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Hors-série : une philosophie du wokisme cover
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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Hors-série : une philosophie du wokisme

Hors-série : une philosophie du wokisme

14min |02/10/2024
Play
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14min |02/10/2024
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Description

🎙️ Et si le wokisme était un mouvement philosophique?


Cette semaine, on revient sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines : « La France, ce n’est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l’assume ».


C'est quoi, ce fameux wokisme qui serait une menace pour la France ?

On en parle aujourd'hui !




Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

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Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En série, une philosophie du wokisme. J'ai une excellente nouvelle. Le fil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le fil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le fil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Je vous propose cette semaine de revenir sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines. La France, ce n'est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l'assume. Une phrase qui résumerait, en apparence, la double identité française. D'un côté, une France de tradition, de l'autre, une France progressiste et avant-gardiste. Fidèle à sa posture ni-ni, qui signifie, pour qui n'aurait pas encore compris après dix ans de macronisme, non pas le centre et la modération, mais l'opportunisme et le mépris, Macron tente, comme à son habitude, de marquer l'histoire en s'élevant au-dessus des querelles de la populace. Et comme à son habitude, il emploie des expressions vides de sens, made in McKinsey, ici c'est l'audace généreuse, une expression tout droit sortie d'une pub pour un yaourt. Et au passage, il mobilise un terme, le wokisme, qui s'est installé dans le débat politique depuis quelques années. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du wokisme. Qu'est-ce que le wokisme ? Qu'est-ce que ce terme recouvre précisément ? Est-ce que, comme on l'entend souvent, c'est une menace pour la nation française ? Dans cet épisode, on va parler Etats-Unis, droit civique, Martin Luther King, universalisme, philosophie de Foucault, Deleuze et Derrida, et bien sûr, de wokisme. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. Le terme wokisme vient de l'argot américain woke qui signifie éveillé L'expression est assez ancienne, elle remonte à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis et elle naît dans le mouvement des droits civiques pour les Noirs américains. Elle désigne alors le fait d'être vigilant, éveillé, face aux injustices raciales qui gangrènent la société américaine. Cette expression prend de l'ampleur tout au long du XXe siècle, au gré des injustices commises envers les communautés noires américaines. En 1965, Martin Luther King emploie la métaphore de la veille et du sommeil et affirme lors d'un discours Il n'y a rien de plus tragique que de dormir durant une révolution Il est indéniable qu'une grande révolution se déroule dans notre monde aujourd'hui. Le grand défi auquel chacun est confronté est de rester éveillé durant cette révolution sociale. C'est dans les années 2010, avec l'émergence du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis, qui dénonce les meurtres de jeunes noirs par la police, que l'expression explose et s'institutionnalise. Bientôt, le hashtag StayWoke explose sur les réseaux sociaux, et le terme Woke fait son entrée dans le dictionnaire. Le terme prend alors une signification plus large. Il ne concerne plus seulement le racisme, mais toutes les questions de justice sociale, sexisme, homophobie, validisme, etc. Très vite, il est réutilisé de manière péjorative, sarcastique, et il est caricaturé par les mouvements conservateurs. Si bien que, dès 2019, plus personne ne se revendique woke. Le terme n'est plus employé, sauf par ses détracteurs. En France, c'est dans les années 2020 que le terme s'installe. Il y a alors une véritable panique morale contre ce dangereux mouvement importé des Etats-Unis. Jean-Michel Blanquer, l'ancien ministre de l'Éducation nationale, crée même un laboratoire de réflexion anti-wauquiste, déclarant que la République est aux antipodes du wauquisme. Alors, pourquoi une telle crispation sur le wauquisme ? Pourquoi cette vigilance envers les discriminations subies par les minorités serait-elle un danger pour la République ? Déjà, il faut quand même préciser que le wokisme, ça n'existe pas. Comme je vous le disais tout à l'heure, personne ne se réclame du wokisme. Ce n'est pas un mouvement de pensée, et encore moins un mouvement politique. Les seuls à employer ce terme sont ceux qui le critiquent, si bien que le wokisme n'existe pas en dehors de certains esprits inquiets. Vous avez dit théorie du complot ? Allez, jouons le jeu. Ce qu'on pourrait appeler wokisme, c'est un certain nombre de préoccupations de justice sociale, de vigilance extrême face aux discriminations racistes, sexistes, LGBTIphobes, validistes, etc. J'emploierai ce terme dans la suite de cet épisode. Cependant, il faut bien être conscient que cela ne recouvre pas un ensemble homogène, mais des théories diverses, qui parfois s'opposent entre elles sur certains points. Donc l'idée ici, ce n'est pas de définir le wokisme, qui n'a pas vraiment de réalité théorique, mais de comprendre pourquoi ce qu'on nomme le wokisme génère une telle panique. Dans la perspective wok, on se concentre sur les réalités vécues, spécifiques, singulières de certains groupes sociaux. Les femmes, les personnes qui subissent le racisme, les personnes LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, etc. Autrement dit, on s'intéresse aux identités. particulière. Et ça, en France, on n'aime pas trop. Car la France, c'est la patrie de l'universalisme. Dans le sillon des lumières, de la raison éclairée, la nation pense une humanité universelle, indépendamment du genre, de la race, de l'orientation sexuelle. La République française, c'est la patrie des droits de l'homme, l'effacement des différences au profit d'un idéal pur et abstrait. Liberté, égalité, fraternité. Et certes, c'est un bel idéal. Mais le problème de l'idéal, c'est qu'il est dans le monde des idées, justement, et pas dans le monde réel. Et à y regarder de plus près, cet universalisme à la française n'a jamais été universel. Dès 1789, les droits sont conditionnés à l'identité et à la situation matérielle. Les femmes, les pauvres, les indigènes dans les colonies, les domestiques n'ont pas le droit de vote. L'universalisme est donc très théorique, puisque dans les faits, il ne concerne que les hommes riches qui habitent en métropole. Et c'est précisément ça que le wokisme pointe du doigt. L'écart entre l'idéal professé par la nation française et la réalité vécue par celles et ceux qui y vivent. Le point de départ du wokisme est simple. Ce n'est pas parce qu'on se prétend aveugle aux différences que celles-ci n'existent pas. L'universalisme ferme les yeux quand le wokisme les garde grand ouverts. Mais est-ce que wokisme et universalisme s'opposent réellement ? On aurait d'un côté un universalisme abstrait, théorique, républicain, et de l'autre un wokisme obsédé par la singularité et l'identité, rejetant avec force toute prétention universelle et pouvant mener au repli sur soi. Il me semble que c'est bien mal comprendre les préoccupations de celles et ceux qui sont qualifiés de wok. Ce qu'on appelle le wokisme, ce n'est pas le rejet de l'universalisme, Bien au contraire, c'est une manière de le faire advenir. Je m'explique. L'universel, comme je le disais, c'est un bel idéal. Mais c'est justement un idéal. Si on refuse de regarder la réalité concrète, les discriminations vécues par les individus, alors on est certain que l'universalisme ne se réalisera jamais. Si l'on refuse d'admettre qu'en France comme ailleurs, il y a du racisme, du sexisme, de l'homophobie, du validisme, parce que soi-disant on ne voit pas les couleurs, le genre, l'orientation sexuelle et le handicap, alors on n'est pas prêt de régler les problèmes. Le wokisme, à l'inverse, c'est une approche empirique, concrète, qui se confronte aux inégalités, aux injustices vécues, afin de les résorber. Et oui, le meilleur moyen de régler un problème, c'est d'abord d'en admettre l'existence. Dans ce cas, on pourrait même définir le wokisme comme une conception pragmatique de l'universalisme. Non pas un universalisme abstrait et aveugle au réel, mais la construction progressive d'une réalité concrète, effective, qui ne nierait pas les différences entre les individus, le genre, la race, etc., mais ferait en sorte que ces différences ne soient pas une source de hiérarchisation et de discrimination. C'est donc pas une menace pour l'universalisme, c'est au contraire sa meilleure chance de s'incarner. C'est une réflexion sur les étapes concrètes, progressives, pour faire advenir une véritable égalité des droits. Alors, si le wokisme, c'est simplement la recherche concrète de l'égalité et de la justice, comment expliquer qu'il soit à ce point diabolisé, accusé de générer du communautarisme et du racisme ? En fait, lorsqu'on écoute les critiques du wokisme, on se rend compte qu'ils confondent le point de départ et l'horizon. Le wokisme reconnaît, et c'est son point de départ, les différences concrètes, réelles, entre les différents groupes sociaux. Mais son horizon n'est pas de maintenir ces différences. C'est de permettre une véritable égalité des droits et une coexistence qui ne serait pas synonyme de discrimination. Prenons le cas du féminisme, par exemple. L'objectif n'est pas de prôner une séparation entre les hommes et les femmes. mais de partir du constat réel de cette différence, précisément pour la défaire. À nouveau, je me dois d'être prudente. Il n'y a pas un seul courant du féminisme, et tous les courants n'ont pas le même objectif et la même conception. En revanche, ce qui est certain, c'est que les caricatures du féminisme se ressemblent toutes. Elles dépeignent des femmes agressives et violentes, cherchant à exterminer les hommes. Là encore, le wokisme n'existe que par la caricature qui en est faite, et a pour résultat de ne pas améliorer la situation concrète des femmes et de faire perdurer un statu quo, en prétendant être aveugle aux différences et surtout aux dynamiques de pouvoir et aux structures de domination. Il en va de même pour le racisme. Les mouvements antiracistes ne sont pas séparatistes ou communautaristes, ils réclament simplement que le racisme qu'ils subissent soit reconnu, pris en compte, et qu'il soit pris des mesures pour l'enrayer. Il ne s'agit en aucun cas de définir certaines communautés de manière immuable, comme si elles avaient une identité figée, absolue, mais de se confronter aux dynamiques concrètes qui existent dans la société. C'est ce que désigne par exemple le terme racisé Il ne s'agit pas de dire que la race existe de manière biologique, mais qu'elle existe de manière sociale, qu'elle a des effets réels, qu'elle imprègne les imaginaires et les représentations, et qu'elle conduit à des discriminations. Être racisé ? c'est subir le racisme, et non pas appartenir à une certaine race, comme si celle-ci existait de manière biologique, indépendamment du regard de l'autre. Dans ce cas, le wokisme, ce n'est pas un repli sur soi, sur son identité, c'est au contraire une manière de faire droit aux différentes identités dans l'espace public. C'est une manière de faire entendre les injustices réelles, plutôt que de les disqualifier au nom d'un idéal abstrait et théorique. C'est une manière de s'approcher au plus près du vécu, de celles et ceux qui composent la société et de faire droit aux identités plurielles. Compris de la sorte, on voit bien que le wokisme n'est pas un dogmatisme ou un séparatisme. Bien au contraire, c'est une vigilance, une exigence éthique qui cherche à faire advenir concrètement l'idéal de justice censé fonder nos sociétés. C'est la construction d'un universalisme concret, pragmatique, qui ne nie pas la différence ni les singularités. Et s'il est si souvent caricaturé, c'est à mon avis parce qu'il touche à l'arrogance française, à son complexe de supériorité, et bien sûr, au privilège de celles et ceux qui profitent des discriminations et des injustices. Alors, le wokisme est-il un danger pour la France ? Est-il en contradiction avec l'histoire française, comme l'affirme Emmanuel Macron ? Je ne pense pas. D'ailleurs... Saviez-vous qui sont considérés comme des inspirateurs du wokisme aujourd'hui ? Les philosophes français de la French Theory, c'est-à-dire Foucault, Deleuze et Derrida, qui chacun à leur manière proposent une philosophie critique qui cherche à analyser les constructions sociales, la construction aussi du langage et des concepts, la constitution du savoir et les dynamiques de pouvoir. Dans les années 1970, leur philosophie connaît un succès retentissant aux Etats-Unis qui irrigue tout un courant philosophique qui nous est ensuite revenu sous la forme du wokisme. Finalement, le wokisme, c'est le rayonnement français. Alors, entre les Lumières françaises, comme Voltaire, Rousseau, Diderot et Montesquieu, et la French Theory, comme Foucault, Deleuze et Derrida, il n'y a certes pas la même approche conceptuelle, mais il y a bien un souci de justice commun. Et je ne sais pas vous, mais moi, j'aime bien cette définition de la France. Et il va falloir la défendre. Parce qu'en ce moment... ce qu'on entend comme discours, c'est plutôt nauséabond. Quand le ministre de l'Intérieur dit fièrement que l'immigration n'est pas une chance et que l'état de droit n'est ni intangible ni sacré, il faut quand même se rendre compte que la menace, elle ne vient pas des militants woke qui défendent la justice sociale. La plus grande menace, elle vient clairement de ceux qui nous gouvernent. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie, qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

🎙️ Et si le wokisme était un mouvement philosophique?


Cette semaine, on revient sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines : « La France, ce n’est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l’assume ».


C'est quoi, ce fameux wokisme qui serait une menace pour la France ?

On en parle aujourd'hui !




Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    En série, une philosophie du wokisme. J'ai une excellente nouvelle. Le fil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le fil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le fil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Je vous propose cette semaine de revenir sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines. La France, ce n'est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l'assume. Une phrase qui résumerait, en apparence, la double identité française. D'un côté, une France de tradition, de l'autre, une France progressiste et avant-gardiste. Fidèle à sa posture ni-ni, qui signifie, pour qui n'aurait pas encore compris après dix ans de macronisme, non pas le centre et la modération, mais l'opportunisme et le mépris, Macron tente, comme à son habitude, de marquer l'histoire en s'élevant au-dessus des querelles de la populace. Et comme à son habitude, il emploie des expressions vides de sens, made in McKinsey, ici c'est l'audace généreuse, une expression tout droit sortie d'une pub pour un yaourt. Et au passage, il mobilise un terme, le wokisme, qui s'est installé dans le débat politique depuis quelques années. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du wokisme. Qu'est-ce que le wokisme ? Qu'est-ce que ce terme recouvre précisément ? Est-ce que, comme on l'entend souvent, c'est une menace pour la nation française ? Dans cet épisode, on va parler Etats-Unis, droit civique, Martin Luther King, universalisme, philosophie de Foucault, Deleuze et Derrida, et bien sûr, de wokisme. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. Le terme wokisme vient de l'argot américain woke qui signifie éveillé L'expression est assez ancienne, elle remonte à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis et elle naît dans le mouvement des droits civiques pour les Noirs américains. Elle désigne alors le fait d'être vigilant, éveillé, face aux injustices raciales qui gangrènent la société américaine. Cette expression prend de l'ampleur tout au long du XXe siècle, au gré des injustices commises envers les communautés noires américaines. En 1965, Martin Luther King emploie la métaphore de la veille et du sommeil et affirme lors d'un discours Il n'y a rien de plus tragique que de dormir durant une révolution Il est indéniable qu'une grande révolution se déroule dans notre monde aujourd'hui. Le grand défi auquel chacun est confronté est de rester éveillé durant cette révolution sociale. C'est dans les années 2010, avec l'émergence du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis, qui dénonce les meurtres de jeunes noirs par la police, que l'expression explose et s'institutionnalise. Bientôt, le hashtag StayWoke explose sur les réseaux sociaux, et le terme Woke fait son entrée dans le dictionnaire. Le terme prend alors une signification plus large. Il ne concerne plus seulement le racisme, mais toutes les questions de justice sociale, sexisme, homophobie, validisme, etc. Très vite, il est réutilisé de manière péjorative, sarcastique, et il est caricaturé par les mouvements conservateurs. Si bien que, dès 2019, plus personne ne se revendique woke. Le terme n'est plus employé, sauf par ses détracteurs. En France, c'est dans les années 2020 que le terme s'installe. Il y a alors une véritable panique morale contre ce dangereux mouvement importé des Etats-Unis. Jean-Michel Blanquer, l'ancien ministre de l'Éducation nationale, crée même un laboratoire de réflexion anti-wauquiste, déclarant que la République est aux antipodes du wauquisme. Alors, pourquoi une telle crispation sur le wauquisme ? Pourquoi cette vigilance envers les discriminations subies par les minorités serait-elle un danger pour la République ? Déjà, il faut quand même préciser que le wokisme, ça n'existe pas. Comme je vous le disais tout à l'heure, personne ne se réclame du wokisme. Ce n'est pas un mouvement de pensée, et encore moins un mouvement politique. Les seuls à employer ce terme sont ceux qui le critiquent, si bien que le wokisme n'existe pas en dehors de certains esprits inquiets. Vous avez dit théorie du complot ? Allez, jouons le jeu. Ce qu'on pourrait appeler wokisme, c'est un certain nombre de préoccupations de justice sociale, de vigilance extrême face aux discriminations racistes, sexistes, LGBTIphobes, validistes, etc. J'emploierai ce terme dans la suite de cet épisode. Cependant, il faut bien être conscient que cela ne recouvre pas un ensemble homogène, mais des théories diverses, qui parfois s'opposent entre elles sur certains points. Donc l'idée ici, ce n'est pas de définir le wokisme, qui n'a pas vraiment de réalité théorique, mais de comprendre pourquoi ce qu'on nomme le wokisme génère une telle panique. Dans la perspective wok, on se concentre sur les réalités vécues, spécifiques, singulières de certains groupes sociaux. Les femmes, les personnes qui subissent le racisme, les personnes LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, etc. Autrement dit, on s'intéresse aux identités. particulière. Et ça, en France, on n'aime pas trop. Car la France, c'est la patrie de l'universalisme. Dans le sillon des lumières, de la raison éclairée, la nation pense une humanité universelle, indépendamment du genre, de la race, de l'orientation sexuelle. La République française, c'est la patrie des droits de l'homme, l'effacement des différences au profit d'un idéal pur et abstrait. Liberté, égalité, fraternité. Et certes, c'est un bel idéal. Mais le problème de l'idéal, c'est qu'il est dans le monde des idées, justement, et pas dans le monde réel. Et à y regarder de plus près, cet universalisme à la française n'a jamais été universel. Dès 1789, les droits sont conditionnés à l'identité et à la situation matérielle. Les femmes, les pauvres, les indigènes dans les colonies, les domestiques n'ont pas le droit de vote. L'universalisme est donc très théorique, puisque dans les faits, il ne concerne que les hommes riches qui habitent en métropole. Et c'est précisément ça que le wokisme pointe du doigt. L'écart entre l'idéal professé par la nation française et la réalité vécue par celles et ceux qui y vivent. Le point de départ du wokisme est simple. Ce n'est pas parce qu'on se prétend aveugle aux différences que celles-ci n'existent pas. L'universalisme ferme les yeux quand le wokisme les garde grand ouverts. Mais est-ce que wokisme et universalisme s'opposent réellement ? On aurait d'un côté un universalisme abstrait, théorique, républicain, et de l'autre un wokisme obsédé par la singularité et l'identité, rejetant avec force toute prétention universelle et pouvant mener au repli sur soi. Il me semble que c'est bien mal comprendre les préoccupations de celles et ceux qui sont qualifiés de wok. Ce qu'on appelle le wokisme, ce n'est pas le rejet de l'universalisme, Bien au contraire, c'est une manière de le faire advenir. Je m'explique. L'universel, comme je le disais, c'est un bel idéal. Mais c'est justement un idéal. Si on refuse de regarder la réalité concrète, les discriminations vécues par les individus, alors on est certain que l'universalisme ne se réalisera jamais. Si l'on refuse d'admettre qu'en France comme ailleurs, il y a du racisme, du sexisme, de l'homophobie, du validisme, parce que soi-disant on ne voit pas les couleurs, le genre, l'orientation sexuelle et le handicap, alors on n'est pas prêt de régler les problèmes. Le wokisme, à l'inverse, c'est une approche empirique, concrète, qui se confronte aux inégalités, aux injustices vécues, afin de les résorber. Et oui, le meilleur moyen de régler un problème, c'est d'abord d'en admettre l'existence. Dans ce cas, on pourrait même définir le wokisme comme une conception pragmatique de l'universalisme. Non pas un universalisme abstrait et aveugle au réel, mais la construction progressive d'une réalité concrète, effective, qui ne nierait pas les différences entre les individus, le genre, la race, etc., mais ferait en sorte que ces différences ne soient pas une source de hiérarchisation et de discrimination. C'est donc pas une menace pour l'universalisme, c'est au contraire sa meilleure chance de s'incarner. C'est une réflexion sur les étapes concrètes, progressives, pour faire advenir une véritable égalité des droits. Alors, si le wokisme, c'est simplement la recherche concrète de l'égalité et de la justice, comment expliquer qu'il soit à ce point diabolisé, accusé de générer du communautarisme et du racisme ? En fait, lorsqu'on écoute les critiques du wokisme, on se rend compte qu'ils confondent le point de départ et l'horizon. Le wokisme reconnaît, et c'est son point de départ, les différences concrètes, réelles, entre les différents groupes sociaux. Mais son horizon n'est pas de maintenir ces différences. C'est de permettre une véritable égalité des droits et une coexistence qui ne serait pas synonyme de discrimination. Prenons le cas du féminisme, par exemple. L'objectif n'est pas de prôner une séparation entre les hommes et les femmes. mais de partir du constat réel de cette différence, précisément pour la défaire. À nouveau, je me dois d'être prudente. Il n'y a pas un seul courant du féminisme, et tous les courants n'ont pas le même objectif et la même conception. En revanche, ce qui est certain, c'est que les caricatures du féminisme se ressemblent toutes. Elles dépeignent des femmes agressives et violentes, cherchant à exterminer les hommes. Là encore, le wokisme n'existe que par la caricature qui en est faite, et a pour résultat de ne pas améliorer la situation concrète des femmes et de faire perdurer un statu quo, en prétendant être aveugle aux différences et surtout aux dynamiques de pouvoir et aux structures de domination. Il en va de même pour le racisme. Les mouvements antiracistes ne sont pas séparatistes ou communautaristes, ils réclament simplement que le racisme qu'ils subissent soit reconnu, pris en compte, et qu'il soit pris des mesures pour l'enrayer. Il ne s'agit en aucun cas de définir certaines communautés de manière immuable, comme si elles avaient une identité figée, absolue, mais de se confronter aux dynamiques concrètes qui existent dans la société. C'est ce que désigne par exemple le terme racisé Il ne s'agit pas de dire que la race existe de manière biologique, mais qu'elle existe de manière sociale, qu'elle a des effets réels, qu'elle imprègne les imaginaires et les représentations, et qu'elle conduit à des discriminations. Être racisé ? c'est subir le racisme, et non pas appartenir à une certaine race, comme si celle-ci existait de manière biologique, indépendamment du regard de l'autre. Dans ce cas, le wokisme, ce n'est pas un repli sur soi, sur son identité, c'est au contraire une manière de faire droit aux différentes identités dans l'espace public. C'est une manière de faire entendre les injustices réelles, plutôt que de les disqualifier au nom d'un idéal abstrait et théorique. C'est une manière de s'approcher au plus près du vécu, de celles et ceux qui composent la société et de faire droit aux identités plurielles. Compris de la sorte, on voit bien que le wokisme n'est pas un dogmatisme ou un séparatisme. Bien au contraire, c'est une vigilance, une exigence éthique qui cherche à faire advenir concrètement l'idéal de justice censé fonder nos sociétés. C'est la construction d'un universalisme concret, pragmatique, qui ne nie pas la différence ni les singularités. Et s'il est si souvent caricaturé, c'est à mon avis parce qu'il touche à l'arrogance française, à son complexe de supériorité, et bien sûr, au privilège de celles et ceux qui profitent des discriminations et des injustices. Alors, le wokisme est-il un danger pour la France ? Est-il en contradiction avec l'histoire française, comme l'affirme Emmanuel Macron ? Je ne pense pas. D'ailleurs... Saviez-vous qui sont considérés comme des inspirateurs du wokisme aujourd'hui ? Les philosophes français de la French Theory, c'est-à-dire Foucault, Deleuze et Derrida, qui chacun à leur manière proposent une philosophie critique qui cherche à analyser les constructions sociales, la construction aussi du langage et des concepts, la constitution du savoir et les dynamiques de pouvoir. Dans les années 1970, leur philosophie connaît un succès retentissant aux Etats-Unis qui irrigue tout un courant philosophique qui nous est ensuite revenu sous la forme du wokisme. Finalement, le wokisme, c'est le rayonnement français. Alors, entre les Lumières françaises, comme Voltaire, Rousseau, Diderot et Montesquieu, et la French Theory, comme Foucault, Deleuze et Derrida, il n'y a certes pas la même approche conceptuelle, mais il y a bien un souci de justice commun. Et je ne sais pas vous, mais moi, j'aime bien cette définition de la France. Et il va falloir la défendre. Parce qu'en ce moment... ce qu'on entend comme discours, c'est plutôt nauséabond. Quand le ministre de l'Intérieur dit fièrement que l'immigration n'est pas une chance et que l'état de droit n'est ni intangible ni sacré, il faut quand même se rendre compte que la menace, elle ne vient pas des militants woke qui défendent la justice sociale. La plus grande menace, elle vient clairement de ceux qui nous gouvernent. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie, qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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🎙️ Et si le wokisme était un mouvement philosophique?


Cette semaine, on revient sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines : « La France, ce n’est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l’assume ».


C'est quoi, ce fameux wokisme qui serait une menace pour la France ?

On en parle aujourd'hui !




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  • Speaker #0

    En série, une philosophie du wokisme. J'ai une excellente nouvelle. Le fil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le fil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le fil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Je vous propose cette semaine de revenir sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines. La France, ce n'est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l'assume. Une phrase qui résumerait, en apparence, la double identité française. D'un côté, une France de tradition, de l'autre, une France progressiste et avant-gardiste. Fidèle à sa posture ni-ni, qui signifie, pour qui n'aurait pas encore compris après dix ans de macronisme, non pas le centre et la modération, mais l'opportunisme et le mépris, Macron tente, comme à son habitude, de marquer l'histoire en s'élevant au-dessus des querelles de la populace. Et comme à son habitude, il emploie des expressions vides de sens, made in McKinsey, ici c'est l'audace généreuse, une expression tout droit sortie d'une pub pour un yaourt. Et au passage, il mobilise un terme, le wokisme, qui s'est installé dans le débat politique depuis quelques années. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du wokisme. Qu'est-ce que le wokisme ? Qu'est-ce que ce terme recouvre précisément ? Est-ce que, comme on l'entend souvent, c'est une menace pour la nation française ? Dans cet épisode, on va parler Etats-Unis, droit civique, Martin Luther King, universalisme, philosophie de Foucault, Deleuze et Derrida, et bien sûr, de wokisme. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. Le terme wokisme vient de l'argot américain woke qui signifie éveillé L'expression est assez ancienne, elle remonte à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis et elle naît dans le mouvement des droits civiques pour les Noirs américains. Elle désigne alors le fait d'être vigilant, éveillé, face aux injustices raciales qui gangrènent la société américaine. Cette expression prend de l'ampleur tout au long du XXe siècle, au gré des injustices commises envers les communautés noires américaines. En 1965, Martin Luther King emploie la métaphore de la veille et du sommeil et affirme lors d'un discours Il n'y a rien de plus tragique que de dormir durant une révolution Il est indéniable qu'une grande révolution se déroule dans notre monde aujourd'hui. Le grand défi auquel chacun est confronté est de rester éveillé durant cette révolution sociale. C'est dans les années 2010, avec l'émergence du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis, qui dénonce les meurtres de jeunes noirs par la police, que l'expression explose et s'institutionnalise. Bientôt, le hashtag StayWoke explose sur les réseaux sociaux, et le terme Woke fait son entrée dans le dictionnaire. Le terme prend alors une signification plus large. Il ne concerne plus seulement le racisme, mais toutes les questions de justice sociale, sexisme, homophobie, validisme, etc. Très vite, il est réutilisé de manière péjorative, sarcastique, et il est caricaturé par les mouvements conservateurs. Si bien que, dès 2019, plus personne ne se revendique woke. Le terme n'est plus employé, sauf par ses détracteurs. En France, c'est dans les années 2020 que le terme s'installe. Il y a alors une véritable panique morale contre ce dangereux mouvement importé des Etats-Unis. Jean-Michel Blanquer, l'ancien ministre de l'Éducation nationale, crée même un laboratoire de réflexion anti-wauquiste, déclarant que la République est aux antipodes du wauquisme. Alors, pourquoi une telle crispation sur le wauquisme ? Pourquoi cette vigilance envers les discriminations subies par les minorités serait-elle un danger pour la République ? Déjà, il faut quand même préciser que le wokisme, ça n'existe pas. Comme je vous le disais tout à l'heure, personne ne se réclame du wokisme. Ce n'est pas un mouvement de pensée, et encore moins un mouvement politique. Les seuls à employer ce terme sont ceux qui le critiquent, si bien que le wokisme n'existe pas en dehors de certains esprits inquiets. Vous avez dit théorie du complot ? Allez, jouons le jeu. Ce qu'on pourrait appeler wokisme, c'est un certain nombre de préoccupations de justice sociale, de vigilance extrême face aux discriminations racistes, sexistes, LGBTIphobes, validistes, etc. J'emploierai ce terme dans la suite de cet épisode. Cependant, il faut bien être conscient que cela ne recouvre pas un ensemble homogène, mais des théories diverses, qui parfois s'opposent entre elles sur certains points. Donc l'idée ici, ce n'est pas de définir le wokisme, qui n'a pas vraiment de réalité théorique, mais de comprendre pourquoi ce qu'on nomme le wokisme génère une telle panique. Dans la perspective wok, on se concentre sur les réalités vécues, spécifiques, singulières de certains groupes sociaux. Les femmes, les personnes qui subissent le racisme, les personnes LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, etc. Autrement dit, on s'intéresse aux identités. particulière. Et ça, en France, on n'aime pas trop. Car la France, c'est la patrie de l'universalisme. Dans le sillon des lumières, de la raison éclairée, la nation pense une humanité universelle, indépendamment du genre, de la race, de l'orientation sexuelle. La République française, c'est la patrie des droits de l'homme, l'effacement des différences au profit d'un idéal pur et abstrait. Liberté, égalité, fraternité. Et certes, c'est un bel idéal. Mais le problème de l'idéal, c'est qu'il est dans le monde des idées, justement, et pas dans le monde réel. Et à y regarder de plus près, cet universalisme à la française n'a jamais été universel. Dès 1789, les droits sont conditionnés à l'identité et à la situation matérielle. Les femmes, les pauvres, les indigènes dans les colonies, les domestiques n'ont pas le droit de vote. L'universalisme est donc très théorique, puisque dans les faits, il ne concerne que les hommes riches qui habitent en métropole. Et c'est précisément ça que le wokisme pointe du doigt. L'écart entre l'idéal professé par la nation française et la réalité vécue par celles et ceux qui y vivent. Le point de départ du wokisme est simple. Ce n'est pas parce qu'on se prétend aveugle aux différences que celles-ci n'existent pas. L'universalisme ferme les yeux quand le wokisme les garde grand ouverts. Mais est-ce que wokisme et universalisme s'opposent réellement ? On aurait d'un côté un universalisme abstrait, théorique, républicain, et de l'autre un wokisme obsédé par la singularité et l'identité, rejetant avec force toute prétention universelle et pouvant mener au repli sur soi. Il me semble que c'est bien mal comprendre les préoccupations de celles et ceux qui sont qualifiés de wok. Ce qu'on appelle le wokisme, ce n'est pas le rejet de l'universalisme, Bien au contraire, c'est une manière de le faire advenir. Je m'explique. L'universel, comme je le disais, c'est un bel idéal. Mais c'est justement un idéal. Si on refuse de regarder la réalité concrète, les discriminations vécues par les individus, alors on est certain que l'universalisme ne se réalisera jamais. Si l'on refuse d'admettre qu'en France comme ailleurs, il y a du racisme, du sexisme, de l'homophobie, du validisme, parce que soi-disant on ne voit pas les couleurs, le genre, l'orientation sexuelle et le handicap, alors on n'est pas prêt de régler les problèmes. Le wokisme, à l'inverse, c'est une approche empirique, concrète, qui se confronte aux inégalités, aux injustices vécues, afin de les résorber. Et oui, le meilleur moyen de régler un problème, c'est d'abord d'en admettre l'existence. Dans ce cas, on pourrait même définir le wokisme comme une conception pragmatique de l'universalisme. Non pas un universalisme abstrait et aveugle au réel, mais la construction progressive d'une réalité concrète, effective, qui ne nierait pas les différences entre les individus, le genre, la race, etc., mais ferait en sorte que ces différences ne soient pas une source de hiérarchisation et de discrimination. C'est donc pas une menace pour l'universalisme, c'est au contraire sa meilleure chance de s'incarner. C'est une réflexion sur les étapes concrètes, progressives, pour faire advenir une véritable égalité des droits. Alors, si le wokisme, c'est simplement la recherche concrète de l'égalité et de la justice, comment expliquer qu'il soit à ce point diabolisé, accusé de générer du communautarisme et du racisme ? En fait, lorsqu'on écoute les critiques du wokisme, on se rend compte qu'ils confondent le point de départ et l'horizon. Le wokisme reconnaît, et c'est son point de départ, les différences concrètes, réelles, entre les différents groupes sociaux. Mais son horizon n'est pas de maintenir ces différences. C'est de permettre une véritable égalité des droits et une coexistence qui ne serait pas synonyme de discrimination. Prenons le cas du féminisme, par exemple. L'objectif n'est pas de prôner une séparation entre les hommes et les femmes. mais de partir du constat réel de cette différence, précisément pour la défaire. À nouveau, je me dois d'être prudente. Il n'y a pas un seul courant du féminisme, et tous les courants n'ont pas le même objectif et la même conception. En revanche, ce qui est certain, c'est que les caricatures du féminisme se ressemblent toutes. Elles dépeignent des femmes agressives et violentes, cherchant à exterminer les hommes. Là encore, le wokisme n'existe que par la caricature qui en est faite, et a pour résultat de ne pas améliorer la situation concrète des femmes et de faire perdurer un statu quo, en prétendant être aveugle aux différences et surtout aux dynamiques de pouvoir et aux structures de domination. Il en va de même pour le racisme. Les mouvements antiracistes ne sont pas séparatistes ou communautaristes, ils réclament simplement que le racisme qu'ils subissent soit reconnu, pris en compte, et qu'il soit pris des mesures pour l'enrayer. Il ne s'agit en aucun cas de définir certaines communautés de manière immuable, comme si elles avaient une identité figée, absolue, mais de se confronter aux dynamiques concrètes qui existent dans la société. C'est ce que désigne par exemple le terme racisé Il ne s'agit pas de dire que la race existe de manière biologique, mais qu'elle existe de manière sociale, qu'elle a des effets réels, qu'elle imprègne les imaginaires et les représentations, et qu'elle conduit à des discriminations. Être racisé ? c'est subir le racisme, et non pas appartenir à une certaine race, comme si celle-ci existait de manière biologique, indépendamment du regard de l'autre. Dans ce cas, le wokisme, ce n'est pas un repli sur soi, sur son identité, c'est au contraire une manière de faire droit aux différentes identités dans l'espace public. C'est une manière de faire entendre les injustices réelles, plutôt que de les disqualifier au nom d'un idéal abstrait et théorique. C'est une manière de s'approcher au plus près du vécu, de celles et ceux qui composent la société et de faire droit aux identités plurielles. Compris de la sorte, on voit bien que le wokisme n'est pas un dogmatisme ou un séparatisme. Bien au contraire, c'est une vigilance, une exigence éthique qui cherche à faire advenir concrètement l'idéal de justice censé fonder nos sociétés. C'est la construction d'un universalisme concret, pragmatique, qui ne nie pas la différence ni les singularités. Et s'il est si souvent caricaturé, c'est à mon avis parce qu'il touche à l'arrogance française, à son complexe de supériorité, et bien sûr, au privilège de celles et ceux qui profitent des discriminations et des injustices. Alors, le wokisme est-il un danger pour la France ? Est-il en contradiction avec l'histoire française, comme l'affirme Emmanuel Macron ? Je ne pense pas. D'ailleurs... Saviez-vous qui sont considérés comme des inspirateurs du wokisme aujourd'hui ? Les philosophes français de la French Theory, c'est-à-dire Foucault, Deleuze et Derrida, qui chacun à leur manière proposent une philosophie critique qui cherche à analyser les constructions sociales, la construction aussi du langage et des concepts, la constitution du savoir et les dynamiques de pouvoir. Dans les années 1970, leur philosophie connaît un succès retentissant aux Etats-Unis qui irrigue tout un courant philosophique qui nous est ensuite revenu sous la forme du wokisme. Finalement, le wokisme, c'est le rayonnement français. Alors, entre les Lumières françaises, comme Voltaire, Rousseau, Diderot et Montesquieu, et la French Theory, comme Foucault, Deleuze et Derrida, il n'y a certes pas la même approche conceptuelle, mais il y a bien un souci de justice commun. Et je ne sais pas vous, mais moi, j'aime bien cette définition de la France. Et il va falloir la défendre. Parce qu'en ce moment... ce qu'on entend comme discours, c'est plutôt nauséabond. Quand le ministre de l'Intérieur dit fièrement que l'immigration n'est pas une chance et que l'état de droit n'est ni intangible ni sacré, il faut quand même se rendre compte que la menace, elle ne vient pas des militants woke qui défendent la justice sociale. La plus grande menace, elle vient clairement de ceux qui nous gouvernent. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie, qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

🎙️ Et si le wokisme était un mouvement philosophique?


Cette semaine, on revient sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines : « La France, ce n’est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l’assume ».


C'est quoi, ce fameux wokisme qui serait une menace pour la France ?

On en parle aujourd'hui !




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    En série, une philosophie du wokisme. J'ai une excellente nouvelle. Le fil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le fil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le fil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Je vous propose cette semaine de revenir sur une phrase prononcée par Emmanuel Macron il y a quelques semaines. La France, ce n'est ni le wokisme, ni le conservatisme, mais une audace généreuse qui a une histoire exigeante et qui l'assume. Une phrase qui résumerait, en apparence, la double identité française. D'un côté, une France de tradition, de l'autre, une France progressiste et avant-gardiste. Fidèle à sa posture ni-ni, qui signifie, pour qui n'aurait pas encore compris après dix ans de macronisme, non pas le centre et la modération, mais l'opportunisme et le mépris, Macron tente, comme à son habitude, de marquer l'histoire en s'élevant au-dessus des querelles de la populace. Et comme à son habitude, il emploie des expressions vides de sens, made in McKinsey, ici c'est l'audace généreuse, une expression tout droit sortie d'une pub pour un yaourt. Et au passage, il mobilise un terme, le wokisme, qui s'est installé dans le débat politique depuis quelques années. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du wokisme. Qu'est-ce que le wokisme ? Qu'est-ce que ce terme recouvre précisément ? Est-ce que, comme on l'entend souvent, c'est une menace pour la nation française ? Dans cet épisode, on va parler Etats-Unis, droit civique, Martin Luther King, universalisme, philosophie de Foucault, Deleuze et Derrida, et bien sûr, de wokisme. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. Le terme wokisme vient de l'argot américain woke qui signifie éveillé L'expression est assez ancienne, elle remonte à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis et elle naît dans le mouvement des droits civiques pour les Noirs américains. Elle désigne alors le fait d'être vigilant, éveillé, face aux injustices raciales qui gangrènent la société américaine. Cette expression prend de l'ampleur tout au long du XXe siècle, au gré des injustices commises envers les communautés noires américaines. En 1965, Martin Luther King emploie la métaphore de la veille et du sommeil et affirme lors d'un discours Il n'y a rien de plus tragique que de dormir durant une révolution Il est indéniable qu'une grande révolution se déroule dans notre monde aujourd'hui. Le grand défi auquel chacun est confronté est de rester éveillé durant cette révolution sociale. C'est dans les années 2010, avec l'émergence du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis, qui dénonce les meurtres de jeunes noirs par la police, que l'expression explose et s'institutionnalise. Bientôt, le hashtag StayWoke explose sur les réseaux sociaux, et le terme Woke fait son entrée dans le dictionnaire. Le terme prend alors une signification plus large. Il ne concerne plus seulement le racisme, mais toutes les questions de justice sociale, sexisme, homophobie, validisme, etc. Très vite, il est réutilisé de manière péjorative, sarcastique, et il est caricaturé par les mouvements conservateurs. Si bien que, dès 2019, plus personne ne se revendique woke. Le terme n'est plus employé, sauf par ses détracteurs. En France, c'est dans les années 2020 que le terme s'installe. Il y a alors une véritable panique morale contre ce dangereux mouvement importé des Etats-Unis. Jean-Michel Blanquer, l'ancien ministre de l'Éducation nationale, crée même un laboratoire de réflexion anti-wauquiste, déclarant que la République est aux antipodes du wauquisme. Alors, pourquoi une telle crispation sur le wauquisme ? Pourquoi cette vigilance envers les discriminations subies par les minorités serait-elle un danger pour la République ? Déjà, il faut quand même préciser que le wokisme, ça n'existe pas. Comme je vous le disais tout à l'heure, personne ne se réclame du wokisme. Ce n'est pas un mouvement de pensée, et encore moins un mouvement politique. Les seuls à employer ce terme sont ceux qui le critiquent, si bien que le wokisme n'existe pas en dehors de certains esprits inquiets. Vous avez dit théorie du complot ? Allez, jouons le jeu. Ce qu'on pourrait appeler wokisme, c'est un certain nombre de préoccupations de justice sociale, de vigilance extrême face aux discriminations racistes, sexistes, LGBTIphobes, validistes, etc. J'emploierai ce terme dans la suite de cet épisode. Cependant, il faut bien être conscient que cela ne recouvre pas un ensemble homogène, mais des théories diverses, qui parfois s'opposent entre elles sur certains points. Donc l'idée ici, ce n'est pas de définir le wokisme, qui n'a pas vraiment de réalité théorique, mais de comprendre pourquoi ce qu'on nomme le wokisme génère une telle panique. Dans la perspective wok, on se concentre sur les réalités vécues, spécifiques, singulières de certains groupes sociaux. Les femmes, les personnes qui subissent le racisme, les personnes LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, etc. Autrement dit, on s'intéresse aux identités. particulière. Et ça, en France, on n'aime pas trop. Car la France, c'est la patrie de l'universalisme. Dans le sillon des lumières, de la raison éclairée, la nation pense une humanité universelle, indépendamment du genre, de la race, de l'orientation sexuelle. La République française, c'est la patrie des droits de l'homme, l'effacement des différences au profit d'un idéal pur et abstrait. Liberté, égalité, fraternité. Et certes, c'est un bel idéal. Mais le problème de l'idéal, c'est qu'il est dans le monde des idées, justement, et pas dans le monde réel. Et à y regarder de plus près, cet universalisme à la française n'a jamais été universel. Dès 1789, les droits sont conditionnés à l'identité et à la situation matérielle. Les femmes, les pauvres, les indigènes dans les colonies, les domestiques n'ont pas le droit de vote. L'universalisme est donc très théorique, puisque dans les faits, il ne concerne que les hommes riches qui habitent en métropole. Et c'est précisément ça que le wokisme pointe du doigt. L'écart entre l'idéal professé par la nation française et la réalité vécue par celles et ceux qui y vivent. Le point de départ du wokisme est simple. Ce n'est pas parce qu'on se prétend aveugle aux différences que celles-ci n'existent pas. L'universalisme ferme les yeux quand le wokisme les garde grand ouverts. Mais est-ce que wokisme et universalisme s'opposent réellement ? On aurait d'un côté un universalisme abstrait, théorique, républicain, et de l'autre un wokisme obsédé par la singularité et l'identité, rejetant avec force toute prétention universelle et pouvant mener au repli sur soi. Il me semble que c'est bien mal comprendre les préoccupations de celles et ceux qui sont qualifiés de wok. Ce qu'on appelle le wokisme, ce n'est pas le rejet de l'universalisme, Bien au contraire, c'est une manière de le faire advenir. Je m'explique. L'universel, comme je le disais, c'est un bel idéal. Mais c'est justement un idéal. Si on refuse de regarder la réalité concrète, les discriminations vécues par les individus, alors on est certain que l'universalisme ne se réalisera jamais. Si l'on refuse d'admettre qu'en France comme ailleurs, il y a du racisme, du sexisme, de l'homophobie, du validisme, parce que soi-disant on ne voit pas les couleurs, le genre, l'orientation sexuelle et le handicap, alors on n'est pas prêt de régler les problèmes. Le wokisme, à l'inverse, c'est une approche empirique, concrète, qui se confronte aux inégalités, aux injustices vécues, afin de les résorber. Et oui, le meilleur moyen de régler un problème, c'est d'abord d'en admettre l'existence. Dans ce cas, on pourrait même définir le wokisme comme une conception pragmatique de l'universalisme. Non pas un universalisme abstrait et aveugle au réel, mais la construction progressive d'une réalité concrète, effective, qui ne nierait pas les différences entre les individus, le genre, la race, etc., mais ferait en sorte que ces différences ne soient pas une source de hiérarchisation et de discrimination. C'est donc pas une menace pour l'universalisme, c'est au contraire sa meilleure chance de s'incarner. C'est une réflexion sur les étapes concrètes, progressives, pour faire advenir une véritable égalité des droits. Alors, si le wokisme, c'est simplement la recherche concrète de l'égalité et de la justice, comment expliquer qu'il soit à ce point diabolisé, accusé de générer du communautarisme et du racisme ? En fait, lorsqu'on écoute les critiques du wokisme, on se rend compte qu'ils confondent le point de départ et l'horizon. Le wokisme reconnaît, et c'est son point de départ, les différences concrètes, réelles, entre les différents groupes sociaux. Mais son horizon n'est pas de maintenir ces différences. C'est de permettre une véritable égalité des droits et une coexistence qui ne serait pas synonyme de discrimination. Prenons le cas du féminisme, par exemple. L'objectif n'est pas de prôner une séparation entre les hommes et les femmes. mais de partir du constat réel de cette différence, précisément pour la défaire. À nouveau, je me dois d'être prudente. Il n'y a pas un seul courant du féminisme, et tous les courants n'ont pas le même objectif et la même conception. En revanche, ce qui est certain, c'est que les caricatures du féminisme se ressemblent toutes. Elles dépeignent des femmes agressives et violentes, cherchant à exterminer les hommes. Là encore, le wokisme n'existe que par la caricature qui en est faite, et a pour résultat de ne pas améliorer la situation concrète des femmes et de faire perdurer un statu quo, en prétendant être aveugle aux différences et surtout aux dynamiques de pouvoir et aux structures de domination. Il en va de même pour le racisme. Les mouvements antiracistes ne sont pas séparatistes ou communautaristes, ils réclament simplement que le racisme qu'ils subissent soit reconnu, pris en compte, et qu'il soit pris des mesures pour l'enrayer. Il ne s'agit en aucun cas de définir certaines communautés de manière immuable, comme si elles avaient une identité figée, absolue, mais de se confronter aux dynamiques concrètes qui existent dans la société. C'est ce que désigne par exemple le terme racisé Il ne s'agit pas de dire que la race existe de manière biologique, mais qu'elle existe de manière sociale, qu'elle a des effets réels, qu'elle imprègne les imaginaires et les représentations, et qu'elle conduit à des discriminations. Être racisé ? c'est subir le racisme, et non pas appartenir à une certaine race, comme si celle-ci existait de manière biologique, indépendamment du regard de l'autre. Dans ce cas, le wokisme, ce n'est pas un repli sur soi, sur son identité, c'est au contraire une manière de faire droit aux différentes identités dans l'espace public. C'est une manière de faire entendre les injustices réelles, plutôt que de les disqualifier au nom d'un idéal abstrait et théorique. C'est une manière de s'approcher au plus près du vécu, de celles et ceux qui composent la société et de faire droit aux identités plurielles. Compris de la sorte, on voit bien que le wokisme n'est pas un dogmatisme ou un séparatisme. Bien au contraire, c'est une vigilance, une exigence éthique qui cherche à faire advenir concrètement l'idéal de justice censé fonder nos sociétés. C'est la construction d'un universalisme concret, pragmatique, qui ne nie pas la différence ni les singularités. Et s'il est si souvent caricaturé, c'est à mon avis parce qu'il touche à l'arrogance française, à son complexe de supériorité, et bien sûr, au privilège de celles et ceux qui profitent des discriminations et des injustices. Alors, le wokisme est-il un danger pour la France ? Est-il en contradiction avec l'histoire française, comme l'affirme Emmanuel Macron ? Je ne pense pas. D'ailleurs... Saviez-vous qui sont considérés comme des inspirateurs du wokisme aujourd'hui ? Les philosophes français de la French Theory, c'est-à-dire Foucault, Deleuze et Derrida, qui chacun à leur manière proposent une philosophie critique qui cherche à analyser les constructions sociales, la construction aussi du langage et des concepts, la constitution du savoir et les dynamiques de pouvoir. Dans les années 1970, leur philosophie connaît un succès retentissant aux Etats-Unis qui irrigue tout un courant philosophique qui nous est ensuite revenu sous la forme du wokisme. Finalement, le wokisme, c'est le rayonnement français. Alors, entre les Lumières françaises, comme Voltaire, Rousseau, Diderot et Montesquieu, et la French Theory, comme Foucault, Deleuze et Derrida, il n'y a certes pas la même approche conceptuelle, mais il y a bien un souci de justice commun. Et je ne sais pas vous, mais moi, j'aime bien cette définition de la France. Et il va falloir la défendre. Parce qu'en ce moment... ce qu'on entend comme discours, c'est plutôt nauséabond. Quand le ministre de l'Intérieur dit fièrement que l'immigration n'est pas une chance et que l'état de droit n'est ni intangible ni sacré, il faut quand même se rendre compte que la menace, elle ne vient pas des militants woke qui défendent la justice sociale. La plus grande menace, elle vient clairement de ceux qui nous gouvernent. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie, qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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