- Uriell
L'écho des papillons, des ailes et de l'espoir face au cancer. ...
- Claudie
Mémento mori, n'oublie pas que tu vas mourir. Quand un général romain revenait de la guerre, couvert de gloire à Rome, sur son char, il y avait toujours un esclave qui lui chuchotait à l'oreille, n'oublie pas que tu vas mourir. Je suis un soldat. Je suis sur le... champ de bataille depuis toujours, le glaive à la main et je combat tout. Ma spiritualité je la trouve dans la littérature, dans la peinture, dans les arts et dans l'amour. Je crois beaucoup, beaucoup, beaucoup dans l'amour, les enfants, les soeurs, la meute.
- Uriell
Bonjour je m'appelle Uriell, Uriell avec deux L comme un papillon, symbole de résilience et de renaissance. Née de mon propre parcours face à un cancer colorectal, j'ai créé l'Echo des papillons, un podcast nomade réalisé à vélo et en camion. Mon but ? Recueillir sur ma route toute forme d'initiatives et de parcours, source d'espoir, afin de transmettre à mon tour un peu de lumière aux personnes touchées par un cancer. Cheminer avec moi au cœur de conversations intimes et conviviales, partagées avec des hommes et des femmes qui ont transformé la maladie en force. Découvrez aussi une approche novatrice, globale et prometteuse dans le traitement du cancer, appelée oncologie intégrative. Et parce qu'être malade ne signifie pas renoncer à ses rêves, suivez-moi sur ma route dans mes réflexions et conseils personnels sur le voyage avec un cancer. Que ces dialogues et ces ressources vous aident à déployer vos ailes et dessiner votre chemin sur la voie de l'espoir et de la transformation, à l'image de la chrysalide qui devient papillon. Bon voyage sonore ! L'écho des papillons sort désormais un épisode par mois pour suivre un rythme plus doux et durable. Parfois, le rire devient une arme face à la maladie. D'autres fois, c'est l'art, la peinture ou les mots qui servent de refuge, de champ de bataille ou d'éclat de lumière dans l'obscurité. Et puis, il y a la forêt, le monde animal... et l'amour qui se dresse comme des piliers pour tenir debout coûte que coûte. Aujourd'hui, je vous emmène à la rencontre de Claudie, aux abords de la forêt de Brosséliande, en Bretagne. Artiste plasticienne de 55 ans, Claudie fut la toute première invitée de mon podcast. Elle m'a généreusement accueillie dans son antre, juste avant mon départ dans le sud de la France, dans un lieu à l'image des mille vies qu'elle a traversées. Scénographe, grand reporter de guerre, voyageuse, membre de la Société des Explorateurs Français, mère et sœur. Claudie s'est toujours définie comme une combattante, un soldat sur le champ de bataille selon ses propres mots. Lorsque le cancer du sein est entré dans sa vie en 2021, elle l'a accueillie sans surprise, presque avec calme, prête à relever le défi. Dans cet épisode, Claudie nous parle de sa force, de ses fragilités, de sa meute qui l'entoure. et de sa manière singulière de tenir tête à la maladie. Nous avons aussi parlé de la peinture, véritable catharsis personnel, de la mort, de dénuement, d'humilité et d'amour, qui reste pour elle la plus belle forme de spiritualité. Voici un récit puissant, brut et lumineux à la fois, qui rappelle que derrière chaque combat, il y a aussi des éclats de joie, de grâce et de beauté. Bienvenue dans ce nouvel épisode de l'écho des papillons avec mon invité Claudie. Bonne escale sonore. Claudie, bonjour.
- Claudie
Bonjour.
- Uriell
Je te propose de commencer l'interview en piochant la première carte qui est devant toi.
- Claudie
Claudie, qui es-tu ? A quoi ressembles-tu ? Alors, je suis de sexe féminin. Je suis une maman de 55 ans. C'est une question ouverte, donc j'ai un parcours. multidirectionnelle. J'ai rempli beaucoup de fonctions différentes. Aujourd'hui, je suis artiste plasticienne. Mais j'ai fait plein d'autres choses avant. On y reviendra peut-être. Et à quoi ressembles-tu ? À quelqu'un d'extrêmement joyeux, mais c'est un manteau d'éclat de rire qui cache un immense chagrin, si cela peut me définir, depuis toujours. Alors la question numéro 2. Un jour, on t'a annoncé que tu avais un cancer. Quels sont tes souvenirs de cette journée ? Quelle était ta réaction ? Alors, aussi étonnant que ça puisse paraître, le jour où on m'annonçait que j'avais un cancer du sein, j'étais extrêmement calme pour quelqu'un d'hyper nerveux, et c'était... Je le savais, ça allait venir, je le savais, puisque tout le monde avait eu un cancer du sein, ma sœur dix ans avant moi, c'était évident que ça allait me tomber au coin de la figure, je le savais pour plein d'autres raisons, parce que je venais de traverser des épreuves extrêmement complexes, et que ça devait se terminer par ce point final, qui veut dire que... quelque chose se termine pour que quelque chose commence derrière, ou pas. Donc je n'étais absolument pas étonnée, très calme. Et ma réaction a été « let's go » . « Let's go, prête pour le combat, pour le challenge. » Avant d'avoir fait les biopsies et tout le protocole qu'on connaît. Je crois que personne n'a été tellement surpris. Je me vois dans ma voiture, étonnamment, sortir du labo, extrêmement calme, convaincue, enfin pas du tout étonnée, pas surprise d'un iota. Je sais que ma sœur... Il fallait que je la prévienne en premier quand même. Et puis mes enfants après, voilà, c'était ça un peu l'épreuve, mais le reste non. Alors après j'ai eu une série de biopsies, c'était complexe parce que comme il y avait eu le précédent avec ma sœur aînée et que j'avais une grand-mère qui était décédée de ça et que ma sœur avait été soignée à Eugène Marquis, ils avaient tout le dossier et qu'ils hésitent quand même à opérer. Ça a été une décision très collégiale, donc ils m'ont fait deux biopsies. C'est pour ça qu'il me semble que c'était avant l'été, le temps qu'ils refassent ces biopsies. Et en fait, ils ont comparé les deux dossiers, celui de ma sœur et du mien, pour savoir s'il fallait qu'ils interviennent. Et en fait, c'était une masse dans le sein gauche qui était... C'est pas dégueulasse, quoi. Un début de cancer, quoi.
- Uriell
Une tumeur, comme on peut dire.
- Claudie
Voilà, alors une tumeur. Un truc pas beau. Et après, ça allait très, très, très vite. C'est vrai que c'est passé assez vite toute cette période. Ça continue à avoir ma vie normale.
- Uriell
Tu as contiuné à bosser ?
- Claudie
Évidemment, surtout ! Avec une énergie décuplée, une pêche d'enfer. J'ai fait que rire. J'ai ri comme... J'adore rire déjà. Mais alors j'ai ri jusqu'à la fin. Jusqu'à l'entrée au bloc et après. Mais ri... Donc on a tous ri. La chirurgienne, les infirmières, la fille qui faisait la ponction. On a fait que rire. J'arrivais à l'hôpital, la médecin de Marquis disait Ah, super ! super, avec le diable, on va rigoler.
- Uriell
Tu me donnes envie de rire.
- Claudie
Je riais, mais vraiment aux larmes. Je ne faisais que l'endouche, le singe, j'aidais, parce que moi, il faut que je comprenne toujours, il faut que j'intervienne et je déteste être instrumentalisée, chosifiée. Donc, je me rappelle très bien que la biopsie, la deuxième, ils ont un peu galéré. Et surtout, une troisième fois, ils m'ont posé un fil en métal pour guider la chirurgienne. Donc, c'était la veille du passage au bloc. C'était une radiologue interventionnelle qui galérait, parce que j'avais des tissus tellement denses et dégueulasses qu'elle n'arrivait pas. Et à un moment donné, je lui ai dit, écoutez, docteur, je vais le faire. Et elle me dit, vous êtes sûre ? Je lui ai dit, oui, on va passer Noël. Ça faisait déjà une heure qu'on était là. Je lui ai dit, montrez-moi la radio. C'est quoi le geste ? Elle me dit, ouais, je me suis dit, passez-moi, donnez-moi les gants. J'ai poussé un grand coup. Mais elle avait confiance en moi. Voilà. Donc, j'ai dit, on va faire ensemble tout ça. Au moins, on rigole. Du coup, on a beaucoup rigolé. elle me parlait de ses gosses. Et je ne sais pas, c'était un truc très, très, très, très transparent. Pour le coup,
- Uriell
on peut dire que tu étais actrice quand même de ton soin.
- Claudie
Complètement actrice. Même avec l'oncologue Dr Robert Onari, elle était splendide. Je la trouvais magnifique. Je suis une plasticienne, moi, donc je regarde beaucoup les corps et tout ça. C'est très punk. Mais elle s'appelait Dr Robert. Elle opère de cancer du sein. Elle a une poitrine splendide. Je n'ai absolument pas de poitrine. Donc, je lui disais, mais c'est stupéfiant d'être aussi belle avec des seins aussi beaux. En plus, elle me montrait sur elle, enfin, à travers son vêtement. Alors, je vais vous faire ça. Je me dis, vous êtes tellement belles. Je suis flattée d'être opérée par une femme aussi. Vous êtes tellement féminines. Bon, elle était très contente. Oui. C'était très étonnant.
- Uriell
Oui, tu as ton côté spontané, j'ai l'impression.
- Claudie
C'est vrai. Oui. Oui, et puis surtout, ne pas pleurer. J'ai été grand porteur de guerre. Et ça doit être... Très certainement, ça ne me passe pas de traumatique. Les larmes ne coulent pas de mes yeux. J'encaisse, ce n'est pas génial non plus. C'est bien de pleurer. Moi, j'en vis en même temps. Je ne veux pas te dire que je n'en vis pas. J'en vis énormément les gens qui pleurent beaucoup. En fait, c'est une purge. Ça soulage quand même. C'est magnifique. Mais je n'y arrive pas. Quelle est la chose la plus importante que tu as faite juste après ? J'étais en expo avec un collectif d'artistes et je suis arrivée à l'expo. Au vernissage, en fait j'ai un cancer et tout, on m'a dit et je dis là, ne faites pas cette tête là. « Ah non, ça va, on va pas y passer Noël, vas-y, on y va, vernissage, et puis un coup, on se calme, on y va. » Je voulais surtout pas qu'on pose un regard sur moi en se disant… Parce que quand même, c'est toujours ce truc où t'as l'impression que les gens ont peur que ce soit… Contagieux. Contagieux. C'est dingue. C'est ça. C'est pas contagieux, ils sont pas débiles, mais comme si la misère, cette espèce de misère médicale, allait leur tomber au coin de la truche. Parce qu'en fait, chacun se mire dans le regard de l'autre. Les gens, ils ne sont pas désespérés pour toi, ils sont désespérés pour eux.
- Uriell
Ils ont peur pour eux, bien sûr.
- Claudie
Ils compatissent, mais c'est pour eux. Ils ont peur pour eux. Ils ont peur parce qu'ils se retrouvent face à l'hypothétique idée que tu vas mourir. Donc, ils vont mourir. Et c'est juste parce qu'on va mourir quand même. Donc, voilà, tu les regardes, ils sont sidérés. Or, on va mourir plus ou moins vite ou lentement. Moi, j'ai tout de suite dit à tout le monde, le truc improbable à mes enfants, en leur disant, et à mes sœurs, alors si je meurs je vous en supplie vous me jetez aux sangliers dans la forêt. Je ne veux pas qu'on me foute dans le four et tout le bordel, et en disant, ça va être compliqué, il va falloir porter le corps. C'est toujours un corps mort, c'est assez lourd, mais vous allez trouver une solution. Et en fait, très vite, mes frangines et mes enfants, ils disaient, mais ça va être très compliqué, maman, on va aller en prison. Je dis, je ne sais pas, si vous faites... Tu vois, c'était devenu un sujet assez sérieux parce qu'il fallait quand même que je leur glisse l'idée que s'il m'arrivait une tuile, comment on faisait, quoi. Eh oui,
- Uriell
bien sûr.
- Claudie
Comment s'est déroulé ton parcours de soins ? Merveilleusement bien. Oui, alors entre-temps aussi, j'ai fait deux choses. Ça s'est très, très, très, très bien passé parce que je n'ai jamais fumé de joint. Mais comme on est dans la grande époque où l'herbe, c'est très thérapeutique, je me suis dit, il faut que je fume de l'herbe. Donc, mes bio, local, machin. Donc, j'ai fumé de l'herbe pendant tout mon traitement. Donc, comme je n'avais jamais fumé, j'ai fait que rire, rire, rire. J'ai fait que rire, en fait. en disant à l'oncologue je me suis mise à la beuh et après avoir un peu fait une petite posture de médecin elle a dit bon finalement c'est pas mal qu'est-ce qu'on se marre voilà et j'ai arrêté à la fin ça c'est quand même très étonnant et comme des crises de fourrir alors je fumais un petit peu une petite dose parce que quand même voilà et après j'ai tout pris j'ai tout jeté et comment s'est déroulé ton parcours de soins ça a été drôle jusqu'à la fin parce que quand je suis revenue c'est ça je n'avais pas dit ça, je suis revenue à l'hôpital et après j'ai eu un délire sur le soin C'est que moi je suis très militante, il ne faut pas creuser le trou de la sécurité sociale. Donc je vais avoir un infirmier à domicile. Pendant une semaine, premier jour, ils arrivent et je me dis que ce n'est pas possible. Ils se déplacent, ça coûte cher, peut-être que quelqu'un a plus besoin de moi, parce que j'ai ce délire-là aussi. Je dis écoutez, je vais faire les pansements même en fait. C'est comme la lune, je nettoie, je sais faire, j'ai fait les chiens, j'ai fait les brebis, je vais bien réussir à me faire la plaie. Donc ils ont eu du mal à céder, mais ils ont cédé. Et après, je leur ai dit, par contre, je ne veux absolument pas garder des montagnes de pansements parce qu'il y a des manques énormes. Donc, je les ai rappelés. Ils sont venus chercher tout. Ils m'ont dit, vous n'avez pas idée comme ça nous dépanne. Donc, je leur ai tout rendu. Tout jusqu'aux gants en plastique. Tout, tout, tout, tout, tout. En disant, pas de trou dans la sécurité sociale. Quelqu'un a besoin. Ça, c'est rigolo. C'est une petite anecdote.
- Uriell
Tu t'es fait opérer ?
- Claudie
Oui.
- Uriell
Mais tu n'as pas eu de chimio ?
- Claudie
Alors après, c'est reparti pendant... C'est quoi ? Dix jours ou trois semaines ? De quoi ? pour savoir si j'allais avoir de la radio la chimio, ils ont considéré qu'ils arrêtaient là, avec une surveillance accrue Quel a été ton parcours émotionnel psychologique et spirituel ? Alors, et où ? Alors, émotionnel, je crois que j'ai un peu brossé le portrait psychologique, alors après je suis vraiment taillée pour porter l'armure et le glaive. Je suis née comme ça, maman m'appelait mon petit soldat. Or, je ne comprenais pas quand j'étais petite, mais elle avait eu la vision. Je suis un soldat. Je suis sur le champ de bataille depuis toujours, le glaive à la main et je combats tout le temps, de façon permanente, ces terrains de temps, en sachant qu'à un moment donné, tu peux prendre un coup de toi-même et rester. Mais c'est comme ça, c'est mon karma. Alors ça, c'est mon karma, je le sais. Moi, ça mérite d'être clair, psychologiquement, je le sais. et spirituelle, je ne crois pas en Dieu, je n'ai jamais rencontré cet homme-là. Et je ne suis surtout pas versée dans les choses ésotériques. Nous ne sommes qu'une enveloppe corporelle avec un système extrêmement à l'équilibre qui fonctionne bien. Quand ils dysfonctionnent, c'est comme ça. Ma spiritualité, je la trouve dans la littérature, dans la peinture, dans les arts et dans l'amour. Je crois beaucoup, beaucoup, beaucoup dans l'amour. À l'instant, les enfants, les sœurs, la meute. C'est animal.
- Uriell
Je trouve que c'est une belle spiritualité.
- Claudie
C'est du boulot. Je n'ai pas besoin de faire des trucs. Ce n'est pas trop mon délire non plus.
- Uriell
Tu ne t'es pas mise à méditer pendant...
- Claudie
Je ne peux pas, je suis hyper nerveuse. Non,
- Uriell
tu ne peux pas. Non, non. Parce que toi, tu es plutôt du genre à être toujours dans l'action. Donc, ce n'est pas possible.
- Claudie
Je suis hyper active. Oui. Alors où en es-tu avec le cancer aujourd'hui ? Je suis en affection longue durée, il me reste un an et demi. Ma dernière mammo, pas d'évolution. Ça c'est physiquement, psychologiquement, l'après n'est pas simple. Après avoir fait ma crâneuse pendant dix minutes, je me suis complètement écroulée psychologiquement. Après là, je dirais la deuxième mammo... Première maman post-bloc, c'était à deux mois. La deuxième, six mois. Là, je me suis effondrée. En fait, je me suis rendue compte que je ne pouvais pas mourir pour mes enfants et mes sœurs. Elles allaient mourir de chagrin. Et je me suis dit, putain, je suis prise en otage. Et je ne peux pas faire ça à mes gosses. Et j'ai commencé à flipper.
- Uriell
C'est là que tu t'es rendue compte finalement de la réalité, peut-être uniquement à ce moment-là ?
- Claudie
Je me suis reconnectée. J'ai replugué la prise centrale. J'avais déplugué la prise centrale de l'émotion. mais je savais faire parce que quand tu es en zone de conflit... Tu prends la prise avant de partir, tu l'arraches et tu la revanches en revenant. Quand tu es là-bas, il peut se passer n'importe quoi. Quand tu fais bien le boulot, il ne faut pas que tu t'effondres. Je ne dis pas que ça ne te touche pas. Mais si tu veux, tu dois être un peu stoïque en fait. C'est le stoïcisme. Parce qu'il faut raconter au plus près de ce que tu as vu. Donc ça, je savais faire. J'allais dépluguer. Quand j'ai replugué, ça n'a pas été simple. Voilà. Et je suis encore dans cette queue de comète. Ce n'est pas si vieux que ça. je suis encore dans cette fragilité quand même et je le vois dans le regard de mes enfants Ce qui a changé foncièrement, c'est que je suis passée de la super maman à mes enfants vont porter mes sacs, mes enfants vont me dire « Maman, ça va ? Maman, t'as l'air triste. » Or, ils ne me l'ont jamais demandé avant. Et j'ai même parlé avec mon petit garçon qui a 15 ans l'autre jour en lui disant « Mais chérie, parce que j'ai eu plein d'autres problèmes de santé après, on s'en fout, peu importe. » Donc, je pense que c'est lié aussi à cette fragilité psychologique qui s'est mise en place. la colopathie fonctionnelle, des calcifications partout, les bras douloureux. Mon fils, je ne peux pas descendre la voiture sans qu'il me porte les sacs. L'autre jour, je lui ai dit « Mon chéri, tu as 15 ans, j'en ai 55. Or, je suis ta maman, j'ai l'impression que tu t'occupes d'une vieille femme malade. » Il me dit « Non, c'est mon job, maman, de prendre soin de toi. » Je lui dis « Non, maintenant, on va prendre soin de toi. » « Maintenant, on va prendre soin de toi. » Je l'ai très bien entendu. ils se sont rendu compte qu'ils ont compris que j'étais mortel et ils ont peur. Ma fille, elle est orpheline de père. Son père a été assassiné quand elle avait 7 ans en Amazonie. Elle était une remportaire photographe. Donc, ça a été extrêmement violent. Donc, elle me dit, je ne peux pas être orpheline. Maman, tu ne peux pas mourir. En fait, elle me l'a dit carrément.
- Uriell
Donc, ça te renvoie à leur peur, forcément.
- Claudie
Toujours la responsabilité.
- Uriell
Mais en même temps, c'est peut-être aussi quelque part ce qui te tient doublement. Oui,
- Claudie
mais ça m'a fragilisée. Tu vois ? Du coup, truc que je ne faisais jamais. Si ils m'ont trouvé la colopathie fonctionnelle, c'est parce qu'avant j'aurais eu ultra mal au bide à me traîner pendant des mois, je n'aurais pas été consultée. Or je me suis dit, malheureuse, malheureuse, si t'es en plus maintenant, t'as un cancer colérectal comme maman là, les enfants ils sont pas convaincs quand ils me voient plier en deux. Allez hop, avant je faisais pas. Donc c'est une forme de fragilité quand même.
- Uriell
T'es plus attentive peut-être aussi à ton corps ?
- Claudie
Oui peut-être aussi, que j'ai peut-être un peu plus... soumis à des contraintes avant. C'est vrai. C'est un mal pour un bien aussi. Il faut voir le positif.
- Uriell
Oui, c'est ça. Écoute, on va passer à la deuxième partie alors.
- Claudie
Oui.
- Uriell
Je fais une courte pause pour vous dire que si ce podcast libre et artisanal vous touche, vous inspire ou vous fait du bien, pensez à le partager, à vous abonner ou à semer quelques étoiles sur votre plateforme préférée. C'est grâce à vos petits gestes que l'écho des papillons peut continuer de voyager plus loin.
- Claudie
Alors, avant le cancer, tu étais. Après le cancer, tu es. J'étais de tout et beaucoup, à fond tout le temps, no limit, toujours au bord du précipice. J'adorais ça, j'adorais le sentiment de vertige, j'adorais les abîmes. J'avais un côté extrêmement obscur, qui est très solaire. Enfin, je me cachais derrière, dans le noir, tout en pensant que j'étais dans la lumière.
- Uriell
Obscur, mais solaire,
- Claudie
tu as dit. Enfin, dans la parade. Donc toujours se rire, dévorer de douleur, et puis quand même beaucoup dans des choses obscures. J'étais obscure, je suis née obscure, j'ai quelque chose d'obscur. Après le cancer, ça a donné un gros coup de frein. Comment c'était après le cancer ? Je suis descendue dans des vibrations plus basses. C'est-à-dire les pieds au bord du précipice, moins. De tout et beaucoup, non. Et puis l'hyper modération, tout.
- Uriell
En tout,
- Claudie
donc par exemple ? Le dénuement, solitude, je suis quelqu'un qui a une toute petite batterie sociale, mais je cultive énormément la solitude, ça c'est vraiment, ça a été après, ça a été des immenses moments seuls, qui ne sont pas confortables, mais dans lesquels je peux souffler, qui peuvent durer longtemps, des semaines toutes seules, parce que ma fille est... une partie de la maison. Et mon fils, jusqu'en septembre, a été élevé par son père à Paris. La décroissance absolue en tout. Un frigo vide.
- Uriell
Comment tu expliques ça, en fait ?
- Claudie
Pour être au plus proche de moi-même. Qu'il n'y ait aucun leurre qui me sépare de ma propre image. Tu vois ? Aucun effet de miroir. Aucun artifice. C'est presque une quête, en fait. Donc oui, c'est une forme de quête spirituelle, d'ailleurs. Mais au plus près de moi-même. Pas de biais. Voilà. Donc, je mange peu, je dors peu, je cultive la solitude, je lis énormément, je me suis donné plus de… Je suis allée plus sur l'os, quoi. J'ai enlevé toute la chair. C'est compliqué à expliquer, c'est aussi un travail pictural que j'opère en atelier avec ma peinture. Aller à l'os, sur le squelette, quoi. Je ne veux pas me leurrer, je ne veux pas de leurre. Je veux être au plus proche de moi-même. Très ascétique. Je fais de la gymnastique. Il y a une rigueur. Je suis dans une espèce d'hyper rigueur de vie. J'étais déjà assez rigoureuse. Mais là, tout est rigueur. Comme un socle sur lequel je peux vraiment me maintenir debout. Je trouve que c'est un énorme booster cérébral et intellectuel. Ça me permet d'avoir de plus grands espaces de réflexion. De ne pas m'égarer d'être dans mon truc de réflexion. D'accord. C'est un peu la bonne sagesse. Tu sais, dans les trois cultures abramiques, on dit à 20 ans, tu t'amuses. À 40 ans, tu te calmes. à 50 ans tu pries. Bon ben moi je ne peux pas prier parce que je ne crois pas en Dieu. Donc quelque part c'est quand même un cycle totalement normal. Une personne ou un animal associé à ta résilience ? Une personne, écoute je vais quand même dire que ma grande sœur était là tout le temps pour moi. D'ailleurs j'aurais pu très bien aller à l'hôpital avec quelqu'un d'autre. Or non, c'était une évidence, comme maman nous a quittés, ma sœur aînée nous a un peu imposé la place de maman. parfois avec mon autre frangine, et puis en fait quand ça va pas c'est quand même ma grande soeur qui vient. Je ne peux pas, on est tout le temps ensemble. Elle habite à trois kilomètres d'ici, ma soeur a été là pour moi. Ça c'est ma grande soeur. J'adore mes frangines pareil, je les aime à la folie mais j'ai une soeur qui est plus éloignée. Ma grande soeur en plus elle avait traversé l'épreuve. Et pourquoi elle est associée à ma résilience c'est vrai, ma soeur quand elle a eu son cancer, donc elle avait, ils l'ont amputée d'un sein, elle avait plus de cheveux, plus de cils, plus rien, plus rien. Et moi en tant que plasticienne j'étais en état d'admiration devant ce corps que je trouvais tellement narratif. Et je passais longtemps à dire « mais qu'est-ce que t'es belle, mais qu'est-ce que t'es belle, mais mets-toi toute nue pour voir comme t'es belle, c'est incroyable d'avoir qu'un sein et pas l'autre, mais ce corps est incroyable, quelle histoire tu portes dans ton corps ! » Vous voyez, j'ai ma sœur. Un objet, plein d'objets, plein d'objets, oui c'est vrai qu'il y a plein de choses qui s'entremêlent quand même dans une aventure comme celle-là. Si quand même, alors tu vois, je vais me défausser à la mort, il s'avère que j'ai décidé de me réconcilier avec mes origines et sachant que notre papette Ashkenaz et que ça a été un énorme problème familial, c'est un peu long, compliqué, ce serait l'objet justement d'une autre conversation. J'ai posé une mezouza sur ma porte. La mezouza, c'est pour appeler Hachem l'abondance et la protection de la maison. Voilà, c'était ma coquetterie. J'ai la ménorah avec les chandelles. C'était ma coquetterie. C'était une forme de coquetterie que je me suis octroyée en me disant « Ah, je vais renouer des liens. » On va dire que ça peut être un objet, c'est rigolo. Un lieu. Un paysage, la forêt. La forêt, c'est la matrice. C'est un utérus, c'est la mer, la forêt. Elle prend, elle bouscule, elle est humide, elle est boueuse parfois, elle te rejette. C'est dangereux quand il y a du vent, mais elle te protège. On se cache en forêt, et quand on se cache, on voit mieux les autres. On voit tout ce qui s'y passe. J'adore la forêt. J'ai marché des heures en forêt. Je ne peux pas me perdre en forêt. Je sais tout. Je redeviens un animal, une bête. C'est mon univers total. Une musique, une chanson. J'ai honte de dire ce que j'écoutais. Alors, pendant que j'étais malade ?
- Uriell
Alors oui, pendant que tu étais malade, ou même après.
- Claudie
Non, parce que ça vaut son pesant de cacahuètes quand même. Non, celle-là, elle est quand même cortiquée. Je ne peux même pas expliquer pourquoi. Tu vas hurler de rire, Uriel. Imagine seulement que je suis férue de rap. Et puis le gros rap sale, c'est-à-dire pute toutes les trois secondes. Truc immonde. Ultra violent, j'adore. Je me gave jusqu'à l'overdose. Et grand écart de musique classique. Mozart, Bach, etc.
- Uriell
Donc avec la maladie ?
- Claudie
Non, globalement. On m'apprend que je suis malade, alors ça c'est rigolo. Je te jure, je ne sais absolument pas par quel truchement. J'ai écouté que Céline Dion. Mais pourquoi ?
- Uriell
Oui, en effet.
- Claudie
Du début jusqu'au dernier jour. Mais en cachette. Pour pas que les enfants se disent « ma maman a pété un câble » . Céline Or, elle est fort charmante cette femme, mais je ne l'ai jamais écoutée, je déteste ce genre de musique en fait pour tout te dire. J'avais téléchargé l'album en cachette et j'écoutais avec des écouteurs toute la journée. Pourquoi ? Est-ce que tu as eu ça toi ? Non. Céline Or ?
- Uriell
Non, pas moi, je n'ai pas du tout mis sur pied vers une musique que je n'écoutais pas avant ou ce genre de choses. Et encore moins focalisée sur une seule.
- Claudie
Et puis un album, je ne me souviens plus du nom, cet album-là, donc j'ai dû l'écouter 95 fois.
- Uriell
C'est marrant, c'est comme la beuh, en fait, on a l'impression que quand tu fais un truc, c'est à fond.
- Claudie
Je suis moins obsessionnelle. Voilà,
- Uriell
à fond et après t'as arrêté ?
- Claudie
J'ai pu jamais écouter de ma vie. Mais qu'est-ce qui m'a... Je ne sais pas. Ça, c'est rigolo. On est d'accord. C'est rigolo. Oui,
- Uriell
oui, c'est pas mal.
- Claudie
C'est immense, c'est gigantesque. Je veux, voilà. Une activité.
- Uriell
En qui t'aurait aidé ?
- Claudie
La peinture. Ah oui, ça je m'en doutais. Alors, j'ai fait toute la série cancer en peinture. Je ne les ai jamais vendues. Je n'ai pas dit, après c'est parti en expo. Les gens m'ont dit, ah oui quand même, c'est violent. Donc des corps de femmes avec... Ah oui, c'est vrai, t'as raison. Pareil, je trace, j'oublie. Je les ai encore à l'atelier. Je n'ai fait que ça. Donc des femmes affaissées, au sol. Avec des... Comme tu sais, jamais, il y a des métastases. Donc, j'avais fait plein de végétales qui sortaient des seins ultra... glauques. Glauques.
- Speaker #0
Mais ça, j'imagine que ça t'a permis de faire sortir...
- Claudie
Donc, je n'ai fait que peindre ces femmes, en fait, dans des flaques de sang offertes, vieilles, grimaçantes. Je peignais à la mort. Oui. Ça m'a vachement aidée. C'était un résultat.
- Speaker #0
Ouais. C'est rapetit, quoi.
- Claudie
Complètement. Puis dès que c'est fini, j'ai arrêté. Je suis passée à autre chose.
- Speaker #0
Non, la peinture, par contre, non. T'as pas passé à autre chose.
- Claudie
Ah non, j'ai pas arrêté la peinture.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, j'en viens à te demander, parce que tu dis que tu es plasticienne. Donc, c'est ton premier... Ta formation, hein ?
- Claudie
Moi, j'ai fait l'école des Beaux-Arts, moi. Voilà.
- Speaker #0
Mais après, t'es allée totalement dans...
- Claudie
Non, après, j'étais scénographe pour le théâtre. Ensuite, c'était trop... trop, il faut une grosse batterie sociale, tu pars en expédition, tu pars en tournée pendant six mois, je devenais cinglée. Je voyageais déjà énormément, je suis devenue journaliste, puis grand reporter, j'ai fait un premier contact en Amazonie avec une tribu isolée. Je suis devenue membre de la Société des Explorateurs Français, le papa de ma fille est mort là-bas, j'étais très branchée autochtonie, bassin amazonien, mais aussi, j'ai passé beaucoup de temps avec les aborigènes en Australie. Et ensuite, j'ai fait un premier livre sur la Libye. Après, j'ai passé cinq ans à faire tous les souks du Maghreb et du Machrek, proche et Moyen-Orient. Puis après, j'ai été embauchée dans un magazine où j'étais grand portaire. Puis après, il y a eu le 11 septembre, tous mes contacts m'ont servi à devenir grand portaire de guerre. Et quand j'avais trop soif de sang et que j'étais toujours en quête d'adrénaline et que j'ai senti que ça devenait déviant, j'ai décroché, j'ai raccroché les gants, je suis rentrée, j'ai repris mes activités de plasticienne, j'ai fait la rotation. Je ne voulais pas ressembler à tous ces gens qui étaient capables de se battre pour partir en zone de conflit. Et j'ai commencé à leur ressembler, soyons clairs. Donc j'ai arrêté.
- Speaker #0
Donc quand tu t'es remis à peindre, c'était avant ? Ah oui, oui, oui. Le cancer,
- Claudie
ça n'a pas un lien avec... Non, non, mais je n'avais jamais arrêté non plus. Je faisais en même temps, mais moins.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Claudie
Une phrase, une citation, une blague.
- Speaker #0
J'en ai plein. Ce qui est magique dans la vie, c'est qu'à la fin, on disparaît tous. Pour moi, c'est la phrase. C'est extraordinaire.
- Claudie
Je précise, qui est dans tes toilettes.
- Speaker #0
Maintenant, je ne te cache pas que je suis couverte de tatouages. Ça ne se voit pas. Et ce sont que... J'ai la partie avant le cancer, ici.
- Claudie
Ah oui.
- Speaker #0
D'accord ? Donc, mes peines, mes chagrins, mes bonheurs. Mes combats, mes colères. Ni Dieu, ni maître. Ah oui, oui. Et de ce côté-là, je fais l'après-cancer. Igne, nature, arrêt, novature, intégrat. Le feu renouvelle tout dans la nature. Mémento mori, n'oublie pas que tu vas mourir. Tu connais Mémento mori ? Quand un général romain revenait de la guerre couvert de gloire à Rome, sur son chat, il y avait toujours un esclave qui lui chuchotait à l'oreille, n'oublie pas que tu vas mourir. Jamais d'orgueil, toujours de l'humilité. Solve eco agula, se dissoudre eco agulé. C'est des phrases alchimiques. Ah oui, homo bula est, l'homme est une bulle. parce que je suis fascinée par les vanités de l'école des flammes du XVIIe siècle dont ici il y a un travail je vois des crânes partout alors la vanité c'est ça l'homme est une bulle donc ce sont des crânes qu'on m'apporte, de moutons en l'occurrence là il y a un crâne de vache et un crâne de de poney très gros poney tout le monde me les a apportés et en fait je leur rends leur beauté tu vois c'est suéché ne jamais oublier que nous ne sommes à rien et surtout à l'équilibre avec le monde animal et végétal, ce qui pour moi, ça c'est mon rituel justement de me le rappeler tous les matins. Tu es à l'équilibre. Je ne tue rien chez moi. Moi, les fourmis comme habitent, les araignées, ce sont mes amis. Parce que je ne trouve pas que ma vie ait plus de valeur que la leur. Et en l'occurrence, aujourd'hui, leur vie a plus de valeur que la nôtre, tu vois, si on veut continuer. Voilà.
- Claudie
C'est très beau.
- Speaker #0
Ouais, alors c'est tout brodé. C'est un an de travail pratiquement. Ah ouais ? C'est que des ex-voto. Donc, j'en ai plein l'atelier. Ça part en expo cet été, j'en ai une dizaine. Et c'est ça, n'oublie pas que tu vas mourir. Une couleur, une odeur, un goût. La couleur avant ou après, ça a toujours été le rouge. C'est le sang. C'est le sang des règles. C'est le sang quand tu as mis au monde tes enfants. C'est le sang, c'est la vie. Quand il est rouge, il circule. C'est plutôt un bon indicateur. Et c'est le sang, c'est l'hypervie, le sang. C'est la vie, la mort, c'est l'odeur. L'odeur, moi j'aime l'odeur animale, bestiale en fait. Moi, pour l'odeur des corps, du corps, et un goût je ne sais plus. Des envies, pas spécifiquement.
- Claudie
Moi,
- Speaker #0
je vais goûter un thé gâteau.
- Claudie
Sans gluten et sans lactose.
- Speaker #0
Alors, une ou des ressources personnelles, spécifiquement. Tu sais, cette maladie, ça clôturait tellement de choses douloureuses que quelque part, ça a été cathartique. Dans le sens où, moi je suis morte. plusieurs fois dans ma vie. Vraiment. Je suis morte à 14 ans, parce que j'ai été abusée sexuellement. Je suis morte... Après, j'ai eu du mal quand même à me remettre. Ça m'a beaucoup affectée, même dans ma croissance, dans mon corps. C'est lié à ça. Je ressemble à mes sœurs, par un endroit, mais pas du tout. Mon corps est devenu très androgyne. Je suis morte quand je n'ai pas eu la garde de mon fils, pour des raisons qui étaient absolument pas recevables. parce que j'étais grande portière de guerre et qu'on m'a reproché que ce ne soit pas le métier d'une mère. Et pendant que je perdais ma maman, qui était pour moi d'ordre divin, elle relevait de l'ordre divin, c'était une déesse. J'étais courue d'avance qu'elle allait se terminer par ce genre de choses. Donc quelque part, la ressource, c'était le rebond. Tu vois ? T'arrives au fond, boum ! Le ressort, quoi. Moi, j'avais la patience. J'avais une patate. Ouh, j'étais... Comme sous coke. Une pêche ! Je t'aurais déplacé 14 montagnes.
- Claudie
Oui, mais il y avait une envie de vivre. Une fois,
- Speaker #0
une envie de vivre. C'est ça,
- Claudie
quoi.
- Speaker #0
Puis, la revanche, quoi. Je ne veux pas me laisser abattre, tu vois. Alors, certainement pas. Ça, non, jamais. Maman, elle ne serait pas fière de sa petite fille. Je vais lui montrer de quelle voie je suis faite. Ou un nom de Dieu. Comment c'est pas une super patate. Le rebond, le ressort. C'était ça ma ressource.
- Claudie
Ok.
- Speaker #0
Alors la phrase où le moins supportable, je vais te dire, c'est le crabe. Ça me fait violence. Je pourrais gifler la personne.
- Claudie
Et pourquoi ?
- Speaker #0
C'est immonde. C'est des gens qui ne veulent pas appeler un chat un chat. En plus, les crabes, c'est super sympathique. Pourquoi, pauvre bête, c'est hyper stigmatisant ? Ou tu as un cancer, ou tu n'en as pas un. La maladie, voilà. Mais le crabe, c'est encore une espèce de sémantique et de rhétorique où on n'appelle pas les choses. Et l'autre chose que je supporte... absolument pas, mais je comprends que ça ne soit pas facile pour les autres, c'est cette espèce de rouleau compresseur, ça va aller. Non, ça ne va pas aller. Comment te dire ? Tu ne sais même pas quel chouille t'as déchoppé si tu vas crever en trois mois. C'est insupportable. Chose que je m'interdis de faire pour les gens qui sont encore en thérapie et malades. Non, ça ne va pas. Il y a des moments, il y a quand même des traitements qui sont extrêmement douloureux, difficiles psychologiquement. aussi. C'est dense, donc ça ne va pas. Ça ne va pas, donc ça ne va pas. Tu sais bien. Même quand on t'opère de ce que j'ai eu, la chire ne te dit jamais « je vais faire ça » . Elle te dit « je vais essayer de faire ça » . Mais ils ne savent pas du tout. Comme ma sœur, quand ils ont ouvert, ce n'était pas du tout ce qu'ils prévoyaient. Ils avaient un peu anticipé. Ça a été plus compliqué. Donc non. En fait, les gens, c'est pareil. Ils se parlent à eux-mêmes. Bref.
- Claudie
Oui, ils ne sont pas dans la réalité, mais c'est vrai que c'est maladresse, je pense, évidemment, de la part des personnes qui ont envie d'être assurantes, mais bon.
- Speaker #0
La phrase ou le mot qui t'ont fait du bien ? Je crois que c'est « je t'aime » , quoi. Sans jugement, un truc qui vient du fond du bide, simplement. Ah oui, puis alors le larmoiement, les gens qui vous plaignent. Comment ça ne t'aide pas sur tout ça ? Ah, j'en supplie, est-ce que je peux t'emmener à l'hôpital ? Avec un air comme si c'était ton interlocuteur, en l'occurrence c'est un interlocuteur qui est souffrant. Ça me m'irrisse le poil. Donc la phrase qui me fait du bien, je pense que je t'aime, c'est chouette. Un truc simple, très dépouillé, mais sincère. toi, résilience rime avec permanence ? En tout cas, moi, me concernant, il faut que ce soit permanent, parce que ce n'est qu'une grande histoire de résilience depuis au moins quatre générations chez nous. Donc, il faut que ce soit permanence. Ça vient du cœur. C'est bien les questions comme ça, à l'aveugle, parce que tu ne peux pas trop anticiper. À qui as-tu envie de dire merci aujourd'hui ? Moi-même, en fait. Voilà, j'ai appris à coup de pelle à charbon qu'on ne peut pas aimer les autres si on ne s'aime pas soi-même. Et or, je suis née dans la détestation de ma personne. Donc il m'a fallu 55 ans pour dire non, finalement, je m'aime bien. Je suis quelqu'un de carré, je suis sincère, je suis honnête. J'ai une éthique, j'ai des valeurs et je ne suis jamais dans le jugement. Donc j'ai envie de me dire merci. Et puis après, à ma meute, à la meute.
- Claudie
La meute qui pour toi est...
- Speaker #0
Mes deux sœurs, mes deux enfants, plus les deux enfants de ma sœur, donc ça me fait quatre enfants puisqu'on les a éduqués de façon un peu en kiboutz, papa, accessoirement, fils, mais là à la meute c'est les enfants, mes sœurs, et c'est tout mon monde.
- Claudie
Eh bien moi, je vais te dire merci aussi.
- Speaker #0
Merci Uriell.
- Claudie
Claudie nous l'a montré, on peut affronter le cancer en riant, en criant, en vivant pleinement, malgré tout. On peut aussi le traverser en peignant, en transformant la douleur en création. Et surtout, on peut s'appuyer sur sa meute, sur l'amour des siens, sur la force du vivant. Son témoignage nous rappelle que la résilience n'est pas une posture figée, ni une recette miracle, mais un chemin parfois cabossé, fragile et puissant à la fois, toujours singulier. Alors merci Claudie de nous avoir ouvert les portes de ton univers. Et merci à vous, chers auditeurs et auditrices, d'avoir été là. On se retrouve le mois prochain pour une nouvelle escale sonore. Merci d'avoir voyagé avec moi jusqu'au bout de cet épisode. Le souffle de ce podcast existe grâce à vous. Alors, si vous avez envie de faire voyager encore un peu plus loin l'écho des papillons, voici comment vous pouvez l'aider à déployer ses ailes. Soit en en parlant autour de vous, en partageant un épisode ou en semant quelques étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Et si le cœur vous en dit, vous pouvez aussi soutenir ce projet indépendant, artisanal, encore jeune, mais porté avec force et conviction via ma cagnotte participative ou en découvrant mes photographies de voyage sur lesdezelduriel.com. Enfin, pour suivre mes aventures nomades et créatives, rendez-vous sur la volubile ou abonnez-vous à ma newsletter. A dans un mois pour une nouvelle escale sonore. L'écho des papillons, des ailes et de l'espoir face au cancer.