"Ralentir, ça apporte énormément de choses" - Marlène et le syndrome de Gitelman cover
"Ralentir, ça apporte énormément de choses" - Marlène et le syndrome de Gitelman cover
lanomalie : témoignages sur la maladie et le handicap

"Ralentir, ça apporte énormément de choses" - Marlène et le syndrome de Gitelman

"Ralentir, ça apporte énormément de choses" - Marlène et le syndrome de Gitelman

1h10 |29/08/2024
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lanomalie : témoignages sur la maladie et le handicap

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Description

💡 Comment gérer son quotidien lorsque l’on vit avec une maladie rénale rare comme le syndrome de Gitelman ?

Dans cet épisode, je reçois Marlène, diagnostiquée avec cette pathologie rénale chronique qui perturbe l’équilibre en minéraux du corps. Ce syndrome entraîne une fatigue chronique intense, des crampes musculaires invalidantes, ainsi qu’un handicap invisible.

Un parcours marqué par l’errance médicale

Comme beaucoup de personnes atteintes d’une maladie rare, Marlène a connu une longue période d’errance médicale avant d’obtenir le diagnostic du Syndrome de Gitelman. Ses symptômes – hypokaliémie, hypomagnésémie, douleurs musculaires et troubles de l’oreille interne – étaient souvent minimisés ou mal interprétés par le corps médical qui ont pensé à de l'anorexie.

Après une année d'errance médicale et de longues recherches, elle a finalement rencontré une néphrologue qui a validé le diagnostic du Syndrome de Gitelman et su adapter son traitement, améliorant ainsi sa qualité de vie et lui permettant de mieux gérer sa fatigue persistante.


Les défis d’un handicap invisible au quotidien

Malgré un suivi médical régulier, vivre avec une maladie rénale rare implique de nombreuses adaptations dans la vie de tous les jours. Marlène partage :

L’impact du syndrome de Gitelman sur son énergie : comment elle gère sa fatigue chronique et évite l’épuisement.
Les défis au travail : comment elle a appris à fixer des limites professionnelles et à mieux communiquer sur son handicap invisible.
Son rapport au corps et à l’effort : pourquoi elle doit constamment écouter ses besoins physiologiques et adapter ses activités.
La gestion émotionnelle : comment elle a trouvé dans la méditation et la communication non violente des outils précieux pour mieux vivre avec la maladie.
Le rôle du soutien familial : comment son époux, Hervé, joue un rôle essentiel en tant qu’aidant et partenaire du quotidien.


Vivre avec une maladie rénale rare : entre adaptation et acceptation

Le syndrome de Gitelman est une maladie génétique peu connue, et son impact sur la vie sociale, professionnelle et émotionnelle est souvent sous-estimé. Marlène nous livre un témoignage empreint de résilience et de réalisme, sur la façon dont elle a réussi à réinventer son quotidien sans renoncer à ce qui compte pour elle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marlène

    Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais. Parce que j'allais contre mon corps en me disant "non, non, je peux le faire" Et puis en fait, du coup, j'avais des contre-coups horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi.

  • Giulietta

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de lanomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Pour ce septième épisode, je vous propose de rencontrer Marlène qui est atteinte du syndrome de Gitelman. Si vous n'en avez jamais entendu parler, voici une rapide définition qui sera complétée par Marlène au cours de l'épisode. Le syndrome de Gitelman est une maladie rénale qui nuit notamment à la fixation du potassium, du sodium et du calcium, qui sont tous les trois des minéraux essentiels au bon fonctionnement du métabolisme. Les conséquences du syndrome de Gitelman sont concrètes pour les personnes qui en sont atteintes, Marlène évoque ainsi dans son cas des risques cardiaques, de la fatigue chronique, des problèmes d'oreilles internes et de possibles crises de Goutte. Le parcours de Marlène commence avec la réalisation d'analyses de sang, tout ce qu'il y a de plus banal. Les résultats révèlent un taux de potassium anormalement bas qui peut la mettre en danger. C'est le point de départ d'une bonne année d'errance médicale où le diagnostic envisagé n'est pas du tout celui d'une maladie rénale. Cette difficulté à poser le bon diagnostic s'explique d'une part par un manque d'écoute du personnel médical - Marlène en parle longuement - mais également par une méconnaissance de cette pathologie qui touche moins de 2000 personnes en France. Dans cette discussion extrêmement riche, Marlène et moi évoquons des sujets variés, la vie de couple et le rôle d'aidant rempli par son époux, le rapport au monde du travail qui est rendu compliqué par la présence de la fatigue chronique, la nécessité de ralentir et l'importance de comprendre ses émotions pour se préserver, mais également pour avoir des relations sereines avec son entourage. Vous allez l'entendre dès les premières secondes, Marlène est vive, enthousiaste, pleine de vie et spontanée. Petit disclaimer, ce ne sont pas vos écouteurs qui grésillent sur la fin de l'épisode, mais mon micro, je ne sais absolument pas ce qui s'est passé, pourtant tous les réglages étaient au point. Je suis par avance désolée pour ce petit inconfort, mais du coup, pas d'inquiétude, ça ne vient pas de vous. Sur ces belles paroles, je vous souhaite une très bonne écoute pour cette reprise de lanomalie, et je vous laisse avec Marlène. Marlène, pour commencer, je te propose de te présenter dans la façon dont tu le souhaites.

  • Marlène

    Ok, merci. Merci déjà de prendre le temps aussi de discuter avec moi parce que c'est sympa de faire ce podcast, c'est une première pour moi. Je m'appelle Marlène, j'ai 43 ans, j'habite dans le Finistère et je suis formatrice indépendante. Voilà, depuis 20 ans, je suis indépendante depuis 4 ans et je forme à la pédagogie d'une part et puis... D'autre part, à tout ce qui touche les compétences sociales, relationnelles, émotionnelles. Ça, c'est mon job.

  • Giulietta

    Ok, trop chouette. Et du coup, pour quelles raisons m'as-tu contactée ?

  • Marlène

    En fait, je t'ai contactée parce que c'est vrai que c'est ma belle-sœur, en fait, qui m'a envoyé un petit mot en me disant "oh là là, il y a un super podcast, regarde, ils recherchent "des candidats", entre guillemets, pour… faire des entretiens pour parler du handicap invisible". Et elle, elle est touchée de près, puisque son copain porte un handicap, et elle me connaît depuis plusieurs années, et elle aussi, elle a été confrontée à ce handicap, sans le voir, puisqu'il est invisible, mais ça l'a touchée, et donc elle s'est dit, "peut-être que Marlène, toi aussi, tu voudrais témoigner, pour dire un petit peu peu aux gens que ce n'est pas parce que ça ne se voit pas que ça n'existe pas". Donc, ce serait intéressant, par ce média-là, de communiquer, pas au monde entier, mais de communiquer à l'extérieur, en tout cas, sur ce sujet. J'hésitais un peu parce que je n'avais jamais fait ce genre de choses, mais je crois en la force du podcast et de la diffusion et de ce genre de médias. Je trouve ça hyper intéressant. Et donc, je me suis dit… "Allez, je tente". Même si c'est vrai que je ne suis pas trop acculturée à ce type de médias, mais je le trouve hyper intéressant. Et c'était l'occasion de parler un peu de moi. Et peut-être, je ne sais pas, je me suis dit que ça me ferait du bien aussi. Donc, j'ai tenté l'aventure.

  • Giulietta

    Et comment tu te sens aujourd'hui alors ?

  • Marlène

    Je me sens plutôt bien parce que, disons que j'ai la parole facile. Mais c'est vrai que parler de moi, je discute facilement, mais pas forcément de moi. aussi un peu et surtout pas forcément spontanément de ma maladie. Donc c'est quand même un peu spécial pour moi. C'est parler de moi déjà et faire que ça. Je suis pas forcément habituée et c'est aussi de parler d'une partie de moi qui ne me définit pas, certes, mais qui fait partie de moi et de ma vie et qui conditionne ma vie. Ça, c'est une première. Je veux dire, un podcast, à mon médecin, c'est autre chose, mais d'en parler comme ça à quelqu'un que je ne connais pas trop et que je sais que ça va être diffusé, c'est un bon challenge. J'ai envie de tenter l'expérience.

  • Giulietta

    Bon, très bien. Oui, tu as l'air de te sentir à l'aise. Et donc, de quelle maladie est-ce que tu viens nous parler aujourd'hui ?

  • Marlène

    Alors moi, je viens te parler d'une maladie rénale qui s'appelle syndrome de Gitelman, du nom du médecin qui l'a découvert. C'est une maladie qui touche, je crois, une personne sur 45 000, quelque chose comme ça. Et c'est congénital, ça veut dire que je l'ai de naissance, elle n'est pas apparue. Elle ne se déclenche pas par la suite, elle est tout de suite là. Mais par contre, elle est très dure à détecter. Alors parce qu'elle est rare, d'une part, donc on n'y pense pas forcément tout de suite. Et aussi parce qu'elle n'a pas forcément de signes, pas forcément de symptômes. Donc moi, je suis atteinte de cette maladie-là.

  • Giulietta

    Est-ce que tu peux expliquer en quelques mots en quoi consiste justement le syndrome de Gitelman ?

  • Marlène

    En fait, le problème de cette maladie, elle touche les reins. Et les reins, leur fonction première, c'est de filtrer et de trier un petit peu ce qu'il y a de toxique ou pas. Et puis soit de garder, soit de jeter. Ils ont une fonction vraiment de tri. Et le souci avec le syndrome de Gitelman, c'est qu'il manque des transporteurs. En fait, il manque... trois transporteurs, celui du sel, celui du magnésium et celui du potassium. Et donc, comme il me manque ces trois transporteurs-là, quand ces trois choses-là arrivent au niveau des reins, les reins ne les reconnaissent pas et donc les rejettent directement dans les urines. Et s'ils rejettent dans les urines, au bout d'un moment, ça les fait baisser dans le sang. Donc on manque de potassium, on appelle ça l'hypocaliemie, on manque de magnésium, hypomagnésiemie, etc. Et on manque de sodium. Le problème, c'est que ces trois éléments-là, ils sont nécessaires, ils sont vitaux, pour faire fonctionner correctement, notamment le cœur, pour le potassium. Et a contrario, j'ai fait une rétention presque totale de calcium. Ça par contre, mes reins adorent ça, mon calcium, et ils ne veulent pas le rejeter. Ça c'est un problème, c'est qu'il faut bien qu'ils se déposent quelque part aussi le calcium, donc il va se déposer sur les ligaments, sur les articulations, et ça peut causer aussi des problèmes comme la goutte. par exemple, on appelle ça chondrocalcinose mais c'est les mêmes symptômes que la goutte des inflammations vraiment très fortes au niveau des articulations voilà ce que ça produit dans le corps et du coup au niveau des symptômes dont tu m'avais parlé c'était une fatigue chronique des douleurs et des difficultés de concentration il me semble c'est ça. E n fait ce qui m'a surtout produit ça, c'est depuis que je prends mon traitement parce qu'il n'y a pas de solution : on ne peut pas guérir le syndrome de Gitelman mais on peut combler par les médicaments. Moi, je prends beaucoup de médicaments qui vont faire un effet de rustine sur les reins, c'est-à-dire qu'on complémente en sodium, en potassium, en magnésium, etc. Et donc, je prends entre 10 et 15 comprimés par jour pour me maintenir à flot. C'est une solution qui permet juste de me maintenir dans des normes à peu près acceptables. Mais du coup, toute cette prise de médicaments et puis l'âge aussi forcément fait qu'on est un peu plus en difficulté. Donc ça occasionne des gros coups de pompe, des gros coups de fatigue. Qui dit gros coup de fatigue dit problèmes de concentration. J'ai par exemple des problèmes, ça m'arrive régulièrement d'avoir comme des espèces de moments off, comme si on avait éteint la lumière, où je suis là physiquement, mais je suis complètement ailleurs comme si je flottais. Donc c'est des moments un peu black out où je ne peux plus me concentrer. Ça peut être un gros souci. Donc fatigue, problèmes de concentration et puis douleur, crampes ça c'est le manque de magnésium qui fait ça et puis des douleurs chroniques, des problèmes de digestion, des problèmes aussi d'oreille interne : j'ai beaucoup de vertiges, ça cause pas mal de petits soucis qui sont dûs aussi à ces manques de sodium, de magnésium et de potassium. Donc ça se produit un peu dans tout le corps. Il y a pas mal de symptômes qui font qu'au quotidien, ça peut être assez invalidant. Voilà, je ne sais pas si je réponds.

  • Giulietta

    Parfaitement. Et alors, histoire de poser un petit peu les bases de l'échange, est-ce que tu peux revenir sur, justement, la manière dont tu as appris que tu étais atteinte de ce syndrome ? Comment est-ce que ça s'est passé ? Dans l'échange qu'on avait eu, tu m'as expliqué que c'était au cours d'examens un peu de routine, que tu t'es rendu compte que tu avais quelque chose qui avait un impact sur... enfin qui pouvait avoir un impact important sur ta vie quotidienne.

  • Marlène

    Oui, effectivement, j'ai eu pas mal de chance en fait, parce qu'on a détecté ce syndrome à la suite... enfin pas détecté tout de suite, on a vu qu'il y avait un problème à la suite d'un contrôle complètement banal, un check-up sanguin... Ils m'ont fait faire un ionogramme, donc ça permet de mesurer justement... les fonctions vitales, la fonction rénale, tout ça. Et puis, ils se sont rendus compte que j'avais un taux de potassium très bas. Et là, ils se sont dit, on va faire un autre contrôle pour être sûr que ce n'est pas une erreur. Et donc, ils m'ont fait un contrôle encore de potassium. Ça avait encore baissé. On était vraiment à des taux où normalement une personne lambda, elle va très très mal quand elle a ce taux-là de potassium. Donc, j'ai rien compris à ce qui m'arrivait. J'étais chez le médecin, "on appelle l'ambulance", on m'a transportée aux urgences. Alors que moi, j'allais bien, je ne sentais pas en fait. C'est ça qui était d'autant plus violent, c'est que je ne l'ai pas du tout vu arriver. Je n'avais pas de signe avant-coureur. Donc, de la urgence pendant plusieurs jours, parce qu'il faut faire absolument remonter un taux de potassium par perfusion. Donc, ils m'ont fait remonter le taux. Ça a mis plusieurs jours, plusieurs jours, j'ai dû rester à l'hôpital. Et puis ensuite, il fallait chercher d'où venait ce manque de potassium. Et à l'époque, si tu veux, j'avais les mêmes symptômes que quelqu'un qui souffre d'anorexie. C'est-à-dire que quelqu'un qui se fait vomir, par exemple, il perd son potassium aussi. Donc à l'hôpital, ils ont suspecté que je souffrais d'anorexie, ce qui n'était pas le cas. Et donc eux, ils sont partis sur ça. Ils m'ont fait plein d'examens alors qu'il y avait déjà des indices, puisque dans les urines, on voyait que c'était un problème rénal. Mais bon, ils sont partis billes en tête sur l'anorexie. Et donc là, c'était très compliqué pour moi, parce que je voulais leur faire comprendre que ce n'était pas ça. Donc dans ma tête, je me disais, ils ne vont pas me guérir, parce qu'ils font fausse route. Et bon, bref, je suis sortie de l'hôpital, où on m'a dit "il faut arrêter de vomir maintenant". En gros, ça a été ça. Donc j'ai dû voir mon médecin traitant pour qu'elle continue à me donner un traitement de potassium au moins pour que ça ne baisse pas, mais forcément ça a rebaissé. Et là j'étais perdue en fait, parce que je ne pouvais pas retourner à l'hôpital puisqu'on pensait que j'étais anorexique. Et donc grâce aussi à mon entourage, à ma mère, à ma famille, on s'est dit bon "Tant pis, on va aller chercher ailleurs. Avec le médecin traitant aussi, le soutien du médecin traitant, on s'est dit bon on va aller chercher en cabinet privé". Et je suis allée voir des spécialistes de tous les corps de métier. Je suis allée voir d'abord un gastro-entérologue. Et lui, je lui ai parlé de mes symptômes. Il a dit "Pour moi, ça ne vient pas de là, mais on va faire quand même des examens poussés". Bon, il m'a fait des examens poussés, fibro-coloscopie. Ils ont découvert que non, ce n'était pas digestif. Et c'est ce médecin, en fait, il a été super. Il a dit, "Moi, je connais du monde en médecine interne. Dans un autre hôpital, tu vas aller là. Ils vont te faire une batterie de tests. Donc il se passe plusieurs mois entre ce moment où je suis hospitalisée en urgence et ce moment, il se passe presque six mois.

  • Giulietta

    Oui, parce que j'ai regardé un petit peu, alors je ne me rappelle plus du terme exact, mais la proportion de personnes atteintes en France du syndrome de Gitelman, et en fait ça concerne uniquement 1800 personnes, donc c'est très peu. Il y a également le fait que c'est lié à la néphrologie, donc je présume qu'effectivement les personnes que tu as rencontrées n'ont... peut-être pas tout de suite reconnu les signes. Et par ailleurs, c'est une pathologie qui est relativement rare. Donc, il faut être un petit peu acculturé.

  • Marlène

    C'est ça. Donc, en fait, ils sont passés un peu à côté. Je suis allée voir d'autres spécialistes. Je suis allée voir une endocrinologue. Je suis allée voir, avec mes résultats d'examen à l'hôpital, en disant "Regardez, il y a des petites choses au niveau rénal. Il y a des choses bizarres. Peut-être que ça vient des glandes surrénales". Parce qu'avec mon médecin traitant, on essayait de trouver aussi d'où ça pouvait venir et quel spécialiste pouvait m'orienter. Donc ça a été quelques mois d'errance comme ça. Et finalement, j'arrive en médecine interne, six mois après. Là, ils me font une batterie de tests et à la fin de la journée déjà, ils me posent un diagnostic. Puisqu'eux, en médecine interne, ils avaient accès en fait à tous les corps de métier, tous les corps médicaux.

  • Giulietta

    La médecine interne, c'est un peu Docteur House. C'est un peu les spécialistes du dernier recours. Quand on ne sait pas ce qui se passe, ce sont des personnes qui vont investiguer un petit peu plus.

  • Marlène

    Exactement. Et eux, en fait, ils avaient déjà une idée du diagnostic à la fin de la journée. Ils m'ont fait vraiment plein de tests, vraiment de tout. Et ils m'ont refait les mêmes tests qu'on m'avait faits à l'hôpital. Mais eux, par contre, ils se sont dit "ah oui, non, là, on reconnaît ce signe-là, ça vient des reins". Et donc, eux hésitaient entre deux syndromes, soit Gittelman, soit Barter, qui est un syndrome cousin en fait. De là, ils ont envoyé mes résultats à Paris pour une analyse génétique, puisque c'est la génétique en fait qui a permis de voir s'il y avait la mutation de gène qui va bien, pour dire oui, on confirme que c'est le syndrome de Gittelman. Et ils ont confirmé le diagnostic posé à Brest en médecine interne.

  • Giulietta

    Les situations d'errance médicale, elles ne sont jamais faciles. Pour les personnes qui ne sont pas familières du terme, c'est donc la situation où on ne sait pas de quoi on souffre, on vit avec des symptômes, mais on ne sait pas à quoi c'est dû. Et donc, c'est, je présume, assez anxiogène. Tu m'avais expliqué, toi, à l'époque, que justement, le fait d'avoir un taux de potassium qui est bas, ça a des impacts sur ta fonction cardiaque. Et de ne pas savoir comment ça pouvait évoluer, ça a dû être assez stressant pendant ces six mois, non ?

  • Marlène

    Ça a été très stressant. Je ne savais pas du tout ce que j'avais. Je me disais "À tout moment mon cœur peut s'arrêter". Après j'avais eu un traitement déjà avec le médecin traitant. Il surveillait mon taux de potassium de près, mais il n'y avait pas que le potassium. Il y avait aussi tout ce qu'il y avait à côté, les douleurs musculaires, parce que c'est le système musculaire, le système nerveux qui est atteint aussi. Il y a aussi le magnésium, le sodium, le calcium qui est un petit peu… altéré donc moi de ne pas savoir ce que j'avais c'était déjà c'était très angoissant effectivement parce que je me disais "qu'est ce que je vais devenir ? Est ce que est ce que je vais tenir ? Est ce que je vais mourir ?" et puis aussi il y avait cette profonde tristesse et cette colère un peu en même temps aussi de me sentir pas comprise, pas écoutée qu'on me dise "bah non non on a décidé que tu as tu avais ça, tu étais anorexique et que c'est pour ça. Donc maintenant, fais un effort, hop, hop, hop". Enfin voilà, je me sentais vraiment pas écoutée et je perdais un peu de foi en la médecine. Je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie considérée. Voilà, j'aurais aimé qu'on aille plus chercher quand même. Qu'ils se disent "Tiens, peut-être aller investiguer ailleurs" ou qu'on me dirige tout de suite peut-être vers la médecine interne dès ma sortie des urgences. Qu'ils admettent qu'ils ne savaient pas. Voilà. Moi, c'est ça qui m'a... Ça m'a profondément blessée. Ça m'a fait perdre du temps. Ça aurait pu me mettre très en danger. Donc, je me suis sentie seule, pas considérée et je me suis sentie faible. Je me suis sentie vraiment affaiblie et j'avais très peur. Oui, ça a été très compliqué, bien sûr. Même quand mon diagnostic a été posé, ça a été compliqué, en fait, parce que ça ne s'est pas arrêté là, l'errance, puisque... En médecine interne, ils m'ont dit qu'ils allaient continuer à me suivre. Je me suis dit "Est-ce que je peux être suivie au service de néphrologie ?" Ils m'ont dit "Non, c'est un tel qui va vous suivre". Pareil, je n'avais pas accès à un néphrologue tout de suite, même une fois mon diagnostic posé. C'est-à-dire que je n'ai pas pu voir un spécialiste, même une fois mon diagnostic posé. Donc je me suis dit "Mince, je vais voir qui ?" Je voyais un médecin tous les trois mois qui m'a mis sous un traitement très lourd, qui me faisait être beaucoup plus malade. que lorsque je ne prenais pas de traitement. Donc c'est là que j'ai senti aussi physiquement, donc ça a été très compliqué ça aussi pour moi. L'errance, elle a un peu continué en fait dans ma prise en charge, après, pendant encore six mois après, puisque j'avais un traitement qui me donnait des effets secondaires dingues, qui était très lourd, qui m'empêchait de me lever le matin, qui me donnait envie de vomir. J'avais des diarrhées, mais c'était insupportable. Vraiment, je m'affaiblissais, alors pourtant j'étais prise en charge et que j'avais eu un diagnostic. Je me dis mais ce n'est pas possible, je ne sais pas Ok, maintenant on sait qu'il y a un diagnostic, ça fait du bien, je sais ce que j'ai, mais par contre, le traitement, il va me faire vivre comme ça ? C'est très contradictoire ce que tu penses à ce moment-là, parce que tu dis en fait, le traitement, il me rend plus malade que quand je n'avais pas de traitement, mais si je n'ai pas de traitement, je risque gros, donc… Si ça va être ça ma vie d'avoir des cachets, d'être malade avec des cachets, non. Et puis à ce moment-là, je me suis dit, je ne peux pas continuer comme ça. Donc j'allais sur des forums, j'ai cherché par moi-même en fait, quelqu'un peut-être qui pouvait être spécialiste de mon syndrome, sachant que ce n'était pas le cas dans ma vie. J'ai cherché, je suis allée sur des forums, j'ai discuté avec des gens et des gens m'ont donné un nom. Je peux donner le nom ou pas ?

  • Giulietta

    Oui, bien sûr. Je ne sais pas, sauf si le praticien ne serait pas content que tu le donnes.

  • Marlène

    J'imagine que si. Donc, ils me donnent un nom, celui du docteur Blanchard. Tout le monde me dit que le docteur Blanchard est super, mais elle est à Paris. Donc, je me dis qu'il faut absolument que je voie ce médecin. Seulement, je n'étais adressée par personne. Je débarquais un petit peu à dire "Comment je vais prendre rendez-vous si je ne suis pas adressée ?". Les gens vont me dire "comment vous savez que vous avez Gittelman ?" Ça a été un peu la croix et la bannière pour la contacter. J'ai essayé, essayé, essayé, et j'ai réussi à décrocher un rendez-vous. Et là, il se passe encore des mois, plusieurs mois, tu vois. Là, on est en 2014, donc ça fait un an qu'on m'a dit que j'avais un problème, puis six mois que j'ai été diagnostiquée, et encore six mois après, je réussis enfin à décrocher un rendez-vous avec ce médecin. Et là, c'était fantastique, parce que ce médecin, elle a mis des mots. Elle m'a dit ce que je voulais entendre depuis le début.

  • Giulietta

    C'est quoi que tu voulais entendre, justement ?

  • Marlène

    En fait, je voulais entendre que, ben, "T'inquiète pas, on comprend ce que t'as, ça, ben ça, ta maladie, pourquoi elle est arrivée". On m'a expliqué la maladie. Parce que moi, je ne savais pas, je l'ai cherchée sur Internet. On m'a posé un diagnostic, mais on ne m'a pas dit pourquoi, d'où ça venait, ce que ça occasionnait. Elle, elle m'a tout expliqué avec des mots simples. Elle m'a montré un schéma, elle me dit... "Ce n'est pas une fatalité". Et surtout, elle m'a dit "e médicament-là, il vous rend malade ? Oui, on l'arrête". Et elle a tout réévalué mon traitement. Elle me di "On ne soigne pas des symptômes, on soigne des gens". Et vraiment, elle a été hyper humaine, hyper à l'écoute. Pour moi, ça a été une rencontre incroyable. Heureusement que j'ai eu cette ressource-là à un moment donné, d'aller la chercher.

  • Giulietta

    Oui, oui. Moi, ça m'a fait la même chose. Alors, j'ai une maladie bien moins intrusive et mes symptômes sont légers. J'arrivais pas à trouver la personne avec laquelle je me sentais à l'aise. Ma neurologue précédente, elle m'avait dit "On va peut-être changer de traitement". Moi, ça m'avait angoissée, elle ne m'avait pas expliqué, elle m'avait dit "On n'a pas vraiment le choix". Alors que la perspective de prendre un traitement, ce n'est pas simple de se dire qu'on va avoir un traitement à vie. Enfin bon, bref, moi ça m'angoissait beaucoup. Mon traitement, je vivais trop bien avec. Et du coup, j'ai eu un autre neurologue. Pareil, je suis passée par la lettre d'adressage où j'ai dû demander à ma... C'est difficile de demander à son médecin généraliste et d'expliquer "Je me sens pas bien avec mon neurologue actuel, j'ai la chance d'en avoir un mais je l'apprécie pas et j'aimerais voir quelqu'un d'autre" et d'expliquer les raisons pour lesquelles on se sent pas bien, c'est pas toujours simple dans le corps médical. Et lui, effectivement, il m'a tout expliqué, il a pris le temps de comprendre les choses et par exemple, moi, ma neurologue, elle m'avait jamais expliqué ce que c'était que les fourmis dans les mains que je ressens. Et lui, il m'a expliqué ce que c'était, il m'a expliqué comment soulager ça et en fait, j'ai trouvé ça... tellement touchant et ça faisait dix ans que j'avais ma maladie et ça faisait deux ans que j'avais des fourmis dans les mains et je me suis dit oui effectivement je me suis sentie entendue et je crois qu'il faut toujours s'écouter quand on s'en sent pas bien avec un médecin ou quand on a l'impression de ne pas avoir les réponses à ses questions, il ne faut pas hésiter à consulter une autre personne. Ça prend du temps par contre et effectivement faire Brest Paris, c'est engageant, ça coûte de l'argent enfin c'est pas anodin.

  • Marlène

    Mais j'étais prête à tout à ce moment-là pour ne pas rester comme ça, en fait. Je me suis dit "Tant pis, il faut que j'aille à Paris, je monte".

  • Giulietta

    Oui. Elle te suit toujours Mme Blanchard ?

  • Marlène

    Ça fait dix ans, du coup, qu'elle me suit, Mme Blanchard, que je salue. Elle est formidable. Avec le Covid, j'ai une consultation deux fois par an avec elle. Donc, elle me fait mes ordonnances. Et puis, on voit, je suis très suivie aussi. J'ai des prises de sang régulières pour s'assurer que tout va bien. Elle m'a mis en lien aussi avec un rhumatologue parce que eux ils ont un réseau en fait pour ces problèmes de calcium, tu sais, sur les articulations, les ligaments, tout ça. Eux ils ont créé un réseau, ils ont vraiment un groupe de recherche, c'est des chercheurs aussi. Donc eux ils font partie d'un centre de référence des maladies rares, maladies rénales rares, et donc ils font des expérimentations pour dire aussi, tiens, comment on peut améliorer les choses pour découvrir, pour aller plus loin. Mais la recherche, je sais que c'est compliqué aussi. en France, dans les hôpitaux publics. Donc bon, ils essayent en tout cas d'améliorer les conditions des patients. Et ils ont créé tout un réseau entre médecins spécialistes. Donc grâce à ça, j'ai pu aller voir un ORL aussi. J'ai su que j'avais une oreille interne complètement à l'envers. On m'a expliqué pourquoi. En fait, c'était parce qu'il n'y a plus d'échange d'ions potassium, sodium, je crois, qui fait que l'oreille interne, elle en a besoin et donc elle est détruite s'il n'y a pas ça. En fait, j'ai vu que ça avait des conséquences dans tout le corps. J'ai compris, on m'a expliqué. Voilà, on a pris le temps de me parler et de ne m'expliquer pas juste, de me dire "Tu prends ce traitement-là, tu le prendras toute ta vie. Et puis, c'est comme ça". Voilà, vraiment, j'ai vu des médecins de plein de corps de métier qui eux, en fait, c'est une espèce de réseau qu'ils ont formé pour justement pallier les problèmes qu'engendre le syndrome de Gitelman dans tout le corps. Parce que ce n'est pas que les reins. Et elle, elle me suit deux fois par an et maintenant, on se fait consultation en vidéo. Parce que là, j'ai un espèce de roulement qui fait que je ne suis plus forcément obligée d'aller là-bas et d'être auscultée. Donc, on se voit, on discute. on essaye des choses. Quand il ya des nouveaux traitements expérimentaux qui sont mis en place, généralement je réponds ok parce que j'ai envie aussi de l'aider à l'avancée de la recherche pour cette maladie là. Et puis, je pense aux autres maladies rares qui sont souvent mises de côté. Ça fait dix ans qu'elle me suit et ça va. J'ai un traitement, je suis habituée, je prends mes petits cachets matin et soir. Bon, je ne dis pas que j'aime faire ça mais disons que c'est intégré dans ma vie quotidienne oui et ça te sécurise aussi de savoir que t'es entendue, que t'es suivie et que tu as une équipe médicale qui t'accompagne. Et même si je dois faire de la route je sais qu'elle est là, je sais que j'ai des médecins référents qui me connaissent. Ils ont mon dossier. S'il y a quoi que ce soit, je monte à Paris, je peux transmettre mon dossier ou même si je dois partir en voyage. S'il m'arrive quoi que ce soit, j 'ai les numéros, j'ai une carte et tout, d'urgence, avec tout ce qu'il faut, les numéros de mon médecin. Enfin voilà, je suis sur des rails si tu veux.

  • Giulietta

    Oui, oui je comprends tout à fait. Effectivement, pareil, moi, mon neurologue, je sais que si j'ai un problème, je peux lui écrire, qu'il va me répondre, ou bien que c'est sa secrétaire qui me répondra. Et pour rebondir sur un peu les symptômes qu'on identifie pas... Moi, mon neurologue, il m'avait posé, je me rappelle, je crois que c'était la première consultation, une question un peu anodine, il me dit "Quand vous allez faire pipi, est-ce que tout va bien ?" Et moi, j'explose de rire, je dis "Bien évidemment !" Et il me décrit en fait un symptôme potentiel en me disant "Mais est-ce que vous avez des impatiences ou quelque chose comme ça ?" Et là, je lui dis que oui. Et je lui explique. Et là, il me regarde, il me fait "Mais vous avez 30 ans, en fait, c'est pas normal. Et c'est un des symptômes de votre maladie. Ça peut attaquer les reins et le système urinaire". Et donc, en fait, le fait justement d'avoir quelqu'un qui pose les bonnes questions et qui s'en tient pas juste au récit du patient, c'est important.

  • Marlène

    Exactement. Puis tu peux anticiper aussi, te dire "Oh là là, je ne sais pas, qu'est-ce qui m'arrive ? Ok, je sais que ça, ça correspond à tel symptôme parce qu'il m'a bien expliqué" et donc je ne m'affole pas plus que ça. J'alerte, mais c'est normal. Enfin, c'est normal. C'est logique. On va dire ça plutôt que normal.

  • Giulietta

    Oui, voilà. Tu peux identifier ce qui doit faire l'objet d'une inquiétude. reporter à ton médecin, et ce qui fait partie d'une routine de personnes malades, et qui n'est pas grave en soi, même si inconfortable ou embêtant. Je pense avoir déjà la réponse, mais c'est une question rhétorique. Est-ce que la maladie a changé le rapport que tu entretenais avec toi-même ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Ça a changé beaucoup de choses. J'ai beaucoup réfléchi. J'ai été beaucoup, pendant beaucoup de temps, en colère. Ça, c'est clair. Je ne voulais pas. Non, ça ne m'arrivait pas à moi. Parce que je suis quelqu'un, en plus, de très dynamique, qui aime bouger, qui aime faire plein de choses. Voilà, qui n'est pas du tout dans l'observation ou en retrait. J'aime bien que ça bouge, j'aime bien être... Voilà, j'ai beaucoup d'énergie. Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais, parce que j'allais contre mon corps en disant "non, non, je peux le faire". Et puis en fait, du coup, j'avais des coups de pompe horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi. Puis autour de moi, on ne comprenait pas. Donc, j'essayais aussi de donner le change. Enfin, tu vois, c'était vraiment… Mais si je parle par rapport à moi-même, pas à ce que je donnais à voir, je vais essayer de répondre à ta question quand même, pas trop de me partir. Oui, pour moi, ça a été… ça a changé le rapport à moi-même. Mais ça ne fait pas si longtemps. Tu vois, ça fait 11 ans que j'ai été diagnostiquée maintenant. Enfin 11 ans qu'on a découvert qu'il y avait un problème et 10 ans j'ai été diagnostiquée, il n'y a que maintenant que je me dis "Je vais faire en fonction" C'est-à-dire finalement, la maladie, oui je dois la prendre en compte, donc je vais régler ma vie. Aussi en fonction, notamment mon travail et faire autrement parce qu'en fait je ne vais pas continuer à lutter mais je vais plutôt essayer d'être dans l'acceptation, de dire Wok, je suis comme ça, ça ne fait pas de moi quelqu'un de moins bien, ou quelqu'un de cassé, c'est juste que je fonctionne autrementW. Après je garde mon cerveau, je garde ma flamme, seulement le corps ne suit pas forcément, donc je vais essayer de faire autrement. Ça fait vraiment peu de temps que je fais ça.

  • Giulietta

    Et comment tu as cheminé pour en arriver à cette conclusion un peu plus douce ?

  • Marlène

    Quand j'ai vu que ça ne marchait plus, à un moment, je me suis dit "Non, tu ne peux pas continuer comme ça". C'est toujours un peu violent. C'est un peu des blackouts. C'est tout à coup. Non, ça suffit. Je ne peux plus continuer comme ça, un peu du jour au lendemain. Je pense que je chemine sans me rendre compte. Et puis, à un moment donné, je tranche. Je me dis "Ben non. je ne peux plus continuer comme ça". Ça a commencé avec le travail, où mon travail s'est arrêté. J'ai eu plein de chamboulements cette période. En 2014, j'ai un contrat qui s'est arrêté, j'ai repris des études. J'ai hyper bougé aussi en même temps dans ma tête. Il y a eu plein de changements dans ma vie. Ça a été dur, mais je suis allée jusqu'au bout. Et puis... Et à un moment aussi où je me suis dit "Bon, je vais sortir du salariat parce qu'en fait, le rythme de travail, un peu de bureau, je ne peux pas". Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus, que je m'épuisais complètement. Et c'est aussi en discutant avec mes proches, en étant entourée. Et puis vraiment, moi, c'est fait le déclic. Non, ok, je vais arrêter ça.

  • Giulietta

    Tu m'avais parlé la dernière fois d'un exemple concret sur une formation où tu savais que ça allait te fatiguer. Et donc... Tu as judicieusement choisi de modifier un peu les modalités pour te préserver.

  • Marlène

    Oui, tout à fait. En fait, le fait que je sois indépendante aujourd'hui, ça me donne beaucoup plus de liberté aussi pour travailler en fonction de mon rythme à moi. Je n'ai pas le 9h, 17h ou 18h, 5 jours à la suite par semaine. Je peux fonctionner en fonction de mon rythme à moi. Je peux travailler à mon rythme. Donc ça, c'est bien. Ça ne me fait pas travailler forcément moins, mais à des heures qui sont OK pour moi. Je peux faire des longues pauses si j'ai envie de faire une longue pause. Dans mon travail, quand je travaille chez moi, je peux travailler un peu le matin, un peu le soir. Et si je ne suis pas bien, je peux me reposer le reste de la journée. Et c'est vrai que quand on me demande, parfois on me fait des demandes sur trois jours d'affilée, avec cours toute la journée. Ben ça je m'étais dit "Bon allez, je vais le faire parce qu'il y a aussi l'argent, il faut bien gagner sa vie. Mais aujourd'hui je me dis "Non là, les trois jours d'affilée j'ai plein d'autres choses avant je sens que je m'affaiblis là que je vais pas les tenir pas que ça va vraiment me faire du mal". Je préfère perdre de l'argent et dire bah non je ferai pas les trois jours d'affilée je les ferai en demi journée et on s'est arrangé En fait, parce que j'explique aussi aux gens, ce qui fait que ça va mieux aussi, c'est que j'explique aux gens pourquoi. Je dis, "Ben là, non, moi, ça va trop me fatiguer de faire ça". Et je propose une alternative. Je ne dis pas juste, voilà, ben non, je ne le ferai pas. Je dis "Voilà, est-ce qu'il serait possible de faire plutôt comme ci, comme ça ?" Et j'explique très clairement aux gens, les gens sont au courant. "Voilà, là, ça me fatigue trop parce que blablabla". Donc je ne pourrais pas assurer. Et généralement, les gens sont très compréhensifs, les clients sont très compréhensifs, et ça se passe bien. Mais effectivement, il y a des choses parfois que je refuse, pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que je sais que je ne vais pas pouvoir. Et donc aujourd'hui, je me mets en priorité. Mais cette liberté-là, elle est essentielle pour moi, et elle me permet vraiment de travailler comme je peux, et comme je veux.

  • Giulietta

    Le corollaire de tout ça, c'est que tu acceptes d'en parler. Et ce n'est pas une chose facile, surtout à des clients, dans un contexte pro. Comment est-ce que tu gères justement le sujet de verbaliser tes limites ?

  • Marlène

    Alors au niveau professionnel, je ne le dis pas tout le temps ou pas tout de suite. Je le sens pas ou pas. Je n'en parle pas d'entrée de jeu. C'est vrai que quand j'étais salariée, oui, parce que j'avais ma RQTH, donc je la faisais valoir tout de suite. Les jobs que j'ai eus en tant que salariée, au niveau de la DRH, je faisais valoir la RQTH pour avoir des aménagements de planning. C'était acté, c'était institutionnalisé. Mais depuis que j'ai pris mon envol, on va dire, en tant qu'indépendante, je vois si j'ai besoin d'en parler ou pas. Je ne le fais pas d'entrée de jeu. Par contre, je choisis dans l'emploi du temps et si à un moment, vraiment, il faut que j'explique à la personne "là, je ne peux pas t'assurer tant de jours à la suite ou là, pour moi, ça va être trop compliqué ces horaires-là", j'explique pourquoi, ce qui se passe. Alors souvent, parfois, j'ai des réactions, j'ai de tout comme réaction. Souvent, on va me dire "C'est vrai, t'as ça, ça ne se voit pas du tout. On ne penserait pas du tout parce que tu es tellement dynamique". J'ai tellement l'habitude d'entendre ça. Aujourd'hui, ça me fait moins mal. Avant, ça me faisait du mal parce que j'avais l'impression qu'on minimisait un petit peu mon discours. Et le fait que je suis en situation de handicap parce que "Oh, mais tu es tellement dynamique, on ne croirait jamais !" Alors que ce n'est pas méchant de la part des gens, c'est vraiment qu'ils sont surpris et ils le verbalisent aussi, ce que je comprends tout à fait. Mais voilà, disons que je dose, quoi. Je le dis quand j'ai vraiment besoin. Si je n'ai pas besoin, je ne le dis pas. Et si je peux m'arranger, voilà, j'estime que les gens n'ont pas forcément besoin de le savoir. Et si je n'ai pas besoin de le dire, je ne le fais pas. Si j'ai besoin, je le fais. Et généralement, ça se passe bien. Et de toute façon, moi, je suis au clair. C'est-à-dire que je vais refuser parfois certaines missions. Maintenant, je me mets vraiment en priorité. Donc, à la limite, qu'en face, ils comprennent ou pas, bon. Comme j'ai pris du recul, je sais aussi l'expliquer avec les mots qu'il faut et expliquer aux gens quel est mon besoin. J'ai appris aussi à mettre vraiment des mots sur ça. Ce qui fait qu'en face, généralement, j'ai beaucoup de compréhension et d'écoute parce que moi aussi, je sais le verbaliser comme il faut. Et dans mon entourage, l'entourage, ce n'est pas pareil parce qu'il y a de l'affect, il y a plein de trucs qui rendent en cause, qu'il n'y a pas dans le travail. C'est vrai que dans mon entourage, ma famille m'a toujours énormément soutenue, ils sont avec moi, ils savent, ils savent très bien ce qui se passe. Après on ne passe pas notre temps à en parler parce que ça ne sert pas forcément à grand chose, mais ils savent que si je suis fatiguée, ils vont me ménager un petit peu. Mon mari est là aussi, il a eu ces périodes où il a fallu aussi qu'il comprenne, qu'il accepte, mais ça on l'a fait aussi ensemble en discutant parce que c'est pas forcément facile aussi pour l'entourage. Lui du coup, il a fait une formation d'aidant pour les aidants familiaux. Il est allé en formation, ça l'a aidé d'aller discuter avec d'autres gens qui ont à charge par exemple une personne en situation de handicap. Et il a fait cette formation là, je ne sais plus, c'était je crois que c'était six fois, enfin voilà il y avait quelques heures quand même. Et il y avait un groupe de parole et une formatrice qui donnait quelques clés. Ça l'a aidé de faire ça. Et puis ma belle famille, pareil, au début c'était difficile… Et je comprends avec le recul. "Pourquoi tu ne peux pas faire une balade ? Pourquoi tu ne viens pas ?" Parce que parfois je ne venais pas aux repas. Parce que moi, j'étais crevée. Et que, ah non, je n'ai pas envie de venir au repas. C'est trop compliqué pour moi. J'ai envie de… Je n'ai pas forcément envie de me montrer aussi quand c'est comme ça. J'ai juste envie d'être un peu dans ma bulle, de me reposer. Mais ça a été dur aussi de dire "Mais elle ne vient pas" : les gens le prennent pour eux en fait. Alors que pas du tout, c'est juste que je me mettais moi en priorité. Mais voilà, il a fallu aussi discuter, échanger. Et maintenant, c'est OK.

  • Giulietta

    Et comment tu gères justement le regard des autres maintenant ? Parce que souvent, ça dit beaucoup de choses de l'autre, la manière dont il réagit. Je pense que quand quelqu'un a une réaction un peu maladroite ou inappropriée, c'est que ce qu'on lui raconte lui fait peur et le ramène sans doute à lui-même. Comment est-ce que tu arrives à exprimer ce que toi, tu as envie d'exprimer, ton rapport au monde, tes limites, sans pour autant prendre les choses forcément personnellement ? Est-ce que ça t'a mis du temps ?

  • Marlène

    Oui, je n'y arrive pas toujours, même aujourd'hui. Parfois, je le prends avec du recul mais pareil, c'est si j'ai un rapport affectif ou pas avec l'autre. Ça va dépendre de si je mets de l'affect ou pas. Si c'est dans le cadre du travail, et les gens me disent "Oh, c'est vrai !" La réaction, ça va être "Oh ! Jamais je n'aurais cru que tu étais malade, parce que tu es tellement dynamique, tellement souriante, tellement jouée, etc". Je peux comprendre qu'ils me disent ça aujourd'hui. Donc j'explique juste "Ben non, tu vois, j'ai des moments, des fois que tu ne vois pas, il y a des coulisses à mon attitude". Donc ça, ça va à peu près, surtout depuis que je suis indépendante. Quand j'étais salariée, c'était plus compliqué parce que les gens me demandaient beaucoup et j'avais beau leur dire "Non, je ne peux pas faire ça", j'ai dû m'imposer à un moment donné parce que les gens, ils insistent. Souvent, ils vont tirer, tirer, tirer, tirer, tirer parce que comme ça ne se voit pas, ça n'existe pas quelque part. Donc, je vais voir jusqu'à où tu peux aller. "Oh, clac ! Oh, mince, ça casse !" Donc, j'ai dû apprendre avant que ça casse, justement, à dire "Non, je ne ferai pas ça. Non". Mais ce n'était pas dans ma nature, donc j'ai appris à dire non, ça m'a aidé. La maladie m'aide aussi. Elle aide forcément parce que tu découvres aussi des ressources pour continuer à avancer. Notre société n'est pas vraiment faite pour l'acceptation du handicap. On se doit aussi de performer, d'être bien, d'être beau. Donc forcément, ce n'est pas facile. de dire aux gens, ben non, moi je ne suis pas forcément dans ce moule-là, mais je l'assume. Et ça fait quand même quelqu'un de moi qui a une certaine force et beaucoup de ressources, parce que j'ai du recul, parce que je vois le monde autrement, parce que j'ai dû m'adapter beaucoup plus. Et ça ne m'a pas empêchée de réussir, mais à mon échelle. Encore aujourd'hui, j'ai du mal parfois avec certaines réactions, j'essaye de le prendre avec philosophie et de continuer à dire "Ben si, c'est comme ça". Juste dire "Écoute, peut-être que tu n'acceptes pas, mais c'est comme ça. Donc, je ne vais… je ne me force quasiment plus". Parce qu'avant, je me disais, c'est vrai, il pense ça. Bon, allez, je vais quand même y aller parce que maintenant, je ne le fais presque plus. Je préviens aussi même : "Oulala, je sens que je vais être crevée là. Tu me demandes de faire ça ? Oui, peut-être à un moment donné, je serai obligée de partir". Je fais de la prévention même. Je fais de la prévention. Pour m'éviter justement des remarques qui pourraient me blesser. Parce que parfois, je suis fatiguée. Du coup, je suis plus susceptible, plus sensible. Parfois, je n'ai pas de recul.

  • Giulietta

    Oui, mais comme tout le monde, en fait, ça implique un gros travail sur soi quand on est confronté à de la fatigue chronique. Juste pour expliquer le concept, ce n'est pas la fatigue que connaissent la plupart des gens quand, je ne sais pas, ils ont trop fait la fête. Ils ont un peu tiré sur la corde. C'est une fatigue dont on a du mal à se remettre et une bonne nuit de sommeil ne suffit pas. Il faut vraiment adapter son mode de vie. Et du coup, ça implique d'avoir beaucoup de recul, justement, de mettre en forme ce que tu dis pour pouvoir communiquer correctement. Mais c'est un travail qui est difficile en général. Tu m'avais expliqué quand on avait échangé la dernière fois que tu avais fait un gros travail sur la gestion de tes émotions. Je me rappelle plus du terme, attends, je crois que je l'ai sous les yeux, mais tac, tac, tac, tac, tac. Tu m'avais dit "Chaque émotion donne un message".

  • Marlène

    Oui, c'est vrai.

  • Giulietta

    Et de la pleine conscience, tout ça, est-ce que tu te sens à l'aise pour en parler et expliquer un petit peu ton cheminement sur le sujet ?

  • Marlène

    Oui, oui, bien sûr. Moi, il y a deux formations que j'ai faites, enfin, j'ai fait deux rencontres avec des concepts et des gens, du coup, qui étaient associés à ces concepts. Ça m'a énormément aidée. Le premier, c'est la communication non-violente. Parce qu'en fait la communication non violente, c'est pas seulement être avec les autres, c'est aussi être avec soi. D'abord se comprendre soi, avoir de l'empathie pour soi, se dire un peu comment je me sens, de quoi j'ai besoin, pour pouvoir ensuite être dans un rapport plus constructif avec les autres et plus positif, qui est ce sentiment de réciprocité, mais être aussi à l'écoute des autres. Donc il y a le soi. soit envers les autres et puis les autres envers soi. Je ne sais pas si je suis claire. J'écoutais ça, je me disais "C'est génial" ! Ça a allumé la lumière dans mon cerveau, justement pour m'exprimer en termes de besoins et de sensations, d'émotions liées. Donc ça, ça m'a beaucoup aidée et je continue à me former, parce que ça prend des années à lire des bouquins sur la communication non-violente. Je trouve ça vraiment fantastique. Et pourtant, j'ai fait des études en sciences, mais je trouve que ça vient aussi de la science. Un psychologue qui a créé ce concept, et il s'est basé sur des choses qui sont très sérieuses. Ce n'est pas juste une théorie un peu bisounours, c'est vraiment un outil ultra puissant. Donc j'ai découvert ça, et j'ai découvert aussi la pleine conscience. Pareil, ça a allumé une autre lumière chez moi. Je me suis rendue compte que... Toute ma vie, j'étais coupée de mon corps. Je pouvais prendre ma tête, je pense, et la mettre sous le bras, tu vois, et me balader comme ça. J'aurais pu discuter avec toi, mais avec ma tête sous le bras, quoi. J'étais totalement coupée du corps. Je pense que c'était lié aussi de dire non non mon corps m'en occupe pas, je fais marcher ma tête parce qu'elle marche bien donc le corps, bon il marche moins bien mais c'est pas grave je vais le laisser tomber. En fait, je me suis rendu compte assez vite qu'il fallait que j'aligne tout ça parce qu'il me manquait quelque chose. Je n'étais pas épanouie, j'avais besoin d'être connectée quoi avec moi même, avec mon corps et puis aussi avec la terre avec voilà et de me dire "Il faut que tu sois plus dans l'instant présent". Je sentais que j'avais des besoins à ce niveau-là, mais je ne savais pas trop comment les résoudre. Et c'est un ami qui m'a conseillé de faire un stage qui s'appelle MBSR. Et puis, c'est un programme, en fait, qui a été mis en place par un médecin aux États-Unis. Et il y a un certain nombre d'heures. C'est un programme en huit semaines où on apprend vraiment à être dans l'ici et maintenant. Et j'ai fait ce programme. très intensif, je me suis beaucoup donnée, parce que c'était tous les jours, et une fois par semaine on se réunissait en groupe, et autrement il fallait bosser tous les jours et être vraiment dans le présent... et faire la méditation en fait, de la méditation de pleine conscience. Donc c'est pas la relaxation quoi, c'était vraiment être là, être présent, être connecté à ce qui se passe, là tout de suite. Ça a été hyper dur pour moi, qui ai l'habitude... Bah déjà il fallait que je me concentre, donc en plus comme je suis fatiguée, voilà c'était d'autant plus dur puisque... Tu as dit très bien tout à l'heure, la fatigue chronique, c'est vraiment une chape de plomb. Moi, je me réveille le matin, je suis crevée, je me couche, je suis crevée. Des fois, quand je marche, j'ai des bottes de plomb. C'est quelque chose qui te… Comme si tu avais une armure sur toi qui t'entraînait vers le bas. Donc, se concentrer quand tu es comme ça, ce n'était pas facile. Ça paraît, mais ça a été fantastique. Vraiment. et puis surtout j'ai appris à me dire "Ok, attends. Je fais pause là comment je me sens, qu'est-ce que je ressens dans mon corps ?"c'est pas juste mettre un mot sur une émotion, c'est aussi la ressentir physiquement. Tu vois donc j'ai appris à me reconnecter et comme ça à faire un peu la paix aussi avec mes émotions ou du moins à dire "Bah je le sens ça maintenant là tout de suite et c'est ok tu vois ?"

  • Giulietta

    Oui, c'est un long travail !

  • Marlène

    Ah ouais c'est ça, et je continue à bosser, c'est pas fini hein J'ai encore du travail, mais ça, ça m'a énormément aidée. Énormément. Et puis de me mettre aussi en solo, pour le travail, ça m'a beaucoup aidée aussi, d'accepter ça chez moi. Et voilà, de dire, je suis indépendante et je fais à mon rythme les choses.

  • Giulietta

    Et mais, tu vois, par exemple, sur le fait de gérer ses émotions et surtout de savoir ce qu'elles veulent dire. Par exemple, moi, je suis quelqu'un d'extrêmement anxieux. Et jusqu'à présent, je me disais... Bon, je suis anxieuse et je me battais contre mon anxiété sans chercher à savoir ce qu'elle voulait dire, en fait. Mais je ne suis pas tout le temps anxieuse : je suis anxieuse dans des situations dans lesquelles je me sens mal. Ça veut dire quelque chose de ressentir ça. Et après, libre à moi de me dire "Là, je vais essayer de travailler sur moi et de faire en sorte que cette situation ne soit plus anxiogène". Ou bien, en fait "C'est un red flag, il faut que je fasse attention et peut-être qu'il faut que je ne fasse pas ça". Mais ça prend du temps, effectivement, de se dire... que les émotions, ce n'est pas quelque chose d'irrationnel qui nous tombe dessus. Mais en fait, ça veut dire quelque chose de nous et quand elles sont là, ça donne une couleur sur ce qu'on ressent, sur le monde qui nous entoure et il faut l'accepter.

  • Marlène

    C'est exactement ce que je te disais la dernière fois. L'émotion, elle a un rôle en fait. Elle t'envoie un message. Donc soit comme tu dis "Red flag ! Oula, là je suis énervée, attends, qu'est-ce que ça dit de moi à cet instant-là ?" Et si déjà, nous on comprend. Si on peut comprendre ça pour nous-mêmes déjà, mais qu'on soit en situation de handicap, ou pas. Si on comprend ça déjà de nous-mêmes, déjà, on arrive à mieux comprendre que ça arrive chez l'autre. Et du coup, les rapports humains sont beaucoup plus sains. Parce que si moi, j'arrive à comprendre, au lieu de les entasser, de les mettre dans un coin, et que du coup, elles s'empilent, elles s'empilent, que je ne fais pas attention, et du coup, forcément que j'explose à un moment donné. Si moi, j'arrive à faire ce travail-là, je vais beaucoup plus... écouter les autres, puisqu'ils peuvent ressentir la même chose que moi. Tu vois ce que je veux dire ?

  • Giulietta

    C'est un des sujets de la communication non-violente, justement, de ne pas livrer un message brut, mais de dire à ce moment-là, je me suis sentie comme ça, et donc d'expliquer qu'à un moment, on a pu réagir de telle façon, mais parce qu'on a eu tel ou tel ressenti.

  • Marlène

    Tout à fait, et que ce n'est pas forcément l'autre qui est à blâmer. C'est juste que moi, j'ai tel besoin parce que je me sens comme ça. Il faut expliquer aux gens, en fait. Il faut donner la chance aux gens d'essayer de nous comprendre. Mais pour ça, il faut avoir fait ce travail de savoir qu'est-ce que je ressens, pourquoi, ça me fait quoi, et vraiment de verbaliser quoi. Se poser et dire ok parce que les autres ils ne vont pas deviner. On n'est pas dans un monde, les gens ils ne font jamais ça parce qu'ils sont avec eux-mêmes et on n'est pas dans un monde comme ça sauf exception mais les gens d'eux-mêmes. Ils ne viendront pas donc je pense à nous aussi déjà de comprendre ce qui nous arrive d'essayer d'expliquer à l'autre. Après l'autre, s'il ne comprend pas, c'est son problème en fait mais nous au moins on aura été clair déjà avec nous-mêmes... Et on peut prendre des décisions beaucoup plus éclairées aussi. Après, l'autre, il réagit, il ne réagit pas. Bon, au moins, on aura essayé. J'essaye de le prendre comme ça. Mais c'est vrai que des fois, oui, on en veut à la terre entière. On est crevé. Et puis, quand tu es crevé, c'est dur. Tes émotions, elles sont exacerbées. Tu es à fleur de peau. Donc, ce n'est pas facile quand physiquement, des fois, tu es affaibli, d'avoir du recul sur ces émotions. C'est vrai. D'où l'idée de… Moi, maintenant, j'essaye de me poser, de faire une petite méditation, de dire "Attends, oh là là, je ne vais pas bien là". Je me pose, deux secondes, je fais stop. Qu'est-ce que j'essaye de sentir physiquement ? C'est grâce au stage de pleine conscience que j'ai réussi à faire ça. Et puis, je vais dire "Tiens, ma gorge est serrée ou J'ai mal au ventre ou Je sens que ça me tape dans les tempes. Oh, mais je suis énervée en fait !" du coup comme je suis énervée, j'essaye de me dire "Qu'est-ce que je peux faire pour me préserver moi ?". Une fois que je suis au clair avec ça, je peux dire à l'autre "Excuse-moi là, je suis énervée donc je vais m'isoler un peu ou je te rappelle plus tard".

  • Giulietta

    Mais bien sûr et alors la méditation de pleine conscience, c'est vraiment quelque chose qui est intéressant ! J'en avais fait un petit peu, je n'ai jamais été très assidue... Mais effectivement, faire l'exercice de se poser et d'observer le monde qui nous entoure et de s'observer soi-même, c'est assez libérateur. Moi, je me rappelle que l'exercice du scan corporel où tu descends petit à petit, etc. Mais tu te rends compte que tu es méga tendu alors que tu ne le sentais pas du tout avant. Moi, c'était genre le visage tendu, les mâchoires crispées, etc. Et juste le fait de s'en rendre compte, tu te détends et ça va mieux. Et aussi les exercices où j'avais fait un... Avec une copine de mon coworking, on a fait de la forestérapie. Et donc tu vas te balader en forêt. On était au bois de Vincennes, on était en groupe. Et elle nous donne des petits exercices à faire ensemble pour se familiariser avec la forêt. Donc sentir les odeurs, observer les choses, les bruits, etc. Et tu fais aussi des exercices en binôme. Et ça m'avait vachement émue. On en fait l'autre te montre quelque chose qui l'a touché et tu sens une odeur et tout. Et en fait, moi, je me rends compte, je suis passée plein de fois dans le bois de Vincennes, je n'ai jamais senti l'odeur des écorces en marchant, je n'ai jamais écouté le bruit, tu sais, des différentes surfaces du sol en fonction d'où je marche, puisque je marche vite et je vais d'un point A à un point B. Et le fait de ralentir et tout d'un coup de se dire "Qu'est-ce qui se passe autour de moi ?", et c'est vraiment quelques secondes, ça apaise tellement. Et je trouve que ce truc de... Bon, bref, toute une digression pour dire que parfois, ralentir un petit peu et observer ce qui se passe autour de nous, ou s'observer soi-même, c'est super apaisant et ça fait du bien. Et on ne le fait pas souvent.

  • Marlène

    Tu as complètement raison. Et finalement, je trouve que c'est assez en phase avec la situation de handicap parce que comme physiquement tu es un peu "au ralenti", entre guillemets, il faut le dire, comme tu es fatigué de manière chronique ou que tu souffres, ton corps est au ralenti. Et donc finalement, d'être en phase avec ça, de dire "Ok, d'accord, je vais ralentir moi aussi un peu dans ma tête, dans mes autres sens, pour être en phase avec ce corps", et on se rend compte qu'en fait, de ralentir, ça apporte énormément de choses. Ça te permet de changer de perspective, de faire un pas de côté sur ce qu'on vit, sur ce qu'on pense, sur les choses qu'on ne voit pas au quotidien parce qu'on est dans une société vraiment dite de l'accélération. Et finalement, ce ralentissement un peu forcé physique, quand on essaye de se mettre en phase avec ça, ça nous apporte tellement plus. Tellement de... d'enfin voir, ok, ah tiens, je vais faire une petite pause là. Ça fait tellement du bien. Et comme notre corps nous oblige, entre guillemets, un peu à faire ça, c'est presque une chance quand on arrive à la saisir.

  • Giulietta

    Mais en fait, le fait de ralentir, tu observes qu'il y a des émotions qui sont récurrentes ou des patterns qui reviennent. Et de te dire, après chacun a le choix en fait, de se dire "Est-ce que je veux continuer ? Et est-ce qu'effectivement, ressentir cet inconfort ? J'accepte parce que j'en tire un bénéfice qui me convient ou est-ce que je vais ralentir ?"

  • Marlène

    C'est passionnant d'aller un petit peu creuser en soi et puis de découvrir ça et de conceptualiser. Les concepts et les théories, ça m'a beaucoup aidée justement à comprendre. Après, il faut incarner je suis encore en cheminement là dessus mais je trouve ça super intéressant j'aurais bien aimé découvrir ça avant mais bon.

  • Giulietta

    Est-ce que t'étais prête à ce moment là parce que les concepts, je pense qu'ils existaient autour de toi mais tu n'y as pas accordé de l'attention, non ?

  • Marlène

    Sans doute pas en tout cas, c'est mon chemin. Je ne regrette pas du tout les choix que j'ai faits. Mon chemin m'a amenée là aujourd'hui. J'en suis là aujourd'hui. J'ai plein de choses encore à découvrir, à expérimenter, à découvrir sur moi, sur le monde, les autres. Essayer de faire bouger à ma petite échelle les choses aussi. J'ai encore un peu de niaque. Donc, je vais continuer.

  • Giulietta

    Moi, j'ai une dernière question. Ton époux, en fait, si j'ai bien compris, il était dans ta vie. avant que tu déclares ton syndrome ?

  • Marlène

    Non, je l'ai rencontré après.

  • Giulietta

    Et comment ça se passe, si tu es OK pour aborder ce sujet, le fait de vivre un petit peu à trois, puisqu'il y a ta maladie, toi et ton époux ? Ça a un impact sur la vie de couple, non ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Comme je te disais tout à l'heure, on n'est pas au même rythme, lui et moi. Et puis en plus, on est à un âge où on est encore normalement... Tu vois, vouloir faire plein de trucs, partir en voyage, faire la fête avec des amis, aller dehors, inviter du monde. Bon, pour nous aider, c'est vrai, pour nous aider, au début, ça ne nous a pas aidé. On est très différents dans les personnalités. Donc, on opposés. Mais c'est ce qui nous a rapprochés aussi. Lui, il aime être très entouré. Avoir du monde, aller boire un verre, discuter avec plein de gens, être en famille, voilà. Et moi, je ne suis pas une solitaire, mais comme je te disais tout à l'heure, j'aime bien mon indépendance. Donc moi, ça me va bien de ne pas être trop en interaction, trop souvent, avec trop de gens, tu vois. Et puis aussi parce que ça me fatigue énormément d'être en interaction. Donc ça a été, forcément, ça a eu un impact. Alors il l'a su tout de suite, puisque... Moi, j'avais déjà eu le diagnostic, donc il n'a pas vécu cette période-là avec moi. Ça, je l'ai vécu seule. Donc, je lui ai dit tout de suite, bien sûr, quand on s'est rencontré, que je souffrais de ce syndrome-là. Et je pense que... Après, je ne suis pas dans sa tête, mais lui, il a fallu qu'il chemine aussi. Forcément, il a eu des périodes où il ne comprenait pas. Parce que... Ils ne le ressentaient pas comme moi je le ressentais. C'est difficile de se mettre à la place de quelqu'un, surtout quand tu n'es pas confronté. Tu vois juste la personne qui n'est pas bien, mais en même temps, ça ne se voit pas. Donc voilà, c'est comme ce que je te disais tout à l'heure. Je peux comprendre qu'il y ait eu beaucoup d'incompréhension de sa part. Et donc, c'était compliqué pour nous. Alors moi, comme je n'ai jamais voulu le freiner, mon objectif, c'était surtout de ne pas que notre quotidien soit régi par la pathologie. Mais comme moi, je ne pouvais pas forcément m'adapter, une des solutions qu'on a trouvées dès le début, c'était que lui, il faisait de son côté. Par exemple, il veut sortir, il sort avec ses amis, mais moi, je ne viens pas. Ou il y a une réunion de famille, je ne viens pas forcément à tout. Ou alors, il faut choisir, c'est soit samedi, soit dimanche, par exemple. Ça, ça a été une première solution qui, moi, ne me frustrait pas, puisque je répondais à mon besoin et lui répondait à son besoin. Mais bon, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident parce qu'on a envie de faire des choses à deux. Donc aujourd'hui, c'est peut-être parce qu'il a vieilli lui aussi, mais lui est moins dans le besoin aussi d'être tout le temps avec du monde. Donc je pense que même lui, ça l'a aidé à se recentrer aussi sur des plaisirs simples et d'être aussi parfois avec lui-même. Donc il est moins en quête d'être toujours, tu vois, avec du monde, ou d'accueillir du monde. Et moi aussi, j'essaye aussi de temps en temps de me dire "Bah tiens, peut-être qu'on pourrait accueillir du monde, mais le midi", c'est de faire des compromis. Bon déjà, le couple, c'est du compromis, mais nous, en plus, vraiment, on a développé des stratégies, on pourrait dire ça, pour que... Être dans le compromis, donc par exemple c'est, bah tiens, d'accord, on pourrait inviter du monde, mais le midi. On pourrait prévenir la famille que si, par exemple, il y a la famille qui arrive, on pourrait faire telle chose le samedi, et puis lui, il n'y va que le dimanche. Et donc, c'est plein de stratégies qu'on a mises en place. Ça n'a pas toujours été simple, mais on y est arrivé en discutant beaucoup. Quand l'amour est là, après on se dit "Ok, il y a la force des sentiments, mais aussi comment on peut calibrer notre vie en fonction du handicap ?", sachant que ça ne touche que moi, mais que ça l'impacte lui aussi. Comment on peut faire autrement pour que tout le monde soit un peu satisfait ? Donc on a trouvé ça, c'est-à-dire en communiquant énormément, c'est notre force, moi en bossant aussi sur moi, lui aussi sur lui, en ayant fait cette formation d'aidant par exemple. On a réussi à trouver un équilibre comme ça. Après, je ne dis pas tout le temps, mais maintenant ça marche beaucoup mieux. Voilà, on a réussi comme ça. Mais après, c'est des efforts du quotidien. Mais le couple, c'est ça aussi. Donc nous, en plus, on a un petit invité. On a découvert quelque chose aussi, que c'était important d'avoir notre espace. Dans la maison, d'avoir chacun son petit cocon pour se retrouver un petit peu seul. Parce que nous, on n'est pas collés. On n'est pas d'ici à moi. Le fait qu'on soit rencontrés à plus de 35 ans aussi. Ça a aidé à savoir ce qu'on voulait plus dans la vie, je pense que ça nous a aidés aussi. On a vu nos histoires avant, notre vie, notre expérience, donc on savait ce qu'on voulait, ce qu'on ne voulait pas, enfin voilà, on était déjà assez au clair avec ça, donc ça a aidé. Mais on a chacun notre cocon, notre petit bureau, ou notre petit coin, où on peut s'isoler, être un peu tranquille aussi, c'est important, de garder aussi sa part de... comment dire, sa bulle quoi.

  • Giulietta

    Juste une dernière éventuellement question, est-ce que toi il y a des ressources ou des choses qui t'ont aidé sur le syndrome justement de Gitelman à comprendre des choses ?

  • Marlène

    Oui, alors oui, au début j'ai essayé tu vois, les forums ça m'a énormément aidée, déjà pour trouver mon médecin. Franchement, si je n'avais pas eu, heureusement qu'il y a des forums de discussion et pour ça les réseaux c'est top. Et Internet, c'est top parce que des fois, tu es isolé selon la région où tu habites. Ce n'est pas forcément évident. Et donc, Internet m'a beaucoup aidée, les forums de discussion spécialisés sur cette maladie. Et puis après, moi, j'ai essayé même d'être dans un groupe. Il y a un moment, ils ont essayé de créer ça, une communauté. J'ai essayé, j'étais à une réunion à Paris qui était organisée par l'hôpital et les médecins qui nous suivent proposent de faire des réunions de patients qui ont le même syndrome, parce qu'en fait, il faut savoir que dans le syndrome, on a le même, mais on n'a pas tous les mêmes symptômes. Donc parfois, il y a des gens qui vivent, même avec les médicaments, qui vivent très très mal, qui sont obligés d'être sous perf quasiment quotidiennement dans une chambre et tout, parce que leur potassium ne décolle jamais, et c'est parfois des patients très jeunes. Donc on n'est pas tous logés à la même enseigne, tu vois. C'est ça qui est un peu compliqué aussi. J'ai eu l'occasion de discuter avec d'autres patients et de me rendre compte qu'en fait, on avait le même syndrome et que ça pouvait avoir des manifestations diverses et variées. Donc, c'est un peu des coups de poker aussi. Et tu en as qui vivent très bien, qui font du sport à haut niveau, tu vois. Le traitement leur suffit. Voilà, c'est bon. Et j'ai trouvé intéressant de discuter avec ces gens-là, de discuter ensemble. Et puis, ils avaient créé une communauté Facebook. Et en fait, assez vite, je me suis dit non, je… Ça ne m'a pas convenu parce que j'avais l'impression qu'ils disaient des mots comme "On fait partie d'un club". Et en fait, moi, ça, c'est des choses… J'ai un peu de mal, tu vois, parce que non, je ne fais pas partie du club des malades. Alors, je ne sais pas si c'est dû à ma personnalité ou si je trouve que… En fait, j'avais l'impression que ça m'entraînait plus vers le bas d'entendre des personnes parler du syndrome et dire moi, j'ai ça, comment vous faites ? Et d'avoir des trucs et astuces. En fait, ça m'a plus angoissée qu'autre chose et j'ai arrêté, en fait, après de communiquer. Je me suis dit, on est tellement tous différents que tant pis, je fais un peu ma route. Et puis voilà, j'avoue que la ressource à ce niveau-là, ça ne m'a pas convenu. Ça convient sûrement à d'autres personnes, mais moi, j'ai essayé. J'ai essayé plein de trucs et j'essaye encore. Pour l'instant, j'arrive à mener ma barque, un peu seule, mais en discutant après avec d'autres gens, mais pas forcément qui ont le même syndrome que moi. Je trouve ça angoissant parce qu'après, les gens, c'est comme si tu... Tu vois, comme si t'étais obligée d'en parler. Alors que des fois, moi, j'ai juste envie de faire ma vie,

  • Giulietta

    En fait, c'est ce qui vous rapproche. De fait, c'est ce qui a scellé les premiers échanges. C'est peut-être difficile aussi de trouver des sujets de conversation en dehors de ça et de nouer de vraies interactions.

  • Marlène

    J'ai l'impression que... Tu dois parler que de ça. Ça me déprime, en fait.

  • Giulietta

    Moi, j'ai pas été... Enfin, si j'ai fait vite fait une formation sur ma maladie que j'avais trouvée cool, il y avait une dame qui était très en colère. Et en fait, je l'ai renseignée, etc. Je n'avais pas envie de dealer avec la colère de quelqu'un d'autre. Par contre, j'avais ressenti au moment où j'ai déclaré ma maladie le besoin d'être en contact avec des personnes malades, mais pas de la sclérose en plaques, et je m'étais investie dans une association qui accompagnait des jeunes gens dans la réalisation de projets. Des personnes atteintes par un cancer, c'était des adolescents et des jeunes adultes. Et là je m'étais sentie à ma place parce qu'on parlait de ça, alors moi je n'évoquais pas ma maladie, mais on parlait eux de leur maladie, etc. J'étais dans un contexte où c'était aussi des jeunes adultes qui étaient dans une situation de maladie, mais on parlait d'eux et pas de moi, ce que je préférais. Et il y avait quelque chose aussi de positif d'essayer d'avoir un impact positif sur la réalisation d'un projet, tout ça, et ça correspondait à ce qui, moi, me soulageait à l'époque. De rester dans un univers médical et de... Voilà, de pouvoir parler de maladie, mais sans pour autant se dire... Bah, c'est que ça. Et finalement, en fait, je me suis rendue compte très, très vite que les interactions qu'on avait portaient très peu sur la maladie et que c'était juste des jeunes gens qui étaient trop heureux. de papoter avec des gens de leur âge: on parlait plein de choses et c'était trop bien effectivement. Rencontre d'autres personnes qui ont la même pathologie que moi, il y a le sujet de se sentir légitime quand on n'a pas les mêmes symptômes ou quand on a des symptômes légers comme c'est mon cas, d'être dans le même mood aussi parce que tu peux être dans une phase de colère et tu n'as pas envie de d'écouter quelqu'un qui sent pas bien où tu peux être dans un moment où tu vas très bien et t'as pas envie d'entendre quelqu'un en colère donc c'est c'est complexe.

  • Marlène

    Exactement et j'avoue que, du coup, je préfère prendre un peu ce qui va à un moment me servir à moi mais qui n'est pas estampillé aux soins d'une pathologie, qui est juste de la santé mentale. Je prends et je fais ma petite sauce comme ça mais puisque je fais ce podcast, je me dis peut-être ça peut aider d'autres gens. Je trouve super ton initiative ; trouve ça vraiment génial. Donc, je me dis, tiens, peut-être que là, mon action d'aujourd'hui, c'est peut-être une bonne chose, qui sait, pour quelqu'un. Donc, bon, tu vois, quand même, je suis pas… J'essaye des choses, hein. Mais c'est vrai que… C'est pareil, même dans la pathologie, les gens voyaient chez moi quelqu'un de… Ben voilà, qui était dynamique. Ils me faisaient les mêmes réflexions que les gens qui n'ont pas de handicap. Donc forcément, ils venaient se confier à moi, ils venaient me pomper toute mon énergie. Donc j'ai dit "Stop, stop, stop". Donc, comme tu dis, la légitimité de dire "Ah bah toi, t'as la pêche". Tu dis "Mais tu sais bien que c'est un truc de surface. Tu le sais". Là, vraiment, je me suis dit "Oh non, les gens, vous exagérez".

  • Giulietta

    Je pense qu'il cherchait de l'espoir. De fait, voir quelqu'un qui est dynamique, tu te dis, bah peut-être que moi aussi. Oui, ça rassure aussi de voir quelqu'un qui a de l'énergie.

  • Marlène

    Oui, ça je comprends très bien. C'est vrai que quand ça va... Moi, je suis pour les relations fondées sur la réciprocité. Donc, quand ça va que dans un sens, moi maintenant, assez vite, je coupe. Parce que, bah oui, toi tu le formules très bien, comme tu disais, la colère de l'autre, bah voilà, je peux être là, ouais, 5 minutes, mais à condition qu'on soit dans un échange, quoi. Pas juste, tu me prends mon énergie, tu t'en vas, en fait. Alors qu'en plus, on souffre de... du même syndrome. Donc voilà, tu vois, très vite, j'ai mis un point, mais bon, je suis toujours ouverte. Après, comme c'est une maladie rare, bon, ce n'est pas facile de trouver des gens qui ont la même chose, mais je suis toujours ouverte, oui, à l'idée de, j'aime bien, ou si un peu, peut-être quand moi, j'ai peut-être besoin de prendre encore du recul pour se dire, maintenant, j'ai envie d'être dans une posture plus d'aide. Sans rien attendre. Je pense que je ne suis pas encore prête.

  • Giulietta

    Ah bah oui, mais peut-être que tu ne le sauras jamais.

  • Marlène

    Peut-être, ouais.

  • Giulietta

    Au fur et à mesure des enregistrements, je me rends compte à quel point il est compliqué de parler de son vécu et de son intimité dans un podcast. Tous mes remerciements donc à Marlène de m'avoir fait confiance. Le point qui m'a particulièrement marqué est celui du cheminement que Marlène réalise et la notion de progression qu'elle évoque tout au long de l'épisode. Au début, elle ne savait pas comment faire avec sa maladie. Elle évoque avoir ressenti beaucoup de colère et d'incompréhension et avoir eu du mal à se ménager. Puis petit à petit, elle a trouvé les moyens de faire qui lui correspondent. Et je trouve que c'est assez révélateur du fait de vivre avec une maladie ou bien un handicap. On apprend et on chemine. Pour terminer, quelques mots sur l'anomalie. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins. C'est un projet artisanal sur lequel je mets beaucoup de cœur. Si vous souhaitez soutenir ma démarche, rien de plus simple. Vous pouvez attribuer une note au podcast et même un commentaire sur votre plateforme d'écoute préférée. Si le contenu vous parle, n'hésitez pas à le partager à vos proches et à en parler autour de vous. De mon côté, je vous dis à très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

Description

💡 Comment gérer son quotidien lorsque l’on vit avec une maladie rénale rare comme le syndrome de Gitelman ?

Dans cet épisode, je reçois Marlène, diagnostiquée avec cette pathologie rénale chronique qui perturbe l’équilibre en minéraux du corps. Ce syndrome entraîne une fatigue chronique intense, des crampes musculaires invalidantes, ainsi qu’un handicap invisible.

Un parcours marqué par l’errance médicale

Comme beaucoup de personnes atteintes d’une maladie rare, Marlène a connu une longue période d’errance médicale avant d’obtenir le diagnostic du Syndrome de Gitelman. Ses symptômes – hypokaliémie, hypomagnésémie, douleurs musculaires et troubles de l’oreille interne – étaient souvent minimisés ou mal interprétés par le corps médical qui ont pensé à de l'anorexie.

Après une année d'errance médicale et de longues recherches, elle a finalement rencontré une néphrologue qui a validé le diagnostic du Syndrome de Gitelman et su adapter son traitement, améliorant ainsi sa qualité de vie et lui permettant de mieux gérer sa fatigue persistante.


Les défis d’un handicap invisible au quotidien

Malgré un suivi médical régulier, vivre avec une maladie rénale rare implique de nombreuses adaptations dans la vie de tous les jours. Marlène partage :

L’impact du syndrome de Gitelman sur son énergie : comment elle gère sa fatigue chronique et évite l’épuisement.
Les défis au travail : comment elle a appris à fixer des limites professionnelles et à mieux communiquer sur son handicap invisible.
Son rapport au corps et à l’effort : pourquoi elle doit constamment écouter ses besoins physiologiques et adapter ses activités.
La gestion émotionnelle : comment elle a trouvé dans la méditation et la communication non violente des outils précieux pour mieux vivre avec la maladie.
Le rôle du soutien familial : comment son époux, Hervé, joue un rôle essentiel en tant qu’aidant et partenaire du quotidien.


Vivre avec une maladie rénale rare : entre adaptation et acceptation

Le syndrome de Gitelman est une maladie génétique peu connue, et son impact sur la vie sociale, professionnelle et émotionnelle est souvent sous-estimé. Marlène nous livre un témoignage empreint de résilience et de réalisme, sur la façon dont elle a réussi à réinventer son quotidien sans renoncer à ce qui compte pour elle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marlène

    Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais. Parce que j'allais contre mon corps en me disant "non, non, je peux le faire" Et puis en fait, du coup, j'avais des contre-coups horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi.

  • Giulietta

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de lanomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Pour ce septième épisode, je vous propose de rencontrer Marlène qui est atteinte du syndrome de Gitelman. Si vous n'en avez jamais entendu parler, voici une rapide définition qui sera complétée par Marlène au cours de l'épisode. Le syndrome de Gitelman est une maladie rénale qui nuit notamment à la fixation du potassium, du sodium et du calcium, qui sont tous les trois des minéraux essentiels au bon fonctionnement du métabolisme. Les conséquences du syndrome de Gitelman sont concrètes pour les personnes qui en sont atteintes, Marlène évoque ainsi dans son cas des risques cardiaques, de la fatigue chronique, des problèmes d'oreilles internes et de possibles crises de Goutte. Le parcours de Marlène commence avec la réalisation d'analyses de sang, tout ce qu'il y a de plus banal. Les résultats révèlent un taux de potassium anormalement bas qui peut la mettre en danger. C'est le point de départ d'une bonne année d'errance médicale où le diagnostic envisagé n'est pas du tout celui d'une maladie rénale. Cette difficulté à poser le bon diagnostic s'explique d'une part par un manque d'écoute du personnel médical - Marlène en parle longuement - mais également par une méconnaissance de cette pathologie qui touche moins de 2000 personnes en France. Dans cette discussion extrêmement riche, Marlène et moi évoquons des sujets variés, la vie de couple et le rôle d'aidant rempli par son époux, le rapport au monde du travail qui est rendu compliqué par la présence de la fatigue chronique, la nécessité de ralentir et l'importance de comprendre ses émotions pour se préserver, mais également pour avoir des relations sereines avec son entourage. Vous allez l'entendre dès les premières secondes, Marlène est vive, enthousiaste, pleine de vie et spontanée. Petit disclaimer, ce ne sont pas vos écouteurs qui grésillent sur la fin de l'épisode, mais mon micro, je ne sais absolument pas ce qui s'est passé, pourtant tous les réglages étaient au point. Je suis par avance désolée pour ce petit inconfort, mais du coup, pas d'inquiétude, ça ne vient pas de vous. Sur ces belles paroles, je vous souhaite une très bonne écoute pour cette reprise de lanomalie, et je vous laisse avec Marlène. Marlène, pour commencer, je te propose de te présenter dans la façon dont tu le souhaites.

  • Marlène

    Ok, merci. Merci déjà de prendre le temps aussi de discuter avec moi parce que c'est sympa de faire ce podcast, c'est une première pour moi. Je m'appelle Marlène, j'ai 43 ans, j'habite dans le Finistère et je suis formatrice indépendante. Voilà, depuis 20 ans, je suis indépendante depuis 4 ans et je forme à la pédagogie d'une part et puis... D'autre part, à tout ce qui touche les compétences sociales, relationnelles, émotionnelles. Ça, c'est mon job.

  • Giulietta

    Ok, trop chouette. Et du coup, pour quelles raisons m'as-tu contactée ?

  • Marlène

    En fait, je t'ai contactée parce que c'est vrai que c'est ma belle-sœur, en fait, qui m'a envoyé un petit mot en me disant "oh là là, il y a un super podcast, regarde, ils recherchent "des candidats", entre guillemets, pour… faire des entretiens pour parler du handicap invisible". Et elle, elle est touchée de près, puisque son copain porte un handicap, et elle me connaît depuis plusieurs années, et elle aussi, elle a été confrontée à ce handicap, sans le voir, puisqu'il est invisible, mais ça l'a touchée, et donc elle s'est dit, "peut-être que Marlène, toi aussi, tu voudrais témoigner, pour dire un petit peu peu aux gens que ce n'est pas parce que ça ne se voit pas que ça n'existe pas". Donc, ce serait intéressant, par ce média-là, de communiquer, pas au monde entier, mais de communiquer à l'extérieur, en tout cas, sur ce sujet. J'hésitais un peu parce que je n'avais jamais fait ce genre de choses, mais je crois en la force du podcast et de la diffusion et de ce genre de médias. Je trouve ça hyper intéressant. Et donc, je me suis dit… "Allez, je tente". Même si c'est vrai que je ne suis pas trop acculturée à ce type de médias, mais je le trouve hyper intéressant. Et c'était l'occasion de parler un peu de moi. Et peut-être, je ne sais pas, je me suis dit que ça me ferait du bien aussi. Donc, j'ai tenté l'aventure.

  • Giulietta

    Et comment tu te sens aujourd'hui alors ?

  • Marlène

    Je me sens plutôt bien parce que, disons que j'ai la parole facile. Mais c'est vrai que parler de moi, je discute facilement, mais pas forcément de moi. aussi un peu et surtout pas forcément spontanément de ma maladie. Donc c'est quand même un peu spécial pour moi. C'est parler de moi déjà et faire que ça. Je suis pas forcément habituée et c'est aussi de parler d'une partie de moi qui ne me définit pas, certes, mais qui fait partie de moi et de ma vie et qui conditionne ma vie. Ça, c'est une première. Je veux dire, un podcast, à mon médecin, c'est autre chose, mais d'en parler comme ça à quelqu'un que je ne connais pas trop et que je sais que ça va être diffusé, c'est un bon challenge. J'ai envie de tenter l'expérience.

  • Giulietta

    Bon, très bien. Oui, tu as l'air de te sentir à l'aise. Et donc, de quelle maladie est-ce que tu viens nous parler aujourd'hui ?

  • Marlène

    Alors moi, je viens te parler d'une maladie rénale qui s'appelle syndrome de Gitelman, du nom du médecin qui l'a découvert. C'est une maladie qui touche, je crois, une personne sur 45 000, quelque chose comme ça. Et c'est congénital, ça veut dire que je l'ai de naissance, elle n'est pas apparue. Elle ne se déclenche pas par la suite, elle est tout de suite là. Mais par contre, elle est très dure à détecter. Alors parce qu'elle est rare, d'une part, donc on n'y pense pas forcément tout de suite. Et aussi parce qu'elle n'a pas forcément de signes, pas forcément de symptômes. Donc moi, je suis atteinte de cette maladie-là.

  • Giulietta

    Est-ce que tu peux expliquer en quelques mots en quoi consiste justement le syndrome de Gitelman ?

  • Marlène

    En fait, le problème de cette maladie, elle touche les reins. Et les reins, leur fonction première, c'est de filtrer et de trier un petit peu ce qu'il y a de toxique ou pas. Et puis soit de garder, soit de jeter. Ils ont une fonction vraiment de tri. Et le souci avec le syndrome de Gitelman, c'est qu'il manque des transporteurs. En fait, il manque... trois transporteurs, celui du sel, celui du magnésium et celui du potassium. Et donc, comme il me manque ces trois transporteurs-là, quand ces trois choses-là arrivent au niveau des reins, les reins ne les reconnaissent pas et donc les rejettent directement dans les urines. Et s'ils rejettent dans les urines, au bout d'un moment, ça les fait baisser dans le sang. Donc on manque de potassium, on appelle ça l'hypocaliemie, on manque de magnésium, hypomagnésiemie, etc. Et on manque de sodium. Le problème, c'est que ces trois éléments-là, ils sont nécessaires, ils sont vitaux, pour faire fonctionner correctement, notamment le cœur, pour le potassium. Et a contrario, j'ai fait une rétention presque totale de calcium. Ça par contre, mes reins adorent ça, mon calcium, et ils ne veulent pas le rejeter. Ça c'est un problème, c'est qu'il faut bien qu'ils se déposent quelque part aussi le calcium, donc il va se déposer sur les ligaments, sur les articulations, et ça peut causer aussi des problèmes comme la goutte. par exemple, on appelle ça chondrocalcinose mais c'est les mêmes symptômes que la goutte des inflammations vraiment très fortes au niveau des articulations voilà ce que ça produit dans le corps et du coup au niveau des symptômes dont tu m'avais parlé c'était une fatigue chronique des douleurs et des difficultés de concentration il me semble c'est ça. E n fait ce qui m'a surtout produit ça, c'est depuis que je prends mon traitement parce qu'il n'y a pas de solution : on ne peut pas guérir le syndrome de Gitelman mais on peut combler par les médicaments. Moi, je prends beaucoup de médicaments qui vont faire un effet de rustine sur les reins, c'est-à-dire qu'on complémente en sodium, en potassium, en magnésium, etc. Et donc, je prends entre 10 et 15 comprimés par jour pour me maintenir à flot. C'est une solution qui permet juste de me maintenir dans des normes à peu près acceptables. Mais du coup, toute cette prise de médicaments et puis l'âge aussi forcément fait qu'on est un peu plus en difficulté. Donc ça occasionne des gros coups de pompe, des gros coups de fatigue. Qui dit gros coup de fatigue dit problèmes de concentration. J'ai par exemple des problèmes, ça m'arrive régulièrement d'avoir comme des espèces de moments off, comme si on avait éteint la lumière, où je suis là physiquement, mais je suis complètement ailleurs comme si je flottais. Donc c'est des moments un peu black out où je ne peux plus me concentrer. Ça peut être un gros souci. Donc fatigue, problèmes de concentration et puis douleur, crampes ça c'est le manque de magnésium qui fait ça et puis des douleurs chroniques, des problèmes de digestion, des problèmes aussi d'oreille interne : j'ai beaucoup de vertiges, ça cause pas mal de petits soucis qui sont dûs aussi à ces manques de sodium, de magnésium et de potassium. Donc ça se produit un peu dans tout le corps. Il y a pas mal de symptômes qui font qu'au quotidien, ça peut être assez invalidant. Voilà, je ne sais pas si je réponds.

  • Giulietta

    Parfaitement. Et alors, histoire de poser un petit peu les bases de l'échange, est-ce que tu peux revenir sur, justement, la manière dont tu as appris que tu étais atteinte de ce syndrome ? Comment est-ce que ça s'est passé ? Dans l'échange qu'on avait eu, tu m'as expliqué que c'était au cours d'examens un peu de routine, que tu t'es rendu compte que tu avais quelque chose qui avait un impact sur... enfin qui pouvait avoir un impact important sur ta vie quotidienne.

  • Marlène

    Oui, effectivement, j'ai eu pas mal de chance en fait, parce qu'on a détecté ce syndrome à la suite... enfin pas détecté tout de suite, on a vu qu'il y avait un problème à la suite d'un contrôle complètement banal, un check-up sanguin... Ils m'ont fait faire un ionogramme, donc ça permet de mesurer justement... les fonctions vitales, la fonction rénale, tout ça. Et puis, ils se sont rendus compte que j'avais un taux de potassium très bas. Et là, ils se sont dit, on va faire un autre contrôle pour être sûr que ce n'est pas une erreur. Et donc, ils m'ont fait un contrôle encore de potassium. Ça avait encore baissé. On était vraiment à des taux où normalement une personne lambda, elle va très très mal quand elle a ce taux-là de potassium. Donc, j'ai rien compris à ce qui m'arrivait. J'étais chez le médecin, "on appelle l'ambulance", on m'a transportée aux urgences. Alors que moi, j'allais bien, je ne sentais pas en fait. C'est ça qui était d'autant plus violent, c'est que je ne l'ai pas du tout vu arriver. Je n'avais pas de signe avant-coureur. Donc, de la urgence pendant plusieurs jours, parce qu'il faut faire absolument remonter un taux de potassium par perfusion. Donc, ils m'ont fait remonter le taux. Ça a mis plusieurs jours, plusieurs jours, j'ai dû rester à l'hôpital. Et puis ensuite, il fallait chercher d'où venait ce manque de potassium. Et à l'époque, si tu veux, j'avais les mêmes symptômes que quelqu'un qui souffre d'anorexie. C'est-à-dire que quelqu'un qui se fait vomir, par exemple, il perd son potassium aussi. Donc à l'hôpital, ils ont suspecté que je souffrais d'anorexie, ce qui n'était pas le cas. Et donc eux, ils sont partis sur ça. Ils m'ont fait plein d'examens alors qu'il y avait déjà des indices, puisque dans les urines, on voyait que c'était un problème rénal. Mais bon, ils sont partis billes en tête sur l'anorexie. Et donc là, c'était très compliqué pour moi, parce que je voulais leur faire comprendre que ce n'était pas ça. Donc dans ma tête, je me disais, ils ne vont pas me guérir, parce qu'ils font fausse route. Et bon, bref, je suis sortie de l'hôpital, où on m'a dit "il faut arrêter de vomir maintenant". En gros, ça a été ça. Donc j'ai dû voir mon médecin traitant pour qu'elle continue à me donner un traitement de potassium au moins pour que ça ne baisse pas, mais forcément ça a rebaissé. Et là j'étais perdue en fait, parce que je ne pouvais pas retourner à l'hôpital puisqu'on pensait que j'étais anorexique. Et donc grâce aussi à mon entourage, à ma mère, à ma famille, on s'est dit bon "Tant pis, on va aller chercher ailleurs. Avec le médecin traitant aussi, le soutien du médecin traitant, on s'est dit bon on va aller chercher en cabinet privé". Et je suis allée voir des spécialistes de tous les corps de métier. Je suis allée voir d'abord un gastro-entérologue. Et lui, je lui ai parlé de mes symptômes. Il a dit "Pour moi, ça ne vient pas de là, mais on va faire quand même des examens poussés". Bon, il m'a fait des examens poussés, fibro-coloscopie. Ils ont découvert que non, ce n'était pas digestif. Et c'est ce médecin, en fait, il a été super. Il a dit, "Moi, je connais du monde en médecine interne. Dans un autre hôpital, tu vas aller là. Ils vont te faire une batterie de tests. Donc il se passe plusieurs mois entre ce moment où je suis hospitalisée en urgence et ce moment, il se passe presque six mois.

  • Giulietta

    Oui, parce que j'ai regardé un petit peu, alors je ne me rappelle plus du terme exact, mais la proportion de personnes atteintes en France du syndrome de Gitelman, et en fait ça concerne uniquement 1800 personnes, donc c'est très peu. Il y a également le fait que c'est lié à la néphrologie, donc je présume qu'effectivement les personnes que tu as rencontrées n'ont... peut-être pas tout de suite reconnu les signes. Et par ailleurs, c'est une pathologie qui est relativement rare. Donc, il faut être un petit peu acculturé.

  • Marlène

    C'est ça. Donc, en fait, ils sont passés un peu à côté. Je suis allée voir d'autres spécialistes. Je suis allée voir une endocrinologue. Je suis allée voir, avec mes résultats d'examen à l'hôpital, en disant "Regardez, il y a des petites choses au niveau rénal. Il y a des choses bizarres. Peut-être que ça vient des glandes surrénales". Parce qu'avec mon médecin traitant, on essayait de trouver aussi d'où ça pouvait venir et quel spécialiste pouvait m'orienter. Donc ça a été quelques mois d'errance comme ça. Et finalement, j'arrive en médecine interne, six mois après. Là, ils me font une batterie de tests et à la fin de la journée déjà, ils me posent un diagnostic. Puisqu'eux, en médecine interne, ils avaient accès en fait à tous les corps de métier, tous les corps médicaux.

  • Giulietta

    La médecine interne, c'est un peu Docteur House. C'est un peu les spécialistes du dernier recours. Quand on ne sait pas ce qui se passe, ce sont des personnes qui vont investiguer un petit peu plus.

  • Marlène

    Exactement. Et eux, en fait, ils avaient déjà une idée du diagnostic à la fin de la journée. Ils m'ont fait vraiment plein de tests, vraiment de tout. Et ils m'ont refait les mêmes tests qu'on m'avait faits à l'hôpital. Mais eux, par contre, ils se sont dit "ah oui, non, là, on reconnaît ce signe-là, ça vient des reins". Et donc, eux hésitaient entre deux syndromes, soit Gittelman, soit Barter, qui est un syndrome cousin en fait. De là, ils ont envoyé mes résultats à Paris pour une analyse génétique, puisque c'est la génétique en fait qui a permis de voir s'il y avait la mutation de gène qui va bien, pour dire oui, on confirme que c'est le syndrome de Gittelman. Et ils ont confirmé le diagnostic posé à Brest en médecine interne.

  • Giulietta

    Les situations d'errance médicale, elles ne sont jamais faciles. Pour les personnes qui ne sont pas familières du terme, c'est donc la situation où on ne sait pas de quoi on souffre, on vit avec des symptômes, mais on ne sait pas à quoi c'est dû. Et donc, c'est, je présume, assez anxiogène. Tu m'avais expliqué, toi, à l'époque, que justement, le fait d'avoir un taux de potassium qui est bas, ça a des impacts sur ta fonction cardiaque. Et de ne pas savoir comment ça pouvait évoluer, ça a dû être assez stressant pendant ces six mois, non ?

  • Marlène

    Ça a été très stressant. Je ne savais pas du tout ce que j'avais. Je me disais "À tout moment mon cœur peut s'arrêter". Après j'avais eu un traitement déjà avec le médecin traitant. Il surveillait mon taux de potassium de près, mais il n'y avait pas que le potassium. Il y avait aussi tout ce qu'il y avait à côté, les douleurs musculaires, parce que c'est le système musculaire, le système nerveux qui est atteint aussi. Il y a aussi le magnésium, le sodium, le calcium qui est un petit peu… altéré donc moi de ne pas savoir ce que j'avais c'était déjà c'était très angoissant effectivement parce que je me disais "qu'est ce que je vais devenir ? Est ce que est ce que je vais tenir ? Est ce que je vais mourir ?" et puis aussi il y avait cette profonde tristesse et cette colère un peu en même temps aussi de me sentir pas comprise, pas écoutée qu'on me dise "bah non non on a décidé que tu as tu avais ça, tu étais anorexique et que c'est pour ça. Donc maintenant, fais un effort, hop, hop, hop". Enfin voilà, je me sentais vraiment pas écoutée et je perdais un peu de foi en la médecine. Je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie considérée. Voilà, j'aurais aimé qu'on aille plus chercher quand même. Qu'ils se disent "Tiens, peut-être aller investiguer ailleurs" ou qu'on me dirige tout de suite peut-être vers la médecine interne dès ma sortie des urgences. Qu'ils admettent qu'ils ne savaient pas. Voilà. Moi, c'est ça qui m'a... Ça m'a profondément blessée. Ça m'a fait perdre du temps. Ça aurait pu me mettre très en danger. Donc, je me suis sentie seule, pas considérée et je me suis sentie faible. Je me suis sentie vraiment affaiblie et j'avais très peur. Oui, ça a été très compliqué, bien sûr. Même quand mon diagnostic a été posé, ça a été compliqué, en fait, parce que ça ne s'est pas arrêté là, l'errance, puisque... En médecine interne, ils m'ont dit qu'ils allaient continuer à me suivre. Je me suis dit "Est-ce que je peux être suivie au service de néphrologie ?" Ils m'ont dit "Non, c'est un tel qui va vous suivre". Pareil, je n'avais pas accès à un néphrologue tout de suite, même une fois mon diagnostic posé. C'est-à-dire que je n'ai pas pu voir un spécialiste, même une fois mon diagnostic posé. Donc je me suis dit "Mince, je vais voir qui ?" Je voyais un médecin tous les trois mois qui m'a mis sous un traitement très lourd, qui me faisait être beaucoup plus malade. que lorsque je ne prenais pas de traitement. Donc c'est là que j'ai senti aussi physiquement, donc ça a été très compliqué ça aussi pour moi. L'errance, elle a un peu continué en fait dans ma prise en charge, après, pendant encore six mois après, puisque j'avais un traitement qui me donnait des effets secondaires dingues, qui était très lourd, qui m'empêchait de me lever le matin, qui me donnait envie de vomir. J'avais des diarrhées, mais c'était insupportable. Vraiment, je m'affaiblissais, alors pourtant j'étais prise en charge et que j'avais eu un diagnostic. Je me dis mais ce n'est pas possible, je ne sais pas Ok, maintenant on sait qu'il y a un diagnostic, ça fait du bien, je sais ce que j'ai, mais par contre, le traitement, il va me faire vivre comme ça ? C'est très contradictoire ce que tu penses à ce moment-là, parce que tu dis en fait, le traitement, il me rend plus malade que quand je n'avais pas de traitement, mais si je n'ai pas de traitement, je risque gros, donc… Si ça va être ça ma vie d'avoir des cachets, d'être malade avec des cachets, non. Et puis à ce moment-là, je me suis dit, je ne peux pas continuer comme ça. Donc j'allais sur des forums, j'ai cherché par moi-même en fait, quelqu'un peut-être qui pouvait être spécialiste de mon syndrome, sachant que ce n'était pas le cas dans ma vie. J'ai cherché, je suis allée sur des forums, j'ai discuté avec des gens et des gens m'ont donné un nom. Je peux donner le nom ou pas ?

  • Giulietta

    Oui, bien sûr. Je ne sais pas, sauf si le praticien ne serait pas content que tu le donnes.

  • Marlène

    J'imagine que si. Donc, ils me donnent un nom, celui du docteur Blanchard. Tout le monde me dit que le docteur Blanchard est super, mais elle est à Paris. Donc, je me dis qu'il faut absolument que je voie ce médecin. Seulement, je n'étais adressée par personne. Je débarquais un petit peu à dire "Comment je vais prendre rendez-vous si je ne suis pas adressée ?". Les gens vont me dire "comment vous savez que vous avez Gittelman ?" Ça a été un peu la croix et la bannière pour la contacter. J'ai essayé, essayé, essayé, et j'ai réussi à décrocher un rendez-vous. Et là, il se passe encore des mois, plusieurs mois, tu vois. Là, on est en 2014, donc ça fait un an qu'on m'a dit que j'avais un problème, puis six mois que j'ai été diagnostiquée, et encore six mois après, je réussis enfin à décrocher un rendez-vous avec ce médecin. Et là, c'était fantastique, parce que ce médecin, elle a mis des mots. Elle m'a dit ce que je voulais entendre depuis le début.

  • Giulietta

    C'est quoi que tu voulais entendre, justement ?

  • Marlène

    En fait, je voulais entendre que, ben, "T'inquiète pas, on comprend ce que t'as, ça, ben ça, ta maladie, pourquoi elle est arrivée". On m'a expliqué la maladie. Parce que moi, je ne savais pas, je l'ai cherchée sur Internet. On m'a posé un diagnostic, mais on ne m'a pas dit pourquoi, d'où ça venait, ce que ça occasionnait. Elle, elle m'a tout expliqué avec des mots simples. Elle m'a montré un schéma, elle me dit... "Ce n'est pas une fatalité". Et surtout, elle m'a dit "e médicament-là, il vous rend malade ? Oui, on l'arrête". Et elle a tout réévalué mon traitement. Elle me di "On ne soigne pas des symptômes, on soigne des gens". Et vraiment, elle a été hyper humaine, hyper à l'écoute. Pour moi, ça a été une rencontre incroyable. Heureusement que j'ai eu cette ressource-là à un moment donné, d'aller la chercher.

  • Giulietta

    Oui, oui. Moi, ça m'a fait la même chose. Alors, j'ai une maladie bien moins intrusive et mes symptômes sont légers. J'arrivais pas à trouver la personne avec laquelle je me sentais à l'aise. Ma neurologue précédente, elle m'avait dit "On va peut-être changer de traitement". Moi, ça m'avait angoissée, elle ne m'avait pas expliqué, elle m'avait dit "On n'a pas vraiment le choix". Alors que la perspective de prendre un traitement, ce n'est pas simple de se dire qu'on va avoir un traitement à vie. Enfin bon, bref, moi ça m'angoissait beaucoup. Mon traitement, je vivais trop bien avec. Et du coup, j'ai eu un autre neurologue. Pareil, je suis passée par la lettre d'adressage où j'ai dû demander à ma... C'est difficile de demander à son médecin généraliste et d'expliquer "Je me sens pas bien avec mon neurologue actuel, j'ai la chance d'en avoir un mais je l'apprécie pas et j'aimerais voir quelqu'un d'autre" et d'expliquer les raisons pour lesquelles on se sent pas bien, c'est pas toujours simple dans le corps médical. Et lui, effectivement, il m'a tout expliqué, il a pris le temps de comprendre les choses et par exemple, moi, ma neurologue, elle m'avait jamais expliqué ce que c'était que les fourmis dans les mains que je ressens. Et lui, il m'a expliqué ce que c'était, il m'a expliqué comment soulager ça et en fait, j'ai trouvé ça... tellement touchant et ça faisait dix ans que j'avais ma maladie et ça faisait deux ans que j'avais des fourmis dans les mains et je me suis dit oui effectivement je me suis sentie entendue et je crois qu'il faut toujours s'écouter quand on s'en sent pas bien avec un médecin ou quand on a l'impression de ne pas avoir les réponses à ses questions, il ne faut pas hésiter à consulter une autre personne. Ça prend du temps par contre et effectivement faire Brest Paris, c'est engageant, ça coûte de l'argent enfin c'est pas anodin.

  • Marlène

    Mais j'étais prête à tout à ce moment-là pour ne pas rester comme ça, en fait. Je me suis dit "Tant pis, il faut que j'aille à Paris, je monte".

  • Giulietta

    Oui. Elle te suit toujours Mme Blanchard ?

  • Marlène

    Ça fait dix ans, du coup, qu'elle me suit, Mme Blanchard, que je salue. Elle est formidable. Avec le Covid, j'ai une consultation deux fois par an avec elle. Donc, elle me fait mes ordonnances. Et puis, on voit, je suis très suivie aussi. J'ai des prises de sang régulières pour s'assurer que tout va bien. Elle m'a mis en lien aussi avec un rhumatologue parce que eux ils ont un réseau en fait pour ces problèmes de calcium, tu sais, sur les articulations, les ligaments, tout ça. Eux ils ont créé un réseau, ils ont vraiment un groupe de recherche, c'est des chercheurs aussi. Donc eux ils font partie d'un centre de référence des maladies rares, maladies rénales rares, et donc ils font des expérimentations pour dire aussi, tiens, comment on peut améliorer les choses pour découvrir, pour aller plus loin. Mais la recherche, je sais que c'est compliqué aussi. en France, dans les hôpitaux publics. Donc bon, ils essayent en tout cas d'améliorer les conditions des patients. Et ils ont créé tout un réseau entre médecins spécialistes. Donc grâce à ça, j'ai pu aller voir un ORL aussi. J'ai su que j'avais une oreille interne complètement à l'envers. On m'a expliqué pourquoi. En fait, c'était parce qu'il n'y a plus d'échange d'ions potassium, sodium, je crois, qui fait que l'oreille interne, elle en a besoin et donc elle est détruite s'il n'y a pas ça. En fait, j'ai vu que ça avait des conséquences dans tout le corps. J'ai compris, on m'a expliqué. Voilà, on a pris le temps de me parler et de ne m'expliquer pas juste, de me dire "Tu prends ce traitement-là, tu le prendras toute ta vie. Et puis, c'est comme ça". Voilà, vraiment, j'ai vu des médecins de plein de corps de métier qui eux, en fait, c'est une espèce de réseau qu'ils ont formé pour justement pallier les problèmes qu'engendre le syndrome de Gitelman dans tout le corps. Parce que ce n'est pas que les reins. Et elle, elle me suit deux fois par an et maintenant, on se fait consultation en vidéo. Parce que là, j'ai un espèce de roulement qui fait que je ne suis plus forcément obligée d'aller là-bas et d'être auscultée. Donc, on se voit, on discute. on essaye des choses. Quand il ya des nouveaux traitements expérimentaux qui sont mis en place, généralement je réponds ok parce que j'ai envie aussi de l'aider à l'avancée de la recherche pour cette maladie là. Et puis, je pense aux autres maladies rares qui sont souvent mises de côté. Ça fait dix ans qu'elle me suit et ça va. J'ai un traitement, je suis habituée, je prends mes petits cachets matin et soir. Bon, je ne dis pas que j'aime faire ça mais disons que c'est intégré dans ma vie quotidienne oui et ça te sécurise aussi de savoir que t'es entendue, que t'es suivie et que tu as une équipe médicale qui t'accompagne. Et même si je dois faire de la route je sais qu'elle est là, je sais que j'ai des médecins référents qui me connaissent. Ils ont mon dossier. S'il y a quoi que ce soit, je monte à Paris, je peux transmettre mon dossier ou même si je dois partir en voyage. S'il m'arrive quoi que ce soit, j 'ai les numéros, j'ai une carte et tout, d'urgence, avec tout ce qu'il faut, les numéros de mon médecin. Enfin voilà, je suis sur des rails si tu veux.

  • Giulietta

    Oui, oui je comprends tout à fait. Effectivement, pareil, moi, mon neurologue, je sais que si j'ai un problème, je peux lui écrire, qu'il va me répondre, ou bien que c'est sa secrétaire qui me répondra. Et pour rebondir sur un peu les symptômes qu'on identifie pas... Moi, mon neurologue, il m'avait posé, je me rappelle, je crois que c'était la première consultation, une question un peu anodine, il me dit "Quand vous allez faire pipi, est-ce que tout va bien ?" Et moi, j'explose de rire, je dis "Bien évidemment !" Et il me décrit en fait un symptôme potentiel en me disant "Mais est-ce que vous avez des impatiences ou quelque chose comme ça ?" Et là, je lui dis que oui. Et je lui explique. Et là, il me regarde, il me fait "Mais vous avez 30 ans, en fait, c'est pas normal. Et c'est un des symptômes de votre maladie. Ça peut attaquer les reins et le système urinaire". Et donc, en fait, le fait justement d'avoir quelqu'un qui pose les bonnes questions et qui s'en tient pas juste au récit du patient, c'est important.

  • Marlène

    Exactement. Puis tu peux anticiper aussi, te dire "Oh là là, je ne sais pas, qu'est-ce qui m'arrive ? Ok, je sais que ça, ça correspond à tel symptôme parce qu'il m'a bien expliqué" et donc je ne m'affole pas plus que ça. J'alerte, mais c'est normal. Enfin, c'est normal. C'est logique. On va dire ça plutôt que normal.

  • Giulietta

    Oui, voilà. Tu peux identifier ce qui doit faire l'objet d'une inquiétude. reporter à ton médecin, et ce qui fait partie d'une routine de personnes malades, et qui n'est pas grave en soi, même si inconfortable ou embêtant. Je pense avoir déjà la réponse, mais c'est une question rhétorique. Est-ce que la maladie a changé le rapport que tu entretenais avec toi-même ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Ça a changé beaucoup de choses. J'ai beaucoup réfléchi. J'ai été beaucoup, pendant beaucoup de temps, en colère. Ça, c'est clair. Je ne voulais pas. Non, ça ne m'arrivait pas à moi. Parce que je suis quelqu'un, en plus, de très dynamique, qui aime bouger, qui aime faire plein de choses. Voilà, qui n'est pas du tout dans l'observation ou en retrait. J'aime bien que ça bouge, j'aime bien être... Voilà, j'ai beaucoup d'énergie. Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais, parce que j'allais contre mon corps en disant "non, non, je peux le faire". Et puis en fait, du coup, j'avais des coups de pompe horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi. Puis autour de moi, on ne comprenait pas. Donc, j'essayais aussi de donner le change. Enfin, tu vois, c'était vraiment… Mais si je parle par rapport à moi-même, pas à ce que je donnais à voir, je vais essayer de répondre à ta question quand même, pas trop de me partir. Oui, pour moi, ça a été… ça a changé le rapport à moi-même. Mais ça ne fait pas si longtemps. Tu vois, ça fait 11 ans que j'ai été diagnostiquée maintenant. Enfin 11 ans qu'on a découvert qu'il y avait un problème et 10 ans j'ai été diagnostiquée, il n'y a que maintenant que je me dis "Je vais faire en fonction" C'est-à-dire finalement, la maladie, oui je dois la prendre en compte, donc je vais régler ma vie. Aussi en fonction, notamment mon travail et faire autrement parce qu'en fait je ne vais pas continuer à lutter mais je vais plutôt essayer d'être dans l'acceptation, de dire Wok, je suis comme ça, ça ne fait pas de moi quelqu'un de moins bien, ou quelqu'un de cassé, c'est juste que je fonctionne autrementW. Après je garde mon cerveau, je garde ma flamme, seulement le corps ne suit pas forcément, donc je vais essayer de faire autrement. Ça fait vraiment peu de temps que je fais ça.

  • Giulietta

    Et comment tu as cheminé pour en arriver à cette conclusion un peu plus douce ?

  • Marlène

    Quand j'ai vu que ça ne marchait plus, à un moment, je me suis dit "Non, tu ne peux pas continuer comme ça". C'est toujours un peu violent. C'est un peu des blackouts. C'est tout à coup. Non, ça suffit. Je ne peux plus continuer comme ça, un peu du jour au lendemain. Je pense que je chemine sans me rendre compte. Et puis, à un moment donné, je tranche. Je me dis "Ben non. je ne peux plus continuer comme ça". Ça a commencé avec le travail, où mon travail s'est arrêté. J'ai eu plein de chamboulements cette période. En 2014, j'ai un contrat qui s'est arrêté, j'ai repris des études. J'ai hyper bougé aussi en même temps dans ma tête. Il y a eu plein de changements dans ma vie. Ça a été dur, mais je suis allée jusqu'au bout. Et puis... Et à un moment aussi où je me suis dit "Bon, je vais sortir du salariat parce qu'en fait, le rythme de travail, un peu de bureau, je ne peux pas". Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus, que je m'épuisais complètement. Et c'est aussi en discutant avec mes proches, en étant entourée. Et puis vraiment, moi, c'est fait le déclic. Non, ok, je vais arrêter ça.

  • Giulietta

    Tu m'avais parlé la dernière fois d'un exemple concret sur une formation où tu savais que ça allait te fatiguer. Et donc... Tu as judicieusement choisi de modifier un peu les modalités pour te préserver.

  • Marlène

    Oui, tout à fait. En fait, le fait que je sois indépendante aujourd'hui, ça me donne beaucoup plus de liberté aussi pour travailler en fonction de mon rythme à moi. Je n'ai pas le 9h, 17h ou 18h, 5 jours à la suite par semaine. Je peux fonctionner en fonction de mon rythme à moi. Je peux travailler à mon rythme. Donc ça, c'est bien. Ça ne me fait pas travailler forcément moins, mais à des heures qui sont OK pour moi. Je peux faire des longues pauses si j'ai envie de faire une longue pause. Dans mon travail, quand je travaille chez moi, je peux travailler un peu le matin, un peu le soir. Et si je ne suis pas bien, je peux me reposer le reste de la journée. Et c'est vrai que quand on me demande, parfois on me fait des demandes sur trois jours d'affilée, avec cours toute la journée. Ben ça je m'étais dit "Bon allez, je vais le faire parce qu'il y a aussi l'argent, il faut bien gagner sa vie. Mais aujourd'hui je me dis "Non là, les trois jours d'affilée j'ai plein d'autres choses avant je sens que je m'affaiblis là que je vais pas les tenir pas que ça va vraiment me faire du mal". Je préfère perdre de l'argent et dire bah non je ferai pas les trois jours d'affilée je les ferai en demi journée et on s'est arrangé En fait, parce que j'explique aussi aux gens, ce qui fait que ça va mieux aussi, c'est que j'explique aux gens pourquoi. Je dis, "Ben là, non, moi, ça va trop me fatiguer de faire ça". Et je propose une alternative. Je ne dis pas juste, voilà, ben non, je ne le ferai pas. Je dis "Voilà, est-ce qu'il serait possible de faire plutôt comme ci, comme ça ?" Et j'explique très clairement aux gens, les gens sont au courant. "Voilà, là, ça me fatigue trop parce que blablabla". Donc je ne pourrais pas assurer. Et généralement, les gens sont très compréhensifs, les clients sont très compréhensifs, et ça se passe bien. Mais effectivement, il y a des choses parfois que je refuse, pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que je sais que je ne vais pas pouvoir. Et donc aujourd'hui, je me mets en priorité. Mais cette liberté-là, elle est essentielle pour moi, et elle me permet vraiment de travailler comme je peux, et comme je veux.

  • Giulietta

    Le corollaire de tout ça, c'est que tu acceptes d'en parler. Et ce n'est pas une chose facile, surtout à des clients, dans un contexte pro. Comment est-ce que tu gères justement le sujet de verbaliser tes limites ?

  • Marlène

    Alors au niveau professionnel, je ne le dis pas tout le temps ou pas tout de suite. Je le sens pas ou pas. Je n'en parle pas d'entrée de jeu. C'est vrai que quand j'étais salariée, oui, parce que j'avais ma RQTH, donc je la faisais valoir tout de suite. Les jobs que j'ai eus en tant que salariée, au niveau de la DRH, je faisais valoir la RQTH pour avoir des aménagements de planning. C'était acté, c'était institutionnalisé. Mais depuis que j'ai pris mon envol, on va dire, en tant qu'indépendante, je vois si j'ai besoin d'en parler ou pas. Je ne le fais pas d'entrée de jeu. Par contre, je choisis dans l'emploi du temps et si à un moment, vraiment, il faut que j'explique à la personne "là, je ne peux pas t'assurer tant de jours à la suite ou là, pour moi, ça va être trop compliqué ces horaires-là", j'explique pourquoi, ce qui se passe. Alors souvent, parfois, j'ai des réactions, j'ai de tout comme réaction. Souvent, on va me dire "C'est vrai, t'as ça, ça ne se voit pas du tout. On ne penserait pas du tout parce que tu es tellement dynamique". J'ai tellement l'habitude d'entendre ça. Aujourd'hui, ça me fait moins mal. Avant, ça me faisait du mal parce que j'avais l'impression qu'on minimisait un petit peu mon discours. Et le fait que je suis en situation de handicap parce que "Oh, mais tu es tellement dynamique, on ne croirait jamais !" Alors que ce n'est pas méchant de la part des gens, c'est vraiment qu'ils sont surpris et ils le verbalisent aussi, ce que je comprends tout à fait. Mais voilà, disons que je dose, quoi. Je le dis quand j'ai vraiment besoin. Si je n'ai pas besoin, je ne le dis pas. Et si je peux m'arranger, voilà, j'estime que les gens n'ont pas forcément besoin de le savoir. Et si je n'ai pas besoin de le dire, je ne le fais pas. Si j'ai besoin, je le fais. Et généralement, ça se passe bien. Et de toute façon, moi, je suis au clair. C'est-à-dire que je vais refuser parfois certaines missions. Maintenant, je me mets vraiment en priorité. Donc, à la limite, qu'en face, ils comprennent ou pas, bon. Comme j'ai pris du recul, je sais aussi l'expliquer avec les mots qu'il faut et expliquer aux gens quel est mon besoin. J'ai appris aussi à mettre vraiment des mots sur ça. Ce qui fait qu'en face, généralement, j'ai beaucoup de compréhension et d'écoute parce que moi aussi, je sais le verbaliser comme il faut. Et dans mon entourage, l'entourage, ce n'est pas pareil parce qu'il y a de l'affect, il y a plein de trucs qui rendent en cause, qu'il n'y a pas dans le travail. C'est vrai que dans mon entourage, ma famille m'a toujours énormément soutenue, ils sont avec moi, ils savent, ils savent très bien ce qui se passe. Après on ne passe pas notre temps à en parler parce que ça ne sert pas forcément à grand chose, mais ils savent que si je suis fatiguée, ils vont me ménager un petit peu. Mon mari est là aussi, il a eu ces périodes où il a fallu aussi qu'il comprenne, qu'il accepte, mais ça on l'a fait aussi ensemble en discutant parce que c'est pas forcément facile aussi pour l'entourage. Lui du coup, il a fait une formation d'aidant pour les aidants familiaux. Il est allé en formation, ça l'a aidé d'aller discuter avec d'autres gens qui ont à charge par exemple une personne en situation de handicap. Et il a fait cette formation là, je ne sais plus, c'était je crois que c'était six fois, enfin voilà il y avait quelques heures quand même. Et il y avait un groupe de parole et une formatrice qui donnait quelques clés. Ça l'a aidé de faire ça. Et puis ma belle famille, pareil, au début c'était difficile… Et je comprends avec le recul. "Pourquoi tu ne peux pas faire une balade ? Pourquoi tu ne viens pas ?" Parce que parfois je ne venais pas aux repas. Parce que moi, j'étais crevée. Et que, ah non, je n'ai pas envie de venir au repas. C'est trop compliqué pour moi. J'ai envie de… Je n'ai pas forcément envie de me montrer aussi quand c'est comme ça. J'ai juste envie d'être un peu dans ma bulle, de me reposer. Mais ça a été dur aussi de dire "Mais elle ne vient pas" : les gens le prennent pour eux en fait. Alors que pas du tout, c'est juste que je me mettais moi en priorité. Mais voilà, il a fallu aussi discuter, échanger. Et maintenant, c'est OK.

  • Giulietta

    Et comment tu gères justement le regard des autres maintenant ? Parce que souvent, ça dit beaucoup de choses de l'autre, la manière dont il réagit. Je pense que quand quelqu'un a une réaction un peu maladroite ou inappropriée, c'est que ce qu'on lui raconte lui fait peur et le ramène sans doute à lui-même. Comment est-ce que tu arrives à exprimer ce que toi, tu as envie d'exprimer, ton rapport au monde, tes limites, sans pour autant prendre les choses forcément personnellement ? Est-ce que ça t'a mis du temps ?

  • Marlène

    Oui, je n'y arrive pas toujours, même aujourd'hui. Parfois, je le prends avec du recul mais pareil, c'est si j'ai un rapport affectif ou pas avec l'autre. Ça va dépendre de si je mets de l'affect ou pas. Si c'est dans le cadre du travail, et les gens me disent "Oh, c'est vrai !" La réaction, ça va être "Oh ! Jamais je n'aurais cru que tu étais malade, parce que tu es tellement dynamique, tellement souriante, tellement jouée, etc". Je peux comprendre qu'ils me disent ça aujourd'hui. Donc j'explique juste "Ben non, tu vois, j'ai des moments, des fois que tu ne vois pas, il y a des coulisses à mon attitude". Donc ça, ça va à peu près, surtout depuis que je suis indépendante. Quand j'étais salariée, c'était plus compliqué parce que les gens me demandaient beaucoup et j'avais beau leur dire "Non, je ne peux pas faire ça", j'ai dû m'imposer à un moment donné parce que les gens, ils insistent. Souvent, ils vont tirer, tirer, tirer, tirer, tirer parce que comme ça ne se voit pas, ça n'existe pas quelque part. Donc, je vais voir jusqu'à où tu peux aller. "Oh, clac ! Oh, mince, ça casse !" Donc, j'ai dû apprendre avant que ça casse, justement, à dire "Non, je ne ferai pas ça. Non". Mais ce n'était pas dans ma nature, donc j'ai appris à dire non, ça m'a aidé. La maladie m'aide aussi. Elle aide forcément parce que tu découvres aussi des ressources pour continuer à avancer. Notre société n'est pas vraiment faite pour l'acceptation du handicap. On se doit aussi de performer, d'être bien, d'être beau. Donc forcément, ce n'est pas facile. de dire aux gens, ben non, moi je ne suis pas forcément dans ce moule-là, mais je l'assume. Et ça fait quand même quelqu'un de moi qui a une certaine force et beaucoup de ressources, parce que j'ai du recul, parce que je vois le monde autrement, parce que j'ai dû m'adapter beaucoup plus. Et ça ne m'a pas empêchée de réussir, mais à mon échelle. Encore aujourd'hui, j'ai du mal parfois avec certaines réactions, j'essaye de le prendre avec philosophie et de continuer à dire "Ben si, c'est comme ça". Juste dire "Écoute, peut-être que tu n'acceptes pas, mais c'est comme ça. Donc, je ne vais… je ne me force quasiment plus". Parce qu'avant, je me disais, c'est vrai, il pense ça. Bon, allez, je vais quand même y aller parce que maintenant, je ne le fais presque plus. Je préviens aussi même : "Oulala, je sens que je vais être crevée là. Tu me demandes de faire ça ? Oui, peut-être à un moment donné, je serai obligée de partir". Je fais de la prévention même. Je fais de la prévention. Pour m'éviter justement des remarques qui pourraient me blesser. Parce que parfois, je suis fatiguée. Du coup, je suis plus susceptible, plus sensible. Parfois, je n'ai pas de recul.

  • Giulietta

    Oui, mais comme tout le monde, en fait, ça implique un gros travail sur soi quand on est confronté à de la fatigue chronique. Juste pour expliquer le concept, ce n'est pas la fatigue que connaissent la plupart des gens quand, je ne sais pas, ils ont trop fait la fête. Ils ont un peu tiré sur la corde. C'est une fatigue dont on a du mal à se remettre et une bonne nuit de sommeil ne suffit pas. Il faut vraiment adapter son mode de vie. Et du coup, ça implique d'avoir beaucoup de recul, justement, de mettre en forme ce que tu dis pour pouvoir communiquer correctement. Mais c'est un travail qui est difficile en général. Tu m'avais expliqué quand on avait échangé la dernière fois que tu avais fait un gros travail sur la gestion de tes émotions. Je me rappelle plus du terme, attends, je crois que je l'ai sous les yeux, mais tac, tac, tac, tac, tac. Tu m'avais dit "Chaque émotion donne un message".

  • Marlène

    Oui, c'est vrai.

  • Giulietta

    Et de la pleine conscience, tout ça, est-ce que tu te sens à l'aise pour en parler et expliquer un petit peu ton cheminement sur le sujet ?

  • Marlène

    Oui, oui, bien sûr. Moi, il y a deux formations que j'ai faites, enfin, j'ai fait deux rencontres avec des concepts et des gens, du coup, qui étaient associés à ces concepts. Ça m'a énormément aidée. Le premier, c'est la communication non-violente. Parce qu'en fait la communication non violente, c'est pas seulement être avec les autres, c'est aussi être avec soi. D'abord se comprendre soi, avoir de l'empathie pour soi, se dire un peu comment je me sens, de quoi j'ai besoin, pour pouvoir ensuite être dans un rapport plus constructif avec les autres et plus positif, qui est ce sentiment de réciprocité, mais être aussi à l'écoute des autres. Donc il y a le soi. soit envers les autres et puis les autres envers soi. Je ne sais pas si je suis claire. J'écoutais ça, je me disais "C'est génial" ! Ça a allumé la lumière dans mon cerveau, justement pour m'exprimer en termes de besoins et de sensations, d'émotions liées. Donc ça, ça m'a beaucoup aidée et je continue à me former, parce que ça prend des années à lire des bouquins sur la communication non-violente. Je trouve ça vraiment fantastique. Et pourtant, j'ai fait des études en sciences, mais je trouve que ça vient aussi de la science. Un psychologue qui a créé ce concept, et il s'est basé sur des choses qui sont très sérieuses. Ce n'est pas juste une théorie un peu bisounours, c'est vraiment un outil ultra puissant. Donc j'ai découvert ça, et j'ai découvert aussi la pleine conscience. Pareil, ça a allumé une autre lumière chez moi. Je me suis rendue compte que... Toute ma vie, j'étais coupée de mon corps. Je pouvais prendre ma tête, je pense, et la mettre sous le bras, tu vois, et me balader comme ça. J'aurais pu discuter avec toi, mais avec ma tête sous le bras, quoi. J'étais totalement coupée du corps. Je pense que c'était lié aussi de dire non non mon corps m'en occupe pas, je fais marcher ma tête parce qu'elle marche bien donc le corps, bon il marche moins bien mais c'est pas grave je vais le laisser tomber. En fait, je me suis rendu compte assez vite qu'il fallait que j'aligne tout ça parce qu'il me manquait quelque chose. Je n'étais pas épanouie, j'avais besoin d'être connectée quoi avec moi même, avec mon corps et puis aussi avec la terre avec voilà et de me dire "Il faut que tu sois plus dans l'instant présent". Je sentais que j'avais des besoins à ce niveau-là, mais je ne savais pas trop comment les résoudre. Et c'est un ami qui m'a conseillé de faire un stage qui s'appelle MBSR. Et puis, c'est un programme, en fait, qui a été mis en place par un médecin aux États-Unis. Et il y a un certain nombre d'heures. C'est un programme en huit semaines où on apprend vraiment à être dans l'ici et maintenant. Et j'ai fait ce programme. très intensif, je me suis beaucoup donnée, parce que c'était tous les jours, et une fois par semaine on se réunissait en groupe, et autrement il fallait bosser tous les jours et être vraiment dans le présent... et faire la méditation en fait, de la méditation de pleine conscience. Donc c'est pas la relaxation quoi, c'était vraiment être là, être présent, être connecté à ce qui se passe, là tout de suite. Ça a été hyper dur pour moi, qui ai l'habitude... Bah déjà il fallait que je me concentre, donc en plus comme je suis fatiguée, voilà c'était d'autant plus dur puisque... Tu as dit très bien tout à l'heure, la fatigue chronique, c'est vraiment une chape de plomb. Moi, je me réveille le matin, je suis crevée, je me couche, je suis crevée. Des fois, quand je marche, j'ai des bottes de plomb. C'est quelque chose qui te… Comme si tu avais une armure sur toi qui t'entraînait vers le bas. Donc, se concentrer quand tu es comme ça, ce n'était pas facile. Ça paraît, mais ça a été fantastique. Vraiment. et puis surtout j'ai appris à me dire "Ok, attends. Je fais pause là comment je me sens, qu'est-ce que je ressens dans mon corps ?"c'est pas juste mettre un mot sur une émotion, c'est aussi la ressentir physiquement. Tu vois donc j'ai appris à me reconnecter et comme ça à faire un peu la paix aussi avec mes émotions ou du moins à dire "Bah je le sens ça maintenant là tout de suite et c'est ok tu vois ?"

  • Giulietta

    Oui, c'est un long travail !

  • Marlène

    Ah ouais c'est ça, et je continue à bosser, c'est pas fini hein J'ai encore du travail, mais ça, ça m'a énormément aidée. Énormément. Et puis de me mettre aussi en solo, pour le travail, ça m'a beaucoup aidée aussi, d'accepter ça chez moi. Et voilà, de dire, je suis indépendante et je fais à mon rythme les choses.

  • Giulietta

    Et mais, tu vois, par exemple, sur le fait de gérer ses émotions et surtout de savoir ce qu'elles veulent dire. Par exemple, moi, je suis quelqu'un d'extrêmement anxieux. Et jusqu'à présent, je me disais... Bon, je suis anxieuse et je me battais contre mon anxiété sans chercher à savoir ce qu'elle voulait dire, en fait. Mais je ne suis pas tout le temps anxieuse : je suis anxieuse dans des situations dans lesquelles je me sens mal. Ça veut dire quelque chose de ressentir ça. Et après, libre à moi de me dire "Là, je vais essayer de travailler sur moi et de faire en sorte que cette situation ne soit plus anxiogène". Ou bien, en fait "C'est un red flag, il faut que je fasse attention et peut-être qu'il faut que je ne fasse pas ça". Mais ça prend du temps, effectivement, de se dire... que les émotions, ce n'est pas quelque chose d'irrationnel qui nous tombe dessus. Mais en fait, ça veut dire quelque chose de nous et quand elles sont là, ça donne une couleur sur ce qu'on ressent, sur le monde qui nous entoure et il faut l'accepter.

  • Marlène

    C'est exactement ce que je te disais la dernière fois. L'émotion, elle a un rôle en fait. Elle t'envoie un message. Donc soit comme tu dis "Red flag ! Oula, là je suis énervée, attends, qu'est-ce que ça dit de moi à cet instant-là ?" Et si déjà, nous on comprend. Si on peut comprendre ça pour nous-mêmes déjà, mais qu'on soit en situation de handicap, ou pas. Si on comprend ça déjà de nous-mêmes, déjà, on arrive à mieux comprendre que ça arrive chez l'autre. Et du coup, les rapports humains sont beaucoup plus sains. Parce que si moi, j'arrive à comprendre, au lieu de les entasser, de les mettre dans un coin, et que du coup, elles s'empilent, elles s'empilent, que je ne fais pas attention, et du coup, forcément que j'explose à un moment donné. Si moi, j'arrive à faire ce travail-là, je vais beaucoup plus... écouter les autres, puisqu'ils peuvent ressentir la même chose que moi. Tu vois ce que je veux dire ?

  • Giulietta

    C'est un des sujets de la communication non-violente, justement, de ne pas livrer un message brut, mais de dire à ce moment-là, je me suis sentie comme ça, et donc d'expliquer qu'à un moment, on a pu réagir de telle façon, mais parce qu'on a eu tel ou tel ressenti.

  • Marlène

    Tout à fait, et que ce n'est pas forcément l'autre qui est à blâmer. C'est juste que moi, j'ai tel besoin parce que je me sens comme ça. Il faut expliquer aux gens, en fait. Il faut donner la chance aux gens d'essayer de nous comprendre. Mais pour ça, il faut avoir fait ce travail de savoir qu'est-ce que je ressens, pourquoi, ça me fait quoi, et vraiment de verbaliser quoi. Se poser et dire ok parce que les autres ils ne vont pas deviner. On n'est pas dans un monde, les gens ils ne font jamais ça parce qu'ils sont avec eux-mêmes et on n'est pas dans un monde comme ça sauf exception mais les gens d'eux-mêmes. Ils ne viendront pas donc je pense à nous aussi déjà de comprendre ce qui nous arrive d'essayer d'expliquer à l'autre. Après l'autre, s'il ne comprend pas, c'est son problème en fait mais nous au moins on aura été clair déjà avec nous-mêmes... Et on peut prendre des décisions beaucoup plus éclairées aussi. Après, l'autre, il réagit, il ne réagit pas. Bon, au moins, on aura essayé. J'essaye de le prendre comme ça. Mais c'est vrai que des fois, oui, on en veut à la terre entière. On est crevé. Et puis, quand tu es crevé, c'est dur. Tes émotions, elles sont exacerbées. Tu es à fleur de peau. Donc, ce n'est pas facile quand physiquement, des fois, tu es affaibli, d'avoir du recul sur ces émotions. C'est vrai. D'où l'idée de… Moi, maintenant, j'essaye de me poser, de faire une petite méditation, de dire "Attends, oh là là, je ne vais pas bien là". Je me pose, deux secondes, je fais stop. Qu'est-ce que j'essaye de sentir physiquement ? C'est grâce au stage de pleine conscience que j'ai réussi à faire ça. Et puis, je vais dire "Tiens, ma gorge est serrée ou J'ai mal au ventre ou Je sens que ça me tape dans les tempes. Oh, mais je suis énervée en fait !" du coup comme je suis énervée, j'essaye de me dire "Qu'est-ce que je peux faire pour me préserver moi ?". Une fois que je suis au clair avec ça, je peux dire à l'autre "Excuse-moi là, je suis énervée donc je vais m'isoler un peu ou je te rappelle plus tard".

  • Giulietta

    Mais bien sûr et alors la méditation de pleine conscience, c'est vraiment quelque chose qui est intéressant ! J'en avais fait un petit peu, je n'ai jamais été très assidue... Mais effectivement, faire l'exercice de se poser et d'observer le monde qui nous entoure et de s'observer soi-même, c'est assez libérateur. Moi, je me rappelle que l'exercice du scan corporel où tu descends petit à petit, etc. Mais tu te rends compte que tu es méga tendu alors que tu ne le sentais pas du tout avant. Moi, c'était genre le visage tendu, les mâchoires crispées, etc. Et juste le fait de s'en rendre compte, tu te détends et ça va mieux. Et aussi les exercices où j'avais fait un... Avec une copine de mon coworking, on a fait de la forestérapie. Et donc tu vas te balader en forêt. On était au bois de Vincennes, on était en groupe. Et elle nous donne des petits exercices à faire ensemble pour se familiariser avec la forêt. Donc sentir les odeurs, observer les choses, les bruits, etc. Et tu fais aussi des exercices en binôme. Et ça m'avait vachement émue. On en fait l'autre te montre quelque chose qui l'a touché et tu sens une odeur et tout. Et en fait, moi, je me rends compte, je suis passée plein de fois dans le bois de Vincennes, je n'ai jamais senti l'odeur des écorces en marchant, je n'ai jamais écouté le bruit, tu sais, des différentes surfaces du sol en fonction d'où je marche, puisque je marche vite et je vais d'un point A à un point B. Et le fait de ralentir et tout d'un coup de se dire "Qu'est-ce qui se passe autour de moi ?", et c'est vraiment quelques secondes, ça apaise tellement. Et je trouve que ce truc de... Bon, bref, toute une digression pour dire que parfois, ralentir un petit peu et observer ce qui se passe autour de nous, ou s'observer soi-même, c'est super apaisant et ça fait du bien. Et on ne le fait pas souvent.

  • Marlène

    Tu as complètement raison. Et finalement, je trouve que c'est assez en phase avec la situation de handicap parce que comme physiquement tu es un peu "au ralenti", entre guillemets, il faut le dire, comme tu es fatigué de manière chronique ou que tu souffres, ton corps est au ralenti. Et donc finalement, d'être en phase avec ça, de dire "Ok, d'accord, je vais ralentir moi aussi un peu dans ma tête, dans mes autres sens, pour être en phase avec ce corps", et on se rend compte qu'en fait, de ralentir, ça apporte énormément de choses. Ça te permet de changer de perspective, de faire un pas de côté sur ce qu'on vit, sur ce qu'on pense, sur les choses qu'on ne voit pas au quotidien parce qu'on est dans une société vraiment dite de l'accélération. Et finalement, ce ralentissement un peu forcé physique, quand on essaye de se mettre en phase avec ça, ça nous apporte tellement plus. Tellement de... d'enfin voir, ok, ah tiens, je vais faire une petite pause là. Ça fait tellement du bien. Et comme notre corps nous oblige, entre guillemets, un peu à faire ça, c'est presque une chance quand on arrive à la saisir.

  • Giulietta

    Mais en fait, le fait de ralentir, tu observes qu'il y a des émotions qui sont récurrentes ou des patterns qui reviennent. Et de te dire, après chacun a le choix en fait, de se dire "Est-ce que je veux continuer ? Et est-ce qu'effectivement, ressentir cet inconfort ? J'accepte parce que j'en tire un bénéfice qui me convient ou est-ce que je vais ralentir ?"

  • Marlène

    C'est passionnant d'aller un petit peu creuser en soi et puis de découvrir ça et de conceptualiser. Les concepts et les théories, ça m'a beaucoup aidée justement à comprendre. Après, il faut incarner je suis encore en cheminement là dessus mais je trouve ça super intéressant j'aurais bien aimé découvrir ça avant mais bon.

  • Giulietta

    Est-ce que t'étais prête à ce moment là parce que les concepts, je pense qu'ils existaient autour de toi mais tu n'y as pas accordé de l'attention, non ?

  • Marlène

    Sans doute pas en tout cas, c'est mon chemin. Je ne regrette pas du tout les choix que j'ai faits. Mon chemin m'a amenée là aujourd'hui. J'en suis là aujourd'hui. J'ai plein de choses encore à découvrir, à expérimenter, à découvrir sur moi, sur le monde, les autres. Essayer de faire bouger à ma petite échelle les choses aussi. J'ai encore un peu de niaque. Donc, je vais continuer.

  • Giulietta

    Moi, j'ai une dernière question. Ton époux, en fait, si j'ai bien compris, il était dans ta vie. avant que tu déclares ton syndrome ?

  • Marlène

    Non, je l'ai rencontré après.

  • Giulietta

    Et comment ça se passe, si tu es OK pour aborder ce sujet, le fait de vivre un petit peu à trois, puisqu'il y a ta maladie, toi et ton époux ? Ça a un impact sur la vie de couple, non ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Comme je te disais tout à l'heure, on n'est pas au même rythme, lui et moi. Et puis en plus, on est à un âge où on est encore normalement... Tu vois, vouloir faire plein de trucs, partir en voyage, faire la fête avec des amis, aller dehors, inviter du monde. Bon, pour nous aider, c'est vrai, pour nous aider, au début, ça ne nous a pas aidé. On est très différents dans les personnalités. Donc, on opposés. Mais c'est ce qui nous a rapprochés aussi. Lui, il aime être très entouré. Avoir du monde, aller boire un verre, discuter avec plein de gens, être en famille, voilà. Et moi, je ne suis pas une solitaire, mais comme je te disais tout à l'heure, j'aime bien mon indépendance. Donc moi, ça me va bien de ne pas être trop en interaction, trop souvent, avec trop de gens, tu vois. Et puis aussi parce que ça me fatigue énormément d'être en interaction. Donc ça a été, forcément, ça a eu un impact. Alors il l'a su tout de suite, puisque... Moi, j'avais déjà eu le diagnostic, donc il n'a pas vécu cette période-là avec moi. Ça, je l'ai vécu seule. Donc, je lui ai dit tout de suite, bien sûr, quand on s'est rencontré, que je souffrais de ce syndrome-là. Et je pense que... Après, je ne suis pas dans sa tête, mais lui, il a fallu qu'il chemine aussi. Forcément, il a eu des périodes où il ne comprenait pas. Parce que... Ils ne le ressentaient pas comme moi je le ressentais. C'est difficile de se mettre à la place de quelqu'un, surtout quand tu n'es pas confronté. Tu vois juste la personne qui n'est pas bien, mais en même temps, ça ne se voit pas. Donc voilà, c'est comme ce que je te disais tout à l'heure. Je peux comprendre qu'il y ait eu beaucoup d'incompréhension de sa part. Et donc, c'était compliqué pour nous. Alors moi, comme je n'ai jamais voulu le freiner, mon objectif, c'était surtout de ne pas que notre quotidien soit régi par la pathologie. Mais comme moi, je ne pouvais pas forcément m'adapter, une des solutions qu'on a trouvées dès le début, c'était que lui, il faisait de son côté. Par exemple, il veut sortir, il sort avec ses amis, mais moi, je ne viens pas. Ou il y a une réunion de famille, je ne viens pas forcément à tout. Ou alors, il faut choisir, c'est soit samedi, soit dimanche, par exemple. Ça, ça a été une première solution qui, moi, ne me frustrait pas, puisque je répondais à mon besoin et lui répondait à son besoin. Mais bon, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident parce qu'on a envie de faire des choses à deux. Donc aujourd'hui, c'est peut-être parce qu'il a vieilli lui aussi, mais lui est moins dans le besoin aussi d'être tout le temps avec du monde. Donc je pense que même lui, ça l'a aidé à se recentrer aussi sur des plaisirs simples et d'être aussi parfois avec lui-même. Donc il est moins en quête d'être toujours, tu vois, avec du monde, ou d'accueillir du monde. Et moi aussi, j'essaye aussi de temps en temps de me dire "Bah tiens, peut-être qu'on pourrait accueillir du monde, mais le midi", c'est de faire des compromis. Bon déjà, le couple, c'est du compromis, mais nous, en plus, vraiment, on a développé des stratégies, on pourrait dire ça, pour que... Être dans le compromis, donc par exemple c'est, bah tiens, d'accord, on pourrait inviter du monde, mais le midi. On pourrait prévenir la famille que si, par exemple, il y a la famille qui arrive, on pourrait faire telle chose le samedi, et puis lui, il n'y va que le dimanche. Et donc, c'est plein de stratégies qu'on a mises en place. Ça n'a pas toujours été simple, mais on y est arrivé en discutant beaucoup. Quand l'amour est là, après on se dit "Ok, il y a la force des sentiments, mais aussi comment on peut calibrer notre vie en fonction du handicap ?", sachant que ça ne touche que moi, mais que ça l'impacte lui aussi. Comment on peut faire autrement pour que tout le monde soit un peu satisfait ? Donc on a trouvé ça, c'est-à-dire en communiquant énormément, c'est notre force, moi en bossant aussi sur moi, lui aussi sur lui, en ayant fait cette formation d'aidant par exemple. On a réussi à trouver un équilibre comme ça. Après, je ne dis pas tout le temps, mais maintenant ça marche beaucoup mieux. Voilà, on a réussi comme ça. Mais après, c'est des efforts du quotidien. Mais le couple, c'est ça aussi. Donc nous, en plus, on a un petit invité. On a découvert quelque chose aussi, que c'était important d'avoir notre espace. Dans la maison, d'avoir chacun son petit cocon pour se retrouver un petit peu seul. Parce que nous, on n'est pas collés. On n'est pas d'ici à moi. Le fait qu'on soit rencontrés à plus de 35 ans aussi. Ça a aidé à savoir ce qu'on voulait plus dans la vie, je pense que ça nous a aidés aussi. On a vu nos histoires avant, notre vie, notre expérience, donc on savait ce qu'on voulait, ce qu'on ne voulait pas, enfin voilà, on était déjà assez au clair avec ça, donc ça a aidé. Mais on a chacun notre cocon, notre petit bureau, ou notre petit coin, où on peut s'isoler, être un peu tranquille aussi, c'est important, de garder aussi sa part de... comment dire, sa bulle quoi.

  • Giulietta

    Juste une dernière éventuellement question, est-ce que toi il y a des ressources ou des choses qui t'ont aidé sur le syndrome justement de Gitelman à comprendre des choses ?

  • Marlène

    Oui, alors oui, au début j'ai essayé tu vois, les forums ça m'a énormément aidée, déjà pour trouver mon médecin. Franchement, si je n'avais pas eu, heureusement qu'il y a des forums de discussion et pour ça les réseaux c'est top. Et Internet, c'est top parce que des fois, tu es isolé selon la région où tu habites. Ce n'est pas forcément évident. Et donc, Internet m'a beaucoup aidée, les forums de discussion spécialisés sur cette maladie. Et puis après, moi, j'ai essayé même d'être dans un groupe. Il y a un moment, ils ont essayé de créer ça, une communauté. J'ai essayé, j'étais à une réunion à Paris qui était organisée par l'hôpital et les médecins qui nous suivent proposent de faire des réunions de patients qui ont le même syndrome, parce qu'en fait, il faut savoir que dans le syndrome, on a le même, mais on n'a pas tous les mêmes symptômes. Donc parfois, il y a des gens qui vivent, même avec les médicaments, qui vivent très très mal, qui sont obligés d'être sous perf quasiment quotidiennement dans une chambre et tout, parce que leur potassium ne décolle jamais, et c'est parfois des patients très jeunes. Donc on n'est pas tous logés à la même enseigne, tu vois. C'est ça qui est un peu compliqué aussi. J'ai eu l'occasion de discuter avec d'autres patients et de me rendre compte qu'en fait, on avait le même syndrome et que ça pouvait avoir des manifestations diverses et variées. Donc, c'est un peu des coups de poker aussi. Et tu en as qui vivent très bien, qui font du sport à haut niveau, tu vois. Le traitement leur suffit. Voilà, c'est bon. Et j'ai trouvé intéressant de discuter avec ces gens-là, de discuter ensemble. Et puis, ils avaient créé une communauté Facebook. Et en fait, assez vite, je me suis dit non, je… Ça ne m'a pas convenu parce que j'avais l'impression qu'ils disaient des mots comme "On fait partie d'un club". Et en fait, moi, ça, c'est des choses… J'ai un peu de mal, tu vois, parce que non, je ne fais pas partie du club des malades. Alors, je ne sais pas si c'est dû à ma personnalité ou si je trouve que… En fait, j'avais l'impression que ça m'entraînait plus vers le bas d'entendre des personnes parler du syndrome et dire moi, j'ai ça, comment vous faites ? Et d'avoir des trucs et astuces. En fait, ça m'a plus angoissée qu'autre chose et j'ai arrêté, en fait, après de communiquer. Je me suis dit, on est tellement tous différents que tant pis, je fais un peu ma route. Et puis voilà, j'avoue que la ressource à ce niveau-là, ça ne m'a pas convenu. Ça convient sûrement à d'autres personnes, mais moi, j'ai essayé. J'ai essayé plein de trucs et j'essaye encore. Pour l'instant, j'arrive à mener ma barque, un peu seule, mais en discutant après avec d'autres gens, mais pas forcément qui ont le même syndrome que moi. Je trouve ça angoissant parce qu'après, les gens, c'est comme si tu... Tu vois, comme si t'étais obligée d'en parler. Alors que des fois, moi, j'ai juste envie de faire ma vie,

  • Giulietta

    En fait, c'est ce qui vous rapproche. De fait, c'est ce qui a scellé les premiers échanges. C'est peut-être difficile aussi de trouver des sujets de conversation en dehors de ça et de nouer de vraies interactions.

  • Marlène

    J'ai l'impression que... Tu dois parler que de ça. Ça me déprime, en fait.

  • Giulietta

    Moi, j'ai pas été... Enfin, si j'ai fait vite fait une formation sur ma maladie que j'avais trouvée cool, il y avait une dame qui était très en colère. Et en fait, je l'ai renseignée, etc. Je n'avais pas envie de dealer avec la colère de quelqu'un d'autre. Par contre, j'avais ressenti au moment où j'ai déclaré ma maladie le besoin d'être en contact avec des personnes malades, mais pas de la sclérose en plaques, et je m'étais investie dans une association qui accompagnait des jeunes gens dans la réalisation de projets. Des personnes atteintes par un cancer, c'était des adolescents et des jeunes adultes. Et là je m'étais sentie à ma place parce qu'on parlait de ça, alors moi je n'évoquais pas ma maladie, mais on parlait eux de leur maladie, etc. J'étais dans un contexte où c'était aussi des jeunes adultes qui étaient dans une situation de maladie, mais on parlait d'eux et pas de moi, ce que je préférais. Et il y avait quelque chose aussi de positif d'essayer d'avoir un impact positif sur la réalisation d'un projet, tout ça, et ça correspondait à ce qui, moi, me soulageait à l'époque. De rester dans un univers médical et de... Voilà, de pouvoir parler de maladie, mais sans pour autant se dire... Bah, c'est que ça. Et finalement, en fait, je me suis rendue compte très, très vite que les interactions qu'on avait portaient très peu sur la maladie et que c'était juste des jeunes gens qui étaient trop heureux. de papoter avec des gens de leur âge: on parlait plein de choses et c'était trop bien effectivement. Rencontre d'autres personnes qui ont la même pathologie que moi, il y a le sujet de se sentir légitime quand on n'a pas les mêmes symptômes ou quand on a des symptômes légers comme c'est mon cas, d'être dans le même mood aussi parce que tu peux être dans une phase de colère et tu n'as pas envie de d'écouter quelqu'un qui sent pas bien où tu peux être dans un moment où tu vas très bien et t'as pas envie d'entendre quelqu'un en colère donc c'est c'est complexe.

  • Marlène

    Exactement et j'avoue que, du coup, je préfère prendre un peu ce qui va à un moment me servir à moi mais qui n'est pas estampillé aux soins d'une pathologie, qui est juste de la santé mentale. Je prends et je fais ma petite sauce comme ça mais puisque je fais ce podcast, je me dis peut-être ça peut aider d'autres gens. Je trouve super ton initiative ; trouve ça vraiment génial. Donc, je me dis, tiens, peut-être que là, mon action d'aujourd'hui, c'est peut-être une bonne chose, qui sait, pour quelqu'un. Donc, bon, tu vois, quand même, je suis pas… J'essaye des choses, hein. Mais c'est vrai que… C'est pareil, même dans la pathologie, les gens voyaient chez moi quelqu'un de… Ben voilà, qui était dynamique. Ils me faisaient les mêmes réflexions que les gens qui n'ont pas de handicap. Donc forcément, ils venaient se confier à moi, ils venaient me pomper toute mon énergie. Donc j'ai dit "Stop, stop, stop". Donc, comme tu dis, la légitimité de dire "Ah bah toi, t'as la pêche". Tu dis "Mais tu sais bien que c'est un truc de surface. Tu le sais". Là, vraiment, je me suis dit "Oh non, les gens, vous exagérez".

  • Giulietta

    Je pense qu'il cherchait de l'espoir. De fait, voir quelqu'un qui est dynamique, tu te dis, bah peut-être que moi aussi. Oui, ça rassure aussi de voir quelqu'un qui a de l'énergie.

  • Marlène

    Oui, ça je comprends très bien. C'est vrai que quand ça va... Moi, je suis pour les relations fondées sur la réciprocité. Donc, quand ça va que dans un sens, moi maintenant, assez vite, je coupe. Parce que, bah oui, toi tu le formules très bien, comme tu disais, la colère de l'autre, bah voilà, je peux être là, ouais, 5 minutes, mais à condition qu'on soit dans un échange, quoi. Pas juste, tu me prends mon énergie, tu t'en vas, en fait. Alors qu'en plus, on souffre de... du même syndrome. Donc voilà, tu vois, très vite, j'ai mis un point, mais bon, je suis toujours ouverte. Après, comme c'est une maladie rare, bon, ce n'est pas facile de trouver des gens qui ont la même chose, mais je suis toujours ouverte, oui, à l'idée de, j'aime bien, ou si un peu, peut-être quand moi, j'ai peut-être besoin de prendre encore du recul pour se dire, maintenant, j'ai envie d'être dans une posture plus d'aide. Sans rien attendre. Je pense que je ne suis pas encore prête.

  • Giulietta

    Ah bah oui, mais peut-être que tu ne le sauras jamais.

  • Marlène

    Peut-être, ouais.

  • Giulietta

    Au fur et à mesure des enregistrements, je me rends compte à quel point il est compliqué de parler de son vécu et de son intimité dans un podcast. Tous mes remerciements donc à Marlène de m'avoir fait confiance. Le point qui m'a particulièrement marqué est celui du cheminement que Marlène réalise et la notion de progression qu'elle évoque tout au long de l'épisode. Au début, elle ne savait pas comment faire avec sa maladie. Elle évoque avoir ressenti beaucoup de colère et d'incompréhension et avoir eu du mal à se ménager. Puis petit à petit, elle a trouvé les moyens de faire qui lui correspondent. Et je trouve que c'est assez révélateur du fait de vivre avec une maladie ou bien un handicap. On apprend et on chemine. Pour terminer, quelques mots sur l'anomalie. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins. C'est un projet artisanal sur lequel je mets beaucoup de cœur. Si vous souhaitez soutenir ma démarche, rien de plus simple. Vous pouvez attribuer une note au podcast et même un commentaire sur votre plateforme d'écoute préférée. Si le contenu vous parle, n'hésitez pas à le partager à vos proches et à en parler autour de vous. De mon côté, je vous dis à très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

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Description

💡 Comment gérer son quotidien lorsque l’on vit avec une maladie rénale rare comme le syndrome de Gitelman ?

Dans cet épisode, je reçois Marlène, diagnostiquée avec cette pathologie rénale chronique qui perturbe l’équilibre en minéraux du corps. Ce syndrome entraîne une fatigue chronique intense, des crampes musculaires invalidantes, ainsi qu’un handicap invisible.

Un parcours marqué par l’errance médicale

Comme beaucoup de personnes atteintes d’une maladie rare, Marlène a connu une longue période d’errance médicale avant d’obtenir le diagnostic du Syndrome de Gitelman. Ses symptômes – hypokaliémie, hypomagnésémie, douleurs musculaires et troubles de l’oreille interne – étaient souvent minimisés ou mal interprétés par le corps médical qui ont pensé à de l'anorexie.

Après une année d'errance médicale et de longues recherches, elle a finalement rencontré une néphrologue qui a validé le diagnostic du Syndrome de Gitelman et su adapter son traitement, améliorant ainsi sa qualité de vie et lui permettant de mieux gérer sa fatigue persistante.


Les défis d’un handicap invisible au quotidien

Malgré un suivi médical régulier, vivre avec une maladie rénale rare implique de nombreuses adaptations dans la vie de tous les jours. Marlène partage :

L’impact du syndrome de Gitelman sur son énergie : comment elle gère sa fatigue chronique et évite l’épuisement.
Les défis au travail : comment elle a appris à fixer des limites professionnelles et à mieux communiquer sur son handicap invisible.
Son rapport au corps et à l’effort : pourquoi elle doit constamment écouter ses besoins physiologiques et adapter ses activités.
La gestion émotionnelle : comment elle a trouvé dans la méditation et la communication non violente des outils précieux pour mieux vivre avec la maladie.
Le rôle du soutien familial : comment son époux, Hervé, joue un rôle essentiel en tant qu’aidant et partenaire du quotidien.


Vivre avec une maladie rénale rare : entre adaptation et acceptation

Le syndrome de Gitelman est une maladie génétique peu connue, et son impact sur la vie sociale, professionnelle et émotionnelle est souvent sous-estimé. Marlène nous livre un témoignage empreint de résilience et de réalisme, sur la façon dont elle a réussi à réinventer son quotidien sans renoncer à ce qui compte pour elle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marlène

    Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais. Parce que j'allais contre mon corps en me disant "non, non, je peux le faire" Et puis en fait, du coup, j'avais des contre-coups horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi.

  • Giulietta

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de lanomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Pour ce septième épisode, je vous propose de rencontrer Marlène qui est atteinte du syndrome de Gitelman. Si vous n'en avez jamais entendu parler, voici une rapide définition qui sera complétée par Marlène au cours de l'épisode. Le syndrome de Gitelman est une maladie rénale qui nuit notamment à la fixation du potassium, du sodium et du calcium, qui sont tous les trois des minéraux essentiels au bon fonctionnement du métabolisme. Les conséquences du syndrome de Gitelman sont concrètes pour les personnes qui en sont atteintes, Marlène évoque ainsi dans son cas des risques cardiaques, de la fatigue chronique, des problèmes d'oreilles internes et de possibles crises de Goutte. Le parcours de Marlène commence avec la réalisation d'analyses de sang, tout ce qu'il y a de plus banal. Les résultats révèlent un taux de potassium anormalement bas qui peut la mettre en danger. C'est le point de départ d'une bonne année d'errance médicale où le diagnostic envisagé n'est pas du tout celui d'une maladie rénale. Cette difficulté à poser le bon diagnostic s'explique d'une part par un manque d'écoute du personnel médical - Marlène en parle longuement - mais également par une méconnaissance de cette pathologie qui touche moins de 2000 personnes en France. Dans cette discussion extrêmement riche, Marlène et moi évoquons des sujets variés, la vie de couple et le rôle d'aidant rempli par son époux, le rapport au monde du travail qui est rendu compliqué par la présence de la fatigue chronique, la nécessité de ralentir et l'importance de comprendre ses émotions pour se préserver, mais également pour avoir des relations sereines avec son entourage. Vous allez l'entendre dès les premières secondes, Marlène est vive, enthousiaste, pleine de vie et spontanée. Petit disclaimer, ce ne sont pas vos écouteurs qui grésillent sur la fin de l'épisode, mais mon micro, je ne sais absolument pas ce qui s'est passé, pourtant tous les réglages étaient au point. Je suis par avance désolée pour ce petit inconfort, mais du coup, pas d'inquiétude, ça ne vient pas de vous. Sur ces belles paroles, je vous souhaite une très bonne écoute pour cette reprise de lanomalie, et je vous laisse avec Marlène. Marlène, pour commencer, je te propose de te présenter dans la façon dont tu le souhaites.

  • Marlène

    Ok, merci. Merci déjà de prendre le temps aussi de discuter avec moi parce que c'est sympa de faire ce podcast, c'est une première pour moi. Je m'appelle Marlène, j'ai 43 ans, j'habite dans le Finistère et je suis formatrice indépendante. Voilà, depuis 20 ans, je suis indépendante depuis 4 ans et je forme à la pédagogie d'une part et puis... D'autre part, à tout ce qui touche les compétences sociales, relationnelles, émotionnelles. Ça, c'est mon job.

  • Giulietta

    Ok, trop chouette. Et du coup, pour quelles raisons m'as-tu contactée ?

  • Marlène

    En fait, je t'ai contactée parce que c'est vrai que c'est ma belle-sœur, en fait, qui m'a envoyé un petit mot en me disant "oh là là, il y a un super podcast, regarde, ils recherchent "des candidats", entre guillemets, pour… faire des entretiens pour parler du handicap invisible". Et elle, elle est touchée de près, puisque son copain porte un handicap, et elle me connaît depuis plusieurs années, et elle aussi, elle a été confrontée à ce handicap, sans le voir, puisqu'il est invisible, mais ça l'a touchée, et donc elle s'est dit, "peut-être que Marlène, toi aussi, tu voudrais témoigner, pour dire un petit peu peu aux gens que ce n'est pas parce que ça ne se voit pas que ça n'existe pas". Donc, ce serait intéressant, par ce média-là, de communiquer, pas au monde entier, mais de communiquer à l'extérieur, en tout cas, sur ce sujet. J'hésitais un peu parce que je n'avais jamais fait ce genre de choses, mais je crois en la force du podcast et de la diffusion et de ce genre de médias. Je trouve ça hyper intéressant. Et donc, je me suis dit… "Allez, je tente". Même si c'est vrai que je ne suis pas trop acculturée à ce type de médias, mais je le trouve hyper intéressant. Et c'était l'occasion de parler un peu de moi. Et peut-être, je ne sais pas, je me suis dit que ça me ferait du bien aussi. Donc, j'ai tenté l'aventure.

  • Giulietta

    Et comment tu te sens aujourd'hui alors ?

  • Marlène

    Je me sens plutôt bien parce que, disons que j'ai la parole facile. Mais c'est vrai que parler de moi, je discute facilement, mais pas forcément de moi. aussi un peu et surtout pas forcément spontanément de ma maladie. Donc c'est quand même un peu spécial pour moi. C'est parler de moi déjà et faire que ça. Je suis pas forcément habituée et c'est aussi de parler d'une partie de moi qui ne me définit pas, certes, mais qui fait partie de moi et de ma vie et qui conditionne ma vie. Ça, c'est une première. Je veux dire, un podcast, à mon médecin, c'est autre chose, mais d'en parler comme ça à quelqu'un que je ne connais pas trop et que je sais que ça va être diffusé, c'est un bon challenge. J'ai envie de tenter l'expérience.

  • Giulietta

    Bon, très bien. Oui, tu as l'air de te sentir à l'aise. Et donc, de quelle maladie est-ce que tu viens nous parler aujourd'hui ?

  • Marlène

    Alors moi, je viens te parler d'une maladie rénale qui s'appelle syndrome de Gitelman, du nom du médecin qui l'a découvert. C'est une maladie qui touche, je crois, une personne sur 45 000, quelque chose comme ça. Et c'est congénital, ça veut dire que je l'ai de naissance, elle n'est pas apparue. Elle ne se déclenche pas par la suite, elle est tout de suite là. Mais par contre, elle est très dure à détecter. Alors parce qu'elle est rare, d'une part, donc on n'y pense pas forcément tout de suite. Et aussi parce qu'elle n'a pas forcément de signes, pas forcément de symptômes. Donc moi, je suis atteinte de cette maladie-là.

  • Giulietta

    Est-ce que tu peux expliquer en quelques mots en quoi consiste justement le syndrome de Gitelman ?

  • Marlène

    En fait, le problème de cette maladie, elle touche les reins. Et les reins, leur fonction première, c'est de filtrer et de trier un petit peu ce qu'il y a de toxique ou pas. Et puis soit de garder, soit de jeter. Ils ont une fonction vraiment de tri. Et le souci avec le syndrome de Gitelman, c'est qu'il manque des transporteurs. En fait, il manque... trois transporteurs, celui du sel, celui du magnésium et celui du potassium. Et donc, comme il me manque ces trois transporteurs-là, quand ces trois choses-là arrivent au niveau des reins, les reins ne les reconnaissent pas et donc les rejettent directement dans les urines. Et s'ils rejettent dans les urines, au bout d'un moment, ça les fait baisser dans le sang. Donc on manque de potassium, on appelle ça l'hypocaliemie, on manque de magnésium, hypomagnésiemie, etc. Et on manque de sodium. Le problème, c'est que ces trois éléments-là, ils sont nécessaires, ils sont vitaux, pour faire fonctionner correctement, notamment le cœur, pour le potassium. Et a contrario, j'ai fait une rétention presque totale de calcium. Ça par contre, mes reins adorent ça, mon calcium, et ils ne veulent pas le rejeter. Ça c'est un problème, c'est qu'il faut bien qu'ils se déposent quelque part aussi le calcium, donc il va se déposer sur les ligaments, sur les articulations, et ça peut causer aussi des problèmes comme la goutte. par exemple, on appelle ça chondrocalcinose mais c'est les mêmes symptômes que la goutte des inflammations vraiment très fortes au niveau des articulations voilà ce que ça produit dans le corps et du coup au niveau des symptômes dont tu m'avais parlé c'était une fatigue chronique des douleurs et des difficultés de concentration il me semble c'est ça. E n fait ce qui m'a surtout produit ça, c'est depuis que je prends mon traitement parce qu'il n'y a pas de solution : on ne peut pas guérir le syndrome de Gitelman mais on peut combler par les médicaments. Moi, je prends beaucoup de médicaments qui vont faire un effet de rustine sur les reins, c'est-à-dire qu'on complémente en sodium, en potassium, en magnésium, etc. Et donc, je prends entre 10 et 15 comprimés par jour pour me maintenir à flot. C'est une solution qui permet juste de me maintenir dans des normes à peu près acceptables. Mais du coup, toute cette prise de médicaments et puis l'âge aussi forcément fait qu'on est un peu plus en difficulté. Donc ça occasionne des gros coups de pompe, des gros coups de fatigue. Qui dit gros coup de fatigue dit problèmes de concentration. J'ai par exemple des problèmes, ça m'arrive régulièrement d'avoir comme des espèces de moments off, comme si on avait éteint la lumière, où je suis là physiquement, mais je suis complètement ailleurs comme si je flottais. Donc c'est des moments un peu black out où je ne peux plus me concentrer. Ça peut être un gros souci. Donc fatigue, problèmes de concentration et puis douleur, crampes ça c'est le manque de magnésium qui fait ça et puis des douleurs chroniques, des problèmes de digestion, des problèmes aussi d'oreille interne : j'ai beaucoup de vertiges, ça cause pas mal de petits soucis qui sont dûs aussi à ces manques de sodium, de magnésium et de potassium. Donc ça se produit un peu dans tout le corps. Il y a pas mal de symptômes qui font qu'au quotidien, ça peut être assez invalidant. Voilà, je ne sais pas si je réponds.

  • Giulietta

    Parfaitement. Et alors, histoire de poser un petit peu les bases de l'échange, est-ce que tu peux revenir sur, justement, la manière dont tu as appris que tu étais atteinte de ce syndrome ? Comment est-ce que ça s'est passé ? Dans l'échange qu'on avait eu, tu m'as expliqué que c'était au cours d'examens un peu de routine, que tu t'es rendu compte que tu avais quelque chose qui avait un impact sur... enfin qui pouvait avoir un impact important sur ta vie quotidienne.

  • Marlène

    Oui, effectivement, j'ai eu pas mal de chance en fait, parce qu'on a détecté ce syndrome à la suite... enfin pas détecté tout de suite, on a vu qu'il y avait un problème à la suite d'un contrôle complètement banal, un check-up sanguin... Ils m'ont fait faire un ionogramme, donc ça permet de mesurer justement... les fonctions vitales, la fonction rénale, tout ça. Et puis, ils se sont rendus compte que j'avais un taux de potassium très bas. Et là, ils se sont dit, on va faire un autre contrôle pour être sûr que ce n'est pas une erreur. Et donc, ils m'ont fait un contrôle encore de potassium. Ça avait encore baissé. On était vraiment à des taux où normalement une personne lambda, elle va très très mal quand elle a ce taux-là de potassium. Donc, j'ai rien compris à ce qui m'arrivait. J'étais chez le médecin, "on appelle l'ambulance", on m'a transportée aux urgences. Alors que moi, j'allais bien, je ne sentais pas en fait. C'est ça qui était d'autant plus violent, c'est que je ne l'ai pas du tout vu arriver. Je n'avais pas de signe avant-coureur. Donc, de la urgence pendant plusieurs jours, parce qu'il faut faire absolument remonter un taux de potassium par perfusion. Donc, ils m'ont fait remonter le taux. Ça a mis plusieurs jours, plusieurs jours, j'ai dû rester à l'hôpital. Et puis ensuite, il fallait chercher d'où venait ce manque de potassium. Et à l'époque, si tu veux, j'avais les mêmes symptômes que quelqu'un qui souffre d'anorexie. C'est-à-dire que quelqu'un qui se fait vomir, par exemple, il perd son potassium aussi. Donc à l'hôpital, ils ont suspecté que je souffrais d'anorexie, ce qui n'était pas le cas. Et donc eux, ils sont partis sur ça. Ils m'ont fait plein d'examens alors qu'il y avait déjà des indices, puisque dans les urines, on voyait que c'était un problème rénal. Mais bon, ils sont partis billes en tête sur l'anorexie. Et donc là, c'était très compliqué pour moi, parce que je voulais leur faire comprendre que ce n'était pas ça. Donc dans ma tête, je me disais, ils ne vont pas me guérir, parce qu'ils font fausse route. Et bon, bref, je suis sortie de l'hôpital, où on m'a dit "il faut arrêter de vomir maintenant". En gros, ça a été ça. Donc j'ai dû voir mon médecin traitant pour qu'elle continue à me donner un traitement de potassium au moins pour que ça ne baisse pas, mais forcément ça a rebaissé. Et là j'étais perdue en fait, parce que je ne pouvais pas retourner à l'hôpital puisqu'on pensait que j'étais anorexique. Et donc grâce aussi à mon entourage, à ma mère, à ma famille, on s'est dit bon "Tant pis, on va aller chercher ailleurs. Avec le médecin traitant aussi, le soutien du médecin traitant, on s'est dit bon on va aller chercher en cabinet privé". Et je suis allée voir des spécialistes de tous les corps de métier. Je suis allée voir d'abord un gastro-entérologue. Et lui, je lui ai parlé de mes symptômes. Il a dit "Pour moi, ça ne vient pas de là, mais on va faire quand même des examens poussés". Bon, il m'a fait des examens poussés, fibro-coloscopie. Ils ont découvert que non, ce n'était pas digestif. Et c'est ce médecin, en fait, il a été super. Il a dit, "Moi, je connais du monde en médecine interne. Dans un autre hôpital, tu vas aller là. Ils vont te faire une batterie de tests. Donc il se passe plusieurs mois entre ce moment où je suis hospitalisée en urgence et ce moment, il se passe presque six mois.

  • Giulietta

    Oui, parce que j'ai regardé un petit peu, alors je ne me rappelle plus du terme exact, mais la proportion de personnes atteintes en France du syndrome de Gitelman, et en fait ça concerne uniquement 1800 personnes, donc c'est très peu. Il y a également le fait que c'est lié à la néphrologie, donc je présume qu'effectivement les personnes que tu as rencontrées n'ont... peut-être pas tout de suite reconnu les signes. Et par ailleurs, c'est une pathologie qui est relativement rare. Donc, il faut être un petit peu acculturé.

  • Marlène

    C'est ça. Donc, en fait, ils sont passés un peu à côté. Je suis allée voir d'autres spécialistes. Je suis allée voir une endocrinologue. Je suis allée voir, avec mes résultats d'examen à l'hôpital, en disant "Regardez, il y a des petites choses au niveau rénal. Il y a des choses bizarres. Peut-être que ça vient des glandes surrénales". Parce qu'avec mon médecin traitant, on essayait de trouver aussi d'où ça pouvait venir et quel spécialiste pouvait m'orienter. Donc ça a été quelques mois d'errance comme ça. Et finalement, j'arrive en médecine interne, six mois après. Là, ils me font une batterie de tests et à la fin de la journée déjà, ils me posent un diagnostic. Puisqu'eux, en médecine interne, ils avaient accès en fait à tous les corps de métier, tous les corps médicaux.

  • Giulietta

    La médecine interne, c'est un peu Docteur House. C'est un peu les spécialistes du dernier recours. Quand on ne sait pas ce qui se passe, ce sont des personnes qui vont investiguer un petit peu plus.

  • Marlène

    Exactement. Et eux, en fait, ils avaient déjà une idée du diagnostic à la fin de la journée. Ils m'ont fait vraiment plein de tests, vraiment de tout. Et ils m'ont refait les mêmes tests qu'on m'avait faits à l'hôpital. Mais eux, par contre, ils se sont dit "ah oui, non, là, on reconnaît ce signe-là, ça vient des reins". Et donc, eux hésitaient entre deux syndromes, soit Gittelman, soit Barter, qui est un syndrome cousin en fait. De là, ils ont envoyé mes résultats à Paris pour une analyse génétique, puisque c'est la génétique en fait qui a permis de voir s'il y avait la mutation de gène qui va bien, pour dire oui, on confirme que c'est le syndrome de Gittelman. Et ils ont confirmé le diagnostic posé à Brest en médecine interne.

  • Giulietta

    Les situations d'errance médicale, elles ne sont jamais faciles. Pour les personnes qui ne sont pas familières du terme, c'est donc la situation où on ne sait pas de quoi on souffre, on vit avec des symptômes, mais on ne sait pas à quoi c'est dû. Et donc, c'est, je présume, assez anxiogène. Tu m'avais expliqué, toi, à l'époque, que justement, le fait d'avoir un taux de potassium qui est bas, ça a des impacts sur ta fonction cardiaque. Et de ne pas savoir comment ça pouvait évoluer, ça a dû être assez stressant pendant ces six mois, non ?

  • Marlène

    Ça a été très stressant. Je ne savais pas du tout ce que j'avais. Je me disais "À tout moment mon cœur peut s'arrêter". Après j'avais eu un traitement déjà avec le médecin traitant. Il surveillait mon taux de potassium de près, mais il n'y avait pas que le potassium. Il y avait aussi tout ce qu'il y avait à côté, les douleurs musculaires, parce que c'est le système musculaire, le système nerveux qui est atteint aussi. Il y a aussi le magnésium, le sodium, le calcium qui est un petit peu… altéré donc moi de ne pas savoir ce que j'avais c'était déjà c'était très angoissant effectivement parce que je me disais "qu'est ce que je vais devenir ? Est ce que est ce que je vais tenir ? Est ce que je vais mourir ?" et puis aussi il y avait cette profonde tristesse et cette colère un peu en même temps aussi de me sentir pas comprise, pas écoutée qu'on me dise "bah non non on a décidé que tu as tu avais ça, tu étais anorexique et que c'est pour ça. Donc maintenant, fais un effort, hop, hop, hop". Enfin voilà, je me sentais vraiment pas écoutée et je perdais un peu de foi en la médecine. Je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie considérée. Voilà, j'aurais aimé qu'on aille plus chercher quand même. Qu'ils se disent "Tiens, peut-être aller investiguer ailleurs" ou qu'on me dirige tout de suite peut-être vers la médecine interne dès ma sortie des urgences. Qu'ils admettent qu'ils ne savaient pas. Voilà. Moi, c'est ça qui m'a... Ça m'a profondément blessée. Ça m'a fait perdre du temps. Ça aurait pu me mettre très en danger. Donc, je me suis sentie seule, pas considérée et je me suis sentie faible. Je me suis sentie vraiment affaiblie et j'avais très peur. Oui, ça a été très compliqué, bien sûr. Même quand mon diagnostic a été posé, ça a été compliqué, en fait, parce que ça ne s'est pas arrêté là, l'errance, puisque... En médecine interne, ils m'ont dit qu'ils allaient continuer à me suivre. Je me suis dit "Est-ce que je peux être suivie au service de néphrologie ?" Ils m'ont dit "Non, c'est un tel qui va vous suivre". Pareil, je n'avais pas accès à un néphrologue tout de suite, même une fois mon diagnostic posé. C'est-à-dire que je n'ai pas pu voir un spécialiste, même une fois mon diagnostic posé. Donc je me suis dit "Mince, je vais voir qui ?" Je voyais un médecin tous les trois mois qui m'a mis sous un traitement très lourd, qui me faisait être beaucoup plus malade. que lorsque je ne prenais pas de traitement. Donc c'est là que j'ai senti aussi physiquement, donc ça a été très compliqué ça aussi pour moi. L'errance, elle a un peu continué en fait dans ma prise en charge, après, pendant encore six mois après, puisque j'avais un traitement qui me donnait des effets secondaires dingues, qui était très lourd, qui m'empêchait de me lever le matin, qui me donnait envie de vomir. J'avais des diarrhées, mais c'était insupportable. Vraiment, je m'affaiblissais, alors pourtant j'étais prise en charge et que j'avais eu un diagnostic. Je me dis mais ce n'est pas possible, je ne sais pas Ok, maintenant on sait qu'il y a un diagnostic, ça fait du bien, je sais ce que j'ai, mais par contre, le traitement, il va me faire vivre comme ça ? C'est très contradictoire ce que tu penses à ce moment-là, parce que tu dis en fait, le traitement, il me rend plus malade que quand je n'avais pas de traitement, mais si je n'ai pas de traitement, je risque gros, donc… Si ça va être ça ma vie d'avoir des cachets, d'être malade avec des cachets, non. Et puis à ce moment-là, je me suis dit, je ne peux pas continuer comme ça. Donc j'allais sur des forums, j'ai cherché par moi-même en fait, quelqu'un peut-être qui pouvait être spécialiste de mon syndrome, sachant que ce n'était pas le cas dans ma vie. J'ai cherché, je suis allée sur des forums, j'ai discuté avec des gens et des gens m'ont donné un nom. Je peux donner le nom ou pas ?

  • Giulietta

    Oui, bien sûr. Je ne sais pas, sauf si le praticien ne serait pas content que tu le donnes.

  • Marlène

    J'imagine que si. Donc, ils me donnent un nom, celui du docteur Blanchard. Tout le monde me dit que le docteur Blanchard est super, mais elle est à Paris. Donc, je me dis qu'il faut absolument que je voie ce médecin. Seulement, je n'étais adressée par personne. Je débarquais un petit peu à dire "Comment je vais prendre rendez-vous si je ne suis pas adressée ?". Les gens vont me dire "comment vous savez que vous avez Gittelman ?" Ça a été un peu la croix et la bannière pour la contacter. J'ai essayé, essayé, essayé, et j'ai réussi à décrocher un rendez-vous. Et là, il se passe encore des mois, plusieurs mois, tu vois. Là, on est en 2014, donc ça fait un an qu'on m'a dit que j'avais un problème, puis six mois que j'ai été diagnostiquée, et encore six mois après, je réussis enfin à décrocher un rendez-vous avec ce médecin. Et là, c'était fantastique, parce que ce médecin, elle a mis des mots. Elle m'a dit ce que je voulais entendre depuis le début.

  • Giulietta

    C'est quoi que tu voulais entendre, justement ?

  • Marlène

    En fait, je voulais entendre que, ben, "T'inquiète pas, on comprend ce que t'as, ça, ben ça, ta maladie, pourquoi elle est arrivée". On m'a expliqué la maladie. Parce que moi, je ne savais pas, je l'ai cherchée sur Internet. On m'a posé un diagnostic, mais on ne m'a pas dit pourquoi, d'où ça venait, ce que ça occasionnait. Elle, elle m'a tout expliqué avec des mots simples. Elle m'a montré un schéma, elle me dit... "Ce n'est pas une fatalité". Et surtout, elle m'a dit "e médicament-là, il vous rend malade ? Oui, on l'arrête". Et elle a tout réévalué mon traitement. Elle me di "On ne soigne pas des symptômes, on soigne des gens". Et vraiment, elle a été hyper humaine, hyper à l'écoute. Pour moi, ça a été une rencontre incroyable. Heureusement que j'ai eu cette ressource-là à un moment donné, d'aller la chercher.

  • Giulietta

    Oui, oui. Moi, ça m'a fait la même chose. Alors, j'ai une maladie bien moins intrusive et mes symptômes sont légers. J'arrivais pas à trouver la personne avec laquelle je me sentais à l'aise. Ma neurologue précédente, elle m'avait dit "On va peut-être changer de traitement". Moi, ça m'avait angoissée, elle ne m'avait pas expliqué, elle m'avait dit "On n'a pas vraiment le choix". Alors que la perspective de prendre un traitement, ce n'est pas simple de se dire qu'on va avoir un traitement à vie. Enfin bon, bref, moi ça m'angoissait beaucoup. Mon traitement, je vivais trop bien avec. Et du coup, j'ai eu un autre neurologue. Pareil, je suis passée par la lettre d'adressage où j'ai dû demander à ma... C'est difficile de demander à son médecin généraliste et d'expliquer "Je me sens pas bien avec mon neurologue actuel, j'ai la chance d'en avoir un mais je l'apprécie pas et j'aimerais voir quelqu'un d'autre" et d'expliquer les raisons pour lesquelles on se sent pas bien, c'est pas toujours simple dans le corps médical. Et lui, effectivement, il m'a tout expliqué, il a pris le temps de comprendre les choses et par exemple, moi, ma neurologue, elle m'avait jamais expliqué ce que c'était que les fourmis dans les mains que je ressens. Et lui, il m'a expliqué ce que c'était, il m'a expliqué comment soulager ça et en fait, j'ai trouvé ça... tellement touchant et ça faisait dix ans que j'avais ma maladie et ça faisait deux ans que j'avais des fourmis dans les mains et je me suis dit oui effectivement je me suis sentie entendue et je crois qu'il faut toujours s'écouter quand on s'en sent pas bien avec un médecin ou quand on a l'impression de ne pas avoir les réponses à ses questions, il ne faut pas hésiter à consulter une autre personne. Ça prend du temps par contre et effectivement faire Brest Paris, c'est engageant, ça coûte de l'argent enfin c'est pas anodin.

  • Marlène

    Mais j'étais prête à tout à ce moment-là pour ne pas rester comme ça, en fait. Je me suis dit "Tant pis, il faut que j'aille à Paris, je monte".

  • Giulietta

    Oui. Elle te suit toujours Mme Blanchard ?

  • Marlène

    Ça fait dix ans, du coup, qu'elle me suit, Mme Blanchard, que je salue. Elle est formidable. Avec le Covid, j'ai une consultation deux fois par an avec elle. Donc, elle me fait mes ordonnances. Et puis, on voit, je suis très suivie aussi. J'ai des prises de sang régulières pour s'assurer que tout va bien. Elle m'a mis en lien aussi avec un rhumatologue parce que eux ils ont un réseau en fait pour ces problèmes de calcium, tu sais, sur les articulations, les ligaments, tout ça. Eux ils ont créé un réseau, ils ont vraiment un groupe de recherche, c'est des chercheurs aussi. Donc eux ils font partie d'un centre de référence des maladies rares, maladies rénales rares, et donc ils font des expérimentations pour dire aussi, tiens, comment on peut améliorer les choses pour découvrir, pour aller plus loin. Mais la recherche, je sais que c'est compliqué aussi. en France, dans les hôpitaux publics. Donc bon, ils essayent en tout cas d'améliorer les conditions des patients. Et ils ont créé tout un réseau entre médecins spécialistes. Donc grâce à ça, j'ai pu aller voir un ORL aussi. J'ai su que j'avais une oreille interne complètement à l'envers. On m'a expliqué pourquoi. En fait, c'était parce qu'il n'y a plus d'échange d'ions potassium, sodium, je crois, qui fait que l'oreille interne, elle en a besoin et donc elle est détruite s'il n'y a pas ça. En fait, j'ai vu que ça avait des conséquences dans tout le corps. J'ai compris, on m'a expliqué. Voilà, on a pris le temps de me parler et de ne m'expliquer pas juste, de me dire "Tu prends ce traitement-là, tu le prendras toute ta vie. Et puis, c'est comme ça". Voilà, vraiment, j'ai vu des médecins de plein de corps de métier qui eux, en fait, c'est une espèce de réseau qu'ils ont formé pour justement pallier les problèmes qu'engendre le syndrome de Gitelman dans tout le corps. Parce que ce n'est pas que les reins. Et elle, elle me suit deux fois par an et maintenant, on se fait consultation en vidéo. Parce que là, j'ai un espèce de roulement qui fait que je ne suis plus forcément obligée d'aller là-bas et d'être auscultée. Donc, on se voit, on discute. on essaye des choses. Quand il ya des nouveaux traitements expérimentaux qui sont mis en place, généralement je réponds ok parce que j'ai envie aussi de l'aider à l'avancée de la recherche pour cette maladie là. Et puis, je pense aux autres maladies rares qui sont souvent mises de côté. Ça fait dix ans qu'elle me suit et ça va. J'ai un traitement, je suis habituée, je prends mes petits cachets matin et soir. Bon, je ne dis pas que j'aime faire ça mais disons que c'est intégré dans ma vie quotidienne oui et ça te sécurise aussi de savoir que t'es entendue, que t'es suivie et que tu as une équipe médicale qui t'accompagne. Et même si je dois faire de la route je sais qu'elle est là, je sais que j'ai des médecins référents qui me connaissent. Ils ont mon dossier. S'il y a quoi que ce soit, je monte à Paris, je peux transmettre mon dossier ou même si je dois partir en voyage. S'il m'arrive quoi que ce soit, j 'ai les numéros, j'ai une carte et tout, d'urgence, avec tout ce qu'il faut, les numéros de mon médecin. Enfin voilà, je suis sur des rails si tu veux.

  • Giulietta

    Oui, oui je comprends tout à fait. Effectivement, pareil, moi, mon neurologue, je sais que si j'ai un problème, je peux lui écrire, qu'il va me répondre, ou bien que c'est sa secrétaire qui me répondra. Et pour rebondir sur un peu les symptômes qu'on identifie pas... Moi, mon neurologue, il m'avait posé, je me rappelle, je crois que c'était la première consultation, une question un peu anodine, il me dit "Quand vous allez faire pipi, est-ce que tout va bien ?" Et moi, j'explose de rire, je dis "Bien évidemment !" Et il me décrit en fait un symptôme potentiel en me disant "Mais est-ce que vous avez des impatiences ou quelque chose comme ça ?" Et là, je lui dis que oui. Et je lui explique. Et là, il me regarde, il me fait "Mais vous avez 30 ans, en fait, c'est pas normal. Et c'est un des symptômes de votre maladie. Ça peut attaquer les reins et le système urinaire". Et donc, en fait, le fait justement d'avoir quelqu'un qui pose les bonnes questions et qui s'en tient pas juste au récit du patient, c'est important.

  • Marlène

    Exactement. Puis tu peux anticiper aussi, te dire "Oh là là, je ne sais pas, qu'est-ce qui m'arrive ? Ok, je sais que ça, ça correspond à tel symptôme parce qu'il m'a bien expliqué" et donc je ne m'affole pas plus que ça. J'alerte, mais c'est normal. Enfin, c'est normal. C'est logique. On va dire ça plutôt que normal.

  • Giulietta

    Oui, voilà. Tu peux identifier ce qui doit faire l'objet d'une inquiétude. reporter à ton médecin, et ce qui fait partie d'une routine de personnes malades, et qui n'est pas grave en soi, même si inconfortable ou embêtant. Je pense avoir déjà la réponse, mais c'est une question rhétorique. Est-ce que la maladie a changé le rapport que tu entretenais avec toi-même ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Ça a changé beaucoup de choses. J'ai beaucoup réfléchi. J'ai été beaucoup, pendant beaucoup de temps, en colère. Ça, c'est clair. Je ne voulais pas. Non, ça ne m'arrivait pas à moi. Parce que je suis quelqu'un, en plus, de très dynamique, qui aime bouger, qui aime faire plein de choses. Voilà, qui n'est pas du tout dans l'observation ou en retrait. J'aime bien que ça bouge, j'aime bien être... Voilà, j'ai beaucoup d'énergie. Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais, parce que j'allais contre mon corps en disant "non, non, je peux le faire". Et puis en fait, du coup, j'avais des coups de pompe horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi. Puis autour de moi, on ne comprenait pas. Donc, j'essayais aussi de donner le change. Enfin, tu vois, c'était vraiment… Mais si je parle par rapport à moi-même, pas à ce que je donnais à voir, je vais essayer de répondre à ta question quand même, pas trop de me partir. Oui, pour moi, ça a été… ça a changé le rapport à moi-même. Mais ça ne fait pas si longtemps. Tu vois, ça fait 11 ans que j'ai été diagnostiquée maintenant. Enfin 11 ans qu'on a découvert qu'il y avait un problème et 10 ans j'ai été diagnostiquée, il n'y a que maintenant que je me dis "Je vais faire en fonction" C'est-à-dire finalement, la maladie, oui je dois la prendre en compte, donc je vais régler ma vie. Aussi en fonction, notamment mon travail et faire autrement parce qu'en fait je ne vais pas continuer à lutter mais je vais plutôt essayer d'être dans l'acceptation, de dire Wok, je suis comme ça, ça ne fait pas de moi quelqu'un de moins bien, ou quelqu'un de cassé, c'est juste que je fonctionne autrementW. Après je garde mon cerveau, je garde ma flamme, seulement le corps ne suit pas forcément, donc je vais essayer de faire autrement. Ça fait vraiment peu de temps que je fais ça.

  • Giulietta

    Et comment tu as cheminé pour en arriver à cette conclusion un peu plus douce ?

  • Marlène

    Quand j'ai vu que ça ne marchait plus, à un moment, je me suis dit "Non, tu ne peux pas continuer comme ça". C'est toujours un peu violent. C'est un peu des blackouts. C'est tout à coup. Non, ça suffit. Je ne peux plus continuer comme ça, un peu du jour au lendemain. Je pense que je chemine sans me rendre compte. Et puis, à un moment donné, je tranche. Je me dis "Ben non. je ne peux plus continuer comme ça". Ça a commencé avec le travail, où mon travail s'est arrêté. J'ai eu plein de chamboulements cette période. En 2014, j'ai un contrat qui s'est arrêté, j'ai repris des études. J'ai hyper bougé aussi en même temps dans ma tête. Il y a eu plein de changements dans ma vie. Ça a été dur, mais je suis allée jusqu'au bout. Et puis... Et à un moment aussi où je me suis dit "Bon, je vais sortir du salariat parce qu'en fait, le rythme de travail, un peu de bureau, je ne peux pas". Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus, que je m'épuisais complètement. Et c'est aussi en discutant avec mes proches, en étant entourée. Et puis vraiment, moi, c'est fait le déclic. Non, ok, je vais arrêter ça.

  • Giulietta

    Tu m'avais parlé la dernière fois d'un exemple concret sur une formation où tu savais que ça allait te fatiguer. Et donc... Tu as judicieusement choisi de modifier un peu les modalités pour te préserver.

  • Marlène

    Oui, tout à fait. En fait, le fait que je sois indépendante aujourd'hui, ça me donne beaucoup plus de liberté aussi pour travailler en fonction de mon rythme à moi. Je n'ai pas le 9h, 17h ou 18h, 5 jours à la suite par semaine. Je peux fonctionner en fonction de mon rythme à moi. Je peux travailler à mon rythme. Donc ça, c'est bien. Ça ne me fait pas travailler forcément moins, mais à des heures qui sont OK pour moi. Je peux faire des longues pauses si j'ai envie de faire une longue pause. Dans mon travail, quand je travaille chez moi, je peux travailler un peu le matin, un peu le soir. Et si je ne suis pas bien, je peux me reposer le reste de la journée. Et c'est vrai que quand on me demande, parfois on me fait des demandes sur trois jours d'affilée, avec cours toute la journée. Ben ça je m'étais dit "Bon allez, je vais le faire parce qu'il y a aussi l'argent, il faut bien gagner sa vie. Mais aujourd'hui je me dis "Non là, les trois jours d'affilée j'ai plein d'autres choses avant je sens que je m'affaiblis là que je vais pas les tenir pas que ça va vraiment me faire du mal". Je préfère perdre de l'argent et dire bah non je ferai pas les trois jours d'affilée je les ferai en demi journée et on s'est arrangé En fait, parce que j'explique aussi aux gens, ce qui fait que ça va mieux aussi, c'est que j'explique aux gens pourquoi. Je dis, "Ben là, non, moi, ça va trop me fatiguer de faire ça". Et je propose une alternative. Je ne dis pas juste, voilà, ben non, je ne le ferai pas. Je dis "Voilà, est-ce qu'il serait possible de faire plutôt comme ci, comme ça ?" Et j'explique très clairement aux gens, les gens sont au courant. "Voilà, là, ça me fatigue trop parce que blablabla". Donc je ne pourrais pas assurer. Et généralement, les gens sont très compréhensifs, les clients sont très compréhensifs, et ça se passe bien. Mais effectivement, il y a des choses parfois que je refuse, pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que je sais que je ne vais pas pouvoir. Et donc aujourd'hui, je me mets en priorité. Mais cette liberté-là, elle est essentielle pour moi, et elle me permet vraiment de travailler comme je peux, et comme je veux.

  • Giulietta

    Le corollaire de tout ça, c'est que tu acceptes d'en parler. Et ce n'est pas une chose facile, surtout à des clients, dans un contexte pro. Comment est-ce que tu gères justement le sujet de verbaliser tes limites ?

  • Marlène

    Alors au niveau professionnel, je ne le dis pas tout le temps ou pas tout de suite. Je le sens pas ou pas. Je n'en parle pas d'entrée de jeu. C'est vrai que quand j'étais salariée, oui, parce que j'avais ma RQTH, donc je la faisais valoir tout de suite. Les jobs que j'ai eus en tant que salariée, au niveau de la DRH, je faisais valoir la RQTH pour avoir des aménagements de planning. C'était acté, c'était institutionnalisé. Mais depuis que j'ai pris mon envol, on va dire, en tant qu'indépendante, je vois si j'ai besoin d'en parler ou pas. Je ne le fais pas d'entrée de jeu. Par contre, je choisis dans l'emploi du temps et si à un moment, vraiment, il faut que j'explique à la personne "là, je ne peux pas t'assurer tant de jours à la suite ou là, pour moi, ça va être trop compliqué ces horaires-là", j'explique pourquoi, ce qui se passe. Alors souvent, parfois, j'ai des réactions, j'ai de tout comme réaction. Souvent, on va me dire "C'est vrai, t'as ça, ça ne se voit pas du tout. On ne penserait pas du tout parce que tu es tellement dynamique". J'ai tellement l'habitude d'entendre ça. Aujourd'hui, ça me fait moins mal. Avant, ça me faisait du mal parce que j'avais l'impression qu'on minimisait un petit peu mon discours. Et le fait que je suis en situation de handicap parce que "Oh, mais tu es tellement dynamique, on ne croirait jamais !" Alors que ce n'est pas méchant de la part des gens, c'est vraiment qu'ils sont surpris et ils le verbalisent aussi, ce que je comprends tout à fait. Mais voilà, disons que je dose, quoi. Je le dis quand j'ai vraiment besoin. Si je n'ai pas besoin, je ne le dis pas. Et si je peux m'arranger, voilà, j'estime que les gens n'ont pas forcément besoin de le savoir. Et si je n'ai pas besoin de le dire, je ne le fais pas. Si j'ai besoin, je le fais. Et généralement, ça se passe bien. Et de toute façon, moi, je suis au clair. C'est-à-dire que je vais refuser parfois certaines missions. Maintenant, je me mets vraiment en priorité. Donc, à la limite, qu'en face, ils comprennent ou pas, bon. Comme j'ai pris du recul, je sais aussi l'expliquer avec les mots qu'il faut et expliquer aux gens quel est mon besoin. J'ai appris aussi à mettre vraiment des mots sur ça. Ce qui fait qu'en face, généralement, j'ai beaucoup de compréhension et d'écoute parce que moi aussi, je sais le verbaliser comme il faut. Et dans mon entourage, l'entourage, ce n'est pas pareil parce qu'il y a de l'affect, il y a plein de trucs qui rendent en cause, qu'il n'y a pas dans le travail. C'est vrai que dans mon entourage, ma famille m'a toujours énormément soutenue, ils sont avec moi, ils savent, ils savent très bien ce qui se passe. Après on ne passe pas notre temps à en parler parce que ça ne sert pas forcément à grand chose, mais ils savent que si je suis fatiguée, ils vont me ménager un petit peu. Mon mari est là aussi, il a eu ces périodes où il a fallu aussi qu'il comprenne, qu'il accepte, mais ça on l'a fait aussi ensemble en discutant parce que c'est pas forcément facile aussi pour l'entourage. Lui du coup, il a fait une formation d'aidant pour les aidants familiaux. Il est allé en formation, ça l'a aidé d'aller discuter avec d'autres gens qui ont à charge par exemple une personne en situation de handicap. Et il a fait cette formation là, je ne sais plus, c'était je crois que c'était six fois, enfin voilà il y avait quelques heures quand même. Et il y avait un groupe de parole et une formatrice qui donnait quelques clés. Ça l'a aidé de faire ça. Et puis ma belle famille, pareil, au début c'était difficile… Et je comprends avec le recul. "Pourquoi tu ne peux pas faire une balade ? Pourquoi tu ne viens pas ?" Parce que parfois je ne venais pas aux repas. Parce que moi, j'étais crevée. Et que, ah non, je n'ai pas envie de venir au repas. C'est trop compliqué pour moi. J'ai envie de… Je n'ai pas forcément envie de me montrer aussi quand c'est comme ça. J'ai juste envie d'être un peu dans ma bulle, de me reposer. Mais ça a été dur aussi de dire "Mais elle ne vient pas" : les gens le prennent pour eux en fait. Alors que pas du tout, c'est juste que je me mettais moi en priorité. Mais voilà, il a fallu aussi discuter, échanger. Et maintenant, c'est OK.

  • Giulietta

    Et comment tu gères justement le regard des autres maintenant ? Parce que souvent, ça dit beaucoup de choses de l'autre, la manière dont il réagit. Je pense que quand quelqu'un a une réaction un peu maladroite ou inappropriée, c'est que ce qu'on lui raconte lui fait peur et le ramène sans doute à lui-même. Comment est-ce que tu arrives à exprimer ce que toi, tu as envie d'exprimer, ton rapport au monde, tes limites, sans pour autant prendre les choses forcément personnellement ? Est-ce que ça t'a mis du temps ?

  • Marlène

    Oui, je n'y arrive pas toujours, même aujourd'hui. Parfois, je le prends avec du recul mais pareil, c'est si j'ai un rapport affectif ou pas avec l'autre. Ça va dépendre de si je mets de l'affect ou pas. Si c'est dans le cadre du travail, et les gens me disent "Oh, c'est vrai !" La réaction, ça va être "Oh ! Jamais je n'aurais cru que tu étais malade, parce que tu es tellement dynamique, tellement souriante, tellement jouée, etc". Je peux comprendre qu'ils me disent ça aujourd'hui. Donc j'explique juste "Ben non, tu vois, j'ai des moments, des fois que tu ne vois pas, il y a des coulisses à mon attitude". Donc ça, ça va à peu près, surtout depuis que je suis indépendante. Quand j'étais salariée, c'était plus compliqué parce que les gens me demandaient beaucoup et j'avais beau leur dire "Non, je ne peux pas faire ça", j'ai dû m'imposer à un moment donné parce que les gens, ils insistent. Souvent, ils vont tirer, tirer, tirer, tirer, tirer parce que comme ça ne se voit pas, ça n'existe pas quelque part. Donc, je vais voir jusqu'à où tu peux aller. "Oh, clac ! Oh, mince, ça casse !" Donc, j'ai dû apprendre avant que ça casse, justement, à dire "Non, je ne ferai pas ça. Non". Mais ce n'était pas dans ma nature, donc j'ai appris à dire non, ça m'a aidé. La maladie m'aide aussi. Elle aide forcément parce que tu découvres aussi des ressources pour continuer à avancer. Notre société n'est pas vraiment faite pour l'acceptation du handicap. On se doit aussi de performer, d'être bien, d'être beau. Donc forcément, ce n'est pas facile. de dire aux gens, ben non, moi je ne suis pas forcément dans ce moule-là, mais je l'assume. Et ça fait quand même quelqu'un de moi qui a une certaine force et beaucoup de ressources, parce que j'ai du recul, parce que je vois le monde autrement, parce que j'ai dû m'adapter beaucoup plus. Et ça ne m'a pas empêchée de réussir, mais à mon échelle. Encore aujourd'hui, j'ai du mal parfois avec certaines réactions, j'essaye de le prendre avec philosophie et de continuer à dire "Ben si, c'est comme ça". Juste dire "Écoute, peut-être que tu n'acceptes pas, mais c'est comme ça. Donc, je ne vais… je ne me force quasiment plus". Parce qu'avant, je me disais, c'est vrai, il pense ça. Bon, allez, je vais quand même y aller parce que maintenant, je ne le fais presque plus. Je préviens aussi même : "Oulala, je sens que je vais être crevée là. Tu me demandes de faire ça ? Oui, peut-être à un moment donné, je serai obligée de partir". Je fais de la prévention même. Je fais de la prévention. Pour m'éviter justement des remarques qui pourraient me blesser. Parce que parfois, je suis fatiguée. Du coup, je suis plus susceptible, plus sensible. Parfois, je n'ai pas de recul.

  • Giulietta

    Oui, mais comme tout le monde, en fait, ça implique un gros travail sur soi quand on est confronté à de la fatigue chronique. Juste pour expliquer le concept, ce n'est pas la fatigue que connaissent la plupart des gens quand, je ne sais pas, ils ont trop fait la fête. Ils ont un peu tiré sur la corde. C'est une fatigue dont on a du mal à se remettre et une bonne nuit de sommeil ne suffit pas. Il faut vraiment adapter son mode de vie. Et du coup, ça implique d'avoir beaucoup de recul, justement, de mettre en forme ce que tu dis pour pouvoir communiquer correctement. Mais c'est un travail qui est difficile en général. Tu m'avais expliqué quand on avait échangé la dernière fois que tu avais fait un gros travail sur la gestion de tes émotions. Je me rappelle plus du terme, attends, je crois que je l'ai sous les yeux, mais tac, tac, tac, tac, tac. Tu m'avais dit "Chaque émotion donne un message".

  • Marlène

    Oui, c'est vrai.

  • Giulietta

    Et de la pleine conscience, tout ça, est-ce que tu te sens à l'aise pour en parler et expliquer un petit peu ton cheminement sur le sujet ?

  • Marlène

    Oui, oui, bien sûr. Moi, il y a deux formations que j'ai faites, enfin, j'ai fait deux rencontres avec des concepts et des gens, du coup, qui étaient associés à ces concepts. Ça m'a énormément aidée. Le premier, c'est la communication non-violente. Parce qu'en fait la communication non violente, c'est pas seulement être avec les autres, c'est aussi être avec soi. D'abord se comprendre soi, avoir de l'empathie pour soi, se dire un peu comment je me sens, de quoi j'ai besoin, pour pouvoir ensuite être dans un rapport plus constructif avec les autres et plus positif, qui est ce sentiment de réciprocité, mais être aussi à l'écoute des autres. Donc il y a le soi. soit envers les autres et puis les autres envers soi. Je ne sais pas si je suis claire. J'écoutais ça, je me disais "C'est génial" ! Ça a allumé la lumière dans mon cerveau, justement pour m'exprimer en termes de besoins et de sensations, d'émotions liées. Donc ça, ça m'a beaucoup aidée et je continue à me former, parce que ça prend des années à lire des bouquins sur la communication non-violente. Je trouve ça vraiment fantastique. Et pourtant, j'ai fait des études en sciences, mais je trouve que ça vient aussi de la science. Un psychologue qui a créé ce concept, et il s'est basé sur des choses qui sont très sérieuses. Ce n'est pas juste une théorie un peu bisounours, c'est vraiment un outil ultra puissant. Donc j'ai découvert ça, et j'ai découvert aussi la pleine conscience. Pareil, ça a allumé une autre lumière chez moi. Je me suis rendue compte que... Toute ma vie, j'étais coupée de mon corps. Je pouvais prendre ma tête, je pense, et la mettre sous le bras, tu vois, et me balader comme ça. J'aurais pu discuter avec toi, mais avec ma tête sous le bras, quoi. J'étais totalement coupée du corps. Je pense que c'était lié aussi de dire non non mon corps m'en occupe pas, je fais marcher ma tête parce qu'elle marche bien donc le corps, bon il marche moins bien mais c'est pas grave je vais le laisser tomber. En fait, je me suis rendu compte assez vite qu'il fallait que j'aligne tout ça parce qu'il me manquait quelque chose. Je n'étais pas épanouie, j'avais besoin d'être connectée quoi avec moi même, avec mon corps et puis aussi avec la terre avec voilà et de me dire "Il faut que tu sois plus dans l'instant présent". Je sentais que j'avais des besoins à ce niveau-là, mais je ne savais pas trop comment les résoudre. Et c'est un ami qui m'a conseillé de faire un stage qui s'appelle MBSR. Et puis, c'est un programme, en fait, qui a été mis en place par un médecin aux États-Unis. Et il y a un certain nombre d'heures. C'est un programme en huit semaines où on apprend vraiment à être dans l'ici et maintenant. Et j'ai fait ce programme. très intensif, je me suis beaucoup donnée, parce que c'était tous les jours, et une fois par semaine on se réunissait en groupe, et autrement il fallait bosser tous les jours et être vraiment dans le présent... et faire la méditation en fait, de la méditation de pleine conscience. Donc c'est pas la relaxation quoi, c'était vraiment être là, être présent, être connecté à ce qui se passe, là tout de suite. Ça a été hyper dur pour moi, qui ai l'habitude... Bah déjà il fallait que je me concentre, donc en plus comme je suis fatiguée, voilà c'était d'autant plus dur puisque... Tu as dit très bien tout à l'heure, la fatigue chronique, c'est vraiment une chape de plomb. Moi, je me réveille le matin, je suis crevée, je me couche, je suis crevée. Des fois, quand je marche, j'ai des bottes de plomb. C'est quelque chose qui te… Comme si tu avais une armure sur toi qui t'entraînait vers le bas. Donc, se concentrer quand tu es comme ça, ce n'était pas facile. Ça paraît, mais ça a été fantastique. Vraiment. et puis surtout j'ai appris à me dire "Ok, attends. Je fais pause là comment je me sens, qu'est-ce que je ressens dans mon corps ?"c'est pas juste mettre un mot sur une émotion, c'est aussi la ressentir physiquement. Tu vois donc j'ai appris à me reconnecter et comme ça à faire un peu la paix aussi avec mes émotions ou du moins à dire "Bah je le sens ça maintenant là tout de suite et c'est ok tu vois ?"

  • Giulietta

    Oui, c'est un long travail !

  • Marlène

    Ah ouais c'est ça, et je continue à bosser, c'est pas fini hein J'ai encore du travail, mais ça, ça m'a énormément aidée. Énormément. Et puis de me mettre aussi en solo, pour le travail, ça m'a beaucoup aidée aussi, d'accepter ça chez moi. Et voilà, de dire, je suis indépendante et je fais à mon rythme les choses.

  • Giulietta

    Et mais, tu vois, par exemple, sur le fait de gérer ses émotions et surtout de savoir ce qu'elles veulent dire. Par exemple, moi, je suis quelqu'un d'extrêmement anxieux. Et jusqu'à présent, je me disais... Bon, je suis anxieuse et je me battais contre mon anxiété sans chercher à savoir ce qu'elle voulait dire, en fait. Mais je ne suis pas tout le temps anxieuse : je suis anxieuse dans des situations dans lesquelles je me sens mal. Ça veut dire quelque chose de ressentir ça. Et après, libre à moi de me dire "Là, je vais essayer de travailler sur moi et de faire en sorte que cette situation ne soit plus anxiogène". Ou bien, en fait "C'est un red flag, il faut que je fasse attention et peut-être qu'il faut que je ne fasse pas ça". Mais ça prend du temps, effectivement, de se dire... que les émotions, ce n'est pas quelque chose d'irrationnel qui nous tombe dessus. Mais en fait, ça veut dire quelque chose de nous et quand elles sont là, ça donne une couleur sur ce qu'on ressent, sur le monde qui nous entoure et il faut l'accepter.

  • Marlène

    C'est exactement ce que je te disais la dernière fois. L'émotion, elle a un rôle en fait. Elle t'envoie un message. Donc soit comme tu dis "Red flag ! Oula, là je suis énervée, attends, qu'est-ce que ça dit de moi à cet instant-là ?" Et si déjà, nous on comprend. Si on peut comprendre ça pour nous-mêmes déjà, mais qu'on soit en situation de handicap, ou pas. Si on comprend ça déjà de nous-mêmes, déjà, on arrive à mieux comprendre que ça arrive chez l'autre. Et du coup, les rapports humains sont beaucoup plus sains. Parce que si moi, j'arrive à comprendre, au lieu de les entasser, de les mettre dans un coin, et que du coup, elles s'empilent, elles s'empilent, que je ne fais pas attention, et du coup, forcément que j'explose à un moment donné. Si moi, j'arrive à faire ce travail-là, je vais beaucoup plus... écouter les autres, puisqu'ils peuvent ressentir la même chose que moi. Tu vois ce que je veux dire ?

  • Giulietta

    C'est un des sujets de la communication non-violente, justement, de ne pas livrer un message brut, mais de dire à ce moment-là, je me suis sentie comme ça, et donc d'expliquer qu'à un moment, on a pu réagir de telle façon, mais parce qu'on a eu tel ou tel ressenti.

  • Marlène

    Tout à fait, et que ce n'est pas forcément l'autre qui est à blâmer. C'est juste que moi, j'ai tel besoin parce que je me sens comme ça. Il faut expliquer aux gens, en fait. Il faut donner la chance aux gens d'essayer de nous comprendre. Mais pour ça, il faut avoir fait ce travail de savoir qu'est-ce que je ressens, pourquoi, ça me fait quoi, et vraiment de verbaliser quoi. Se poser et dire ok parce que les autres ils ne vont pas deviner. On n'est pas dans un monde, les gens ils ne font jamais ça parce qu'ils sont avec eux-mêmes et on n'est pas dans un monde comme ça sauf exception mais les gens d'eux-mêmes. Ils ne viendront pas donc je pense à nous aussi déjà de comprendre ce qui nous arrive d'essayer d'expliquer à l'autre. Après l'autre, s'il ne comprend pas, c'est son problème en fait mais nous au moins on aura été clair déjà avec nous-mêmes... Et on peut prendre des décisions beaucoup plus éclairées aussi. Après, l'autre, il réagit, il ne réagit pas. Bon, au moins, on aura essayé. J'essaye de le prendre comme ça. Mais c'est vrai que des fois, oui, on en veut à la terre entière. On est crevé. Et puis, quand tu es crevé, c'est dur. Tes émotions, elles sont exacerbées. Tu es à fleur de peau. Donc, ce n'est pas facile quand physiquement, des fois, tu es affaibli, d'avoir du recul sur ces émotions. C'est vrai. D'où l'idée de… Moi, maintenant, j'essaye de me poser, de faire une petite méditation, de dire "Attends, oh là là, je ne vais pas bien là". Je me pose, deux secondes, je fais stop. Qu'est-ce que j'essaye de sentir physiquement ? C'est grâce au stage de pleine conscience que j'ai réussi à faire ça. Et puis, je vais dire "Tiens, ma gorge est serrée ou J'ai mal au ventre ou Je sens que ça me tape dans les tempes. Oh, mais je suis énervée en fait !" du coup comme je suis énervée, j'essaye de me dire "Qu'est-ce que je peux faire pour me préserver moi ?". Une fois que je suis au clair avec ça, je peux dire à l'autre "Excuse-moi là, je suis énervée donc je vais m'isoler un peu ou je te rappelle plus tard".

  • Giulietta

    Mais bien sûr et alors la méditation de pleine conscience, c'est vraiment quelque chose qui est intéressant ! J'en avais fait un petit peu, je n'ai jamais été très assidue... Mais effectivement, faire l'exercice de se poser et d'observer le monde qui nous entoure et de s'observer soi-même, c'est assez libérateur. Moi, je me rappelle que l'exercice du scan corporel où tu descends petit à petit, etc. Mais tu te rends compte que tu es méga tendu alors que tu ne le sentais pas du tout avant. Moi, c'était genre le visage tendu, les mâchoires crispées, etc. Et juste le fait de s'en rendre compte, tu te détends et ça va mieux. Et aussi les exercices où j'avais fait un... Avec une copine de mon coworking, on a fait de la forestérapie. Et donc tu vas te balader en forêt. On était au bois de Vincennes, on était en groupe. Et elle nous donne des petits exercices à faire ensemble pour se familiariser avec la forêt. Donc sentir les odeurs, observer les choses, les bruits, etc. Et tu fais aussi des exercices en binôme. Et ça m'avait vachement émue. On en fait l'autre te montre quelque chose qui l'a touché et tu sens une odeur et tout. Et en fait, moi, je me rends compte, je suis passée plein de fois dans le bois de Vincennes, je n'ai jamais senti l'odeur des écorces en marchant, je n'ai jamais écouté le bruit, tu sais, des différentes surfaces du sol en fonction d'où je marche, puisque je marche vite et je vais d'un point A à un point B. Et le fait de ralentir et tout d'un coup de se dire "Qu'est-ce qui se passe autour de moi ?", et c'est vraiment quelques secondes, ça apaise tellement. Et je trouve que ce truc de... Bon, bref, toute une digression pour dire que parfois, ralentir un petit peu et observer ce qui se passe autour de nous, ou s'observer soi-même, c'est super apaisant et ça fait du bien. Et on ne le fait pas souvent.

  • Marlène

    Tu as complètement raison. Et finalement, je trouve que c'est assez en phase avec la situation de handicap parce que comme physiquement tu es un peu "au ralenti", entre guillemets, il faut le dire, comme tu es fatigué de manière chronique ou que tu souffres, ton corps est au ralenti. Et donc finalement, d'être en phase avec ça, de dire "Ok, d'accord, je vais ralentir moi aussi un peu dans ma tête, dans mes autres sens, pour être en phase avec ce corps", et on se rend compte qu'en fait, de ralentir, ça apporte énormément de choses. Ça te permet de changer de perspective, de faire un pas de côté sur ce qu'on vit, sur ce qu'on pense, sur les choses qu'on ne voit pas au quotidien parce qu'on est dans une société vraiment dite de l'accélération. Et finalement, ce ralentissement un peu forcé physique, quand on essaye de se mettre en phase avec ça, ça nous apporte tellement plus. Tellement de... d'enfin voir, ok, ah tiens, je vais faire une petite pause là. Ça fait tellement du bien. Et comme notre corps nous oblige, entre guillemets, un peu à faire ça, c'est presque une chance quand on arrive à la saisir.

  • Giulietta

    Mais en fait, le fait de ralentir, tu observes qu'il y a des émotions qui sont récurrentes ou des patterns qui reviennent. Et de te dire, après chacun a le choix en fait, de se dire "Est-ce que je veux continuer ? Et est-ce qu'effectivement, ressentir cet inconfort ? J'accepte parce que j'en tire un bénéfice qui me convient ou est-ce que je vais ralentir ?"

  • Marlène

    C'est passionnant d'aller un petit peu creuser en soi et puis de découvrir ça et de conceptualiser. Les concepts et les théories, ça m'a beaucoup aidée justement à comprendre. Après, il faut incarner je suis encore en cheminement là dessus mais je trouve ça super intéressant j'aurais bien aimé découvrir ça avant mais bon.

  • Giulietta

    Est-ce que t'étais prête à ce moment là parce que les concepts, je pense qu'ils existaient autour de toi mais tu n'y as pas accordé de l'attention, non ?

  • Marlène

    Sans doute pas en tout cas, c'est mon chemin. Je ne regrette pas du tout les choix que j'ai faits. Mon chemin m'a amenée là aujourd'hui. J'en suis là aujourd'hui. J'ai plein de choses encore à découvrir, à expérimenter, à découvrir sur moi, sur le monde, les autres. Essayer de faire bouger à ma petite échelle les choses aussi. J'ai encore un peu de niaque. Donc, je vais continuer.

  • Giulietta

    Moi, j'ai une dernière question. Ton époux, en fait, si j'ai bien compris, il était dans ta vie. avant que tu déclares ton syndrome ?

  • Marlène

    Non, je l'ai rencontré après.

  • Giulietta

    Et comment ça se passe, si tu es OK pour aborder ce sujet, le fait de vivre un petit peu à trois, puisqu'il y a ta maladie, toi et ton époux ? Ça a un impact sur la vie de couple, non ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Comme je te disais tout à l'heure, on n'est pas au même rythme, lui et moi. Et puis en plus, on est à un âge où on est encore normalement... Tu vois, vouloir faire plein de trucs, partir en voyage, faire la fête avec des amis, aller dehors, inviter du monde. Bon, pour nous aider, c'est vrai, pour nous aider, au début, ça ne nous a pas aidé. On est très différents dans les personnalités. Donc, on opposés. Mais c'est ce qui nous a rapprochés aussi. Lui, il aime être très entouré. Avoir du monde, aller boire un verre, discuter avec plein de gens, être en famille, voilà. Et moi, je ne suis pas une solitaire, mais comme je te disais tout à l'heure, j'aime bien mon indépendance. Donc moi, ça me va bien de ne pas être trop en interaction, trop souvent, avec trop de gens, tu vois. Et puis aussi parce que ça me fatigue énormément d'être en interaction. Donc ça a été, forcément, ça a eu un impact. Alors il l'a su tout de suite, puisque... Moi, j'avais déjà eu le diagnostic, donc il n'a pas vécu cette période-là avec moi. Ça, je l'ai vécu seule. Donc, je lui ai dit tout de suite, bien sûr, quand on s'est rencontré, que je souffrais de ce syndrome-là. Et je pense que... Après, je ne suis pas dans sa tête, mais lui, il a fallu qu'il chemine aussi. Forcément, il a eu des périodes où il ne comprenait pas. Parce que... Ils ne le ressentaient pas comme moi je le ressentais. C'est difficile de se mettre à la place de quelqu'un, surtout quand tu n'es pas confronté. Tu vois juste la personne qui n'est pas bien, mais en même temps, ça ne se voit pas. Donc voilà, c'est comme ce que je te disais tout à l'heure. Je peux comprendre qu'il y ait eu beaucoup d'incompréhension de sa part. Et donc, c'était compliqué pour nous. Alors moi, comme je n'ai jamais voulu le freiner, mon objectif, c'était surtout de ne pas que notre quotidien soit régi par la pathologie. Mais comme moi, je ne pouvais pas forcément m'adapter, une des solutions qu'on a trouvées dès le début, c'était que lui, il faisait de son côté. Par exemple, il veut sortir, il sort avec ses amis, mais moi, je ne viens pas. Ou il y a une réunion de famille, je ne viens pas forcément à tout. Ou alors, il faut choisir, c'est soit samedi, soit dimanche, par exemple. Ça, ça a été une première solution qui, moi, ne me frustrait pas, puisque je répondais à mon besoin et lui répondait à son besoin. Mais bon, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident parce qu'on a envie de faire des choses à deux. Donc aujourd'hui, c'est peut-être parce qu'il a vieilli lui aussi, mais lui est moins dans le besoin aussi d'être tout le temps avec du monde. Donc je pense que même lui, ça l'a aidé à se recentrer aussi sur des plaisirs simples et d'être aussi parfois avec lui-même. Donc il est moins en quête d'être toujours, tu vois, avec du monde, ou d'accueillir du monde. Et moi aussi, j'essaye aussi de temps en temps de me dire "Bah tiens, peut-être qu'on pourrait accueillir du monde, mais le midi", c'est de faire des compromis. Bon déjà, le couple, c'est du compromis, mais nous, en plus, vraiment, on a développé des stratégies, on pourrait dire ça, pour que... Être dans le compromis, donc par exemple c'est, bah tiens, d'accord, on pourrait inviter du monde, mais le midi. On pourrait prévenir la famille que si, par exemple, il y a la famille qui arrive, on pourrait faire telle chose le samedi, et puis lui, il n'y va que le dimanche. Et donc, c'est plein de stratégies qu'on a mises en place. Ça n'a pas toujours été simple, mais on y est arrivé en discutant beaucoup. Quand l'amour est là, après on se dit "Ok, il y a la force des sentiments, mais aussi comment on peut calibrer notre vie en fonction du handicap ?", sachant que ça ne touche que moi, mais que ça l'impacte lui aussi. Comment on peut faire autrement pour que tout le monde soit un peu satisfait ? Donc on a trouvé ça, c'est-à-dire en communiquant énormément, c'est notre force, moi en bossant aussi sur moi, lui aussi sur lui, en ayant fait cette formation d'aidant par exemple. On a réussi à trouver un équilibre comme ça. Après, je ne dis pas tout le temps, mais maintenant ça marche beaucoup mieux. Voilà, on a réussi comme ça. Mais après, c'est des efforts du quotidien. Mais le couple, c'est ça aussi. Donc nous, en plus, on a un petit invité. On a découvert quelque chose aussi, que c'était important d'avoir notre espace. Dans la maison, d'avoir chacun son petit cocon pour se retrouver un petit peu seul. Parce que nous, on n'est pas collés. On n'est pas d'ici à moi. Le fait qu'on soit rencontrés à plus de 35 ans aussi. Ça a aidé à savoir ce qu'on voulait plus dans la vie, je pense que ça nous a aidés aussi. On a vu nos histoires avant, notre vie, notre expérience, donc on savait ce qu'on voulait, ce qu'on ne voulait pas, enfin voilà, on était déjà assez au clair avec ça, donc ça a aidé. Mais on a chacun notre cocon, notre petit bureau, ou notre petit coin, où on peut s'isoler, être un peu tranquille aussi, c'est important, de garder aussi sa part de... comment dire, sa bulle quoi.

  • Giulietta

    Juste une dernière éventuellement question, est-ce que toi il y a des ressources ou des choses qui t'ont aidé sur le syndrome justement de Gitelman à comprendre des choses ?

  • Marlène

    Oui, alors oui, au début j'ai essayé tu vois, les forums ça m'a énormément aidée, déjà pour trouver mon médecin. Franchement, si je n'avais pas eu, heureusement qu'il y a des forums de discussion et pour ça les réseaux c'est top. Et Internet, c'est top parce que des fois, tu es isolé selon la région où tu habites. Ce n'est pas forcément évident. Et donc, Internet m'a beaucoup aidée, les forums de discussion spécialisés sur cette maladie. Et puis après, moi, j'ai essayé même d'être dans un groupe. Il y a un moment, ils ont essayé de créer ça, une communauté. J'ai essayé, j'étais à une réunion à Paris qui était organisée par l'hôpital et les médecins qui nous suivent proposent de faire des réunions de patients qui ont le même syndrome, parce qu'en fait, il faut savoir que dans le syndrome, on a le même, mais on n'a pas tous les mêmes symptômes. Donc parfois, il y a des gens qui vivent, même avec les médicaments, qui vivent très très mal, qui sont obligés d'être sous perf quasiment quotidiennement dans une chambre et tout, parce que leur potassium ne décolle jamais, et c'est parfois des patients très jeunes. Donc on n'est pas tous logés à la même enseigne, tu vois. C'est ça qui est un peu compliqué aussi. J'ai eu l'occasion de discuter avec d'autres patients et de me rendre compte qu'en fait, on avait le même syndrome et que ça pouvait avoir des manifestations diverses et variées. Donc, c'est un peu des coups de poker aussi. Et tu en as qui vivent très bien, qui font du sport à haut niveau, tu vois. Le traitement leur suffit. Voilà, c'est bon. Et j'ai trouvé intéressant de discuter avec ces gens-là, de discuter ensemble. Et puis, ils avaient créé une communauté Facebook. Et en fait, assez vite, je me suis dit non, je… Ça ne m'a pas convenu parce que j'avais l'impression qu'ils disaient des mots comme "On fait partie d'un club". Et en fait, moi, ça, c'est des choses… J'ai un peu de mal, tu vois, parce que non, je ne fais pas partie du club des malades. Alors, je ne sais pas si c'est dû à ma personnalité ou si je trouve que… En fait, j'avais l'impression que ça m'entraînait plus vers le bas d'entendre des personnes parler du syndrome et dire moi, j'ai ça, comment vous faites ? Et d'avoir des trucs et astuces. En fait, ça m'a plus angoissée qu'autre chose et j'ai arrêté, en fait, après de communiquer. Je me suis dit, on est tellement tous différents que tant pis, je fais un peu ma route. Et puis voilà, j'avoue que la ressource à ce niveau-là, ça ne m'a pas convenu. Ça convient sûrement à d'autres personnes, mais moi, j'ai essayé. J'ai essayé plein de trucs et j'essaye encore. Pour l'instant, j'arrive à mener ma barque, un peu seule, mais en discutant après avec d'autres gens, mais pas forcément qui ont le même syndrome que moi. Je trouve ça angoissant parce qu'après, les gens, c'est comme si tu... Tu vois, comme si t'étais obligée d'en parler. Alors que des fois, moi, j'ai juste envie de faire ma vie,

  • Giulietta

    En fait, c'est ce qui vous rapproche. De fait, c'est ce qui a scellé les premiers échanges. C'est peut-être difficile aussi de trouver des sujets de conversation en dehors de ça et de nouer de vraies interactions.

  • Marlène

    J'ai l'impression que... Tu dois parler que de ça. Ça me déprime, en fait.

  • Giulietta

    Moi, j'ai pas été... Enfin, si j'ai fait vite fait une formation sur ma maladie que j'avais trouvée cool, il y avait une dame qui était très en colère. Et en fait, je l'ai renseignée, etc. Je n'avais pas envie de dealer avec la colère de quelqu'un d'autre. Par contre, j'avais ressenti au moment où j'ai déclaré ma maladie le besoin d'être en contact avec des personnes malades, mais pas de la sclérose en plaques, et je m'étais investie dans une association qui accompagnait des jeunes gens dans la réalisation de projets. Des personnes atteintes par un cancer, c'était des adolescents et des jeunes adultes. Et là je m'étais sentie à ma place parce qu'on parlait de ça, alors moi je n'évoquais pas ma maladie, mais on parlait eux de leur maladie, etc. J'étais dans un contexte où c'était aussi des jeunes adultes qui étaient dans une situation de maladie, mais on parlait d'eux et pas de moi, ce que je préférais. Et il y avait quelque chose aussi de positif d'essayer d'avoir un impact positif sur la réalisation d'un projet, tout ça, et ça correspondait à ce qui, moi, me soulageait à l'époque. De rester dans un univers médical et de... Voilà, de pouvoir parler de maladie, mais sans pour autant se dire... Bah, c'est que ça. Et finalement, en fait, je me suis rendue compte très, très vite que les interactions qu'on avait portaient très peu sur la maladie et que c'était juste des jeunes gens qui étaient trop heureux. de papoter avec des gens de leur âge: on parlait plein de choses et c'était trop bien effectivement. Rencontre d'autres personnes qui ont la même pathologie que moi, il y a le sujet de se sentir légitime quand on n'a pas les mêmes symptômes ou quand on a des symptômes légers comme c'est mon cas, d'être dans le même mood aussi parce que tu peux être dans une phase de colère et tu n'as pas envie de d'écouter quelqu'un qui sent pas bien où tu peux être dans un moment où tu vas très bien et t'as pas envie d'entendre quelqu'un en colère donc c'est c'est complexe.

  • Marlène

    Exactement et j'avoue que, du coup, je préfère prendre un peu ce qui va à un moment me servir à moi mais qui n'est pas estampillé aux soins d'une pathologie, qui est juste de la santé mentale. Je prends et je fais ma petite sauce comme ça mais puisque je fais ce podcast, je me dis peut-être ça peut aider d'autres gens. Je trouve super ton initiative ; trouve ça vraiment génial. Donc, je me dis, tiens, peut-être que là, mon action d'aujourd'hui, c'est peut-être une bonne chose, qui sait, pour quelqu'un. Donc, bon, tu vois, quand même, je suis pas… J'essaye des choses, hein. Mais c'est vrai que… C'est pareil, même dans la pathologie, les gens voyaient chez moi quelqu'un de… Ben voilà, qui était dynamique. Ils me faisaient les mêmes réflexions que les gens qui n'ont pas de handicap. Donc forcément, ils venaient se confier à moi, ils venaient me pomper toute mon énergie. Donc j'ai dit "Stop, stop, stop". Donc, comme tu dis, la légitimité de dire "Ah bah toi, t'as la pêche". Tu dis "Mais tu sais bien que c'est un truc de surface. Tu le sais". Là, vraiment, je me suis dit "Oh non, les gens, vous exagérez".

  • Giulietta

    Je pense qu'il cherchait de l'espoir. De fait, voir quelqu'un qui est dynamique, tu te dis, bah peut-être que moi aussi. Oui, ça rassure aussi de voir quelqu'un qui a de l'énergie.

  • Marlène

    Oui, ça je comprends très bien. C'est vrai que quand ça va... Moi, je suis pour les relations fondées sur la réciprocité. Donc, quand ça va que dans un sens, moi maintenant, assez vite, je coupe. Parce que, bah oui, toi tu le formules très bien, comme tu disais, la colère de l'autre, bah voilà, je peux être là, ouais, 5 minutes, mais à condition qu'on soit dans un échange, quoi. Pas juste, tu me prends mon énergie, tu t'en vas, en fait. Alors qu'en plus, on souffre de... du même syndrome. Donc voilà, tu vois, très vite, j'ai mis un point, mais bon, je suis toujours ouverte. Après, comme c'est une maladie rare, bon, ce n'est pas facile de trouver des gens qui ont la même chose, mais je suis toujours ouverte, oui, à l'idée de, j'aime bien, ou si un peu, peut-être quand moi, j'ai peut-être besoin de prendre encore du recul pour se dire, maintenant, j'ai envie d'être dans une posture plus d'aide. Sans rien attendre. Je pense que je ne suis pas encore prête.

  • Giulietta

    Ah bah oui, mais peut-être que tu ne le sauras jamais.

  • Marlène

    Peut-être, ouais.

  • Giulietta

    Au fur et à mesure des enregistrements, je me rends compte à quel point il est compliqué de parler de son vécu et de son intimité dans un podcast. Tous mes remerciements donc à Marlène de m'avoir fait confiance. Le point qui m'a particulièrement marqué est celui du cheminement que Marlène réalise et la notion de progression qu'elle évoque tout au long de l'épisode. Au début, elle ne savait pas comment faire avec sa maladie. Elle évoque avoir ressenti beaucoup de colère et d'incompréhension et avoir eu du mal à se ménager. Puis petit à petit, elle a trouvé les moyens de faire qui lui correspondent. Et je trouve que c'est assez révélateur du fait de vivre avec une maladie ou bien un handicap. On apprend et on chemine. Pour terminer, quelques mots sur l'anomalie. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins. C'est un projet artisanal sur lequel je mets beaucoup de cœur. Si vous souhaitez soutenir ma démarche, rien de plus simple. Vous pouvez attribuer une note au podcast et même un commentaire sur votre plateforme d'écoute préférée. Si le contenu vous parle, n'hésitez pas à le partager à vos proches et à en parler autour de vous. De mon côté, je vous dis à très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

Description

💡 Comment gérer son quotidien lorsque l’on vit avec une maladie rénale rare comme le syndrome de Gitelman ?

Dans cet épisode, je reçois Marlène, diagnostiquée avec cette pathologie rénale chronique qui perturbe l’équilibre en minéraux du corps. Ce syndrome entraîne une fatigue chronique intense, des crampes musculaires invalidantes, ainsi qu’un handicap invisible.

Un parcours marqué par l’errance médicale

Comme beaucoup de personnes atteintes d’une maladie rare, Marlène a connu une longue période d’errance médicale avant d’obtenir le diagnostic du Syndrome de Gitelman. Ses symptômes – hypokaliémie, hypomagnésémie, douleurs musculaires et troubles de l’oreille interne – étaient souvent minimisés ou mal interprétés par le corps médical qui ont pensé à de l'anorexie.

Après une année d'errance médicale et de longues recherches, elle a finalement rencontré une néphrologue qui a validé le diagnostic du Syndrome de Gitelman et su adapter son traitement, améliorant ainsi sa qualité de vie et lui permettant de mieux gérer sa fatigue persistante.


Les défis d’un handicap invisible au quotidien

Malgré un suivi médical régulier, vivre avec une maladie rénale rare implique de nombreuses adaptations dans la vie de tous les jours. Marlène partage :

L’impact du syndrome de Gitelman sur son énergie : comment elle gère sa fatigue chronique et évite l’épuisement.
Les défis au travail : comment elle a appris à fixer des limites professionnelles et à mieux communiquer sur son handicap invisible.
Son rapport au corps et à l’effort : pourquoi elle doit constamment écouter ses besoins physiologiques et adapter ses activités.
La gestion émotionnelle : comment elle a trouvé dans la méditation et la communication non violente des outils précieux pour mieux vivre avec la maladie.
Le rôle du soutien familial : comment son époux, Hervé, joue un rôle essentiel en tant qu’aidant et partenaire du quotidien.


Vivre avec une maladie rénale rare : entre adaptation et acceptation

Le syndrome de Gitelman est une maladie génétique peu connue, et son impact sur la vie sociale, professionnelle et émotionnelle est souvent sous-estimé. Marlène nous livre un témoignage empreint de résilience et de réalisme, sur la façon dont elle a réussi à réinventer son quotidien sans renoncer à ce qui compte pour elle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Marlène

    Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais. Parce que j'allais contre mon corps en me disant "non, non, je peux le faire" Et puis en fait, du coup, j'avais des contre-coups horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi.

  • Giulietta

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de lanomalie, le podcast qui ouvre la discussion sur la maladie et le handicap. Pour ce septième épisode, je vous propose de rencontrer Marlène qui est atteinte du syndrome de Gitelman. Si vous n'en avez jamais entendu parler, voici une rapide définition qui sera complétée par Marlène au cours de l'épisode. Le syndrome de Gitelman est une maladie rénale qui nuit notamment à la fixation du potassium, du sodium et du calcium, qui sont tous les trois des minéraux essentiels au bon fonctionnement du métabolisme. Les conséquences du syndrome de Gitelman sont concrètes pour les personnes qui en sont atteintes, Marlène évoque ainsi dans son cas des risques cardiaques, de la fatigue chronique, des problèmes d'oreilles internes et de possibles crises de Goutte. Le parcours de Marlène commence avec la réalisation d'analyses de sang, tout ce qu'il y a de plus banal. Les résultats révèlent un taux de potassium anormalement bas qui peut la mettre en danger. C'est le point de départ d'une bonne année d'errance médicale où le diagnostic envisagé n'est pas du tout celui d'une maladie rénale. Cette difficulté à poser le bon diagnostic s'explique d'une part par un manque d'écoute du personnel médical - Marlène en parle longuement - mais également par une méconnaissance de cette pathologie qui touche moins de 2000 personnes en France. Dans cette discussion extrêmement riche, Marlène et moi évoquons des sujets variés, la vie de couple et le rôle d'aidant rempli par son époux, le rapport au monde du travail qui est rendu compliqué par la présence de la fatigue chronique, la nécessité de ralentir et l'importance de comprendre ses émotions pour se préserver, mais également pour avoir des relations sereines avec son entourage. Vous allez l'entendre dès les premières secondes, Marlène est vive, enthousiaste, pleine de vie et spontanée. Petit disclaimer, ce ne sont pas vos écouteurs qui grésillent sur la fin de l'épisode, mais mon micro, je ne sais absolument pas ce qui s'est passé, pourtant tous les réglages étaient au point. Je suis par avance désolée pour ce petit inconfort, mais du coup, pas d'inquiétude, ça ne vient pas de vous. Sur ces belles paroles, je vous souhaite une très bonne écoute pour cette reprise de lanomalie, et je vous laisse avec Marlène. Marlène, pour commencer, je te propose de te présenter dans la façon dont tu le souhaites.

  • Marlène

    Ok, merci. Merci déjà de prendre le temps aussi de discuter avec moi parce que c'est sympa de faire ce podcast, c'est une première pour moi. Je m'appelle Marlène, j'ai 43 ans, j'habite dans le Finistère et je suis formatrice indépendante. Voilà, depuis 20 ans, je suis indépendante depuis 4 ans et je forme à la pédagogie d'une part et puis... D'autre part, à tout ce qui touche les compétences sociales, relationnelles, émotionnelles. Ça, c'est mon job.

  • Giulietta

    Ok, trop chouette. Et du coup, pour quelles raisons m'as-tu contactée ?

  • Marlène

    En fait, je t'ai contactée parce que c'est vrai que c'est ma belle-sœur, en fait, qui m'a envoyé un petit mot en me disant "oh là là, il y a un super podcast, regarde, ils recherchent "des candidats", entre guillemets, pour… faire des entretiens pour parler du handicap invisible". Et elle, elle est touchée de près, puisque son copain porte un handicap, et elle me connaît depuis plusieurs années, et elle aussi, elle a été confrontée à ce handicap, sans le voir, puisqu'il est invisible, mais ça l'a touchée, et donc elle s'est dit, "peut-être que Marlène, toi aussi, tu voudrais témoigner, pour dire un petit peu peu aux gens que ce n'est pas parce que ça ne se voit pas que ça n'existe pas". Donc, ce serait intéressant, par ce média-là, de communiquer, pas au monde entier, mais de communiquer à l'extérieur, en tout cas, sur ce sujet. J'hésitais un peu parce que je n'avais jamais fait ce genre de choses, mais je crois en la force du podcast et de la diffusion et de ce genre de médias. Je trouve ça hyper intéressant. Et donc, je me suis dit… "Allez, je tente". Même si c'est vrai que je ne suis pas trop acculturée à ce type de médias, mais je le trouve hyper intéressant. Et c'était l'occasion de parler un peu de moi. Et peut-être, je ne sais pas, je me suis dit que ça me ferait du bien aussi. Donc, j'ai tenté l'aventure.

  • Giulietta

    Et comment tu te sens aujourd'hui alors ?

  • Marlène

    Je me sens plutôt bien parce que, disons que j'ai la parole facile. Mais c'est vrai que parler de moi, je discute facilement, mais pas forcément de moi. aussi un peu et surtout pas forcément spontanément de ma maladie. Donc c'est quand même un peu spécial pour moi. C'est parler de moi déjà et faire que ça. Je suis pas forcément habituée et c'est aussi de parler d'une partie de moi qui ne me définit pas, certes, mais qui fait partie de moi et de ma vie et qui conditionne ma vie. Ça, c'est une première. Je veux dire, un podcast, à mon médecin, c'est autre chose, mais d'en parler comme ça à quelqu'un que je ne connais pas trop et que je sais que ça va être diffusé, c'est un bon challenge. J'ai envie de tenter l'expérience.

  • Giulietta

    Bon, très bien. Oui, tu as l'air de te sentir à l'aise. Et donc, de quelle maladie est-ce que tu viens nous parler aujourd'hui ?

  • Marlène

    Alors moi, je viens te parler d'une maladie rénale qui s'appelle syndrome de Gitelman, du nom du médecin qui l'a découvert. C'est une maladie qui touche, je crois, une personne sur 45 000, quelque chose comme ça. Et c'est congénital, ça veut dire que je l'ai de naissance, elle n'est pas apparue. Elle ne se déclenche pas par la suite, elle est tout de suite là. Mais par contre, elle est très dure à détecter. Alors parce qu'elle est rare, d'une part, donc on n'y pense pas forcément tout de suite. Et aussi parce qu'elle n'a pas forcément de signes, pas forcément de symptômes. Donc moi, je suis atteinte de cette maladie-là.

  • Giulietta

    Est-ce que tu peux expliquer en quelques mots en quoi consiste justement le syndrome de Gitelman ?

  • Marlène

    En fait, le problème de cette maladie, elle touche les reins. Et les reins, leur fonction première, c'est de filtrer et de trier un petit peu ce qu'il y a de toxique ou pas. Et puis soit de garder, soit de jeter. Ils ont une fonction vraiment de tri. Et le souci avec le syndrome de Gitelman, c'est qu'il manque des transporteurs. En fait, il manque... trois transporteurs, celui du sel, celui du magnésium et celui du potassium. Et donc, comme il me manque ces trois transporteurs-là, quand ces trois choses-là arrivent au niveau des reins, les reins ne les reconnaissent pas et donc les rejettent directement dans les urines. Et s'ils rejettent dans les urines, au bout d'un moment, ça les fait baisser dans le sang. Donc on manque de potassium, on appelle ça l'hypocaliemie, on manque de magnésium, hypomagnésiemie, etc. Et on manque de sodium. Le problème, c'est que ces trois éléments-là, ils sont nécessaires, ils sont vitaux, pour faire fonctionner correctement, notamment le cœur, pour le potassium. Et a contrario, j'ai fait une rétention presque totale de calcium. Ça par contre, mes reins adorent ça, mon calcium, et ils ne veulent pas le rejeter. Ça c'est un problème, c'est qu'il faut bien qu'ils se déposent quelque part aussi le calcium, donc il va se déposer sur les ligaments, sur les articulations, et ça peut causer aussi des problèmes comme la goutte. par exemple, on appelle ça chondrocalcinose mais c'est les mêmes symptômes que la goutte des inflammations vraiment très fortes au niveau des articulations voilà ce que ça produit dans le corps et du coup au niveau des symptômes dont tu m'avais parlé c'était une fatigue chronique des douleurs et des difficultés de concentration il me semble c'est ça. E n fait ce qui m'a surtout produit ça, c'est depuis que je prends mon traitement parce qu'il n'y a pas de solution : on ne peut pas guérir le syndrome de Gitelman mais on peut combler par les médicaments. Moi, je prends beaucoup de médicaments qui vont faire un effet de rustine sur les reins, c'est-à-dire qu'on complémente en sodium, en potassium, en magnésium, etc. Et donc, je prends entre 10 et 15 comprimés par jour pour me maintenir à flot. C'est une solution qui permet juste de me maintenir dans des normes à peu près acceptables. Mais du coup, toute cette prise de médicaments et puis l'âge aussi forcément fait qu'on est un peu plus en difficulté. Donc ça occasionne des gros coups de pompe, des gros coups de fatigue. Qui dit gros coup de fatigue dit problèmes de concentration. J'ai par exemple des problèmes, ça m'arrive régulièrement d'avoir comme des espèces de moments off, comme si on avait éteint la lumière, où je suis là physiquement, mais je suis complètement ailleurs comme si je flottais. Donc c'est des moments un peu black out où je ne peux plus me concentrer. Ça peut être un gros souci. Donc fatigue, problèmes de concentration et puis douleur, crampes ça c'est le manque de magnésium qui fait ça et puis des douleurs chroniques, des problèmes de digestion, des problèmes aussi d'oreille interne : j'ai beaucoup de vertiges, ça cause pas mal de petits soucis qui sont dûs aussi à ces manques de sodium, de magnésium et de potassium. Donc ça se produit un peu dans tout le corps. Il y a pas mal de symptômes qui font qu'au quotidien, ça peut être assez invalidant. Voilà, je ne sais pas si je réponds.

  • Giulietta

    Parfaitement. Et alors, histoire de poser un petit peu les bases de l'échange, est-ce que tu peux revenir sur, justement, la manière dont tu as appris que tu étais atteinte de ce syndrome ? Comment est-ce que ça s'est passé ? Dans l'échange qu'on avait eu, tu m'as expliqué que c'était au cours d'examens un peu de routine, que tu t'es rendu compte que tu avais quelque chose qui avait un impact sur... enfin qui pouvait avoir un impact important sur ta vie quotidienne.

  • Marlène

    Oui, effectivement, j'ai eu pas mal de chance en fait, parce qu'on a détecté ce syndrome à la suite... enfin pas détecté tout de suite, on a vu qu'il y avait un problème à la suite d'un contrôle complètement banal, un check-up sanguin... Ils m'ont fait faire un ionogramme, donc ça permet de mesurer justement... les fonctions vitales, la fonction rénale, tout ça. Et puis, ils se sont rendus compte que j'avais un taux de potassium très bas. Et là, ils se sont dit, on va faire un autre contrôle pour être sûr que ce n'est pas une erreur. Et donc, ils m'ont fait un contrôle encore de potassium. Ça avait encore baissé. On était vraiment à des taux où normalement une personne lambda, elle va très très mal quand elle a ce taux-là de potassium. Donc, j'ai rien compris à ce qui m'arrivait. J'étais chez le médecin, "on appelle l'ambulance", on m'a transportée aux urgences. Alors que moi, j'allais bien, je ne sentais pas en fait. C'est ça qui était d'autant plus violent, c'est que je ne l'ai pas du tout vu arriver. Je n'avais pas de signe avant-coureur. Donc, de la urgence pendant plusieurs jours, parce qu'il faut faire absolument remonter un taux de potassium par perfusion. Donc, ils m'ont fait remonter le taux. Ça a mis plusieurs jours, plusieurs jours, j'ai dû rester à l'hôpital. Et puis ensuite, il fallait chercher d'où venait ce manque de potassium. Et à l'époque, si tu veux, j'avais les mêmes symptômes que quelqu'un qui souffre d'anorexie. C'est-à-dire que quelqu'un qui se fait vomir, par exemple, il perd son potassium aussi. Donc à l'hôpital, ils ont suspecté que je souffrais d'anorexie, ce qui n'était pas le cas. Et donc eux, ils sont partis sur ça. Ils m'ont fait plein d'examens alors qu'il y avait déjà des indices, puisque dans les urines, on voyait que c'était un problème rénal. Mais bon, ils sont partis billes en tête sur l'anorexie. Et donc là, c'était très compliqué pour moi, parce que je voulais leur faire comprendre que ce n'était pas ça. Donc dans ma tête, je me disais, ils ne vont pas me guérir, parce qu'ils font fausse route. Et bon, bref, je suis sortie de l'hôpital, où on m'a dit "il faut arrêter de vomir maintenant". En gros, ça a été ça. Donc j'ai dû voir mon médecin traitant pour qu'elle continue à me donner un traitement de potassium au moins pour que ça ne baisse pas, mais forcément ça a rebaissé. Et là j'étais perdue en fait, parce que je ne pouvais pas retourner à l'hôpital puisqu'on pensait que j'étais anorexique. Et donc grâce aussi à mon entourage, à ma mère, à ma famille, on s'est dit bon "Tant pis, on va aller chercher ailleurs. Avec le médecin traitant aussi, le soutien du médecin traitant, on s'est dit bon on va aller chercher en cabinet privé". Et je suis allée voir des spécialistes de tous les corps de métier. Je suis allée voir d'abord un gastro-entérologue. Et lui, je lui ai parlé de mes symptômes. Il a dit "Pour moi, ça ne vient pas de là, mais on va faire quand même des examens poussés". Bon, il m'a fait des examens poussés, fibro-coloscopie. Ils ont découvert que non, ce n'était pas digestif. Et c'est ce médecin, en fait, il a été super. Il a dit, "Moi, je connais du monde en médecine interne. Dans un autre hôpital, tu vas aller là. Ils vont te faire une batterie de tests. Donc il se passe plusieurs mois entre ce moment où je suis hospitalisée en urgence et ce moment, il se passe presque six mois.

  • Giulietta

    Oui, parce que j'ai regardé un petit peu, alors je ne me rappelle plus du terme exact, mais la proportion de personnes atteintes en France du syndrome de Gitelman, et en fait ça concerne uniquement 1800 personnes, donc c'est très peu. Il y a également le fait que c'est lié à la néphrologie, donc je présume qu'effectivement les personnes que tu as rencontrées n'ont... peut-être pas tout de suite reconnu les signes. Et par ailleurs, c'est une pathologie qui est relativement rare. Donc, il faut être un petit peu acculturé.

  • Marlène

    C'est ça. Donc, en fait, ils sont passés un peu à côté. Je suis allée voir d'autres spécialistes. Je suis allée voir une endocrinologue. Je suis allée voir, avec mes résultats d'examen à l'hôpital, en disant "Regardez, il y a des petites choses au niveau rénal. Il y a des choses bizarres. Peut-être que ça vient des glandes surrénales". Parce qu'avec mon médecin traitant, on essayait de trouver aussi d'où ça pouvait venir et quel spécialiste pouvait m'orienter. Donc ça a été quelques mois d'errance comme ça. Et finalement, j'arrive en médecine interne, six mois après. Là, ils me font une batterie de tests et à la fin de la journée déjà, ils me posent un diagnostic. Puisqu'eux, en médecine interne, ils avaient accès en fait à tous les corps de métier, tous les corps médicaux.

  • Giulietta

    La médecine interne, c'est un peu Docteur House. C'est un peu les spécialistes du dernier recours. Quand on ne sait pas ce qui se passe, ce sont des personnes qui vont investiguer un petit peu plus.

  • Marlène

    Exactement. Et eux, en fait, ils avaient déjà une idée du diagnostic à la fin de la journée. Ils m'ont fait vraiment plein de tests, vraiment de tout. Et ils m'ont refait les mêmes tests qu'on m'avait faits à l'hôpital. Mais eux, par contre, ils se sont dit "ah oui, non, là, on reconnaît ce signe-là, ça vient des reins". Et donc, eux hésitaient entre deux syndromes, soit Gittelman, soit Barter, qui est un syndrome cousin en fait. De là, ils ont envoyé mes résultats à Paris pour une analyse génétique, puisque c'est la génétique en fait qui a permis de voir s'il y avait la mutation de gène qui va bien, pour dire oui, on confirme que c'est le syndrome de Gittelman. Et ils ont confirmé le diagnostic posé à Brest en médecine interne.

  • Giulietta

    Les situations d'errance médicale, elles ne sont jamais faciles. Pour les personnes qui ne sont pas familières du terme, c'est donc la situation où on ne sait pas de quoi on souffre, on vit avec des symptômes, mais on ne sait pas à quoi c'est dû. Et donc, c'est, je présume, assez anxiogène. Tu m'avais expliqué, toi, à l'époque, que justement, le fait d'avoir un taux de potassium qui est bas, ça a des impacts sur ta fonction cardiaque. Et de ne pas savoir comment ça pouvait évoluer, ça a dû être assez stressant pendant ces six mois, non ?

  • Marlène

    Ça a été très stressant. Je ne savais pas du tout ce que j'avais. Je me disais "À tout moment mon cœur peut s'arrêter". Après j'avais eu un traitement déjà avec le médecin traitant. Il surveillait mon taux de potassium de près, mais il n'y avait pas que le potassium. Il y avait aussi tout ce qu'il y avait à côté, les douleurs musculaires, parce que c'est le système musculaire, le système nerveux qui est atteint aussi. Il y a aussi le magnésium, le sodium, le calcium qui est un petit peu… altéré donc moi de ne pas savoir ce que j'avais c'était déjà c'était très angoissant effectivement parce que je me disais "qu'est ce que je vais devenir ? Est ce que est ce que je vais tenir ? Est ce que je vais mourir ?" et puis aussi il y avait cette profonde tristesse et cette colère un peu en même temps aussi de me sentir pas comprise, pas écoutée qu'on me dise "bah non non on a décidé que tu as tu avais ça, tu étais anorexique et que c'est pour ça. Donc maintenant, fais un effort, hop, hop, hop". Enfin voilà, je me sentais vraiment pas écoutée et je perdais un peu de foi en la médecine. Je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie considérée. Voilà, j'aurais aimé qu'on aille plus chercher quand même. Qu'ils se disent "Tiens, peut-être aller investiguer ailleurs" ou qu'on me dirige tout de suite peut-être vers la médecine interne dès ma sortie des urgences. Qu'ils admettent qu'ils ne savaient pas. Voilà. Moi, c'est ça qui m'a... Ça m'a profondément blessée. Ça m'a fait perdre du temps. Ça aurait pu me mettre très en danger. Donc, je me suis sentie seule, pas considérée et je me suis sentie faible. Je me suis sentie vraiment affaiblie et j'avais très peur. Oui, ça a été très compliqué, bien sûr. Même quand mon diagnostic a été posé, ça a été compliqué, en fait, parce que ça ne s'est pas arrêté là, l'errance, puisque... En médecine interne, ils m'ont dit qu'ils allaient continuer à me suivre. Je me suis dit "Est-ce que je peux être suivie au service de néphrologie ?" Ils m'ont dit "Non, c'est un tel qui va vous suivre". Pareil, je n'avais pas accès à un néphrologue tout de suite, même une fois mon diagnostic posé. C'est-à-dire que je n'ai pas pu voir un spécialiste, même une fois mon diagnostic posé. Donc je me suis dit "Mince, je vais voir qui ?" Je voyais un médecin tous les trois mois qui m'a mis sous un traitement très lourd, qui me faisait être beaucoup plus malade. que lorsque je ne prenais pas de traitement. Donc c'est là que j'ai senti aussi physiquement, donc ça a été très compliqué ça aussi pour moi. L'errance, elle a un peu continué en fait dans ma prise en charge, après, pendant encore six mois après, puisque j'avais un traitement qui me donnait des effets secondaires dingues, qui était très lourd, qui m'empêchait de me lever le matin, qui me donnait envie de vomir. J'avais des diarrhées, mais c'était insupportable. Vraiment, je m'affaiblissais, alors pourtant j'étais prise en charge et que j'avais eu un diagnostic. Je me dis mais ce n'est pas possible, je ne sais pas Ok, maintenant on sait qu'il y a un diagnostic, ça fait du bien, je sais ce que j'ai, mais par contre, le traitement, il va me faire vivre comme ça ? C'est très contradictoire ce que tu penses à ce moment-là, parce que tu dis en fait, le traitement, il me rend plus malade que quand je n'avais pas de traitement, mais si je n'ai pas de traitement, je risque gros, donc… Si ça va être ça ma vie d'avoir des cachets, d'être malade avec des cachets, non. Et puis à ce moment-là, je me suis dit, je ne peux pas continuer comme ça. Donc j'allais sur des forums, j'ai cherché par moi-même en fait, quelqu'un peut-être qui pouvait être spécialiste de mon syndrome, sachant que ce n'était pas le cas dans ma vie. J'ai cherché, je suis allée sur des forums, j'ai discuté avec des gens et des gens m'ont donné un nom. Je peux donner le nom ou pas ?

  • Giulietta

    Oui, bien sûr. Je ne sais pas, sauf si le praticien ne serait pas content que tu le donnes.

  • Marlène

    J'imagine que si. Donc, ils me donnent un nom, celui du docteur Blanchard. Tout le monde me dit que le docteur Blanchard est super, mais elle est à Paris. Donc, je me dis qu'il faut absolument que je voie ce médecin. Seulement, je n'étais adressée par personne. Je débarquais un petit peu à dire "Comment je vais prendre rendez-vous si je ne suis pas adressée ?". Les gens vont me dire "comment vous savez que vous avez Gittelman ?" Ça a été un peu la croix et la bannière pour la contacter. J'ai essayé, essayé, essayé, et j'ai réussi à décrocher un rendez-vous. Et là, il se passe encore des mois, plusieurs mois, tu vois. Là, on est en 2014, donc ça fait un an qu'on m'a dit que j'avais un problème, puis six mois que j'ai été diagnostiquée, et encore six mois après, je réussis enfin à décrocher un rendez-vous avec ce médecin. Et là, c'était fantastique, parce que ce médecin, elle a mis des mots. Elle m'a dit ce que je voulais entendre depuis le début.

  • Giulietta

    C'est quoi que tu voulais entendre, justement ?

  • Marlène

    En fait, je voulais entendre que, ben, "T'inquiète pas, on comprend ce que t'as, ça, ben ça, ta maladie, pourquoi elle est arrivée". On m'a expliqué la maladie. Parce que moi, je ne savais pas, je l'ai cherchée sur Internet. On m'a posé un diagnostic, mais on ne m'a pas dit pourquoi, d'où ça venait, ce que ça occasionnait. Elle, elle m'a tout expliqué avec des mots simples. Elle m'a montré un schéma, elle me dit... "Ce n'est pas une fatalité". Et surtout, elle m'a dit "e médicament-là, il vous rend malade ? Oui, on l'arrête". Et elle a tout réévalué mon traitement. Elle me di "On ne soigne pas des symptômes, on soigne des gens". Et vraiment, elle a été hyper humaine, hyper à l'écoute. Pour moi, ça a été une rencontre incroyable. Heureusement que j'ai eu cette ressource-là à un moment donné, d'aller la chercher.

  • Giulietta

    Oui, oui. Moi, ça m'a fait la même chose. Alors, j'ai une maladie bien moins intrusive et mes symptômes sont légers. J'arrivais pas à trouver la personne avec laquelle je me sentais à l'aise. Ma neurologue précédente, elle m'avait dit "On va peut-être changer de traitement". Moi, ça m'avait angoissée, elle ne m'avait pas expliqué, elle m'avait dit "On n'a pas vraiment le choix". Alors que la perspective de prendre un traitement, ce n'est pas simple de se dire qu'on va avoir un traitement à vie. Enfin bon, bref, moi ça m'angoissait beaucoup. Mon traitement, je vivais trop bien avec. Et du coup, j'ai eu un autre neurologue. Pareil, je suis passée par la lettre d'adressage où j'ai dû demander à ma... C'est difficile de demander à son médecin généraliste et d'expliquer "Je me sens pas bien avec mon neurologue actuel, j'ai la chance d'en avoir un mais je l'apprécie pas et j'aimerais voir quelqu'un d'autre" et d'expliquer les raisons pour lesquelles on se sent pas bien, c'est pas toujours simple dans le corps médical. Et lui, effectivement, il m'a tout expliqué, il a pris le temps de comprendre les choses et par exemple, moi, ma neurologue, elle m'avait jamais expliqué ce que c'était que les fourmis dans les mains que je ressens. Et lui, il m'a expliqué ce que c'était, il m'a expliqué comment soulager ça et en fait, j'ai trouvé ça... tellement touchant et ça faisait dix ans que j'avais ma maladie et ça faisait deux ans que j'avais des fourmis dans les mains et je me suis dit oui effectivement je me suis sentie entendue et je crois qu'il faut toujours s'écouter quand on s'en sent pas bien avec un médecin ou quand on a l'impression de ne pas avoir les réponses à ses questions, il ne faut pas hésiter à consulter une autre personne. Ça prend du temps par contre et effectivement faire Brest Paris, c'est engageant, ça coûte de l'argent enfin c'est pas anodin.

  • Marlène

    Mais j'étais prête à tout à ce moment-là pour ne pas rester comme ça, en fait. Je me suis dit "Tant pis, il faut que j'aille à Paris, je monte".

  • Giulietta

    Oui. Elle te suit toujours Mme Blanchard ?

  • Marlène

    Ça fait dix ans, du coup, qu'elle me suit, Mme Blanchard, que je salue. Elle est formidable. Avec le Covid, j'ai une consultation deux fois par an avec elle. Donc, elle me fait mes ordonnances. Et puis, on voit, je suis très suivie aussi. J'ai des prises de sang régulières pour s'assurer que tout va bien. Elle m'a mis en lien aussi avec un rhumatologue parce que eux ils ont un réseau en fait pour ces problèmes de calcium, tu sais, sur les articulations, les ligaments, tout ça. Eux ils ont créé un réseau, ils ont vraiment un groupe de recherche, c'est des chercheurs aussi. Donc eux ils font partie d'un centre de référence des maladies rares, maladies rénales rares, et donc ils font des expérimentations pour dire aussi, tiens, comment on peut améliorer les choses pour découvrir, pour aller plus loin. Mais la recherche, je sais que c'est compliqué aussi. en France, dans les hôpitaux publics. Donc bon, ils essayent en tout cas d'améliorer les conditions des patients. Et ils ont créé tout un réseau entre médecins spécialistes. Donc grâce à ça, j'ai pu aller voir un ORL aussi. J'ai su que j'avais une oreille interne complètement à l'envers. On m'a expliqué pourquoi. En fait, c'était parce qu'il n'y a plus d'échange d'ions potassium, sodium, je crois, qui fait que l'oreille interne, elle en a besoin et donc elle est détruite s'il n'y a pas ça. En fait, j'ai vu que ça avait des conséquences dans tout le corps. J'ai compris, on m'a expliqué. Voilà, on a pris le temps de me parler et de ne m'expliquer pas juste, de me dire "Tu prends ce traitement-là, tu le prendras toute ta vie. Et puis, c'est comme ça". Voilà, vraiment, j'ai vu des médecins de plein de corps de métier qui eux, en fait, c'est une espèce de réseau qu'ils ont formé pour justement pallier les problèmes qu'engendre le syndrome de Gitelman dans tout le corps. Parce que ce n'est pas que les reins. Et elle, elle me suit deux fois par an et maintenant, on se fait consultation en vidéo. Parce que là, j'ai un espèce de roulement qui fait que je ne suis plus forcément obligée d'aller là-bas et d'être auscultée. Donc, on se voit, on discute. on essaye des choses. Quand il ya des nouveaux traitements expérimentaux qui sont mis en place, généralement je réponds ok parce que j'ai envie aussi de l'aider à l'avancée de la recherche pour cette maladie là. Et puis, je pense aux autres maladies rares qui sont souvent mises de côté. Ça fait dix ans qu'elle me suit et ça va. J'ai un traitement, je suis habituée, je prends mes petits cachets matin et soir. Bon, je ne dis pas que j'aime faire ça mais disons que c'est intégré dans ma vie quotidienne oui et ça te sécurise aussi de savoir que t'es entendue, que t'es suivie et que tu as une équipe médicale qui t'accompagne. Et même si je dois faire de la route je sais qu'elle est là, je sais que j'ai des médecins référents qui me connaissent. Ils ont mon dossier. S'il y a quoi que ce soit, je monte à Paris, je peux transmettre mon dossier ou même si je dois partir en voyage. S'il m'arrive quoi que ce soit, j 'ai les numéros, j'ai une carte et tout, d'urgence, avec tout ce qu'il faut, les numéros de mon médecin. Enfin voilà, je suis sur des rails si tu veux.

  • Giulietta

    Oui, oui je comprends tout à fait. Effectivement, pareil, moi, mon neurologue, je sais que si j'ai un problème, je peux lui écrire, qu'il va me répondre, ou bien que c'est sa secrétaire qui me répondra. Et pour rebondir sur un peu les symptômes qu'on identifie pas... Moi, mon neurologue, il m'avait posé, je me rappelle, je crois que c'était la première consultation, une question un peu anodine, il me dit "Quand vous allez faire pipi, est-ce que tout va bien ?" Et moi, j'explose de rire, je dis "Bien évidemment !" Et il me décrit en fait un symptôme potentiel en me disant "Mais est-ce que vous avez des impatiences ou quelque chose comme ça ?" Et là, je lui dis que oui. Et je lui explique. Et là, il me regarde, il me fait "Mais vous avez 30 ans, en fait, c'est pas normal. Et c'est un des symptômes de votre maladie. Ça peut attaquer les reins et le système urinaire". Et donc, en fait, le fait justement d'avoir quelqu'un qui pose les bonnes questions et qui s'en tient pas juste au récit du patient, c'est important.

  • Marlène

    Exactement. Puis tu peux anticiper aussi, te dire "Oh là là, je ne sais pas, qu'est-ce qui m'arrive ? Ok, je sais que ça, ça correspond à tel symptôme parce qu'il m'a bien expliqué" et donc je ne m'affole pas plus que ça. J'alerte, mais c'est normal. Enfin, c'est normal. C'est logique. On va dire ça plutôt que normal.

  • Giulietta

    Oui, voilà. Tu peux identifier ce qui doit faire l'objet d'une inquiétude. reporter à ton médecin, et ce qui fait partie d'une routine de personnes malades, et qui n'est pas grave en soi, même si inconfortable ou embêtant. Je pense avoir déjà la réponse, mais c'est une question rhétorique. Est-ce que la maladie a changé le rapport que tu entretenais avec toi-même ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Ça a changé beaucoup de choses. J'ai beaucoup réfléchi. J'ai été beaucoup, pendant beaucoup de temps, en colère. Ça, c'est clair. Je ne voulais pas. Non, ça ne m'arrivait pas à moi. Parce que je suis quelqu'un, en plus, de très dynamique, qui aime bouger, qui aime faire plein de choses. Voilà, qui n'est pas du tout dans l'observation ou en retrait. J'aime bien que ça bouge, j'aime bien être... Voilà, j'ai beaucoup d'énergie. Et là, je n'avais plus d'énergie, physiquement en tout cas. Donc, ça a été très compliqué pour moi pendant longtemps, encore même maintenant parfois, à gérer. Parce que plus je ne voulais pas voir, plus je me fatiguais, parce que j'allais contre mon corps en disant "non, non, je peux le faire". Et puis en fait, du coup, j'avais des coups de pompe horribles. Et voilà, ce n'était pas bon pour moi. Puis autour de moi, on ne comprenait pas. Donc, j'essayais aussi de donner le change. Enfin, tu vois, c'était vraiment… Mais si je parle par rapport à moi-même, pas à ce que je donnais à voir, je vais essayer de répondre à ta question quand même, pas trop de me partir. Oui, pour moi, ça a été… ça a changé le rapport à moi-même. Mais ça ne fait pas si longtemps. Tu vois, ça fait 11 ans que j'ai été diagnostiquée maintenant. Enfin 11 ans qu'on a découvert qu'il y avait un problème et 10 ans j'ai été diagnostiquée, il n'y a que maintenant que je me dis "Je vais faire en fonction" C'est-à-dire finalement, la maladie, oui je dois la prendre en compte, donc je vais régler ma vie. Aussi en fonction, notamment mon travail et faire autrement parce qu'en fait je ne vais pas continuer à lutter mais je vais plutôt essayer d'être dans l'acceptation, de dire Wok, je suis comme ça, ça ne fait pas de moi quelqu'un de moins bien, ou quelqu'un de cassé, c'est juste que je fonctionne autrementW. Après je garde mon cerveau, je garde ma flamme, seulement le corps ne suit pas forcément, donc je vais essayer de faire autrement. Ça fait vraiment peu de temps que je fais ça.

  • Giulietta

    Et comment tu as cheminé pour en arriver à cette conclusion un peu plus douce ?

  • Marlène

    Quand j'ai vu que ça ne marchait plus, à un moment, je me suis dit "Non, tu ne peux pas continuer comme ça". C'est toujours un peu violent. C'est un peu des blackouts. C'est tout à coup. Non, ça suffit. Je ne peux plus continuer comme ça, un peu du jour au lendemain. Je pense que je chemine sans me rendre compte. Et puis, à un moment donné, je tranche. Je me dis "Ben non. je ne peux plus continuer comme ça". Ça a commencé avec le travail, où mon travail s'est arrêté. J'ai eu plein de chamboulements cette période. En 2014, j'ai un contrat qui s'est arrêté, j'ai repris des études. J'ai hyper bougé aussi en même temps dans ma tête. Il y a eu plein de changements dans ma vie. Ça a été dur, mais je suis allée jusqu'au bout. Et puis... Et à un moment aussi où je me suis dit "Bon, je vais sortir du salariat parce qu'en fait, le rythme de travail, un peu de bureau, je ne peux pas". Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus, que je m'épuisais complètement. Et c'est aussi en discutant avec mes proches, en étant entourée. Et puis vraiment, moi, c'est fait le déclic. Non, ok, je vais arrêter ça.

  • Giulietta

    Tu m'avais parlé la dernière fois d'un exemple concret sur une formation où tu savais que ça allait te fatiguer. Et donc... Tu as judicieusement choisi de modifier un peu les modalités pour te préserver.

  • Marlène

    Oui, tout à fait. En fait, le fait que je sois indépendante aujourd'hui, ça me donne beaucoup plus de liberté aussi pour travailler en fonction de mon rythme à moi. Je n'ai pas le 9h, 17h ou 18h, 5 jours à la suite par semaine. Je peux fonctionner en fonction de mon rythme à moi. Je peux travailler à mon rythme. Donc ça, c'est bien. Ça ne me fait pas travailler forcément moins, mais à des heures qui sont OK pour moi. Je peux faire des longues pauses si j'ai envie de faire une longue pause. Dans mon travail, quand je travaille chez moi, je peux travailler un peu le matin, un peu le soir. Et si je ne suis pas bien, je peux me reposer le reste de la journée. Et c'est vrai que quand on me demande, parfois on me fait des demandes sur trois jours d'affilée, avec cours toute la journée. Ben ça je m'étais dit "Bon allez, je vais le faire parce qu'il y a aussi l'argent, il faut bien gagner sa vie. Mais aujourd'hui je me dis "Non là, les trois jours d'affilée j'ai plein d'autres choses avant je sens que je m'affaiblis là que je vais pas les tenir pas que ça va vraiment me faire du mal". Je préfère perdre de l'argent et dire bah non je ferai pas les trois jours d'affilée je les ferai en demi journée et on s'est arrangé En fait, parce que j'explique aussi aux gens, ce qui fait que ça va mieux aussi, c'est que j'explique aux gens pourquoi. Je dis, "Ben là, non, moi, ça va trop me fatiguer de faire ça". Et je propose une alternative. Je ne dis pas juste, voilà, ben non, je ne le ferai pas. Je dis "Voilà, est-ce qu'il serait possible de faire plutôt comme ci, comme ça ?" Et j'explique très clairement aux gens, les gens sont au courant. "Voilà, là, ça me fatigue trop parce que blablabla". Donc je ne pourrais pas assurer. Et généralement, les gens sont très compréhensifs, les clients sont très compréhensifs, et ça se passe bien. Mais effectivement, il y a des choses parfois que je refuse, pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que je sais que je ne vais pas pouvoir. Et donc aujourd'hui, je me mets en priorité. Mais cette liberté-là, elle est essentielle pour moi, et elle me permet vraiment de travailler comme je peux, et comme je veux.

  • Giulietta

    Le corollaire de tout ça, c'est que tu acceptes d'en parler. Et ce n'est pas une chose facile, surtout à des clients, dans un contexte pro. Comment est-ce que tu gères justement le sujet de verbaliser tes limites ?

  • Marlène

    Alors au niveau professionnel, je ne le dis pas tout le temps ou pas tout de suite. Je le sens pas ou pas. Je n'en parle pas d'entrée de jeu. C'est vrai que quand j'étais salariée, oui, parce que j'avais ma RQTH, donc je la faisais valoir tout de suite. Les jobs que j'ai eus en tant que salariée, au niveau de la DRH, je faisais valoir la RQTH pour avoir des aménagements de planning. C'était acté, c'était institutionnalisé. Mais depuis que j'ai pris mon envol, on va dire, en tant qu'indépendante, je vois si j'ai besoin d'en parler ou pas. Je ne le fais pas d'entrée de jeu. Par contre, je choisis dans l'emploi du temps et si à un moment, vraiment, il faut que j'explique à la personne "là, je ne peux pas t'assurer tant de jours à la suite ou là, pour moi, ça va être trop compliqué ces horaires-là", j'explique pourquoi, ce qui se passe. Alors souvent, parfois, j'ai des réactions, j'ai de tout comme réaction. Souvent, on va me dire "C'est vrai, t'as ça, ça ne se voit pas du tout. On ne penserait pas du tout parce que tu es tellement dynamique". J'ai tellement l'habitude d'entendre ça. Aujourd'hui, ça me fait moins mal. Avant, ça me faisait du mal parce que j'avais l'impression qu'on minimisait un petit peu mon discours. Et le fait que je suis en situation de handicap parce que "Oh, mais tu es tellement dynamique, on ne croirait jamais !" Alors que ce n'est pas méchant de la part des gens, c'est vraiment qu'ils sont surpris et ils le verbalisent aussi, ce que je comprends tout à fait. Mais voilà, disons que je dose, quoi. Je le dis quand j'ai vraiment besoin. Si je n'ai pas besoin, je ne le dis pas. Et si je peux m'arranger, voilà, j'estime que les gens n'ont pas forcément besoin de le savoir. Et si je n'ai pas besoin de le dire, je ne le fais pas. Si j'ai besoin, je le fais. Et généralement, ça se passe bien. Et de toute façon, moi, je suis au clair. C'est-à-dire que je vais refuser parfois certaines missions. Maintenant, je me mets vraiment en priorité. Donc, à la limite, qu'en face, ils comprennent ou pas, bon. Comme j'ai pris du recul, je sais aussi l'expliquer avec les mots qu'il faut et expliquer aux gens quel est mon besoin. J'ai appris aussi à mettre vraiment des mots sur ça. Ce qui fait qu'en face, généralement, j'ai beaucoup de compréhension et d'écoute parce que moi aussi, je sais le verbaliser comme il faut. Et dans mon entourage, l'entourage, ce n'est pas pareil parce qu'il y a de l'affect, il y a plein de trucs qui rendent en cause, qu'il n'y a pas dans le travail. C'est vrai que dans mon entourage, ma famille m'a toujours énormément soutenue, ils sont avec moi, ils savent, ils savent très bien ce qui se passe. Après on ne passe pas notre temps à en parler parce que ça ne sert pas forcément à grand chose, mais ils savent que si je suis fatiguée, ils vont me ménager un petit peu. Mon mari est là aussi, il a eu ces périodes où il a fallu aussi qu'il comprenne, qu'il accepte, mais ça on l'a fait aussi ensemble en discutant parce que c'est pas forcément facile aussi pour l'entourage. Lui du coup, il a fait une formation d'aidant pour les aidants familiaux. Il est allé en formation, ça l'a aidé d'aller discuter avec d'autres gens qui ont à charge par exemple une personne en situation de handicap. Et il a fait cette formation là, je ne sais plus, c'était je crois que c'était six fois, enfin voilà il y avait quelques heures quand même. Et il y avait un groupe de parole et une formatrice qui donnait quelques clés. Ça l'a aidé de faire ça. Et puis ma belle famille, pareil, au début c'était difficile… Et je comprends avec le recul. "Pourquoi tu ne peux pas faire une balade ? Pourquoi tu ne viens pas ?" Parce que parfois je ne venais pas aux repas. Parce que moi, j'étais crevée. Et que, ah non, je n'ai pas envie de venir au repas. C'est trop compliqué pour moi. J'ai envie de… Je n'ai pas forcément envie de me montrer aussi quand c'est comme ça. J'ai juste envie d'être un peu dans ma bulle, de me reposer. Mais ça a été dur aussi de dire "Mais elle ne vient pas" : les gens le prennent pour eux en fait. Alors que pas du tout, c'est juste que je me mettais moi en priorité. Mais voilà, il a fallu aussi discuter, échanger. Et maintenant, c'est OK.

  • Giulietta

    Et comment tu gères justement le regard des autres maintenant ? Parce que souvent, ça dit beaucoup de choses de l'autre, la manière dont il réagit. Je pense que quand quelqu'un a une réaction un peu maladroite ou inappropriée, c'est que ce qu'on lui raconte lui fait peur et le ramène sans doute à lui-même. Comment est-ce que tu arrives à exprimer ce que toi, tu as envie d'exprimer, ton rapport au monde, tes limites, sans pour autant prendre les choses forcément personnellement ? Est-ce que ça t'a mis du temps ?

  • Marlène

    Oui, je n'y arrive pas toujours, même aujourd'hui. Parfois, je le prends avec du recul mais pareil, c'est si j'ai un rapport affectif ou pas avec l'autre. Ça va dépendre de si je mets de l'affect ou pas. Si c'est dans le cadre du travail, et les gens me disent "Oh, c'est vrai !" La réaction, ça va être "Oh ! Jamais je n'aurais cru que tu étais malade, parce que tu es tellement dynamique, tellement souriante, tellement jouée, etc". Je peux comprendre qu'ils me disent ça aujourd'hui. Donc j'explique juste "Ben non, tu vois, j'ai des moments, des fois que tu ne vois pas, il y a des coulisses à mon attitude". Donc ça, ça va à peu près, surtout depuis que je suis indépendante. Quand j'étais salariée, c'était plus compliqué parce que les gens me demandaient beaucoup et j'avais beau leur dire "Non, je ne peux pas faire ça", j'ai dû m'imposer à un moment donné parce que les gens, ils insistent. Souvent, ils vont tirer, tirer, tirer, tirer, tirer parce que comme ça ne se voit pas, ça n'existe pas quelque part. Donc, je vais voir jusqu'à où tu peux aller. "Oh, clac ! Oh, mince, ça casse !" Donc, j'ai dû apprendre avant que ça casse, justement, à dire "Non, je ne ferai pas ça. Non". Mais ce n'était pas dans ma nature, donc j'ai appris à dire non, ça m'a aidé. La maladie m'aide aussi. Elle aide forcément parce que tu découvres aussi des ressources pour continuer à avancer. Notre société n'est pas vraiment faite pour l'acceptation du handicap. On se doit aussi de performer, d'être bien, d'être beau. Donc forcément, ce n'est pas facile. de dire aux gens, ben non, moi je ne suis pas forcément dans ce moule-là, mais je l'assume. Et ça fait quand même quelqu'un de moi qui a une certaine force et beaucoup de ressources, parce que j'ai du recul, parce que je vois le monde autrement, parce que j'ai dû m'adapter beaucoup plus. Et ça ne m'a pas empêchée de réussir, mais à mon échelle. Encore aujourd'hui, j'ai du mal parfois avec certaines réactions, j'essaye de le prendre avec philosophie et de continuer à dire "Ben si, c'est comme ça". Juste dire "Écoute, peut-être que tu n'acceptes pas, mais c'est comme ça. Donc, je ne vais… je ne me force quasiment plus". Parce qu'avant, je me disais, c'est vrai, il pense ça. Bon, allez, je vais quand même y aller parce que maintenant, je ne le fais presque plus. Je préviens aussi même : "Oulala, je sens que je vais être crevée là. Tu me demandes de faire ça ? Oui, peut-être à un moment donné, je serai obligée de partir". Je fais de la prévention même. Je fais de la prévention. Pour m'éviter justement des remarques qui pourraient me blesser. Parce que parfois, je suis fatiguée. Du coup, je suis plus susceptible, plus sensible. Parfois, je n'ai pas de recul.

  • Giulietta

    Oui, mais comme tout le monde, en fait, ça implique un gros travail sur soi quand on est confronté à de la fatigue chronique. Juste pour expliquer le concept, ce n'est pas la fatigue que connaissent la plupart des gens quand, je ne sais pas, ils ont trop fait la fête. Ils ont un peu tiré sur la corde. C'est une fatigue dont on a du mal à se remettre et une bonne nuit de sommeil ne suffit pas. Il faut vraiment adapter son mode de vie. Et du coup, ça implique d'avoir beaucoup de recul, justement, de mettre en forme ce que tu dis pour pouvoir communiquer correctement. Mais c'est un travail qui est difficile en général. Tu m'avais expliqué quand on avait échangé la dernière fois que tu avais fait un gros travail sur la gestion de tes émotions. Je me rappelle plus du terme, attends, je crois que je l'ai sous les yeux, mais tac, tac, tac, tac, tac. Tu m'avais dit "Chaque émotion donne un message".

  • Marlène

    Oui, c'est vrai.

  • Giulietta

    Et de la pleine conscience, tout ça, est-ce que tu te sens à l'aise pour en parler et expliquer un petit peu ton cheminement sur le sujet ?

  • Marlène

    Oui, oui, bien sûr. Moi, il y a deux formations que j'ai faites, enfin, j'ai fait deux rencontres avec des concepts et des gens, du coup, qui étaient associés à ces concepts. Ça m'a énormément aidée. Le premier, c'est la communication non-violente. Parce qu'en fait la communication non violente, c'est pas seulement être avec les autres, c'est aussi être avec soi. D'abord se comprendre soi, avoir de l'empathie pour soi, se dire un peu comment je me sens, de quoi j'ai besoin, pour pouvoir ensuite être dans un rapport plus constructif avec les autres et plus positif, qui est ce sentiment de réciprocité, mais être aussi à l'écoute des autres. Donc il y a le soi. soit envers les autres et puis les autres envers soi. Je ne sais pas si je suis claire. J'écoutais ça, je me disais "C'est génial" ! Ça a allumé la lumière dans mon cerveau, justement pour m'exprimer en termes de besoins et de sensations, d'émotions liées. Donc ça, ça m'a beaucoup aidée et je continue à me former, parce que ça prend des années à lire des bouquins sur la communication non-violente. Je trouve ça vraiment fantastique. Et pourtant, j'ai fait des études en sciences, mais je trouve que ça vient aussi de la science. Un psychologue qui a créé ce concept, et il s'est basé sur des choses qui sont très sérieuses. Ce n'est pas juste une théorie un peu bisounours, c'est vraiment un outil ultra puissant. Donc j'ai découvert ça, et j'ai découvert aussi la pleine conscience. Pareil, ça a allumé une autre lumière chez moi. Je me suis rendue compte que... Toute ma vie, j'étais coupée de mon corps. Je pouvais prendre ma tête, je pense, et la mettre sous le bras, tu vois, et me balader comme ça. J'aurais pu discuter avec toi, mais avec ma tête sous le bras, quoi. J'étais totalement coupée du corps. Je pense que c'était lié aussi de dire non non mon corps m'en occupe pas, je fais marcher ma tête parce qu'elle marche bien donc le corps, bon il marche moins bien mais c'est pas grave je vais le laisser tomber. En fait, je me suis rendu compte assez vite qu'il fallait que j'aligne tout ça parce qu'il me manquait quelque chose. Je n'étais pas épanouie, j'avais besoin d'être connectée quoi avec moi même, avec mon corps et puis aussi avec la terre avec voilà et de me dire "Il faut que tu sois plus dans l'instant présent". Je sentais que j'avais des besoins à ce niveau-là, mais je ne savais pas trop comment les résoudre. Et c'est un ami qui m'a conseillé de faire un stage qui s'appelle MBSR. Et puis, c'est un programme, en fait, qui a été mis en place par un médecin aux États-Unis. Et il y a un certain nombre d'heures. C'est un programme en huit semaines où on apprend vraiment à être dans l'ici et maintenant. Et j'ai fait ce programme. très intensif, je me suis beaucoup donnée, parce que c'était tous les jours, et une fois par semaine on se réunissait en groupe, et autrement il fallait bosser tous les jours et être vraiment dans le présent... et faire la méditation en fait, de la méditation de pleine conscience. Donc c'est pas la relaxation quoi, c'était vraiment être là, être présent, être connecté à ce qui se passe, là tout de suite. Ça a été hyper dur pour moi, qui ai l'habitude... Bah déjà il fallait que je me concentre, donc en plus comme je suis fatiguée, voilà c'était d'autant plus dur puisque... Tu as dit très bien tout à l'heure, la fatigue chronique, c'est vraiment une chape de plomb. Moi, je me réveille le matin, je suis crevée, je me couche, je suis crevée. Des fois, quand je marche, j'ai des bottes de plomb. C'est quelque chose qui te… Comme si tu avais une armure sur toi qui t'entraînait vers le bas. Donc, se concentrer quand tu es comme ça, ce n'était pas facile. Ça paraît, mais ça a été fantastique. Vraiment. et puis surtout j'ai appris à me dire "Ok, attends. Je fais pause là comment je me sens, qu'est-ce que je ressens dans mon corps ?"c'est pas juste mettre un mot sur une émotion, c'est aussi la ressentir physiquement. Tu vois donc j'ai appris à me reconnecter et comme ça à faire un peu la paix aussi avec mes émotions ou du moins à dire "Bah je le sens ça maintenant là tout de suite et c'est ok tu vois ?"

  • Giulietta

    Oui, c'est un long travail !

  • Marlène

    Ah ouais c'est ça, et je continue à bosser, c'est pas fini hein J'ai encore du travail, mais ça, ça m'a énormément aidée. Énormément. Et puis de me mettre aussi en solo, pour le travail, ça m'a beaucoup aidée aussi, d'accepter ça chez moi. Et voilà, de dire, je suis indépendante et je fais à mon rythme les choses.

  • Giulietta

    Et mais, tu vois, par exemple, sur le fait de gérer ses émotions et surtout de savoir ce qu'elles veulent dire. Par exemple, moi, je suis quelqu'un d'extrêmement anxieux. Et jusqu'à présent, je me disais... Bon, je suis anxieuse et je me battais contre mon anxiété sans chercher à savoir ce qu'elle voulait dire, en fait. Mais je ne suis pas tout le temps anxieuse : je suis anxieuse dans des situations dans lesquelles je me sens mal. Ça veut dire quelque chose de ressentir ça. Et après, libre à moi de me dire "Là, je vais essayer de travailler sur moi et de faire en sorte que cette situation ne soit plus anxiogène". Ou bien, en fait "C'est un red flag, il faut que je fasse attention et peut-être qu'il faut que je ne fasse pas ça". Mais ça prend du temps, effectivement, de se dire... que les émotions, ce n'est pas quelque chose d'irrationnel qui nous tombe dessus. Mais en fait, ça veut dire quelque chose de nous et quand elles sont là, ça donne une couleur sur ce qu'on ressent, sur le monde qui nous entoure et il faut l'accepter.

  • Marlène

    C'est exactement ce que je te disais la dernière fois. L'émotion, elle a un rôle en fait. Elle t'envoie un message. Donc soit comme tu dis "Red flag ! Oula, là je suis énervée, attends, qu'est-ce que ça dit de moi à cet instant-là ?" Et si déjà, nous on comprend. Si on peut comprendre ça pour nous-mêmes déjà, mais qu'on soit en situation de handicap, ou pas. Si on comprend ça déjà de nous-mêmes, déjà, on arrive à mieux comprendre que ça arrive chez l'autre. Et du coup, les rapports humains sont beaucoup plus sains. Parce que si moi, j'arrive à comprendre, au lieu de les entasser, de les mettre dans un coin, et que du coup, elles s'empilent, elles s'empilent, que je ne fais pas attention, et du coup, forcément que j'explose à un moment donné. Si moi, j'arrive à faire ce travail-là, je vais beaucoup plus... écouter les autres, puisqu'ils peuvent ressentir la même chose que moi. Tu vois ce que je veux dire ?

  • Giulietta

    C'est un des sujets de la communication non-violente, justement, de ne pas livrer un message brut, mais de dire à ce moment-là, je me suis sentie comme ça, et donc d'expliquer qu'à un moment, on a pu réagir de telle façon, mais parce qu'on a eu tel ou tel ressenti.

  • Marlène

    Tout à fait, et que ce n'est pas forcément l'autre qui est à blâmer. C'est juste que moi, j'ai tel besoin parce que je me sens comme ça. Il faut expliquer aux gens, en fait. Il faut donner la chance aux gens d'essayer de nous comprendre. Mais pour ça, il faut avoir fait ce travail de savoir qu'est-ce que je ressens, pourquoi, ça me fait quoi, et vraiment de verbaliser quoi. Se poser et dire ok parce que les autres ils ne vont pas deviner. On n'est pas dans un monde, les gens ils ne font jamais ça parce qu'ils sont avec eux-mêmes et on n'est pas dans un monde comme ça sauf exception mais les gens d'eux-mêmes. Ils ne viendront pas donc je pense à nous aussi déjà de comprendre ce qui nous arrive d'essayer d'expliquer à l'autre. Après l'autre, s'il ne comprend pas, c'est son problème en fait mais nous au moins on aura été clair déjà avec nous-mêmes... Et on peut prendre des décisions beaucoup plus éclairées aussi. Après, l'autre, il réagit, il ne réagit pas. Bon, au moins, on aura essayé. J'essaye de le prendre comme ça. Mais c'est vrai que des fois, oui, on en veut à la terre entière. On est crevé. Et puis, quand tu es crevé, c'est dur. Tes émotions, elles sont exacerbées. Tu es à fleur de peau. Donc, ce n'est pas facile quand physiquement, des fois, tu es affaibli, d'avoir du recul sur ces émotions. C'est vrai. D'où l'idée de… Moi, maintenant, j'essaye de me poser, de faire une petite méditation, de dire "Attends, oh là là, je ne vais pas bien là". Je me pose, deux secondes, je fais stop. Qu'est-ce que j'essaye de sentir physiquement ? C'est grâce au stage de pleine conscience que j'ai réussi à faire ça. Et puis, je vais dire "Tiens, ma gorge est serrée ou J'ai mal au ventre ou Je sens que ça me tape dans les tempes. Oh, mais je suis énervée en fait !" du coup comme je suis énervée, j'essaye de me dire "Qu'est-ce que je peux faire pour me préserver moi ?". Une fois que je suis au clair avec ça, je peux dire à l'autre "Excuse-moi là, je suis énervée donc je vais m'isoler un peu ou je te rappelle plus tard".

  • Giulietta

    Mais bien sûr et alors la méditation de pleine conscience, c'est vraiment quelque chose qui est intéressant ! J'en avais fait un petit peu, je n'ai jamais été très assidue... Mais effectivement, faire l'exercice de se poser et d'observer le monde qui nous entoure et de s'observer soi-même, c'est assez libérateur. Moi, je me rappelle que l'exercice du scan corporel où tu descends petit à petit, etc. Mais tu te rends compte que tu es méga tendu alors que tu ne le sentais pas du tout avant. Moi, c'était genre le visage tendu, les mâchoires crispées, etc. Et juste le fait de s'en rendre compte, tu te détends et ça va mieux. Et aussi les exercices où j'avais fait un... Avec une copine de mon coworking, on a fait de la forestérapie. Et donc tu vas te balader en forêt. On était au bois de Vincennes, on était en groupe. Et elle nous donne des petits exercices à faire ensemble pour se familiariser avec la forêt. Donc sentir les odeurs, observer les choses, les bruits, etc. Et tu fais aussi des exercices en binôme. Et ça m'avait vachement émue. On en fait l'autre te montre quelque chose qui l'a touché et tu sens une odeur et tout. Et en fait, moi, je me rends compte, je suis passée plein de fois dans le bois de Vincennes, je n'ai jamais senti l'odeur des écorces en marchant, je n'ai jamais écouté le bruit, tu sais, des différentes surfaces du sol en fonction d'où je marche, puisque je marche vite et je vais d'un point A à un point B. Et le fait de ralentir et tout d'un coup de se dire "Qu'est-ce qui se passe autour de moi ?", et c'est vraiment quelques secondes, ça apaise tellement. Et je trouve que ce truc de... Bon, bref, toute une digression pour dire que parfois, ralentir un petit peu et observer ce qui se passe autour de nous, ou s'observer soi-même, c'est super apaisant et ça fait du bien. Et on ne le fait pas souvent.

  • Marlène

    Tu as complètement raison. Et finalement, je trouve que c'est assez en phase avec la situation de handicap parce que comme physiquement tu es un peu "au ralenti", entre guillemets, il faut le dire, comme tu es fatigué de manière chronique ou que tu souffres, ton corps est au ralenti. Et donc finalement, d'être en phase avec ça, de dire "Ok, d'accord, je vais ralentir moi aussi un peu dans ma tête, dans mes autres sens, pour être en phase avec ce corps", et on se rend compte qu'en fait, de ralentir, ça apporte énormément de choses. Ça te permet de changer de perspective, de faire un pas de côté sur ce qu'on vit, sur ce qu'on pense, sur les choses qu'on ne voit pas au quotidien parce qu'on est dans une société vraiment dite de l'accélération. Et finalement, ce ralentissement un peu forcé physique, quand on essaye de se mettre en phase avec ça, ça nous apporte tellement plus. Tellement de... d'enfin voir, ok, ah tiens, je vais faire une petite pause là. Ça fait tellement du bien. Et comme notre corps nous oblige, entre guillemets, un peu à faire ça, c'est presque une chance quand on arrive à la saisir.

  • Giulietta

    Mais en fait, le fait de ralentir, tu observes qu'il y a des émotions qui sont récurrentes ou des patterns qui reviennent. Et de te dire, après chacun a le choix en fait, de se dire "Est-ce que je veux continuer ? Et est-ce qu'effectivement, ressentir cet inconfort ? J'accepte parce que j'en tire un bénéfice qui me convient ou est-ce que je vais ralentir ?"

  • Marlène

    C'est passionnant d'aller un petit peu creuser en soi et puis de découvrir ça et de conceptualiser. Les concepts et les théories, ça m'a beaucoup aidée justement à comprendre. Après, il faut incarner je suis encore en cheminement là dessus mais je trouve ça super intéressant j'aurais bien aimé découvrir ça avant mais bon.

  • Giulietta

    Est-ce que t'étais prête à ce moment là parce que les concepts, je pense qu'ils existaient autour de toi mais tu n'y as pas accordé de l'attention, non ?

  • Marlène

    Sans doute pas en tout cas, c'est mon chemin. Je ne regrette pas du tout les choix que j'ai faits. Mon chemin m'a amenée là aujourd'hui. J'en suis là aujourd'hui. J'ai plein de choses encore à découvrir, à expérimenter, à découvrir sur moi, sur le monde, les autres. Essayer de faire bouger à ma petite échelle les choses aussi. J'ai encore un peu de niaque. Donc, je vais continuer.

  • Giulietta

    Moi, j'ai une dernière question. Ton époux, en fait, si j'ai bien compris, il était dans ta vie. avant que tu déclares ton syndrome ?

  • Marlène

    Non, je l'ai rencontré après.

  • Giulietta

    Et comment ça se passe, si tu es OK pour aborder ce sujet, le fait de vivre un petit peu à trois, puisqu'il y a ta maladie, toi et ton époux ? Ça a un impact sur la vie de couple, non ?

  • Marlène

    Oui, forcément. Comme je te disais tout à l'heure, on n'est pas au même rythme, lui et moi. Et puis en plus, on est à un âge où on est encore normalement... Tu vois, vouloir faire plein de trucs, partir en voyage, faire la fête avec des amis, aller dehors, inviter du monde. Bon, pour nous aider, c'est vrai, pour nous aider, au début, ça ne nous a pas aidé. On est très différents dans les personnalités. Donc, on opposés. Mais c'est ce qui nous a rapprochés aussi. Lui, il aime être très entouré. Avoir du monde, aller boire un verre, discuter avec plein de gens, être en famille, voilà. Et moi, je ne suis pas une solitaire, mais comme je te disais tout à l'heure, j'aime bien mon indépendance. Donc moi, ça me va bien de ne pas être trop en interaction, trop souvent, avec trop de gens, tu vois. Et puis aussi parce que ça me fatigue énormément d'être en interaction. Donc ça a été, forcément, ça a eu un impact. Alors il l'a su tout de suite, puisque... Moi, j'avais déjà eu le diagnostic, donc il n'a pas vécu cette période-là avec moi. Ça, je l'ai vécu seule. Donc, je lui ai dit tout de suite, bien sûr, quand on s'est rencontré, que je souffrais de ce syndrome-là. Et je pense que... Après, je ne suis pas dans sa tête, mais lui, il a fallu qu'il chemine aussi. Forcément, il a eu des périodes où il ne comprenait pas. Parce que... Ils ne le ressentaient pas comme moi je le ressentais. C'est difficile de se mettre à la place de quelqu'un, surtout quand tu n'es pas confronté. Tu vois juste la personne qui n'est pas bien, mais en même temps, ça ne se voit pas. Donc voilà, c'est comme ce que je te disais tout à l'heure. Je peux comprendre qu'il y ait eu beaucoup d'incompréhension de sa part. Et donc, c'était compliqué pour nous. Alors moi, comme je n'ai jamais voulu le freiner, mon objectif, c'était surtout de ne pas que notre quotidien soit régi par la pathologie. Mais comme moi, je ne pouvais pas forcément m'adapter, une des solutions qu'on a trouvées dès le début, c'était que lui, il faisait de son côté. Par exemple, il veut sortir, il sort avec ses amis, mais moi, je ne viens pas. Ou il y a une réunion de famille, je ne viens pas forcément à tout. Ou alors, il faut choisir, c'est soit samedi, soit dimanche, par exemple. Ça, ça a été une première solution qui, moi, ne me frustrait pas, puisque je répondais à mon besoin et lui répondait à son besoin. Mais bon, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident parce qu'on a envie de faire des choses à deux. Donc aujourd'hui, c'est peut-être parce qu'il a vieilli lui aussi, mais lui est moins dans le besoin aussi d'être tout le temps avec du monde. Donc je pense que même lui, ça l'a aidé à se recentrer aussi sur des plaisirs simples et d'être aussi parfois avec lui-même. Donc il est moins en quête d'être toujours, tu vois, avec du monde, ou d'accueillir du monde. Et moi aussi, j'essaye aussi de temps en temps de me dire "Bah tiens, peut-être qu'on pourrait accueillir du monde, mais le midi", c'est de faire des compromis. Bon déjà, le couple, c'est du compromis, mais nous, en plus, vraiment, on a développé des stratégies, on pourrait dire ça, pour que... Être dans le compromis, donc par exemple c'est, bah tiens, d'accord, on pourrait inviter du monde, mais le midi. On pourrait prévenir la famille que si, par exemple, il y a la famille qui arrive, on pourrait faire telle chose le samedi, et puis lui, il n'y va que le dimanche. Et donc, c'est plein de stratégies qu'on a mises en place. Ça n'a pas toujours été simple, mais on y est arrivé en discutant beaucoup. Quand l'amour est là, après on se dit "Ok, il y a la force des sentiments, mais aussi comment on peut calibrer notre vie en fonction du handicap ?", sachant que ça ne touche que moi, mais que ça l'impacte lui aussi. Comment on peut faire autrement pour que tout le monde soit un peu satisfait ? Donc on a trouvé ça, c'est-à-dire en communiquant énormément, c'est notre force, moi en bossant aussi sur moi, lui aussi sur lui, en ayant fait cette formation d'aidant par exemple. On a réussi à trouver un équilibre comme ça. Après, je ne dis pas tout le temps, mais maintenant ça marche beaucoup mieux. Voilà, on a réussi comme ça. Mais après, c'est des efforts du quotidien. Mais le couple, c'est ça aussi. Donc nous, en plus, on a un petit invité. On a découvert quelque chose aussi, que c'était important d'avoir notre espace. Dans la maison, d'avoir chacun son petit cocon pour se retrouver un petit peu seul. Parce que nous, on n'est pas collés. On n'est pas d'ici à moi. Le fait qu'on soit rencontrés à plus de 35 ans aussi. Ça a aidé à savoir ce qu'on voulait plus dans la vie, je pense que ça nous a aidés aussi. On a vu nos histoires avant, notre vie, notre expérience, donc on savait ce qu'on voulait, ce qu'on ne voulait pas, enfin voilà, on était déjà assez au clair avec ça, donc ça a aidé. Mais on a chacun notre cocon, notre petit bureau, ou notre petit coin, où on peut s'isoler, être un peu tranquille aussi, c'est important, de garder aussi sa part de... comment dire, sa bulle quoi.

  • Giulietta

    Juste une dernière éventuellement question, est-ce que toi il y a des ressources ou des choses qui t'ont aidé sur le syndrome justement de Gitelman à comprendre des choses ?

  • Marlène

    Oui, alors oui, au début j'ai essayé tu vois, les forums ça m'a énormément aidée, déjà pour trouver mon médecin. Franchement, si je n'avais pas eu, heureusement qu'il y a des forums de discussion et pour ça les réseaux c'est top. Et Internet, c'est top parce que des fois, tu es isolé selon la région où tu habites. Ce n'est pas forcément évident. Et donc, Internet m'a beaucoup aidée, les forums de discussion spécialisés sur cette maladie. Et puis après, moi, j'ai essayé même d'être dans un groupe. Il y a un moment, ils ont essayé de créer ça, une communauté. J'ai essayé, j'étais à une réunion à Paris qui était organisée par l'hôpital et les médecins qui nous suivent proposent de faire des réunions de patients qui ont le même syndrome, parce qu'en fait, il faut savoir que dans le syndrome, on a le même, mais on n'a pas tous les mêmes symptômes. Donc parfois, il y a des gens qui vivent, même avec les médicaments, qui vivent très très mal, qui sont obligés d'être sous perf quasiment quotidiennement dans une chambre et tout, parce que leur potassium ne décolle jamais, et c'est parfois des patients très jeunes. Donc on n'est pas tous logés à la même enseigne, tu vois. C'est ça qui est un peu compliqué aussi. J'ai eu l'occasion de discuter avec d'autres patients et de me rendre compte qu'en fait, on avait le même syndrome et que ça pouvait avoir des manifestations diverses et variées. Donc, c'est un peu des coups de poker aussi. Et tu en as qui vivent très bien, qui font du sport à haut niveau, tu vois. Le traitement leur suffit. Voilà, c'est bon. Et j'ai trouvé intéressant de discuter avec ces gens-là, de discuter ensemble. Et puis, ils avaient créé une communauté Facebook. Et en fait, assez vite, je me suis dit non, je… Ça ne m'a pas convenu parce que j'avais l'impression qu'ils disaient des mots comme "On fait partie d'un club". Et en fait, moi, ça, c'est des choses… J'ai un peu de mal, tu vois, parce que non, je ne fais pas partie du club des malades. Alors, je ne sais pas si c'est dû à ma personnalité ou si je trouve que… En fait, j'avais l'impression que ça m'entraînait plus vers le bas d'entendre des personnes parler du syndrome et dire moi, j'ai ça, comment vous faites ? Et d'avoir des trucs et astuces. En fait, ça m'a plus angoissée qu'autre chose et j'ai arrêté, en fait, après de communiquer. Je me suis dit, on est tellement tous différents que tant pis, je fais un peu ma route. Et puis voilà, j'avoue que la ressource à ce niveau-là, ça ne m'a pas convenu. Ça convient sûrement à d'autres personnes, mais moi, j'ai essayé. J'ai essayé plein de trucs et j'essaye encore. Pour l'instant, j'arrive à mener ma barque, un peu seule, mais en discutant après avec d'autres gens, mais pas forcément qui ont le même syndrome que moi. Je trouve ça angoissant parce qu'après, les gens, c'est comme si tu... Tu vois, comme si t'étais obligée d'en parler. Alors que des fois, moi, j'ai juste envie de faire ma vie,

  • Giulietta

    En fait, c'est ce qui vous rapproche. De fait, c'est ce qui a scellé les premiers échanges. C'est peut-être difficile aussi de trouver des sujets de conversation en dehors de ça et de nouer de vraies interactions.

  • Marlène

    J'ai l'impression que... Tu dois parler que de ça. Ça me déprime, en fait.

  • Giulietta

    Moi, j'ai pas été... Enfin, si j'ai fait vite fait une formation sur ma maladie que j'avais trouvée cool, il y avait une dame qui était très en colère. Et en fait, je l'ai renseignée, etc. Je n'avais pas envie de dealer avec la colère de quelqu'un d'autre. Par contre, j'avais ressenti au moment où j'ai déclaré ma maladie le besoin d'être en contact avec des personnes malades, mais pas de la sclérose en plaques, et je m'étais investie dans une association qui accompagnait des jeunes gens dans la réalisation de projets. Des personnes atteintes par un cancer, c'était des adolescents et des jeunes adultes. Et là je m'étais sentie à ma place parce qu'on parlait de ça, alors moi je n'évoquais pas ma maladie, mais on parlait eux de leur maladie, etc. J'étais dans un contexte où c'était aussi des jeunes adultes qui étaient dans une situation de maladie, mais on parlait d'eux et pas de moi, ce que je préférais. Et il y avait quelque chose aussi de positif d'essayer d'avoir un impact positif sur la réalisation d'un projet, tout ça, et ça correspondait à ce qui, moi, me soulageait à l'époque. De rester dans un univers médical et de... Voilà, de pouvoir parler de maladie, mais sans pour autant se dire... Bah, c'est que ça. Et finalement, en fait, je me suis rendue compte très, très vite que les interactions qu'on avait portaient très peu sur la maladie et que c'était juste des jeunes gens qui étaient trop heureux. de papoter avec des gens de leur âge: on parlait plein de choses et c'était trop bien effectivement. Rencontre d'autres personnes qui ont la même pathologie que moi, il y a le sujet de se sentir légitime quand on n'a pas les mêmes symptômes ou quand on a des symptômes légers comme c'est mon cas, d'être dans le même mood aussi parce que tu peux être dans une phase de colère et tu n'as pas envie de d'écouter quelqu'un qui sent pas bien où tu peux être dans un moment où tu vas très bien et t'as pas envie d'entendre quelqu'un en colère donc c'est c'est complexe.

  • Marlène

    Exactement et j'avoue que, du coup, je préfère prendre un peu ce qui va à un moment me servir à moi mais qui n'est pas estampillé aux soins d'une pathologie, qui est juste de la santé mentale. Je prends et je fais ma petite sauce comme ça mais puisque je fais ce podcast, je me dis peut-être ça peut aider d'autres gens. Je trouve super ton initiative ; trouve ça vraiment génial. Donc, je me dis, tiens, peut-être que là, mon action d'aujourd'hui, c'est peut-être une bonne chose, qui sait, pour quelqu'un. Donc, bon, tu vois, quand même, je suis pas… J'essaye des choses, hein. Mais c'est vrai que… C'est pareil, même dans la pathologie, les gens voyaient chez moi quelqu'un de… Ben voilà, qui était dynamique. Ils me faisaient les mêmes réflexions que les gens qui n'ont pas de handicap. Donc forcément, ils venaient se confier à moi, ils venaient me pomper toute mon énergie. Donc j'ai dit "Stop, stop, stop". Donc, comme tu dis, la légitimité de dire "Ah bah toi, t'as la pêche". Tu dis "Mais tu sais bien que c'est un truc de surface. Tu le sais". Là, vraiment, je me suis dit "Oh non, les gens, vous exagérez".

  • Giulietta

    Je pense qu'il cherchait de l'espoir. De fait, voir quelqu'un qui est dynamique, tu te dis, bah peut-être que moi aussi. Oui, ça rassure aussi de voir quelqu'un qui a de l'énergie.

  • Marlène

    Oui, ça je comprends très bien. C'est vrai que quand ça va... Moi, je suis pour les relations fondées sur la réciprocité. Donc, quand ça va que dans un sens, moi maintenant, assez vite, je coupe. Parce que, bah oui, toi tu le formules très bien, comme tu disais, la colère de l'autre, bah voilà, je peux être là, ouais, 5 minutes, mais à condition qu'on soit dans un échange, quoi. Pas juste, tu me prends mon énergie, tu t'en vas, en fait. Alors qu'en plus, on souffre de... du même syndrome. Donc voilà, tu vois, très vite, j'ai mis un point, mais bon, je suis toujours ouverte. Après, comme c'est une maladie rare, bon, ce n'est pas facile de trouver des gens qui ont la même chose, mais je suis toujours ouverte, oui, à l'idée de, j'aime bien, ou si un peu, peut-être quand moi, j'ai peut-être besoin de prendre encore du recul pour se dire, maintenant, j'ai envie d'être dans une posture plus d'aide. Sans rien attendre. Je pense que je ne suis pas encore prête.

  • Giulietta

    Ah bah oui, mais peut-être que tu ne le sauras jamais.

  • Marlène

    Peut-être, ouais.

  • Giulietta

    Au fur et à mesure des enregistrements, je me rends compte à quel point il est compliqué de parler de son vécu et de son intimité dans un podcast. Tous mes remerciements donc à Marlène de m'avoir fait confiance. Le point qui m'a particulièrement marqué est celui du cheminement que Marlène réalise et la notion de progression qu'elle évoque tout au long de l'épisode. Au début, elle ne savait pas comment faire avec sa maladie. Elle évoque avoir ressenti beaucoup de colère et d'incompréhension et avoir eu du mal à se ménager. Puis petit à petit, elle a trouvé les moyens de faire qui lui correspondent. Et je trouve que c'est assez révélateur du fait de vivre avec une maladie ou bien un handicap. On apprend et on chemine. Pour terminer, quelques mots sur l'anomalie. lanomalie est un podcast autoproduit par mes soins. C'est un projet artisanal sur lequel je mets beaucoup de cœur. Si vous souhaitez soutenir ma démarche, rien de plus simple. Vous pouvez attribuer une note au podcast et même un commentaire sur votre plateforme d'écoute préférée. Si le contenu vous parle, n'hésitez pas à le partager à vos proches et à en parler autour de vous. De mon côté, je vous dis à très bientôt pour le prochain épisode. D'ici là, prenez soin de vous.

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