, toi, par exemple. Quand tu vas vivre ta vie, tiens, il y a un verre avec les copains. De l'autre côté, tiens, j'ai appris une mauvaise nouvelle "zut, j'ai des impôts à payer". En fait, tu vas être à travers cette échelle. Cette échelle, en gros, pour qu'on s'illustre bien, il y a cinq étages. L'étage au milieu, c'est celui dans lequel vont rester les gens, en général. On pourrait dire presque, sinon, que c'est le rez-de-chaussée, en gros. Et le cerveau des gens, normalement... Il va un petit peu descendre selon ce qu'il apprend. Donc là, c'est, on va dire, le sous-sol et le sous-sous-sol. C'est deux étages de dépression. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Je ne sais pas comment on appelle ça, parce qu'il y a différents termes. On pourrait appeler ça la dépression légère, l'étage de dépression légère. En fait, ce n'est pas du tout léger. Ça ne va pas, ça ne va pas du tout. C'est une hypodépression, quelque part. Ça n'a pas du tout, les effets sont bien là. Et puis, il y a l'étage en dessous. Donc là, c'est la dépression sévère, extrême. Là, on parle plus d'idées noires. On parle plus d'envie de se suicider. Il y a des pensées qui sont là et qui ne sont pas sympas du tout. Il y a une extrême dévalorisation de soi-même. Et puis, tu ne peux plus te sortir de ton lit. Enfin, là, c'est terminé. Tu passes de l'autre côté. Donc, je retourne au rez de chaussée et je remonte au dessus. Là, ce sont les étages de... Je n'aime pas le terme, mais "maniaques". C'est les étages de manie. Donc là, il y a deux étages. Il y a hypomaniaque et maniaque. En gros, cet étage-là, il est un peu chiant. Parce que la phase dépressive, on comprend, tu vois. Tu es fatigué, tu n'as plus d'énergie, dévalorisation de toi-même, idées noires potentiellement, plus de volonté. Enfin, voilà. Finalement tout le monde a un petit bagage sur la dépression nerveuse. On imagine les coups de blues et tout. On imagine un peu ce que c'est. Les étages maniaques, ils sont plus compliqués. Parce que c'est à la fois de l'euphorie, moi souvent c'est de l'euphorie. D'ailleurs là, je suis un peu euphorique. C'est de l'euphorie, ça peut être des comportements complètement, complètement, comment dire, excessifs. C'est-à-dire, je vais quitter ma nana, je vais acheter deux bagnoles, Je vais me raser les cheveux. Voilà, ça peut être n'importe quoi. Ça peut être... Attention, là, ça ne va pas être cool. ça va être ma mère par exemple parce que c'est génétique Ma mère, par exemple, quand elle avait des phases maniaques, moi, mon frère et ma soeur, en fait, elle nous battait pendant des heures jusqu'au moment où ça allait redescendre. Et après, inversement, du coup, elle descendait plus bas parce que c'est une des perversités de la cyclothymie. Mais c'est vrai pour la bipolarité aussi, remarque. C'est plus tu montes haut, plus tu vas descendre bas. Donc voilà, les étages, l'échelle. Des phases maniaques, c'est extrêmement compliqué parce que c'est à la fois de l'extrême violence, à la fois des comportements excessifs, à la fois des choses super joyeuses, comme de l'euphorie. C'est assez compliqué. Pour reprendre, quelqu'un de normal, comme toi par exemple, il va être concrètement toujours au milieu. Son cerveau va faire ce qu'il faut pour balancer telle ou telle molécule pour que ça aille bien, pour le faire remonter ou redescendre, à peu près. Ça n'empêche pas que tu peux, un petit peu, même aller parfois un petit peu loin, dans un sens ou dans l'autre. Ça va être très vite régulé. Donc je ne suis pas en train de dire que quelqu'un qui n'est pas atteint de cyclothymie ne peut pas avoir un coup de blues, c'est pas ce que je dis. Le problème du cyclothymie, c'est que par contre, c'est un trouble émotionnel où c'est complètement mal géré, où le cerveau concrètement n'a jamais un coup d'avance, il a toujours un coup de retard, et en plus d'avoir un coup de retard, il a toujours des carences d'un point de vue moléculaire, donc il n'arrive jamais finalement à faire ce qu'il faut.

  • Giulietta

    Oui j'ai l'impression qu'il y a une hypersensibilté... ...qui fait que c'est encore plus difficile d'apporter la réponse adéquate.

  • Jean

    Totalement et il y a plein de choses. Tu vois quelqu'un dans la rue qui tombe... Tu vois une petite vieille qui tombe dans le caniveau, tu vas l'aider, etc. Sur le coup tu vas pas voir qu'il y a quelque chose, il y a une émotion qui est en train de s'installer, tu l'aides, tu as un coup d'angoisse, tu l'aides et tout, elle se relève, bon en fait ça va tranquille, etc. Derrière tu vas le payer parce que tu as une bonne nervosité qui s'est mise en route, une bonne décharge d'adrénaline. Donc, derrière, tu vas tu vas le payer où tu vas être anxieux pendant 3h, 4h, 5h. Alors qu'en fait, ça va, tout va bien. Parce que quelqu'un qui n'est pas atteint de la cyclotimie va l'avoir aussi, sauf que son cerveau va faire ce qu'il faut. Et moi, en plus, j'ai d'autant plus un coup de bol, c'est que j'ai été diagnostiqué aussi assez récemment, d'un TDAH, Troubles Déficitaires de l'Attention Handicapant. Ça, c'est impeccable, parce que les deux se répondent très bien, il n'y a pas de problème. C'est-à-dire que pour que ça aille bien avec la cyclotimie, il faudrait que j'ai une vie assez saine, où je fasse du sport, où je mange bien, où je ne sois pas trop stimulé par les choses. Voilà, juste une vie de moine, il ne faut pas exagérer, juste une vie raisonnable, confortable, avec du voyage, tu te fais plaisir, mais voilà, confortable. Le problème, c'est que de l'autre côté, tu as le TDAH, où tu as une carence en dopamine, ce qui fait que ton cerveau est sous-stimulé en permanence, donc il cherche la stimulation absolument partout. Ce qui te fait avoir des comportements qui ne sont pas super, et ces comportements pas super font qu'après, tu plonges. Ou tu es overstimulé par un truc, donc ça va te faire une montée d'euphorie, et donc après, tu plonges, etc. Et ça, c'est pourquoi je dis ça, parce qu'il y a un truc qui est important avec la cyclothymie. C'est que c'est hypersensible et chaque facteur de comorbidité, c'est-à-dire il y a une maladie qui répond à l'autre par exemple, va faire dérailler le train. Le TDAH, je sais que ça participe largement à faire dérailler le train. Mais les facteurs de comorbidité, il faut les identifier le plus rapidement possible parce que dès qu'on en a conscience, ça... Ça permet de mieux contrôler sa cyclothymie.

  • Giulietta

    Merci pour cette explication ! Je suis très contente parce que je suis en train de vivre mon premier point de désaccord avec un invité. Tu as employé l'expression "personnes normales comme toi". Et en fait, je ne suis pas d'accord avec l'emploi du terme "normal". Je m'explique. Donc déjà, le podcast s'appelle lanomalie parce que j'ai un problème avec la notion de normalité. Pendant toute mon enfance, moi, j'ai eu très très peur justement d'avoir un trouble psy parce que mon père est psychiatre et qu'il... employait des termes pas très cool en me parlant, en me disant que j'étais paranoïaque. Et j'étais persuadée d'avoir un truc, un trouble aussi, donc d'être dépressive ou d'être parano, ou quoi que ce soit. Et je me sentais pas normale. Et en grandissant, je me suis rendue compte qu'il n'y a pas des gens normaux ou pas normaux. C'est plus un continuum. Il y a des gens qui sont plus ou moins régulés.

  • Jean

    Si je parlais de normalité, effectivement, je ne suis pas d'accord avec moi-même aussi, mais je vais plutôt rentrer un tout petit peu dans le détail. Je vais plutôt parler de dysfonctionnement émotionnel ou dysfonctionnement neuronal, concrètement. La cyclothymie, c'est un trouble émotionnel. Aucun cerveau n'est câblé pour être tout le temps au milieu, de toute façon. Il y a des gens qui ne sont pas cyclothymiques et qui sont tout le temps un tout petit peu en dessous. Il y en a qui sont tout petit peu au-dessus. On connaît tous des gens qui sont un peu surrex en permanence, ou qui sont tout le temps hyper contents, qui ont la joie de vivre, qui sont très énervants, parce qu'ils sont toujours contents ces gens-là. Et inversement, on connaît des gens qui sont toujours un peu raplapla, ou qui ont un tempérament mélancolique. Donc il n'y a pas vraiment de normalité là-dessus, c'est sûr. La seule chose, c'est que là, on atteint un point où ce n'est pas quelqu'un qui est... ce n'est pas quelqu'un... qui est cyclothymique n'est pas normal, c'est pas du tout ça. La normalité c'est un concept qui est puant, réellement c'est un concept qui est toxique. Par contre, il va y avoir un dysfonctionnement émotionnel dû à des troubles neuronaux qui font que par contre il va y avoir une complexité à gérer ses émotions.

  • Giulietta

    Effectivement, je préfère l'emploi du terme dysfonctionnement, où on se concentre sur les faits et effectivement dans le cas... Je ne sais pas, par exemple, moi, pour ma sclérose en plaques, il y a un dysfonctionnement au niveau de mes défenses immunitaires qui se retournent contre mes connexions nerveuses. Donc ça, ça dysfonctionne. En revanche, je trouve que l'emploi du terme normal, anormal est péjoratif, surtout pour le terme anormal. Et là, je fais une digression sociologique. Je crois que c'est Durkheim qui travaille sur le normal et le pathologique. Donc normal, c'est ce qu'une société va considérer comme existant, allant de soi, etc. Et tout ce qui s'écarte de la norme est jugé comme pathologique. Donc... On en revient à tout le vocabulaire de la maladie. Le problème du pathologique, c'est souvent jugé comme étant stigmatisant. Quand on a une maladie, très souvent, on est confronté au regard de personnes qui nous jugent un petit peu comme étant différents, surtout je pense sur de la psychiatrie. Il y a encore des clichés qui perdurent. Il y a pas mal de vidéos Konbini sur les sujets de santé mentale qui sont trop cool, et de personnes notamment bipolaires qui expliquent que quand elles annoncent à quelqu'un qu'elles sont bipolaires, les gens sont persuadés qu'ils vont se faire arracher les yeux, mais pas du tout en fait. Et donc ça c'est un stigmate, clairement, puisqu'on va projeter sur l'autre la perception que l'on a de son dysfonctionnement.

  • Jean

    Une toute petite réaction Une toute petite Sinon, ce serait heurter ma réputation. Non, non, concernant Durkheim, justement, et si tu veux même aller un tout petit peu plus loin, on peut même dire que finalement, une société a aussi un fonctionnement qui est basé notamment sur ses codes moraux. Chaque société a des codes moraux différents. Chaque groupe, quelque part, une société, c'est un géant groupe culturel qui a une division, une subdivision de... groupes culturels jusqu'aux plus petits, un peu comme le corps, les atomes, etc. Et chacun a sa petite morale. Donc quand on parle de morale, il y a aussi cette échelle de normal, il y a aussi cette échelle de morale. Finalement, en ayant quelque chose de différent de ce qui est attendu par la société, de ce qui est attendu par les codes moraux, de ce qui est attendu en termes de comportement, finalement tu vas être anormal. Finalement, c'est pas très moral d'être un peu surexcité dans un open space ou ne pas parler dans un open space. On va pas dire que c'est pas moral parce qu'en fait c'est un peu bizarre de dire que c'est pas le moral, on va dire que c'est anormal. Mais, en fait, c'est parce que ça heurte la morale et je me méfie vachement de ce genre de discours qui sont quasi eugénistes selon moi pour aller dans ton sens cette fois-ci.

  • Giulietta

    Il y a peut-être certains auditeurs ou auditrices qui sont confrontés à ce que tu décris et d'autres peut-être qui écoutent cet épisode par curiosité et qui ne comprennent pas ce qu'est une phase dépressive ou ce qu'est une phase maniaque. Moi, je l'ai vécu de l'extérieur, je ne suis pas concernée directement, mais dans ma famille, il y a des personnes qui sont bipolaires. Et une phase dépressive, ce n'est pas juste je ne me sens pas bien, c'est vraiment une détresse qu'on ne peut pas s'imaginer lorsqu'on n'est pas soi-même en dépression, mais c'est vraiment un sentiment de perte de sens intersidéral, un manque d'énergie vraiment très important, le sentiment que rien ne va. Si j'ai bien observé les personnes autour de moi, il y a le sentiment que rien n'ira mieux, c'est quand même très très intense. Et a contrario, j'ai aussi pu observer quelques phases maniaques. C'est pas juste de l'euphorie, type j'ai pris un peu trop de drogue et je suis on fire, c'est des comportements à risque. Vraiment, si vous n'avez pas connu vous-même ou si vous n'avez pas observé dans votre entourage tout ça, il faut vraiment enlever toutes ces préconceptions et se dire que c'est quelque chose qui sort de l'ordinaire complètement. Toi, là... J'ai l'impression que tu as beaucoup cheminé et que tu as beaucoup de recul. La manière dont tu exprimais le fait qu'à un moment tu étais au fond du bac, puis ta voisine t'a appelé et là ça allait mieux. Quand t'es la tête dans le guidon et que justement t'es soit dans ta phase plutôt... que t'es maniaque soit dans ta phase plutôt dépressive, est-ce que tu arrives à te rendre compte que tu es dans cette phase-là et t'arrives à te dire "Attention, ça va revirer" ou en fait c'est tellement pernicieux que tu vis juste le truc intensément ?

  • Jean

    Question complexe, réponse complexe. En fait, ça dépend. Vraiment, ça dépend. C'est-à-dire que parfois, tu ne te rends pas compte que tu es en train de plonger, tout doucement. Gentiment. Et moi, mes phases de... "Je pars dans un sens ou je pars dans l'autre", même si moi, j'ai vraiment des tendances plutôt côté dépression. Je ne monte pas très haut en général. C'est aussi, voilà, la cyclothymie, c'est là où c'est compliqué. C'est que chacun vit sa cyclothymie comme chacun vit sa bipolarité, très différemment. Moi, je suis plutôt très dépressif. Enfin, plutôt côté échelle dépressive. Je monte un petit peu de temps en temps en hypomanie, mais c'est gentil, c'est un petit peu euphorique. Voilà, ça ne va pas plus loin. Par contre, je peux descendre très bas. Et donc, attends, c'est quoi la question ?

  • Giulietta

    Tu te rends compte que tu es dans une phase.

  • Jean

    Voilà, c'est ça. Et donc, en fait, ça dépend. C'est-à-dire que parfois... Je vais voir le truc arriver, gros comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, où là je sais que je vais plonge. Je vais prévenir ma compagne qu'il faut qu'elle s'y attende parce que potentiellement, là, je plonge pendant plusieurs jours. Mais en général c'est ça le truc, quand je sens que je vais plonger pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, je vois le bateau arriver. C'est les oscillations ponctuelles voire parfois journalières que je ne vois pas arriver. C'est-à-dire que ça va, ça va, ça va, et franchement ça va super quoi tu vois, ça va super. Puis en fait oui ça va super, mais en fait non, si ça va super, c'est que ça va pas en fait. C'est que tu t'es pas rendu compte qu'en fait, comme ça va super, t'arrêtes pas de sortir, tu bosses beaucoup trop, t'as plus d'hygiène de vie etc. Mais ça va super, tout va super. Oui mais en fait c'est parce que là t'es un petit peu en hypomanie, mais tu t'en es pas rendu compte quoi. Et puis d'un coup tu plonges en phase dépressive, voire très dépressive. Et puis tu comprends pas pourquoi. Ça allait si bien. Enfin, pourquoi ? Alors, la culpabilité se met en place, la fameuse dévalorisation, tout ça. T'as plus d'énergie, t'as plus rien. Et en même temps, c'est incompréhensible, tu ne comprends pas. Alors que pourtant, ça fait des années que je me paye de la cyclothymie, et tu ne comprends pas. Et puis après, quand la tempête se calme, là, tu comprends, tu fais le cheminement, et tu comprends. Il y a une ressource qui a un peu, pour moi, le Freud, on va dire, français de la cyclothymie, qui est docteur Elie Antouche. Il a écrit un bouquin d'anthologie qui s'appelle "Vivre heureux avec des hauts et des bas". Et il en parle de ça. Il parle de plein de choses. Il parle notamment de ça. En fait, il y a plein de signes précurseurs qui vont te faire comprendre que tu vas te prendre un mur, que tu vas être à bord d'un train qui déraille. C'est plein de petits signes auxquels il faut être hypersensible en permanence. Le problème, c'est que si tu es en permanence ultra sensible à ces signes, en fait, tu ne vis plus. Donc généralement, c'est pour ça que je disais, en général, vraiment, quand tu vois le train arriver de loin, l'éléphant finalement dans le magasin de porcelaine, tu te dis, "Ok, là je vais plonger". Excepté que quand tu le vois arriver, en général, tu sais que tu vas plonger pendant un moment. Alors moi, ça n'a pas duré six mois, mais ça a duré un mois ou deux mois. La dernière fois que j'ai vu vraiment le... Je l'ai vraiment vu comme ça. Tu vois, je voyais vraiment l'éléphant me charger. C'était pendant le deuxième confinement. J'ai fait un... Un burn-out ? J'étais trop à fond sur mon projet et ça se passait super bien. C'est un projet de design, en fait. Un truc absolument énormissime. Juste avant Noël, impeccable, tu vois. J'ai fait un boulot super. Ça a eu beaucoup de succès.

  • Giulietta

    Et à ce moment-là, tu te rendais pas compte ?

  • Jean

    75 heures par semaine, quoi.

  • Giulietta

    Et au contraire, je présume que t'étais galvanisé ?

  • Jean

    Ouais, c'est ça. Et de temps en temps, ma compagne disait "Fais gaffe", alors qu'elle bosse beaucoup. "Fais gaffe parce que là, tu vas trop loin". Et des fois, mon esprit me rappelait ou mon corps me rappelait. "Tu tires la corde là", mais j'y retournais. Je me levais à 3h du matin parce que j'avais une idée lumineuse et puis en fait, je ne me recouchais plus. Je bossais dans le train encore. J'étais en train de faire ma livraison le 24 quand j'étais dans le train pour aller chez les parents de ma compagne. Et puis j'ai rebossé en janvier, j'ai continué, j'ai reçu le cachet, mais j'ai continué, puis j'ai continué jusqu'en mars. Et puis en mars, je me suis pris le train en plein dans les dents, mais je l'ai vu arriver, et là je me suis transformé en Gainsbard, où je savais que j'étais fichu, que là ça y est, j'étais parti pour longtemps, mais je continuais à boire. Et à boire, et à ne plus dormir avec elle, parce que je me voyais comme une... comme on dit, pour ne pas être vulgaire, un petit déchet ? Un petit déchet, et j'avais une terrible envie de m'auto-détruire. Ça fait partie des possibles effets de la cyclothymie, et que tu peux trouver dans la dépression nerveuse. Au-demain, quelqu'un qui finit au burn-out, il est en dépression nerveuse, il s'enfonce. Je crois que Philippe Labro a écrit un bouquin d'ailleurs dessus. Et en fait, il se voit, les choses perdent leur goût, plus rien n'a d'intérêt. Voilà, là, le train, je l'ai vu arriver, je l'ai pris en pleine poire. Ça m'a pris plusieurs mois pour m'en remettre. avec des phases euphoriques, mais je redescendrai tout de suite, tu vois. Donc, c'était une longue réponse, mais c'était une manière aussi d'aider pour les auditeurs, pour ceux, en tout cas, qui pourraient se reconnaître dedans. Une réponse un peu complexe.

  • Giulietta

    Tu as l'air de bien te connaître, tu fais un travail sur toi, t'as une psy qui t'accompagne, de ce que je comprends. Et comment... Comment tu vis avec tout ça ?

  • Jean

    Alors, il y a... Il y a plusieurs choses. Il y a plein de choses. Déjà, la première chose, c'est que j'ai été diagnostiqué, ce qui n'était pas du tout le cas à l'époque. A l'époque, je ne savais pas ce que j'avais. J'ai vu le train arriver, pour reprendre l'histoire de quand je suis parti en burn-out. J'ai vu le train arriver, le train de la noirceur, je sais que je vais plonger. Mais sans savoir que c'était la cyclothymie, tu vois. Juste, je me suis vu... En fait, je ressentais des effets, tu vois. Je me disais "OK, ça ne va plus du tout... Je ne peux plus travailler, je ne peux plus rien faire, je n'arrive plus à me lever le matin, etc. Je suis en train de plonger en dépression, tu vois". Mais je ne m'étais pas dit "Ah ! C'est la cyclothymie".

  • Giulietta

    Tu vivais comment par rapport à ces symptômes-là ? Tu culpabilisais ? Tu as beaucoup parlé de culpabilité.

  • Jean

    Quand j'avais des phases, par exemple, euphoriques... Je mettais ça sur le compte de "de toute façon, je suis assez joyeux, assez jovial, naturellement". Je ne mettais pas ça sur le compte de la cyclothymie, puisque je n'étais pas au courant. Les phases de dépression, c'était "de toute façon, j'ai eu une enfance assez sympathique" (c'est ironique) J'ai eu une enfance plutôt, disons franchement, pas exceptionnelle. Donc je mettais ça sur le compte des traumas.Ç a y est, ça me reprenait. Je mettais déjà le "ça me reprenait" tu vois. Ça te donne une explication de ce qui a pu à la fois me permettre de tenir et à la fois ce qui a pu me berner pendant des années. Chacun va s'inventer une bonne excuse pour se dire c'était le truc qui me reprend tu vois. Comme un ressac. Donc c'est comme ça que je le vivais. Mais je le vivais sans le vivre. Finalement, le truc m'est arrivé en... Tout m'est arrivé en pleine poire, en permanence. C'est-à-dire que t'es sur un ring, t'as 10 boxeurs et tu passes ton temps à te faire boxer. Tu comprends pas pourquoi. Tu comprends pas d'où ça arrive, tu comprends rien. T'as une énorme culpabilité, puisque, en fait, tu ne maîtrises rien. Tu ne comprends pas pourquoi, par exemple, t'allais en soirée, tout était sympa, et pourtant, toi, t'étais pas bien. Il n'y a aucune espèce de raison. Mais ça, tu ne le vois pas. Tout ce que tu vois, c'est "Ouais, j'ai pas beaucoup parlé aux autres, je suis resté avec mes copains". C'est pas très bien, tu vois. C'est un peu dommage. "Ah, ben là, j'ai quand même beaucoup picolé", tu vois. Ou "Ah, ben tiens, dans l'open space, là, je parlais hyper fort. J'étais un peu trop jovial, etc. J'ai dérangé des gens. C'est la honte, les gens ne vont plus voir bosser avec moi", tu vois. C'est toujours un truc de culpabilité comme ça. Et en plus, tout est amplifié, quoi. C'est-à-dire que tu as l'impression d'avoir fait des trucs énormes, alors qu'en fait, ce n'est pas si énorme que ça. Et en fait, quand ma psy de l'époque, d'un coup, a identifié un comportement qui ressemble un peu à celui des bipolaires, mais en même temps pas exactement, elle m'a parlé de cyclothymie. Elle m'en a parlé comme ça en disant... C'est un sujet, alors que c'est une psychiatre de haut de volée, vraiment. C'est pas parce que c'est ma psy qu'elle est bonne, d'ailleurs c'est elle qui m'a fait comprendre le point que la cyclotimie en France c'est encore pas très compris. C'est que, même elle, elle avait lu des trucs dessus, mais elle ne maîtrisait pas très bien, elle a plus de 50 ans. Bon, et c'est elle qui m'a dit "Je pense que vous êtes cyclotimique, on va voir, on va creuser". Au fur et à mesure des mois, on a creusé ensemble, puis elle a fini par dire "Bon, le diagnostic, c'est clair, c'est moins facile à comprendre que la bipolarité". Et donc après, elle m'a mis sous un traitement. Il y en a plusieurs, mais je suis sous Lamotrigine. Je crois que c'est le nom générique. C'est pas grave. Ça a été miraculeux, quoi. C'est-à-dire que d'un coup, déjà, je voyais les choses arriver. Je comprenais ce que j'avais, donc en plus, je lisais dessus. Donc c'était beaucoup plus facile. Puis voilà, j'avais des comportements qui étaient beaucoup plus OK. S'il y avait des phases dépressives, etc., je sais pas. Au début, je ne le savais même pas autant que maintenant, mais je savais que j'étais dans un bateau qui tanguait. Il fallait attendre que la tempête passe, mais elle allait passer. Mais maintenant, tu sais qu'elle va passer. À l'époque, tu ne sais pas qu'elle va passer, tu ne comprends juste rien. Tu es juste baladé dans ton bateau, mais tu ne comprends pas. Tu vois la tempête, mais tu ne comprends pas. Tu ne sais pas quand elle va passer, tu ne sais rien. Là, c'est un peu comme si tu avais un indicateur météo.

  • Giulietta

    Tu mets le doigt sur les particularités de la cyclothymie. Si j'arrive à déverrouiller mon ordinateur, c'est qu'en fait... On en a parlé juste avant l'enregistrement, mais j'ai l'impression... que ça se définit vachement par la négative. Ce qui rend difficile le diagnostic, c'est qu'en fait, je caricature, mais c'est un petit peu ce que tu m'as dit tout à l'heure, c'est une petite bipolarité. En tout cas, ça peut être perçu comme tel. Non, pardon. Ça peut être perçu comme tel, mais ce n'est pas une petite bipolarité. Pardon, Jean.

  • Jean

    Ok. Non, non, non, mais c'est pas ça. C'est pas une histoire de petite bipolarité. C'est qu'en fait, c'est juste... C'est là qu'il y a une finesse. Il y a une énorme finesse qui n'est pas comprise par les psychiatres en France. Cette finesse, c'est qu'en fait, tu peux avoir des syndromes hardcore dans un sens ou dans l'autre avec la cyclothymie. Par contre, ça bouge très vite. C'est pour ça que c'est une bipolarité. De toute façon, c'est une bipolarité officiellement. Il suffit d'ouvrir le dernier DSM, c'est inscrit dedans. En revanche...

  • Giulietta

    J'ai justement la définition du DSM. C'est un petit peu le livre de chevet des psychiatres pour poser un diagnostic et pour définir quelle pathologie a le patient. Et donc... Pour la cyclothymie, il faut que les éléments suivants soient présents plus de deux ans. Donc de nombreuses périodes avec des symptômes hypomaniaques qui ne répondent pas aux critères d'un hypos... Bon, grosso modo. Pendant plus de deux ans, il faut avoir eu des épisodes hypomaniaques mais pas maniaques, c'est-à-dire avoir eu des épisodes où on était quand même euphorique mais pas trop, et des épisodes dépressifs mais qui ne répondent pas aux critères d'un épisode dépressif majeur. En fait... ce que je suis en train d'expliquer de manière pas du tout précise et le vin n'aide absolument pas, c'est que grosso modo, c'est perçu dans la description du DSM comme des petits symptômes qu'on pourrait comparer à ceux de la bipolarité. Et qui dit petit, dit que ça peut passer inaperçu et je pense également qu'il y a un biais côté psychiatre c'est que parfois ils sont confrontés à des symptômes qui sont tellement grandiloquents qu'ils n'accordent peut-être pas l'importance nécessaire à des symptômes qu'ils vont juger comme générant moins de souffrance ou comme étant moins graves, alors que la souffrance du patient, elle est bien là et la difficulté à vivre, elle est là. Et toi, ça a été quoi ton parcours ? Donc, tu as quand même fait la démarche de consulter quelqu'un ?

  • Jean

    Moi, en fait, j'ai vu plusieurs psys. Il y a eu des résultats très clairs. Mais, au bout d'un moment, avec mon premier job, quand j'ai fini mon alternance, premier vrai CDI, en fait, ça ne s'est pas du tout bien passé, quoi. Vraiment, je n'y arrivais pas. En fait, d'un coup, on te fait comprendre maintenant que tu n'es plus en alternance et que tu dois avoir la responsabilité d'un CDI, tu vois. Ce qui est tout à fait logique. Mais en fait, moi, je n'y arrivais pas. C'est pas une histoire d'incompétence, c'est une histoire de... Je me mettais une pression absolument monumentale, ce qui me mettait dans des états absolument épiques. Et au bout d'un moment, j'avais l'impression de devenir dingue. Vraiment, de menacer, de faire un burn-out tellement explosif qu'en fait, la trajectoire logique, c'est le cimetière. Et c'est tel que... L'idée même de passer à côté du Père Lachaise, où j'habite pas loin, et j'habitais pas loin aussi à l'époque, était vraiment mais hyper agréable. C'était pas juste que c'était calme, c'est qu'il y avait un endroit potentiellement où peut-être que tout pouvait s'arrêter et je pouvais enfin avoir une mer absolument calme et définitive. Et c'était un truc, ça me soulageait à l'époque, et je me suis dit, au bout d'un moment "Bon, ok. J'ai quand même un CDI, j'ai réussi des études qui sont pas mal, j'ai un bon CV, je suis pas trop vieux, ça va. J'ai une nana qui est très cool, j'ai un appartement qui est cool, j'habite sur Paris, ce qui n'est pas donné à tout le monde. C'est quand même dommage de se suicider, c'est un peu bête". Je comprends toute personne qui a envie de le faire ou toute personne qui l'a fait, même si elle ne pourra plus m'entendre. C'est Cioran qui disait que si le suicide est la liberté absolue, c'est peut-être la liberté absolue, mais en fait on peut potentiellement réussir à être libre sans arriver au bout. Parce qu'en fait le suicide, c'est juste le truc où tu as l'impression que tu ne peux plus rien faire que tu es condamné, c'est fini et tu n'en peux plus. Oui, mais en fait, si la vie te donne un petit coup de main, peut-être que d'un coup, tu peux sortir de cet univers-là et que ça va aller. Et c'est ce qui s'est passé. C'est-à-dire que je suis allé voir une psy qui est spécialisée dans les TCC (thérapie cognitivo-comportementale). Et elle a eu le discours de "En fait, c'est comme si vous avez mal au ventre. Vous me dites que vous avez l'appendicite. Vous me demandez de vous opérer, mais en fait, vous n'êtes pas médecin, vous n'êtes pas chirurgien. Comment vous savez que c'est vraiment l'appendicite ? On va pas faire de TCC, on va regarder tout ça, quoi". Et voilà. Et ça a commencé par une psychothérapie, qui a fait ressortir beaucoup de choses, évidemment, comme tout un chacun qui va faire une psychothérapie. Mais, mais, mais, mais, mais, mais, évidemment, il y a eu le truc de... "Ah ! En fait, je crois que vous êtes un peu... Vous êtes un peu cyclothymique, là, quand même". Bon. Ce qu'elle appelait un trouble émotionnel. Mais elle a mis un mot dessus. Et d'ailleurs, c'est un truc qui m'a toujours fait... Il y avait chez elle ce truc de... Elle ne disait jamais cyclothymie. Elle l'a dit quelques fois, mais en général, elle préférait dire "trouble émotionnel". Et elle m'a expliqué pourquoi. En fait, c'est que appelons un chat un chat, au bout d'un moment, ça te rappelle en permanence que en fait, tu n'es plus Jean, tu es Monsieur Cyclothymie. Tu n'es plus autre chose, en fait, que ta cyclothymie.

  • Giulietta

    Tu te tends la main... En vrai, c'est plutôt toi qui t'es tendue la main par rapport à ça parce que tu as eu le courage d'aller consulter. Parfois, on a le sentiment que quelque chose doit venir de l'extérieur. Aller consulter ou demander de l'aide, c'est déjà une main tendue et c'est un bel effort qu'on peut faire envers soi-même. Et c'est très cool. Par ailleurs, il faut que je me rappelle de ce que je voulais dire. Qu'est-ce que tu as dit que j'ai trouvé génial ? En fait, ça fait écho à un épisode que je suis en train d'enregistrer en solo sur l'identité. Tu as dit, on devient le bipolaire ou le cyclotimique. Eh bien, je vais citer Claire Marin. Est-ce que tu connais Claire Marin ? Claire Marin, c'est incroyable. Claire Marin, c'est une philosophie, une philosophe et autrice qui travaille sur la maladie. Elle a une maladie qui, je crois, est neurologique. et qui génère beaucoup de souffrance chez elle. Elle a écrit un livre incroyable qui s'appelle Hors de moi et elle a écrit un autre livre qui s'appelle La maladie, catastrophe intime et elle nous dit que la maladie est littéralement un bouleversement brutal du monde intérieur, du sens de l'identité du malade, du sens de son existence même. et dans ce renversement, elle assigne au malade une autre identité à son corps défendant. Dans le cas d'une maladie psy, c'est plutôt à sa psyché défendante. Et en fait, la difficulté, c'est que parfois, surtout quand on a un diagnostic, on va se définir par sa maladie et on va... Enfin bon, bref, je vais prendre mon cas pour ne pas parler à ta place, mais dire aux gens je suis malade, j'ai une sclérose en plaques Par ailleurs, le corps médical peut parfois nous assigner cette identité. J'ai une pote de pote que j'avais interviewée pour préparer mon travail sur l'anomalie qui m'avait expliqué que par exemple lorsqu'elle passait des IRM, les gens disaient c'est la sclérose en plat qui va passer. Bah non, c'est pas la sclérose en plaques, elle a un nom, elle a un prénom. Et donc c'est difficile de définir son identité. C'est hyper violent et d'un autre côté, factuellement, ça peut s'expliquer, eux, de leur côté en termes de logistique. Et moi j'avais fait un long travail avec ma psy pour arriver à cette conclusion. Que moi je me sentais plus à l'aise avec l'idée de dire que j'avais une maladie plutôt que de dire que j'étais malade. Et que donc ma maladie c'est ma compagne de vie, elle est présente tous les jours, elle m'accompagne, elle est... Mais que c'était une composante de moi parmi d'autres, et en tout cas c'est la posture avec laquelle je me sens à l'aise. Je trouvais que c'était assez délicat de la part de ta psy de parler de troubles.

  • Jean

    Oui. Mais c'est exactement ça. Et je trouve ça fascinant parce qu'elle a vraiment mis en place ce truc dès qu'elle a compris, dès qu'elle a diagnostiqué, elle a mis en place ce truc dès le début, entre nous. pas en me forçant mais pas loin parce que moi au contraire j'étais tellement heureux mais c'était incroyable mais enfin vraiment je sais pas si quelqu'un en écoutant ce podcast se retrouvera dedans peut-être parce qu'il l'est et qu'il est passé par par les épisodes par lesquels je suis passé aussi mais quand il doit en diger le truc c'est une sortie brutale de l'enfer enfin En fait d'un coup oui, c'est pas toi en fait le problème, tu vois. Et ce qui est fort, c'est qu'effectivement quand tu vas jusqu'au bout, et que t'arrives toi-même à te dire à la fin, Ok. C'est pas que je suis cyclotimique, c'est que ça fait partie de moi. Et moi, ça m'a pris du temps, tu vois. Je m'identifiais que là-dedans, et c'était vachement agréable sur le coup, parce que j'avais enfin la main sur un truc palpable, et en même temps, c'était compliqué. Mais oui, je crois que c'est hyper important de passer par cette phase-là de compréhension que ça fait partie de toi, mais tu n'es pas ça. Je pense que c'est long, quand même. mais ça en fait partie et c'est d'autant plus nécessaire que ça va te faire basculer sur un épisode après qui est le mais en fait comment tu fais maintenant pour que ce truc là qui te bouffait de base et qui malgré tout est un pagnon de vie comme tu disais peut devenir en fait une force et moi je sais alors dans ton cas je sais pas mais c'est quand même pas tout à fait la même chose mais dans mon cas par exemple bah moi maintenant ma cyclotémie m'aide alors des fois elle m'envoie en enfer on va pas se mentir mais des fois beaucoup mais je suis ok avec et par contre elle va m'aider dans mon boulot elle va m'aider à avoir des produits qui sont beaucoup plus proches finalement des utilisateurs que je vise à la fin donc J'arrive à être beaucoup plus empathique, j'arrive à être beaucoup plus sensible à leurs expressions de visage, à ce qu'ils racontent, à voir le petit truc derrière qui se cache. Je dis un truc, mais tout en disant Hey, il y a un petit mot là qui s'est caché. Ah, mais moi je l'ai vu en fait. Toi, tu t'en es même pas rendu compte que tu l'as dit, mais moi je l'ai vu. Ce que fait un psy en fait d'ailleurs. C'est le petit mot qui cache une forêt en fait. Enfin voilà, il y a tout un tas de choses qui fait que maintenant la cyclothymie c'est à la fois devenu un gros problème avec lequel j'ai appris à vivre, et à la fois vraiment une amie aussi, qui fait que c'est pas juste que je suis beaucoup plus fort qu'avant. C'est qu'en fait, c'est à la fois une maladie, à la fois mon ennemi, et à la fois, c'est un super pote qui peut me permettre d'aller très très loin.

  • Giulietta

    Il y a un brin sur lequel je voulais rebondir.

  • Jean

    Je pense que ça, c'est important.

  • Giulietta

    Toi, tu as exprimé ton soulagement au moment où tu as eu ton diagnostic, dans le sens où tu as eu une explication à ce qui se passait et que ça t'a donné les outils pour comprendre et pour ensuite mieux vivre avec. Donc, tu as ton traitement, mais tu as aussi la compréhension et le travail que tu fais sur toi. Je pense que c'est plein de cartes que tu peux utiliser en fonction des périodes que tu traverses. Moi, je vais apporter un éclairage complémentaire qui est celui de l'entourage. Mon père est bipolaire et en fait, j'ai appris qu'il était bipolaire seulement cet été. Donc j'ai 30 ans et j'ai appris qu'il était bipolaire. J'avais 29 ans et demi et pendant 29 ans et demi, j'ai vécu dans la terreur puisque mon père n'a jamais été violent envers moi. En revanche, il avait des crises de colère très très fortes. Pendant toute mon adolescence notamment, et ma vie de jeune femme, j'ai pensé que c'était moi la cause de sa colère, et j'ai pensé que je n'étais pas à la hauteur. Et donc, à 29 ans et demi, après des épisodes difficiles dans ma vie personnelle, je me suis retrouvée chez lui, on a parlé, et puis là, je lui ai demandé si lui-même n'était pas atteint par quelque chose, puisqu'il me semblait qu'il avait des comportements qui étaient particuliers, et il m'a expliqué qu'il était bipolaire de type 2, et que le diagnostic avait été posé récemment. Et en fait, ça m'a tellement soulagée, étonnamment, parce que je me suis dit, mais ce n'est pas de ma faute. Ce n'est pas vraiment de sa faute non plus. La seule responsabilité qu'il a, c'est de ne pas avoir choisi d'être traité. En revanche, personne n'est responsable de ces états intenses et surtout pas moi. Et donc, voilà, ça m'a fait du bien. Toi, est-ce que ton entourage, alors je n'ai pas l'impression que ta famille, ce soit le cas, mais peut-être ta compagne a pu comprendre certaines choses ?

  • Jean

    Déjà... Je reste quand même un personnage haut en couleur, je dirais, un peu original. Il n'y a pas que potentiellement la cyclotimie qui me caractérise, heureusement. Je suis quand même un personnage original, donc déjà, quand tu te mets en couple avec moi, c'est quand même que tu n'aimes pas les personnages qui sont trop normalisés. Tu ne sors pas avec Ken, qui est complètement droit dans ses bottes. Mais... Cela dit, il y a quand même eu des phases assez complexes. Je parlais de la phase où je m'étais transformé en Gainsborough. Une phase où concrètement, je sortais pour être ivre et fumer un max de cigarettes. Je rentrais, je continuais à boire, je buvais toute la journée. Tu aurais très peu de temps, mais je sais que ça a été dur pour elle. Et ça lui a permis de comprendre, par exemple, cet épisode-là. Moi, ça m'a permis de comprendre aussi, du coup, et de ne plus jamais recommencer. Et quand tu retrouves ta compagne en pleurs parce que tu l'envoies pêtre quand elle te demande d'aller dormir avec elle.

  • Giulietta

    En lien avec ce qu'on disait tout à l'heure sur la difficulté de diagnostic de la cyclothymie et une certaine errance médicale. Un des trucs que tu m'as dit, c'est qu'il existait peu de ressources sur lesquelles se reposer. Il y a un livre, alors tu en as amené deux parce que tu es bonne élève, tu es venue avec tes notes, et deux livres. Et il y a Goupiloufas, qui est une BD qui a été rédigée et conçue par une personne à elle-même atteinte de cyclotimie. C'est à la fois cool qu'il y ait cette ressource-là, et d'un côté, il n'y a qu'une BD qui existe sur le sujet, visiblement, et je pense que tu as dû chercher des ressources. Donc c'est un peu symptomatique du fait qu'on parle encore très peu de la cyclotimie.

  • Jean

    Bah, il y a des... Non, bah, alors, typiquement, il y a aussi ce bouquin-là, Dr. Elie Antouche... Les rêves dans tous les capes. Voilà. Ça, c'est vraiment une référence. En fait, Dr. Elie Antouche, c'est une des personnes dans le monde occidental, parce que de l'autre côté, je sais pas, mais dans le monde occidental, qui a été capable... de comprendre les tenants et les aboutissants de la cyclotimie. Mais un peu comme Freud quand il a fondé la psychologie moderne, il y a des trucs qui sont super intéressants, il y a des trucs peut-être qui aujourd'hui seraient un peu moins compris. Mais je... Enfin... C'est ce que j'ai publié, en tout cas, sur Internet. Moi, quand j'ai lu le bouquin, j'ai trouvé ça fascinant, extraordinaire. J'ai trouvé qu'il avait fait un travail incroyable. J'ai pas du tout ressenti ce truc-là, mais bon. En tout cas, c'est sûr qu'il a participé au Vraiment une Voix. Le truc, c'est que Dr Elie Antouche, on parle pas de Freud, hein. C'est-à-dire que moi, demain, j'appelle Dr Elie Antouche, je peux peut-être avoir une consultation, hein. C'est un monsieur qui est pas si vieux que ça, quoi. Et c'est ça qui est inquiétant. C'est qu'en fait, c'est récent. Alors, il y a d'autres bouquins. Mais il n'y en a pas non plus de 200. Puis c'est des bouquins. Tu vois, ça par exemple, ce que tu feuilletais, c'est un essai, en fait. Mais je veux dire, il y a des études. Non, pas des essais, là. Des études, des études, il n'y en a pas beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de livres. Aux États-Unis, il y en a un peu plus, mais il n'y en a pas tant que ça non plus. Et puis c'est pareil, tu vois. C'est-à-dire que... L'aschizophrénie, par exemple, quand tu veux chercher à la comprendre, il y a plein de trucs ultra vulgarisés, des vidéos ultra vulgarisées sur Internet, des machins, des... T'as de quoi comprendre, même sans forcément ouvrir des bouquins, tu vois. La cyclotimie, bah, peut t'accrocher, hein, parce qu'en fait, oui, tu peux suivre des trucs sur la bipolarité, comprendre la bipolarité, il y a plein de choses. Oui, mais la cyclotimie, en fait, c'est pas exactement de la bipolarité, c'est... c'est différent. c'est très différent de comment ça se manifeste dans ta vie en général comment tu peux vivre avec comment tu peux faire pour ne pas créer d'épisodes désagréables, comment tu fais pour avoir une hygiène de vie c'est pas exactement pareil que la bipolarité et tu vois typiquement tu parlais de Goupiloufas de Louloubi cette BD a été vraiment salutaire c'est à dire que je voyais une scie etc, mais je n'avais pas encore trouvé de truc, tu sais, déjà qui soit un peu fun, qui vulgarise un peu, qui ne soit pas un truc un peu compliqué, j'adore les bouquins, je lis, ce n'est pas le problème, mais... Si tu rentres dans un bouquin où c'est un peu compliqué, où il faut un peu t'accrocher, où c'est pas fun, c'est un peu austère, etc., eh bien, je veux dire, voilà. Là, t'as un truc qui est fun, où il y a des couleurs, où c'est chouette, où tu ris, en fait. Moi, je l'ai relu pour l'épisode, et j'ai ri plusieurs fois. Ma compagne aussi, accessoirement, puisqu'elle me reconnaissait dans les pages. Typiquement la bipolarité Comment il s'appelle ? Une chaîne Youtube qui s'appelle Psycho Quack C'est un psychiatre qui, je pense, à notre âge, peut-être un petit peu plus vieux, qui est vachement bon. Et il fait des épisodes qui sont sur la bipolarité, sur la dépression, mais en fait, le mec est à mourir de rire. Vraiment, il est un peu rock'n'roll en plus, et c'est hyper drôle. Il fait plein de blagues, il fait des schémas, et en fait, c'est des petits épisodes de 25 minutes. mais pourquoi ça ça n'existe pas sur la cyclotimie et moi j'ai vraiment ce truc de mais c'est pas possible en fait y'a rien qui existe quoi c'est comme si c'était une maladie qui n'existait pas avant les années 80-90 ça n'existait pas et puis là d'un coup ça commence à émerger et je trouve ça incompréhensible parce que c'est une forme de bipolarité y'a des gens qui souffrent je parlais d'errance médicale tout à l'heure et t'en parlais aussi mais moi ça m'a pris 10 ans peut-être 15 ans Je sais pas à partir de quand ça commence à faire effet, peut-être que ça fait très longtemps que ça fait effet, moi j'arrive pas trop à me souvenir, mais je sais qu'à partir d'un certain moment j'ai commencé vraiment à m'en baver. Donc je veux dire, c'est pas petit quoi, tu vois, un truc qui a failli m'emmener au suicide plusieurs fois, c'est pas une petite maladie, tu vois, comment ça se fait qu'on trouve pas, voilà.

  • Giulietta

    Si ça va, je vais poser la question que la personne que nous avons en commun nous a adressée. Et donc, la question de notre cher ami est la suivante. Rétrospectivement, Jean pense-t-il que la cyclotimie a eu des impacts dans ses choix en vie perso, pro, notamment sur ses relations amoureuses ?

  • Jean

    De toute façon, j'ai envie de dire que l'être humain est un être d'émotion. C'est 75% d'émotions et le reste de raisons. L'homo economicus est très loin, c'est un mensonge. Donc à partir de là, comme la cyclotimie est un trouble émotionnel, je dirais donc que oui, nécessairement, la cyclotimie a participé à formuler mes choix. Toutes les compagnes que j'ai eues, sans exception, enfin non, je ne veux pas dire compagne, je veux dire copine, voilà. En fait, c'était toujours des personnes très... l'opposé de ma famille, justement, très sensibles, très proches de l'art, avec une sensibilité émotionnelle très forte. C'était des actes généralement assez émotionnels, assez chauds, pas forcément dans la colère, mais... Voilà, c'est des personnes qui peuvent... qui sont très très empathiques, qui peuvent rapidement pleurer ou rire aux larmes, enfin, des personnes en général qui sont très ouvertes, très curieuses. Alors, je suis un peu tout ça, en fait, et donc, quelque part, je sors aussi avec des personnes... Peut-être qu'il me ressemble un peu, j'en sais rien. En même temps, tu connais un minimum ma compagne puisque tu as bossé avec elle. Elle est comme ça tout en étant très différente de moi. Je pense qu'en amour, c'est ce que je dirais. Ça l'a déterminé sur cet angle-là. Je pense que je n'aurais pas pu être avec quelqu'un de... Justement de... On retourne dans la normalité. Qu'est-ce que la normalité ? J'en sais rien. Quelqu'un de très conventionnel. Après, je me disais, qu'est-ce que c'est quelqu'un de conventionnel ? Mais quelqu'un qui est peut-être un peu fermé ou un peu brutal ou quelqu'un qui est très les études, le job, machin, qui est très conditionné, très cadré, très machin et tout, très droit. Je ne sais pas si j'aurais pu sortir avec. Et je pense que ça fait partie aussi de mon trouble, en l'occurrence, C'est que j'ai besoin de quelqu'un de pas forcément chaotique, tu vois, mais quelqu'un qui a les chakras très ouverts, qui n'est pas refermé sur lui, qui est vachement dans l'improvisation, vachement dans... Donc je pense que ça en a fait partie. Dans mes choix pros, alors déjà... On va dire les deux segments d'études principaux, parce que sinon ça prendrait trop longtemps. Il y a eu mes études en art à la Sorbonne, à Paris 3, et il y a eu mes études en design. Je pense que mes études dans les arts à Pareil 3, même si j'ai vachement aimé, à mon avis, c'était vraiment des études de raison, finalement. J'étais passionné. Et le design, finalement, c'était vraiment le... Vraiment le contraire, c'est-à-dire que j'ai trouvé un espèce d'équilibre dans le design qui est un peu ce qui se passe dans ma tête en permanence, c'est-à-dire à la fois écouter les émotions et en même temps être vachement dans la maîtrise pour pas que ça m'embarque de trop. Donc t'es vraiment à l'écoute de toi, t'es à l'écoute du monde, t'es à l'écoute des autres. C'est très créatif, que ce soit intellectuellement ou que ce soit vraiment de... T'as ton crayon et puis tu commences à griffonner. T'es tout le temps à la rencontre des gens, etc. C'est un peu l'histoire de ma vie, au fond. Et c'est un peu du coup ce qui m'allait le mieux aussi dans ma personnalité et dans la cyclotimie. Parce qu'au fond, c'est un exercice mental qui se fait tous les jours. L'art... Le fait de créer exactement, ça te permet d'expurger des émotions, ça te permet de mettre sur papier des émotions que tu ressens inconsciemment, qui sont en train de te travailler intérieurement, mais tu ne le sais pas. Mais par contre, quand tu vas les mettre sur le papier, c'est là que tu vas les voir. et en plus un effet psychothérapeutique nécessairement puisque du coup tout ce que j'ai pu apprendre dans mon errance médicale finalement bah maintenant je m'en sers aussi pour comprendre les gens est-ce qu'il y a eu des moments où t'as eu le sentiment que t'as si que le type,

  • Giulietta

    parce que là t'as décrit quelque chose de relativement apaisé ou que ça a exalté des choses dont tu as réussi à faire une force Mais je présume que ça, c'est seulement depuis que tu as eu le diagnostic et que tu as compris les ressorts de ta pathologie. Est-ce qu'il y a eu des moments où tu as eu le sentiment que ta maladie a pris le pouvoir sur toi et que tu as fait des choses que tu as regrettées par la suite ?

  • Jean

    Oui. Il y a deux choses. Des expériences en particulier ? Il y en a plein d'autres, probablement. Comme tout être, on regrette des choses dont on ne se souvient plus. Mais il y a deux expériences en particulier. Il y en a une, ce n'est pas vraiment un regret, mais je sais que ça a pris le contrôle. Justement, quand j'étais en train de partir dans le design, Dans ma deuxième alternance, c'est une petite agence tout à fait sympathique, des gens très sympas, hyper pros, etc., qui m'ont beaucoup appris. Mais voilà, mais en fait, j'ai un de mes meilleurs amis de l'époque. On avait fait les 400 coups ensemble, on avait voyagé, on se voyait tout le temps, on avait beaucoup habité ensemble. Enfin bon, bref, on avait vécu des grandes expériences ensemble. En fait, cet ami... Il nous a dit, un mec brillant, il nous a dit, parce que c'était nous, on était trois copains, il nous a dit à l'époque que ça n'allait pas très bien, qu'il sentait qu'il était en train de faire un burn-out encore. Il est parti en vacances avec son cousin, il a pris des champignons là-bas, et il n'est jamais revenu. Il a décompensé avec les champignons. C'est... Enfin, voilà. m'a balancé les pires horreurs possibles alors que c'est une personne très importante dans ma vie ça m'a littéralement détruit j'en ai pleuré non plus que vous voir c'était très dur et là je sais que la cyclotimie a pris le pas là je me suis fait dévorer pendant un an où là j'arrivais plus à ressortir J'arrivais plus à remonter. Je ne savais pas ce que c'était à l'époque, mais j'arrivais plus à... Ouais, j'arrivais plus à revenir dans la réalité, donc j'étais tout le temps, tout le temps, tout le temps en enfer. Et j'étais tout le temps en enfer, alors... Ça va m'amener à un sujet dont je vais parler après, mais j'osais un poker face, pour que personne ne s'en rende compte, mais en fait, j'étais en enfer permanent, avec des phases, du coup, où je m'en sortais, puisque phase d'euphorie, mais qui me renvoyait de l'autre côté. Et là, ouais. Là, j'étais tout le temps entre dépression et... Enfin... L'échelle, la dépression légère et puis dépression sévère, avec des pensées noires, etc. Là, ça a été très dur et j'ai complètement foiré mon alternance.

  • Giulietta

    Et du coup, pour donner moi mon regard en tant que personne qui commençait à te connaître à ce moment-là, moi, je n'avais rien remarqué. Et pour comparer avec des personnes qui sont en dépression, généralement, ça se remarque. Il y a des difficultés à faire face, à sortir, à sociabiliser, tout ça. Et donc je présume qu'une des perversions de la cyclotimie, et peut-être aussi une des ressources que tu as, c'est que tu alternes entre deux sentiments, et même si ton mood général était plutôt dépressif, tu as eu des moments de sociabilité et des moments euphoriques. Ou en fait, tu donnais carrément le champ, j'y reviens rien.

  • Jean

    En fait, tu sais... Je vais parler de Jim Carrey.

  • Giulietta

    Ah bah, vas-y.

  • Jean

    C'est ça, hein. Dites-en. Jim Carrey, il a eu le plus ou le moins arrêté sa carrière en général. Il fait surtout de la peinture et donne des interviews. Il n'a pas le mal parlé de dépression, notamment. Et il a parlé d'un sujet, en l'occurrence, dont je voulais parler, donc ça tombe très bien. Il s'appelle le faux self. Le faux self, en gros, c'est... Tu vois la comédie à l'arté avec les deux masques. Ben voilà. En gros, t'as le masque souriant. En fait, ce masque souriant, c'est un faux self. C'est un masque. Parce que derrière, par contre, c'est pas un masque qui boude. Enfin, derrière, il n'y a pas de masque. C'est vraiment toi, quoi. Donc, en fait, finalement, tu te mets un masque. pour qu'en société, tu sois acceptable. Et en fait, même le but ultime, c'est un peu de cacher ce que tu ressens réellement. Parfois, c'est même un peu inconscient. Et moi, j'ai tellement, tellement été habitué à porter un masque, finalement, être dans un fauteuil, avec une personne toujours très joyeuse, très... à faire des gros bruits, des grands gestes, etc. que finalement, ça ne se voyait pas. Et même moi, ça me rassura à l'époque. de me voir comme ça avec les autres parce que ça me prouvait que j'étais pas encore tombé, que j'étais encore là en fait ça allait très très mal ça allait extrêmement mal et quand il s'agissait de bosser par exemple, c'était pas possible c'était vraiment pas possible rétrospectivement ce que j'aurais dû faire c'est me mettre 6 mois en arrêt maladie et aller dans un institut de repos ou un truc comme ça pour être coupé du monde et rebranché avec la réalité parce que j'étais en enfer

  • Giulietta

    C'est une difficulté liée à la psychiatrie, c'est que, autant sur un symptôme physique, quand on te dit on va te mettre en arrêt maladie, il faut que tu ailles à l'hôpital, il faut que tu te poses, attention, fais gaffe et tout, ben tu le fais. Autant expliquer aux gens que t'es en dépression, que t'arrives pas à faire face et que c'est compliqué, et le fait d'aller te faire hospitaliser en lien avec ta santé psy, ben là ça devient tout de suite beaucoup plus compliqué.

  • Jean

    De toute façon, sans même parler de cyclotimie, il suffit, et t'as dû le voir toi-même, peut-être ou pas, en tout cas moi je l'ai vu à plusieurs reprises, il suffit de voir quand quelqu'un est atteint de dépression nerveuse. Sans forcément être au bout, au ras du suicide, mais juste quelqu'un qui est atteint de dépression nerveuse. Il ne peut plus se réveiller... Le matin, il ne fiche plus grand-chose, il joue aux jeux vidéo, etc. En fait, il ne va pas bien, le monsieur-là. Il ne va pas bien du tout, en fait. Plutôt que de lui mettre des... Comme si mettre un coup de pied en fesse à quelqu'un qui ne va pas bien, ça va forcément l'aider. C'est sûr. C'est vrai que j'aurais dû y penser, j'aurais dû mettre un coup de pied en fesse, puis aujourd'hui, je serais plus... Moi, je n'ai pas été dans ce cadre-là, parce que faux self. Mais... Quand je vais trop mal, je m'en vais. Et je pars d'endroits, je me débrouille. Mais je pars d'endroits où je pars du job, où je ne sais pas, où je crée une nouvelle forme de vie. Parce que c'est de la cyclotimie, donc je sais que c'est mécanique. Et même avant, quelque part, je savais un peu inconsciemment que c'était mécanique, parce que ça finit par passer quand même. Ce que je voulais dire de base, c'est ça. C'est qu'on a un peu digressé. C'est que la dépression nerveuse, qui est pourtant un truc simple, théoriquement, pardon les faits, mais théoriquement, que tout le monde comprend, que tout le monde connaît, qui est accepté par la société, tu vois encore aujourd'hui pourtant que quelqu'un qui est en dépression nerveuse ou qui ne se dit pas en dépression nerveuse, mais qui a les symptômes d'une dépression nerveuse, va être vu comme quelqu'un qui se laisse aller. pas son entourage. Ça pose quand même deux, trois questions. Alors que la cyclotimie, qui est un truc qui n'est pas connu, qui est très mal compris même par les psychiatres en France, oui, en fait, tu comprends pourquoi il y a des gros problèmes. Tu comprends pourquoi les gens ne se sont pas pris au sérieux. Tu comprends pourquoi il y a des gens qui sont atteints de cyclotimie et qui vont en fait, de base, peut-être ne pas avoir de trauma, mais qui vont en avoir parce qu'ils vivent avec un truc qui leur bousille la santé.

  • Giulietta

    et qui ne sont pas reconnus en tant que tels ou qui sont vus comme des gens qui exagèrent leurs symptômes je crois que t'en parlais tout à l'heure moi j'ai plus trop de questions est-ce qu'il y a des points que tu souhaites aborder parce que tu es venu avec plusieurs pages de notes oui alors le truc je regarde rapidement mais le truc c'est que je prends ton temps parce que j'ai pas envie que tu partes

  • Jean

    en te disant que tu n'as pas dit quelque chose ouais tu as bien raison non c'est bon j'ai tout dit c'est formidable il y a un dernier truc que j'aimerais rajouter mais je sais pas si t'avais prévu je crois pas c'est justement comment bien vivre avec ta cyclotimie et

  • Giulietta

    bah vas-y Les recettes de Jean.

  • Jean

    Les recettes de Jeannot. Alors, comment vient vivre sa cyclotimie ? Je ne sais pas. Il y a quelques livres en France qui sont intéressants. Il y a des études en France et des études aux Etats-Unis qui sont intéressantes. Il faut fouiller. C'est pénible, mais il y a des trucs qui sont intéressants. Ça, c'est le premier point. Il faut les lire. C'est vraiment important. Ça peut parfois être carrément hermétique, mais il faut se lancer parce que... ça permet de mieux comprendre déjà ce qu'on ressent, ça permet de mieux comprendre ce qu'on a, et ça permet justement de mieux, derrière, créer et adapter des mécanismes pour davantage prendre en charge sa cyclotimie. Et quand bien même on a trouvé un psychothérapeute qui comprend la cyclotimie et qui vous aide en tant que patient, ça ne suffit pas, il faut quand même un peu se prendre en charge par soi-même aussi. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, et ça, c'est vraiment des basiques, mais on parle d'avoir une hygiène de vie pour quelqu'un qui n'est pas forcément atteint de troubles émotionnels. Ça l'aidera à aller loin. Oui, en fait, les cycles thymiques, c'est qu'en fait, si tu es cycle thymique, tu ne peux pas faire ta vie sans avoir un minimum d'hygiène de vie. Parce qu'en fait, plus tu as une bonne hygiène de vie, plus tu pourras éviter d'avoir des yo-yos émotionnels. Et surtout, moins tu auras des yo-yos émotionnels, moins tu auras des yo-yos émotionnels. Inversement, plus tu auras des yo-yos émotionnels, plus tes yo-yos émotionnels seront forts, ils iront loin, et donc plus ils deviendront forts. En fait, là pour le coup, c'est un peu cyclique, c'est plus c'est fort, plus c'est fort, moins c'est fort, moins c'est fort. Je ne suis pas une bonne personne pour dire ça, du fait que je suis un très bon vivant, mais l'hygiène de vie, ça ne paraît pas comme ça, ça paraît être un argument bête, mais en fait c'est hyper important pour la cyclotimie d'avoir une bonne hygiène de vie. C'est vrai pour tout le monde, ce n'est pas particulièrement vrai avec les cyclotimies. Entourez-vous de gens qui vous comprennent et qui vous comprennent vraiment. Fuyez absolument les gens qui ne vous comprennent pas, qui sont toxiques, Parce qu'en fait, c'est vrai pour une personne qui n'est pas atteinte de cyclotimie, mais dans votre cas, ça va vous entraîner encore pire dans vos tourments, dans un sens ou dans l'autre. La personne d'un coup est super sympa, très bien, ça vous envoie dans une phase hypomaniaque. La personne vous rejette ou a un comportement toxique, ça vous envoie en enfer. Et de toute façon, si vous allez dans une phase hypomaniaque, ça vous enverra aussi en enfer, quoi qu'il se passe. Et plus vous montez, plus vous descendez. Voilà, c'est vraiment des basiques. Et surtout, soyez créatifs. Faites des choses créatives. Utilisez vos mains. Ça vous fera le plus grand bien et ça vous donnera beaucoup de confiance en vous. Pour reprendre sur un dernier exemple que j'avais zappé et qui pourtant est vital, c'est Dr Elie Antouche, pour le coup, qui en parle dans son bouquin que je fais et qui est... rébarbatif, pénible et même disons-le carrément chiant au début comme exercice mais qui devient après hyper intéressant c'est le fait que chaque jour, dans un petit carnet sans aller jusqu'au point où il dit avec un tableau machin et tout mais juste décrire comment cette journée on s'est senti émotionnellement quel comportement problématique on a eu qui pouvait être symptomatique d'un souci émotionnel, dans un sens comme dans l'autre, et si oui, pourquoi, qu'est-ce qu'il a généré ? L'idée, c'est que derrière, ça peut permettre de voir quand on est en train de partir dans une série de comportements hypomaniaques ou inversement, dans une série de comportements dépressifs. Si la cyclotimie, c'est yo-yo, il y a quand même des tendances et il y a aussi un peu des vagues aussi, malgré tout. C'est là où c'est un peu pervers aussi, c'est que je peux être plus ou moins en dépression en continu pendant une phase, pendant un mois, deux mois, six mois, tout en ayant des comportements complètement hypomaniaques. Voilà, donc il faut se méfier de tout ça. Et donc ça, c'est un bon moyen d'avoir un... Il n'y en a plus. D'avoir un... a un bon contrôle sur son état émotionnel. Et ça permet notamment de se dire Ouh là là, je bois trop en ce moment, c'est pas bien ou Oh là là, je fais rien en ce moment, je reste sous le chemin Bon bref, voilà, c'est vraiment important. C'est bon, je crois ?

  • Giulietta

    Ouais, c'est bon. Est-ce que t'as un mot de la fin ?

  • Jean

    Sortez couverts ? Non, ça marche pas, ça.

  • Giulietta

    Vraiment, je m'attendais à mieux venant de ta part.

  • Jean

    Non. Est-ce que j'ai un mot de la fin ? Je réfléchis. Je dirais deux choses, ouais, je pense, qui m'ont vraiment aidé dans ma vie, mais qui m'ont aidé aussi avec la cyclotimie. La première chose, c'est l'autocritique. Et in fine la critique. Faut être capable de toujours remettre les choses en question. Même les médecins. J'ai une médecin qui m'a dit un bon patient, c'est un patient critique. C'est un patient qui, s'il n'est pas tout à fait OK sur le diagnostic, même s'il n'est pas médecin, ça n'empêche pas d'être critique, il faut aller voir un autre praticien. Et le meilleur moyen d'être diagnostiqué, c'est clotimique. c'est de voir plusieurs personnes. Et typiquement, Loubi en parle dans sa BD. Moi, je l'ai vécu. J'ai eu de l'errance médicale aussi. Ça a été terrible. C'est un trauma, d'ailleurs. Je peux le dire. C'est un trauma. Je sais qu'il y a des gens qui prendront encore plus de temps que moi. Moi, ça m'a pris quand même 15 ans à la fin. Donc c'est ce que je dirais. Soyez critique envers vous-même. Ça vous aidera à voir l'éléphant arriver et ça vous aidera à résister aussi quand vous êtes en pleine tempête émotionnelle. mais ça vous aidera aussi à résister à quand vos proches sont un peu toxiques avec vous concernant la cyclotimie ou concernant vos troubles émotionnels, vous avez une dépression passagère ou quoi. En fait, ce n'est pas un petit truc, ce n'est pas pour blaguer. Soyez critique envers leur discours et soyez critique envers le médecin si le médecin, vous avez l'impression qu'il dit qu'il est à côté de la plaque ou qu'il ne connaît pas le sujet ou qu'il est un peu dans la facilité. Bah, changez de médecin, allez-vous en voir un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis au bout d'un moment, ça ira.

  • Giulietta

    Vous avez deux conseils, ça c'est le premier.

  • Jean

    Non, le deuxième conseil, c'est les amis. C'est vrai pour tout le monde, mais... et je pense à notre ami notamment, qui a posé la question, qui se reconnaîtra probablement, mais... les amis, c'est quand même un truc hyper important. C'est vrai en général, mais dans le cadre de la cyclotimie, c'est particulièrement important. Quand vous avez des vrais bons amis qui vous connaissent, c'est eux qui seront capables de vous ramener à bon port. Que vous soyez un peu dans l'hypomanie et que vous commencez à avoir des comportements qui ne sont pas bons pour vous. Typiquement, les amis sont là un peu comme la... C'est un peu la tour de guêpe de la cyclotimie. Ils sont capables de vous voir partir dans un sens comme dans l'autre et de vous ramener. Donc c'est important de les trouver, et typiquement notre ami commun, sans s'en rendre compte malgré lui, par ses simples comportements naturels, par sa simple présence, plusieurs fois il m'a ramené à bon port. Juste parce que c'est quelqu'un de solide, juste parce que c'est quelqu'un de merveilleux finalement. Et plusieurs fois il m'a ramené à bon port, et il y en a d'autres et ils n'ont pas forcément besoin de vous dire les choses juste le fait qu'ils soient là ça vous aidera à vous corriger et à éviter d'aller dans des situations où vous allez vous faire mal un immense merci à Jean d'avoir partagé son récit et son regard sur le monde j'ai été très touchée au montage de cet épisode de me rendre compte de tout ce que Jean avait partagé les moments compliqués comme les périodes de joie le tout sans faux semblants et avec une sincérité désarmante j'espère sincèrement que cet épisode vous sera utile, que vous soyez à l'atteinte de Cyclotini ou non on parle encore malheureusement trop peu des troubles de l'humeur et de la dépression alors que ce sont des pathologies qui ont un impact important sur la vie de celles et ceux qui vivent avec l'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins imaginé et enregistré à Paris lancé entre Marseille et Naples diffusé avec amour si ce format vous plaît et que vous souhaitez me soutenir n'hésitez pas à noter l'anomalie sur votre plateforme d'écoute de podcast préférée, cela m'aidera beaucoup en attendant les prochains contenus, prenez soin de vous

Description

Peut-on bien vivre avec un trouble de l'humeur ?


C'est à cette question que répond Jean dans ce nouvel épisode de lanomalie. Jean est atteint de cyclothymie depuis plusieurs années mais le diagnostic n'a été posé que récemment, comme pour de nombreuses personnes atteintes par ce trouble.


Jean compare la cyclothymie à une navigation par un temps de tempête, alternant sans cesse entre des phases dépressives et des phases euphoriques. Si Jean vit aujourd'hui très bien avec cette pathologie, cela n'a pas toujours été le cas. Il évoque dans l'épisode son temps d'errance médicale ainsi que les idées noires qui l'accompagnaient.


La cyclothymie, qu'est-ce que c'est ?

Il s'agit d'un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Comme pour une bipolarité, la personne atteinte oscille entre des moments d'euphorie, qu'on qualifie de "maniaques" et des phases de dépression. La particularité de la cyclothymie est que ces variations sont particulièrement reserrées dans temps : dans la même journée, Jean peut passer d'une phase à l'autre. Le début de l'épisode pose les bases théoriques qui permettent de comprendre en détail ce trouble de l'humeur.

La cyclothymie concerne environ 1% de la population française mais demeure un trouble psychiatrique encore peu connu, autant par le grand public que par les médecins. La conséquence directe est un temps de diagnostic extrêmement long (environ une dizaine d'années).


Nous évoquons dans cet épisode :

  • Les meilleures astuces de Jean pour bien vivre avec cette pathologie

  • Le rapport délicat que cette maladie induit dans le rapport à l'entourage et au travail

  • La relation que Jean entretient avec la psychiatre qui le suit ainsi que l'impact de son traitement sur sa vie quotidienne

  • Les conséquences de la cyclothymie et des épisodes dépressifs que Jean a connus


⚠️ Assurez-vous d'écouter l'épisode à un moment où c'est ok pour vous. Nous parlons d'idées suicidaires et de violences intrafamiliales dans cet épisode.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Jean

    Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué. Tu vas mal, tu ne sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien. Donc tu culpabilises parce que tu ne comprends pas pourquoi tu as été aussi loin alors qu'en soi, il n'y a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable.

  • Giulietta

    Et si on parlait plus ouvertement de la maladie ? Dans l'imaginaire commun, quand la santé va, tout va. Partout on valorise un corps et une psyché qui vont bien, qui tiennent la route et dont on souhaite sans cesse repousser les limites. Dès lors, quelle est notre place quand on connaît ponctuellement ou plus durablement la présence de la maladie dans notre vie ? Je suis partie à la rencontre des personnes qui, tout comme moi, vivent en compagnie d'une maladie, car à mon sens, poser des mots sur un sujet encore tabou, ça fait du bien. Pour ce nouvel épisode, je vous propose de rencontrer Jean, un ami à moi atteint de cyclothymie. La cyclothymie, c'est un trouble de l'humeur faisant partie de la famille des troubles bipolaires. Tout comme pour une bipolarité, il y a des fluctuations entre des périodes de dépression et des périodes euphoriques qualifiées de "maniaques". La particularité de la cyclothymie, c'est que ces changements de phase s'opèrent de manière brusque. Jean en parle très bien dans l'épisode : dans la même journée, il peut connaître des moments de joie intense, puis se trouver cloué au fond de son lit, ou bien très anxieux. Cet épisode est particulier à plusieurs égards. Tout d'abord, c'est le premier qui traite de santé mentale. Je voulais m'en tenir au corps, au départ pour ce podcast, mais le récit de Jean m'a profondément touchée, ainsi que sa volonté de sensibiliser sur un trouble encore peu connu en France. Il se peut également que vous remarquiez un ton guilleret dans cet épisode, qui contraste avec les sujets évoqués. Nous avons enregistré autour d'une bonne bouteille de vin, pour nous donner du courage. L'ensemble me semble être tendre et plutôt clair, malgré une certaine ébriété. Avant de vous laisser avec cet épisode, petit trigger warning. Les sujets évoqués sont compliqués : Jean évoque notamment des envies suicidaires. Assurez-vous d'écouter l'épisode dans de bonnes conditions, ou bien différez son écoute si vous sentez que ce n'est pas le moment. Sur ce, je vous souhaite une très bonne écoute. Je vais commencer par une question métaphysique, comment est-ce que tu te sens aujourd'hui Jean ?

  • Jean

    Comment je me sens ? Bah ça va, ça va ... Ça va. D'ailleurs, c'est une bonne introduction, le "comment ça va ?", parce que justement... on devait faire l'épisode d'hier. Et hier, j'étais dans une phase un peu dépressive. Donc voilà. Et aujourd'hui, ça va très bien. Même, je dirais, c'est un tout petit peu de l'autre côté. C'est le principe même de la cyclothymie d'un jour à l'autre, voire d'une minute à l'autre parfois : ça va et puis ça ne va plus.

  • Giulietta

    Oui, effectivement. Hier, tu m'as envoyé un SMS pour me dire "est-ce qu'on peut décaler ? Je ne me sens pas très bien". Du coup, je n'ai pas compris ton SMS. J'étais là, genre on a rendez-vous ce soir. Et après, j'ai relu. Je me suis dit "ah ouais, non, en fait", tu me proposais de décaler parce que ça n'allait pas.

  • Jean

    Oui.

  • Giulietta

    Donc pas de soucis, est-ce que tu te sens de décrire ce que c'est des moments où tu te sens moins bien ?

  • Jean

    Alors, en fait c'est un peu complexe à expliquer. Bah le, typiquement, le bouquin de... Le bouquin qui s'appelle Goupil ou face de Lou Lubie, il y a une page, au bout d'un moment, où elle décrit ses états émotionnels avec des petits dessins. Des visages, son portrait, en gros, où ça va, c'est super, et puis d'un coup ça va pas. Mais c'est pas le ça va pas, c'est... Je me sens déstructuré, je me sens angoissé, stressé, je me sens super excité, je me sens... Et en fait, c'est un peu ça, ce qui a créé, ce que moi j'appelle des down, mais ce qui va plonger dans la phase dépressive, peut créer des manifestations émotionnelles différentes. Par exemple, hier, j'étais hyper anxieux. T'as des fois, je vais pas être anxieux. T'as des fois, je vais juste être complètement abattu. Même parfois, avec des pensées suicidaires, par exemple. Le travail... au fur et à mesure des années fait que je sais que c'est comme ... Je me vois toujours comme ça en général quand je pars de l'autre côté, c'est... c'est un peu comme un marin qui va pêcher, qui est dans un bateau un petit bateau en pleine tempête. La cyclothymie, c'est un peu ça quoi. La mer peut être très calme puis d'un coup partir dans une tempête terrible et ok je suis un marin, j'ai l'habitude de naviguer sur des mers en pleine tempête, je sais que ça va passer, et c'est exactement ça.

  • Giulietta

    T'as abordé bien évidemment plein de sujets sur lesquels j'ai envie de développer, mais les auditeurs et auditrices ne te connaissent pas. Est-ce que tu peux donner deux, trois éléments pour te présenter de la façon dont tu le souhaites, histoire de poser les bases de l'échange et qu'on sache un peu qui tu es ?

  • Jean

    Très bien, je m'appelle Jean, j'ai 33 ans, je suis designer dans une agence parisienne. Qu'est-ce que je peux dire ? J'aime plein de choses, je crois. Je suis très... J'aime plein de choses, je suis très émerveillé par la vie en général, ce qui est d'ailleurs un des mérites de la cyclothymie. Je suis toujours émerveillé comme un gamin par tout ce qui peut m'entourer. Je sais pas ce que je peux te dire... Ouais, je sais pas ce que je peux te dire...

  • Giulietta

    Et est-ce que tu peux parler de la raison pour laquelle tu es là aujourd'hui ? Du coup, il y a ta cyclothymie et il y a ton TDAH, je ne sais pas si tu veux en parler ou pas.

  • Jean

    Ouais, ouais, ouais, carrément. Alors, pourquoi ? Justement, pourquoi je voulais t'aider sur ce podcast. Parce qu'en l'occurrence, aujourd'hui, en France, la cyclothymie, c'est quelque chose qui est encore peu compris, peu connu. Il y a peu de littérature en France. Pour les auditeurs, quand je parle de littérature... Je parle de littérature scientifique, d'études. Il y a peu de littérature en France, et en général, même dans le monde, il n'y en a pas tant que ça. Il y en a plus aux États-Unis notamment, mais bon. En France, en tout cas, c'est une maladie qui est... C'est le terme, c'est une maladie. C'est une maladie qui est encore très méconnue, qui est peu comprise par les psychiatres, et par les psychologues en général. Ça s'explique de différentes façons, mais on va voir au fur et à mesure du podcast, je pense que je vais en parler. En tout cas, voilà. Cette errance que j'ai vécue pendant de très longues années, car on peut vraiment parler d'errance médicale, c'est très compliqué, Tu vas mal, tu sais pas ce qui se passe, mais tu vas mal, tu vas parfois très mal et puis parfois très bien, donc tu culpabilises parce que tu comprends pas pourquoi t'as été aussi loin alors qu'en soi y'a rien dans ta vie qui fait que tu pouvais aller si mal. Ce truc-là, cette période-là, ça a été effroyable, ça m'a conduit à des situations où... J'aurais pu partir, définitivement. J'ai la force de ne pas le faire, mais je... Mais voilà. Et donc, quelque part, de participer à ce podcast sur cette maladie, c'est, quelque part, espérer que quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il a, mais qui l'écoute, et qui puisse se dire "Ah mais, ça correspond à ce que j'ai, en fait". Eh bien, peut-être que ça va l'aider à sortir de son errance médicale. Peut-être que ça va aussi permettre de sensibiliser... d'autres personnes finalement à cette problématique comme tes autres épisodes ont finalement sensibilisé à certains sujets. Effectivement, c'est pour ça que je suis là. C'est vraiment pour aider et éclairer, même une seule personne. C'est déjà génial. Si je peux la sortir de son enfer, je suis très content.

  • Giulietta

    Effectivement, en me documentant un petit peu, je me suis rendue compte que la cyclothymie, visiblement, ça touchait 3 à 6% de la population, donc c'est loin d'être un petit sujet, et que le temps de diagnostic était estimé actuellement à... 10 ans ! Donc, dans le cadre d'un trouble psy, c'est extrêmement long parce que comme tu l'as décrit, il y a des moments qui sont extrêmement difficiles à vivre, on ne sait pas ce qui nous arrive. Et le fait de ne pas avoir une réponse, enfin une prise en charge adaptée, je présume que ça doit mener à une certaine détresse. Est-ce que tu peux expliquer ce que c'est que la cyclothymie avec tes mots ?

  • Jean

    Déjà, revenons aux bases, analysons deux secondes le terme, juste deux secondes. Cyclothymie, il y a le terme "cycle" donc finalement s'il y a le terme cycle on peut aller jusqu'à cyclique. En fait la cyclothymie, normalement, c'est cyclique un peu comme la bipolarité, je vais venir. Ça devrait être cyclique mais en fait la cyclothymie, c'est pas exactement ça, c'est un peu plus compliqué. Là, je vais prendre la bipolarité. La bipolarité qu'elle soit de type 1 ou de type 2. Type 1 , c'est la bipolarité qu'on voit dans les films. C'est concrètement une personne qui ne peut pas vivre en société. Ce n'est pas possible. C'est trop compliqué. Type 2, avec un bon traitement, une bonne prise en charge psychothérapeutique, ça peut aller. Ça peut se faire. Potentiellement. Mais bon, je dis tout ça avec des pincettes. Attention. Mais il y a quelque chose qui fait qu'ils se ressemblent bien. C'est que... En fait, leurs phases émotionnelles sont effectivement cycliques. Elles peuvent se déclencher, par exemple, une personne va très bien, et puis pendant un an, deux ans, elle a un accident de voiture, et d'un coup, en fait, c'est cyclique. C'est-à-dire que sa phase émotionnelle, qu'elle soit dépressive ou maniaque, il faudra qu'on l'explique d'ailleurs, va se déclencher. Ça va rester un mois, deux mois, six mois, deux ans, quatre ans. Et puis ça va redescendre, mais ça reviendra. C'est cyclique. Dans le cadre de la cyclothymie, c'est un peu plus compliqué parce que la cyclothymie, en l'occurrence, c'est assez cyclique, mais c'est beaucoup plus sensible que la bipolarité. Je vais citer un exemple. Une fois, j'avais fait un super projet en design, j'avais cartonné, j'étais hyper fier de moi. Le client était hyper content, mais le client a dit "Par contre, Jean quand il s'exprime, il est un peu trop cool, un peu trop... parfois il oublie un tout petit peu qu'on est ses clients et il parle un peu comme s'il nous connaissait un peu trop bien". Et ça m'a dévasté. J'étais au fond de mon lit, je ne pouvais plus bouger alors que j'étais voilà j'étais en plein jours de travail, j'étais dans mon lit je pouvais plus bouger. Et j'étais parti là, je savais que jusqu'au soir c'était terminé. Une de mes anciennes voisines m'appelle, et je l'aime bien. J'ai vu son appel, j'ai décroché : "Ça va, machin, etc.." L'appel s'est fini, je me suis levé, je suis retourné travailler, j'étais guilleret, j'étais super content. Même un peu euphorique. Comment ça se fait que tu passes d'une phase où t'es en dépression nerveuse lourde, tu peux plus manger, t'es lent, ton ego est en berne, etc. à une phase où t'es limite euphorique, t'es content de toi, t'es fier de toi, tout va bien, il y a des oiseaux dehors, ça chante. En fait, c'est là où c'est compliqué l'histoire de cycliques, c'est-à-dire que, oui, il y a une forme de cycle, mais en fait, la cyclothymie, réellement, c'est vraiment des allers-retours, en continu, et pour X ou X raisons, ça peut partir dans un sens ou dans un autre, et ça ne s'arrête jamais.

  • Giulietta

    Du coup, là, on a bien expliqué ce que c'était la dimension cyclique de la cyclothymie. Tu as parlé d'épisodes plutôt maniaques et d'épisodes dépressifs ?

  • Jean

    Là, on peut rentrer dans le détail de façon un peu plus théorique. Dans l'idée, en gros... On peut se représenter comme une forme d'échelle. Une échelle. Où une personne, toi, par exemple. Quand tu vas vivre ta vie, tiens, il y a un verre avec les copains. De l'autre côté, tiens, j'ai appris une mauvaise nouvelle "zut, j'ai des impôts à payer". En fait, tu vas être à travers cette échelle. Cette échelle, en gros, pour qu'on s'illustre bien, il y a cinq étages. L'étage au milieu, c'est celui dans lequel vont rester les gens, en général. On pourrait dire presque, sinon, que c'est le rez-de-chaussée, en gros. Et le cerveau des gens, normalement... Il va un petit peu descendre selon ce qu'il apprend. Donc là, c'est, on va dire, le sous-sol et le sous-sous-sol. C'est deux étages de dépression. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Je ne sais pas comment on appelle ça, parce qu'il y a différents termes. On pourrait appeler ça la dépression légère, l'étage de dépression légère. En fait, ce n'est pas du tout léger. Ça ne va pas, ça ne va pas du tout. C'est une hypodépression, quelque part. Ça n'a pas du tout, les effets sont bien là. Et puis, il y a l'étage en dessous. Donc là, c'est la dépression sévère, extrême. Là, on parle plus d'idées noires. On parle plus d'envie de se suicider. Il y a des pensées qui sont là et qui ne sont pas sympas du tout. Il y a une extrême dévalorisation de soi-même. Et puis, tu ne peux plus te sortir de ton lit. Enfin, là, c'est terminé. Tu passes de l'autre côté. Donc, je retourne au rez de chaussée et je remonte au dessus. Là, ce sont les étages de... Je n'aime pas le terme, mais "maniaques". C'est les étages de manie. Donc là, il y a deux étages. Il y a hypomaniaque et maniaque. En gros, cet étage-là, il est un peu chiant. Parce que la phase dépressive, on comprend, tu vois. Tu es fatigué, tu n'as plus d'énergie, dévalorisation de toi-même, idées noires potentiellement, plus de volonté. Enfin, voilà. Finalement tout le monde a un petit bagage sur la dépression nerveuse. On imagine les coups de blues et tout. On imagine un peu ce que c'est. Les étages maniaques, ils sont plus compliqués. Parce que c'est à la fois de l'euphorie, moi souvent c'est de l'euphorie. D'ailleurs là, je suis un peu euphorique. C'est de l'euphorie, ça peut être des comportements complètement, complètement, comment dire, excessifs. C'est-à-dire, je vais quitter ma nana, je vais acheter deux bagnoles, Je vais me raser les cheveux. Voilà, ça peut être n'importe quoi. Ça peut être... Attention, là, ça ne va pas être cool. ça va être ma mère par exemple parce que c'est génétique Ma mère, par exemple, quand elle avait des phases maniaques, moi, mon frère et ma soeur, en fait, elle nous battait pendant des heures jusqu'au moment où ça allait redescendre. Et après, inversement, du coup, elle descendait plus bas parce que c'est une des perversités de la cyclothymie. Mais c'est vrai pour la bipolarité aussi, remarque. C'est plus tu montes haut, plus tu vas descendre bas. Donc voilà, les étages, l'échelle. Des phases maniaques, c'est extrêmement compliqué parce que c'est à la fois de l'extrême violence, à la fois des comportements excessifs, à la fois des choses super joyeuses, comme de l'euphorie. C'est assez compliqué. Pour reprendre, quelqu'un de normal, comme toi par exemple, il va être concrètement toujours au milieu. Son cerveau va faire ce qu'il faut pour balancer telle ou telle molécule pour que ça aille bien, pour le faire remonter ou redescendre, à peu près. Ça n'empêche pas que tu peux, un petit peu, même aller parfois un petit peu loin, dans un sens ou dans l'autre. Ça va être très vite régulé. Donc je ne suis pas en train de dire que quelqu'un qui n'est pas atteint de cyclothymie ne peut pas avoir un coup de blues, c'est pas ce que je dis. Le problème du cyclothymie, c'est que par contre, c'est un trouble émotionnel où c'est complètement mal géré, où le cerveau concrètement n'a jamais un coup d'avance, il a toujours un coup de retard, et en plus d'avoir un coup de retard, il a toujours des carences d'un point de vue moléculaire, donc il n'arrive jamais finalement à faire ce qu'il faut.

  • Giulietta

    Oui j'ai l'impression qu'il y a une hypersensibilté... ...qui fait que c'est encore plus difficile d'apporter la réponse adéquate.

  • Jean

    Totalement et il y a plein de choses. Tu vois quelqu'un dans la rue qui tombe... Tu vois une petite vieille qui tombe dans le caniveau, tu vas l'aider, etc. Sur le coup tu vas pas voir qu'il y a quelque chose, il y a une émotion qui est en train de s'installer, tu l'aides, tu as un coup d'angoisse, tu l'aides et tout, elle se relève, bon en fait ça va tranquille, etc. Derrière tu vas le payer parce que tu as une bonne nervosité qui s'est mise en route, une bonne décharge d'adrénaline. Donc, derrière, tu vas tu vas le payer où tu vas être anxieux pendant 3h, 4h, 5h. Alors qu'en fait, ça va, tout va bien. Parce que quelqu'un qui n'est pas atteint de la cyclotimie va l'avoir aussi, sauf que son cerveau va faire ce qu'il faut. Et moi, en plus, j'ai d'autant plus un coup de bol, c'est que j'ai été diagnostiqué aussi assez récemment, d'un TDAH, Troubles Déficitaires de l'Attention Handicapant. Ça, c'est impeccable, parce que les deux se répondent très bien, il n'y a pas de problème. C'est-à-dire que pour que ça aille bien avec la cyclotimie, il faudrait que j'ai une vie assez saine, où je fasse du sport, où je mange bien, où je ne sois pas trop stimulé par les choses. Voilà, juste une vie de moine, il ne faut pas exagérer, juste une vie raisonnable, confortable, avec du voyage, tu te fais plaisir, mais voilà, confortable. Le problème, c'est que de l'autre côté, tu as le TDAH, où tu as une carence en dopamine, ce qui fait que ton cerveau est sous-stimulé en permanence, donc il cherche la stimulation absolument partout. Ce qui te fait avoir des comportements qui ne sont pas super, et ces comportements pas super font qu'après, tu plonges. Ou tu es overstimulé par un truc, donc ça va te faire une montée d'euphorie, et donc après, tu plonges, etc. Et ça, c'est pourquoi je dis ça, parce qu'il y a un truc qui est important avec la cyclothymie. C'est que c'est hypersensible et chaque facteur de comorbidité, c'est-à-dire il y a une maladie qui répond à l'autre par exemple, va faire dérailler le train. Le TDAH, je sais que ça participe largement à faire dérailler le train. Mais les facteurs de comorbidité, il faut les identifier le plus rapidement possible parce que dès qu'on en a conscience, ça... Ça permet de mieux contrôler sa cyclothymie.

  • Giulietta

    Merci pour cette explication ! Je suis très contente parce que je suis en train de vivre mon premier point de désaccord avec un invité. Tu as employé l'expression "personnes normales comme toi". Et en fait, je ne suis pas d'accord avec l'emploi du terme "normal". Je m'explique. Donc déjà, le podcast s'appelle lanomalie parce que j'ai un problème avec la notion de normalité. Pendant toute mon enfance, moi, j'ai eu très très peur justement d'avoir un trouble psy parce que mon père est psychiatre et qu'il... employait des termes pas très cool en me parlant, en me disant que j'étais paranoïaque. Et j'étais persuadée d'avoir un truc, un trouble aussi, donc d'être dépressive ou d'être parano, ou quoi que ce soit. Et je me sentais pas normale. Et en grandissant, je me suis rendue compte qu'il n'y a pas des gens normaux ou pas normaux. C'est plus un continuum. Il y a des gens qui sont plus ou moins régulés.

  • Jean

    Si je parlais de normalité, effectivement, je ne suis pas d'accord avec moi-même aussi, mais je vais plutôt rentrer un tout petit peu dans le détail. Je vais plutôt parler de dysfonctionnement émotionnel ou dysfonctionnement neuronal, concrètement. La cyclothymie, c'est un trouble émotionnel. Aucun cerveau n'est câblé pour être tout le temps au milieu, de toute façon. Il y a des gens qui ne sont pas cyclothymiques et qui sont tout le temps un tout petit peu en dessous. Il y en a qui sont tout petit peu au-dessus. On connaît tous des gens qui sont un peu surrex en permanence, ou qui sont tout le temps hyper contents, qui ont la joie de vivre, qui sont très énervants, parce qu'ils sont toujours contents ces gens-là. Et inversement, on connaît des gens qui sont toujours un peu raplapla, ou qui ont un tempérament mélancolique. Donc il n'y a pas vraiment de normalité là-dessus, c'est sûr. La seule chose, c'est que là, on atteint un point où ce n'est pas quelqu'un qui est... ce n'est pas quelqu'un... qui est cyclothymique n'est pas normal, c'est pas du tout ça. La normalité c'est un concept qui est puant, réellement c'est un concept qui est toxique. Par contre, il va y avoir un dysfonctionnement émotionnel dû à des troubles neuronaux qui font que par contre il va y avoir une complexité à gérer ses émotions.

  • Giulietta

    Effectivement, je préfère l'emploi du terme dysfonctionnement, où on se concentre sur les faits et effectivement dans le cas... Je ne sais pas, par exemple, moi, pour ma sclérose en plaques, il y a un dysfonctionnement au niveau de mes défenses immunitaires qui se retournent contre mes connexions nerveuses. Donc ça, ça dysfonctionne. En revanche, je trouve que l'emploi du terme normal, anormal est péjoratif, surtout pour le terme anormal. Et là, je fais une digression sociologique. Je crois que c'est Durkheim qui travaille sur le normal et le pathologique. Donc normal, c'est ce qu'une société va considérer comme existant, allant de soi, etc. Et tout ce qui s'écarte de la norme est jugé comme pathologique. Donc... On en revient à tout le vocabulaire de la maladie. Le problème du pathologique, c'est souvent jugé comme étant stigmatisant. Quand on a une maladie, très souvent, on est confronté au regard de personnes qui nous jugent un petit peu comme étant différents, surtout je pense sur de la psychiatrie. Il y a encore des clichés qui perdurent. Il y a pas mal de vidéos Konbini sur les sujets de santé mentale qui sont trop cool, et de personnes notamment bipolaires qui expliquent que quand elles annoncent à quelqu'un qu'elles sont bipolaires, les gens sont persuadés qu'ils vont se faire arracher les yeux, mais pas du tout en fait. Et donc ça c'est un stigmate, clairement, puisqu'on va projeter sur l'autre la perception que l'on a de son dysfonctionnement.

  • Jean

    Une toute petite réaction Une toute petite Sinon, ce serait heurter ma réputation. Non, non, concernant Durkheim, justement, et si tu veux même aller un tout petit peu plus loin, on peut même dire que finalement, une société a aussi un fonctionnement qui est basé notamment sur ses codes moraux. Chaque société a des codes moraux différents. Chaque groupe, quelque part, une société, c'est un géant groupe culturel qui a une division, une subdivision de... groupes culturels jusqu'aux plus petits, un peu comme le corps, les atomes, etc. Et chacun a sa petite morale. Donc quand on parle de morale, il y a aussi cette échelle de normal, il y a aussi cette échelle de morale. Finalement, en ayant quelque chose de différent de ce qui est attendu par la société, de ce qui est attendu par les codes moraux, de ce qui est attendu en termes de comportement, finalement tu vas être anormal. Finalement, c'est pas très moral d'être un peu surexcité dans un open space ou ne pas parler dans un open space. On va pas dire que c'est pas moral parce qu'en fait c'est un peu bizarre de dire que c'est pas le moral, on va dire que c'est anormal. Mais, en fait, c'est parce que ça heurte la morale et je me méfie vachement de ce genre de discours qui sont quasi eugénistes selon moi pour aller dans ton sens cette fois-ci.

  • Giulietta

    Il y a peut-être certains auditeurs ou auditrices qui sont confrontés à ce que tu décris et d'autres peut-être qui écoutent cet épisode par curiosité et qui ne comprennent pas ce qu'est une phase dépressive ou ce qu'est une phase maniaque. Moi, je l'ai vécu de l'extérieur, je ne suis pas concernée directement, mais dans ma famille, il y a des personnes qui sont bipolaires. Et une phase dépressive, ce n'est pas juste je ne me sens pas bien, c'est vraiment une détresse qu'on ne peut pas s'imaginer lorsqu'on n'est pas soi-même en dépression, mais c'est vraiment un sentiment de perte de sens intersidéral, un manque d'énergie vraiment très important, le sentiment que rien ne va. Si j'ai bien observé les personnes autour de moi, il y a le sentiment que rien n'ira mieux, c'est quand même très très intense. Et a contrario, j'ai aussi pu observer quelques phases maniaques. C'est pas juste de l'euphorie, type j'ai pris un peu trop de drogue et je suis on fire, c'est des comportements à risque. Vraiment, si vous n'avez pas connu vous-même ou si vous n'avez pas observé dans votre entourage tout ça, il faut vraiment enlever toutes ces préconceptions et se dire que c'est quelque chose qui sort de l'ordinaire complètement. Toi, là... J'ai l'impression que tu as beaucoup cheminé et que tu as beaucoup de recul. La manière dont tu exprimais le fait qu'à un moment tu étais au fond du bac, puis ta voisine t'a appelé et là ça allait mieux. Quand t'es la tête dans le guidon et que justement t'es soit dans ta phase plutôt... que t'es maniaque soit dans ta phase plutôt dépressive, est-ce que tu arrives à te rendre compte que tu es dans cette phase-là et t'arrives à te dire "Attention, ça va revirer" ou en fait c'est tellement pernicieux que tu vis juste le truc intensément ?

  • Jean

    Question complexe, réponse complexe. En fait, ça dépend. Vraiment, ça dépend. C'est-à-dire que parfois, tu ne te rends pas compte que tu es en train de plonger, tout doucement. Gentiment. Et moi, mes phases de... "Je pars dans un sens ou je pars dans l'autre", même si moi, j'ai vraiment des tendances plutôt côté dépression. Je ne monte pas très haut en général. C'est aussi, voilà, la cyclothymie, c'est là où c'est compliqué. C'est que chacun vit sa cyclothymie comme chacun vit sa bipolarité, très différemment. Moi, je suis plutôt très dépressif. Enfin, plutôt côté échelle dépressive. Je monte un petit peu de temps en temps en hypomanie, mais c'est gentil, c'est un petit peu euphorique. Voilà, ça ne va pas plus loin. Par contre, je peux descendre très bas. Et donc, attends, c'est quoi la question ?

  • Giulietta

    Tu te rends compte que tu es dans une phase.

  • Jean

    Voilà, c'est ça. Et donc, en fait, ça dépend. C'est-à-dire que parfois... Je vais voir le truc arriver, gros comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, où là je sais que je vais plonge. Je vais prévenir ma compagne qu'il faut qu'elle s'y attende parce que potentiellement, là, je plonge pendant plusieurs jours. Mais en général c'est ça le truc, quand je sens que je vais plonger pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, je vois le bateau arriver. C'est les oscillations ponctuelles voire parfois journalières que je ne vois pas arriver. C'est-à-dire que ça va, ça va, ça va, et franchement ça va super quoi tu vois, ça va super. Puis en fait oui ça va super, mais en fait non, si ça va super, c'est que ça va pas en fait. C'est que tu t'es pas rendu compte qu'en fait, comme ça va super, t'arrêtes pas de sortir, tu bosses beaucoup trop, t'as plus d'hygiène de vie etc. Mais ça va super, tout va super. Oui mais en fait c'est parce que là t'es un petit peu en hypomanie, mais tu t'en es pas rendu compte quoi. Et puis d'un coup tu plonges en phase dépressive, voire très dépressive. Et puis tu comprends pas pourquoi. Ça allait si bien. Enfin, pourquoi ? Alors, la culpabilité se met en place, la fameuse dévalorisation, tout ça. T'as plus d'énergie, t'as plus rien. Et en même temps, c'est incompréhensible, tu ne comprends pas. Alors que pourtant, ça fait des années que je me paye de la cyclothymie, et tu ne comprends pas. Et puis après, quand la tempête se calme, là, tu comprends, tu fais le cheminement, et tu comprends. Il y a une ressource qui a un peu, pour moi, le Freud, on va dire, français de la cyclothymie, qui est docteur Elie Antouche. Il a écrit un bouquin d'anthologie qui s'appelle "Vivre heureux avec des hauts et des bas". Et il en parle de ça. Il parle de plein de choses. Il parle notamment de ça. En fait, il y a plein de signes précurseurs qui vont te faire comprendre que tu vas te prendre un mur, que tu vas être à bord d'un train qui déraille. C'est plein de petits signes auxquels il faut être hypersensible en permanence. Le problème, c'est que si tu es en permanence ultra sensible à ces signes, en fait, tu ne vis plus. Donc généralement, c'est pour ça que je disais, en général, vraiment, quand tu vois le train arriver de loin, l'éléphant finalement dans le magasin de porcelaine, tu te dis, "Ok, là je vais plonger". Excepté que quand tu le vois arriver, en général, tu sais que tu vas plonger pendant un moment. Alors moi, ça n'a pas duré six mois, mais ça a duré un mois ou deux mois. La dernière fois que j'ai vu vraiment le... Je l'ai vraiment vu comme ça. Tu vois, je voyais vraiment l'éléphant me charger. C'était pendant le deuxième confinement. J'ai fait un... Un burn-out ? J'étais trop à fond sur mon projet et ça se passait super bien. C'est un projet de design, en fait. Un truc absolument énormissime. Juste avant Noël, impeccable, tu vois. J'ai fait un boulot super. Ça a eu beaucoup de succès.

  • Giulietta

    Et à ce moment-là, tu te rendais pas compte ?

  • Jean

    75 heures par semaine, quoi.

  • Giulietta

    Et au contraire, je présume que t'étais galvanisé ?

  • Jean

    Ouais, c'est ça. Et de temps en temps, ma compagne disait "Fais gaffe", alors qu'elle bosse beaucoup. "Fais gaffe parce que là, tu vas trop loin". Et des fois, mon esprit me rappelait ou mon corps me rappelait. "Tu tires la corde là", mais j'y retournais. Je me levais à 3h du matin parce que j'avais une idée lumineuse et puis en fait, je ne me recouchais plus. Je bossais dans le train encore. J'étais en train de faire ma livraison le 24 quand j'étais dans le train pour aller chez les parents de ma compagne. Et puis j'ai rebossé en janvier, j'ai continué, j'ai reçu le cachet, mais j'ai continué, puis j'ai continué jusqu'en mars. Et puis en mars, je me suis pris le train en plein dans les dents, mais je l'ai vu arriver, et là je me suis transformé en Gainsbard, où je savais que j'étais fichu, que là ça y est, j'étais parti pour longtemps, mais je continuais à boire. Et à boire, et à ne plus dormir avec elle, parce que je me voyais comme une... comme on dit, pour ne pas être vulgaire, un petit déchet ? Un petit déchet, et j'avais une terrible envie de m'auto-détruire. Ça fait partie des possibles effets de la cyclothymie, et que tu peux trouver dans la dépression nerveuse. Au-demain, quelqu'un qui finit au burn-out, il est en dépression nerveuse, il s'enfonce. Je crois que Philippe Labro a écrit un bouquin d'ailleurs dessus. Et en fait, il se voit, les choses perdent leur goût, plus rien n'a d'intérêt. Voilà, là, le train, je l'ai vu arriver, je l'ai pris en pleine poire. Ça m'a pris plusieurs mois pour m'en remettre. avec des phases euphoriques, mais je redescendrai tout de suite, tu vois. Donc, c'était une longue réponse, mais c'était une manière aussi d'aider pour les auditeurs, pour ceux, en tout cas, qui pourraient se reconnaître dedans. Une réponse un peu complexe.

  • Giulietta

    Tu as l'air de bien te connaître, tu fais un travail sur toi, t'as une psy qui t'accompagne, de ce que je comprends. Et comment... Comment tu vis avec tout ça ?

  • Jean

    Alors, il y a... Il y a plusieurs choses. Il y a plein de choses. Déjà, la première chose, c'est que j'ai été diagnostiqué, ce qui n'était pas du tout le cas à l'époque. A l'époque, je ne savais pas ce que j'avais. J'ai vu le train arriver, pour reprendre l'histoire de quand je suis parti en burn-out. J'ai vu le train arriver, le train de la noirceur, je sais que je vais plonger. Mais sans savoir que c'était la cyclothymie, tu vois. Juste, je me suis vu... En fait, je ressentais des effets, tu vois. Je me disais "OK, ça ne va plus du tout... Je ne peux plus travailler, je ne peux plus rien faire, je n'arrive plus à me lever le matin, etc. Je suis en train de plonger en dépression, tu vois". Mais je ne m'étais pas dit "Ah ! C'est la cyclothymie".

  • Giulietta

    Tu vivais comment par rapport à ces symptômes-là ? Tu culpabilisais ? Tu as beaucoup parlé de culpabilité.

  • Jean

    Quand j'avais des phases, par exemple, euphoriques... Je mettais ça sur le compte de "de toute façon, je suis assez joyeux, assez jovial, naturellement". Je ne mettais pas ça sur le compte de la cyclothymie, puisque je n'étais pas au courant. Les phases de dépression, c'était "de toute façon, j'ai eu une enfance assez sympathique" (c'est ironique) J'ai eu une enfance plutôt, disons franchement, pas exceptionnelle. Donc je mettais ça sur le compte des traumas.Ç a y est, ça me reprenait. Je mettais déjà le "ça me reprenait" tu vois. Ça te donne une explication de ce qui a pu à la fois me permettre de tenir et à la fois ce qui a pu me berner pendant des années. Chacun va s'inventer une bonne excuse pour se dire c'était le truc qui me reprend tu vois. Comme un ressac. Donc c'est comme ça que je le vivais. Mais je le vivais sans le vivre. Finalement, le truc m'est arrivé en... Tout m'est arrivé en pleine poire, en permanence. C'est-à-dire que t'es sur un ring, t'as 10 boxeurs et tu passes ton temps à te faire boxer. Tu comprends pas pourquoi. Tu comprends pas d'où ça arrive, tu comprends rien. T'as une énorme culpabilité, puisque, en fait, tu ne maîtrises rien. Tu ne comprends pas pourquoi, par exemple, t'allais en soirée, tout était sympa, et pourtant, toi, t'étais pas bien. Il n'y a aucune espèce de raison. Mais ça, tu ne le vois pas. Tout ce que tu vois, c'est "Ouais, j'ai pas beaucoup parlé aux autres, je suis resté avec mes copains". C'est pas très bien, tu vois. C'est un peu dommage. "Ah, ben là, j'ai quand même beaucoup picolé", tu vois. Ou "Ah, ben tiens, dans l'open space, là, je parlais hyper fort. J'étais un peu trop jovial, etc. J'ai dérangé des gens. C'est la honte, les gens ne vont plus voir bosser avec moi", tu vois. C'est toujours un truc de culpabilité comme ça. Et en plus, tout est amplifié, quoi. C'est-à-dire que tu as l'impression d'avoir fait des trucs énormes, alors qu'en fait, ce n'est pas si énorme que ça. Et en fait, quand ma psy de l'époque, d'un coup, a identifié un comportement qui ressemble un peu à celui des bipolaires, mais en même temps pas exactement, elle m'a parlé de cyclothymie. Elle m'en a parlé comme ça en disant... C'est un sujet, alors que c'est une psychiatre de haut de volée, vraiment. C'est pas parce que c'est ma psy qu'elle est bonne, d'ailleurs c'est elle qui m'a fait comprendre le point que la cyclotimie en France c'est encore pas très compris. C'est que, même elle, elle avait lu des trucs dessus, mais elle ne maîtrisait pas très bien, elle a plus de 50 ans. Bon, et c'est elle qui m'a dit "Je pense que vous êtes cyclotimique, on va voir, on va creuser". Au fur et à mesure des mois, on a creusé ensemble, puis elle a fini par dire "Bon, le diagnostic, c'est clair, c'est moins facile à comprendre que la bipolarité". Et donc après, elle m'a mis sous un traitement. Il y en a plusieurs, mais je suis sous Lamotrigine. Je crois que c'est le nom générique. C'est pas grave. Ça a été miraculeux, quoi. C'est-à-dire que d'un coup, déjà, je voyais les choses arriver. Je comprenais ce que j'avais, donc en plus, je lisais dessus. Donc c'était beaucoup plus facile. Puis voilà, j'avais des comportements qui étaient beaucoup plus OK. S'il y avait des phases dépressives, etc., je sais pas. Au début, je ne le savais même pas autant que maintenant, mais je savais que j'étais dans un bateau qui tanguait. Il fallait attendre que la tempête passe, mais elle allait passer. Mais maintenant, tu sais qu'elle va passer. À l'époque, tu ne sais pas qu'elle va passer, tu ne comprends juste rien. Tu es juste baladé dans ton bateau, mais tu ne comprends pas. Tu vois la tempête, mais tu ne comprends pas. Tu ne sais pas quand elle va passer, tu ne sais rien. Là, c'est un peu comme si tu avais un indicateur météo.

  • Giulietta

    Tu mets le doigt sur les particularités de la cyclothymie. Si j'arrive à déverrouiller mon ordinateur, c'est qu'en fait... On en a parlé juste avant l'enregistrement, mais j'ai l'impression... que ça se définit vachement par la négative. Ce qui rend difficile le diagnostic, c'est qu'en fait, je caricature, mais c'est un petit peu ce que tu m'as dit tout à l'heure, c'est une petite bipolarité. En tout cas, ça peut être perçu comme tel. Non, pardon. Ça peut être perçu comme tel, mais ce n'est pas une petite bipolarité. Pardon, Jean.

  • Jean

    Ok. Non, non, non, mais c'est pas ça. C'est pas une histoire de petite bipolarité. C'est qu'en fait, c'est juste... C'est là qu'il y a une finesse. Il y a une énorme finesse qui n'est pas comprise par les psychiatres en France. Cette finesse, c'est qu'en fait, tu peux avoir des syndromes hardcore dans un sens ou dans l'autre avec la cyclothymie. Par contre, ça bouge très vite. C'est pour ça que c'est une bipolarité. De toute façon, c'est une bipolarité officiellement. Il suffit d'ouvrir le dernier DSM, c'est inscrit dedans. En revanche...

  • Giulietta

    J'ai justement la définition du DSM. C'est un petit peu le livre de chevet des psychiatres pour poser un diagnostic et pour définir quelle pathologie a le patient. Et donc... Pour la cyclothymie, il faut que les éléments suivants soient présents plus de deux ans. Donc de nombreuses périodes avec des symptômes hypomaniaques qui ne répondent pas aux critères d'un hypos... Bon, grosso modo. Pendant plus de deux ans, il faut avoir eu des épisodes hypomaniaques mais pas maniaques, c'est-à-dire avoir eu des épisodes où on était quand même euphorique mais pas trop, et des épisodes dépressifs mais qui ne répondent pas aux critères d'un épisode dépressif majeur. En fait... ce que je suis en train d'expliquer de manière pas du tout précise et le vin n'aide absolument pas, c'est que grosso modo, c'est perçu dans la description du DSM comme des petits symptômes qu'on pourrait comparer à ceux de la bipolarité. Et qui dit petit, dit que ça peut passer inaperçu et je pense également qu'il y a un biais côté psychiatre c'est que parfois ils sont confrontés à des symptômes qui sont tellement grandiloquents qu'ils n'accordent peut-être pas l'importance nécessaire à des symptômes qu'ils vont juger comme générant moins de souffrance ou comme étant moins graves, alors que la souffrance du patient, elle est bien là et la difficulté à vivre, elle est là. Et toi, ça a été quoi ton parcours ? Donc, tu as quand même fait la démarche de consulter quelqu'un ?

  • Jean

    Moi, en fait, j'ai vu plusieurs psys. Il y a eu des résultats très clairs. Mais, au bout d'un moment, avec mon premier job, quand j'ai fini mon alternance, premier vrai CDI, en fait, ça ne s'est pas du tout bien passé, quoi. Vraiment, je n'y arrivais pas. En fait, d'un coup, on te fait comprendre maintenant que tu n'es plus en alternance et que tu dois avoir la responsabilité d'un CDI, tu vois. Ce qui est tout à fait logique. Mais en fait, moi, je n'y arrivais pas. C'est pas une histoire d'incompétence, c'est une histoire de... Je me mettais une pression absolument monumentale, ce qui me mettait dans des états absolument épiques. Et au bout d'un moment, j'avais l'impression de devenir dingue. Vraiment, de menacer, de faire un burn-out tellement explosif qu'en fait, la trajectoire logique, c'est le cimetière. Et c'est tel que... L'idée même de passer à côté du Père Lachaise, où j'habite pas loin, et j'habitais pas loin aussi à l'époque, était vraiment mais hyper agréable. C'était pas juste que c'était calme, c'est qu'il y avait un endroit potentiellement où peut-être que tout pouvait s'arrêter et je pouvais enfin avoir une mer absolument calme et définitive. Et c'était un truc, ça me soulageait à l'époque, et je me suis dit, au bout d'un moment "Bon, ok. J'ai quand même un CDI, j'ai réussi des études qui sont pas mal, j'ai un bon CV, je suis pas trop vieux, ça va. J'ai une nana qui est très cool, j'ai un appartement qui est cool, j'habite sur Paris, ce qui n'est pas donné à tout le monde. C'est quand même dommage de se suicider, c'est un peu bête". Je comprends toute personne qui a envie de le faire ou toute personne qui l'a fait, même si elle ne pourra plus m'entendre. C'est Cioran qui disait que si le suicide est la liberté absolue, c'est peut-être la liberté absolue, mais en fait on peut potentiellement réussir à être libre sans arriver au bout. Parce qu'en fait le suicide, c'est juste le truc où tu as l'impression que tu ne peux plus rien faire que tu es condamné, c'est fini et tu n'en peux plus. Oui, mais en fait, si la vie te donne un petit coup de main, peut-être que d'un coup, tu peux sortir de cet univers-là et que ça va aller. Et c'est ce qui s'est passé. C'est-à-dire que je suis allé voir une psy qui est spécialisée dans les TCC (thérapie cognitivo-comportementale). Et elle a eu le discours de "En fait, c'est comme si vous avez mal au ventre. Vous me dites que vous avez l'appendicite. Vous me demandez de vous opérer, mais en fait, vous n'êtes pas médecin, vous n'êtes pas chirurgien. Comment vous savez que c'est vraiment l'appendicite ? On va pas faire de TCC, on va regarder tout ça, quoi". Et voilà. Et ça a commencé par une psychothérapie, qui a fait ressortir beaucoup de choses, évidemment, comme tout un chacun qui va faire une psychothérapie. Mais, mais, mais, mais, mais, mais, évidemment, il y a eu le truc de... "Ah ! En fait, je crois que vous êtes un peu... Vous êtes un peu cyclothymique, là, quand même". Bon. Ce qu'elle appelait un trouble émotionnel. Mais elle a mis un mot dessus. Et d'ailleurs, c'est un truc qui m'a toujours fait... Il y avait chez elle ce truc de... Elle ne disait jamais cyclothymie. Elle l'a dit quelques fois, mais en général, elle préférait dire "trouble émotionnel". Et elle m'a expliqué pourquoi. En fait, c'est que appelons un chat un chat, au bout d'un moment, ça te rappelle en permanence que en fait, tu n'es plus Jean, tu es Monsieur Cyclothymie. Tu n'es plus autre chose, en fait, que ta cyclothymie.

  • Giulietta

    Tu te tends la main... En vrai, c'est plutôt toi qui t'es tendue la main par rapport à ça parce que tu as eu le courage d'aller consulter. Parfois, on a le sentiment que quelque chose doit venir de l'extérieur. Aller consulter ou demander de l'aide, c'est déjà une main tendue et c'est un bel effort qu'on peut faire envers soi-même. Et c'est très cool. Par ailleurs, il faut que je me rappelle de ce que je voulais dire. Qu'est-ce que tu as dit que j'ai trouvé génial ? En fait, ça fait écho à un épisode que je suis en train d'enregistrer en solo sur l'identité. Tu as dit, on devient le bipolaire ou le cyclotimique. Eh bien, je vais citer Claire Marin. Est-ce que tu connais Claire Marin ? Claire Marin, c'est incroyable. Claire Marin, c'est une philosophie, une philosophe et autrice qui travaille sur la maladie. Elle a une maladie qui, je crois, est neurologique. et qui génère beaucoup de souffrance chez elle. Elle a écrit un livre incroyable qui s'appelle Hors de moi et elle a écrit un autre livre qui s'appelle La maladie, catastrophe intime et elle nous dit que la maladie est littéralement un bouleversement brutal du monde intérieur, du sens de l'identité du malade, du sens de son existence même. et dans ce renversement, elle assigne au malade une autre identité à son corps défendant. Dans le cas d'une maladie psy, c'est plutôt à sa psyché défendante. Et en fait, la difficulté, c'est que parfois, surtout quand on a un diagnostic, on va se définir par sa maladie et on va... Enfin bon, bref, je vais prendre mon cas pour ne pas parler à ta place, mais dire aux gens je suis malade, j'ai une sclérose en plaques Par ailleurs, le corps médical peut parfois nous assigner cette identité. J'ai une pote de pote que j'avais interviewée pour préparer mon travail sur l'anomalie qui m'avait expliqué que par exemple lorsqu'elle passait des IRM, les gens disaient c'est la sclérose en plat qui va passer. Bah non, c'est pas la sclérose en plaques, elle a un nom, elle a un prénom. Et donc c'est difficile de définir son identité. C'est hyper violent et d'un autre côté, factuellement, ça peut s'expliquer, eux, de leur côté en termes de logistique. Et moi j'avais fait un long travail avec ma psy pour arriver à cette conclusion. Que moi je me sentais plus à l'aise avec l'idée de dire que j'avais une maladie plutôt que de dire que j'étais malade. Et que donc ma maladie c'est ma compagne de vie, elle est présente tous les jours, elle m'accompagne, elle est... Mais que c'était une composante de moi parmi d'autres, et en tout cas c'est la posture avec laquelle je me sens à l'aise. Je trouvais que c'était assez délicat de la part de ta psy de parler de troubles.

  • Jean

    Oui. Mais c'est exactement ça. Et je trouve ça fascinant parce qu'elle a vraiment mis en place ce truc dès qu'elle a compris, dès qu'elle a diagnostiqué, elle a mis en place ce truc dès le début, entre nous. pas en me forçant mais pas loin parce que moi au contraire j'étais tellement heureux mais c'était incroyable mais enfin vraiment je sais pas si quelqu'un en écoutant ce podcast se retrouvera dedans peut-être parce qu'il l'est et qu'il est passé par par les épisodes par lesquels je suis passé aussi mais quand il doit en diger le truc c'est une sortie brutale de l'enfer enfin En fait d'un coup oui, c'est pas toi en fait le problème, tu vois. Et ce qui est fort, c'est qu'effectivement quand tu vas jusqu'au bout, et que t'arrives toi-même à te dire à la fin, Ok. C'est pas que je suis cyclotimique, c'est que ça fait partie de moi. Et moi, ça m'a pris du temps, tu vois. Je m'identifiais que là-dedans, et c'était vachement agréable sur le coup, parce que j'avais enfin la main sur un truc palpable, et en même temps, c'était compliqué. Mais oui, je crois que c'est hyper important de passer par cette phase-là de compréhension que ça fait partie de toi, mais tu n'es pas ça. Je pense que c'est long, quand même. mais ça en fait partie et c'est d'autant plus nécessaire que ça va te faire basculer sur un épisode après qui est le mais en fait comment tu fais maintenant pour que ce truc là qui te bouffait de base et qui malgré tout est un pagnon de vie comme tu disais peut devenir en fait une force et moi je sais alors dans ton cas je sais pas mais c'est quand même pas tout à fait la même chose mais dans mon cas par exemple bah moi maintenant ma cyclotémie m'aide alors des fois elle m'envoie en enfer on va pas se mentir mais des fois beaucoup mais je suis ok avec et par contre elle va m'aider dans mon boulot elle va m'aider à avoir des produits qui sont beaucoup plus proches finalement des utilisateurs que je vise à la fin donc J'arrive à être beaucoup plus empathique, j'arrive à être beaucoup plus sensible à leurs expressions de visage, à ce qu'ils racontent, à voir le petit truc derrière qui se cache. Je dis un truc, mais tout en disant Hey, il y a un petit mot là qui s'est caché. Ah, mais moi je l'ai vu en fait. Toi, tu t'en es même pas rendu compte que tu l'as dit, mais moi je l'ai vu. Ce que fait un psy en fait d'ailleurs. C'est le petit mot qui cache une forêt en fait. Enfin voilà, il y a tout un tas de choses qui fait que maintenant la cyclothymie c'est à la fois devenu un gros problème avec lequel j'ai appris à vivre, et à la fois vraiment une amie aussi, qui fait que c'est pas juste que je suis beaucoup plus fort qu'avant. C'est qu'en fait, c'est à la fois une maladie, à la fois mon ennemi, et à la fois, c'est un super pote qui peut me permettre d'aller très très loin.

  • Giulietta

    Il y a un brin sur lequel je voulais rebondir.

  • Jean

    Je pense que ça, c'est important.

  • Giulietta

    Toi, tu as exprimé ton soulagement au moment où tu as eu ton diagnostic, dans le sens où tu as eu une explication à ce qui se passait et que ça t'a donné les outils pour comprendre et pour ensuite mieux vivre avec. Donc, tu as ton traitement, mais tu as aussi la compréhension et le travail que tu fais sur toi. Je pense que c'est plein de cartes que tu peux utiliser en fonction des périodes que tu traverses. Moi, je vais apporter un éclairage complémentaire qui est celui de l'entourage. Mon père est bipolaire et en fait, j'ai appris qu'il était bipolaire seulement cet été. Donc j'ai 30 ans et j'ai appris qu'il était bipolaire. J'avais 29 ans et demi et pendant 29 ans et demi, j'ai vécu dans la terreur puisque mon père n'a jamais été violent envers moi. En revanche, il avait des crises de colère très très fortes. Pendant toute mon adolescence notamment, et ma vie de jeune femme, j'ai pensé que c'était moi la cause de sa colère, et j'ai pensé que je n'étais pas à la hauteur. Et donc, à 29 ans et demi, après des épisodes difficiles dans ma vie personnelle, je me suis retrouvée chez lui, on a parlé, et puis là, je lui ai demandé si lui-même n'était pas atteint par quelque chose, puisqu'il me semblait qu'il avait des comportements qui étaient particuliers, et il m'a expliqué qu'il était bipolaire de type 2, et que le diagnostic avait été posé récemment. Et en fait, ça m'a tellement soulagée, étonnamment, parce que je me suis dit, mais ce n'est pas de ma faute. Ce n'est pas vraiment de sa faute non plus. La seule responsabilité qu'il a, c'est de ne pas avoir choisi d'être traité. En revanche, personne n'est responsable de ces états intenses et surtout pas moi. Et donc, voilà, ça m'a fait du bien. Toi, est-ce que ton entourage, alors je n'ai pas l'impression que ta famille, ce soit le cas, mais peut-être ta compagne a pu comprendre certaines choses ?

  • Jean

    Déjà... Je reste quand même un personnage haut en couleur, je dirais, un peu original. Il n'y a pas que potentiellement la cyclotimie qui me caractérise, heureusement. Je suis quand même un personnage original, donc déjà, quand tu te mets en couple avec moi, c'est quand même que tu n'aimes pas les personnages qui sont trop normalisés. Tu ne sors pas avec Ken, qui est complètement droit dans ses bottes. Mais... Cela dit, il y a quand même eu des phases assez complexes. Je parlais de la phase où je m'étais transformé en Gainsborough. Une phase où concrètement, je sortais pour être ivre et fumer un max de cigarettes. Je rentrais, je continuais à boire, je buvais toute la journée. Tu aurais très peu de temps, mais je sais que ça a été dur pour elle. Et ça lui a permis de comprendre, par exemple, cet épisode-là. Moi, ça m'a permis de comprendre aussi, du coup, et de ne plus jamais recommencer. Et quand tu retrouves ta compagne en pleurs parce que tu l'envoies pêtre quand elle te demande d'aller dormir avec elle.

  • Giulietta

    En lien avec ce qu'on disait tout à l'heure sur la difficulté de diagnostic de la cyclothymie et une certaine errance médicale. Un des trucs que tu m'as dit, c'est qu'il existait peu de ressources sur lesquelles se reposer. Il y a un livre, alors tu en as amené deux parce que tu es bonne élève, tu es venue avec tes notes, et deux livres. Et il y a Goupiloufas, qui est une BD qui a été rédigée et conçue par une personne à elle-même atteinte de cyclotimie. C'est à la fois cool qu'il y ait cette ressource-là, et d'un côté, il n'y a qu'une BD qui existe sur le sujet, visiblement, et je pense que tu as dû chercher des ressources. Donc c'est un peu symptomatique du fait qu'on parle encore très peu de la cyclotimie.

  • Jean

    Bah, il y a des... Non, bah, alors, typiquement, il y a aussi ce bouquin-là, Dr. Elie Antouche... Les rêves dans tous les capes. Voilà. Ça, c'est vraiment une référence. En fait, Dr. Elie Antouche, c'est une des personnes dans le monde occidental, parce que de l'autre côté, je sais pas, mais dans le monde occidental, qui a été capable... de comprendre les tenants et les aboutissants de la cyclotimie. Mais un peu comme Freud quand il a fondé la psychologie moderne, il y a des trucs qui sont super intéressants, il y a des trucs peut-être qui aujourd'hui seraient un peu moins compris. Mais je... Enfin... C'est ce que j'ai publié, en tout cas, sur Internet. Moi, quand j'ai lu le bouquin, j'ai trouvé ça fascinant, extraordinaire. J'ai trouvé qu'il avait fait un travail incroyable. J'ai pas du tout ressenti ce truc-là, mais bon. En tout cas, c'est sûr qu'il a participé au Vraiment une Voix. Le truc, c'est que Dr Elie Antouche, on parle pas de Freud, hein. C'est-à-dire que moi, demain, j'appelle Dr Elie Antouche, je peux peut-être avoir une consultation, hein. C'est un monsieur qui est pas si vieux que ça, quoi. Et c'est ça qui est inquiétant. C'est qu'en fait, c'est récent. Alors, il y a d'autres bouquins. Mais il n'y en a pas non plus de 200. Puis c'est des bouquins. Tu vois, ça par exemple, ce que tu feuilletais, c'est un essai, en fait. Mais je veux dire, il y a des études. Non, pas des essais, là. Des études, des études, il n'y en a pas beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de livres. Aux États-Unis, il y en a un peu plus, mais il n'y en a pas tant que ça non plus. Et puis c'est pareil, tu vois. C'est-à-dire que... L'aschizophrénie, par exemple, quand tu veux chercher à la comprendre, il y a plein de trucs ultra vulgarisés, des vidéos ultra vulgarisées sur Internet, des machins, des... T'as de quoi comprendre, même sans forcément ouvrir des bouquins, tu vois. La cyclotimie, bah, peut t'accrocher, hein, parce qu'en fait, oui, tu peux suivre des trucs sur la bipolarité, comprendre la bipolarité, il y a plein de choses. Oui, mais la cyclotimie, en fait, c'est pas exactement de la bipolarité, c'est... c'est différent. c'est très différent de comment ça se manifeste dans ta vie en général comment tu peux vivre avec comment tu peux faire pour ne pas créer d'épisodes désagréables, comment tu fais pour avoir une hygiène de vie c'est pas exactement pareil que la bipolarité et tu vois typiquement tu parlais de Goupiloufas de Louloubi cette BD a été vraiment salutaire c'est à dire que je voyais une scie etc, mais je n'avais pas encore trouvé de truc, tu sais, déjà qui soit un peu fun, qui vulgarise un peu, qui ne soit pas un truc un peu compliqué, j'adore les bouquins, je lis, ce n'est pas le problème, mais... Si tu rentres dans un bouquin où c'est un peu compliqué, où il faut un peu t'accrocher, où c'est pas fun, c'est un peu austère, etc., eh bien, je veux dire, voilà. Là, t'as un truc qui est fun, où il y a des couleurs, où c'est chouette, où tu ris, en fait. Moi, je l'ai relu pour l'épisode, et j'ai ri plusieurs fois. Ma compagne aussi, accessoirement, puisqu'elle me reconnaissait dans les pages. Typiquement la bipolarité Comment il s'appelle ? Une chaîne Youtube qui s'appelle Psycho Quack C'est un psychiatre qui, je pense, à notre âge, peut-être un petit peu plus vieux, qui est vachement bon. Et il fait des épisodes qui sont sur la bipolarité, sur la dépression, mais en fait, le mec est à mourir de rire. Vraiment, il est un peu rock'n'roll en plus, et c'est hyper drôle. Il fait plein de blagues, il fait des schémas, et en fait, c'est des petits épisodes de 25 minutes. mais pourquoi ça ça n'existe pas sur la cyclotimie et moi j'ai vraiment ce truc de mais c'est pas possible en fait y'a rien qui existe quoi c'est comme si c'était une maladie qui n'existait pas avant les années 80-90 ça n'existait pas et puis là d'un coup ça commence à émerger et je trouve ça incompréhensible parce que c'est une forme de bipolarité y'a des gens qui souffrent je parlais d'errance médicale tout à l'heure et t'en parlais aussi mais moi ça m'a pris 10 ans peut-être 15 ans Je sais pas à partir de quand ça commence à faire effet, peut-être que ça fait très longtemps que ça fait effet, moi j'arrive pas trop à me souvenir, mais je sais qu'à partir d'un certain moment j'ai commencé vraiment à m'en baver. Donc je veux dire, c'est pas petit quoi, tu vois, un truc qui a failli m'emmener au suicide plusieurs fois, c'est pas une petite maladie, tu vois, comment ça se fait qu'on trouve pas, voilà.

  • Giulietta

    Si ça va, je vais poser la question que la personne que nous avons en commun nous a adressée. Et donc, la question de notre cher ami est la suivante. Rétrospectivement, Jean pense-t-il que la cyclotimie a eu des impacts dans ses choix en vie perso, pro, notamment sur ses relations amoureuses ?

  • Jean

    De toute façon, j'ai envie de dire que l'être humain est un être d'émotion. C'est 75% d'émotions et le reste de raisons. L'homo economicus est très loin, c'est un mensonge. Donc à partir de là, comme la cyclotimie est un trouble émotionnel, je dirais donc que oui, nécessairement, la cyclotimie a participé à formuler mes choix. Toutes les compagnes que j'ai eues, sans exception, enfin non, je ne veux pas dire compagne, je veux dire copine, voilà. En fait, c'était toujours des personnes très... l'opposé de ma famille, justement, très sensibles, très proches de l'art, avec une sensibilité émotionnelle très forte. C'était des actes généralement assez émotionnels, assez chauds, pas forcément dans la colère, mais... Voilà, c'est des personnes qui peuvent... qui sont très très empathiques, qui peuvent rapidement pleurer ou rire aux larmes, enfin, des personnes en général qui sont très ouvertes, très curieuses. Alors, je suis un peu tout ça, en fait, et donc, quelque part, je sors aussi avec des personnes... Peut-être qu'il me ressemble un peu, j'en sais rien. En même temps, tu connais un minimum ma compagne puisque tu as bossé avec elle. Elle est comme ça tout en étant très différente de moi. Je pense qu'en amour, c'est ce que je dirais. Ça l'a déterminé sur cet angle-là. Je pense que je n'aurais pas pu être avec quelqu'un de... Justement de... On retourne dans la normalité. Qu'est-ce que la normalité ? J'en sais rien. Quelqu'un de très conventionnel. Après, je me disais, qu'est-ce que c'est quelqu'un de conventionnel ? Mais quelqu'un qui est peut-être un peu fermé ou un peu brutal ou quelqu'un qui est très les études, le job, machin, qui est très conditionné, très cadré, très machin et tout, très droit. Je ne sais pas si j'aurais pu sortir avec. Et je pense que ça fait partie aussi de mon trouble, en l'occurrence, C'est que j'ai besoin de quelqu'un de pas forcément chaotique, tu vois, mais quelqu'un qui a les chakras très ouverts, qui n'est pas refermé sur lui, qui est vachement dans l'improvisation, vachement dans... Donc je pense que ça en a fait partie. Dans mes choix pros, alors déjà... On va dire les deux segments d'études principaux, parce que sinon ça prendrait trop longtemps. Il y a eu mes études en art à la Sorbonne, à Paris 3, et il y a eu mes études en design. Je pense que mes études dans les arts à Pareil 3, même si j'ai vachement aimé, à mon avis, c'était vraiment des études de raison, finalement. J'étais passionné. Et le design, finalement, c'était vraiment le... Vraiment le contraire, c'est-à-dire que j'ai trouvé un espèce d'équilibre dans le design qui est un peu ce qui se passe dans ma tête en permanence, c'est-à-dire à la fois écouter les émotions et en même temps être vachement dans la maîtrise pour pas que ça m'embarque de trop. Donc t'es vraiment à l'écoute de toi, t'es à l'écoute du monde, t'es à l'écoute des autres. C'est très créatif, que ce soit intellectuellement ou que ce soit vraiment de... T'as ton crayon et puis tu commences à griffonner. T'es tout le temps à la rencontre des gens, etc. C'est un peu l'histoire de ma vie, au fond. Et c'est un peu du coup ce qui m'allait le mieux aussi dans ma personnalité et dans la cyclotimie. Parce qu'au fond, c'est un exercice mental qui se fait tous les jours. L'art... Le fait de créer exactement, ça te permet d'expurger des émotions, ça te permet de mettre sur papier des émotions que tu ressens inconsciemment, qui sont en train de te travailler intérieurement, mais tu ne le sais pas. Mais par contre, quand tu vas les mettre sur le papier, c'est là que tu vas les voir. et en plus un effet psychothérapeutique nécessairement puisque du coup tout ce que j'ai pu apprendre dans mon errance médicale finalement bah maintenant je m'en sers aussi pour comprendre les gens est-ce qu'il y a eu des moments où t'as eu le sentiment que t'as si que le type,

  • Giulietta

    parce que là t'as décrit quelque chose de relativement apaisé ou que ça a exalté des choses dont tu as réussi à faire une force Mais je présume que ça, c'est seulement depuis que tu as eu le diagnostic et que tu as compris les ressorts de ta pathologie. Est-ce qu'il y a eu des moments où tu as eu le sentiment que ta maladie a pris le pouvoir sur toi et que tu as fait des choses que tu as regrettées par la suite ?

  • Jean

    Oui. Il y a deux choses. Des expériences en particulier ? Il y en a plein d'autres, probablement. Comme tout être, on regrette des choses dont on ne se souvient plus. Mais il y a deux expériences en particulier. Il y en a une, ce n'est pas vraiment un regret, mais je sais que ça a pris le contrôle. Justement, quand j'étais en train de partir dans le design, Dans ma deuxième alternance, c'est une petite agence tout à fait sympathique, des gens très sympas, hyper pros, etc., qui m'ont beaucoup appris. Mais voilà, mais en fait, j'ai un de mes meilleurs amis de l'époque. On avait fait les 400 coups ensemble, on avait voyagé, on se voyait tout le temps, on avait beaucoup habité ensemble. Enfin bon, bref, on avait vécu des grandes expériences ensemble. En fait, cet ami... Il nous a dit, un mec brillant, il nous a dit, parce que c'était nous, on était trois copains, il nous a dit à l'époque que ça n'allait pas très bien, qu'il sentait qu'il était en train de faire un burn-out encore. Il est parti en vacances avec son cousin, il a pris des champignons là-bas, et il n'est jamais revenu. Il a décompensé avec les champignons. C'est... Enfin, voilà. m'a balancé les pires horreurs possibles alors que c'est une personne très importante dans ma vie ça m'a littéralement détruit j'en ai pleuré non plus que vous voir c'était très dur et là je sais que la cyclotimie a pris le pas là je me suis fait dévorer pendant un an où là j'arrivais plus à ressortir J'arrivais plus à remonter. Je ne savais pas ce que c'était à l'époque, mais j'arrivais plus à... Ouais, j'arrivais plus à revenir dans la réalité, donc j'étais tout le temps, tout le temps, tout le temps en enfer. Et j'étais tout le temps en enfer, alors... Ça va m'amener à un sujet dont je vais parler après, mais j'osais un poker face, pour que personne ne s'en rende compte, mais en fait, j'étais en enfer permanent, avec des phases, du coup, où je m'en sortais, puisque phase d'euphorie, mais qui me renvoyait de l'autre côté. Et là, ouais. Là, j'étais tout le temps entre dépression et... Enfin... L'échelle, la dépression légère et puis dépression sévère, avec des pensées noires, etc. Là, ça a été très dur et j'ai complètement foiré mon alternance.

  • Giulietta

    Et du coup, pour donner moi mon regard en tant que personne qui commençait à te connaître à ce moment-là, moi, je n'avais rien remarqué. Et pour comparer avec des personnes qui sont en dépression, généralement, ça se remarque. Il y a des difficultés à faire face, à sortir, à sociabiliser, tout ça. Et donc je présume qu'une des perversions de la cyclotimie, et peut-être aussi une des ressources que tu as, c'est que tu alternes entre deux sentiments, et même si ton mood général était plutôt dépressif, tu as eu des moments de sociabilité et des moments euphoriques. Ou en fait, tu donnais carrément le champ, j'y reviens rien.

  • Jean

    En fait, tu sais... Je vais parler de Jim Carrey.

  • Giulietta

    Ah bah, vas-y.

  • Jean

    C'est ça, hein. Dites-en. Jim Carrey, il a eu le plus ou le moins arrêté sa carrière en général. Il fait surtout de la peinture et donne des interviews. Il n'a pas le mal parlé de dépression, notamment. Et il a parlé d'un sujet, en l'occurrence, dont je voulais parler, donc ça tombe très bien. Il s'appelle le faux self. Le faux self, en gros, c'est... Tu vois la comédie à l'arté avec les deux masques. Ben voilà. En gros, t'as le masque souriant. En fait, ce masque souriant, c'est un faux self. C'est un masque. Parce que derrière, par contre, c'est pas un masque qui boude. Enfin, derrière, il n'y a pas de masque. C'est vraiment toi, quoi. Donc, en fait, finalement, tu te mets un masque. pour qu'en société, tu sois acceptable. Et en fait, même le but ultime, c'est un peu de cacher ce que tu ressens réellement. Parfois, c'est même un peu inconscient. Et moi, j'ai tellement, tellement été habitué à porter un masque, finalement, être dans un fauteuil, avec une personne toujours très joyeuse, très... à faire des gros bruits, des grands gestes, etc. que finalement, ça ne se voyait pas. Et même moi, ça me rassura à l'époque. de me voir comme ça avec les autres parce que ça me prouvait que j'étais pas encore tombé, que j'étais encore là en fait ça allait très très mal ça allait extrêmement mal et quand il s'agissait de bosser par exemple, c'était pas possible c'était vraiment pas possible rétrospectivement ce que j'aurais dû faire c'est me mettre 6 mois en arrêt maladie et aller dans un institut de repos ou un truc comme ça pour être coupé du monde et rebranché avec la réalité parce que j'étais en enfer

  • Giulietta

    C'est une difficulté liée à la psychiatrie, c'est que, autant sur un symptôme physique, quand on te dit on va te mettre en arrêt maladie, il faut que tu ailles à l'hôpital, il faut que tu te poses, attention, fais gaffe et tout, ben tu le fais. Autant expliquer aux gens que t'es en dépression, que t'arrives pas à faire face et que c'est compliqué, et le fait d'aller te faire hospitaliser en lien avec ta santé psy, ben là ça devient tout de suite beaucoup plus compliqué.

  • Jean

    De toute façon, sans même parler de cyclotimie, il suffit, et t'as dû le voir toi-même, peut-être ou pas, en tout cas moi je l'ai vu à plusieurs reprises, il suffit de voir quand quelqu'un est atteint de dépression nerveuse. Sans forcément être au bout, au ras du suicide, mais juste quelqu'un qui est atteint de dépression nerveuse. Il ne peut plus se réveiller... Le matin, il ne fiche plus grand-chose, il joue aux jeux vidéo, etc. En fait, il ne va pas bien, le monsieur-là. Il ne va pas bien du tout, en fait. Plutôt que de lui mettre des... Comme si mettre un coup de pied en fesse à quelqu'un qui ne va pas bien, ça va forcément l'aider. C'est sûr. C'est vrai que j'aurais dû y penser, j'aurais dû mettre un coup de pied en fesse, puis aujourd'hui, je serais plus... Moi, je n'ai pas été dans ce cadre-là, parce que faux self. Mais... Quand je vais trop mal, je m'en vais. Et je pars d'endroits, je me débrouille. Mais je pars d'endroits où je pars du job, où je ne sais pas, où je crée une nouvelle forme de vie. Parce que c'est de la cyclotimie, donc je sais que c'est mécanique. Et même avant, quelque part, je savais un peu inconsciemment que c'était mécanique, parce que ça finit par passer quand même. Ce que je voulais dire de base, c'est ça. C'est qu'on a un peu digressé. C'est que la dépression nerveuse, qui est pourtant un truc simple, théoriquement, pardon les faits, mais théoriquement, que tout le monde comprend, que tout le monde connaît, qui est accepté par la société, tu vois encore aujourd'hui pourtant que quelqu'un qui est en dépression nerveuse ou qui ne se dit pas en dépression nerveuse, mais qui a les symptômes d'une dépression nerveuse, va être vu comme quelqu'un qui se laisse aller. pas son entourage. Ça pose quand même deux, trois questions. Alors que la cyclotimie, qui est un truc qui n'est pas connu, qui est très mal compris même par les psychiatres en France, oui, en fait, tu comprends pourquoi il y a des gros problèmes. Tu comprends pourquoi les gens ne se sont pas pris au sérieux. Tu comprends pourquoi il y a des gens qui sont atteints de cyclotimie et qui vont en fait, de base, peut-être ne pas avoir de trauma, mais qui vont en avoir parce qu'ils vivent avec un truc qui leur bousille la santé.

  • Giulietta

    et qui ne sont pas reconnus en tant que tels ou qui sont vus comme des gens qui exagèrent leurs symptômes je crois que t'en parlais tout à l'heure moi j'ai plus trop de questions est-ce qu'il y a des points que tu souhaites aborder parce que tu es venu avec plusieurs pages de notes oui alors le truc je regarde rapidement mais le truc c'est que je prends ton temps parce que j'ai pas envie que tu partes

  • Jean

    en te disant que tu n'as pas dit quelque chose ouais tu as bien raison non c'est bon j'ai tout dit c'est formidable il y a un dernier truc que j'aimerais rajouter mais je sais pas si t'avais prévu je crois pas c'est justement comment bien vivre avec ta cyclotimie et

  • Giulietta

    bah vas-y Les recettes de Jean.

  • Jean

    Les recettes de Jeannot. Alors, comment vient vivre sa cyclotimie ? Je ne sais pas. Il y a quelques livres en France qui sont intéressants. Il y a des études en France et des études aux Etats-Unis qui sont intéressantes. Il faut fouiller. C'est pénible, mais il y a des trucs qui sont intéressants. Ça, c'est le premier point. Il faut les lire. C'est vraiment important. Ça peut parfois être carrément hermétique, mais il faut se lancer parce que... ça permet de mieux comprendre déjà ce qu'on ressent, ça permet de mieux comprendre ce qu'on a, et ça permet justement de mieux, derrière, créer et adapter des mécanismes pour davantage prendre en charge sa cyclotimie. Et quand bien même on a trouvé un psychothérapeute qui comprend la cyclotimie et qui vous aide en tant que patient, ça ne suffit pas, il faut quand même un peu se prendre en charge par soi-même aussi. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, et ça, c'est vraiment des basiques, mais on parle d'avoir une hygiène de vie pour quelqu'un qui n'est pas forcément atteint de troubles émotionnels. Ça l'aidera à aller loin. Oui, en fait, les cycles thymiques, c'est qu'en fait, si tu es cycle thymique, tu ne peux pas faire ta vie sans avoir un minimum d'hygiène de vie. Parce qu'en fait, plus tu as une bonne hygiène de vie, plus tu pourras éviter d'avoir des yo-yos émotionnels. Et surtout, moins tu auras des yo-yos émotionnels, moins tu auras des yo-yos émotionnels. Inversement, plus tu auras des yo-yos émotionnels, plus tes yo-yos émotionnels seront forts, ils iront loin, et donc plus ils deviendront forts. En fait, là pour le coup, c'est un peu cyclique, c'est plus c'est fort, plus c'est fort, moins c'est fort, moins c'est fort. Je ne suis pas une bonne personne pour dire ça, du fait que je suis un très bon vivant, mais l'hygiène de vie, ça ne paraît pas comme ça, ça paraît être un argument bête, mais en fait c'est hyper important pour la cyclotimie d'avoir une bonne hygiène de vie. C'est vrai pour tout le monde, ce n'est pas particulièrement vrai avec les cyclotimies. Entourez-vous de gens qui vous comprennent et qui vous comprennent vraiment. Fuyez absolument les gens qui ne vous comprennent pas, qui sont toxiques, Parce qu'en fait, c'est vrai pour une personne qui n'est pas atteinte de cyclotimie, mais dans votre cas, ça va vous entraîner encore pire dans vos tourments, dans un sens ou dans l'autre. La personne d'un coup est super sympa, très bien, ça vous envoie dans une phase hypomaniaque. La personne vous rejette ou a un comportement toxique, ça vous envoie en enfer. Et de toute façon, si vous allez dans une phase hypomaniaque, ça vous enverra aussi en enfer, quoi qu'il se passe. Et plus vous montez, plus vous descendez. Voilà, c'est vraiment des basiques. Et surtout, soyez créatifs. Faites des choses créatives. Utilisez vos mains. Ça vous fera le plus grand bien et ça vous donnera beaucoup de confiance en vous. Pour reprendre sur un dernier exemple que j'avais zappé et qui pourtant est vital, c'est Dr Elie Antouche, pour le coup, qui en parle dans son bouquin que je fais et qui est... rébarbatif, pénible et même disons-le carrément chiant au début comme exercice mais qui devient après hyper intéressant c'est le fait que chaque jour, dans un petit carnet sans aller jusqu'au point où il dit avec un tableau machin et tout mais juste décrire comment cette journée on s'est senti émotionnellement quel comportement problématique on a eu qui pouvait être symptomatique d'un souci émotionnel, dans un sens comme dans l'autre, et si oui, pourquoi, qu'est-ce qu'il a généré ? L'idée, c'est que derrière, ça peut permettre de voir quand on est en train de partir dans une série de comportements hypomaniaques ou inversement, dans une série de comportements dépressifs. Si la cyclotimie, c'est yo-yo, il y a quand même des tendances et il y a aussi un peu des vagues aussi, malgré tout. C'est là où c'est un peu pervers aussi, c'est que je peux être plus ou moins en dépression en continu pendant une phase, pendant un mois, deux mois, six mois, tout en ayant des comportements complètement hypomaniaques. Voilà, donc il faut se méfier de tout ça. Et donc ça, c'est un bon moyen d'avoir un... Il n'y en a plus. D'avoir un... a un bon contrôle sur son état émotionnel. Et ça permet notamment de se dire Ouh là là, je bois trop en ce moment, c'est pas bien ou Oh là là, je fais rien en ce moment, je reste sous le chemin Bon bref, voilà, c'est vraiment important. C'est bon, je crois ?

  • Giulietta

    Ouais, c'est bon. Est-ce que t'as un mot de la fin ?

  • Jean

    Sortez couverts ? Non, ça marche pas, ça.

  • Giulietta

    Vraiment, je m'attendais à mieux venant de ta part.

  • Jean

    Non. Est-ce que j'ai un mot de la fin ? Je réfléchis. Je dirais deux choses, ouais, je pense, qui m'ont vraiment aidé dans ma vie, mais qui m'ont aidé aussi avec la cyclotimie. La première chose, c'est l'autocritique. Et in fine la critique. Faut être capable de toujours remettre les choses en question. Même les médecins. J'ai une médecin qui m'a dit un bon patient, c'est un patient critique. C'est un patient qui, s'il n'est pas tout à fait OK sur le diagnostic, même s'il n'est pas médecin, ça n'empêche pas d'être critique, il faut aller voir un autre praticien. Et le meilleur moyen d'être diagnostiqué, c'est clotimique. c'est de voir plusieurs personnes. Et typiquement, Loubi en parle dans sa BD. Moi, je l'ai vécu. J'ai eu de l'errance médicale aussi. Ça a été terrible. C'est un trauma, d'ailleurs. Je peux le dire. C'est un trauma. Je sais qu'il y a des gens qui prendront encore plus de temps que moi. Moi, ça m'a pris quand même 15 ans à la fin. Donc c'est ce que je dirais. Soyez critique envers vous-même. Ça vous aidera à voir l'éléphant arriver et ça vous aidera à résister aussi quand vous êtes en pleine tempête émotionnelle. mais ça vous aidera aussi à résister à quand vos proches sont un peu toxiques avec vous concernant la cyclotimie ou concernant vos troubles émotionnels, vous avez une dépression passagère ou quoi. En fait, ce n'est pas un petit truc, ce n'est pas pour blaguer. Soyez critique envers leur discours et soyez critique envers le médecin si le médecin, vous avez l'impression qu'il dit qu'il est à côté de la plaque ou qu'il ne connaît pas le sujet ou qu'il est un peu dans la facilité. Bah, changez de médecin, allez-vous en voir un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis un autre, et puis au bout d'un moment, ça ira.

  • Giulietta

    Vous avez deux conseils, ça c'est le premier.

  • Jean

    Non, le deuxième conseil, c'est les amis. C'est vrai pour tout le monde, mais... et je pense à notre ami notamment, qui a posé la question, qui se reconnaîtra probablement, mais... les amis, c'est quand même un truc hyper important. C'est vrai en général, mais dans le cadre de la cyclotimie, c'est particulièrement important. Quand vous avez des vrais bons amis qui vous connaissent, c'est eux qui seront capables de vous ramener à bon port. Que vous soyez un peu dans l'hypomanie et que vous commencez à avoir des comportements qui ne sont pas bons pour vous. Typiquement, les amis sont là un peu comme la... C'est un peu la tour de guêpe de la cyclotimie. Ils sont capables de vous voir partir dans un sens comme dans l'autre et de vous ramener. Donc c'est important de les trouver, et typiquement notre ami commun, sans s'en rendre compte malgré lui, par ses simples comportements naturels, par sa simple présence, plusieurs fois il m'a ramené à bon port. Juste parce que c'est quelqu'un de solide, juste parce que c'est quelqu'un de merveilleux finalement. Et plusieurs fois il m'a ramené à bon port, et il y en a d'autres et ils n'ont pas forcément besoin de vous dire les choses juste le fait qu'ils soient là ça vous aidera à vous corriger et à éviter d'aller dans des situations où vous allez vous faire mal un immense merci à Jean d'avoir partagé son récit et son regard sur le monde j'ai été très touchée au montage de cet épisode de me rendre compte de tout ce que Jean avait partagé les moments compliqués comme les périodes de joie le tout sans faux semblants et avec une sincérité désarmante j'espère sincèrement que cet épisode vous sera utile, que vous soyez à l'atteinte de Cyclotini ou non on parle encore malheureusement trop peu des troubles de l'humeur et de la dépression alors que ce sont des pathologies qui ont un impact important sur la vie de celles et ceux qui vivent avec l'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins imaginé et enregistré à Paris lancé entre Marseille et Naples diffusé avec amour si ce format vous plaît et que vous souhaitez me soutenir n'hésitez pas à noter l'anomalie sur votre plateforme d'écoute de podcast préférée, cela m'aidera beaucoup en attendant les prochains contenus, prenez soin de vous

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