- Speaker #0
C'est dur, c'est difficile vraiment de l'accepter. Pendant longtemps, je l'ai appelée ma coloc. J'écrivais ça sur Instagram, je l'ai appelée Siki. Et je disais que Siki, elle avait un peu débarqué chez moi sans trop me demander. Et en fait, je n'avais pas le choix, c'était une coloc.
- Speaker #1
Bonjour et bienvenue dans l'Anomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Je vous propose aujourd'hui d'écouter Tevi, qui témoigne sur sa vie avec le trouble schizoaffectif. Pour mettre quelques éléments de définition, il s'agit d'un trouble psychiatrique qui combine des symptômes de la schizophrénie, dévie par ainsi des voix qu'elle a pu entendre, et des symptômes liés à l'humeur qui peuvent se rapprocher de la bipolarité. Pour expliquer rapidement les concepts liés à la bipolarité, une personne bipolaire va connaître deux types de phases notables entre des périodes plus classiques. La personne concernée va alterner entre des périodes euphoriques et des périodes de dépression. Pour devenir un expert sur le sujet, vous pouvez écouter l'épisode que j'ai enregistré avec Jean, qui s'appelle Le marin et la tempête. On revient sur les aspects théoriques. très longuement au début de l'épisode. Pour revenir à Tevi, elle m'a beaucoup touchée dans la manière dont elle parle de Siki, sa maladie qui est un peu devenue sa coloc, comme elle le dit. Car il y a un avant et un après Siki pour Tevi, et elle l'explique dès le début, parlant d'elle au passé. Tevi m'a désarmée par sa sincérité. Elle évoque dans l'épisode avec beaucoup de pédagogie les voix qu'elle a entendues, les pensées et les actions qu'elle a eues durant les phases maniaques, et les difficultés que sa maladie peut représenter pour elle comme pour ses proches. Comme toujours, on a balayé une ribambelle de sujets. Le rapport à l'identité tout d'abord, qui est ambigu pour Tevi. Entre eux, la Tevi d'avant et la Tevi oncologue à Issyk. L'importance de l'entourage, car Tevi a la chance d'avoir une famille aimante et soutenante. J'ai repris une phrase de sa mère pour intituler cet épisode que je trouve très juste. Elle lui rappelle sans cesse que c'est ok. Il y a également Kevin, l'amoureux de Tevi qu'elle a rencontré après avoir déclaré sa maladie avec lequel elle communique tout, dans un respect mutuel. Sur ce sujet, il y a quelques minutes solaires sur le dating et la maladie. Enfin, nous évoquons aussi le fait de vivre avec des symptômes dépressifs et de manquer d'énergie, ce qui n'a rien d'évident. Car Tévi, vous allez l'entendre, est une hyperactive. Je vous laisse donc avec la belle discussion que nous avons nouée.
- Speaker #0
C'est parti ? C'est parti.
- Speaker #2
Allez, trop bien. Bon, et bien merci beaucoup de m'inviter chez toi pour enregistrer cet épisode. Comment est-ce que tu te sens ?
- Speaker #0
Comme je te l'ai dit dans la voiture, j'ai envie de bien faire. Donc pas stressée, mais un peu... un petit peu.
- Speaker #2
Est-ce que tu peux te présenter de la façon dont tu le souhaites ? pour que les auditeurs sachent un petit peu qui tu es.
- Speaker #0
Alors, quand tu m'as envoyé la liste des questions et avec cette première question, figure-toi que je me suis dit que ce n'est pas facile de se présenter. Surtout après que la maladie soit venue toquer à ma porte. Parce que j'ai l'impression qu'elle m'a redéfinie. Donc si je devais me présenter simplement, je dirais que je m'appelle Laura et Tévi, donc j'ai deux prénoms. Généralement, je préfère qu'on m'appelle Tévi, mais les deux me vont. J'ai 33 ans. J'habite à Shell, dans le 77, donc en banlieue parisienne, banlieue dans laquelle j'ai grandi. Je suis d'origine sino-cambodgienne. Mes parents sont arrivés en 75 en France. Et jusque-là, ça va, ça n'a pas trop bougé. Mais si je devais me définir après, c'est difficile. Parce que la maladie a vraiment tout changé. Donc je vais te donner une présentation que... j'aurais donné avant la maladie. Donc, j'étais ingénieure dans le bâtiment. Je dansais. Je faisais du breakdance. Je faisais du piano. Je suis mordue de voyage. J'ai eu la chance de fouler le territoire de 33 pays. J'aime manger. J'aime cuisiner. Et voilà, dans les grandes lignes, je pense que j'ai tout dit.
- Speaker #2
C'est la première fois qu'une personne se décrit en employant le passé pour beaucoup de choses. Donc la première question qui me vient à l'esprit, c'est pourquoi est-ce que ta maladie te fait conjuguer certains verbes au passé ?
- Speaker #0
Parce que je suis aujourd'hui très fatiguée à cause de la maladie et des médicaments. Et en fait... Quand le diagnostic est tombé il y a trois ans, en 2021, ça a remué tout dans ma vie. Et en fait, les allers-retours à l'hôpital, les allers-retours dans mes périodes de convalescence ont fait que j'ai dû arrêter certaines choses dans ma vie. Et c'est vrai que je ne voulais pas me définir comme malade. Donc je préfère me définir au passé. Et voilà.
- Speaker #2
Ok. Et de quelle maladie, du coup, tu nous parles aujourd'hui ?
- Speaker #0
Je vais vous parler du trouble schizoaffectif.
- Speaker #2
Est-ce que tu peux revenir justement sur ton histoire sur les trois dernières années ? Comment est-ce que le trouble schizo-affectif est arrivé dans ta vie ?
- Speaker #0
Alors, tout a vraiment pour moi débuté courant mai 2021, où en fait, je décide de quitter mon taf de l'époque et mon ex. Donc, j'ai fait deux grands choix dans ma vie. Et je décide de faire le tour du monde, de programmer un tour du monde. Et jusqu'à présent, je ne sais toujours pas si c'est la maladie qui m'a fait faire ça ou si c'est moi. Je ne sais pas, parce que c'est des questions que je me pose, c'est des questions que les médecins se posent. Et pendant cette période-là de mai 2021, moi, je suis super heureuse. Je me dis, je suis libre, en fait. J'ai des économies. J'ai acheté mon appartement trois ans auparavant, quatre ans auparavant. Donc, je peux le mettre en location. J'ai un diplôme qui fait que je... peux rebondir si je veux reprendre un travail plus tard. Et je prépare ça avec beaucoup d'enthousiasme, donc ce projet de tour du monde. Et peut-être une ou deux semaines après que je fasse ce choix, en fait, je commence à entendre des voix dans ma tête. Donc ça, c'est la partie plutôt schizophrénique de la maladie, parce que le trouble schizoaffectif, c'est un mélange de bipolarité et de schizophrénie. Et donc, j'entends des voix, et en fait... Je vais les écouter et je vais les suivre. Je n'ai pas du tout peur. Je trouve ça pas du tout bizarre. Et je suis dans une genre d'euphorie en disant trop bien, il y a un truc nouveau qui s'ouvre à moi. Le monde de l'invisible existe. Des esprits me parlent. Sauf qu'en fait, moi, de mon côté, mon entourage flippe à mort. Et je finis en psychiatrie, en fait.
- Speaker #2
Tu leur dis à l'époque que tu entends des voix ?
- Speaker #0
Oui, parce que les voix me disent de le dire. Donc les voix me disent de communiquer ce qu'ils sont en train de me raconter. Donc dans ce qu'ils me disent, il y a tu es l'élu, tu es le messie, tu es venu sauver le monde, tu as été choisi parmi toutes les âmes de la terre pour délivrer le monde de sa souffrance Et je suis quand même critique sur ce que j'entends parce que je leur dis en premier lieu vous êtes trompé de personne Ça, je m'en souviens très bien. Je dis aux voix parce que je pouvais communiquer avec ces voix-là. Vous êtes trompé de personne. Moi, je ne suis qu'une petite meuf du 77. Je n'ai rien demandé. Et en fait, parmi les voix que j'entends, j'ai des voix qui se prétendent être des anges, notamment l'ange Gabriel. J'ai des personnes défuntes. J'ai eu Michael Jackson. J'ai eu Siddhartha Gautama, le Bouddha de notre ère. J'ai eu... qui d'autres comme personnes connues. J'ai eu Winston Churchill. J'ai eu plein de voix qui se sont prétendues être ces personnes-là. Et j'ai eu des personnes défendues de ma famille, en fait. Notamment ma grand-mère, que je n'ai jamais vue, du côté de ma mère. Et en fait, elle voulait absolument parler à ma maman. Donc, du coup, j'ai fait venir ma maman et mon papa en disant Il y a des gens qui veulent vous parler, etc. Et en fait, les voix pouvaient... prendre contrôle de mon corps. Alors c'est très étrange de dire ça, mais c'est comme un genre de possession. Et les voix disaient Ma fille, tu me manques. On parlera de ma mère. Tu me manques. Je suis désolée de t'avoir abandonnée. Avec beaucoup de larmes. Moi, je pleurais parce que j'étais émue d'entendre ça. Et en fait, moi, je ne le voyais pas, mais mes parents étaient ultra sceptiques. Qu'est-ce qu'elle raconte, ma fille ? Mais moi, à ce moment-là, je crois qu'il me croit, en fait. Et c'est au bout d'une semaine, dans un peu le fiasco, là, comme ça, que ma mère décide, en fait, d'appeler les urgences. Et je finis aux urgences le 7 juin 2021. Et après avoir attendu de longues heures dans la salle d'attente, je suis reçue par deux psychiatres urgentistes qui disent, en fait, à ma mère... votre fille souffre de bipolarité. Donc pas tout de suite le trouble schizoaffectif, d'abord bipolarité.
- Speaker #2
Et toi à l'époque, qu'est-ce que tu comprends de la situation ?
- Speaker #0
Moi je me dis qu'ils se trompent. Moi je me dis non, c'est pas possible. Je dis c'est très tangible ce qui m'arrive, le monde de l'invisible existe, si on reprend les cours de physique-chimie de la terminale, on sait que sur le... spectre électromagnétique, on sait qu'il y a des ondes qu'on ne voit pas, comme les micro-ondes ou les ondes gamma. Donc peut-être qu'en fait, je reçois des signaux de l'invisible qu'on n'est pas encore capable de capter avec des appareils existants. Et je suis persuadée... que pour moi, j'entends des choses de l'au-delà. Persuadée, quoi. Donc non, c'est hors de question que j'aille en psychiatrie.
- Speaker #2
Du coup, tu te retrouves internée, je présume.
- Speaker #0
Ouais.
- Speaker #2
Et comment tu réagis à ça ?
- Speaker #0
Eh ben, j'ai de la chance que les voix sont très rassurantes et les voix me disent T'inquiète, tout arrive pour une raison
- Speaker #2
Oui, c'est d'ailleurs ce que tu m'as dit tout à l'heure.
- Speaker #0
Donc, tout arrive pour une raison, donc ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. Et du coup, moi, je leur fais confiance, en fait, à ces voix. Parce qu'en fait, c'est tellement, on va dire, déroutant de se faire... possédé qu'on y croit en fait. On se dit bah oui c'est sûr ça existe donc je crois à ces voix qui peuvent voir sûrement l'avenir, qui ont une avance sur nous et du coup j'ai confiance en ces voix là. Et en fait pendant 3 ou 4 jours je reste là-bas mais par contre les voix me disent surtout pas de médicaments. Donc je refuse à chaque fois les traitements mais de manière très passive. Je suis pas du tout dans la... colère.
- Speaker #2
Le personnel médical voit que tu refuses un médicament ou est-ce que tu les recraches ?
- Speaker #0
Ils me les proposent et je dis non, j'en veux pas. Et ça dure 3 à 4 jours.
- Speaker #2
Et qu'est-ce qui se passe ensuite ?
- Speaker #0
Ils sont arrivés à 12 dans ma chambre avec une seringue et en fait, ils m'ont dit Madame San, là, c'est plus possible. Et moi, à l'époque, j'avais une avocate pour une affaire que j'avais et je l'ai appelée parce que j'étais terrifiée d'être là-bas. Et je lui dis, écoute, aussi bizarre que ce soit, j'entends des anges, ils me disent que tout va bien se passer, mais je flippe quand même. Et mon avocate de l'époque, en fait, était croyante, donc elle, elle me soutient en fait. Et elle me dit, écoute, tout va bien, ne panique pas, moi je crois aux anges aussi. De toute façon, tu n'es pas obligé de prendre des médicaments. Le code de la santé publique dit que si tu n'as pas envie, tu n'es pas obligé de prendre. Et elle me dit, écris tel et tel courrier, tu les donnes à la direction et tu vas être protégée. Donc j'écris ces courriers où je stipule que mon avocate, c'est cette avocate, que je ne veux pas prendre de traitement, que je veux qu'on m'explique la situation, pourquoi je suis internée, que je veux voir les certificats médicaux qui imposent que je sois internée, etc. Et en fait, eux, dans le dossier médical que j'ai récupéré, ils ont dit que j'étais trop procédurière. Et en fait, j'ai jamais eu de cause parce qu'ils m'ont quand même piqué. Ils m'ont quand même piqué, alors que j'ai bien dit, appeler mon avocate, parler avec elle. Parce qu'elle, elle me connaît, elle sait que je vais bien.
- Speaker #2
C'est un sédatif qui t'a imposé ?
- Speaker #0
Alors, je ne sais plus ce que c'était, mais je sais que j'ai dormi pendant trois jours. Donc oui, probablement un sédatif.
- Speaker #2
Et à ton réveil ?
- Speaker #0
J'étais comme un légume. Un légume, je bavais, je marchais comme dans Walking Dead. C'était affreux. Je n'ai plus beaucoup de souvenirs de cette période-là parce que malheureusement, les neuroleptiques, ça efface la mémoire. Mais je me sens très faible. J'ai été mise dans une chambre sécurisée. De mémoire, c'était parce qu'en fait, je leur avais dit... En gros, je restais polie avec eux, mais si j'avais envie, je pouvais leur casser la gueule. Ok. Alors de nature, je n'aurais jamais dit ça. Donc je pense que ça, c'est plutôt la partie maniaque de la maladie qui fait que j'étais un peu exaltée. Et ouais, fatiguée, j'étais défoncée.
- Speaker #2
Ok. Et comment se sont passés les mois qui ont suivi justement ? Ou je présume le diagnostic a été affiné, vu qu'on t'a dit que tu avais aussi un trouble schizophrène ?
- Speaker #0
Déjà, il y a eu toute l'hospitalisation qui a duré huit semaines. C'est très long. Moi, je me souviens épisodiquement de moments où j'ai envie d'arrêter les médicaments quand je suis en période de permission. Parce que quand tu es hospitalisé, tu as le droit à des permissions le week-end, quand tu commences à aller un peu mieux. Et je me souviens, j'avais un week-end de permission chez mes parents et de moi-même, je n'ai pas voulu prendre mes cachets. Chose à ne pas faire. Mais on le fait tous, parce que quand je parle avec mes pères, on l'a tous fait, le fait d'arrêter les médocs, etc. Et je tremblais. Je m'en souviens, j'avais des symptômes parkinsoniens. C'était affreux. Je suis retournée à l'hôpital. Ils m'ont dit, mais il ne faut pas faire ça. Il ne faut jamais faire ça, etc. Et puis, petit à petit, les médicaments commencent à prendre effet. Et je finis par sortir. Mais je me souviens que j'avais menti. J'avais dit que j'entendais plus rien. Et j'entendais toujours. Je l'entendais toujours. Et ça a duré jusqu'à... Les voix ont duré jusqu'à août. Donc ça a duré de juin, juillet, août. Trois mois, ouais. Et en fait, moi, je pensais que j'allais quand même faire mon tour du monde parce que les voix me disaient que j'allais faire mon tour du monde. Donc moi, j'étais contente. Je me suis dit chouette, on va partir. Et en plus, j'ai des voix, donc trop bien, je ne serai pas seule. Et en fait, je me souviens genre une semaine avant de partir où je n'avais rien acheté comme billet parce que les voix ne me disaient pas où je devais aller. Elles étaient très floues sur le... programme que je devais suivre et j'y croyais tellement dur comme fer que je prenais pas d'initiative. Je me cachais beaucoup derrière ces voix. Et en fait, je vais à mon rendez-vous de contrôle au CMP, au Centre Médico-Psychologique de Torcy, et ils me disent Non, mais Madame Sane, vous pouvez pas partir, en fait. Et là, je me décompose et les voix se barrent, en fait. À la même période, les voix se barrent. Et là, je me confronte à la maladie, à ce moment-là. Parce que tant qu'il y avait les voix, bah... pour moi, j'étais pas vraiment malade. Pour moi, c'était une erreur médicale et que il se trompait.
- Speaker #2
Et ça se passe comment, ce moment où, justement, les voix qui avaient l'air, malgré tout, assez bienveillantes vis-à-vis de toi et qui avaient l'air de t'accompagner, elles disparaissent. Je présume que c'est le moment où tu te rends compte, peut-être, de ce qui s'est passé ces derniers temps. Comment ça se passe ?
- Speaker #0
Très violent. Chaque année, quand elles partent, parce que ça arrive quatre fois, un peu ce scénario-là où j'ai les voix qui arrivent. où je commence à délirer, parce que je crois que je suis le messie, j'y crois dur comme fer, c'est très violent quand elles partent. Parce qu'en fait, tu te confrontes à la réalité et tu te rends compte de tout ce qui s'est passé les semaines qui ont précédé le débat. Et il y a une forme de culpabilité.
- Speaker #2
Je présume que durant cette période, tu n'as pas pu travailler, donc tu étais en arrêt maladie.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #2
Ce moment où... Tu te reconfrontes à la réalité, qu'est-ce qui se passe ? T'as dû prendre du temps pour toi, t'as pas pu reprendre une activité professionnelle ?
- Speaker #0
Ouais, j'ai dû prendre du temps pour moi parce qu'en fait, ce que je viens de décrire là avec les voix, l'euphorie, je dormais pas beaucoup aussi, j'étais désinhibée socialement. C'est ce qu'on appelle l'épisode maniaque qu'on retrouve en bipolarité. En fait, ce qui suit, c'est l'épisode dépressif. Et alors là, c'est descente aux enfers. Ça, c'est le pire dans la maladie, je trouve. Parce que les voix, à la limite, pourquoi pas, c'est rigolo. Enfin, pour moi, ça n'est pas forcément rigolo pour mon entourage. Mais moi, je me sens bien à ce moment-là. Parce qu'en fait, scientifiquement, apparemment, t'as un surplus de sérotonine et de dopamine. Donc en fait, t'es happy, quoi. T'es trop bien. Par contre, l'autre phase, l'autre versant de la colline, c'est très, très violent parce que tu te retrouves à ne plus avoir envie de rien faire. J'ai été quasiment alitée pendant 2-3 mois la première année, où en fait je ne me levais que pour manger. Même me doucher c'était difficile. En fait les médecins disent que ton corps consomme tellement d'énergie pendant la phase maniaque qu'en fait en dépression il doit récupérer. Et pour moi c'était quelque chose d'horrible parce que j'ai un tempérament hyperactif. Donc de me retrouver dans le lit... chez mes parents parce que j'arrivais même plus à vivre toute seule. J'ai dû retourner vivre chez mes parents. Galérer pour manger, ça me coûtait de l'énergie de manger. C'est flippant. T'as envie de mourir. En fait, c'est limite, t'es déjà mort dans un corps vivant. Les médecins disent que c'est la conséquence des médocs et de la maladie. C'est un peu les deux.
- Speaker #2
Parce que le but de tes médocs, c'est des neuroleptiques, c'est ça ?
- Speaker #0
T'as neuroleptique et thymorégulateur. La différence exacte, je ne suis pas scientifique, j'en parlerai pas super bien, mais tu as un régulateur de l'humeur qui est censé aplatir les hauts et les bas. Et les neuroleptiques, c'est plus pour la partie schizophrénique, donc les voix, les délires, les psychoses,
- Speaker #2
etc. Justement, on en avait parlé par téléphone, mais tu me disais qu'il y a un impact de ton traitement qui te redescend un petit peu et qui te rend moins vive. Et t'avais la phase dépressive en plus, où vraiment c'était difficile de te mettre en mouvement et de reprendre une vie quotidienne.
- Speaker #0
Ouais, c'est ça. La difficulté à reprendre le mouvement, c'est exactement ça.
- Speaker #2
Et ton entourage, ils réagissent comment à cette époque ? Parce que t'étais chez tes parents, donc ils ont l'air quand même de t'avoir beaucoup entourée.
- Speaker #0
Oui, énormément. La première année, ça a été extrêmement difficile parce que personne ne connaissait cette maladie dans notre famille. Donc on était tous très... Enfin, non, pas moi, parce que moi j'étais toute heureuse d'entendre des voix. Mais en l'occurrence, ma mère était... extrêmement inquiète. Là, en 4 ans, elle est beaucoup plus rodée. elle appréhende la chose beaucoup plus aisément qu'avant. Mais à cette époque, c'était très compliqué. Ils ne savaient pas trop comment m'aider, en fait, parce qu'en phase maniaque, j'ai tout foutu des personnes. Je pestais contre les médicaments, je pestais contre les médecins, je pestais contre la maladie en elle-même. Et quand j'étais en phase dépressive, en fait, moi, ma mère, je me souviens, elle me disait, juste prends ton temps. mais elle ne savait même pas quoi dire d'autre. Parce qu'en fait, elle ne savait pas à un moment si j'allais remonter ou pas. Là, cette année, quand j'ai fait ma phase dépressive, elle était pisse. Parce qu'en fait, elle savait que j'allais remonter vu que ça fait trois années de suite qu'on se tape la même rengaine.
- Speaker #2
Et à quel moment tu as compris ce qui t'est arrivé et tu as compris que c'était une maladie et que c'était finalement des voix qui te parlaient mais que c'était peut-être plus dans ta tête ?
- Speaker #0
Je pense peut-être au niveau de la troisième année. Parce qu'en fait, la deuxième année, j'ai arrêté mes médicaments avec l'autorisation du médecin. Parce qu'en fait, j'étais tellement défoncée que je ne voulais pas vivre avec ces médicaments-là. Et je n'étais pas assez avancée en psychoéducation pour comprendre la maladie, tu vois. La troisième année, c'était un peu mieux parce que j'avais gardé un régulateur de l'humeur. Mais je ne voulais pas de neuroleptique, parce que le régulateur de l'humeur, je ne sens pas trop la différence sur mon quotidien. Les neuroleptiques, donc les antipsychotiques, tu sens que cognitivement, il y a un truc qui se passe, et que tu es plus lent, et que tu as plus de mal à t'exprimer, et que tu as du mal à te mettre en mouvement. On revient sur cette notion de mise en mouvement. Je me suis égarée sur ta question.
- Speaker #2
À quel moment tu as pris conscience de ta situation ?
- Speaker #0
Justement, cette fameuse troisième année où j'avais quand même le régulateur de l'humeur. J'avais arrêté l'antipsychotique. J'avais quand même conscience qu'il fallait que j'ai un médicament. J'ai rechuté parce que la combinaison de molécules n'était pas assez costaud. J'ai accepté de prendre un autre régulateur de l'humeur. que j'ai arrêté aussi parce qu'en fait, j'avais trop d'effets secondaires. Et cette année, j'ai l'impression que c'est la première année où vraiment, j'ai conscience que je n'ai pas le choix pour l'antipsychotique. Il faut que je le prenne en plus du régulateur de l'humeur. Mais c'est un travail qui est long, en fait.
- Speaker #2
Et du coup, c'est... Donc moi, dans ma famille, j'ai une tante qui est bipolaire et qui a pris des... Des traitements similaires aux tiens. Et c'est vrai que ça a un impact sur elle, la manière dont elle vit. Effectivement, ça la rend plus calme. Mais elle disait qu'elle ressentait moins les émotions, positives comme négatives, que ça aplatissait un petit peu tout. Toi, aujourd'hui, à quel impact ces traitements sur ta vie quotidienne et à quoi ressemble ta vie quotidienne ?
- Speaker #0
J'ai de la chance d'avoir... J'ai l'impression de trouver la bonne combinaison de molécules. Donc là, c'est la sixième combinaison qu'on essaye. Et on a varié les dosages à chaque fois. Donc si on parle de combinaisons, il y en a encore plus finalement que six. Mais on va dire sur les médicaments, c'est six combinaisons de médicaments. Et là, en ce moment, je me sens juste fatiguée. J'ai l'impression que cognitivement, ça va. Par exemple, il y a quelques mois, avant que je sois sous cette molécule, je n'aurais pas pu faire cet exercice d'interview, par exemple. Je n'arrivais pas à répondre aux gens. Si on me demandait, ça va ? J'allais réfléchir et avant que le oui, ça va sorte, il y a un temps de latence. Et si on me demande de développer, il n'y a rien qui sort. Je l'ai vu beaucoup chez mes pères, cette notion de cognition un peu effritée. Mon quotidien, comment il se passe aujourd'hui, très variable. Je suis sortie d'hospitalisation en avril, donc ça ne fait que trois mois, ça ne fait pas beaucoup. Il faut laisser le temps que le corps évacue aussi tous les médicaments qu'on t'a injectés pendant l'hospitalisation pour te calmer. Je suis plutôt, alors je dirais heureuse, mais je n'ai pas l'habitude d'être fatiguée comme ça. Tu vois, aujourd'hui, j'ai dormi jusqu'à midi et j'ai refait une sieste avant que tu arrives. Mais je pense que je suis plutôt contente quand même. Parce que comme je te l'ai dit, cognitivement, ça va. J'arrive à lire, chose que je n'arrivais plus pendant un moment. J'arrive à écrire même si ce n'est pas foufou, parce que j'aime beaucoup écrire, je tiens des journaux d'introspection. Et j'avais une plume plutôt fine avant. Et je sens que j'ai perdu. Quand je lis, je vois qu'il y a un truc un peu plus terne, un peu plus terreux. C'est difficile.
- Speaker #2
Et tu me parlais de tous tes loisirs avant, du fait que tu dansais, que tu apprenais des langues, etc. Aujourd'hui, est-ce que tu te sens de reprendre ces activités-là ou ce n'est pas encore possible ?
- Speaker #0
Figure-toi que j'ai commencé à reprendre mes cours de langue sur une application Duolingo de cette semaine. Et j'en ai parlé au médecin, il m'a dit ça c'est une super nouvelle, ça veut dire que la condition revient. Je commence à réapprendre le chinois. Par contre, par exemple, j'ai du mal à reprendre le sport. Alors que j'étais une ultra sportive, j'ai couru le marathon en 2020. Avec le break, je faisais beaucoup de sport à côté pour avoir une condition physique à la hauteur du breakdance. Je reprends tranquillement. J'ai repris la lecture il n'y a même pas un mois, donc pareil, c'est dur. Genre je lis, mais ça n'imprime pas. Mais au moins j'arrive à lire. Je comprends ce que je lis. Je m'en souviens, en 2021, je lisais, je ne comprenais rien à ce que je lisais. C'était vraiment affreux. Ou je regardais une série, je ne comprenais pas. Je voyais les actions se dérouler sous mes yeux. Mais si on me demandait t'as compris quoi ? Rien du tout, quoi.
- Speaker #2
Du coup, ça fait 3 ans, 3-4 ans. que t'as été diagnostiquée.
- Speaker #0
Ouais,
- Speaker #2
c'est ça. Donc, il y a des combinaisons de médicaments qui ont été testées. Je présume que les médecins comme toi, vous avez été un peu dans le flou. C'est seulement maintenant, j'ai l'impression que tu commences à un peu trouver comment t'adapter, tout ça. Tu m'avais parlé, quand on a échangé, de psychoéducation, du fait de vachement te documenter sur ce qui t'arrivait. Dans quelle mesure ça t'a aidée ?
- Speaker #0
Ça m'a aidée, déjà, pour en parler. Parce que quand on me demande, bah t'as quoi ? En fait, si tu ne lis pas, tu ne sais pas. C'est très difficile de parler de cette maladie, de ces maladies, parce que moi, je me trouve un peu à la rencontre de deux spectres, la bipolarité et la schizophrénie. Ça m'a aidée à en parler et ça m'a aidée à l'assumer. Ça m'a aidée à dédramatiser aussi, à me dire, voilà, c'est une pathologie, ce n'est pas grave. Ça m'aide aussi dans l'acceptation. du diagnostic, de me dire, bon, il y a des maladies qui existent, qui sont comme ça, et puis ça peut se stabiliser, malgré tout. Alors ça, c'est difficile quand même d'y croire que ça se stabilise, mais à force, justement, de lire des témoignages, de se renseigner sur la maladie, on voit qu'il y a des gens qui s'en sortent. Donc je m'accroche à ça.
- Speaker #2
Même là, depuis tout à l'heure, tu reviens sur ce que tu as vécu avant. T'as l'air d'apprendre de tes expériences et ton entourage aussi a l'air de savoir mieux comment gérer.
- Speaker #0
On est tous beaucoup plus parés et j'ai la chance d'avoir une mère incroyablement forte. Elle est là sur tous les fronts. Franchement, je passe un gros big up parce que quand j'ai rechuté cette année, elle est restée calme. Et pourtant, quand je suis en phase maniaque... je peux être très virulente. Je l'insulte, je n'ai pas été violente. Il y a une fois où j'ai un tout petit peu violenté, où je l'ai pris par le bras et je le regrette extrêmement. Mais bon, c'est sous la maladie, je ne peux pas gérer non plus tout. Et en fait, elle reste là, à mes côtés. Et c'est vrai que je fais une petite aparté sur les mamans qui... accompagnent des patients, elles sont tellement fortes. Je suis sur des groupes de discussion sur Facebook et il y a beaucoup de témoignages de mamans qui sont au bout de leur vie parce qu'en fait, elles vivent des crises psychotiques. Alors, c'est beaucoup plus avec les schizophrènes où en fait, elles affrontent un combat qui est très violent en fait. Et c'est vrai que ma mère, chapeau bas.
- Speaker #2
Et toi, avec le recul, qu'est-ce qui t'a fait du bien dans la manière dont ton entourage a géré les choses et gère les choses actuellement ?
- Speaker #0
Si je prends déjà ma mère, je pense qu'elle me traite comme si j'étais normale. Et ça, c'est chouette. Pour elle, c'est la vie, en fait. Elle a une philosophie de vie où tout arrive pour une raison. Et il faut accepter les choses telles qu'elles viennent. Là, j'ai un trou.
- Speaker #1
Pas de souci. Tu m'avais prévenue. Tu veux qu'on fasse une pause ?
- Speaker #0
Non, on peut continuer. On en avait parlé que ça pouvait arriver d'avoir des trous.
- Speaker #1
Et ce n'est pas grave, ce n'est pas facile de faire des interviews en soi. Je ne sais pas si j'y arriverai. Moi, je n'ai pas encore fait. Donc, pas de jugement. Depuis le début, j'ai l'impression que pour le moment, tu es en train de chercher un peu ton rapport avec ta maladie. Et que c'est p... pas très apaisée. T'as dit que ta maman te traitait comme si tu étais normale. C'est vachement dur vis-à-vis de toi, ce que tu dis. Enfin, c'est la manière dont je le perçois, donc ça veut pas dire que c'est vrai, mais...
- Speaker #0
Bah, la question c'est, est-ce que je me trouve anormale, c'est ça ? Non,
- Speaker #1
c'est comment... Enfin, comment tu te considères... Non. Comment est-ce que tu considères ta maladie vis-à-vis de toi ? Est-ce que c'est... Enfin, oui. Comment tu considères cette partie-là de toi ?
- Speaker #0
Bah, j'essaye de mettre beaucoup de distance avec elle. En fait, elle définit tellement mon quotidien aujourd'hui. C'est dur, c'est difficile vraiment de l'accepter. Pendant longtemps, je l'ai appelée ma coloc. J'écrivais ça sur Instagram. Je l'ai appelée Siki. Et je disais que Siki, elle avait un peu débarqué chez moi sans trop me demander. Et en fait, je n'avais pas le choix. C'était une coloc. A vie ? Alors j'ai du mal à dire à vie parce que la plupart des médecins aujourd'hui disent que c'est une maladie chronique et donc c'est à vie. Mais si tu cherches un peu plus dans la littérature américaine, tu peux voir qu'il y a des cas de guérison en fait. Mais ce n'est pas encore très répandu ces études en France. Quand on parle à des médecins, ils te regardent avec des grands yeux en disant mais qu'est-ce que tu racontes ? Donc je pense que c'est toujours ma coloc, Siki. Et des fois, j'aimerais l'oublier. Mais en même temps, tu vois, si j'ai accepté d'enregistrer cet épisode de podcast, c'est parce qu'en fait, j'ai envie que ça sorte un peu. J'ai envie de l'éloigner de moi. Et en même temps, cette pato, elle m'a permis aussi d'avoir du temps. C'est assez étonnant. du coup, je ne travaille plus et j'ai le temps de prendre soin de moi. Donc, des fois, je me dis que finalement, c'est aussi peut-être une bénédiction. Alors, je prends des pincettes avec ça.
- Speaker #1
Et comment est-ce que tu prends soin de toi ? Tu m'avais parlé de méditation. Ouais. Et alors, qu'est-ce que tu as changé qui te permet un petit peu de prendre soin de toi ou de faire en sorte que ton rapport avec elle soit plus apaisé ?
- Speaker #0
En fait, je méditais déjà avant que ça arrive, mais j'ai juste repris. Alors là, tout doucement. Comment je prends soin de moi ? Je me laisse tranquille. Je me laisse tranquille. J'accepte de faire des journées où je ne fais rien. J'accepte de manger de temps en temps des pains au chocolat si j'en ai envie. J'accepte de ne pas travailler. Ça, ça a été dur d'accepter de ne pas travailler. J'accepte de me faire plaisir aussi. de partir en voyage si j'en ai envie. Voilà, j'apprends à prendre soin de moi.
- Speaker #1
Il y a une particularité dont on avait parlé quand on a échangé par téléphone, c'est qu'en fait, ta maladie, elle s'est déclarée assez tard. Donc en fait, il y a eu un avant et un après. La plupart du temps, il me semble que tout ce qui est troubles liés à la schizophrénie, ça se déclare plutôt avant 25 ans.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
c'est ça. Et tu as vachement évoqué le fait que, dans une certaine mesure, tu étais chanceuse puisque tu avais fait des économies, tu étais propriétaire. Est-ce que tu pourrais décrire concrètement qu'est-ce que la maladie a changé ? Dans quelle mesure toi tu as eu un petit peu de la chance quand même de le déclarer un petit peu plus tard et d'avoir une stabilité financière notamment ?
- Speaker #0
Alors oui, je t'ai dit que je me sentais chanceuse parce que quand je parle avec d'autres pères que je rencontre sur les groupes de parole, en fait ils ont été diagnostiqués beaucoup plus tardivement que moi, beaucoup plus tôt que moi pardon. Et en fait, ça a cogné pile dans le début de leur vie d'adulte. Alors que moi, quand j'ai été diagnostiquée, donc j'avais 30 ans, comme je te l'avais dit, j'avais déjà acheté mon appartement. Du coup, j'avais déjà souscrit à une assurance pour mon crédit qui a pu prendre en charge mon crédit quand je suis tombée malade. J'ai pu me mettre en arrêt maladie, alors que quand tu es diagnostiquée à 18 ans, tu ne peux pas te mettre en arrêt maladie. Et à l'issue des trois ans d'arrêt maladie, je suis passée en invalidité récemment. Donc c'est vrai que j'ai eu de la chance dans ma l'air. de pouvoir être bien encadré financièrement. Parce que c'est vrai que tu as vite fait d'arriver dans des situations de précarité.
- Speaker #1
Même tout à l'heure, on parlait du... Donc, tu as peut-être un projet immobilier avec ton compagnon. Et on parlait de l'accès au crédit. Et c'est vrai que pour toi comme pour moi, l'accès au crédit, il est un petit peu compliqué. Puisque quand tu es confronté à la maladie, en fait, les taux qu'on te propose sont plus élevés. Et donc, ça change tout. effectivement du coup si t'es déjà t'as déjà quelques petits sous de côté tout ça ça change beaucoup de choses et des personnes qui déclarent plutôt ont peut-être pas cette opportunité là. Attends je réfléchis à mes autres questions pendant ce temps j'ai un peu perdu le fil quand je regarde j'ai jamais les été notées ça va ça va je me sens pas satisfaite est-ce qu'il y a quelque chose que tu veux redire non c'est juste que je trouve
- Speaker #0
que mon discours n'est pas très bien filé.
- Speaker #1
Honnêtement, ça va. En tout cas, je n'ai pas l'impression d'avoir une conversation très différente de celle que j'ai eue. Je ne sens pas de... Non, au téléphone, mais aussi de décalage avec les personnes que j'ai interviewées auparavant.
- Speaker #0
D'accord, ok. Mais je suis quelqu'un de très perfectionniste. Je m'en doute.
- Speaker #1
Et du coup, ça représente quoi justement le fait pour toi de parler, de prendre la parole dans un podcast ?
- Speaker #0
En fait, quand je suis tombée malade, quand j'ai été diagnostiquée, moi je suis allée à la chasse aux épisodes de podcast, je suis allée à la chasse aux témoignages, aux articles de blog, aux vidéos YouTube de personnes qui avaient vécu la même chose que moi. Aujourd'hui, je ne suis pas encore... j'ai pas trouvé la personne qui a vécu exactement la même chose que moi parce que dans les questions que tu m'as posées tu me demandais oui effectivement je m'étais retrouvée dans le profil de Maxime de la Maison Perchée et en fait j'ai pas encore trouvé quelqu'un qui a vécu exactement la même chose que moi, j'aimerais beaucoup donc si quelqu'un entend mon podcast et cet épisode de podcast et me dit putain j'ai vécu la même chose que toi Ce serait vraiment chouette parce qu'on se sent vraiment seul en fait. On se sent seul et donc enregistrer cet épisode, c'est déjà poser des mots sur ce que j'ai traversé sur ces trois dernières années. Donner un espoir aussi à des personnes qui traversent ces difficultés et leur dire qu'on peut quand même retrouver un chéri, avoir une vie financièrement plutôt stable. Être bien accompagnée médicalement ou même par rapport à la famille. Et puis participer à la désigmatisation. Ça, c'est super important pour moi. Parce que malheureusement, on a des étiquettes très lourdes à porter.
- Speaker #1
Est-ce que tu as été déjà confrontée à des images négatives ?
- Speaker #0
J'ai déjà des amis, où je mets des guillemets, qui... Ça a été rapporté à mes oreilles. Je ne sais pas ce qui s'est dit exactement, mais qui aurait dit que j'étais folle, que j'avais perdu la tête, qu'il ne faut plus m'écouter. Ça, ça a été très dur pour moi. Parce qu'effectivement, quand je suis en phase maniaque, je tiens des propos délirants, ça c'est sûr. Mais ça ne veut pas dire que tout le reste de ma vie, je suis délirante. Ouais, c'est... C'est des étiquettes dures à porter et en parler, ça aide beaucoup.
- Speaker #1
Comment est-ce que justement tu gères des réactions négatives ou pas appropriées en fait ? C'est pas correct de dire ça ?
- Speaker #0
Je prends sur moi, je me dis que tout le monde n'est pas apte à comprendre. J'essaye de m'éloigner de ces gens-là parce qu'en fait je leur en veux pas en soi. Parce que je me dis juste que, ouais comme je te disais, tout le monde n'est pas apte. à comprendre ce genre de maladie. Même moi, c'est difficile. Même mes proches, c'est difficile. Donc, pourquoi en vouloir à des gens pour ça,
- Speaker #1
tu vois ? Et si on va plus sur du positif, du coup, donc, t'as parlé de ta famille qui t'accompagne super bien. Et t'as aussi un chéri.
- Speaker #0
Ouais.
- Speaker #1
Et est-ce que tu te sens à l'aise un petit peu pour en parler ? Ouais. Parce que tu l'as rencontré aussi après avoir déclaré ta maladie. Donc, c'est une super belle histoire.
- Speaker #0
Ouais, ouais. Elle m'a fait rire cette question parce que je me suis dit, alors qu'est-ce que je vais raconter ? Alors la petite anecdote, c'est que moi j'étais sur des applis de rencontres, mais depuis que j'étais diagnostiquée en fait. Parce que j'avais quitté mon ex, comme je t'avais dit, en 2021. Et puis après, je n'avais plus été dans le game du date. Et en début 2023, je me suis dit avec une copine, vas-y, on va se mettre sur les applis de rencontre. Après tout, je peux faire des rencontres et avoir cette maladie. Ce n'est pas grave, en fait. Et dans ma description, en fait, j'avais écrit des choses sur moi, que je faisais du break, que j'étais ingénieure de formation, que j'étais pianiste, machin truc. Et à la fin, j'écris, on m'a diagnostiqué une anomalie cérébrale. Donc, je restais dans les grandes lignes. Et en fait, j'ai matché avec beaucoup de mecs. J'ai eu plein de dates. J'ai rencontré plein de mecs super sympas.
- Speaker #1
Tu leur expliquais à l'époque en quoi consistait cette anomalie ?
- Speaker #0
Ça dépend si on me demandait ou pas, ça dépendait du feeling, mais la plupart du temps, je l'ai dit, je l'ai assumé pleinement. Et aussi, cette période de ma vie, je pouvais le faire parce que je me sentais comme maintenant. Donc ce qu'on appelle en otimie, c'est les interfaces entre une phase maniaque et une phase dépressive. Tu peux avoir une interface qui s'appelle l'otimie, où tu es à peu près, entre guillemets, normale, on va dire fonctionnelle. Et cette période-là, j'étais fonctionnelle, donc du coup, je leur racontais comme ça. Et là, franchement, j'ai eu que des rencontres très sympathiques où les mecs étaient très gentils avec moi, où il n'y a pas eu de préjugés. Enfin, je n'ai pas senti de préjugés. Mais à l'époque, en même temps, je ne voulais pas me poser. Donc, j'étais plus sex friend, friends with benefit. Donc, c'est peut-être pour ça aussi que les mecs ne se prenaient pas trop la tête à... avec ce détail, on va dire. Tant qu'on s'amusait, il n'y avait pas de souci. J'ai été hospitalisée en mai 2023 et en fait, je ne me suis pas désinscrite des applis. Donc, en fait, de temps en temps, je swipais juste pour swiper et je m'occupais. On s'ennuie à l'hôpital psychiatrique. Et je tombe sur ce super beau ghost avec sa planche de surf bronzée. Qu'est-ce qu'il était beau sur cette photo. Et je dis, il est mignon. Et je swipe et on match. Et en fait, généralement, je lui dis assez rapidement mon anomalie cérébrale. Mais lui, je n'ai pas osé lui dire parce qu'il me plaisait vraiment. Et je lui dis que je suis hospitalisée, mais qu'il peut me rendre visite. Et du coup, il accepte de me rendre visite. Sauf que moi, je ne me voyais pas du tout lui dire, tu viens en psychiatrie 16 au deuxième étage. Donc, je lui dis, bon, quand tu arrives dans le hall, tu prends l'ascenseur à gauche, tu montes au deuxième étage. Tu tournes deux fois à droite, tu vas tout au fond, avant de la dernière passe à droite. Et il vient. Et en fait, je me dis, bon, j'avais estimé, j'ai une chance sur deux qu'il se barre. Il voit le panneau psychiatrique, il dit, dans quoi je me suis foutue ? Et je me suis dit, il va se barrer. Ou alors, il reste. Et en fait, il est resté. Et on a eu notre premier date, et on a discuté, et ça s'est bien passé. Et il a décidé de revenir me voir. Et à ce moment-là, nous, on était vraiment en mode sex friend. Donc on a... on se prenait pas trop la tête et au bout de deux mois,
- Speaker #1
quelque chose comme ça on s'est dit bah pourquoi pas essayer quelque chose de plus sérieux et on s'est mis ensemble est-ce que vous en avez reparlé depuis de ce moment là et lui à l'époque il t'a dit comment il a aperçu le truc moi il m'a dit,
- Speaker #0
mais faudra l'interviewer pour voir ce qu'il répond il m'a dit qu'il était curieux En fait, il était assez étonné de voir la pancarte, mais il a dit pourquoi pas. Et c'est vrai, des fois, je trouve ça courageux quand même. Enfin, pas courageux d'être resté pour le date, parce que le date, ça ne te coûte rien. Tu es là, tu es là, tu fais le date, si ça se passe mal, tu pars. Mais je le trouve courageux d'être à mes côtés au quotidien. Parce que même si là, ça va, même si je suis, on va dire, en phase de timi avec des grosses périodes de sommeil. Je ne suis pas à l'abri de rechuter. Et en fait, il construit quand même quelque chose avec moi et je trouve ça beau.
- Speaker #1
Et du coup, ça se passe comment ? Dans quelle mesure il est présent pour toi actuellement et dans votre couple ? Est-ce que ça a un impact ? Parce que tu as vécu une vie de couple avant ta maladie et maintenant, est-ce que ça a un impact sur vous ?
- Speaker #0
Quand j'ai fait mon épisode maniaque de février, ça a été très difficile pour lui. Franchement, c'était violent parce qu'il ne l'avait jamais vu encore. Vu que quand il était venu me rendre visite, j'étais déjà sous mes docs à fond, donc j'étais un peu stone. Je l'ai trouvé très courageux. Après, il est pompier, donc je pense qu'il est très stable émotionnellement. Moi, je le remercie encore aujourd'hui d'être resté. Parce qu'à sa place, je ne sais pas si je serais resté. Je ne dormais pas. Quand on est en épisode maniaque, il faut savoir qu'on ne dort pas. On peut dormir peut-être une heure ou deux. Donc la nuit, je le réveillais tout le temps. Je faisais du bruit, j'appelais des gens à 4h du matin, je faisais les 100 pas. Et lui, il fait des gardes de 24h, donc il faut encaisser quelqu'un qui est maniaque, en fait. Et en plus, j'étais dans des délires. Enfin, moi, dans mes délires, je pensais que j'étais amie avec Elon Musk. Je pensais que j'étais à la tête des Illuminati. Je pensais que je télépathais avec les Obamas. Et je pensais que j'étais multimilliardaire. Bah oui, forcément, je suis pote avec Elon Musk. Donc, il faut supporter quelqu'un qui a ce genre de délire et qui croit dur comme fer. Moi, en 2022, je me suis quand même retrouvée à prendre un billet au Costa Rica, 4 500 euros l'aller, parce que je pensais que j'étais riche. Donc, il faut avoir les épaules pour affronter ça avec quelqu'un.
- Speaker #1
Tu m'avais dit que vous aviez passé un espèce de deal. Si jamais tu repartais en phase maniaque, que vous iriez à l'hôpital cette fois-ci et qu'on ne te laisserait pas monter plus, c'est ça ?
- Speaker #0
Non, là. Ouais, ouais. J'ai dit là, à la moindre voie, je vais aller à l'hôpital.
- Speaker #1
Et c'est pas un truc facile pour toi parce que tu m'as dit que t'aimais pas l'hôpital.
- Speaker #0
C'est pas un truc facile, mais je préfère ça que de partir en cacahuète pendant plusieurs mois. Parce que là, l'année dernière, les voies ont commencé à revenir doucement en novembre. Et on s'était dit, on observe. Donc novembre, décembre, janvier. Et à partir de janvier, j'ai commencé à partir en cacahuète. Et du coup, là, je me suis dit, si ça revient, je vais être mise en sécurité, en fait. Pour pas que je fasse du mal aux gens à dire n'importe quoi, à dépenser n'importe quoi. Parce que cette histoire, là, où je dépense 4 500 euros dans un billet, là, c'est typique des bipolaires. On a tendance à claquer de l'argent sur des coups de tête. Moi, j'ai dilapidé une bonne partie de mes économies comme ça, tu vois. Et je veux plus,
- Speaker #1
en fait. Tu m'as vachement parlé aussi du fait que... Il était très tolérant par rapport à ton rythme qui est un peu différent de celui que tu pouvais avoir avant ou de celui que tu aimerais avoir. Et notamment le fait que tu as besoin de beaucoup dormir. Tu m'as parlé de vos vacances où il te laissait dormir et tout. Est-ce que tu te sens à l'aise d'en parler ?
- Speaker #0
Ouais. Encore une fois, je tiens à le remercier parce que moi, je ne sais pas si je serais capable d'être avec quelqu'un qui dort autant, par exemple. Je voudrais le secouer. Je voudrais lui dire, allez, on se lève. On y va, les gars, on y va. Et lui, il m'apporte cette douceur, cette... patience. En fait, il m'apporte la patience que moi, je n'ai pas envers moi-même. Et vraiment, là, ce matin, jusqu'à midi, j'étais au lit, et il n'a jamais une parole en mode Tu pourrais faire un effort. Allez là, on y va, là. On perd du temps. C'est le genre de phrases que j'ai déjà pu entendre de la part de mon papa. Enfin, il ne le disait pas directement à moi, il le disait à ma maman. Parce qu'il ne comprenait pas la maladie. Je ne lui en veux pas. Mais c'est des phrases qui... qui sont difficiles. Et quand je parle à mes pères, c'est des phrases qu'eux entendent de leur entourage, qu'ils peuvent entendre. Oui, il faut que tu te bouges. Oui, t'es un assisté. Oui, enfin... Et ça, c'est très dur à entendre. C'est très, très, très dur à entendre. Parce qu'en fait, c'est pas de notre ressort. Moi, j'ai une volonté de faire. Pour avoir couru un marathon toute seule en 2020, moi, je sais que j'ai un mental de ouf. Je le sais. J'ai toujours eu un mental de ouf. Pour avoir fait mes études d'ingénieur, il faut tenir le truc. Je travaillais à côté, j'ai fait du break, il faut avoir un mental de ouf pour faire du break. Pareil, faire du piano, j'étais sur tous les fronts en même temps. Donc je sais c'est quoi de faire le taf et de sortir les doigts du cul. Et en fait, quand la maladie te cogne... Tu te dis, ah ouais mince, il y a quelque chose qui est encore plus fort que ta propre volonté. C'est difficile déjà de l'accepter soi, mais c'est encore plus dur quand les autres te le mettent en pleine face en fait. Moi j'ai des fameux amis entre guillemets qui m'ont déjà dit, j'ai une personne en l'occurrence qui m'a déjà dit, Tévi, il faut se bouger là. Et en fait, ça te laisse sans voix. Parce que tu te dis, mais si tu savais ce qu'il y a derrière tout ça. Si tu savais comme la maladie me coûte, mais en fait, tu peux même pas répondre parce que ça sert à rien, les gens sont pas câblés. S'ils te font ce genre de remarques, c'est qu'ils sont pas câblés pour comprendre, tu vois. Faut laisser. Mais c'est dur. Ouais,
- Speaker #1
c'est difficile de faire le trait entre les personnes qui te comprennent et celles que t'apprécies, mais qui visiblement vont pas dans ton sens. Je trouvais que c'était trop joli tout à l'heure quand tu m'en as parlé, mais vous avez des projets qui sont trop jolis avec ton mec. Je trouve que c'est un truc positif parce qu'on a parlé beaucoup de choses négatives et du fait que t'as du mal à réaliser tout ce que tu veux, mais malgré tout, t'as des perspectives qui sont trop cool. Peut-être de déménager, de te mettre un peu plus au vert et tout.
- Speaker #0
Ouais, c'est vrai que je pense que ça repique avec le fait que j'ai de la chance d'avoir été diagnostiquée. c'est que financièrement, je suis quand même plutôt en sécurité. Et du coup, ça nous permet de faire des projets. Alors effectivement, on aimerait bien partir vivre en Bretagne, mais ça reste très frais comme projet, donc je ne vais pas en parler plus que ça. Mais un autre projet qu'on avait, c'était quand même d'aller en camion dans son van aménagé en Asie. Ça, je ne t'en avais pas parlé. On a fait l'Autriche et la Suisse pendant deux semaines et demie dans le van qu'on a aménagé. Et en fait, on aimerait bien faire l'Asie. Ça s'est déjà fait, on a regardé sur Internet.
- Speaker #1
Il faut combien de temps pour aller en Asie ? Enfin, ça serait sur combien de semaines ?
- Speaker #0
On s'était dit peut-être partir sur un an. Ah oui, d'accord. Mais avant ça, il faut que je sois stabilisée médicalement. Donc, il y a tout un amont à préparer. Mais on aimerait beaucoup le faire, quoi. C'est un rêve qu'on aimerait réaliser.
- Speaker #1
Et tu m'as dit que ça t'apaisait beaucoup aussi d'être dans ce van aménagé, tout ça, quand tu m'avais parlé de la Suisse et de l'Autriche. Tu m'avais dit que tu te sentais bien. Ouais,
- Speaker #0
ouais, c'est quelque chose qui... Enfin, je me sens bercée, en fait. Et c'est vrai que le fait que... Bah, ils me laissent dormir. Ça m'apaise beaucoup. Et qu'on puisse voir des paysages, etc. Mais bon, après, bon, il y a quand même une réalité financière. Ça coûte de partir comme ça, donc... Il faudra bien préparer le projet. Tu vois, tu parlais de perspective positive. Moi, je suis en train de me demander comment je pourrais me reconvertir, en fait, parce que je ne me vois pas du tout repartir dans l'ingénierie. Trop de stress. Et je pense que le stress a déclenché quand même la maladie, même si on ne sait pas exactement ce qui a déclenché la maladie. Mais moi, il me faut quelque chose où je suis peace, quoi. Nature, c'est ce que je te disais dans la voiture tout à l'heure. Il me faut de la nature, il me faut les oiseaux, il me faut quelque chose de tout en douceur.
- Speaker #1
Et du coup, comme projet de reconversion, t'envisagerais quoi ?
- Speaker #0
Aucune idée.
- Speaker #1
Mais tu te projettes quand même sur le fait de reprendre une activité ?
- Speaker #0
C'est difficile pour moi, parce qu'aujourd'hui, je ne sais toujours pas si je suis stable. Parce qu'il y a une réalité, il y a des gens qui rechutent, malgré les médicaments, qui rechutent malgré tous les efforts qu'ils mettent. Donc moi, dans ma tête, j'ai quand même ce poids de me dire que je peux rechuter. Donc en ce moment, je t'avoue que je suis plus en mode je profite parce que je vais bien. Et on verra les mois qui suivent. Moi, si je suis stable au moins un an, c'est déjà chouette. Parce que j'ai rechuté chaque année. Donc si jusqu'à l'été 2025, je n'ai pas rechuté, ce serait génial. Là, je vais faire plusieurs expériences de mon côté. Je pars en... à Hong Kong en novembre, avec mon frère et mes parents. Et en fait, la maladie peut... Enfin, les phases maniaques peuvent être induites par des changements d'environnement et de fuseaux horaires. Donc déjà, moi, ce sera un premier essai pour voir si je vais supporter tous ces changements de paramètres. Et j'ai décidé aussi de me remettre dans les activités. Comme je t'ai dit, je reprends les cours de chinois. Là, je me suis inscrite à un stage d'équitation en juillet. Parce que je me dis, mais il faut que je mette du mouvement dans ma vie. Parce que sinon, je vais rester dans mon canapé à déprimer, en fait.
- Speaker #1
Alors, je ne crois pas avoir connu la dépression, mais de ce que j'ai cru en comprendre aussi, il faut trouver le juste milieu entre remettre un peu de mouvement, être tolérant envers soi. Mais c'est vrai que si tu restes toujours dans le même cercle, le même mood, et que tu induis pas ces petites poches de bonheur, c'est difficile de...
- Speaker #0
Ouais, c'est ça qui est coûteux. C'est cette mise en mouvement, en fait, qui est difficile. C'est de pas être trop à l'extrême. Parce que moi, j'ai été beaucoup dans les extrêmes, où je m'imposais des rythmes effrénés. J'ai perdu le fil de ma phrase.
- Speaker #1
C'est difficile de te remettre en mouvement, justement, en lien avec la dépression.
- Speaker #0
Je disais que c'était difficile de retrouver l'équilibre entre s'imposer des choses et se lâcher la grappe. C'est ça qui est difficile, tu vois.
- Speaker #1
C'est un truc dont t'as beaucoup parlé quand on était par téléphone, le fait d'être plus tolérante avec toi et de t'accepter telle que t'étais. T'as l'air plus... Enfin, je t'ai pas connue avant, mais t'as l'air quand même assez d'essayer d'être douce avec toi, de respecter le fait que t'as besoin de sommeil. de respecter tes petits moments, tout ça, qu'est-ce qui t'a aidé, justement, à être plus douce, à accepter ces moments-là ?
- Speaker #0
Il y a eu ma maman et tout son discours autour du fait qu'en fait c'est ok, tu vois. C'est ok que t'aies cette maladie, c'est ok que t'auras peut-être pas une vie toute faite comme tu le croyais, c'est ok. Donc il y a eu son discours qui m'a beaucoup aidée. Mes séances de psychothérapie, je vois la psychologue une fois par semaine au CMP. En fait, elle m'aide beaucoup à accepter de me laisser du temps. Moi, je suis un peu Speedy Gonzales à la base, donc c'est vrai que c'est dur de me freiner. J'ai envie que tout aille vite, j'ai envie d'aller bien, j'ai envie de faire des projets, j'ai envie de... Je voulais investir dans tous les sens, je voulais être entrepreneur, je voulais faire le tour du monde, je voulais faire tellement de choses. Et en fait, il faut juste là que j'accepte. de ralentir. Et c'est ok. C'est toujours ce truc de et c'est ok
- Speaker #1
C'est pas facile, hein. Difficile. Très difficile. Ouais, ouais. Alors, moi, j'ai une dernière question, mais qui est pas ultra funky. Et c'est en lien aussi avec le fait de c'est ok Comment est-ce que tu gères la possibilité de faire une rechute ? Moi, dans mon vécu, donc ma maladie, elle peut être... Le stress, tout ça, ça peut avoir un impact et je peux faire des poussées. Et en fait, j'ai essayé de me calmer beaucoup, d'être plus calme, d'arrêter de stresser, tout ça. Et je me suis vachement posé la question de, si je fais une rechute, comment est-ce que je vais le gérer ? Et ne pas m'en vouloir parce que je ne maîtrise pas tout. Toi, comment est-ce que tu envisages cette perspective ? Parce que ça peut revenir, tu en as fait pour l'instant régulièrement. Comment est-ce que tu perçois ça ?
- Speaker #0
Je suis prête.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Si ça arrive, je suis prête. Et je pense que chaque année, on est de plus en plus près. Je trouve qu'à chaque fois, mes crises étaient de plus en plus contrôlées. J'ai beaucoup plus espoir maintenant qu'avant parce que j'ai accepté de prendre mes médicaments. Donc si ça arrive, ce sera OK aussi.
- Speaker #1
Et j'ai l'impression que tu es super soutenue aussi. Et que ton entourage est prêt.
- Speaker #0
Ouais. Tu vois, je parle avec une nana dans un groupe de parole. En fait, ses parents lui ont tourné le dos, parce qu'en fait, il ne supporte plus ses crises, etc. Et je me dis, mon Dieu, moi, sans mes parents, je serais à la rue. Je ne sais pas comment je ferais. Et je sais qu'ils sont là. On est une famille hyper soudée. On est très liés, tous les quatre. Donc, je sais qu'ils seront là, quoi qu'il arrive. Et en plus, j'ai mon copain, maintenant, qui se rajoute à l'équation. Donc pareil, qui est super solide, super stable, super calme. D'où son métier. Voilà, il faut faire face aux urgences. Et malgré tout, j'ai gardé des amis, des vrais sans les guillemets, qui, je sais, seront là si ça arrive. Donc je me sens épaulée, je me sens plus préparée moi-même parce que je sais à quoi je peux m'attendre. Et ouais, je... Je suis prête.
- Speaker #1
Tu m'as dit que tu avais préparé cet échange avec ta maman. Est-ce qu'il y a des sujets qu'on n'a pas abordés, des trucs qui tiennent à cœur, que tu voudrais qu'on parle ?
- Speaker #0
Je voulais juste ajouter un petit détail. Et après, ce sera aux personnes qui entendront mon message qui se prononceront. Moi, j'ai toujours un doute sur la nature de la maladie, sur ce qui m'est arrivé. Parce que je... pense qu'il y a une grosse partie de moi qui croit en l'invisible. Je suis très ouverte aux échanges avec les personnes qui croient en l'invisible. Donc, s'ils veulent me contacter, qu'ils me contactent à travers toi. Parce que c'est quand même très bizarre les sujets que j'ai abordés quand j'étais sous la possession des voix. Je ne sais pas pourquoi j'ai eu tout ce délire sur les illuminatifs. alors que je ne me suis jamais intéressée à ce genre de sujet. Et c'est des sujets qui arrivent très souvent chez les schizophrènes. La notion de messie, la notion d'élu. Moi, je ne comprends toujours pas pourquoi c'est ce sujet-là qui revient chaque année. Donc s'il y a des gens qui veulent en discuter, qui ont des pistes, je suis très ouverte pour discuter de tout ça.
- Speaker #1
Et tu m'as dit que tu étais en lien avec des gens sur des forums, tout ça. Est-ce que tu arrives à trouver des réponses à tes questions dans les échanges, de manière générale, pas que sur ce sujet-là ?
- Speaker #0
Oui et non. Il y a beaucoup de personnes avec lesquelles je discute, elles ont pris un coup cognitivement. Moi, c'est vrai que je trouve que j'ai de la chance d'avoir pas trop perdu, en fait. Même si je te dis que mon discours est moins fluide qu'avant, que les idées sont un peu plus éparpillées, dans l'ensemble, je trouve que j'arrive à tenir une conversation. Et c'est vrai que la plupart des pères avec qui je parle, je ne leur ai pas tous parlé, mais ceux avec qui j'échange régulièrement, tu sens qu'il y a quelque chose qui s'est éteint en eux. Et je ne veux pas en arriver là.
- Speaker #1
Je pense qu'il y a une grosse part de traitement aussi.
- Speaker #0
Il y a une part de traitement, mais il y a aussi cette notion d'entretenir sa cognition. Moi, vraiment, je me suis mis une violence pour relire, pour écrire, pour apprendre de nouvelles choses. Parce que sinon, ton cerveau, il s'engourdit, en fait. Et même cet exercice-là, je savais, j'en avais peur, parce que je savais qu'avec ce degré d'exigence que j'ai envers moi-même, je n'allais pas être satisfaite de ce que j'allais dire. Mais je me suis dit, tant pis, ce n'est pas grave. Après tout...
- Speaker #1
Mais tu as vachement d'énergie, quand même, pour une heure de registre. C'est bon.
- Speaker #2
C'est pas grave.
- Speaker #0
Cool ! Je ne m'en rends pas compte.
- Speaker #1
Est-ce que tu veux donner un mot de la fin, en plus de celui que tu as partagé juste avant, sur le fait qu'on pouvait prendre contact avec toi ?
- Speaker #0
Je suis sur Instagram, arrobase tevi.tevi.tevi. Je te remercie de m'avoir permis de poser tous ces mots sur cette super maladie que j'appelle Siki. Et je voulais... passer un gros, gros, gros message d'amour à mes parents, à mon frère et à mon chéri. Et une spéciale dédicace à quelques personnes qui, en fait, sont là toujours pour moi, même si elles habitent loin. Délé, Pierre-Antoine, Thérite et LH. Donc, c'est quatre personnes qui, malgré la distance, m'apportent du soutien. sans trembler et à toutes les autres personnes qui ont été là pour moi pendant ces périodes difficiles Jérémy, Jimmy, Riles et j'en passe c'est trop bien de finir sur un message d'amour tout doux,
- Speaker #2
trop cool merci à toi d'avoir témoigné c'est déjà le moment de terminer merci à Tevi et à Kevin de m'avoir reçu chez eux pour enregistrer et comme toujours un immense merci à Tevi de s'être livré J'ai été marquée par la droiture de Tevi tout au long de cet enregistrement. Même si elle n'est pas la même qu'avant, que ses capacités sont invendries en ce moment, j'ai trouvé droite dans ses bottes. Elle sait qui elle est, où elle va, elle avance à son rythme. C'est notamment le cas quand elle parle de ses symptômes dépressifs. Elle relève qu'elle est une personne déterre, qu'elle a fait des marathons, et que ce qu'elle vit en ce moment n'est pas complètement elle. Ce n'est pas toujours facile de garder le cap quand on est confronté à la maladie, au handicap, ou plus généralement aux difficultés de la vie. Et ça m'a rappelé de tenir le goût. J'ai aussi été très touchée par l'amour inconditionnel que lui porte son entourage. Elle parle longuement de ses parents et de son amoureux, mais je tenais aussi à évoquer son frère qui a réalisé tout le volet administratif, et je sais que c'est difficile, pour permettre la reconnaissance de la pathologie de Pévin. J'espère que cette discussion vous aura éclairé. Que vous soyez concerné par le trouble schizoaffectif ou simplement curieux, rappelez-vous que c'est OK. Pour terminer, quelques mots sur l'anomalie. L'anomalie est un podcast autoproduit par mes soins. C'est un projet artisanal sur lequel vous menez beaucoup de cœur. Si vous souhaitez soutenir ma démarche, rien de plus simple. Vous pouvez attribuer une note au podcast et même un commentaire, et croyez-moi, ça fera la différence. Si le contenu vous parle, n'hésitez pas à le partager à vos proches ou à en parler autour de vous. A très bientôt pour les prochains épisodes qui arrivent dans une quinzaine de jours. D'ici là, prenez soin de vous.