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Les Afters de la Transformation

#124 Aluminium Dunkerque : décarboner l’industrie pour un avenir durable (épisode enregistré en juillet 2025)

#124 Aluminium Dunkerque : décarboner l’industrie pour un avenir durable (épisode enregistré en juillet 2025)

1h04 |18/09/2025
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#124 Aluminium Dunkerque : décarboner l’industrie pour un avenir durable (épisode enregistré en juillet 2025)

#124 Aluminium Dunkerque : décarboner l’industrie pour un avenir durable (épisode enregistré en juillet 2025)

1h04 |18/09/2025
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Description

Comment conjuguer compétitivité industrielle, décarbonation et souveraineté énergétique en Europe ? Dans cet épisode des Afters Décideurs enregistré en juillet 2025, Guillaume de Goÿs, président d’Aluminium Dunkerque, revient sur les grands défis d’une filière stratégique au cœur de la transition écologique.


Le parcours de Guillaume de Goÿs

De Michelin à Aluminium Dunkerque, une carrière marquée par l’international et la transformation industrielle.

L’histoire et l’identité d’Aluminium Dunkerque

Le podcast revient sur la création de l'entreprise dans les années 90 jusqu'à son rôle actuel de leader européen de l’aluminium primaire.

La décarbonation et l’innovation

Guillaume de Goysdétaille les leviers mobilisés pour réduire l’empreinte carbone : force du mix énergétique français, place du recyclage, capture du CO₂ et investissements dans de nouvelles technologies industrielles.

Les usages stratégiques de l’aluminium

Matériau essentiel, l’aluminium est au cœur de multiples transformations : automobile, emballage, batteries, énergies renouvelables… autant de secteurs où il s’impose comme un pilier de la transition écologique.

Souveraineté industrielle et compétitivité mondiale :

Face à la Chine, au Moyen-Orient ou encore à la volatilité des prix de l’énergie, Aluminium Dunkerque incarne les enjeux de souveraineté européenne et la nécessité de renforcer la compétitivité de l’industrie lourde.


Un témoignage qui éclaire les défis énergétiques et environnementaux d’un secteur clé pour l’économie et l’avenir industriel du continent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Guillaume de Goys

    Les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation, mais en donnant les conditions. à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne et fasse partie en fait de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Bonjour, je suis Anthony Baron et vous écoutez les After Deciders, un podcast à déconcilier qui accueille des leaders entreprenants, acteurs de l'économie réelle, portant au quotidien des mutations et des innovations dont les actions impactent notre société. Bonne écoute à tous. Nous nous immergeons aujourd'hui dans l'univers de l'industrie et nous avons l'honneur et le privilège d'accueillir Guillaume Degoïs, président du groupe Aluminium Dunkerque, un dirigeant industriel français, surtout un dirigeant industriel français engagé dans la décarbonation et l'économie circulaire. Bonjour Guillaume. Bonjour. Alors dans cet épisode, nous allons revenir sur les éléments de votre parcours, l'histoire et le positionnement actuel du groupe Aluminium Dunkerque, la stratégie et les transformations menées par le groupe, ainsi que le mode de management et de gouvernance associés, et puis les innovations que vous portez. au sein du groupe Aluminium Dunkerque. Alors Guillaume, sur votre parcours académique, vous êtes ingénieur ECAM, complété par un master à l'IAE de Lyon en gestion des entreprises et vous débutez votre carrière au sein du groupe Michelin avec notamment des responsabilités dans la construction d'usines en Thaïlande. Fort de cette expérience internationale, vous rejoignez le groupe Péchiné en 2002 qui sera repris un an plus tard par le groupe Alcan. Et vous prenez des responsabilités industrielles en environnement de production en Afrique ainsi qu'en France et ensuite vous prenez la direction du site de Carbon Savoie. en 2010, un site qui fait 500 personnes et 130 millions d'euros de chiffre d'affaires. Puis la direction générale d'Aluminium Dunkerque à partir de 2015, alors détenue par le groupe Rio Tinto. Et ensuite la présidence, 7 ans plus tard, après la reprise d'Aluminium Dunkerque, par AIP. Première question pour vous, Guillaume. Quelle est la situation du groupe Aluminium Dunkerque, un des principaux producteurs d'aluminium primaire en Europe, quand vous prenez la présidence en 2021 ?

  • Guillaume de Goys

    Aluminium Dunkerque va bien. Ça, c'est une bonne chose. En effet, nous avons fait une très bonne année 2024, portée par nos marchés, portée aussi par la baisse des prix sur l'énergie, par une stratégie qui nous a beaucoup aidé en 2024, de commencer et de vraiment viser la voie de la croissance à travers la diversification de notre portefeuille produit, à travers l'augmentation du recyclage et à travers l'engagement par l'Union Dunkerque de la voie de la décarbonation. Puisqu'en décembre 2023, nous avons signé notre contrat de transition écologique avec l'État, avec le ministre Lescure à ce moment-là.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et si on revient justement en 2021, quelle était la situation de la société à ce moment-là ?

  • Guillaume de Goys

    En 2021, donc, c'est au moment...

  • Anthony Baron

    Dans quel contexte vous arrivez, effectivement ?

  • Guillaume de Goys

    Tout à fait. Donc, en 2021, l'entreprise a été reprise par AIP, comme vous l'avez dit. AIP, c'est American Industrial Partners, donc ce sont nos actionnaires. C'est un fonds d'investissement qui est basé à New York. et qui détenait la dette d'Alunium Dunkerque. Dette qui était en défaut. Le précédent actionnaire n'a pas pu régler ces défauts-là. Et donc AIP a pris le contrôle d'Alunium Dunkerque en octobre 2021. Une prise de contrôle qui s'est plutôt bien passée, s'est même très bien passée, puisque aujourd'hui Alunium Dunkerque a eu plutôt de belles réussites avec ce fonds d'investissement, à travers les différents projets dont j'ai parlé. On a aussi traversé la crise. de l'énergie en 2022-2023 et ça aurait été difficile si on n'avait pas eu le support de notre actionnaire.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors je tiens à préciser également que vous êtes membre du conseil d'administration de l'aluminium Dufel, une usine de laminage située en Belgique. Vous êtes également président de l'association française des producteurs d'aluminium, Aluminium France. Vous êtes membre du conseil d'administration d'European Aluminium et Eurométho qui défend activement notamment les intérêts de la profession et promeut la décarbonisation et l'économie circulaire. Et vous êtes aussi trésorier de l'Uniden, qui est l'union des industries utilisatrices d'énergie. Alors en tant que président d'Aluminium Dunkerque et surtout d'Aluminium France et trésorier de l'Uniden, comment ces rôles influencent-ils votre vision pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Alors effectivement, ça peut paraître une longue liste de responsabilités. En fait, c'est assez organisé. Aluminium France, c'est la fédération professionnelle des producteurs d'aluminium. Les intérêts d'Aluminium Dunkerque et ceux d'Aluminium France sont très alignés. Le fait de pouvoir utiliser Aluminium France permet de faire entendre la voix d'Aluminium Dunkerque et de tous les autres producteurs et transformateurs d'aluminium en France pour faire entendre la voix de l'aluminium auprès de nos décideurs politiques, auprès des différentes politiques qui sont développées. C'est de même au niveau européen. C'est pour ça que j'interviens au sein d'European Aluminium ou Eurométho. donc c'est la la Fédération des non-ferreux à Bruxelles.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    L'UNIDEN, c'est un signe qui ne doit pas dire grand-chose, c'est l'Union des industries utilisatrices d'énergie. En gros, c'est tous les industriels qui consomment beaucoup d'électricité ou de gaz, pour lequel l'électricité ou le gaz est comme une matière première. C'est indispensable à la réalisation de notre activité. Donc l'Uniden a été particulièrement active en 2022-2023, mais bien au-delà de ça, puisque l'Uniden existe depuis plusieurs décennies, pour faire entendre la voix des industriels comme nous qui avons besoin d'électricité à prix compétitif. Et donc voilà, c'est vraiment pour défendre cette voix-là que je participe à ces différentes associations.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur la part de l'électricité dans la production d'aluminium, aujourd'hui, ça représente quel pourcentage des coûts ?

  • Guillaume de Goys

    C'est le deuxième. centre de coût pour Aluminium Dunkerque, juste derrière les matières premières. Les matières premières, au premier lieu, l'alumine, représentent à peu près 40% de nos coûts. Juste derrière, il y a l'électricité qui va représenter entre 25 et 30%.

  • Anthony Baron

    D'accord. Donc d'où effectivement les négociations dont vous parliez tout à l'heure qui étaient effectivement essentielles pour maintenir une compétitivité finalement sur ce marché. Alors, Aluminium Dunkerque a connu une succession d'actionnaires. depuis plus de 30 ans, Péchiné, Alcan, Rio Tinto, GFG, puis aujourd'hui AIP, un fonds d'investissement américain, vous l'avez très bien cité. Quelle est selon vous l'identité de la société et son héritage, notamment dans une région de France qui a aussi souffert finalement d'une forte désindustrialisation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est vrai, le Nord a été particulièrement touché par cette désindustrialisation, même si aujourd'hui c'est encore une terre d'industrie. Et on le voit aujourd'hui à travers un renouveau, avec les gigafactory de batterie, à travers... Plusieurs industries qui s'installent autour de l'usine. Revenons sur la naissance d'Alumium Dunkerque. En 1991, Alumium Dunkerque démarre sa production après avoir été le plus grand chantier industriel de France entre 1989 et 1991. C'est une décision d'implantation qui est là aussi due à l'énergie. Pourquoi ? Parce qu'il y a la centrale quasi immédiate de Gravelines, la centrale nucléaire de Gravelines, qui est à 2,5 kilomètres à vol d'oiseau de l'usine. Donc une proximité immédiate. Et dans la fin des années 80, début des années 90, il y a une production très importante d'électricité d'origine nucléaire. Et donc c'est tout naturel que deux grandes entreprises françaises, Péchinay d'un côté et EDF de l'autre, s'associent pour donner naissance à l'aluminium Dunkerque. Donc l'aluminium Dunkerque, de 1991 jusqu'à 2016, a grandi avec ce partenariat entre EDF et Péchinay, qui est devenu derrière Alcan puis Rio Tinto. et a permis de se développer avec cette visibilité qui était donnée par ce contrat d'électricité de 25 ans. Depuis, le contrat s'est terminé, nous avons changé à nouveau d'actionnaire parce qu'il n'y avait pas cette visibilité à moyen long terme qui permet d'avoir de la stabilité et d'investir dans les opérations. Et je suis très heureux qu'à travers cette reprise par AIP et puis la reprise des négociations avec EDF, nous soyons maintenant proches de la signature d'un contrat pour 10 ans. qui à nouveau donnera de la visibilité à l'Union Dunkerque et nous permettra de poursuivre nos investissements sur le recyclage et nos investissements dans la décarbonation.

  • Anthony Baron

    Et le fait que ce soit un actionnaire américain, en l'occurrence, est-ce que ça a une incidence ou une influence sur la négociation avec le partenaire EDF ?

  • Guillaume de Goys

    Je ne pense pas parce que, vous le disiez, Alimiam Dunkerque a une identité qui lui est propre. Nous sommes implantés depuis longtemps en France. Notre marché est essentiellement français et européen. Et donc, le fait que nous ayons un actionnaire américain, c'est un fonds d'investissement qui est là pour nous aider à mettre en œuvre notre stratégie, mais qui ne se substitue pas au ménagement. Et le ménagement, il est local, basé ici à Paris et à Dunkerque. pour vraiment présider au devenir d'Aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Alors, on va donner quelques chiffres aussi sur Aluminium Dunkerque. C'est 700 collaborateurs, 800 millions d'euros de chiffre d'affaires, 300 000 tonnes d'aluminium produits chaque année sur un site qui fait 65 hectares. Et donc, vous exportez dans 10 pays. Oui. C'est bien ça. Si on regarde un petit peu justement le processus de fabrication, comment on fabrique généralement de l'aluminium ? En fait, quels sont les produits finis que vous sortez de l'usine ?

  • Guillaume de Goys

    L'aluminium primaire vient d'un produit qu'on extrait du sol qui s'appelle l'aboxyte. L'aboxyte est une terre rouge qui contient beaucoup d'alumine, donc c'est l'oxyde d'aluminium. Cette bauxite est raffinée en alumine dans des usines chimiques. Et donc nous, les usines qui approvisionnent l'aluminium Dunkerque en alumine, elles sont en Irlande, en Allemagne. en Espagne pour une partie, et puis quelques fois aussi de la mine qui vient de plus loin. Cette alumine, il faut à peu près 2 tonnes d'alumine pour faire une tonne d'aluminium. On en importe donc à peu près 550 000 tonnes chaque année. Et ces 550 000 tonnes sont transformées en 285 000 tonnes d'aluminium chaque année, grâce au courant électrique, puisque c'est un processus d'électrolyse. Donc l'électrolyse, c'est un petit peu le centre de notre processus, qui permet de transformer à 960 degrés cette alumine. en aluminium. Donc l'aluminium est produit sous forme liquide dans la série d'électrolyse avec une très très grosse consommation d'électricité puisque pour produire une tonne d'aluminium il faut à peu près 13,5 MWh. Donc c'est un des métaux qui consomment le plus d'électricité pour sa fabrication. Cet aluminium qui est donc produit sous forme liquide, on utilise des anodes en carbone pour conduire l'électricité au sein des cuves puisque le carbone c'est un des matériaux qui, outre le fait qu'il est conducteur d'électricité, résiste aussi aux très fortes températures qu'il y a dans le bain électrolytique. Donc on a sur place un département qui fabrique les anodes. On consomme à peu près 150 000 tonnes. Donc nous produisons à peu près 150 000 tonnes d'anodes chaque année que nous recyclons quand elles sont usées pour pouvoir produire ces 300 000 tonnes d'aluminium. Ensuite, l'aluminium sous forme liquide, il est transporté vers la fonderie où il va être solidifié en deux types de produits. Tout d'abord, et ça représente à peu près 75 % de notre production, des plaques, des plaques de laminage. Donc il faut imaginer des grands rectangles. qui peuvent faire jusqu'à 8 mètres de long, jusqu'à 60 cm d'épaisseur et jusqu'à plus de 2 mètres de large. Ces grandes plaques sont envoyées chez nos clients pour être laminées. Donc on peut imaginer un laminoir, c'est un peu comme quand on fabrique des pâtes à la maison, on les fait passer entre deux cylindres pour écraser ces plaques qui font 60 cm d'épaisseur et on vient les réduire en épaisseur en plusieurs passages pour faire des tôles, pour faire jusqu'au papier d'aluminium, c'est-à-dire des choses qui peuvent être très fines. ou des carrosseries de voitures qui peuvent être un peu plus épaisses. Donc l'usage final de nos produits sous forme de plaques, c'est dans l'automobile, c'est dans l'emballage. On en trouve par exemple dans les canettes pour boire. On en trouve aussi dans les blisters de médicaments. On en trouve dans les capsules de Nespresso. On en trouve dans pas mal de produits du quotidien. Et puis on a aussi d'autres usages industriels divers qui vont du bâtiment jusqu'à... à l'aérospatiale.

  • Anthony Baron

    Vous disiez justement que l'alumine, globalement, c'est la moitié qui permet la production de l'aluminium. Qu'est-ce que vous faites de l'autre moitié ?

  • Guillaume de Goys

    On a deux tonnes d'alumine pour produire une tonne d'aluminium. Pourquoi ? Parce que l'alumine, c'est Al2O3. Et donc, en fait, notre processus d'électrolyse, ça vient enlever ce O3, donc cet oxygène, de l'alumine, ce qu'on appelle réduire de l'alumine en aluminium. D'accord. et le haut l'oxygène vient se combiner avec le carbone des anodes et c'est ça qui crée le CO2. C'est ça qui crée le CO2 surtout que malheureusement on émet dans l'atmosphère. D'où cette trajectoire de décarbonation que nous avons engagée qui vise à réduire ces émissions de CO2 dans l'atmosphère.

  • Anthony Baron

    On va effectivement en reparler. Comment vous définissez aujourd'hui la mission d'Aluminium Dunkerque dans le contexte actuel de l'industrie française et européenne ? Vous parliez beaucoup de décarbonation.

  • Guillaume de Goys

    Alors notre mission, c'est un petit peu notre raison d'être, c'est de produire en France de façon pérenne, donc on veut être là pendant longtemps, de l'aluminium responsable. Alors qu'est-ce que ça veut dire responsable ? Ça veut dire que c'est l'aluminium qui est produit le mieux possible, en émettant le moins de CO2, en utilisant le moins d'eau, en utilisant efficacement l'électricité, donc en étant les plus performants dans ces différents domaines. Et pourquoi est-ce qu'on fait cet aluminium-là ? C'est pour les usages de la transition écologique. Il faut savoir que l'aluminium est léger, il est conducteur, il résiste très bien aux intempéries, il protège aussi les emballages, etc. C'est pour ça qu'on l'utilise beaucoup dans l'industrie de l'emballage. Donc l'aluminium, on va le retrouver dans les batteries de véhicules électriques, on va le retrouver dans tous les moyens de transport pour les alléger, pour limiter les émissions de CO2 ou prolonger l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques. On va le retrouver aussi pour transporter de l'énergie, on va le retrouver dans les... panneaux solaires. Donc beaucoup d'usages où les propriétés de l'aluminium en font un matériau de choix et c'est un matériau de choix suffisamment important pour qu'il soit reconnu comme stratégique pour la transition écologique par l'Union Européenne.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur l'implantation des Gigafactory dans le nord de la France, notamment à Dunkerque, est-ce que le fait qu'Aluminium Dunkerque soit présent et soit aujourd'hui le leader de la production et de la façon dont d'aluminium primaire en France et même en Europe, à jouer dans ce choix ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, je ne pense pas que c'est parce que l'aluminium Dunkerque était là que les Gigafactory se sont installés. Mais par contre, pour nous, c'est une très belle opportunité. C'est une opportunité parce qu'on trouve de l'aluminium dans les batteries et donc on peut produire de l'aluminium qui va être utilisé derrière dans les batteries. C'est ce que nous commençons à faire d'ailleurs. Et puis, on peut aussi être à l'autre bout de la chaîne, c'est-à-dire de récupérer l'aluminium qui est dans les batteries usagées. Donc, on noue des partenariats. nous discutons aujourd'hui avec les différents acteurs de cette chaîne, de cette chaîne de valeur, pour leur fournir de l'aluminium, qui est bas carbone, qui est efficace en termes d'électricité, qui bénéficie de l'électricité très décarbonée qu'on a en France, pour qu'ils puissent faire des batteries les plus durables possibles. Et derrière, on peut aussi leur proposer de récupérer l'aluminium en fin de vie, une fois que les batteries ont terminé leur vie, pour qu'on puisse, nous, les recycler et puis offrir une nouvelle vie à cet aluminium-là.

  • Anthony Baron

    Alors, je crois que l'automobile, part, en tout cas un secteur d'activité qui est très important pour vous,

  • Guillaume de Goys

    c'est près de 40%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris effectivement que l'aluminium était un élément clé dans les phases de transition énergétique. Et si on prend le cas par exemple de l'automobile, quelles sont justement les applications et les usages qu'on pourrait y voir ?

  • Guillaume de Goys

    Je vous parlais tout à l'heure des plaques, il y a un deuxième produit que nous faisons qui sont les lingots. Donc les plaques, je vous l'ai expliqué, des grands rectangles qui font jusqu'à 8 mètres de long. Les lingots, pour le coup, c'est 16 kilos. C'est un lingot comme vous pouvez l'imaginer, on les empile pour pouvoir les vendre et les envoyer chez nos clients. Ces lingots sont destinés à être refondus et là pour le coup c'est 100% pour le secteur de l'automobile. Donc pour les lingots, vous allez en retrouver dans les jantes en aluminium, c'est probablement l'application la plus connue dans l'automobile. Vous allez les retrouver aussi dans des pièces de suspension, dans les étriers de frein, dans différentes parties du bloc moteur, qu'il soit électrique ou qu'il soit thermique. On retrouve de l'aluminium pièces de fonderie pratiquement partout dans l'automobile. Sur la partie tôle de laminage, on va le retrouver essentiellement dans ce qu'on appelle la caisse en blanc, c'est-à-dire la carrosserie intérieure et extérieure des véhicules. Vous avez des véhicules plutôt haut de gamme qui vont être complètement en aluminium, et puis d'autres où c'est principalement une structure en acier, mais pour alléger ces véhicules-là, on va remplacer quelques pièces en acier par de l'aluminium. Par exemple les portes, le coffre. le capot, etc., qui sont des pièces qu'on peut remplacer. Et on gagne du poids, en fait, à chaque fois qu'on remplace les pièces en acier par des pièces en aluminium.

  • Anthony Baron

    Donc, d'où le fait, effectivement, d'accélérer l'usage de l'aluminium par rapport à l'acier pour diminuer, effectivement, le poids des véhicules et donc être moins consommateur d'énergie.

  • Guillaume de Goys

    C'est ça, moins consommateur d'énergie ou étendre la distance ou l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques et puis, in fine, émettre moins de CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. OK, très clair. Donc... On l'a compris, l'aluminium Dunkerque est un acteur incontournable aujourd'hui en France et en Europe. Comment vous réussissez aussi à répondre à la demande croissante d'aluminium bas carbone ? Parce que ça, c'est un vrai sujet, le bas carbone, justement dans ces secteurs que sont l'automobile ou les énergies renouvelables.

  • Guillaume de Goys

    De plusieurs façons. Déjà, je le disais tout à l'heure, l'aluminium Dunkerque bénéficie en France d'une électricité qui est très décarbonée par le mix que nous avons sur le réseau français, basé sur du nucléaire, de l'hydraulique et très peu finalement de... On a un des électricités les plus décarbonées d'Europe ou même du monde. Il n'y a guère que quelques pays qui sont sur base hydroélectrique qui peuvent avoir un mix un peu plus décarboné que le nôtre. Donc ça, c'est le premier atout très fort que nous avons en étant basé en France. Deuxième chose, je le citais aussi, c'est travailler sur l'efficacité énergétique. La moyenne en termes de consommation d'électricité pour produire une tonne d'aluminium primaire, c'est au-delà de 14, 14,5 MWh par tonne d'aluminium. Nous, l'année dernière, nous avons battu notre propre record, et on est parmi les meilleurs au monde, à moins de 13 MWh pour produire une tonne d'aluminium. Donc vraiment un progrès important qui permet de consommer moins d'électricité et de ce fait-là émettre moins de CO2. Et puis on augmente aussi la part d'aluminium recyclé. Donc à chaque fois qu'on recycle l'aluminium, on n'utilise pas d'anode, etc. Donc on a... Un bilan carbone qui est plus efficace que quand on est en train de le produire avec des anodes et de l'alumine. Et puis enfin, troisième point, nous travaillons aussi sur la décarbonation de notre activité. Alors pour le moment, on n'en voit pas encore les résultats puisqu'on est vraiment dans la phase de recherche et de développement puisqu'il n'existe pas aujourd'hui de système de capture du CO2 qui soit adapté à l'industrie de l'aluminium primaire. Donc on est en train de développer ce système de capture carbone avec des partenaires. des partenaires équipementiers, des partenaires du monde de l'aluminium, pour pouvoir développer une solution sur la capture du CO2.

  • Anthony Baron

    Quelle est l'importance de la souveraineté industrielle en France et en Europe pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    La souveraineté industrielle, on l'a touchée du doigt lors du Covid, quand on s'est rendu compte qu'on n'était plus capable de produire, qu'on ne produisait plus des biens de première nécessité, et qu'on était hyper dépendant de producteurs qui sont non-européens. Sur l'aluminium, la situation n'est pas très bonne. En Europe, on couvrait à peu près par la production européenne, la consommation européenne, il y a une trentaine d'années. Depuis 30 ans, avec la désindustrialisation, de l'Europe, nous ne produisons que 50%, même pas la moitié, de l'aluminium qui est utilisé en Europe. Tout le reste est importé. Et est importé depuis des pays qui en produisent beaucoup plus que ce qu'ils consomment. Les plus proches, c'est la Norvège et l'Islande, qui font partie de l'Europe d'une certaine façon. Et hors Europe, c'est le Moyen-Orient, c'est l'Inde, c'était la Russie, ça n'est plus maintenant. Et puis, c'est principalement sur l'aluminium primaire, les grands concurrents. Alors, ces grands concurrents, pour la plupart en tout cas, proposent de l'aluminium qui est plus carboné que celui qui est fabriqué en Europe. Donc ça, ce n'est quand même pas une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que ce qu'on n'est pas capable de produire en Europe, on l'importe et on l'importe plus carboné que ce qu'on produit nous-mêmes. Donc ça, c'est vraiment quelque chose qui ne va pas dans le bon sens en termes de réchauffement. Juste pour donner quelques chiffres, l'aluminium Dunkerque, c'est à peu près 4 000. tonnes, enfin c'est même 4 tonnes en 2024, c'est 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit sur l'ensemble des scopes, ce qu'on appelle le scope 1, 2, 3. Donc le 1 c'est le direct, le 2 c'est l'indirect, c'est lié aux sources d'énergie et le 3 c'est tout le reste, le transport, matières premières, etc. Et donc nous sommes à 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit, ce qui fait de nous une des meilleures usines de production d'aluminium primaire au monde. On doit être dans les, je pense, 10% des plus efficaces. La moyenne de la production européenne, on va plutôt être à 6, 6,5. La moyenne des imports européens, c'est aux alentours de 9, 9, 10. Et quand vous importez d'Inde, l'Inde c'est essentiellement sur base charbon, eux vont être à... alors il y a le Scope 3 effectivement, plus de distance, mais il y a surtout l'électricité qu'ils utilisent, qui est sur base charbon. Et là on va monter à 16 tonnes de CO2. C'est 4 fois plus que ce qu'on produit nous.

  • Anthony Baron

    Est-ce que la solution serait justement d'étendre les activités industrielles d'Aliénium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous ne faisons pas en augmentant beaucoup notre production d'Aliénium primaire, même si nous le faisons, puisque à sa création il y a 30 ans, Aliénium Dunkerque produisait à peu près 200 000 tonnes d'aliénine. Et c'est 300 000 tonnes ? Là aujourd'hui c'est 300 000. Donc vous voyez, 50% d'augmentation de production sur l'espace de 30 ans. Donc c'est une augmentation continue. Et ce qui est intéressant, c'est que c'est toujours dans le même périmètre. C'est-à-dire que quand l'usine a démarré, elle avait 264 cuves d'électrolyse. Aujourd'hui, on a toujours 264 cuves d'électrolyse, mais qui produisent quasiment 50% d'aluminium en plus.

  • Anthony Baron

    Donc, c'est améliorer la productivité.

  • Guillaume de Goys

    On a amélioré la productivité pour chacune des cuves. On va continuer à améliorer cette productivité, puis surtout essayer de la rendre la plus efficace possible en consommant moins d'alumine, moins de CO2, en émettant moins de CO2, en consommant moins de carbone, moins d'électricité. Là où nous avons augmenté plus récemment, mais aussi de façon plus significative, notre production, c'est en ajoutant un huitième four dédié au recyclage. Et donc là, c'est 20 000 tonnes qu'on a ajoutées cette année, en 2025, de production. Cette fois-ci, c'est de l'aluminium qui vient d'aluminium qu'on recycle. Donc, ce n'est pas de l'aluminium qui vient d'alumine, pas de l'aluminium primaire, mais c'est de l'aluminium recyclé, qui vient s'ajouter aux 285 000 tonnes pour produire les 300 000 tonnes dont on parle.

  • Anthony Baron

    c'est à dire que les clients aujourd'hui s'intéressent justement à En termes de choix, avoir plutôt de l'aluminium reconditionné ou la demande d'aluminium primaire est toujours aussi importante ? Est-ce que d'ailleurs le client choisit l'un ou l'autre ou peu importe la demande ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, bien évidemment, le client c'est lui qui choisit l'aluminium qu'il va utiliser puisqu'en fait il nous donne des spécifications qui permettent de savoir si on est sur de l'aluminium recyclé ou sur de l'aluminium primaire. Il faut savoir que tendanciellement, dans le monde entier, c'est un peu la même chose, la même tendance en tout cas en Europe et en France, c'est que progressivement, on consomme de plus en plus d'aluminium recyclé. Ce qui est normal, puisqu'en fait, il y a de plus en plus d'aluminium à recycler, puisque tout l'aluminium qui a été mis en production à un moment qui peut être plus ou moins long, va être sur le marché du recyclage. Et comme l'aluminium a beaucoup de valeur, il est quasiment toujours recyclé. Je vais prendre un exemple un peu...

  • Anthony Baron

    Sans perdre ses propriétés ?

  • Guillaume de Goys

    Sans perdre ses propriétés, moyennant le fait que ce soit dans la même utilisation. Donc je vais préciser un petit peu. Je parlais tout à l'heure de canettes en aluminium. La durée de vie d'une canette, c'est quelques semaines. Entre sa production et sa consommation, c'est quelques semaines. Et là, elle va pouvoir être très vite recyclée et elle peut faire une boucle, deux boucles, même dans l'année. Deuxième type de produit, si on prend un blister de médicaments. Alors là, ça va être un petit peu plus long, parce qu'avant que vous ayez complètement terminé vos médicaments, ça peut prendre peut-être quelques mois, ou peut-être même jusqu'à un an avant qu'ils soient vraiment mis à recycler. Un autre type de produit dans lequel il y a de l'aluminium, les véhicules. Les véhicules, il va falloir attendre 15 ans avant qu'ils soient mis à recycler. Pour l'aluminium qui est dans les maisons, ça va être encore plus long, puisque avant de changer les fenêtres, ça peut avoir une durée de vie de 25 ans, peut-être 30 ans, et c'est là où vous trouvez pas mal d'aluminium. Et puis, l'aluminium qu'on utilise pour transporter l'électricité dans les câbles à haute tension, là, ça va être 80 ans. Donc vous voyez, des durées de vie différentes, mais à la fin, l'aluminium, il revient toujours et il est recyclé. Si on est capable de le recycler dans la même application de canettes, on peut refabriquer des canettes, ça vous pouvez le faire indéfiniment.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    Quand vous recyclez une jante automobile, vous refaites des jantes auto, il n'y a pas de problème non plus. Par contre, si jamais vous mélangez de l'aluminium qui vient de fenêtres et de l'aluminium qui vient de jantes en auto, là vous avez un mélange que vous ne pouvez pas utiliser pour faire des jantes auto ou pour faire des fenêtres. Vous allez dégrader en fait les propriétés de l'aluminium. Et là pour le coup, les usages sont plus restreints. Donc la réponse c'est que l'aluminium se recycle, il se recycle tout le temps, il y a toujours des usages qui permettent de le recycler. Mais plus on arrive à le faire en boucle fermée, c'est-à-dire du même produit dans le même produit, plus on va pouvoir le faire. de façon indéfinie.

  • Anthony Baron

    Il existe aujourd'hui des chaînes d'approvisionnement qui créent justement cette circularité du reconditionnement.

  • Guillaume de Goys

    C'est ce qu'on appelle le recyclage en boucle fermée. Il y en a. Malheureusement, la France, dans l'Europe, n'est pas le pays le plus avancé pour ces boucles fermées. Pourquoi ? Parce qu'on a perdu la consigne qu'on avait sur les bouteilles en verre, par exemple. On ne l'a plus. Et sur l'aluminium, même s'il est récupéré pour être recyclé, il n'est pas recyclé à part. Donc, par exemple, on parlait des canettes tout à l'heure, regardons cet exemple-là, il y a à peu près 60% des canettes en France qui sont récupérées et recyclées pour pouvoir à nouveau rentrer dans le cycle de vie des canettes, alors qu'il y a d'autres pays qui ont une consigne spécifique et qui trient à part les canettes, eux, ils arrivent à recycler plus de 90%. Donc, vous voyez, il y en a qui font mieux que nous. Il y a une organisation pour trier à la base et séparer à la base. les différents types, les différents alliages d'aluminium que nous avons.

  • Anthony Baron

    Absolument. Question également sur la partie recyclage. Quelle est selon vous la capacité que pourrait avoir aujourd'hui par exemple la France ou l'Europe sur l'aluminium recyclé ? Si on prenait tous les produits qui soient potentiellement recyclables. Vous parliez de 20 000 tonnes globalement pour Aluminium Dunkerque. Globalement le potentiel est bien plus élevé que ça,

  • Guillaume de Goys

    puisque en France on exporte à peu près chaque année 500 000 tonnes. de déchets. Donc il y a 500 000 tonnes de déchets qui sont récupérés en France, mais qui ne sont pas recyclés en France. Pourquoi ? Parce qu'ils partent à l'export, ils ne sont pas très bien triés, et donc ils partent à l'export, où on arrive à les trier mieux que nous, et donc ça va être recyclé, mais à l'export. Donc on a un vrai gisement pour recycler plus d'aluminium que nous produisons nous. Et ça c'est important, puisque l'aluminium qu'on recycle, il n'émet pas du tout de CO2, ou très peu, par rapport à l'aluminium qu'on va produire de façon primaire. Donc il y a tout un travail qui est fait par la filière, on parlait d'Aluminium France tout à l'heure. Les différents adhérents d'Aluminium France ont investi ces dernières années et ont mis, je pense, plus de 250 000 tonnes de nouvelles capacités de recyclage en service. Et donc il faut vraiment qu'en tant que filière, on se mobilise pour pouvoir garder les déchets d'aluminium qui sont en France et pour pouvoir les recycler le mieux possible.

  • Anthony Baron

    Il y a une grosse différence de coût, en tout cas de prix de vente, entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé ?

  • Guillaume de Goys

    Ce sont deux marchés qui ne réagissent pas tout à fait de la même façon. La plupart du temps, l'aluminium primaire, parce qu'il est un peu plus pur et qui convient à l'ensemble des usages, est plutôt un peu plus cher que l'aluminium recyclé. Mais parfois, ça se croise. Pourquoi ? Parce que s'il y a peu de déchets à recycler, l'aluminium secondaire devient plus rare et donc son prix monte. C'est pareil pour l'aluminium primaire. C'est vraiment directement... Alors, ils suivent quand même plus ou moins les mêmes... courbe quand l'aluminium primaire monte, l'aluminium secondaire monte aussi et inversement. Mais les courbes sont un peu décorrélées parfois.

  • Anthony Baron

    D'accord. Vous estimez aujourd'hui 20 000 tonnes de production d'aluminium recyclé.

  • Guillaume de Goys

    C'est l'investissement qu'on a fait sur aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Quel est globalement votre objectif de production entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé à l'horizon 5 à

  • Guillaume de Goys

    10 ans ? Notre objectif à long terme, plutôt à 15-20 ans, ce serait de faire 75% d'aluminium primaire et 25% d'aluminium recyclé. On restera quand même principalement un acteur primaire, mais petit à petit, là on est à un peu moins de 10%, 8% aujourd'hui, et progressivement on veut monter jusqu'à 25%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris l'importance également de la filière qui doit s'organiser pour pouvoir effectivement... Vous apportez la matière.

  • Guillaume de Goys

    La filière aluminium elle-même, mais aussi les filières de récupération, de collecte, de tri des métaux.

  • Anthony Baron

    Tout à fait. Face à la concurrence mondiale, notamment avec des pays où le coût de l'énergie est plus bas, on va dire que ceux de la France, comment Aluminium Dunkerque arrive à rester en tout cas compétitive sur un marché où ces prix sont fixés, notamment à la Bourse de Londres ?

  • Guillaume de Goys

    Le prix du métal est effectivement fixé à la Bourse de Londres, le London Metal Exchange, d'où le nom de LME. Et ce prix-là, il est à peu près le même pour tout le monde. Il y a des primes régionales, donc primes européennes, primes Midwest pour les États-Unis, ou la prime japonaise, ou même d'autres types de primes en Chine. Mais le prix de l'aluminium est globalement corrélé au niveau mondial, alors que le prix de l'électricité, qui compose une part très importante, L'importance du coût de production d'aluminium, lui, est très régionale. On ne paye pas du tout le même prix d'électricité en France, en Europe, au Moyen-Orient, ou en Russie, ou au Canada. Et donc là, ça induit un différentiel de compétitivité qui peut être assez important, qui est même très important, et qui fait que lors de la crise de 2022, l'Union européenne a perdu plus de 40% de sa production d'aluminium primaire, qui n'a pas encore complètement redémarré. Parce que les prix de l'électricité en Europe sont montés vraiment très très haut, alors que dans le reste du monde, ils n'ont pas monté tant que ça.

  • Anthony Baron

    Et c'est-à-dire quoi ? C'est-à-dire que les industriels européens sont allés chercher de l'aluminium en dehors du continent, plutôt que de continuer à se fournir avec des experts ?

  • Guillaume de Goys

    Parce qu'en fait, les industriels producteurs d'AUM primaires n'étaient plus compétitifs. En fait, ils étaient contraints même d'arrêter leurs usines, parce que tout l'aluminium qu'ils produisaient, le produitait à perte. Je vous le disais, pour faire une tonne d'aluminium, il faut à peu près 13 MWh, ou mettons en moyenne 14 MWh. Si on prend de l'électricité à 100 euros du MWh, vous voyez qu'il y a déjà 1400 euros par tonne d'aluminium qui est dédié pour la production, pour la consommation d'électricité. Vous rajoutez les matières premières, qui représentent en moyenne 40% du prix de l'aluminium, et là vous dépassez, c'est-à-dire juste avec l'électricité et les matières premières, vous n'avez pas payé les personnes, vous n'avez pas payé vos investissements, vous n'avez pas payé tout le reste. Eh bien, déjà, vous dépassez le prix de vente, donc vous êtes en perte. Donc là, vous n'avez pas d'autre choix que d'arrêter votre activité.

  • Anthony Baron

    Oui, tout à fait. Et ça a été le cas ?

  • Guillaume de Goys

    Ça a été le cas. C'était le cas. Aluminium Dunkerque, qui a réduit de 30% sa capacité de production pendant la crise en 2021 puis 2022.

  • Anthony Baron

    C'est pour le coup l'incidence directe. On imagine que ça a été quand même une perte de production au niveau européen et sans doute d'ailleurs au niveau mondial, puisque les producteurs mondiaux ont alimenté l'Europe. est-ce que ça a eu... peut-être aussi malgré tout une incidence sur le prix du cours ? Parce que peut-être ça a pris un phénomène de rareté.

  • Guillaume de Goys

    Pas tant que ça. Je vais vous expliquer pourquoi ça n'a pas eu tant d'influence que ça sur le prix de l'aluminium au niveau mondial. Aujourd'hui, la production mondiale d'aluminium, c'est à peu près 70 millions de tonnes. Sur ces 70 millions de tonnes, vous en avez 45 qui sont en Chine. Vous voyez la prépondérance forte. de la Chine sur la production mondiale des liens. Tout ça, c'est de la lienne primaire. Oui, tout à fait. Les autres grands pays exportateurs, c'est le Canada, le Moyen-Orient, la Russie, un petit peu l'Inde, l'Australie. Dans ces pays-là, le prix de l'électricité, il n'a pas du tout, du tout, du tout subi l'augmentation très forte qu'on a vu en Europe. Au Canada, par exemple, les prix de l'électricité sont bien, bien, bien inférieurs à ceux qu'on a en Europe. et sur des durées très longues. Ils ont une visibilité sur le prix de l'électricité de façon très très longue. Au Moyen-Orient, c'est en brûlant du gaz qu'ils extraient eux-mêmes, à des prix là aussi qui sont bien plus bas que ceux qu'on pouvait avoir en Europe. Donc ils n'ont pas cette problématique. En Chine, c'est encore un marché encore différent, et c'est pareil, ils n'ont pas vu cette augmentation des prix d'électricité aussi forte que celle qu'on a eue en Europe. Et donc finalement, la production mondiale d'aluminium n'a pas été directement influencée. Et donc, c'est les producteurs européens qui ont subi cet impact très fort.

  • Anthony Baron

    Oui, c'est effectivement... Enfin, on peut imaginer que c'est assez « unfair » , entre guillemets, puisque vous êtes victime, quelque part, de votre deuxième coup, qui impacte fortement.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est ce que nous disons, en fait, aux politiques, quand ils nous disent « Mais oui, mais quand même, en France, vous avez le prix d'électricité qui est probablement un des plus compétitifs en Europe » , ce qui est vrai. Le problème, c'est que nos concurrents, ils ne sont pas que en Europe. Exactement. Nos concurrents, c'est le monde entier.

  • Anthony Baron

    Et il n'y a pas de surcote ou en tout cas, je dirais, un prix un peu abondé pour justement l'aluminium primaire bas carbone, ce qui est votre cas ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est vrai. On arrive à avoir un petit premium, ce qu'on appelle le green premium, pour l'aluminium bas carbone. Par contre, ce green premium, il est très, très, très loin de couvrir les coûts, les surcoûts de l'électricité ou même les surcoûts qui sont liés à notre système. européens sur les émissions de gaz à effet de serre, etc. Pour donner un ordre de grandeur, le Green Premium, c'est à peu près 1% du prix de vente. Oui,

  • Anthony Baron

    ce qui n'est rien.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas grand-chose. Ça ne couvre pas un gros écart d'électricité.

  • Anthony Baron

    Absolument. C'est vraiment une volonté.

  • Guillaume de Goys

    Si vous avez juste 10 euros d'écart sur l'électricité, ça vous fait 130 ou 140 euros d'écart. C'est pas 1% du prix.

  • Anthony Baron

    Absolument, donc c'est une vraie bataille aussi que vous menez à ce niveau-là. J'aurais parlé de la déclaration d'Anvers, qui est une initiative de 57 entreprises, 15 fédérations industrielles européennes et un syndicat européen. Donc évidemment il y a une annonce, c'est ça, en février 2024, qui vise à construire un pacte industriel européen pour la prochaine mandature de la Commission européenne, donc 2024-2029. Et l'objectif est de rendre justement le pacte vert, le Green Deal, possible en conservant les capacités... de production en Europe et en veillant à la compétitivité de son industrie.

  • Guillaume de Goys

    C'est un appel qui a été fait effectivement et à laquelle j'ai participé.

  • Anthony Baron

    Absolument.

  • Guillaume de Goys

    Et à l'UIM Dakar qui était parmi ces entreprises. Pour vraiment appeler à la suite du rapport l'État, si vous vous souvenez, d'appeler ce qui est maintenant le Clean Industrial Deal. Donc ça a été repris par Ursula von der Leyen et par la nouvelle commission en disant effectivement on doit garder l'orientation qui a été faite à travers le Green Deal, c'est à dire de décarboner l'Europe, avec une cible de moins 55 en 2030 et puis une cible qui est en train de se discuter pour 2040. Donc garder cette orientation-là parce qu'on pense foncièrement tous, nous qui avons signé cet appel-là, qu'il faut garder cette trajectoire de décarbonation, c'est important pour limiter le réchauffement climatique, mais que ça ne peut pas se faire au coût de la désindustrialisation de l'Europe. Pourquoi ? Principalement parce qu'en fait, c'est valable pour l'Union, mais c'est valable aussi pour Plein d'autres produits, c'est que les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation. mais en donnant les conditions à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne, et fasse partie de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Et donc c'est quoi les mesures concrètes qui ont été demandées à l'Union Européenne pour maintenir cette industrie ?

  • Guillaume de Goys

    Il y en a plusieurs. Il y en a une qui est importante et qui nous concerne très directement, c'est d'avoir de l'électricité, enfin de l'énergie, de toute façon au-delà de l'électricité, c'est l'ensemble de l'énergie, parce que l'énergie c'est... indispensable pour l'industrie, quelle qu'elle soit, c'est d'avoir de l'énergie qui soit compétitive au niveau mondial. Et donc on a, dans un des pans du Clean Industrial Deal, c'est tout ce qui s'appelle le Affordable Energy Act, donc l'acte pour une énergie compétitive.

  • Anthony Baron

    Justement, sur la partie énergie et électricité, vous en avez beaucoup parlé. L'usine d'Alunium Dunkerque consomme globalement l'équivalent de la ville de Marseille. On en avait parlé ensemble en préparant cette interview. Comment vous gérez cette dépendance énergétique ? Et encore une fois, comment peut-être en sortir, s'il y a une possibilité ?

  • Guillaume de Goys

    En sortir, il y a une possibilité, c'est de recycler plus d'aluminium. Parce que nous le faisons petit à petit. Par contre, pour le moment, on n'a pas encore inventé, et puis même la physique fait qu'on n'arrivera pas à réduire l'alumine en aluminium sans utiliser d'électricité. La voie chimique est très très compliquée et nécessite des quantités d'énergie importantes elle aussi. Et surtout, elle est beaucoup beaucoup beaucoup plus luxueuse. Donc, on ne se passera pas d'électricité pour produire de l'aluminium. Ce qui est bien, c'est qu'on est déjà électrifié. Contrairement à d'autres industries qui utilisent du charbon pour réduire leurs minerais, l'intérêt de l'industrie de l'aluminium primaire, c'est que depuis déjà très longtemps, ça fait plus de 100 ans, cette industrie est électrifiée. Et en France, gros intérêt, c'est qu'on a de l'électricité qui est très décarbonée. Donc, on a déjà gagné, entre guillemets, cette partie-là. Maintenant pour... Pour réduire nos émissions, il y a plusieurs façons. C'est de continuer à utiliser de l'électricité la plus verte possible et petit à petit d'aller vers des investissements de décarbonation. Le stade ultime, c'est de ne pas émettre de CO2. C'est de remplacer nos anodes en carbone par des anodes inertes. Là, il y a de la recherche qui se produit, recherche et développement depuis déjà de nombreuses années. La France fait partie. Il y a des laboratoires de recherche français qui travaillent là-dessus sur les anodes inertes depuis déjà longtemps. Mais on n'est pas encore au stade industriel où on peut se dire, ça y est, allez hop, la technologie à note inerte, elle est prête, on peut aller l'installer. Il y a encore probablement une dizaine d'années, c'est mon estimation personnelle, mais peut-être une dizaine d'années avant que ce soit vraiment quelque chose de répandu. Et donc, le choix que nous avons fait à l'Union Dunkerque, c'est, en attendant que cette technologie soit disponible, de ne pas rien faire, de ne pas rester les bras croisés. et d'utiliser une technologie qui, elle, pour le coup, existe, qui est la technologie de la capture du CO2. Donc, on va continuer à émettre du CO2 de par notre procédé, mais on va le capter, ou on va capter en tout cas une grande partie dans les émissions du site pour pouvoir le stocker. Et ça, on fera ça tant qu'on aura des émissions de procédé.

  • Anthony Baron

    OK. Et vous ferez quoi de ce CO2 stocké ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il est stocké, c'est ce qu'on appelle le CCS, donc Carbon Capture and Storage. Donc on vient le stocker, alors pour nous, principalement dans les réservoirs de stockage de CO2 de la mer du Nord. Donc c'est soit des cavités salines, soit des anciens champs de pétrole ou de gaz qui sont vides. Et on vient remplacer en fait le pétrole bleu. ou le gaz qu'il y avait par du CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et quelles sont les vertus derrière ?

  • Guillaume de Goys

    L'objectif, c'est d'éviter de les émettre dans la nature.

  • Anthony Baron

    C'est ça.

  • Guillaume de Goys

    C'est d'éviter qu'ils soient émis à l'atmosphère. Et là, ils ont un pouvoir réchauffant important. Et donc, on les enterre pour qu'ils aient pas ce pouvoir réchauffant.

  • Anthony Baron

    Je connaissais pas du tout ce procédé. Et ensuite, il est stocké dans le sol et après,

  • Guillaume de Goys

    il y reste.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien. Il est amené à disparaître ou non ?

  • Guillaume de Goys

    Non, pas forcément, c'est comme le gaz, si vous voulez. Tant qu'on le laisse dans le sol et qu'on ne vient pas forer pour aller le chercher, il reste dans le sol.

  • Anthony Baron

    Oui, très bien, très clair. Alors les objectifs sont très ambitieux au niveau de la réduction des émissions de CO2. Je crois que c'était 30% d'ici 2030, 70% d'ici 2050. Les axes principaux justement de cette stratégie...

  • Guillaume de Goys

    2030, c'est vraiment la capture du CO2, c'est pour ça qu'on vise 30% de nos émissions, parce qu'on sait que ce n'est pas aussi efficace. que de ne pas les émettre. Bien sûr. Et puis, à horizon 2050, c'est cette nouvelle technologie anodinaire sur laquelle on compte.

  • Anthony Baron

    D'accord. Ok, très clair. Et quelle est la part, justement, de la R&D chez Union Acker en termes d'investissement ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, en termes d'investissement, c'est quelques pourcents de notre chiffre d'affaires. Quand nous étions dans les grands groupes, nous bénéficions de la R&D centrale de ces grands groupes. Depuis que nous sommes indépendants, on a un petit peu pris notre trésor, notre envol. Mais on commence par... Petit, entre guillemets. Mais on a déjà déposé quelques brevets et puis on va continuer à le faire pour développer ces nouvelles technologies.

  • Anthony Baron

    Et justement, en termes d'innovation, vous avez évoqué le lancement d'un nouveau four dédié au recyclage et donc justement les technologies de capture du carbone. Si on prend justement le cas de ce four recyclé, vous pouvez nous donner le montant de l'investissement que ça a pu représenter ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est 13 millions d'euros. 13 millions d'euros, d'accord. 13 millions d'euros, donc ce nouveau four de recyclage.

  • Anthony Baron

    Ok. Et en l'occurrence, ce four est actif aujourd'hui, on l'a dit, c'est 20 000 tonnes d'objectifs de production.

  • Guillaume de Goys

    Oui, on l'a débarré en mai, on l'a inauguré officiellement le 15 mai. Et cette année, on ne fera pas 20 000 tonnes, mais dès l'année prochaine, on fera bien ces 20 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    Et vous prévoyez la construction d'autres fours ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, je vous le disais, le marché globalement de l'aluminium essaye d'intégrer de plus en plus d'aluminium recyclé. Donc on souhaite pouvoir offrir à nos clients de l'aluminium primaire avec du contenu recyclé. Et donc, on est appelé à investir dans de nouveaux fours. On va déjà réussir le démarrage, la mise en production complète de ce four-là avant de poursuivre ses investissements.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et vous nous avez également partagé tout à l'heure, Guillaume, depuis la création finalement d'Alunium Dunkerque en 1991, la production a doublé à date ?

  • Guillaume de Goys

    Non, augmenté de 50%.

  • Anthony Baron

    Oui, augmenté de 50%. Est-ce que vous prévoyez également une augmentation à nouveau de 50% sur les 25-30 prochaines années ?

  • Guillaume de Goys

    Sur les 25-30 prochaines années, on est même plus ambitieux que ça. Dans la feuille de route de transition écologique que nous avons présentée au gouvernement et qui est signée avec eux, on prévoit de monter la production d'aluminium Dunkerque à 700 000 tonnes. Donc avec une nouvelle technologie, les anodes inertes dont je parlais à l'instant, et de pouvoir installer une deuxième ligne de production qui soit basée sur cette technologie-là, plus les capacités additionnelles de recyclage. L'ensemble de ces projets fait qu'aluminium Dunkerque a horizon 2050. devrait être aux alentours de 700 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors, on comprend bien effectivement la façon dont vous collaborez aujourd'hui avec vos équipes en interne. Malgré tout, est-ce que vous avez aussi des collaborations avec d'autres acteurs, publics, privés, pour mutualiser notamment les efforts dans la décarbonation et l'innovation à Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, oui, oui, tout à fait. On a plusieurs types de partenariats. Il y en a un que j'ai déjà cité, c'est le partenariat sur la capture carbone. Donc là, nous sommes en partenariat avec des acteurs de l'industrie de l'aluminium, mais aussi des... des acteurs équipementiers. Donc c'est un premier partenariat que nous avons mis en œuvre. Il y en a un deuxième qui est plus local, sur le Dunkerquois. Il y a plusieurs industriels qui se décarbonent aujourd'hui, aciéries, cimentiers, usines chimiques, à l'Union Dunkerque. Nous travaillons ensemble pour la spécification et la construction d'un tuyau qui permettra de collecter le CO2 qui sera capté dans ces différentes usines et l'emmener vers les lieux de stockage. Donc ça, c'est un investissement qui est massif, qui ne peut pas être porté par un seul des acteurs. Et c'est pour ça que nous travaillons ensemble avec des acteurs dont c'est la spécialité. Natran, par exemple, anciennement le transport, le GRT Gaz, qui a des études pour créer ce pipe de CO2.

  • Anthony Baron

    Quelles sont également les relations avec les pouvoirs publics locaux, le tissu économique du Dindes-Caircois, en l'occurrence ? Parce qu'on imagine le poids économique que vous avez localement. peut-être l'intention aussi que porte le groupe. On va dire les citoyens sur les émissions de CO2, etc. Comment vous fonctionnez justement pour les rassurer, pour maintenir effectivement des relations efficientes avec cet écosystème ?

  • Guillaume de Goys

    Sur la partie les rassurer, je crois que ce qui est le plus important, c'est de donner de la visibilité sur la pérennité de notre activité. Et donc tous les... Le projet que nous faisons, c'est justement pour donner cette visibilité-là. Il y a un élément qui est important et sur lequel on collabore beaucoup entre les différents industriels du Dunkerquois, c'est l'attractivité. On a malheureusement aujourd'hui un déficit d'images, qui n'est pas spécifique à Dunkerque, mais qui est plus général que ça, sur l'industrie. Quand on discute avec des jeunes, filles ou garçons, et qu'on leur dit « qu'est-ce que tu as envie de faire comme métier plus tard ? » , ils sont rares ceux qui nous disent « ah, j'ai envie de travailler dans une usine » . Et c'est dommage. parce qu'en fait, l'industrie, ce sont des belles carrières, c'est de beaux projets, c'est fabriquer des choses utiles.

  • Anthony Baron

    C'est tangible, c'est tactile.

  • Guillaume de Goys

    Exactement. Et puis, le travail dans l'industrie est hyper varié. Donc, on a ce déficit d'images qui vient d'années et d'années de désindustrialisation. Et donc, nous collaborons beaucoup entre acteurs industriels du Dunkerquois et plus largement des Hauts-de-France et même de la France entière pour redonner envie d'industrie. redonner envie d'industrie pour les jeunes, pour qu'ils nous rejoignent, qu'ils puissent faire métier dans l'industrie, mais aussi par rapport aux politiques, leur dire, vous savez, l'industrie, ce n'est pas que des problèmes, c'est aussi beaucoup de solutions et on leur demande d'investir à nos côtés pour réindustrialiser. Je me souviens d'Olivier Luancy qui parle souvent des problématiques liées à la désindustrialisation et dans la cohésion des territoires, c'est un élément important. Un territoire où les usines qui font un peu le tissu économique local disparaît, et bien ce tissu il disparaît. Et derrière, on a du mal à avoir cette cohésion sociale parce que les jeunes partent, ne peuvent plus travailler localement et donc on a des territoires qui, petit à petit, dont l'attractivité baisse beaucoup à cause de ça.

  • Anthony Baron

    Quelles sont les spécificités que vous avez pu mettre en place pour justement faire face à ces défis de recrutement, de formation ? Parce que ça, on le sait, dans un marché du travail où la cité est tendue, sur les fonctions industrielles.

  • Guillaume de Goys

    Je vais donner quelques exemples. Il y en a un qui est récent qui s'appelle Viva Fabrica, qui est un partenariat de beaucoup d'industriels au niveau français. La dernière édition de Viva Fabrica était à la fois sur Lille et sur Dunkerque. C'est une exposition qui est itinérante. On a profité du fait que ce soit en Haute-France pour avoir un stand aux couleurs d'Avion Dunkerque, de mobiliser nos collaborateurs pour qu'ils parlent. rencontre les jeunes, collégiens, lycéens, même études supérieures, et leur expliquer tout ce qu'on peut faire chez l'Union d'Incaire, qui est plus largement dans l'industrie de l'aluminium. On a aussi créé, avec plusieurs acteurs locaux, ce que nous appelons Fabulous Factory, qui est de montrer qu'en fait nos usines, c'est très très loin de l'image qu'on peut s'en faire, c'est loin d'être un endroit poussiéreux, sale, bruyant, etc. dans lequel on fait tourner des machines un peu anciennes. Ce n'est pas du tout le cas. On utilise des choses modernes. On fait très attention à nos environnements de travail. L'époque germinale est terminée. L'époque germinale est très loin d'être terminée depuis longtemps parce que germinale, c'était les mines. On en est quand même assez loin.

  • Anthony Baron

    Je suis d'accord. Je souhaiterais aussi aborder la culture managériale, qui est la vôtre, et celle que vous déployez également dans la société.

  • Guillaume de Goys

    Alors personnellement, ce qui m'anime, me motive tous les jours, c'est de vraiment développer les personnes avec lesquelles je travaille, de donner l'opportunité à chacun de nos collaborateurs de donner le meilleur d'eux-mêmes. Donc c'est de leur donner l'opportunité de faire de nouvelles choses, de créer, de s'associer, d'innover. Donc ça, c'est vraiment des points importants qui font partie de notre... De nos valeurs, nos valeurs chez William Dunkerque, c'est une valeur de protéger. D'abord, protéger les gens, protéger l'environnement. Donc ça, c'est une première valeur. Deuxième valeur, c'est d'exceller. Et nous pensons qu'à travers l'excellence, en particulier l'excellence opérationnelle, l'excellence industrielle, que l'industrie pourra demeurer en France et en Europe. On ne peut pas être moyen, il faut qu'on soit les meilleurs. Troisième point, c'est d'innover. Parce que l'innovation, c'est aussi un de nos axes clés. Et puis enfin, c'est d'améliorer, d'améliorer en permanence nos processus.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et entre justement la période à laquelle Alimian Dunkerque était rattaché à un grand groupe, notamment Rio Tinto, quand vous prenez la direction générale de la société, à aujourd'hui un fonds d'investissement américain et donc vous avez été nommé président à l'issue de cette opération. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé chez vous justement dans vos pratiques managériales ou peut-être votre niveau d'exigence par exemple ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il y a des choses qui n'ont pas changé, c'est qu'on fait toujours de l'aluminium à Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Ça c'est sûr.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est important. Ce qui a changé, principalement, c'est le fait que nous soyons passés d'un grand groupe, où on était une usine parmi d'autres, à une entreprise indépendante. Et ça, c'est un vrai changement dans l'état d'esprit, c'est un vrai changement aussi dans la responsabilité que nous avons. Yotinto, c'est un groupe qui est assez centralisé, et donc il y a beaucoup de... Les fonctions qui étaient faites de façon centrale, je parlais tout à l'heure de la R&D avec des centres de R&D dédiés qui n'étaient pas sur le site, mais c'est valable aussi pour beaucoup de fonctions sur la finance, sur la gestion de la trésorerie, sur les achats, sur le RH, etc. C'était tous des services partagés qui étaient faits ici ou là, même sur la stratégie de l'Union de Dakar qui n'était pas décidée à l'Union de Dakar, qui était décidée à Montréal ou à Londres. Le fait maintenant d'être avec un fonds d'investissement et géré comme une société indépendante, nous avons réinternalisé toutes ces fonctions et la stratégie d'Alumium Dunkerque et tout ce qui va avec cette stratégie, maintenant c'est exercé par Alumium Dunkerque et par les équipes d'Alumium Dunkerque. Donc ça fait qu'on est probablement moins spécialisé, mais par contre beaucoup plus multitâche, et ce qui est vrai pour l'équipe de direction, ça diffuse aussi dans l'ensemble de l'organisation.

  • Anthony Baron

    Et quelles sont justement les fonctions que vous avez réinternalisées chez Alunia Nakel ?

  • Guillaume de Goys

    C'est celle que je citais, donc on a réinternalisé des fonctions sur les achats, réinternalisé sur l'énergie, sur le changement climatique, sur la trésorerie, sur la comptabilité, sur la gestion RH...

  • Anthony Baron

    Et comment vous avez fait pour recruter ces personnes ? C'était des personnes en local que vous avez recrutées ?

  • Guillaume de Goys

    De tout. Il y en a qui sont en local, des gens en interne qui ont évolué, et puis il y en a d'autres qu'on est allé chercher à travers des cabinets de recrutement, à travers différentes missions.

  • Anthony Baron

    Et pour les collaborateurs, donc 700 collaborateurs, on le rappelle, est-ce qu'il y a eu un changement également d'appartenance, notamment à l'entreprise, chez eux, qui s'est fait, ou déjà avant ils avaient le sentiment d'être rattachés à l'Union Dunkerque ? On va dire l'attachement au groupe pouvait porter ? peut-être moins ?

  • Guillaume de Goys

    Alors je pense que les collaborateurs d'Alumium Dunkerque, depuis 30 ans qu'Alumium Dunkerque existe, ont un attachement à l'entreprise, à Alumium Dunkerque. Il y en a bien sûr qui viennent du groupe, j'en suis un bon exemple, et qui ont fait une partie de leur carrière chez Alumium Dunkerque et qui ont trouvé quand même une usine particulièrement attachante et qui reste d'ailleurs. Le fait maintenant que nous soyons pas simplement Alumium Dunkerque chez Péchiné, Alcan, Rio Tinto, mais Alumium Dunkerque. pour Alimian Dunkerque et que Alimian Dunkerque, fait que l'attachement, je pense, a beaucoup grandi. Et nous avons aussi la conviction qu'on est collectivement beaucoup plus performants quand on travaille pour une entreprise à taille humaine, une entreprise dont on connaît les contours et pas forcément un très grand groupe international.

  • Anthony Baron

    J'aimerais aussi aborder avec vous rapidement les sujets de féminisation dans l'industrie. On le sait, c'est un enjeu majeur. Aujourd'hui, quel est le niveau de parité femmes-hommes chez le Miamin d'Incair ? Alors,

  • Guillaume de Goys

    il n'est pas encore très bon, mais on vient de loin. Il faut savoir qu'il y a une dizaine d'années, on n'avait quasiment pas de femmes chez les opérateurs, chez les ouvriers. Nous en avons maintenant plus d'une vingtaine. Donc, ça commence petit à petit à avancer. Je crois qu'on n'a plus de secteur dans l'usine où il n'y a pas au moins une ou deux opératrices. Donc ça, c'est déjà un premier mouvement qui est initié et qu'on souhaite vraiment poursuivre. Alors, ce n'est pas forcément que par volonté d'avoir des hommes, mais souvent, quand on ouvre un poste, on a 80 candidats pour 20 candidates, voire même encore plus que ça, c'est-à-dire qu'il y a des postes où on n'arrive pas à avoir de candidates. D'où tout le travail qu'on fait sur l'attractivité de l'industrie et de dire aux jeunes hommes, mais aux jeunes femmes aussi, venez travailler chez nous, vous allez faire de belles choses. Au niveau de l'encadrement, technicien, gendre maîtrise et cadre, on a une proportion de femmes qui est plus importante. On vient aussi de moins loin. On n'était pas à zéro, on était déjà à peut-être 10-15%. Maintenant, ça commence à être plus. On a des ingénieurs, on a des cadres femmes. Je pense qu'on doit être à peu près entre 25 et 30% sur l'ensemble de l'encadrement.

  • Anthony Baron

    Et au niveau du comité de direction ?

  • Guillaume de Goys

    Au niveau du comité de direction, nous sommes 8 au comité exécutif d'Aminium Dunkerque, dont 2 femmes.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien.

  • Guillaume de Goys

    Donc il y a encore là aussi des efforts à faire.

  • Anthony Baron

    Effectivement. En tout cas, vous êtes sur la bonne voie puisqu'il y a déjà des progrès qui ont été initiés. Vous parliez des jeunes justement. Quel message souhaiteriez-vous leur adresser, pour ceux qui envisagent une carrière dans l'industrie, et en particulier dans un secteur aussi stratégique que l'Aminium ?

  • Guillaume de Goys

    Bien qu'ils nous rejoignent. Ça, c'est le message. Alors bien sûr, ce n'est pas juste en disant ça qu'ils vont venir. Il faut savoir qu'Allium Dunkerque est dans une phase très dynamique en ce moment. Nous avons à peu près 90 recrutements chaque année. Donc, il y a un vrai appel pour de nouvelles recrues qui nous rejoignent. On fait attention à tous ceux et celles que nous embauchons d'avoir un parcours d'intégration qui leur permette de découvrir l'ensemble de nos métiers. Et Dieu sait qu'ils sont divers. Rejoindre l'Union Dunkerque, c'est quand même l'assurance d'être au sein de là où l'Union se fait. On représente les deux tiers de l'Union en France. Et le choix aussi, enfin en tout cas la possibilité pour ceux qui le souhaiteraient, d'avoir des carrières très diversifiées. On ne rentre pas chez l'Union Dunkerque à un poste et puis on reste toute sa carrière à ce poste-là. Il y a la possibilité en interne de faire plein de choses différentes.

  • Anthony Baron

    Et justement, si on regarde un petit peu les prospectives ? Comment vous voyez l'évolution de l'industrie de l'aluminium d'ici 2030, peut-être à 20-30 ans, face encore une fois à ces enjeux et ces défis climatiques, et notamment géopolitiques ?

  • Guillaume de Goys

    Les défis géopolitiques sont forts pour notre industrie parce que l'aluminium est un bien qui s'échange très facilement d'une frontière à l'autre, d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre. Donc on est à la croisée de tous ces enjeux. On parlait juste avant de discuter ensemble en préparant cette interview de l'impact des droits de douane aux États-Unis. Donc ce sont des sujets qui sont indissociables de l'industrie de l'aluminium. Je pense que l'aluminium a vraiment son mot à dire. C'est un des rares métaux qui participent très directement à cette transition écologique. On va avoir besoin de plus en plus d'aluminium. Et donc, rejoindre la filière, c'est de s'assurer d'avoir un boulot d'avenir.

  • Anthony Baron

    Autre question qui n'a rien à voir avec les sujets qu'on a évoqués. Guillaume Demain, président de la République, quelles seraient vos premières mesures en faveur du climat ?

  • Guillaume de Goys

    Oula ! Donner un cap clair. je pense que c'est C'est dommage parce qu'il y a eu une volonté de donner un cap clair, déjà en ayant une base à travers le secrétariat général de la planification écologique, d'avoir une vraie comptabilité carbone qui prenne en compte pas simplement les émissions directes, mais aussi toutes les émissions importées, ce qu'on appelle l'empreinte.

  • Anthony Baron

    Avec la CSRD alors.

  • Guillaume de Goys

    Et de se dire, voilà où nous sommes de façon objective. Il y a tant de pourcents qui sont dus au transport, tant de pourcents qui sont dus à l'industrie, tant de pourcents qui sont dus... que sais-je, l'isolation des bâtiments, etc. Et de se dire, si on veut atteindre les moins 55% en 2030, et puis probablement moins 90% en 2040, eh bien, ce qui est faisable, c'est ça. Et donc, il faut, sur les transports, qui représentent aujourd'hui un part importante, significative des émissions nationales, on n'a pas fait énormément d'efforts. Il y en a beaucoup qui sont faits à travers le fait que les moteurs, règlement après règlement, émettent moins, mais on n'a pas vraiment fait de transition. Et il faut faire cette transition vers l'électrique. D'où tout le travail qui est fait, gigafactory, on en a parlé tout à l'heure, etc. Sur l'isolation des logements, pareil. Sur le changement, passer du gaz vers l'électrique, c'est la même chose, etc. Donc il y avait un cap qui était donné, qui était assez clair. Et il y avait donc des industriels qui pouvaient s'inscrire dans ce cap-là et des politiques qui s'inscrivaient dans ce cap-là. Malheureusement, depuis quelques... mois ou quelques trimestres on a un peu perdu cette boussole depuis un an depuis un an avec la dissolution mais même déjà en 2022 avec une majorité beaucoup plus courte au parlement c'est plus compliqué de garder ce cap en fait et l'énergie pour ne parler qu'elle est devenue un enjeu politique mais de politique politicienne un petit peu qui aujourd'hui est un nouveau marqueur droite gauche et c'est un peu étonnant parce que les débats sont beaucoup moins factuels que ce qu'ils étaient il ya deux ans

  • Anthony Baron

    Je pense qu'il y a un sujet économique. Et d'ailleurs, le cap qui a été annoncé, avec des enjeux par filière, était quand même axé aussi sur des subventions. Et en fait, la question typiquement qu'on peut se poser...

  • Guillaume de Goys

    Des subventions ou des taxes différentes. Effectivement.

  • Anthony Baron

    Mais en tout cas, il y avait une aide et une participation de l'État, donc des impôts français qui permettaient ça. En fait, la question à se poser, c'est est-ce qu'aujourd'hui, sans ces aides, les industriels sont en capacité ? malgré tout, de faire ces transitions, accélérer l'électrification, changer les modes de transport, être peut-être aussi dans le renoncement, participer encore un peu plus à la circularité des produits et effectivement favoriser le recyclage, etc.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas une question simple. Ce n'est pas une question simple parce que ce n'est pas que dans la main des industriels. C'est aussi dans la main des consommateurs, c'est dans la main des pouvoirs publics et c'est les trois qui doivent travailler ensemble. Tout à fait. On parlait tout à l'heure de Green Premium. Je vous disais que nos clients aujourd'hui sont prêts à mettre à peu près 1% d'amélioration, d'acheter un tout petit peu plus cher notre aluminium parce qu'il est bas carbone. C'est très très très loin de couvrir le coût de la décarbonation, très loin. Et donc aujourd'hui, si on n'a pas des incitations pour décarboner, eh bien la décarbonation ne se fera juste pas. Parce qu'un industriel, mais c'est comme tout entrepreneur, il peut prendre des risques, mais il ne peut pas durablement faire un choix d'être à perte. C'est pas possible, c'est pas pérenne. On est bien d'accord. Donc ça, c'est le premier point. Il y a toute une éducation à faire sur pourquoi est-ce qu'on doit se décarboner. Le changement climatique, il est tangible, mais on ne peut pas compter que là-dessus. Se dire, quand les gens se rendront compte qu'il fait chaud, ce sera déjà trop tard. Donc il y a de l'éducation, de la pédagogie à faire, et l'éducation nationale a son rôle à jouer, bien évidemment. Les politiques publiques, vous parliez tout à l'heure de subventions, mais il y a aussi des taxes. Quand on voit que les taxes sur l'électricité sont supérieures, pas tout le temps, mais peuvent être supérieurs au gaz, par exemple, on se dit, est-ce que c'est le bon signal qu'on est en train de donner ? C'est évident. Donc il y a plein d'outils. outils de politique publique, il ne faudrait pas ramener ça que aux subventions, même si elles sont nécessaires pour le développement des énergies renouvelables ou pour l'électrification, par exemple, des choses comme ça. Donc c'est un outil, ça n'est pas le seul, et l'objectif, vous me posiez la question, si j'étais au pouvoir, qu'est-ce que je ferais ? Ce n'est pas mon intention, mais ce que je ferais, c'est vraiment donner ce cap-là et d'utiliser l'ensemble des outils qu'on a en tant que politique pour pouvoir essayer de donner de la visibilité à chacun. aussi bien les citoyens consommateurs que les industriels producteurs que ceux qui sont plutôt dans les fonctions support, de se dire ok, voilà où est-ce qu'on veut aller, si on veut y aller ensemble, ce cap-là on n'en dérogera pas et on n'en bougera pas.

  • Anthony Baron

    C'est effectivement une bonne solution, en tout cas de nommer un peu plus de clarté. Peut-être dernière question pour vous Guillaume, quel conseil justement, dans la continuité de ce qu'on vient de se dire, quel conseil vous donneriez aux dirigeants qui nous écoutent sur la gestion de leurs enjeux industriels et notamment de décarbonation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est une vaste question. Je pense que ce qui est important, c'est ce que je viens de dire. Donc ce que je demande à d'autres d'appliquer, il faut qu'on se l'applique à nous-mêmes, c'est de donner ce cap-là. Je vois des industriels qui sont tout feu, tout flamme quand le sujet est à la mode. Et puis, dès qu'il y a un peu moins de visibilité, quand les vents sont un peu mauvais, tout à coup, abandonnent. C'est sûr que ça ne va pas mobiliser les équipes. et donc je pense que Personnellement, ce qui est important, c'est que quand on choisit une stratégie, il faut s'y tenir. On ne peut pas changer de stratégie tous les ans. Sinon, ce n'est pas une stratégie, c'est juste de la tactique pour avancer pendant six mois, puis après, on verra bien ce qui se fera. Je pense que c'est à nous, en tant qu'équipe de direction, de fixer ce cap-là pour notre entreprise et de s'y tenir. Alors, bien sûr qu'il faut l'adapter. Bien sûr qu'on ne peut pas foncer dans un mur si on voit un mur. Il faut avoir de l'agilité. mais l'horizon qu'on... désigne et qu'on fixe, il faut savoir le garder parce que sinon, on ne peut pas mobiliser les gens.

  • Anthony Baron

    Un grand merci Guillaume en tout cas pour encore une fois cet échange qui était très instructif, on a senti beaucoup de motivation et encore une fois détermination également dans la volonté de favoriser le développement d'un aluminium décarboné très important et puis également avec le maintien aussi de cette souveraineté française et européenne dans la production d'aluminium. Un grand merci Guillaume encore une fois.

  • Guillaume de Goys

    Merci à vous.

  • Anthony Baron

    Merci d'avoir écouté les After Decider, un podcast produit par Adéquancy. Retrouvez l'intégralité de nos épisodes sur les plateformes de streaming. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode. A très bientôt.

Description

Comment conjuguer compétitivité industrielle, décarbonation et souveraineté énergétique en Europe ? Dans cet épisode des Afters Décideurs enregistré en juillet 2025, Guillaume de Goÿs, président d’Aluminium Dunkerque, revient sur les grands défis d’une filière stratégique au cœur de la transition écologique.


Le parcours de Guillaume de Goÿs

De Michelin à Aluminium Dunkerque, une carrière marquée par l’international et la transformation industrielle.

L’histoire et l’identité d’Aluminium Dunkerque

Le podcast revient sur la création de l'entreprise dans les années 90 jusqu'à son rôle actuel de leader européen de l’aluminium primaire.

La décarbonation et l’innovation

Guillaume de Goysdétaille les leviers mobilisés pour réduire l’empreinte carbone : force du mix énergétique français, place du recyclage, capture du CO₂ et investissements dans de nouvelles technologies industrielles.

Les usages stratégiques de l’aluminium

Matériau essentiel, l’aluminium est au cœur de multiples transformations : automobile, emballage, batteries, énergies renouvelables… autant de secteurs où il s’impose comme un pilier de la transition écologique.

Souveraineté industrielle et compétitivité mondiale :

Face à la Chine, au Moyen-Orient ou encore à la volatilité des prix de l’énergie, Aluminium Dunkerque incarne les enjeux de souveraineté européenne et la nécessité de renforcer la compétitivité de l’industrie lourde.


Un témoignage qui éclaire les défis énergétiques et environnementaux d’un secteur clé pour l’économie et l’avenir industriel du continent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Guillaume de Goys

    Les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation, mais en donnant les conditions. à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne et fasse partie en fait de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Bonjour, je suis Anthony Baron et vous écoutez les After Deciders, un podcast à déconcilier qui accueille des leaders entreprenants, acteurs de l'économie réelle, portant au quotidien des mutations et des innovations dont les actions impactent notre société. Bonne écoute à tous. Nous nous immergeons aujourd'hui dans l'univers de l'industrie et nous avons l'honneur et le privilège d'accueillir Guillaume Degoïs, président du groupe Aluminium Dunkerque, un dirigeant industriel français, surtout un dirigeant industriel français engagé dans la décarbonation et l'économie circulaire. Bonjour Guillaume. Bonjour. Alors dans cet épisode, nous allons revenir sur les éléments de votre parcours, l'histoire et le positionnement actuel du groupe Aluminium Dunkerque, la stratégie et les transformations menées par le groupe, ainsi que le mode de management et de gouvernance associés, et puis les innovations que vous portez. au sein du groupe Aluminium Dunkerque. Alors Guillaume, sur votre parcours académique, vous êtes ingénieur ECAM, complété par un master à l'IAE de Lyon en gestion des entreprises et vous débutez votre carrière au sein du groupe Michelin avec notamment des responsabilités dans la construction d'usines en Thaïlande. Fort de cette expérience internationale, vous rejoignez le groupe Péchiné en 2002 qui sera repris un an plus tard par le groupe Alcan. Et vous prenez des responsabilités industrielles en environnement de production en Afrique ainsi qu'en France et ensuite vous prenez la direction du site de Carbon Savoie. en 2010, un site qui fait 500 personnes et 130 millions d'euros de chiffre d'affaires. Puis la direction générale d'Aluminium Dunkerque à partir de 2015, alors détenue par le groupe Rio Tinto. Et ensuite la présidence, 7 ans plus tard, après la reprise d'Aluminium Dunkerque, par AIP. Première question pour vous, Guillaume. Quelle est la situation du groupe Aluminium Dunkerque, un des principaux producteurs d'aluminium primaire en Europe, quand vous prenez la présidence en 2021 ?

  • Guillaume de Goys

    Aluminium Dunkerque va bien. Ça, c'est une bonne chose. En effet, nous avons fait une très bonne année 2024, portée par nos marchés, portée aussi par la baisse des prix sur l'énergie, par une stratégie qui nous a beaucoup aidé en 2024, de commencer et de vraiment viser la voie de la croissance à travers la diversification de notre portefeuille produit, à travers l'augmentation du recyclage et à travers l'engagement par l'Union Dunkerque de la voie de la décarbonation. Puisqu'en décembre 2023, nous avons signé notre contrat de transition écologique avec l'État, avec le ministre Lescure à ce moment-là.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et si on revient justement en 2021, quelle était la situation de la société à ce moment-là ?

  • Guillaume de Goys

    En 2021, donc, c'est au moment...

  • Anthony Baron

    Dans quel contexte vous arrivez, effectivement ?

  • Guillaume de Goys

    Tout à fait. Donc, en 2021, l'entreprise a été reprise par AIP, comme vous l'avez dit. AIP, c'est American Industrial Partners, donc ce sont nos actionnaires. C'est un fonds d'investissement qui est basé à New York. et qui détenait la dette d'Alunium Dunkerque. Dette qui était en défaut. Le précédent actionnaire n'a pas pu régler ces défauts-là. Et donc AIP a pris le contrôle d'Alunium Dunkerque en octobre 2021. Une prise de contrôle qui s'est plutôt bien passée, s'est même très bien passée, puisque aujourd'hui Alunium Dunkerque a eu plutôt de belles réussites avec ce fonds d'investissement, à travers les différents projets dont j'ai parlé. On a aussi traversé la crise. de l'énergie en 2022-2023 et ça aurait été difficile si on n'avait pas eu le support de notre actionnaire.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors je tiens à préciser également que vous êtes membre du conseil d'administration de l'aluminium Dufel, une usine de laminage située en Belgique. Vous êtes également président de l'association française des producteurs d'aluminium, Aluminium France. Vous êtes membre du conseil d'administration d'European Aluminium et Eurométho qui défend activement notamment les intérêts de la profession et promeut la décarbonisation et l'économie circulaire. Et vous êtes aussi trésorier de l'Uniden, qui est l'union des industries utilisatrices d'énergie. Alors en tant que président d'Aluminium Dunkerque et surtout d'Aluminium France et trésorier de l'Uniden, comment ces rôles influencent-ils votre vision pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Alors effectivement, ça peut paraître une longue liste de responsabilités. En fait, c'est assez organisé. Aluminium France, c'est la fédération professionnelle des producteurs d'aluminium. Les intérêts d'Aluminium Dunkerque et ceux d'Aluminium France sont très alignés. Le fait de pouvoir utiliser Aluminium France permet de faire entendre la voix d'Aluminium Dunkerque et de tous les autres producteurs et transformateurs d'aluminium en France pour faire entendre la voix de l'aluminium auprès de nos décideurs politiques, auprès des différentes politiques qui sont développées. C'est de même au niveau européen. C'est pour ça que j'interviens au sein d'European Aluminium ou Eurométho. donc c'est la la Fédération des non-ferreux à Bruxelles.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    L'UNIDEN, c'est un signe qui ne doit pas dire grand-chose, c'est l'Union des industries utilisatrices d'énergie. En gros, c'est tous les industriels qui consomment beaucoup d'électricité ou de gaz, pour lequel l'électricité ou le gaz est comme une matière première. C'est indispensable à la réalisation de notre activité. Donc l'Uniden a été particulièrement active en 2022-2023, mais bien au-delà de ça, puisque l'Uniden existe depuis plusieurs décennies, pour faire entendre la voix des industriels comme nous qui avons besoin d'électricité à prix compétitif. Et donc voilà, c'est vraiment pour défendre cette voix-là que je participe à ces différentes associations.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur la part de l'électricité dans la production d'aluminium, aujourd'hui, ça représente quel pourcentage des coûts ?

  • Guillaume de Goys

    C'est le deuxième. centre de coût pour Aluminium Dunkerque, juste derrière les matières premières. Les matières premières, au premier lieu, l'alumine, représentent à peu près 40% de nos coûts. Juste derrière, il y a l'électricité qui va représenter entre 25 et 30%.

  • Anthony Baron

    D'accord. Donc d'où effectivement les négociations dont vous parliez tout à l'heure qui étaient effectivement essentielles pour maintenir une compétitivité finalement sur ce marché. Alors, Aluminium Dunkerque a connu une succession d'actionnaires. depuis plus de 30 ans, Péchiné, Alcan, Rio Tinto, GFG, puis aujourd'hui AIP, un fonds d'investissement américain, vous l'avez très bien cité. Quelle est selon vous l'identité de la société et son héritage, notamment dans une région de France qui a aussi souffert finalement d'une forte désindustrialisation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est vrai, le Nord a été particulièrement touché par cette désindustrialisation, même si aujourd'hui c'est encore une terre d'industrie. Et on le voit aujourd'hui à travers un renouveau, avec les gigafactory de batterie, à travers... Plusieurs industries qui s'installent autour de l'usine. Revenons sur la naissance d'Alumium Dunkerque. En 1991, Alumium Dunkerque démarre sa production après avoir été le plus grand chantier industriel de France entre 1989 et 1991. C'est une décision d'implantation qui est là aussi due à l'énergie. Pourquoi ? Parce qu'il y a la centrale quasi immédiate de Gravelines, la centrale nucléaire de Gravelines, qui est à 2,5 kilomètres à vol d'oiseau de l'usine. Donc une proximité immédiate. Et dans la fin des années 80, début des années 90, il y a une production très importante d'électricité d'origine nucléaire. Et donc c'est tout naturel que deux grandes entreprises françaises, Péchinay d'un côté et EDF de l'autre, s'associent pour donner naissance à l'aluminium Dunkerque. Donc l'aluminium Dunkerque, de 1991 jusqu'à 2016, a grandi avec ce partenariat entre EDF et Péchinay, qui est devenu derrière Alcan puis Rio Tinto. et a permis de se développer avec cette visibilité qui était donnée par ce contrat d'électricité de 25 ans. Depuis, le contrat s'est terminé, nous avons changé à nouveau d'actionnaire parce qu'il n'y avait pas cette visibilité à moyen long terme qui permet d'avoir de la stabilité et d'investir dans les opérations. Et je suis très heureux qu'à travers cette reprise par AIP et puis la reprise des négociations avec EDF, nous soyons maintenant proches de la signature d'un contrat pour 10 ans. qui à nouveau donnera de la visibilité à l'Union Dunkerque et nous permettra de poursuivre nos investissements sur le recyclage et nos investissements dans la décarbonation.

  • Anthony Baron

    Et le fait que ce soit un actionnaire américain, en l'occurrence, est-ce que ça a une incidence ou une influence sur la négociation avec le partenaire EDF ?

  • Guillaume de Goys

    Je ne pense pas parce que, vous le disiez, Alimiam Dunkerque a une identité qui lui est propre. Nous sommes implantés depuis longtemps en France. Notre marché est essentiellement français et européen. Et donc, le fait que nous ayons un actionnaire américain, c'est un fonds d'investissement qui est là pour nous aider à mettre en œuvre notre stratégie, mais qui ne se substitue pas au ménagement. Et le ménagement, il est local, basé ici à Paris et à Dunkerque. pour vraiment présider au devenir d'Aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Alors, on va donner quelques chiffres aussi sur Aluminium Dunkerque. C'est 700 collaborateurs, 800 millions d'euros de chiffre d'affaires, 300 000 tonnes d'aluminium produits chaque année sur un site qui fait 65 hectares. Et donc, vous exportez dans 10 pays. Oui. C'est bien ça. Si on regarde un petit peu justement le processus de fabrication, comment on fabrique généralement de l'aluminium ? En fait, quels sont les produits finis que vous sortez de l'usine ?

  • Guillaume de Goys

    L'aluminium primaire vient d'un produit qu'on extrait du sol qui s'appelle l'aboxyte. L'aboxyte est une terre rouge qui contient beaucoup d'alumine, donc c'est l'oxyde d'aluminium. Cette bauxite est raffinée en alumine dans des usines chimiques. Et donc nous, les usines qui approvisionnent l'aluminium Dunkerque en alumine, elles sont en Irlande, en Allemagne. en Espagne pour une partie, et puis quelques fois aussi de la mine qui vient de plus loin. Cette alumine, il faut à peu près 2 tonnes d'alumine pour faire une tonne d'aluminium. On en importe donc à peu près 550 000 tonnes chaque année. Et ces 550 000 tonnes sont transformées en 285 000 tonnes d'aluminium chaque année, grâce au courant électrique, puisque c'est un processus d'électrolyse. Donc l'électrolyse, c'est un petit peu le centre de notre processus, qui permet de transformer à 960 degrés cette alumine. en aluminium. Donc l'aluminium est produit sous forme liquide dans la série d'électrolyse avec une très très grosse consommation d'électricité puisque pour produire une tonne d'aluminium il faut à peu près 13,5 MWh. Donc c'est un des métaux qui consomment le plus d'électricité pour sa fabrication. Cet aluminium qui est donc produit sous forme liquide, on utilise des anodes en carbone pour conduire l'électricité au sein des cuves puisque le carbone c'est un des matériaux qui, outre le fait qu'il est conducteur d'électricité, résiste aussi aux très fortes températures qu'il y a dans le bain électrolytique. Donc on a sur place un département qui fabrique les anodes. On consomme à peu près 150 000 tonnes. Donc nous produisons à peu près 150 000 tonnes d'anodes chaque année que nous recyclons quand elles sont usées pour pouvoir produire ces 300 000 tonnes d'aluminium. Ensuite, l'aluminium sous forme liquide, il est transporté vers la fonderie où il va être solidifié en deux types de produits. Tout d'abord, et ça représente à peu près 75 % de notre production, des plaques, des plaques de laminage. Donc il faut imaginer des grands rectangles. qui peuvent faire jusqu'à 8 mètres de long, jusqu'à 60 cm d'épaisseur et jusqu'à plus de 2 mètres de large. Ces grandes plaques sont envoyées chez nos clients pour être laminées. Donc on peut imaginer un laminoir, c'est un peu comme quand on fabrique des pâtes à la maison, on les fait passer entre deux cylindres pour écraser ces plaques qui font 60 cm d'épaisseur et on vient les réduire en épaisseur en plusieurs passages pour faire des tôles, pour faire jusqu'au papier d'aluminium, c'est-à-dire des choses qui peuvent être très fines. ou des carrosseries de voitures qui peuvent être un peu plus épaisses. Donc l'usage final de nos produits sous forme de plaques, c'est dans l'automobile, c'est dans l'emballage. On en trouve par exemple dans les canettes pour boire. On en trouve aussi dans les blisters de médicaments. On en trouve dans les capsules de Nespresso. On en trouve dans pas mal de produits du quotidien. Et puis on a aussi d'autres usages industriels divers qui vont du bâtiment jusqu'à... à l'aérospatiale.

  • Anthony Baron

    Vous disiez justement que l'alumine, globalement, c'est la moitié qui permet la production de l'aluminium. Qu'est-ce que vous faites de l'autre moitié ?

  • Guillaume de Goys

    On a deux tonnes d'alumine pour produire une tonne d'aluminium. Pourquoi ? Parce que l'alumine, c'est Al2O3. Et donc, en fait, notre processus d'électrolyse, ça vient enlever ce O3, donc cet oxygène, de l'alumine, ce qu'on appelle réduire de l'alumine en aluminium. D'accord. et le haut l'oxygène vient se combiner avec le carbone des anodes et c'est ça qui crée le CO2. C'est ça qui crée le CO2 surtout que malheureusement on émet dans l'atmosphère. D'où cette trajectoire de décarbonation que nous avons engagée qui vise à réduire ces émissions de CO2 dans l'atmosphère.

  • Anthony Baron

    On va effectivement en reparler. Comment vous définissez aujourd'hui la mission d'Aluminium Dunkerque dans le contexte actuel de l'industrie française et européenne ? Vous parliez beaucoup de décarbonation.

  • Guillaume de Goys

    Alors notre mission, c'est un petit peu notre raison d'être, c'est de produire en France de façon pérenne, donc on veut être là pendant longtemps, de l'aluminium responsable. Alors qu'est-ce que ça veut dire responsable ? Ça veut dire que c'est l'aluminium qui est produit le mieux possible, en émettant le moins de CO2, en utilisant le moins d'eau, en utilisant efficacement l'électricité, donc en étant les plus performants dans ces différents domaines. Et pourquoi est-ce qu'on fait cet aluminium-là ? C'est pour les usages de la transition écologique. Il faut savoir que l'aluminium est léger, il est conducteur, il résiste très bien aux intempéries, il protège aussi les emballages, etc. C'est pour ça qu'on l'utilise beaucoup dans l'industrie de l'emballage. Donc l'aluminium, on va le retrouver dans les batteries de véhicules électriques, on va le retrouver dans tous les moyens de transport pour les alléger, pour limiter les émissions de CO2 ou prolonger l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques. On va le retrouver aussi pour transporter de l'énergie, on va le retrouver dans les... panneaux solaires. Donc beaucoup d'usages où les propriétés de l'aluminium en font un matériau de choix et c'est un matériau de choix suffisamment important pour qu'il soit reconnu comme stratégique pour la transition écologique par l'Union Européenne.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur l'implantation des Gigafactory dans le nord de la France, notamment à Dunkerque, est-ce que le fait qu'Aluminium Dunkerque soit présent et soit aujourd'hui le leader de la production et de la façon dont d'aluminium primaire en France et même en Europe, à jouer dans ce choix ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, je ne pense pas que c'est parce que l'aluminium Dunkerque était là que les Gigafactory se sont installés. Mais par contre, pour nous, c'est une très belle opportunité. C'est une opportunité parce qu'on trouve de l'aluminium dans les batteries et donc on peut produire de l'aluminium qui va être utilisé derrière dans les batteries. C'est ce que nous commençons à faire d'ailleurs. Et puis, on peut aussi être à l'autre bout de la chaîne, c'est-à-dire de récupérer l'aluminium qui est dans les batteries usagées. Donc, on noue des partenariats. nous discutons aujourd'hui avec les différents acteurs de cette chaîne, de cette chaîne de valeur, pour leur fournir de l'aluminium, qui est bas carbone, qui est efficace en termes d'électricité, qui bénéficie de l'électricité très décarbonée qu'on a en France, pour qu'ils puissent faire des batteries les plus durables possibles. Et derrière, on peut aussi leur proposer de récupérer l'aluminium en fin de vie, une fois que les batteries ont terminé leur vie, pour qu'on puisse, nous, les recycler et puis offrir une nouvelle vie à cet aluminium-là.

  • Anthony Baron

    Alors, je crois que l'automobile, part, en tout cas un secteur d'activité qui est très important pour vous,

  • Guillaume de Goys

    c'est près de 40%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris effectivement que l'aluminium était un élément clé dans les phases de transition énergétique. Et si on prend le cas par exemple de l'automobile, quelles sont justement les applications et les usages qu'on pourrait y voir ?

  • Guillaume de Goys

    Je vous parlais tout à l'heure des plaques, il y a un deuxième produit que nous faisons qui sont les lingots. Donc les plaques, je vous l'ai expliqué, des grands rectangles qui font jusqu'à 8 mètres de long. Les lingots, pour le coup, c'est 16 kilos. C'est un lingot comme vous pouvez l'imaginer, on les empile pour pouvoir les vendre et les envoyer chez nos clients. Ces lingots sont destinés à être refondus et là pour le coup c'est 100% pour le secteur de l'automobile. Donc pour les lingots, vous allez en retrouver dans les jantes en aluminium, c'est probablement l'application la plus connue dans l'automobile. Vous allez les retrouver aussi dans des pièces de suspension, dans les étriers de frein, dans différentes parties du bloc moteur, qu'il soit électrique ou qu'il soit thermique. On retrouve de l'aluminium pièces de fonderie pratiquement partout dans l'automobile. Sur la partie tôle de laminage, on va le retrouver essentiellement dans ce qu'on appelle la caisse en blanc, c'est-à-dire la carrosserie intérieure et extérieure des véhicules. Vous avez des véhicules plutôt haut de gamme qui vont être complètement en aluminium, et puis d'autres où c'est principalement une structure en acier, mais pour alléger ces véhicules-là, on va remplacer quelques pièces en acier par de l'aluminium. Par exemple les portes, le coffre. le capot, etc., qui sont des pièces qu'on peut remplacer. Et on gagne du poids, en fait, à chaque fois qu'on remplace les pièces en acier par des pièces en aluminium.

  • Anthony Baron

    Donc, d'où le fait, effectivement, d'accélérer l'usage de l'aluminium par rapport à l'acier pour diminuer, effectivement, le poids des véhicules et donc être moins consommateur d'énergie.

  • Guillaume de Goys

    C'est ça, moins consommateur d'énergie ou étendre la distance ou l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques et puis, in fine, émettre moins de CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. OK, très clair. Donc... On l'a compris, l'aluminium Dunkerque est un acteur incontournable aujourd'hui en France et en Europe. Comment vous réussissez aussi à répondre à la demande croissante d'aluminium bas carbone ? Parce que ça, c'est un vrai sujet, le bas carbone, justement dans ces secteurs que sont l'automobile ou les énergies renouvelables.

  • Guillaume de Goys

    De plusieurs façons. Déjà, je le disais tout à l'heure, l'aluminium Dunkerque bénéficie en France d'une électricité qui est très décarbonée par le mix que nous avons sur le réseau français, basé sur du nucléaire, de l'hydraulique et très peu finalement de... On a un des électricités les plus décarbonées d'Europe ou même du monde. Il n'y a guère que quelques pays qui sont sur base hydroélectrique qui peuvent avoir un mix un peu plus décarboné que le nôtre. Donc ça, c'est le premier atout très fort que nous avons en étant basé en France. Deuxième chose, je le citais aussi, c'est travailler sur l'efficacité énergétique. La moyenne en termes de consommation d'électricité pour produire une tonne d'aluminium primaire, c'est au-delà de 14, 14,5 MWh par tonne d'aluminium. Nous, l'année dernière, nous avons battu notre propre record, et on est parmi les meilleurs au monde, à moins de 13 MWh pour produire une tonne d'aluminium. Donc vraiment un progrès important qui permet de consommer moins d'électricité et de ce fait-là émettre moins de CO2. Et puis on augmente aussi la part d'aluminium recyclé. Donc à chaque fois qu'on recycle l'aluminium, on n'utilise pas d'anode, etc. Donc on a... Un bilan carbone qui est plus efficace que quand on est en train de le produire avec des anodes et de l'alumine. Et puis enfin, troisième point, nous travaillons aussi sur la décarbonation de notre activité. Alors pour le moment, on n'en voit pas encore les résultats puisqu'on est vraiment dans la phase de recherche et de développement puisqu'il n'existe pas aujourd'hui de système de capture du CO2 qui soit adapté à l'industrie de l'aluminium primaire. Donc on est en train de développer ce système de capture carbone avec des partenaires. des partenaires équipementiers, des partenaires du monde de l'aluminium, pour pouvoir développer une solution sur la capture du CO2.

  • Anthony Baron

    Quelle est l'importance de la souveraineté industrielle en France et en Europe pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    La souveraineté industrielle, on l'a touchée du doigt lors du Covid, quand on s'est rendu compte qu'on n'était plus capable de produire, qu'on ne produisait plus des biens de première nécessité, et qu'on était hyper dépendant de producteurs qui sont non-européens. Sur l'aluminium, la situation n'est pas très bonne. En Europe, on couvrait à peu près par la production européenne, la consommation européenne, il y a une trentaine d'années. Depuis 30 ans, avec la désindustrialisation, de l'Europe, nous ne produisons que 50%, même pas la moitié, de l'aluminium qui est utilisé en Europe. Tout le reste est importé. Et est importé depuis des pays qui en produisent beaucoup plus que ce qu'ils consomment. Les plus proches, c'est la Norvège et l'Islande, qui font partie de l'Europe d'une certaine façon. Et hors Europe, c'est le Moyen-Orient, c'est l'Inde, c'était la Russie, ça n'est plus maintenant. Et puis, c'est principalement sur l'aluminium primaire, les grands concurrents. Alors, ces grands concurrents, pour la plupart en tout cas, proposent de l'aluminium qui est plus carboné que celui qui est fabriqué en Europe. Donc ça, ce n'est quand même pas une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que ce qu'on n'est pas capable de produire en Europe, on l'importe et on l'importe plus carboné que ce qu'on produit nous-mêmes. Donc ça, c'est vraiment quelque chose qui ne va pas dans le bon sens en termes de réchauffement. Juste pour donner quelques chiffres, l'aluminium Dunkerque, c'est à peu près 4 000. tonnes, enfin c'est même 4 tonnes en 2024, c'est 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit sur l'ensemble des scopes, ce qu'on appelle le scope 1, 2, 3. Donc le 1 c'est le direct, le 2 c'est l'indirect, c'est lié aux sources d'énergie et le 3 c'est tout le reste, le transport, matières premières, etc. Et donc nous sommes à 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit, ce qui fait de nous une des meilleures usines de production d'aluminium primaire au monde. On doit être dans les, je pense, 10% des plus efficaces. La moyenne de la production européenne, on va plutôt être à 6, 6,5. La moyenne des imports européens, c'est aux alentours de 9, 9, 10. Et quand vous importez d'Inde, l'Inde c'est essentiellement sur base charbon, eux vont être à... alors il y a le Scope 3 effectivement, plus de distance, mais il y a surtout l'électricité qu'ils utilisent, qui est sur base charbon. Et là on va monter à 16 tonnes de CO2. C'est 4 fois plus que ce qu'on produit nous.

  • Anthony Baron

    Est-ce que la solution serait justement d'étendre les activités industrielles d'Aliénium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous ne faisons pas en augmentant beaucoup notre production d'Aliénium primaire, même si nous le faisons, puisque à sa création il y a 30 ans, Aliénium Dunkerque produisait à peu près 200 000 tonnes d'aliénine. Et c'est 300 000 tonnes ? Là aujourd'hui c'est 300 000. Donc vous voyez, 50% d'augmentation de production sur l'espace de 30 ans. Donc c'est une augmentation continue. Et ce qui est intéressant, c'est que c'est toujours dans le même périmètre. C'est-à-dire que quand l'usine a démarré, elle avait 264 cuves d'électrolyse. Aujourd'hui, on a toujours 264 cuves d'électrolyse, mais qui produisent quasiment 50% d'aluminium en plus.

  • Anthony Baron

    Donc, c'est améliorer la productivité.

  • Guillaume de Goys

    On a amélioré la productivité pour chacune des cuves. On va continuer à améliorer cette productivité, puis surtout essayer de la rendre la plus efficace possible en consommant moins d'alumine, moins de CO2, en émettant moins de CO2, en consommant moins de carbone, moins d'électricité. Là où nous avons augmenté plus récemment, mais aussi de façon plus significative, notre production, c'est en ajoutant un huitième four dédié au recyclage. Et donc là, c'est 20 000 tonnes qu'on a ajoutées cette année, en 2025, de production. Cette fois-ci, c'est de l'aluminium qui vient d'aluminium qu'on recycle. Donc, ce n'est pas de l'aluminium qui vient d'alumine, pas de l'aluminium primaire, mais c'est de l'aluminium recyclé, qui vient s'ajouter aux 285 000 tonnes pour produire les 300 000 tonnes dont on parle.

  • Anthony Baron

    c'est à dire que les clients aujourd'hui s'intéressent justement à En termes de choix, avoir plutôt de l'aluminium reconditionné ou la demande d'aluminium primaire est toujours aussi importante ? Est-ce que d'ailleurs le client choisit l'un ou l'autre ou peu importe la demande ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, bien évidemment, le client c'est lui qui choisit l'aluminium qu'il va utiliser puisqu'en fait il nous donne des spécifications qui permettent de savoir si on est sur de l'aluminium recyclé ou sur de l'aluminium primaire. Il faut savoir que tendanciellement, dans le monde entier, c'est un peu la même chose, la même tendance en tout cas en Europe et en France, c'est que progressivement, on consomme de plus en plus d'aluminium recyclé. Ce qui est normal, puisqu'en fait, il y a de plus en plus d'aluminium à recycler, puisque tout l'aluminium qui a été mis en production à un moment qui peut être plus ou moins long, va être sur le marché du recyclage. Et comme l'aluminium a beaucoup de valeur, il est quasiment toujours recyclé. Je vais prendre un exemple un peu...

  • Anthony Baron

    Sans perdre ses propriétés ?

  • Guillaume de Goys

    Sans perdre ses propriétés, moyennant le fait que ce soit dans la même utilisation. Donc je vais préciser un petit peu. Je parlais tout à l'heure de canettes en aluminium. La durée de vie d'une canette, c'est quelques semaines. Entre sa production et sa consommation, c'est quelques semaines. Et là, elle va pouvoir être très vite recyclée et elle peut faire une boucle, deux boucles, même dans l'année. Deuxième type de produit, si on prend un blister de médicaments. Alors là, ça va être un petit peu plus long, parce qu'avant que vous ayez complètement terminé vos médicaments, ça peut prendre peut-être quelques mois, ou peut-être même jusqu'à un an avant qu'ils soient vraiment mis à recycler. Un autre type de produit dans lequel il y a de l'aluminium, les véhicules. Les véhicules, il va falloir attendre 15 ans avant qu'ils soient mis à recycler. Pour l'aluminium qui est dans les maisons, ça va être encore plus long, puisque avant de changer les fenêtres, ça peut avoir une durée de vie de 25 ans, peut-être 30 ans, et c'est là où vous trouvez pas mal d'aluminium. Et puis, l'aluminium qu'on utilise pour transporter l'électricité dans les câbles à haute tension, là, ça va être 80 ans. Donc vous voyez, des durées de vie différentes, mais à la fin, l'aluminium, il revient toujours et il est recyclé. Si on est capable de le recycler dans la même application de canettes, on peut refabriquer des canettes, ça vous pouvez le faire indéfiniment.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    Quand vous recyclez une jante automobile, vous refaites des jantes auto, il n'y a pas de problème non plus. Par contre, si jamais vous mélangez de l'aluminium qui vient de fenêtres et de l'aluminium qui vient de jantes en auto, là vous avez un mélange que vous ne pouvez pas utiliser pour faire des jantes auto ou pour faire des fenêtres. Vous allez dégrader en fait les propriétés de l'aluminium. Et là pour le coup, les usages sont plus restreints. Donc la réponse c'est que l'aluminium se recycle, il se recycle tout le temps, il y a toujours des usages qui permettent de le recycler. Mais plus on arrive à le faire en boucle fermée, c'est-à-dire du même produit dans le même produit, plus on va pouvoir le faire. de façon indéfinie.

  • Anthony Baron

    Il existe aujourd'hui des chaînes d'approvisionnement qui créent justement cette circularité du reconditionnement.

  • Guillaume de Goys

    C'est ce qu'on appelle le recyclage en boucle fermée. Il y en a. Malheureusement, la France, dans l'Europe, n'est pas le pays le plus avancé pour ces boucles fermées. Pourquoi ? Parce qu'on a perdu la consigne qu'on avait sur les bouteilles en verre, par exemple. On ne l'a plus. Et sur l'aluminium, même s'il est récupéré pour être recyclé, il n'est pas recyclé à part. Donc, par exemple, on parlait des canettes tout à l'heure, regardons cet exemple-là, il y a à peu près 60% des canettes en France qui sont récupérées et recyclées pour pouvoir à nouveau rentrer dans le cycle de vie des canettes, alors qu'il y a d'autres pays qui ont une consigne spécifique et qui trient à part les canettes, eux, ils arrivent à recycler plus de 90%. Donc, vous voyez, il y en a qui font mieux que nous. Il y a une organisation pour trier à la base et séparer à la base. les différents types, les différents alliages d'aluminium que nous avons.

  • Anthony Baron

    Absolument. Question également sur la partie recyclage. Quelle est selon vous la capacité que pourrait avoir aujourd'hui par exemple la France ou l'Europe sur l'aluminium recyclé ? Si on prenait tous les produits qui soient potentiellement recyclables. Vous parliez de 20 000 tonnes globalement pour Aluminium Dunkerque. Globalement le potentiel est bien plus élevé que ça,

  • Guillaume de Goys

    puisque en France on exporte à peu près chaque année 500 000 tonnes. de déchets. Donc il y a 500 000 tonnes de déchets qui sont récupérés en France, mais qui ne sont pas recyclés en France. Pourquoi ? Parce qu'ils partent à l'export, ils ne sont pas très bien triés, et donc ils partent à l'export, où on arrive à les trier mieux que nous, et donc ça va être recyclé, mais à l'export. Donc on a un vrai gisement pour recycler plus d'aluminium que nous produisons nous. Et ça c'est important, puisque l'aluminium qu'on recycle, il n'émet pas du tout de CO2, ou très peu, par rapport à l'aluminium qu'on va produire de façon primaire. Donc il y a tout un travail qui est fait par la filière, on parlait d'Aluminium France tout à l'heure. Les différents adhérents d'Aluminium France ont investi ces dernières années et ont mis, je pense, plus de 250 000 tonnes de nouvelles capacités de recyclage en service. Et donc il faut vraiment qu'en tant que filière, on se mobilise pour pouvoir garder les déchets d'aluminium qui sont en France et pour pouvoir les recycler le mieux possible.

  • Anthony Baron

    Il y a une grosse différence de coût, en tout cas de prix de vente, entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé ?

  • Guillaume de Goys

    Ce sont deux marchés qui ne réagissent pas tout à fait de la même façon. La plupart du temps, l'aluminium primaire, parce qu'il est un peu plus pur et qui convient à l'ensemble des usages, est plutôt un peu plus cher que l'aluminium recyclé. Mais parfois, ça se croise. Pourquoi ? Parce que s'il y a peu de déchets à recycler, l'aluminium secondaire devient plus rare et donc son prix monte. C'est pareil pour l'aluminium primaire. C'est vraiment directement... Alors, ils suivent quand même plus ou moins les mêmes... courbe quand l'aluminium primaire monte, l'aluminium secondaire monte aussi et inversement. Mais les courbes sont un peu décorrélées parfois.

  • Anthony Baron

    D'accord. Vous estimez aujourd'hui 20 000 tonnes de production d'aluminium recyclé.

  • Guillaume de Goys

    C'est l'investissement qu'on a fait sur aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Quel est globalement votre objectif de production entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé à l'horizon 5 à

  • Guillaume de Goys

    10 ans ? Notre objectif à long terme, plutôt à 15-20 ans, ce serait de faire 75% d'aluminium primaire et 25% d'aluminium recyclé. On restera quand même principalement un acteur primaire, mais petit à petit, là on est à un peu moins de 10%, 8% aujourd'hui, et progressivement on veut monter jusqu'à 25%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris l'importance également de la filière qui doit s'organiser pour pouvoir effectivement... Vous apportez la matière.

  • Guillaume de Goys

    La filière aluminium elle-même, mais aussi les filières de récupération, de collecte, de tri des métaux.

  • Anthony Baron

    Tout à fait. Face à la concurrence mondiale, notamment avec des pays où le coût de l'énergie est plus bas, on va dire que ceux de la France, comment Aluminium Dunkerque arrive à rester en tout cas compétitive sur un marché où ces prix sont fixés, notamment à la Bourse de Londres ?

  • Guillaume de Goys

    Le prix du métal est effectivement fixé à la Bourse de Londres, le London Metal Exchange, d'où le nom de LME. Et ce prix-là, il est à peu près le même pour tout le monde. Il y a des primes régionales, donc primes européennes, primes Midwest pour les États-Unis, ou la prime japonaise, ou même d'autres types de primes en Chine. Mais le prix de l'aluminium est globalement corrélé au niveau mondial, alors que le prix de l'électricité, qui compose une part très importante, L'importance du coût de production d'aluminium, lui, est très régionale. On ne paye pas du tout le même prix d'électricité en France, en Europe, au Moyen-Orient, ou en Russie, ou au Canada. Et donc là, ça induit un différentiel de compétitivité qui peut être assez important, qui est même très important, et qui fait que lors de la crise de 2022, l'Union européenne a perdu plus de 40% de sa production d'aluminium primaire, qui n'a pas encore complètement redémarré. Parce que les prix de l'électricité en Europe sont montés vraiment très très haut, alors que dans le reste du monde, ils n'ont pas monté tant que ça.

  • Anthony Baron

    Et c'est-à-dire quoi ? C'est-à-dire que les industriels européens sont allés chercher de l'aluminium en dehors du continent, plutôt que de continuer à se fournir avec des experts ?

  • Guillaume de Goys

    Parce qu'en fait, les industriels producteurs d'AUM primaires n'étaient plus compétitifs. En fait, ils étaient contraints même d'arrêter leurs usines, parce que tout l'aluminium qu'ils produisaient, le produitait à perte. Je vous le disais, pour faire une tonne d'aluminium, il faut à peu près 13 MWh, ou mettons en moyenne 14 MWh. Si on prend de l'électricité à 100 euros du MWh, vous voyez qu'il y a déjà 1400 euros par tonne d'aluminium qui est dédié pour la production, pour la consommation d'électricité. Vous rajoutez les matières premières, qui représentent en moyenne 40% du prix de l'aluminium, et là vous dépassez, c'est-à-dire juste avec l'électricité et les matières premières, vous n'avez pas payé les personnes, vous n'avez pas payé vos investissements, vous n'avez pas payé tout le reste. Eh bien, déjà, vous dépassez le prix de vente, donc vous êtes en perte. Donc là, vous n'avez pas d'autre choix que d'arrêter votre activité.

  • Anthony Baron

    Oui, tout à fait. Et ça a été le cas ?

  • Guillaume de Goys

    Ça a été le cas. C'était le cas. Aluminium Dunkerque, qui a réduit de 30% sa capacité de production pendant la crise en 2021 puis 2022.

  • Anthony Baron

    C'est pour le coup l'incidence directe. On imagine que ça a été quand même une perte de production au niveau européen et sans doute d'ailleurs au niveau mondial, puisque les producteurs mondiaux ont alimenté l'Europe. est-ce que ça a eu... peut-être aussi malgré tout une incidence sur le prix du cours ? Parce que peut-être ça a pris un phénomène de rareté.

  • Guillaume de Goys

    Pas tant que ça. Je vais vous expliquer pourquoi ça n'a pas eu tant d'influence que ça sur le prix de l'aluminium au niveau mondial. Aujourd'hui, la production mondiale d'aluminium, c'est à peu près 70 millions de tonnes. Sur ces 70 millions de tonnes, vous en avez 45 qui sont en Chine. Vous voyez la prépondérance forte. de la Chine sur la production mondiale des liens. Tout ça, c'est de la lienne primaire. Oui, tout à fait. Les autres grands pays exportateurs, c'est le Canada, le Moyen-Orient, la Russie, un petit peu l'Inde, l'Australie. Dans ces pays-là, le prix de l'électricité, il n'a pas du tout, du tout, du tout subi l'augmentation très forte qu'on a vu en Europe. Au Canada, par exemple, les prix de l'électricité sont bien, bien, bien inférieurs à ceux qu'on a en Europe. et sur des durées très longues. Ils ont une visibilité sur le prix de l'électricité de façon très très longue. Au Moyen-Orient, c'est en brûlant du gaz qu'ils extraient eux-mêmes, à des prix là aussi qui sont bien plus bas que ceux qu'on pouvait avoir en Europe. Donc ils n'ont pas cette problématique. En Chine, c'est encore un marché encore différent, et c'est pareil, ils n'ont pas vu cette augmentation des prix d'électricité aussi forte que celle qu'on a eue en Europe. Et donc finalement, la production mondiale d'aluminium n'a pas été directement influencée. Et donc, c'est les producteurs européens qui ont subi cet impact très fort.

  • Anthony Baron

    Oui, c'est effectivement... Enfin, on peut imaginer que c'est assez « unfair » , entre guillemets, puisque vous êtes victime, quelque part, de votre deuxième coup, qui impacte fortement.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est ce que nous disons, en fait, aux politiques, quand ils nous disent « Mais oui, mais quand même, en France, vous avez le prix d'électricité qui est probablement un des plus compétitifs en Europe » , ce qui est vrai. Le problème, c'est que nos concurrents, ils ne sont pas que en Europe. Exactement. Nos concurrents, c'est le monde entier.

  • Anthony Baron

    Et il n'y a pas de surcote ou en tout cas, je dirais, un prix un peu abondé pour justement l'aluminium primaire bas carbone, ce qui est votre cas ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est vrai. On arrive à avoir un petit premium, ce qu'on appelle le green premium, pour l'aluminium bas carbone. Par contre, ce green premium, il est très, très, très loin de couvrir les coûts, les surcoûts de l'électricité ou même les surcoûts qui sont liés à notre système. européens sur les émissions de gaz à effet de serre, etc. Pour donner un ordre de grandeur, le Green Premium, c'est à peu près 1% du prix de vente. Oui,

  • Anthony Baron

    ce qui n'est rien.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas grand-chose. Ça ne couvre pas un gros écart d'électricité.

  • Anthony Baron

    Absolument. C'est vraiment une volonté.

  • Guillaume de Goys

    Si vous avez juste 10 euros d'écart sur l'électricité, ça vous fait 130 ou 140 euros d'écart. C'est pas 1% du prix.

  • Anthony Baron

    Absolument, donc c'est une vraie bataille aussi que vous menez à ce niveau-là. J'aurais parlé de la déclaration d'Anvers, qui est une initiative de 57 entreprises, 15 fédérations industrielles européennes et un syndicat européen. Donc évidemment il y a une annonce, c'est ça, en février 2024, qui vise à construire un pacte industriel européen pour la prochaine mandature de la Commission européenne, donc 2024-2029. Et l'objectif est de rendre justement le pacte vert, le Green Deal, possible en conservant les capacités... de production en Europe et en veillant à la compétitivité de son industrie.

  • Guillaume de Goys

    C'est un appel qui a été fait effectivement et à laquelle j'ai participé.

  • Anthony Baron

    Absolument.

  • Guillaume de Goys

    Et à l'UIM Dakar qui était parmi ces entreprises. Pour vraiment appeler à la suite du rapport l'État, si vous vous souvenez, d'appeler ce qui est maintenant le Clean Industrial Deal. Donc ça a été repris par Ursula von der Leyen et par la nouvelle commission en disant effectivement on doit garder l'orientation qui a été faite à travers le Green Deal, c'est à dire de décarboner l'Europe, avec une cible de moins 55 en 2030 et puis une cible qui est en train de se discuter pour 2040. Donc garder cette orientation-là parce qu'on pense foncièrement tous, nous qui avons signé cet appel-là, qu'il faut garder cette trajectoire de décarbonation, c'est important pour limiter le réchauffement climatique, mais que ça ne peut pas se faire au coût de la désindustrialisation de l'Europe. Pourquoi ? Principalement parce qu'en fait, c'est valable pour l'Union, mais c'est valable aussi pour Plein d'autres produits, c'est que les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation. mais en donnant les conditions à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne, et fasse partie de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Et donc c'est quoi les mesures concrètes qui ont été demandées à l'Union Européenne pour maintenir cette industrie ?

  • Guillaume de Goys

    Il y en a plusieurs. Il y en a une qui est importante et qui nous concerne très directement, c'est d'avoir de l'électricité, enfin de l'énergie, de toute façon au-delà de l'électricité, c'est l'ensemble de l'énergie, parce que l'énergie c'est... indispensable pour l'industrie, quelle qu'elle soit, c'est d'avoir de l'énergie qui soit compétitive au niveau mondial. Et donc on a, dans un des pans du Clean Industrial Deal, c'est tout ce qui s'appelle le Affordable Energy Act, donc l'acte pour une énergie compétitive.

  • Anthony Baron

    Justement, sur la partie énergie et électricité, vous en avez beaucoup parlé. L'usine d'Alunium Dunkerque consomme globalement l'équivalent de la ville de Marseille. On en avait parlé ensemble en préparant cette interview. Comment vous gérez cette dépendance énergétique ? Et encore une fois, comment peut-être en sortir, s'il y a une possibilité ?

  • Guillaume de Goys

    En sortir, il y a une possibilité, c'est de recycler plus d'aluminium. Parce que nous le faisons petit à petit. Par contre, pour le moment, on n'a pas encore inventé, et puis même la physique fait qu'on n'arrivera pas à réduire l'alumine en aluminium sans utiliser d'électricité. La voie chimique est très très compliquée et nécessite des quantités d'énergie importantes elle aussi. Et surtout, elle est beaucoup beaucoup beaucoup plus luxueuse. Donc, on ne se passera pas d'électricité pour produire de l'aluminium. Ce qui est bien, c'est qu'on est déjà électrifié. Contrairement à d'autres industries qui utilisent du charbon pour réduire leurs minerais, l'intérêt de l'industrie de l'aluminium primaire, c'est que depuis déjà très longtemps, ça fait plus de 100 ans, cette industrie est électrifiée. Et en France, gros intérêt, c'est qu'on a de l'électricité qui est très décarbonée. Donc, on a déjà gagné, entre guillemets, cette partie-là. Maintenant pour... Pour réduire nos émissions, il y a plusieurs façons. C'est de continuer à utiliser de l'électricité la plus verte possible et petit à petit d'aller vers des investissements de décarbonation. Le stade ultime, c'est de ne pas émettre de CO2. C'est de remplacer nos anodes en carbone par des anodes inertes. Là, il y a de la recherche qui se produit, recherche et développement depuis déjà de nombreuses années. La France fait partie. Il y a des laboratoires de recherche français qui travaillent là-dessus sur les anodes inertes depuis déjà longtemps. Mais on n'est pas encore au stade industriel où on peut se dire, ça y est, allez hop, la technologie à note inerte, elle est prête, on peut aller l'installer. Il y a encore probablement une dizaine d'années, c'est mon estimation personnelle, mais peut-être une dizaine d'années avant que ce soit vraiment quelque chose de répandu. Et donc, le choix que nous avons fait à l'Union Dunkerque, c'est, en attendant que cette technologie soit disponible, de ne pas rien faire, de ne pas rester les bras croisés. et d'utiliser une technologie qui, elle, pour le coup, existe, qui est la technologie de la capture du CO2. Donc, on va continuer à émettre du CO2 de par notre procédé, mais on va le capter, ou on va capter en tout cas une grande partie dans les émissions du site pour pouvoir le stocker. Et ça, on fera ça tant qu'on aura des émissions de procédé.

  • Anthony Baron

    OK. Et vous ferez quoi de ce CO2 stocké ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il est stocké, c'est ce qu'on appelle le CCS, donc Carbon Capture and Storage. Donc on vient le stocker, alors pour nous, principalement dans les réservoirs de stockage de CO2 de la mer du Nord. Donc c'est soit des cavités salines, soit des anciens champs de pétrole ou de gaz qui sont vides. Et on vient remplacer en fait le pétrole bleu. ou le gaz qu'il y avait par du CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et quelles sont les vertus derrière ?

  • Guillaume de Goys

    L'objectif, c'est d'éviter de les émettre dans la nature.

  • Anthony Baron

    C'est ça.

  • Guillaume de Goys

    C'est d'éviter qu'ils soient émis à l'atmosphère. Et là, ils ont un pouvoir réchauffant important. Et donc, on les enterre pour qu'ils aient pas ce pouvoir réchauffant.

  • Anthony Baron

    Je connaissais pas du tout ce procédé. Et ensuite, il est stocké dans le sol et après,

  • Guillaume de Goys

    il y reste.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien. Il est amené à disparaître ou non ?

  • Guillaume de Goys

    Non, pas forcément, c'est comme le gaz, si vous voulez. Tant qu'on le laisse dans le sol et qu'on ne vient pas forer pour aller le chercher, il reste dans le sol.

  • Anthony Baron

    Oui, très bien, très clair. Alors les objectifs sont très ambitieux au niveau de la réduction des émissions de CO2. Je crois que c'était 30% d'ici 2030, 70% d'ici 2050. Les axes principaux justement de cette stratégie...

  • Guillaume de Goys

    2030, c'est vraiment la capture du CO2, c'est pour ça qu'on vise 30% de nos émissions, parce qu'on sait que ce n'est pas aussi efficace. que de ne pas les émettre. Bien sûr. Et puis, à horizon 2050, c'est cette nouvelle technologie anodinaire sur laquelle on compte.

  • Anthony Baron

    D'accord. Ok, très clair. Et quelle est la part, justement, de la R&D chez Union Acker en termes d'investissement ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, en termes d'investissement, c'est quelques pourcents de notre chiffre d'affaires. Quand nous étions dans les grands groupes, nous bénéficions de la R&D centrale de ces grands groupes. Depuis que nous sommes indépendants, on a un petit peu pris notre trésor, notre envol. Mais on commence par... Petit, entre guillemets. Mais on a déjà déposé quelques brevets et puis on va continuer à le faire pour développer ces nouvelles technologies.

  • Anthony Baron

    Et justement, en termes d'innovation, vous avez évoqué le lancement d'un nouveau four dédié au recyclage et donc justement les technologies de capture du carbone. Si on prend justement le cas de ce four recyclé, vous pouvez nous donner le montant de l'investissement que ça a pu représenter ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est 13 millions d'euros. 13 millions d'euros, d'accord. 13 millions d'euros, donc ce nouveau four de recyclage.

  • Anthony Baron

    Ok. Et en l'occurrence, ce four est actif aujourd'hui, on l'a dit, c'est 20 000 tonnes d'objectifs de production.

  • Guillaume de Goys

    Oui, on l'a débarré en mai, on l'a inauguré officiellement le 15 mai. Et cette année, on ne fera pas 20 000 tonnes, mais dès l'année prochaine, on fera bien ces 20 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    Et vous prévoyez la construction d'autres fours ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, je vous le disais, le marché globalement de l'aluminium essaye d'intégrer de plus en plus d'aluminium recyclé. Donc on souhaite pouvoir offrir à nos clients de l'aluminium primaire avec du contenu recyclé. Et donc, on est appelé à investir dans de nouveaux fours. On va déjà réussir le démarrage, la mise en production complète de ce four-là avant de poursuivre ses investissements.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et vous nous avez également partagé tout à l'heure, Guillaume, depuis la création finalement d'Alunium Dunkerque en 1991, la production a doublé à date ?

  • Guillaume de Goys

    Non, augmenté de 50%.

  • Anthony Baron

    Oui, augmenté de 50%. Est-ce que vous prévoyez également une augmentation à nouveau de 50% sur les 25-30 prochaines années ?

  • Guillaume de Goys

    Sur les 25-30 prochaines années, on est même plus ambitieux que ça. Dans la feuille de route de transition écologique que nous avons présentée au gouvernement et qui est signée avec eux, on prévoit de monter la production d'aluminium Dunkerque à 700 000 tonnes. Donc avec une nouvelle technologie, les anodes inertes dont je parlais à l'instant, et de pouvoir installer une deuxième ligne de production qui soit basée sur cette technologie-là, plus les capacités additionnelles de recyclage. L'ensemble de ces projets fait qu'aluminium Dunkerque a horizon 2050. devrait être aux alentours de 700 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors, on comprend bien effectivement la façon dont vous collaborez aujourd'hui avec vos équipes en interne. Malgré tout, est-ce que vous avez aussi des collaborations avec d'autres acteurs, publics, privés, pour mutualiser notamment les efforts dans la décarbonation et l'innovation à Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, oui, oui, tout à fait. On a plusieurs types de partenariats. Il y en a un que j'ai déjà cité, c'est le partenariat sur la capture carbone. Donc là, nous sommes en partenariat avec des acteurs de l'industrie de l'aluminium, mais aussi des... des acteurs équipementiers. Donc c'est un premier partenariat que nous avons mis en œuvre. Il y en a un deuxième qui est plus local, sur le Dunkerquois. Il y a plusieurs industriels qui se décarbonent aujourd'hui, aciéries, cimentiers, usines chimiques, à l'Union Dunkerque. Nous travaillons ensemble pour la spécification et la construction d'un tuyau qui permettra de collecter le CO2 qui sera capté dans ces différentes usines et l'emmener vers les lieux de stockage. Donc ça, c'est un investissement qui est massif, qui ne peut pas être porté par un seul des acteurs. Et c'est pour ça que nous travaillons ensemble avec des acteurs dont c'est la spécialité. Natran, par exemple, anciennement le transport, le GRT Gaz, qui a des études pour créer ce pipe de CO2.

  • Anthony Baron

    Quelles sont également les relations avec les pouvoirs publics locaux, le tissu économique du Dindes-Caircois, en l'occurrence ? Parce qu'on imagine le poids économique que vous avez localement. peut-être l'intention aussi que porte le groupe. On va dire les citoyens sur les émissions de CO2, etc. Comment vous fonctionnez justement pour les rassurer, pour maintenir effectivement des relations efficientes avec cet écosystème ?

  • Guillaume de Goys

    Sur la partie les rassurer, je crois que ce qui est le plus important, c'est de donner de la visibilité sur la pérennité de notre activité. Et donc tous les... Le projet que nous faisons, c'est justement pour donner cette visibilité-là. Il y a un élément qui est important et sur lequel on collabore beaucoup entre les différents industriels du Dunkerquois, c'est l'attractivité. On a malheureusement aujourd'hui un déficit d'images, qui n'est pas spécifique à Dunkerque, mais qui est plus général que ça, sur l'industrie. Quand on discute avec des jeunes, filles ou garçons, et qu'on leur dit « qu'est-ce que tu as envie de faire comme métier plus tard ? » , ils sont rares ceux qui nous disent « ah, j'ai envie de travailler dans une usine » . Et c'est dommage. parce qu'en fait, l'industrie, ce sont des belles carrières, c'est de beaux projets, c'est fabriquer des choses utiles.

  • Anthony Baron

    C'est tangible, c'est tactile.

  • Guillaume de Goys

    Exactement. Et puis, le travail dans l'industrie est hyper varié. Donc, on a ce déficit d'images qui vient d'années et d'années de désindustrialisation. Et donc, nous collaborons beaucoup entre acteurs industriels du Dunkerquois et plus largement des Hauts-de-France et même de la France entière pour redonner envie d'industrie. redonner envie d'industrie pour les jeunes, pour qu'ils nous rejoignent, qu'ils puissent faire métier dans l'industrie, mais aussi par rapport aux politiques, leur dire, vous savez, l'industrie, ce n'est pas que des problèmes, c'est aussi beaucoup de solutions et on leur demande d'investir à nos côtés pour réindustrialiser. Je me souviens d'Olivier Luancy qui parle souvent des problématiques liées à la désindustrialisation et dans la cohésion des territoires, c'est un élément important. Un territoire où les usines qui font un peu le tissu économique local disparaît, et bien ce tissu il disparaît. Et derrière, on a du mal à avoir cette cohésion sociale parce que les jeunes partent, ne peuvent plus travailler localement et donc on a des territoires qui, petit à petit, dont l'attractivité baisse beaucoup à cause de ça.

  • Anthony Baron

    Quelles sont les spécificités que vous avez pu mettre en place pour justement faire face à ces défis de recrutement, de formation ? Parce que ça, on le sait, dans un marché du travail où la cité est tendue, sur les fonctions industrielles.

  • Guillaume de Goys

    Je vais donner quelques exemples. Il y en a un qui est récent qui s'appelle Viva Fabrica, qui est un partenariat de beaucoup d'industriels au niveau français. La dernière édition de Viva Fabrica était à la fois sur Lille et sur Dunkerque. C'est une exposition qui est itinérante. On a profité du fait que ce soit en Haute-France pour avoir un stand aux couleurs d'Avion Dunkerque, de mobiliser nos collaborateurs pour qu'ils parlent. rencontre les jeunes, collégiens, lycéens, même études supérieures, et leur expliquer tout ce qu'on peut faire chez l'Union d'Incaire, qui est plus largement dans l'industrie de l'aluminium. On a aussi créé, avec plusieurs acteurs locaux, ce que nous appelons Fabulous Factory, qui est de montrer qu'en fait nos usines, c'est très très loin de l'image qu'on peut s'en faire, c'est loin d'être un endroit poussiéreux, sale, bruyant, etc. dans lequel on fait tourner des machines un peu anciennes. Ce n'est pas du tout le cas. On utilise des choses modernes. On fait très attention à nos environnements de travail. L'époque germinale est terminée. L'époque germinale est très loin d'être terminée depuis longtemps parce que germinale, c'était les mines. On en est quand même assez loin.

  • Anthony Baron

    Je suis d'accord. Je souhaiterais aussi aborder la culture managériale, qui est la vôtre, et celle que vous déployez également dans la société.

  • Guillaume de Goys

    Alors personnellement, ce qui m'anime, me motive tous les jours, c'est de vraiment développer les personnes avec lesquelles je travaille, de donner l'opportunité à chacun de nos collaborateurs de donner le meilleur d'eux-mêmes. Donc c'est de leur donner l'opportunité de faire de nouvelles choses, de créer, de s'associer, d'innover. Donc ça, c'est vraiment des points importants qui font partie de notre... De nos valeurs, nos valeurs chez William Dunkerque, c'est une valeur de protéger. D'abord, protéger les gens, protéger l'environnement. Donc ça, c'est une première valeur. Deuxième valeur, c'est d'exceller. Et nous pensons qu'à travers l'excellence, en particulier l'excellence opérationnelle, l'excellence industrielle, que l'industrie pourra demeurer en France et en Europe. On ne peut pas être moyen, il faut qu'on soit les meilleurs. Troisième point, c'est d'innover. Parce que l'innovation, c'est aussi un de nos axes clés. Et puis enfin, c'est d'améliorer, d'améliorer en permanence nos processus.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et entre justement la période à laquelle Alimian Dunkerque était rattaché à un grand groupe, notamment Rio Tinto, quand vous prenez la direction générale de la société, à aujourd'hui un fonds d'investissement américain et donc vous avez été nommé président à l'issue de cette opération. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé chez vous justement dans vos pratiques managériales ou peut-être votre niveau d'exigence par exemple ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il y a des choses qui n'ont pas changé, c'est qu'on fait toujours de l'aluminium à Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Ça c'est sûr.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est important. Ce qui a changé, principalement, c'est le fait que nous soyons passés d'un grand groupe, où on était une usine parmi d'autres, à une entreprise indépendante. Et ça, c'est un vrai changement dans l'état d'esprit, c'est un vrai changement aussi dans la responsabilité que nous avons. Yotinto, c'est un groupe qui est assez centralisé, et donc il y a beaucoup de... Les fonctions qui étaient faites de façon centrale, je parlais tout à l'heure de la R&D avec des centres de R&D dédiés qui n'étaient pas sur le site, mais c'est valable aussi pour beaucoup de fonctions sur la finance, sur la gestion de la trésorerie, sur les achats, sur le RH, etc. C'était tous des services partagés qui étaient faits ici ou là, même sur la stratégie de l'Union de Dakar qui n'était pas décidée à l'Union de Dakar, qui était décidée à Montréal ou à Londres. Le fait maintenant d'être avec un fonds d'investissement et géré comme une société indépendante, nous avons réinternalisé toutes ces fonctions et la stratégie d'Alumium Dunkerque et tout ce qui va avec cette stratégie, maintenant c'est exercé par Alumium Dunkerque et par les équipes d'Alumium Dunkerque. Donc ça fait qu'on est probablement moins spécialisé, mais par contre beaucoup plus multitâche, et ce qui est vrai pour l'équipe de direction, ça diffuse aussi dans l'ensemble de l'organisation.

  • Anthony Baron

    Et quelles sont justement les fonctions que vous avez réinternalisées chez Alunia Nakel ?

  • Guillaume de Goys

    C'est celle que je citais, donc on a réinternalisé des fonctions sur les achats, réinternalisé sur l'énergie, sur le changement climatique, sur la trésorerie, sur la comptabilité, sur la gestion RH...

  • Anthony Baron

    Et comment vous avez fait pour recruter ces personnes ? C'était des personnes en local que vous avez recrutées ?

  • Guillaume de Goys

    De tout. Il y en a qui sont en local, des gens en interne qui ont évolué, et puis il y en a d'autres qu'on est allé chercher à travers des cabinets de recrutement, à travers différentes missions.

  • Anthony Baron

    Et pour les collaborateurs, donc 700 collaborateurs, on le rappelle, est-ce qu'il y a eu un changement également d'appartenance, notamment à l'entreprise, chez eux, qui s'est fait, ou déjà avant ils avaient le sentiment d'être rattachés à l'Union Dunkerque ? On va dire l'attachement au groupe pouvait porter ? peut-être moins ?

  • Guillaume de Goys

    Alors je pense que les collaborateurs d'Alumium Dunkerque, depuis 30 ans qu'Alumium Dunkerque existe, ont un attachement à l'entreprise, à Alumium Dunkerque. Il y en a bien sûr qui viennent du groupe, j'en suis un bon exemple, et qui ont fait une partie de leur carrière chez Alumium Dunkerque et qui ont trouvé quand même une usine particulièrement attachante et qui reste d'ailleurs. Le fait maintenant que nous soyons pas simplement Alumium Dunkerque chez Péchiné, Alcan, Rio Tinto, mais Alumium Dunkerque. pour Alimian Dunkerque et que Alimian Dunkerque, fait que l'attachement, je pense, a beaucoup grandi. Et nous avons aussi la conviction qu'on est collectivement beaucoup plus performants quand on travaille pour une entreprise à taille humaine, une entreprise dont on connaît les contours et pas forcément un très grand groupe international.

  • Anthony Baron

    J'aimerais aussi aborder avec vous rapidement les sujets de féminisation dans l'industrie. On le sait, c'est un enjeu majeur. Aujourd'hui, quel est le niveau de parité femmes-hommes chez le Miamin d'Incair ? Alors,

  • Guillaume de Goys

    il n'est pas encore très bon, mais on vient de loin. Il faut savoir qu'il y a une dizaine d'années, on n'avait quasiment pas de femmes chez les opérateurs, chez les ouvriers. Nous en avons maintenant plus d'une vingtaine. Donc, ça commence petit à petit à avancer. Je crois qu'on n'a plus de secteur dans l'usine où il n'y a pas au moins une ou deux opératrices. Donc ça, c'est déjà un premier mouvement qui est initié et qu'on souhaite vraiment poursuivre. Alors, ce n'est pas forcément que par volonté d'avoir des hommes, mais souvent, quand on ouvre un poste, on a 80 candidats pour 20 candidates, voire même encore plus que ça, c'est-à-dire qu'il y a des postes où on n'arrive pas à avoir de candidates. D'où tout le travail qu'on fait sur l'attractivité de l'industrie et de dire aux jeunes hommes, mais aux jeunes femmes aussi, venez travailler chez nous, vous allez faire de belles choses. Au niveau de l'encadrement, technicien, gendre maîtrise et cadre, on a une proportion de femmes qui est plus importante. On vient aussi de moins loin. On n'était pas à zéro, on était déjà à peut-être 10-15%. Maintenant, ça commence à être plus. On a des ingénieurs, on a des cadres femmes. Je pense qu'on doit être à peu près entre 25 et 30% sur l'ensemble de l'encadrement.

  • Anthony Baron

    Et au niveau du comité de direction ?

  • Guillaume de Goys

    Au niveau du comité de direction, nous sommes 8 au comité exécutif d'Aminium Dunkerque, dont 2 femmes.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien.

  • Guillaume de Goys

    Donc il y a encore là aussi des efforts à faire.

  • Anthony Baron

    Effectivement. En tout cas, vous êtes sur la bonne voie puisqu'il y a déjà des progrès qui ont été initiés. Vous parliez des jeunes justement. Quel message souhaiteriez-vous leur adresser, pour ceux qui envisagent une carrière dans l'industrie, et en particulier dans un secteur aussi stratégique que l'Aminium ?

  • Guillaume de Goys

    Bien qu'ils nous rejoignent. Ça, c'est le message. Alors bien sûr, ce n'est pas juste en disant ça qu'ils vont venir. Il faut savoir qu'Allium Dunkerque est dans une phase très dynamique en ce moment. Nous avons à peu près 90 recrutements chaque année. Donc, il y a un vrai appel pour de nouvelles recrues qui nous rejoignent. On fait attention à tous ceux et celles que nous embauchons d'avoir un parcours d'intégration qui leur permette de découvrir l'ensemble de nos métiers. Et Dieu sait qu'ils sont divers. Rejoindre l'Union Dunkerque, c'est quand même l'assurance d'être au sein de là où l'Union se fait. On représente les deux tiers de l'Union en France. Et le choix aussi, enfin en tout cas la possibilité pour ceux qui le souhaiteraient, d'avoir des carrières très diversifiées. On ne rentre pas chez l'Union Dunkerque à un poste et puis on reste toute sa carrière à ce poste-là. Il y a la possibilité en interne de faire plein de choses différentes.

  • Anthony Baron

    Et justement, si on regarde un petit peu les prospectives ? Comment vous voyez l'évolution de l'industrie de l'aluminium d'ici 2030, peut-être à 20-30 ans, face encore une fois à ces enjeux et ces défis climatiques, et notamment géopolitiques ?

  • Guillaume de Goys

    Les défis géopolitiques sont forts pour notre industrie parce que l'aluminium est un bien qui s'échange très facilement d'une frontière à l'autre, d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre. Donc on est à la croisée de tous ces enjeux. On parlait juste avant de discuter ensemble en préparant cette interview de l'impact des droits de douane aux États-Unis. Donc ce sont des sujets qui sont indissociables de l'industrie de l'aluminium. Je pense que l'aluminium a vraiment son mot à dire. C'est un des rares métaux qui participent très directement à cette transition écologique. On va avoir besoin de plus en plus d'aluminium. Et donc, rejoindre la filière, c'est de s'assurer d'avoir un boulot d'avenir.

  • Anthony Baron

    Autre question qui n'a rien à voir avec les sujets qu'on a évoqués. Guillaume Demain, président de la République, quelles seraient vos premières mesures en faveur du climat ?

  • Guillaume de Goys

    Oula ! Donner un cap clair. je pense que c'est C'est dommage parce qu'il y a eu une volonté de donner un cap clair, déjà en ayant une base à travers le secrétariat général de la planification écologique, d'avoir une vraie comptabilité carbone qui prenne en compte pas simplement les émissions directes, mais aussi toutes les émissions importées, ce qu'on appelle l'empreinte.

  • Anthony Baron

    Avec la CSRD alors.

  • Guillaume de Goys

    Et de se dire, voilà où nous sommes de façon objective. Il y a tant de pourcents qui sont dus au transport, tant de pourcents qui sont dus à l'industrie, tant de pourcents qui sont dus... que sais-je, l'isolation des bâtiments, etc. Et de se dire, si on veut atteindre les moins 55% en 2030, et puis probablement moins 90% en 2040, eh bien, ce qui est faisable, c'est ça. Et donc, il faut, sur les transports, qui représentent aujourd'hui un part importante, significative des émissions nationales, on n'a pas fait énormément d'efforts. Il y en a beaucoup qui sont faits à travers le fait que les moteurs, règlement après règlement, émettent moins, mais on n'a pas vraiment fait de transition. Et il faut faire cette transition vers l'électrique. D'où tout le travail qui est fait, gigafactory, on en a parlé tout à l'heure, etc. Sur l'isolation des logements, pareil. Sur le changement, passer du gaz vers l'électrique, c'est la même chose, etc. Donc il y avait un cap qui était donné, qui était assez clair. Et il y avait donc des industriels qui pouvaient s'inscrire dans ce cap-là et des politiques qui s'inscrivaient dans ce cap-là. Malheureusement, depuis quelques... mois ou quelques trimestres on a un peu perdu cette boussole depuis un an depuis un an avec la dissolution mais même déjà en 2022 avec une majorité beaucoup plus courte au parlement c'est plus compliqué de garder ce cap en fait et l'énergie pour ne parler qu'elle est devenue un enjeu politique mais de politique politicienne un petit peu qui aujourd'hui est un nouveau marqueur droite gauche et c'est un peu étonnant parce que les débats sont beaucoup moins factuels que ce qu'ils étaient il ya deux ans

  • Anthony Baron

    Je pense qu'il y a un sujet économique. Et d'ailleurs, le cap qui a été annoncé, avec des enjeux par filière, était quand même axé aussi sur des subventions. Et en fait, la question typiquement qu'on peut se poser...

  • Guillaume de Goys

    Des subventions ou des taxes différentes. Effectivement.

  • Anthony Baron

    Mais en tout cas, il y avait une aide et une participation de l'État, donc des impôts français qui permettaient ça. En fait, la question à se poser, c'est est-ce qu'aujourd'hui, sans ces aides, les industriels sont en capacité ? malgré tout, de faire ces transitions, accélérer l'électrification, changer les modes de transport, être peut-être aussi dans le renoncement, participer encore un peu plus à la circularité des produits et effectivement favoriser le recyclage, etc.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas une question simple. Ce n'est pas une question simple parce que ce n'est pas que dans la main des industriels. C'est aussi dans la main des consommateurs, c'est dans la main des pouvoirs publics et c'est les trois qui doivent travailler ensemble. Tout à fait. On parlait tout à l'heure de Green Premium. Je vous disais que nos clients aujourd'hui sont prêts à mettre à peu près 1% d'amélioration, d'acheter un tout petit peu plus cher notre aluminium parce qu'il est bas carbone. C'est très très très loin de couvrir le coût de la décarbonation, très loin. Et donc aujourd'hui, si on n'a pas des incitations pour décarboner, eh bien la décarbonation ne se fera juste pas. Parce qu'un industriel, mais c'est comme tout entrepreneur, il peut prendre des risques, mais il ne peut pas durablement faire un choix d'être à perte. C'est pas possible, c'est pas pérenne. On est bien d'accord. Donc ça, c'est le premier point. Il y a toute une éducation à faire sur pourquoi est-ce qu'on doit se décarboner. Le changement climatique, il est tangible, mais on ne peut pas compter que là-dessus. Se dire, quand les gens se rendront compte qu'il fait chaud, ce sera déjà trop tard. Donc il y a de l'éducation, de la pédagogie à faire, et l'éducation nationale a son rôle à jouer, bien évidemment. Les politiques publiques, vous parliez tout à l'heure de subventions, mais il y a aussi des taxes. Quand on voit que les taxes sur l'électricité sont supérieures, pas tout le temps, mais peuvent être supérieurs au gaz, par exemple, on se dit, est-ce que c'est le bon signal qu'on est en train de donner ? C'est évident. Donc il y a plein d'outils. outils de politique publique, il ne faudrait pas ramener ça que aux subventions, même si elles sont nécessaires pour le développement des énergies renouvelables ou pour l'électrification, par exemple, des choses comme ça. Donc c'est un outil, ça n'est pas le seul, et l'objectif, vous me posiez la question, si j'étais au pouvoir, qu'est-ce que je ferais ? Ce n'est pas mon intention, mais ce que je ferais, c'est vraiment donner ce cap-là et d'utiliser l'ensemble des outils qu'on a en tant que politique pour pouvoir essayer de donner de la visibilité à chacun. aussi bien les citoyens consommateurs que les industriels producteurs que ceux qui sont plutôt dans les fonctions support, de se dire ok, voilà où est-ce qu'on veut aller, si on veut y aller ensemble, ce cap-là on n'en dérogera pas et on n'en bougera pas.

  • Anthony Baron

    C'est effectivement une bonne solution, en tout cas de nommer un peu plus de clarté. Peut-être dernière question pour vous Guillaume, quel conseil justement, dans la continuité de ce qu'on vient de se dire, quel conseil vous donneriez aux dirigeants qui nous écoutent sur la gestion de leurs enjeux industriels et notamment de décarbonation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est une vaste question. Je pense que ce qui est important, c'est ce que je viens de dire. Donc ce que je demande à d'autres d'appliquer, il faut qu'on se l'applique à nous-mêmes, c'est de donner ce cap-là. Je vois des industriels qui sont tout feu, tout flamme quand le sujet est à la mode. Et puis, dès qu'il y a un peu moins de visibilité, quand les vents sont un peu mauvais, tout à coup, abandonnent. C'est sûr que ça ne va pas mobiliser les équipes. et donc je pense que Personnellement, ce qui est important, c'est que quand on choisit une stratégie, il faut s'y tenir. On ne peut pas changer de stratégie tous les ans. Sinon, ce n'est pas une stratégie, c'est juste de la tactique pour avancer pendant six mois, puis après, on verra bien ce qui se fera. Je pense que c'est à nous, en tant qu'équipe de direction, de fixer ce cap-là pour notre entreprise et de s'y tenir. Alors, bien sûr qu'il faut l'adapter. Bien sûr qu'on ne peut pas foncer dans un mur si on voit un mur. Il faut avoir de l'agilité. mais l'horizon qu'on... désigne et qu'on fixe, il faut savoir le garder parce que sinon, on ne peut pas mobiliser les gens.

  • Anthony Baron

    Un grand merci Guillaume en tout cas pour encore une fois cet échange qui était très instructif, on a senti beaucoup de motivation et encore une fois détermination également dans la volonté de favoriser le développement d'un aluminium décarboné très important et puis également avec le maintien aussi de cette souveraineté française et européenne dans la production d'aluminium. Un grand merci Guillaume encore une fois.

  • Guillaume de Goys

    Merci à vous.

  • Anthony Baron

    Merci d'avoir écouté les After Decider, un podcast produit par Adéquancy. Retrouvez l'intégralité de nos épisodes sur les plateformes de streaming. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode. A très bientôt.

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Description

Comment conjuguer compétitivité industrielle, décarbonation et souveraineté énergétique en Europe ? Dans cet épisode des Afters Décideurs enregistré en juillet 2025, Guillaume de Goÿs, président d’Aluminium Dunkerque, revient sur les grands défis d’une filière stratégique au cœur de la transition écologique.


Le parcours de Guillaume de Goÿs

De Michelin à Aluminium Dunkerque, une carrière marquée par l’international et la transformation industrielle.

L’histoire et l’identité d’Aluminium Dunkerque

Le podcast revient sur la création de l'entreprise dans les années 90 jusqu'à son rôle actuel de leader européen de l’aluminium primaire.

La décarbonation et l’innovation

Guillaume de Goysdétaille les leviers mobilisés pour réduire l’empreinte carbone : force du mix énergétique français, place du recyclage, capture du CO₂ et investissements dans de nouvelles technologies industrielles.

Les usages stratégiques de l’aluminium

Matériau essentiel, l’aluminium est au cœur de multiples transformations : automobile, emballage, batteries, énergies renouvelables… autant de secteurs où il s’impose comme un pilier de la transition écologique.

Souveraineté industrielle et compétitivité mondiale :

Face à la Chine, au Moyen-Orient ou encore à la volatilité des prix de l’énergie, Aluminium Dunkerque incarne les enjeux de souveraineté européenne et la nécessité de renforcer la compétitivité de l’industrie lourde.


Un témoignage qui éclaire les défis énergétiques et environnementaux d’un secteur clé pour l’économie et l’avenir industriel du continent.


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Transcription

  • Guillaume de Goys

    Les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation, mais en donnant les conditions. à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne et fasse partie en fait de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Bonjour, je suis Anthony Baron et vous écoutez les After Deciders, un podcast à déconcilier qui accueille des leaders entreprenants, acteurs de l'économie réelle, portant au quotidien des mutations et des innovations dont les actions impactent notre société. Bonne écoute à tous. Nous nous immergeons aujourd'hui dans l'univers de l'industrie et nous avons l'honneur et le privilège d'accueillir Guillaume Degoïs, président du groupe Aluminium Dunkerque, un dirigeant industriel français, surtout un dirigeant industriel français engagé dans la décarbonation et l'économie circulaire. Bonjour Guillaume. Bonjour. Alors dans cet épisode, nous allons revenir sur les éléments de votre parcours, l'histoire et le positionnement actuel du groupe Aluminium Dunkerque, la stratégie et les transformations menées par le groupe, ainsi que le mode de management et de gouvernance associés, et puis les innovations que vous portez. au sein du groupe Aluminium Dunkerque. Alors Guillaume, sur votre parcours académique, vous êtes ingénieur ECAM, complété par un master à l'IAE de Lyon en gestion des entreprises et vous débutez votre carrière au sein du groupe Michelin avec notamment des responsabilités dans la construction d'usines en Thaïlande. Fort de cette expérience internationale, vous rejoignez le groupe Péchiné en 2002 qui sera repris un an plus tard par le groupe Alcan. Et vous prenez des responsabilités industrielles en environnement de production en Afrique ainsi qu'en France et ensuite vous prenez la direction du site de Carbon Savoie. en 2010, un site qui fait 500 personnes et 130 millions d'euros de chiffre d'affaires. Puis la direction générale d'Aluminium Dunkerque à partir de 2015, alors détenue par le groupe Rio Tinto. Et ensuite la présidence, 7 ans plus tard, après la reprise d'Aluminium Dunkerque, par AIP. Première question pour vous, Guillaume. Quelle est la situation du groupe Aluminium Dunkerque, un des principaux producteurs d'aluminium primaire en Europe, quand vous prenez la présidence en 2021 ?

  • Guillaume de Goys

    Aluminium Dunkerque va bien. Ça, c'est une bonne chose. En effet, nous avons fait une très bonne année 2024, portée par nos marchés, portée aussi par la baisse des prix sur l'énergie, par une stratégie qui nous a beaucoup aidé en 2024, de commencer et de vraiment viser la voie de la croissance à travers la diversification de notre portefeuille produit, à travers l'augmentation du recyclage et à travers l'engagement par l'Union Dunkerque de la voie de la décarbonation. Puisqu'en décembre 2023, nous avons signé notre contrat de transition écologique avec l'État, avec le ministre Lescure à ce moment-là.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et si on revient justement en 2021, quelle était la situation de la société à ce moment-là ?

  • Guillaume de Goys

    En 2021, donc, c'est au moment...

  • Anthony Baron

    Dans quel contexte vous arrivez, effectivement ?

  • Guillaume de Goys

    Tout à fait. Donc, en 2021, l'entreprise a été reprise par AIP, comme vous l'avez dit. AIP, c'est American Industrial Partners, donc ce sont nos actionnaires. C'est un fonds d'investissement qui est basé à New York. et qui détenait la dette d'Alunium Dunkerque. Dette qui était en défaut. Le précédent actionnaire n'a pas pu régler ces défauts-là. Et donc AIP a pris le contrôle d'Alunium Dunkerque en octobre 2021. Une prise de contrôle qui s'est plutôt bien passée, s'est même très bien passée, puisque aujourd'hui Alunium Dunkerque a eu plutôt de belles réussites avec ce fonds d'investissement, à travers les différents projets dont j'ai parlé. On a aussi traversé la crise. de l'énergie en 2022-2023 et ça aurait été difficile si on n'avait pas eu le support de notre actionnaire.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors je tiens à préciser également que vous êtes membre du conseil d'administration de l'aluminium Dufel, une usine de laminage située en Belgique. Vous êtes également président de l'association française des producteurs d'aluminium, Aluminium France. Vous êtes membre du conseil d'administration d'European Aluminium et Eurométho qui défend activement notamment les intérêts de la profession et promeut la décarbonisation et l'économie circulaire. Et vous êtes aussi trésorier de l'Uniden, qui est l'union des industries utilisatrices d'énergie. Alors en tant que président d'Aluminium Dunkerque et surtout d'Aluminium France et trésorier de l'Uniden, comment ces rôles influencent-ils votre vision pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Alors effectivement, ça peut paraître une longue liste de responsabilités. En fait, c'est assez organisé. Aluminium France, c'est la fédération professionnelle des producteurs d'aluminium. Les intérêts d'Aluminium Dunkerque et ceux d'Aluminium France sont très alignés. Le fait de pouvoir utiliser Aluminium France permet de faire entendre la voix d'Aluminium Dunkerque et de tous les autres producteurs et transformateurs d'aluminium en France pour faire entendre la voix de l'aluminium auprès de nos décideurs politiques, auprès des différentes politiques qui sont développées. C'est de même au niveau européen. C'est pour ça que j'interviens au sein d'European Aluminium ou Eurométho. donc c'est la la Fédération des non-ferreux à Bruxelles.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    L'UNIDEN, c'est un signe qui ne doit pas dire grand-chose, c'est l'Union des industries utilisatrices d'énergie. En gros, c'est tous les industriels qui consomment beaucoup d'électricité ou de gaz, pour lequel l'électricité ou le gaz est comme une matière première. C'est indispensable à la réalisation de notre activité. Donc l'Uniden a été particulièrement active en 2022-2023, mais bien au-delà de ça, puisque l'Uniden existe depuis plusieurs décennies, pour faire entendre la voix des industriels comme nous qui avons besoin d'électricité à prix compétitif. Et donc voilà, c'est vraiment pour défendre cette voix-là que je participe à ces différentes associations.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur la part de l'électricité dans la production d'aluminium, aujourd'hui, ça représente quel pourcentage des coûts ?

  • Guillaume de Goys

    C'est le deuxième. centre de coût pour Aluminium Dunkerque, juste derrière les matières premières. Les matières premières, au premier lieu, l'alumine, représentent à peu près 40% de nos coûts. Juste derrière, il y a l'électricité qui va représenter entre 25 et 30%.

  • Anthony Baron

    D'accord. Donc d'où effectivement les négociations dont vous parliez tout à l'heure qui étaient effectivement essentielles pour maintenir une compétitivité finalement sur ce marché. Alors, Aluminium Dunkerque a connu une succession d'actionnaires. depuis plus de 30 ans, Péchiné, Alcan, Rio Tinto, GFG, puis aujourd'hui AIP, un fonds d'investissement américain, vous l'avez très bien cité. Quelle est selon vous l'identité de la société et son héritage, notamment dans une région de France qui a aussi souffert finalement d'une forte désindustrialisation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est vrai, le Nord a été particulièrement touché par cette désindustrialisation, même si aujourd'hui c'est encore une terre d'industrie. Et on le voit aujourd'hui à travers un renouveau, avec les gigafactory de batterie, à travers... Plusieurs industries qui s'installent autour de l'usine. Revenons sur la naissance d'Alumium Dunkerque. En 1991, Alumium Dunkerque démarre sa production après avoir été le plus grand chantier industriel de France entre 1989 et 1991. C'est une décision d'implantation qui est là aussi due à l'énergie. Pourquoi ? Parce qu'il y a la centrale quasi immédiate de Gravelines, la centrale nucléaire de Gravelines, qui est à 2,5 kilomètres à vol d'oiseau de l'usine. Donc une proximité immédiate. Et dans la fin des années 80, début des années 90, il y a une production très importante d'électricité d'origine nucléaire. Et donc c'est tout naturel que deux grandes entreprises françaises, Péchinay d'un côté et EDF de l'autre, s'associent pour donner naissance à l'aluminium Dunkerque. Donc l'aluminium Dunkerque, de 1991 jusqu'à 2016, a grandi avec ce partenariat entre EDF et Péchinay, qui est devenu derrière Alcan puis Rio Tinto. et a permis de se développer avec cette visibilité qui était donnée par ce contrat d'électricité de 25 ans. Depuis, le contrat s'est terminé, nous avons changé à nouveau d'actionnaire parce qu'il n'y avait pas cette visibilité à moyen long terme qui permet d'avoir de la stabilité et d'investir dans les opérations. Et je suis très heureux qu'à travers cette reprise par AIP et puis la reprise des négociations avec EDF, nous soyons maintenant proches de la signature d'un contrat pour 10 ans. qui à nouveau donnera de la visibilité à l'Union Dunkerque et nous permettra de poursuivre nos investissements sur le recyclage et nos investissements dans la décarbonation.

  • Anthony Baron

    Et le fait que ce soit un actionnaire américain, en l'occurrence, est-ce que ça a une incidence ou une influence sur la négociation avec le partenaire EDF ?

  • Guillaume de Goys

    Je ne pense pas parce que, vous le disiez, Alimiam Dunkerque a une identité qui lui est propre. Nous sommes implantés depuis longtemps en France. Notre marché est essentiellement français et européen. Et donc, le fait que nous ayons un actionnaire américain, c'est un fonds d'investissement qui est là pour nous aider à mettre en œuvre notre stratégie, mais qui ne se substitue pas au ménagement. Et le ménagement, il est local, basé ici à Paris et à Dunkerque. pour vraiment présider au devenir d'Aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Alors, on va donner quelques chiffres aussi sur Aluminium Dunkerque. C'est 700 collaborateurs, 800 millions d'euros de chiffre d'affaires, 300 000 tonnes d'aluminium produits chaque année sur un site qui fait 65 hectares. Et donc, vous exportez dans 10 pays. Oui. C'est bien ça. Si on regarde un petit peu justement le processus de fabrication, comment on fabrique généralement de l'aluminium ? En fait, quels sont les produits finis que vous sortez de l'usine ?

  • Guillaume de Goys

    L'aluminium primaire vient d'un produit qu'on extrait du sol qui s'appelle l'aboxyte. L'aboxyte est une terre rouge qui contient beaucoup d'alumine, donc c'est l'oxyde d'aluminium. Cette bauxite est raffinée en alumine dans des usines chimiques. Et donc nous, les usines qui approvisionnent l'aluminium Dunkerque en alumine, elles sont en Irlande, en Allemagne. en Espagne pour une partie, et puis quelques fois aussi de la mine qui vient de plus loin. Cette alumine, il faut à peu près 2 tonnes d'alumine pour faire une tonne d'aluminium. On en importe donc à peu près 550 000 tonnes chaque année. Et ces 550 000 tonnes sont transformées en 285 000 tonnes d'aluminium chaque année, grâce au courant électrique, puisque c'est un processus d'électrolyse. Donc l'électrolyse, c'est un petit peu le centre de notre processus, qui permet de transformer à 960 degrés cette alumine. en aluminium. Donc l'aluminium est produit sous forme liquide dans la série d'électrolyse avec une très très grosse consommation d'électricité puisque pour produire une tonne d'aluminium il faut à peu près 13,5 MWh. Donc c'est un des métaux qui consomment le plus d'électricité pour sa fabrication. Cet aluminium qui est donc produit sous forme liquide, on utilise des anodes en carbone pour conduire l'électricité au sein des cuves puisque le carbone c'est un des matériaux qui, outre le fait qu'il est conducteur d'électricité, résiste aussi aux très fortes températures qu'il y a dans le bain électrolytique. Donc on a sur place un département qui fabrique les anodes. On consomme à peu près 150 000 tonnes. Donc nous produisons à peu près 150 000 tonnes d'anodes chaque année que nous recyclons quand elles sont usées pour pouvoir produire ces 300 000 tonnes d'aluminium. Ensuite, l'aluminium sous forme liquide, il est transporté vers la fonderie où il va être solidifié en deux types de produits. Tout d'abord, et ça représente à peu près 75 % de notre production, des plaques, des plaques de laminage. Donc il faut imaginer des grands rectangles. qui peuvent faire jusqu'à 8 mètres de long, jusqu'à 60 cm d'épaisseur et jusqu'à plus de 2 mètres de large. Ces grandes plaques sont envoyées chez nos clients pour être laminées. Donc on peut imaginer un laminoir, c'est un peu comme quand on fabrique des pâtes à la maison, on les fait passer entre deux cylindres pour écraser ces plaques qui font 60 cm d'épaisseur et on vient les réduire en épaisseur en plusieurs passages pour faire des tôles, pour faire jusqu'au papier d'aluminium, c'est-à-dire des choses qui peuvent être très fines. ou des carrosseries de voitures qui peuvent être un peu plus épaisses. Donc l'usage final de nos produits sous forme de plaques, c'est dans l'automobile, c'est dans l'emballage. On en trouve par exemple dans les canettes pour boire. On en trouve aussi dans les blisters de médicaments. On en trouve dans les capsules de Nespresso. On en trouve dans pas mal de produits du quotidien. Et puis on a aussi d'autres usages industriels divers qui vont du bâtiment jusqu'à... à l'aérospatiale.

  • Anthony Baron

    Vous disiez justement que l'alumine, globalement, c'est la moitié qui permet la production de l'aluminium. Qu'est-ce que vous faites de l'autre moitié ?

  • Guillaume de Goys

    On a deux tonnes d'alumine pour produire une tonne d'aluminium. Pourquoi ? Parce que l'alumine, c'est Al2O3. Et donc, en fait, notre processus d'électrolyse, ça vient enlever ce O3, donc cet oxygène, de l'alumine, ce qu'on appelle réduire de l'alumine en aluminium. D'accord. et le haut l'oxygène vient se combiner avec le carbone des anodes et c'est ça qui crée le CO2. C'est ça qui crée le CO2 surtout que malheureusement on émet dans l'atmosphère. D'où cette trajectoire de décarbonation que nous avons engagée qui vise à réduire ces émissions de CO2 dans l'atmosphère.

  • Anthony Baron

    On va effectivement en reparler. Comment vous définissez aujourd'hui la mission d'Aluminium Dunkerque dans le contexte actuel de l'industrie française et européenne ? Vous parliez beaucoup de décarbonation.

  • Guillaume de Goys

    Alors notre mission, c'est un petit peu notre raison d'être, c'est de produire en France de façon pérenne, donc on veut être là pendant longtemps, de l'aluminium responsable. Alors qu'est-ce que ça veut dire responsable ? Ça veut dire que c'est l'aluminium qui est produit le mieux possible, en émettant le moins de CO2, en utilisant le moins d'eau, en utilisant efficacement l'électricité, donc en étant les plus performants dans ces différents domaines. Et pourquoi est-ce qu'on fait cet aluminium-là ? C'est pour les usages de la transition écologique. Il faut savoir que l'aluminium est léger, il est conducteur, il résiste très bien aux intempéries, il protège aussi les emballages, etc. C'est pour ça qu'on l'utilise beaucoup dans l'industrie de l'emballage. Donc l'aluminium, on va le retrouver dans les batteries de véhicules électriques, on va le retrouver dans tous les moyens de transport pour les alléger, pour limiter les émissions de CO2 ou prolonger l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques. On va le retrouver aussi pour transporter de l'énergie, on va le retrouver dans les... panneaux solaires. Donc beaucoup d'usages où les propriétés de l'aluminium en font un matériau de choix et c'est un matériau de choix suffisamment important pour qu'il soit reconnu comme stratégique pour la transition écologique par l'Union Européenne.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur l'implantation des Gigafactory dans le nord de la France, notamment à Dunkerque, est-ce que le fait qu'Aluminium Dunkerque soit présent et soit aujourd'hui le leader de la production et de la façon dont d'aluminium primaire en France et même en Europe, à jouer dans ce choix ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, je ne pense pas que c'est parce que l'aluminium Dunkerque était là que les Gigafactory se sont installés. Mais par contre, pour nous, c'est une très belle opportunité. C'est une opportunité parce qu'on trouve de l'aluminium dans les batteries et donc on peut produire de l'aluminium qui va être utilisé derrière dans les batteries. C'est ce que nous commençons à faire d'ailleurs. Et puis, on peut aussi être à l'autre bout de la chaîne, c'est-à-dire de récupérer l'aluminium qui est dans les batteries usagées. Donc, on noue des partenariats. nous discutons aujourd'hui avec les différents acteurs de cette chaîne, de cette chaîne de valeur, pour leur fournir de l'aluminium, qui est bas carbone, qui est efficace en termes d'électricité, qui bénéficie de l'électricité très décarbonée qu'on a en France, pour qu'ils puissent faire des batteries les plus durables possibles. Et derrière, on peut aussi leur proposer de récupérer l'aluminium en fin de vie, une fois que les batteries ont terminé leur vie, pour qu'on puisse, nous, les recycler et puis offrir une nouvelle vie à cet aluminium-là.

  • Anthony Baron

    Alors, je crois que l'automobile, part, en tout cas un secteur d'activité qui est très important pour vous,

  • Guillaume de Goys

    c'est près de 40%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris effectivement que l'aluminium était un élément clé dans les phases de transition énergétique. Et si on prend le cas par exemple de l'automobile, quelles sont justement les applications et les usages qu'on pourrait y voir ?

  • Guillaume de Goys

    Je vous parlais tout à l'heure des plaques, il y a un deuxième produit que nous faisons qui sont les lingots. Donc les plaques, je vous l'ai expliqué, des grands rectangles qui font jusqu'à 8 mètres de long. Les lingots, pour le coup, c'est 16 kilos. C'est un lingot comme vous pouvez l'imaginer, on les empile pour pouvoir les vendre et les envoyer chez nos clients. Ces lingots sont destinés à être refondus et là pour le coup c'est 100% pour le secteur de l'automobile. Donc pour les lingots, vous allez en retrouver dans les jantes en aluminium, c'est probablement l'application la plus connue dans l'automobile. Vous allez les retrouver aussi dans des pièces de suspension, dans les étriers de frein, dans différentes parties du bloc moteur, qu'il soit électrique ou qu'il soit thermique. On retrouve de l'aluminium pièces de fonderie pratiquement partout dans l'automobile. Sur la partie tôle de laminage, on va le retrouver essentiellement dans ce qu'on appelle la caisse en blanc, c'est-à-dire la carrosserie intérieure et extérieure des véhicules. Vous avez des véhicules plutôt haut de gamme qui vont être complètement en aluminium, et puis d'autres où c'est principalement une structure en acier, mais pour alléger ces véhicules-là, on va remplacer quelques pièces en acier par de l'aluminium. Par exemple les portes, le coffre. le capot, etc., qui sont des pièces qu'on peut remplacer. Et on gagne du poids, en fait, à chaque fois qu'on remplace les pièces en acier par des pièces en aluminium.

  • Anthony Baron

    Donc, d'où le fait, effectivement, d'accélérer l'usage de l'aluminium par rapport à l'acier pour diminuer, effectivement, le poids des véhicules et donc être moins consommateur d'énergie.

  • Guillaume de Goys

    C'est ça, moins consommateur d'énergie ou étendre la distance ou l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques et puis, in fine, émettre moins de CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. OK, très clair. Donc... On l'a compris, l'aluminium Dunkerque est un acteur incontournable aujourd'hui en France et en Europe. Comment vous réussissez aussi à répondre à la demande croissante d'aluminium bas carbone ? Parce que ça, c'est un vrai sujet, le bas carbone, justement dans ces secteurs que sont l'automobile ou les énergies renouvelables.

  • Guillaume de Goys

    De plusieurs façons. Déjà, je le disais tout à l'heure, l'aluminium Dunkerque bénéficie en France d'une électricité qui est très décarbonée par le mix que nous avons sur le réseau français, basé sur du nucléaire, de l'hydraulique et très peu finalement de... On a un des électricités les plus décarbonées d'Europe ou même du monde. Il n'y a guère que quelques pays qui sont sur base hydroélectrique qui peuvent avoir un mix un peu plus décarboné que le nôtre. Donc ça, c'est le premier atout très fort que nous avons en étant basé en France. Deuxième chose, je le citais aussi, c'est travailler sur l'efficacité énergétique. La moyenne en termes de consommation d'électricité pour produire une tonne d'aluminium primaire, c'est au-delà de 14, 14,5 MWh par tonne d'aluminium. Nous, l'année dernière, nous avons battu notre propre record, et on est parmi les meilleurs au monde, à moins de 13 MWh pour produire une tonne d'aluminium. Donc vraiment un progrès important qui permet de consommer moins d'électricité et de ce fait-là émettre moins de CO2. Et puis on augmente aussi la part d'aluminium recyclé. Donc à chaque fois qu'on recycle l'aluminium, on n'utilise pas d'anode, etc. Donc on a... Un bilan carbone qui est plus efficace que quand on est en train de le produire avec des anodes et de l'alumine. Et puis enfin, troisième point, nous travaillons aussi sur la décarbonation de notre activité. Alors pour le moment, on n'en voit pas encore les résultats puisqu'on est vraiment dans la phase de recherche et de développement puisqu'il n'existe pas aujourd'hui de système de capture du CO2 qui soit adapté à l'industrie de l'aluminium primaire. Donc on est en train de développer ce système de capture carbone avec des partenaires. des partenaires équipementiers, des partenaires du monde de l'aluminium, pour pouvoir développer une solution sur la capture du CO2.

  • Anthony Baron

    Quelle est l'importance de la souveraineté industrielle en France et en Europe pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    La souveraineté industrielle, on l'a touchée du doigt lors du Covid, quand on s'est rendu compte qu'on n'était plus capable de produire, qu'on ne produisait plus des biens de première nécessité, et qu'on était hyper dépendant de producteurs qui sont non-européens. Sur l'aluminium, la situation n'est pas très bonne. En Europe, on couvrait à peu près par la production européenne, la consommation européenne, il y a une trentaine d'années. Depuis 30 ans, avec la désindustrialisation, de l'Europe, nous ne produisons que 50%, même pas la moitié, de l'aluminium qui est utilisé en Europe. Tout le reste est importé. Et est importé depuis des pays qui en produisent beaucoup plus que ce qu'ils consomment. Les plus proches, c'est la Norvège et l'Islande, qui font partie de l'Europe d'une certaine façon. Et hors Europe, c'est le Moyen-Orient, c'est l'Inde, c'était la Russie, ça n'est plus maintenant. Et puis, c'est principalement sur l'aluminium primaire, les grands concurrents. Alors, ces grands concurrents, pour la plupart en tout cas, proposent de l'aluminium qui est plus carboné que celui qui est fabriqué en Europe. Donc ça, ce n'est quand même pas une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que ce qu'on n'est pas capable de produire en Europe, on l'importe et on l'importe plus carboné que ce qu'on produit nous-mêmes. Donc ça, c'est vraiment quelque chose qui ne va pas dans le bon sens en termes de réchauffement. Juste pour donner quelques chiffres, l'aluminium Dunkerque, c'est à peu près 4 000. tonnes, enfin c'est même 4 tonnes en 2024, c'est 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit sur l'ensemble des scopes, ce qu'on appelle le scope 1, 2, 3. Donc le 1 c'est le direct, le 2 c'est l'indirect, c'est lié aux sources d'énergie et le 3 c'est tout le reste, le transport, matières premières, etc. Et donc nous sommes à 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit, ce qui fait de nous une des meilleures usines de production d'aluminium primaire au monde. On doit être dans les, je pense, 10% des plus efficaces. La moyenne de la production européenne, on va plutôt être à 6, 6,5. La moyenne des imports européens, c'est aux alentours de 9, 9, 10. Et quand vous importez d'Inde, l'Inde c'est essentiellement sur base charbon, eux vont être à... alors il y a le Scope 3 effectivement, plus de distance, mais il y a surtout l'électricité qu'ils utilisent, qui est sur base charbon. Et là on va monter à 16 tonnes de CO2. C'est 4 fois plus que ce qu'on produit nous.

  • Anthony Baron

    Est-ce que la solution serait justement d'étendre les activités industrielles d'Aliénium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous ne faisons pas en augmentant beaucoup notre production d'Aliénium primaire, même si nous le faisons, puisque à sa création il y a 30 ans, Aliénium Dunkerque produisait à peu près 200 000 tonnes d'aliénine. Et c'est 300 000 tonnes ? Là aujourd'hui c'est 300 000. Donc vous voyez, 50% d'augmentation de production sur l'espace de 30 ans. Donc c'est une augmentation continue. Et ce qui est intéressant, c'est que c'est toujours dans le même périmètre. C'est-à-dire que quand l'usine a démarré, elle avait 264 cuves d'électrolyse. Aujourd'hui, on a toujours 264 cuves d'électrolyse, mais qui produisent quasiment 50% d'aluminium en plus.

  • Anthony Baron

    Donc, c'est améliorer la productivité.

  • Guillaume de Goys

    On a amélioré la productivité pour chacune des cuves. On va continuer à améliorer cette productivité, puis surtout essayer de la rendre la plus efficace possible en consommant moins d'alumine, moins de CO2, en émettant moins de CO2, en consommant moins de carbone, moins d'électricité. Là où nous avons augmenté plus récemment, mais aussi de façon plus significative, notre production, c'est en ajoutant un huitième four dédié au recyclage. Et donc là, c'est 20 000 tonnes qu'on a ajoutées cette année, en 2025, de production. Cette fois-ci, c'est de l'aluminium qui vient d'aluminium qu'on recycle. Donc, ce n'est pas de l'aluminium qui vient d'alumine, pas de l'aluminium primaire, mais c'est de l'aluminium recyclé, qui vient s'ajouter aux 285 000 tonnes pour produire les 300 000 tonnes dont on parle.

  • Anthony Baron

    c'est à dire que les clients aujourd'hui s'intéressent justement à En termes de choix, avoir plutôt de l'aluminium reconditionné ou la demande d'aluminium primaire est toujours aussi importante ? Est-ce que d'ailleurs le client choisit l'un ou l'autre ou peu importe la demande ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, bien évidemment, le client c'est lui qui choisit l'aluminium qu'il va utiliser puisqu'en fait il nous donne des spécifications qui permettent de savoir si on est sur de l'aluminium recyclé ou sur de l'aluminium primaire. Il faut savoir que tendanciellement, dans le monde entier, c'est un peu la même chose, la même tendance en tout cas en Europe et en France, c'est que progressivement, on consomme de plus en plus d'aluminium recyclé. Ce qui est normal, puisqu'en fait, il y a de plus en plus d'aluminium à recycler, puisque tout l'aluminium qui a été mis en production à un moment qui peut être plus ou moins long, va être sur le marché du recyclage. Et comme l'aluminium a beaucoup de valeur, il est quasiment toujours recyclé. Je vais prendre un exemple un peu...

  • Anthony Baron

    Sans perdre ses propriétés ?

  • Guillaume de Goys

    Sans perdre ses propriétés, moyennant le fait que ce soit dans la même utilisation. Donc je vais préciser un petit peu. Je parlais tout à l'heure de canettes en aluminium. La durée de vie d'une canette, c'est quelques semaines. Entre sa production et sa consommation, c'est quelques semaines. Et là, elle va pouvoir être très vite recyclée et elle peut faire une boucle, deux boucles, même dans l'année. Deuxième type de produit, si on prend un blister de médicaments. Alors là, ça va être un petit peu plus long, parce qu'avant que vous ayez complètement terminé vos médicaments, ça peut prendre peut-être quelques mois, ou peut-être même jusqu'à un an avant qu'ils soient vraiment mis à recycler. Un autre type de produit dans lequel il y a de l'aluminium, les véhicules. Les véhicules, il va falloir attendre 15 ans avant qu'ils soient mis à recycler. Pour l'aluminium qui est dans les maisons, ça va être encore plus long, puisque avant de changer les fenêtres, ça peut avoir une durée de vie de 25 ans, peut-être 30 ans, et c'est là où vous trouvez pas mal d'aluminium. Et puis, l'aluminium qu'on utilise pour transporter l'électricité dans les câbles à haute tension, là, ça va être 80 ans. Donc vous voyez, des durées de vie différentes, mais à la fin, l'aluminium, il revient toujours et il est recyclé. Si on est capable de le recycler dans la même application de canettes, on peut refabriquer des canettes, ça vous pouvez le faire indéfiniment.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    Quand vous recyclez une jante automobile, vous refaites des jantes auto, il n'y a pas de problème non plus. Par contre, si jamais vous mélangez de l'aluminium qui vient de fenêtres et de l'aluminium qui vient de jantes en auto, là vous avez un mélange que vous ne pouvez pas utiliser pour faire des jantes auto ou pour faire des fenêtres. Vous allez dégrader en fait les propriétés de l'aluminium. Et là pour le coup, les usages sont plus restreints. Donc la réponse c'est que l'aluminium se recycle, il se recycle tout le temps, il y a toujours des usages qui permettent de le recycler. Mais plus on arrive à le faire en boucle fermée, c'est-à-dire du même produit dans le même produit, plus on va pouvoir le faire. de façon indéfinie.

  • Anthony Baron

    Il existe aujourd'hui des chaînes d'approvisionnement qui créent justement cette circularité du reconditionnement.

  • Guillaume de Goys

    C'est ce qu'on appelle le recyclage en boucle fermée. Il y en a. Malheureusement, la France, dans l'Europe, n'est pas le pays le plus avancé pour ces boucles fermées. Pourquoi ? Parce qu'on a perdu la consigne qu'on avait sur les bouteilles en verre, par exemple. On ne l'a plus. Et sur l'aluminium, même s'il est récupéré pour être recyclé, il n'est pas recyclé à part. Donc, par exemple, on parlait des canettes tout à l'heure, regardons cet exemple-là, il y a à peu près 60% des canettes en France qui sont récupérées et recyclées pour pouvoir à nouveau rentrer dans le cycle de vie des canettes, alors qu'il y a d'autres pays qui ont une consigne spécifique et qui trient à part les canettes, eux, ils arrivent à recycler plus de 90%. Donc, vous voyez, il y en a qui font mieux que nous. Il y a une organisation pour trier à la base et séparer à la base. les différents types, les différents alliages d'aluminium que nous avons.

  • Anthony Baron

    Absolument. Question également sur la partie recyclage. Quelle est selon vous la capacité que pourrait avoir aujourd'hui par exemple la France ou l'Europe sur l'aluminium recyclé ? Si on prenait tous les produits qui soient potentiellement recyclables. Vous parliez de 20 000 tonnes globalement pour Aluminium Dunkerque. Globalement le potentiel est bien plus élevé que ça,

  • Guillaume de Goys

    puisque en France on exporte à peu près chaque année 500 000 tonnes. de déchets. Donc il y a 500 000 tonnes de déchets qui sont récupérés en France, mais qui ne sont pas recyclés en France. Pourquoi ? Parce qu'ils partent à l'export, ils ne sont pas très bien triés, et donc ils partent à l'export, où on arrive à les trier mieux que nous, et donc ça va être recyclé, mais à l'export. Donc on a un vrai gisement pour recycler plus d'aluminium que nous produisons nous. Et ça c'est important, puisque l'aluminium qu'on recycle, il n'émet pas du tout de CO2, ou très peu, par rapport à l'aluminium qu'on va produire de façon primaire. Donc il y a tout un travail qui est fait par la filière, on parlait d'Aluminium France tout à l'heure. Les différents adhérents d'Aluminium France ont investi ces dernières années et ont mis, je pense, plus de 250 000 tonnes de nouvelles capacités de recyclage en service. Et donc il faut vraiment qu'en tant que filière, on se mobilise pour pouvoir garder les déchets d'aluminium qui sont en France et pour pouvoir les recycler le mieux possible.

  • Anthony Baron

    Il y a une grosse différence de coût, en tout cas de prix de vente, entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé ?

  • Guillaume de Goys

    Ce sont deux marchés qui ne réagissent pas tout à fait de la même façon. La plupart du temps, l'aluminium primaire, parce qu'il est un peu plus pur et qui convient à l'ensemble des usages, est plutôt un peu plus cher que l'aluminium recyclé. Mais parfois, ça se croise. Pourquoi ? Parce que s'il y a peu de déchets à recycler, l'aluminium secondaire devient plus rare et donc son prix monte. C'est pareil pour l'aluminium primaire. C'est vraiment directement... Alors, ils suivent quand même plus ou moins les mêmes... courbe quand l'aluminium primaire monte, l'aluminium secondaire monte aussi et inversement. Mais les courbes sont un peu décorrélées parfois.

  • Anthony Baron

    D'accord. Vous estimez aujourd'hui 20 000 tonnes de production d'aluminium recyclé.

  • Guillaume de Goys

    C'est l'investissement qu'on a fait sur aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Quel est globalement votre objectif de production entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé à l'horizon 5 à

  • Guillaume de Goys

    10 ans ? Notre objectif à long terme, plutôt à 15-20 ans, ce serait de faire 75% d'aluminium primaire et 25% d'aluminium recyclé. On restera quand même principalement un acteur primaire, mais petit à petit, là on est à un peu moins de 10%, 8% aujourd'hui, et progressivement on veut monter jusqu'à 25%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris l'importance également de la filière qui doit s'organiser pour pouvoir effectivement... Vous apportez la matière.

  • Guillaume de Goys

    La filière aluminium elle-même, mais aussi les filières de récupération, de collecte, de tri des métaux.

  • Anthony Baron

    Tout à fait. Face à la concurrence mondiale, notamment avec des pays où le coût de l'énergie est plus bas, on va dire que ceux de la France, comment Aluminium Dunkerque arrive à rester en tout cas compétitive sur un marché où ces prix sont fixés, notamment à la Bourse de Londres ?

  • Guillaume de Goys

    Le prix du métal est effectivement fixé à la Bourse de Londres, le London Metal Exchange, d'où le nom de LME. Et ce prix-là, il est à peu près le même pour tout le monde. Il y a des primes régionales, donc primes européennes, primes Midwest pour les États-Unis, ou la prime japonaise, ou même d'autres types de primes en Chine. Mais le prix de l'aluminium est globalement corrélé au niveau mondial, alors que le prix de l'électricité, qui compose une part très importante, L'importance du coût de production d'aluminium, lui, est très régionale. On ne paye pas du tout le même prix d'électricité en France, en Europe, au Moyen-Orient, ou en Russie, ou au Canada. Et donc là, ça induit un différentiel de compétitivité qui peut être assez important, qui est même très important, et qui fait que lors de la crise de 2022, l'Union européenne a perdu plus de 40% de sa production d'aluminium primaire, qui n'a pas encore complètement redémarré. Parce que les prix de l'électricité en Europe sont montés vraiment très très haut, alors que dans le reste du monde, ils n'ont pas monté tant que ça.

  • Anthony Baron

    Et c'est-à-dire quoi ? C'est-à-dire que les industriels européens sont allés chercher de l'aluminium en dehors du continent, plutôt que de continuer à se fournir avec des experts ?

  • Guillaume de Goys

    Parce qu'en fait, les industriels producteurs d'AUM primaires n'étaient plus compétitifs. En fait, ils étaient contraints même d'arrêter leurs usines, parce que tout l'aluminium qu'ils produisaient, le produitait à perte. Je vous le disais, pour faire une tonne d'aluminium, il faut à peu près 13 MWh, ou mettons en moyenne 14 MWh. Si on prend de l'électricité à 100 euros du MWh, vous voyez qu'il y a déjà 1400 euros par tonne d'aluminium qui est dédié pour la production, pour la consommation d'électricité. Vous rajoutez les matières premières, qui représentent en moyenne 40% du prix de l'aluminium, et là vous dépassez, c'est-à-dire juste avec l'électricité et les matières premières, vous n'avez pas payé les personnes, vous n'avez pas payé vos investissements, vous n'avez pas payé tout le reste. Eh bien, déjà, vous dépassez le prix de vente, donc vous êtes en perte. Donc là, vous n'avez pas d'autre choix que d'arrêter votre activité.

  • Anthony Baron

    Oui, tout à fait. Et ça a été le cas ?

  • Guillaume de Goys

    Ça a été le cas. C'était le cas. Aluminium Dunkerque, qui a réduit de 30% sa capacité de production pendant la crise en 2021 puis 2022.

  • Anthony Baron

    C'est pour le coup l'incidence directe. On imagine que ça a été quand même une perte de production au niveau européen et sans doute d'ailleurs au niveau mondial, puisque les producteurs mondiaux ont alimenté l'Europe. est-ce que ça a eu... peut-être aussi malgré tout une incidence sur le prix du cours ? Parce que peut-être ça a pris un phénomène de rareté.

  • Guillaume de Goys

    Pas tant que ça. Je vais vous expliquer pourquoi ça n'a pas eu tant d'influence que ça sur le prix de l'aluminium au niveau mondial. Aujourd'hui, la production mondiale d'aluminium, c'est à peu près 70 millions de tonnes. Sur ces 70 millions de tonnes, vous en avez 45 qui sont en Chine. Vous voyez la prépondérance forte. de la Chine sur la production mondiale des liens. Tout ça, c'est de la lienne primaire. Oui, tout à fait. Les autres grands pays exportateurs, c'est le Canada, le Moyen-Orient, la Russie, un petit peu l'Inde, l'Australie. Dans ces pays-là, le prix de l'électricité, il n'a pas du tout, du tout, du tout subi l'augmentation très forte qu'on a vu en Europe. Au Canada, par exemple, les prix de l'électricité sont bien, bien, bien inférieurs à ceux qu'on a en Europe. et sur des durées très longues. Ils ont une visibilité sur le prix de l'électricité de façon très très longue. Au Moyen-Orient, c'est en brûlant du gaz qu'ils extraient eux-mêmes, à des prix là aussi qui sont bien plus bas que ceux qu'on pouvait avoir en Europe. Donc ils n'ont pas cette problématique. En Chine, c'est encore un marché encore différent, et c'est pareil, ils n'ont pas vu cette augmentation des prix d'électricité aussi forte que celle qu'on a eue en Europe. Et donc finalement, la production mondiale d'aluminium n'a pas été directement influencée. Et donc, c'est les producteurs européens qui ont subi cet impact très fort.

  • Anthony Baron

    Oui, c'est effectivement... Enfin, on peut imaginer que c'est assez « unfair » , entre guillemets, puisque vous êtes victime, quelque part, de votre deuxième coup, qui impacte fortement.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est ce que nous disons, en fait, aux politiques, quand ils nous disent « Mais oui, mais quand même, en France, vous avez le prix d'électricité qui est probablement un des plus compétitifs en Europe » , ce qui est vrai. Le problème, c'est que nos concurrents, ils ne sont pas que en Europe. Exactement. Nos concurrents, c'est le monde entier.

  • Anthony Baron

    Et il n'y a pas de surcote ou en tout cas, je dirais, un prix un peu abondé pour justement l'aluminium primaire bas carbone, ce qui est votre cas ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est vrai. On arrive à avoir un petit premium, ce qu'on appelle le green premium, pour l'aluminium bas carbone. Par contre, ce green premium, il est très, très, très loin de couvrir les coûts, les surcoûts de l'électricité ou même les surcoûts qui sont liés à notre système. européens sur les émissions de gaz à effet de serre, etc. Pour donner un ordre de grandeur, le Green Premium, c'est à peu près 1% du prix de vente. Oui,

  • Anthony Baron

    ce qui n'est rien.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas grand-chose. Ça ne couvre pas un gros écart d'électricité.

  • Anthony Baron

    Absolument. C'est vraiment une volonté.

  • Guillaume de Goys

    Si vous avez juste 10 euros d'écart sur l'électricité, ça vous fait 130 ou 140 euros d'écart. C'est pas 1% du prix.

  • Anthony Baron

    Absolument, donc c'est une vraie bataille aussi que vous menez à ce niveau-là. J'aurais parlé de la déclaration d'Anvers, qui est une initiative de 57 entreprises, 15 fédérations industrielles européennes et un syndicat européen. Donc évidemment il y a une annonce, c'est ça, en février 2024, qui vise à construire un pacte industriel européen pour la prochaine mandature de la Commission européenne, donc 2024-2029. Et l'objectif est de rendre justement le pacte vert, le Green Deal, possible en conservant les capacités... de production en Europe et en veillant à la compétitivité de son industrie.

  • Guillaume de Goys

    C'est un appel qui a été fait effectivement et à laquelle j'ai participé.

  • Anthony Baron

    Absolument.

  • Guillaume de Goys

    Et à l'UIM Dakar qui était parmi ces entreprises. Pour vraiment appeler à la suite du rapport l'État, si vous vous souvenez, d'appeler ce qui est maintenant le Clean Industrial Deal. Donc ça a été repris par Ursula von der Leyen et par la nouvelle commission en disant effectivement on doit garder l'orientation qui a été faite à travers le Green Deal, c'est à dire de décarboner l'Europe, avec une cible de moins 55 en 2030 et puis une cible qui est en train de se discuter pour 2040. Donc garder cette orientation-là parce qu'on pense foncièrement tous, nous qui avons signé cet appel-là, qu'il faut garder cette trajectoire de décarbonation, c'est important pour limiter le réchauffement climatique, mais que ça ne peut pas se faire au coût de la désindustrialisation de l'Europe. Pourquoi ? Principalement parce qu'en fait, c'est valable pour l'Union, mais c'est valable aussi pour Plein d'autres produits, c'est que les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation. mais en donnant les conditions à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne, et fasse partie de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Et donc c'est quoi les mesures concrètes qui ont été demandées à l'Union Européenne pour maintenir cette industrie ?

  • Guillaume de Goys

    Il y en a plusieurs. Il y en a une qui est importante et qui nous concerne très directement, c'est d'avoir de l'électricité, enfin de l'énergie, de toute façon au-delà de l'électricité, c'est l'ensemble de l'énergie, parce que l'énergie c'est... indispensable pour l'industrie, quelle qu'elle soit, c'est d'avoir de l'énergie qui soit compétitive au niveau mondial. Et donc on a, dans un des pans du Clean Industrial Deal, c'est tout ce qui s'appelle le Affordable Energy Act, donc l'acte pour une énergie compétitive.

  • Anthony Baron

    Justement, sur la partie énergie et électricité, vous en avez beaucoup parlé. L'usine d'Alunium Dunkerque consomme globalement l'équivalent de la ville de Marseille. On en avait parlé ensemble en préparant cette interview. Comment vous gérez cette dépendance énergétique ? Et encore une fois, comment peut-être en sortir, s'il y a une possibilité ?

  • Guillaume de Goys

    En sortir, il y a une possibilité, c'est de recycler plus d'aluminium. Parce que nous le faisons petit à petit. Par contre, pour le moment, on n'a pas encore inventé, et puis même la physique fait qu'on n'arrivera pas à réduire l'alumine en aluminium sans utiliser d'électricité. La voie chimique est très très compliquée et nécessite des quantités d'énergie importantes elle aussi. Et surtout, elle est beaucoup beaucoup beaucoup plus luxueuse. Donc, on ne se passera pas d'électricité pour produire de l'aluminium. Ce qui est bien, c'est qu'on est déjà électrifié. Contrairement à d'autres industries qui utilisent du charbon pour réduire leurs minerais, l'intérêt de l'industrie de l'aluminium primaire, c'est que depuis déjà très longtemps, ça fait plus de 100 ans, cette industrie est électrifiée. Et en France, gros intérêt, c'est qu'on a de l'électricité qui est très décarbonée. Donc, on a déjà gagné, entre guillemets, cette partie-là. Maintenant pour... Pour réduire nos émissions, il y a plusieurs façons. C'est de continuer à utiliser de l'électricité la plus verte possible et petit à petit d'aller vers des investissements de décarbonation. Le stade ultime, c'est de ne pas émettre de CO2. C'est de remplacer nos anodes en carbone par des anodes inertes. Là, il y a de la recherche qui se produit, recherche et développement depuis déjà de nombreuses années. La France fait partie. Il y a des laboratoires de recherche français qui travaillent là-dessus sur les anodes inertes depuis déjà longtemps. Mais on n'est pas encore au stade industriel où on peut se dire, ça y est, allez hop, la technologie à note inerte, elle est prête, on peut aller l'installer. Il y a encore probablement une dizaine d'années, c'est mon estimation personnelle, mais peut-être une dizaine d'années avant que ce soit vraiment quelque chose de répandu. Et donc, le choix que nous avons fait à l'Union Dunkerque, c'est, en attendant que cette technologie soit disponible, de ne pas rien faire, de ne pas rester les bras croisés. et d'utiliser une technologie qui, elle, pour le coup, existe, qui est la technologie de la capture du CO2. Donc, on va continuer à émettre du CO2 de par notre procédé, mais on va le capter, ou on va capter en tout cas une grande partie dans les émissions du site pour pouvoir le stocker. Et ça, on fera ça tant qu'on aura des émissions de procédé.

  • Anthony Baron

    OK. Et vous ferez quoi de ce CO2 stocké ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il est stocké, c'est ce qu'on appelle le CCS, donc Carbon Capture and Storage. Donc on vient le stocker, alors pour nous, principalement dans les réservoirs de stockage de CO2 de la mer du Nord. Donc c'est soit des cavités salines, soit des anciens champs de pétrole ou de gaz qui sont vides. Et on vient remplacer en fait le pétrole bleu. ou le gaz qu'il y avait par du CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et quelles sont les vertus derrière ?

  • Guillaume de Goys

    L'objectif, c'est d'éviter de les émettre dans la nature.

  • Anthony Baron

    C'est ça.

  • Guillaume de Goys

    C'est d'éviter qu'ils soient émis à l'atmosphère. Et là, ils ont un pouvoir réchauffant important. Et donc, on les enterre pour qu'ils aient pas ce pouvoir réchauffant.

  • Anthony Baron

    Je connaissais pas du tout ce procédé. Et ensuite, il est stocké dans le sol et après,

  • Guillaume de Goys

    il y reste.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien. Il est amené à disparaître ou non ?

  • Guillaume de Goys

    Non, pas forcément, c'est comme le gaz, si vous voulez. Tant qu'on le laisse dans le sol et qu'on ne vient pas forer pour aller le chercher, il reste dans le sol.

  • Anthony Baron

    Oui, très bien, très clair. Alors les objectifs sont très ambitieux au niveau de la réduction des émissions de CO2. Je crois que c'était 30% d'ici 2030, 70% d'ici 2050. Les axes principaux justement de cette stratégie...

  • Guillaume de Goys

    2030, c'est vraiment la capture du CO2, c'est pour ça qu'on vise 30% de nos émissions, parce qu'on sait que ce n'est pas aussi efficace. que de ne pas les émettre. Bien sûr. Et puis, à horizon 2050, c'est cette nouvelle technologie anodinaire sur laquelle on compte.

  • Anthony Baron

    D'accord. Ok, très clair. Et quelle est la part, justement, de la R&D chez Union Acker en termes d'investissement ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, en termes d'investissement, c'est quelques pourcents de notre chiffre d'affaires. Quand nous étions dans les grands groupes, nous bénéficions de la R&D centrale de ces grands groupes. Depuis que nous sommes indépendants, on a un petit peu pris notre trésor, notre envol. Mais on commence par... Petit, entre guillemets. Mais on a déjà déposé quelques brevets et puis on va continuer à le faire pour développer ces nouvelles technologies.

  • Anthony Baron

    Et justement, en termes d'innovation, vous avez évoqué le lancement d'un nouveau four dédié au recyclage et donc justement les technologies de capture du carbone. Si on prend justement le cas de ce four recyclé, vous pouvez nous donner le montant de l'investissement que ça a pu représenter ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est 13 millions d'euros. 13 millions d'euros, d'accord. 13 millions d'euros, donc ce nouveau four de recyclage.

  • Anthony Baron

    Ok. Et en l'occurrence, ce four est actif aujourd'hui, on l'a dit, c'est 20 000 tonnes d'objectifs de production.

  • Guillaume de Goys

    Oui, on l'a débarré en mai, on l'a inauguré officiellement le 15 mai. Et cette année, on ne fera pas 20 000 tonnes, mais dès l'année prochaine, on fera bien ces 20 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    Et vous prévoyez la construction d'autres fours ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, je vous le disais, le marché globalement de l'aluminium essaye d'intégrer de plus en plus d'aluminium recyclé. Donc on souhaite pouvoir offrir à nos clients de l'aluminium primaire avec du contenu recyclé. Et donc, on est appelé à investir dans de nouveaux fours. On va déjà réussir le démarrage, la mise en production complète de ce four-là avant de poursuivre ses investissements.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et vous nous avez également partagé tout à l'heure, Guillaume, depuis la création finalement d'Alunium Dunkerque en 1991, la production a doublé à date ?

  • Guillaume de Goys

    Non, augmenté de 50%.

  • Anthony Baron

    Oui, augmenté de 50%. Est-ce que vous prévoyez également une augmentation à nouveau de 50% sur les 25-30 prochaines années ?

  • Guillaume de Goys

    Sur les 25-30 prochaines années, on est même plus ambitieux que ça. Dans la feuille de route de transition écologique que nous avons présentée au gouvernement et qui est signée avec eux, on prévoit de monter la production d'aluminium Dunkerque à 700 000 tonnes. Donc avec une nouvelle technologie, les anodes inertes dont je parlais à l'instant, et de pouvoir installer une deuxième ligne de production qui soit basée sur cette technologie-là, plus les capacités additionnelles de recyclage. L'ensemble de ces projets fait qu'aluminium Dunkerque a horizon 2050. devrait être aux alentours de 700 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors, on comprend bien effectivement la façon dont vous collaborez aujourd'hui avec vos équipes en interne. Malgré tout, est-ce que vous avez aussi des collaborations avec d'autres acteurs, publics, privés, pour mutualiser notamment les efforts dans la décarbonation et l'innovation à Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, oui, oui, tout à fait. On a plusieurs types de partenariats. Il y en a un que j'ai déjà cité, c'est le partenariat sur la capture carbone. Donc là, nous sommes en partenariat avec des acteurs de l'industrie de l'aluminium, mais aussi des... des acteurs équipementiers. Donc c'est un premier partenariat que nous avons mis en œuvre. Il y en a un deuxième qui est plus local, sur le Dunkerquois. Il y a plusieurs industriels qui se décarbonent aujourd'hui, aciéries, cimentiers, usines chimiques, à l'Union Dunkerque. Nous travaillons ensemble pour la spécification et la construction d'un tuyau qui permettra de collecter le CO2 qui sera capté dans ces différentes usines et l'emmener vers les lieux de stockage. Donc ça, c'est un investissement qui est massif, qui ne peut pas être porté par un seul des acteurs. Et c'est pour ça que nous travaillons ensemble avec des acteurs dont c'est la spécialité. Natran, par exemple, anciennement le transport, le GRT Gaz, qui a des études pour créer ce pipe de CO2.

  • Anthony Baron

    Quelles sont également les relations avec les pouvoirs publics locaux, le tissu économique du Dindes-Caircois, en l'occurrence ? Parce qu'on imagine le poids économique que vous avez localement. peut-être l'intention aussi que porte le groupe. On va dire les citoyens sur les émissions de CO2, etc. Comment vous fonctionnez justement pour les rassurer, pour maintenir effectivement des relations efficientes avec cet écosystème ?

  • Guillaume de Goys

    Sur la partie les rassurer, je crois que ce qui est le plus important, c'est de donner de la visibilité sur la pérennité de notre activité. Et donc tous les... Le projet que nous faisons, c'est justement pour donner cette visibilité-là. Il y a un élément qui est important et sur lequel on collabore beaucoup entre les différents industriels du Dunkerquois, c'est l'attractivité. On a malheureusement aujourd'hui un déficit d'images, qui n'est pas spécifique à Dunkerque, mais qui est plus général que ça, sur l'industrie. Quand on discute avec des jeunes, filles ou garçons, et qu'on leur dit « qu'est-ce que tu as envie de faire comme métier plus tard ? » , ils sont rares ceux qui nous disent « ah, j'ai envie de travailler dans une usine » . Et c'est dommage. parce qu'en fait, l'industrie, ce sont des belles carrières, c'est de beaux projets, c'est fabriquer des choses utiles.

  • Anthony Baron

    C'est tangible, c'est tactile.

  • Guillaume de Goys

    Exactement. Et puis, le travail dans l'industrie est hyper varié. Donc, on a ce déficit d'images qui vient d'années et d'années de désindustrialisation. Et donc, nous collaborons beaucoup entre acteurs industriels du Dunkerquois et plus largement des Hauts-de-France et même de la France entière pour redonner envie d'industrie. redonner envie d'industrie pour les jeunes, pour qu'ils nous rejoignent, qu'ils puissent faire métier dans l'industrie, mais aussi par rapport aux politiques, leur dire, vous savez, l'industrie, ce n'est pas que des problèmes, c'est aussi beaucoup de solutions et on leur demande d'investir à nos côtés pour réindustrialiser. Je me souviens d'Olivier Luancy qui parle souvent des problématiques liées à la désindustrialisation et dans la cohésion des territoires, c'est un élément important. Un territoire où les usines qui font un peu le tissu économique local disparaît, et bien ce tissu il disparaît. Et derrière, on a du mal à avoir cette cohésion sociale parce que les jeunes partent, ne peuvent plus travailler localement et donc on a des territoires qui, petit à petit, dont l'attractivité baisse beaucoup à cause de ça.

  • Anthony Baron

    Quelles sont les spécificités que vous avez pu mettre en place pour justement faire face à ces défis de recrutement, de formation ? Parce que ça, on le sait, dans un marché du travail où la cité est tendue, sur les fonctions industrielles.

  • Guillaume de Goys

    Je vais donner quelques exemples. Il y en a un qui est récent qui s'appelle Viva Fabrica, qui est un partenariat de beaucoup d'industriels au niveau français. La dernière édition de Viva Fabrica était à la fois sur Lille et sur Dunkerque. C'est une exposition qui est itinérante. On a profité du fait que ce soit en Haute-France pour avoir un stand aux couleurs d'Avion Dunkerque, de mobiliser nos collaborateurs pour qu'ils parlent. rencontre les jeunes, collégiens, lycéens, même études supérieures, et leur expliquer tout ce qu'on peut faire chez l'Union d'Incaire, qui est plus largement dans l'industrie de l'aluminium. On a aussi créé, avec plusieurs acteurs locaux, ce que nous appelons Fabulous Factory, qui est de montrer qu'en fait nos usines, c'est très très loin de l'image qu'on peut s'en faire, c'est loin d'être un endroit poussiéreux, sale, bruyant, etc. dans lequel on fait tourner des machines un peu anciennes. Ce n'est pas du tout le cas. On utilise des choses modernes. On fait très attention à nos environnements de travail. L'époque germinale est terminée. L'époque germinale est très loin d'être terminée depuis longtemps parce que germinale, c'était les mines. On en est quand même assez loin.

  • Anthony Baron

    Je suis d'accord. Je souhaiterais aussi aborder la culture managériale, qui est la vôtre, et celle que vous déployez également dans la société.

  • Guillaume de Goys

    Alors personnellement, ce qui m'anime, me motive tous les jours, c'est de vraiment développer les personnes avec lesquelles je travaille, de donner l'opportunité à chacun de nos collaborateurs de donner le meilleur d'eux-mêmes. Donc c'est de leur donner l'opportunité de faire de nouvelles choses, de créer, de s'associer, d'innover. Donc ça, c'est vraiment des points importants qui font partie de notre... De nos valeurs, nos valeurs chez William Dunkerque, c'est une valeur de protéger. D'abord, protéger les gens, protéger l'environnement. Donc ça, c'est une première valeur. Deuxième valeur, c'est d'exceller. Et nous pensons qu'à travers l'excellence, en particulier l'excellence opérationnelle, l'excellence industrielle, que l'industrie pourra demeurer en France et en Europe. On ne peut pas être moyen, il faut qu'on soit les meilleurs. Troisième point, c'est d'innover. Parce que l'innovation, c'est aussi un de nos axes clés. Et puis enfin, c'est d'améliorer, d'améliorer en permanence nos processus.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et entre justement la période à laquelle Alimian Dunkerque était rattaché à un grand groupe, notamment Rio Tinto, quand vous prenez la direction générale de la société, à aujourd'hui un fonds d'investissement américain et donc vous avez été nommé président à l'issue de cette opération. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé chez vous justement dans vos pratiques managériales ou peut-être votre niveau d'exigence par exemple ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il y a des choses qui n'ont pas changé, c'est qu'on fait toujours de l'aluminium à Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Ça c'est sûr.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est important. Ce qui a changé, principalement, c'est le fait que nous soyons passés d'un grand groupe, où on était une usine parmi d'autres, à une entreprise indépendante. Et ça, c'est un vrai changement dans l'état d'esprit, c'est un vrai changement aussi dans la responsabilité que nous avons. Yotinto, c'est un groupe qui est assez centralisé, et donc il y a beaucoup de... Les fonctions qui étaient faites de façon centrale, je parlais tout à l'heure de la R&D avec des centres de R&D dédiés qui n'étaient pas sur le site, mais c'est valable aussi pour beaucoup de fonctions sur la finance, sur la gestion de la trésorerie, sur les achats, sur le RH, etc. C'était tous des services partagés qui étaient faits ici ou là, même sur la stratégie de l'Union de Dakar qui n'était pas décidée à l'Union de Dakar, qui était décidée à Montréal ou à Londres. Le fait maintenant d'être avec un fonds d'investissement et géré comme une société indépendante, nous avons réinternalisé toutes ces fonctions et la stratégie d'Alumium Dunkerque et tout ce qui va avec cette stratégie, maintenant c'est exercé par Alumium Dunkerque et par les équipes d'Alumium Dunkerque. Donc ça fait qu'on est probablement moins spécialisé, mais par contre beaucoup plus multitâche, et ce qui est vrai pour l'équipe de direction, ça diffuse aussi dans l'ensemble de l'organisation.

  • Anthony Baron

    Et quelles sont justement les fonctions que vous avez réinternalisées chez Alunia Nakel ?

  • Guillaume de Goys

    C'est celle que je citais, donc on a réinternalisé des fonctions sur les achats, réinternalisé sur l'énergie, sur le changement climatique, sur la trésorerie, sur la comptabilité, sur la gestion RH...

  • Anthony Baron

    Et comment vous avez fait pour recruter ces personnes ? C'était des personnes en local que vous avez recrutées ?

  • Guillaume de Goys

    De tout. Il y en a qui sont en local, des gens en interne qui ont évolué, et puis il y en a d'autres qu'on est allé chercher à travers des cabinets de recrutement, à travers différentes missions.

  • Anthony Baron

    Et pour les collaborateurs, donc 700 collaborateurs, on le rappelle, est-ce qu'il y a eu un changement également d'appartenance, notamment à l'entreprise, chez eux, qui s'est fait, ou déjà avant ils avaient le sentiment d'être rattachés à l'Union Dunkerque ? On va dire l'attachement au groupe pouvait porter ? peut-être moins ?

  • Guillaume de Goys

    Alors je pense que les collaborateurs d'Alumium Dunkerque, depuis 30 ans qu'Alumium Dunkerque existe, ont un attachement à l'entreprise, à Alumium Dunkerque. Il y en a bien sûr qui viennent du groupe, j'en suis un bon exemple, et qui ont fait une partie de leur carrière chez Alumium Dunkerque et qui ont trouvé quand même une usine particulièrement attachante et qui reste d'ailleurs. Le fait maintenant que nous soyons pas simplement Alumium Dunkerque chez Péchiné, Alcan, Rio Tinto, mais Alumium Dunkerque. pour Alimian Dunkerque et que Alimian Dunkerque, fait que l'attachement, je pense, a beaucoup grandi. Et nous avons aussi la conviction qu'on est collectivement beaucoup plus performants quand on travaille pour une entreprise à taille humaine, une entreprise dont on connaît les contours et pas forcément un très grand groupe international.

  • Anthony Baron

    J'aimerais aussi aborder avec vous rapidement les sujets de féminisation dans l'industrie. On le sait, c'est un enjeu majeur. Aujourd'hui, quel est le niveau de parité femmes-hommes chez le Miamin d'Incair ? Alors,

  • Guillaume de Goys

    il n'est pas encore très bon, mais on vient de loin. Il faut savoir qu'il y a une dizaine d'années, on n'avait quasiment pas de femmes chez les opérateurs, chez les ouvriers. Nous en avons maintenant plus d'une vingtaine. Donc, ça commence petit à petit à avancer. Je crois qu'on n'a plus de secteur dans l'usine où il n'y a pas au moins une ou deux opératrices. Donc ça, c'est déjà un premier mouvement qui est initié et qu'on souhaite vraiment poursuivre. Alors, ce n'est pas forcément que par volonté d'avoir des hommes, mais souvent, quand on ouvre un poste, on a 80 candidats pour 20 candidates, voire même encore plus que ça, c'est-à-dire qu'il y a des postes où on n'arrive pas à avoir de candidates. D'où tout le travail qu'on fait sur l'attractivité de l'industrie et de dire aux jeunes hommes, mais aux jeunes femmes aussi, venez travailler chez nous, vous allez faire de belles choses. Au niveau de l'encadrement, technicien, gendre maîtrise et cadre, on a une proportion de femmes qui est plus importante. On vient aussi de moins loin. On n'était pas à zéro, on était déjà à peut-être 10-15%. Maintenant, ça commence à être plus. On a des ingénieurs, on a des cadres femmes. Je pense qu'on doit être à peu près entre 25 et 30% sur l'ensemble de l'encadrement.

  • Anthony Baron

    Et au niveau du comité de direction ?

  • Guillaume de Goys

    Au niveau du comité de direction, nous sommes 8 au comité exécutif d'Aminium Dunkerque, dont 2 femmes.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien.

  • Guillaume de Goys

    Donc il y a encore là aussi des efforts à faire.

  • Anthony Baron

    Effectivement. En tout cas, vous êtes sur la bonne voie puisqu'il y a déjà des progrès qui ont été initiés. Vous parliez des jeunes justement. Quel message souhaiteriez-vous leur adresser, pour ceux qui envisagent une carrière dans l'industrie, et en particulier dans un secteur aussi stratégique que l'Aminium ?

  • Guillaume de Goys

    Bien qu'ils nous rejoignent. Ça, c'est le message. Alors bien sûr, ce n'est pas juste en disant ça qu'ils vont venir. Il faut savoir qu'Allium Dunkerque est dans une phase très dynamique en ce moment. Nous avons à peu près 90 recrutements chaque année. Donc, il y a un vrai appel pour de nouvelles recrues qui nous rejoignent. On fait attention à tous ceux et celles que nous embauchons d'avoir un parcours d'intégration qui leur permette de découvrir l'ensemble de nos métiers. Et Dieu sait qu'ils sont divers. Rejoindre l'Union Dunkerque, c'est quand même l'assurance d'être au sein de là où l'Union se fait. On représente les deux tiers de l'Union en France. Et le choix aussi, enfin en tout cas la possibilité pour ceux qui le souhaiteraient, d'avoir des carrières très diversifiées. On ne rentre pas chez l'Union Dunkerque à un poste et puis on reste toute sa carrière à ce poste-là. Il y a la possibilité en interne de faire plein de choses différentes.

  • Anthony Baron

    Et justement, si on regarde un petit peu les prospectives ? Comment vous voyez l'évolution de l'industrie de l'aluminium d'ici 2030, peut-être à 20-30 ans, face encore une fois à ces enjeux et ces défis climatiques, et notamment géopolitiques ?

  • Guillaume de Goys

    Les défis géopolitiques sont forts pour notre industrie parce que l'aluminium est un bien qui s'échange très facilement d'une frontière à l'autre, d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre. Donc on est à la croisée de tous ces enjeux. On parlait juste avant de discuter ensemble en préparant cette interview de l'impact des droits de douane aux États-Unis. Donc ce sont des sujets qui sont indissociables de l'industrie de l'aluminium. Je pense que l'aluminium a vraiment son mot à dire. C'est un des rares métaux qui participent très directement à cette transition écologique. On va avoir besoin de plus en plus d'aluminium. Et donc, rejoindre la filière, c'est de s'assurer d'avoir un boulot d'avenir.

  • Anthony Baron

    Autre question qui n'a rien à voir avec les sujets qu'on a évoqués. Guillaume Demain, président de la République, quelles seraient vos premières mesures en faveur du climat ?

  • Guillaume de Goys

    Oula ! Donner un cap clair. je pense que c'est C'est dommage parce qu'il y a eu une volonté de donner un cap clair, déjà en ayant une base à travers le secrétariat général de la planification écologique, d'avoir une vraie comptabilité carbone qui prenne en compte pas simplement les émissions directes, mais aussi toutes les émissions importées, ce qu'on appelle l'empreinte.

  • Anthony Baron

    Avec la CSRD alors.

  • Guillaume de Goys

    Et de se dire, voilà où nous sommes de façon objective. Il y a tant de pourcents qui sont dus au transport, tant de pourcents qui sont dus à l'industrie, tant de pourcents qui sont dus... que sais-je, l'isolation des bâtiments, etc. Et de se dire, si on veut atteindre les moins 55% en 2030, et puis probablement moins 90% en 2040, eh bien, ce qui est faisable, c'est ça. Et donc, il faut, sur les transports, qui représentent aujourd'hui un part importante, significative des émissions nationales, on n'a pas fait énormément d'efforts. Il y en a beaucoup qui sont faits à travers le fait que les moteurs, règlement après règlement, émettent moins, mais on n'a pas vraiment fait de transition. Et il faut faire cette transition vers l'électrique. D'où tout le travail qui est fait, gigafactory, on en a parlé tout à l'heure, etc. Sur l'isolation des logements, pareil. Sur le changement, passer du gaz vers l'électrique, c'est la même chose, etc. Donc il y avait un cap qui était donné, qui était assez clair. Et il y avait donc des industriels qui pouvaient s'inscrire dans ce cap-là et des politiques qui s'inscrivaient dans ce cap-là. Malheureusement, depuis quelques... mois ou quelques trimestres on a un peu perdu cette boussole depuis un an depuis un an avec la dissolution mais même déjà en 2022 avec une majorité beaucoup plus courte au parlement c'est plus compliqué de garder ce cap en fait et l'énergie pour ne parler qu'elle est devenue un enjeu politique mais de politique politicienne un petit peu qui aujourd'hui est un nouveau marqueur droite gauche et c'est un peu étonnant parce que les débats sont beaucoup moins factuels que ce qu'ils étaient il ya deux ans

  • Anthony Baron

    Je pense qu'il y a un sujet économique. Et d'ailleurs, le cap qui a été annoncé, avec des enjeux par filière, était quand même axé aussi sur des subventions. Et en fait, la question typiquement qu'on peut se poser...

  • Guillaume de Goys

    Des subventions ou des taxes différentes. Effectivement.

  • Anthony Baron

    Mais en tout cas, il y avait une aide et une participation de l'État, donc des impôts français qui permettaient ça. En fait, la question à se poser, c'est est-ce qu'aujourd'hui, sans ces aides, les industriels sont en capacité ? malgré tout, de faire ces transitions, accélérer l'électrification, changer les modes de transport, être peut-être aussi dans le renoncement, participer encore un peu plus à la circularité des produits et effectivement favoriser le recyclage, etc.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas une question simple. Ce n'est pas une question simple parce que ce n'est pas que dans la main des industriels. C'est aussi dans la main des consommateurs, c'est dans la main des pouvoirs publics et c'est les trois qui doivent travailler ensemble. Tout à fait. On parlait tout à l'heure de Green Premium. Je vous disais que nos clients aujourd'hui sont prêts à mettre à peu près 1% d'amélioration, d'acheter un tout petit peu plus cher notre aluminium parce qu'il est bas carbone. C'est très très très loin de couvrir le coût de la décarbonation, très loin. Et donc aujourd'hui, si on n'a pas des incitations pour décarboner, eh bien la décarbonation ne se fera juste pas. Parce qu'un industriel, mais c'est comme tout entrepreneur, il peut prendre des risques, mais il ne peut pas durablement faire un choix d'être à perte. C'est pas possible, c'est pas pérenne. On est bien d'accord. Donc ça, c'est le premier point. Il y a toute une éducation à faire sur pourquoi est-ce qu'on doit se décarboner. Le changement climatique, il est tangible, mais on ne peut pas compter que là-dessus. Se dire, quand les gens se rendront compte qu'il fait chaud, ce sera déjà trop tard. Donc il y a de l'éducation, de la pédagogie à faire, et l'éducation nationale a son rôle à jouer, bien évidemment. Les politiques publiques, vous parliez tout à l'heure de subventions, mais il y a aussi des taxes. Quand on voit que les taxes sur l'électricité sont supérieures, pas tout le temps, mais peuvent être supérieurs au gaz, par exemple, on se dit, est-ce que c'est le bon signal qu'on est en train de donner ? C'est évident. Donc il y a plein d'outils. outils de politique publique, il ne faudrait pas ramener ça que aux subventions, même si elles sont nécessaires pour le développement des énergies renouvelables ou pour l'électrification, par exemple, des choses comme ça. Donc c'est un outil, ça n'est pas le seul, et l'objectif, vous me posiez la question, si j'étais au pouvoir, qu'est-ce que je ferais ? Ce n'est pas mon intention, mais ce que je ferais, c'est vraiment donner ce cap-là et d'utiliser l'ensemble des outils qu'on a en tant que politique pour pouvoir essayer de donner de la visibilité à chacun. aussi bien les citoyens consommateurs que les industriels producteurs que ceux qui sont plutôt dans les fonctions support, de se dire ok, voilà où est-ce qu'on veut aller, si on veut y aller ensemble, ce cap-là on n'en dérogera pas et on n'en bougera pas.

  • Anthony Baron

    C'est effectivement une bonne solution, en tout cas de nommer un peu plus de clarté. Peut-être dernière question pour vous Guillaume, quel conseil justement, dans la continuité de ce qu'on vient de se dire, quel conseil vous donneriez aux dirigeants qui nous écoutent sur la gestion de leurs enjeux industriels et notamment de décarbonation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est une vaste question. Je pense que ce qui est important, c'est ce que je viens de dire. Donc ce que je demande à d'autres d'appliquer, il faut qu'on se l'applique à nous-mêmes, c'est de donner ce cap-là. Je vois des industriels qui sont tout feu, tout flamme quand le sujet est à la mode. Et puis, dès qu'il y a un peu moins de visibilité, quand les vents sont un peu mauvais, tout à coup, abandonnent. C'est sûr que ça ne va pas mobiliser les équipes. et donc je pense que Personnellement, ce qui est important, c'est que quand on choisit une stratégie, il faut s'y tenir. On ne peut pas changer de stratégie tous les ans. Sinon, ce n'est pas une stratégie, c'est juste de la tactique pour avancer pendant six mois, puis après, on verra bien ce qui se fera. Je pense que c'est à nous, en tant qu'équipe de direction, de fixer ce cap-là pour notre entreprise et de s'y tenir. Alors, bien sûr qu'il faut l'adapter. Bien sûr qu'on ne peut pas foncer dans un mur si on voit un mur. Il faut avoir de l'agilité. mais l'horizon qu'on... désigne et qu'on fixe, il faut savoir le garder parce que sinon, on ne peut pas mobiliser les gens.

  • Anthony Baron

    Un grand merci Guillaume en tout cas pour encore une fois cet échange qui était très instructif, on a senti beaucoup de motivation et encore une fois détermination également dans la volonté de favoriser le développement d'un aluminium décarboné très important et puis également avec le maintien aussi de cette souveraineté française et européenne dans la production d'aluminium. Un grand merci Guillaume encore une fois.

  • Guillaume de Goys

    Merci à vous.

  • Anthony Baron

    Merci d'avoir écouté les After Decider, un podcast produit par Adéquancy. Retrouvez l'intégralité de nos épisodes sur les plateformes de streaming. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode. A très bientôt.

Description

Comment conjuguer compétitivité industrielle, décarbonation et souveraineté énergétique en Europe ? Dans cet épisode des Afters Décideurs enregistré en juillet 2025, Guillaume de Goÿs, président d’Aluminium Dunkerque, revient sur les grands défis d’une filière stratégique au cœur de la transition écologique.


Le parcours de Guillaume de Goÿs

De Michelin à Aluminium Dunkerque, une carrière marquée par l’international et la transformation industrielle.

L’histoire et l’identité d’Aluminium Dunkerque

Le podcast revient sur la création de l'entreprise dans les années 90 jusqu'à son rôle actuel de leader européen de l’aluminium primaire.

La décarbonation et l’innovation

Guillaume de Goysdétaille les leviers mobilisés pour réduire l’empreinte carbone : force du mix énergétique français, place du recyclage, capture du CO₂ et investissements dans de nouvelles technologies industrielles.

Les usages stratégiques de l’aluminium

Matériau essentiel, l’aluminium est au cœur de multiples transformations : automobile, emballage, batteries, énergies renouvelables… autant de secteurs où il s’impose comme un pilier de la transition écologique.

Souveraineté industrielle et compétitivité mondiale :

Face à la Chine, au Moyen-Orient ou encore à la volatilité des prix de l’énergie, Aluminium Dunkerque incarne les enjeux de souveraineté européenne et la nécessité de renforcer la compétitivité de l’industrie lourde.


Un témoignage qui éclaire les défis énergétiques et environnementaux d’un secteur clé pour l’économie et l’avenir industriel du continent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Guillaume de Goys

    Les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation, mais en donnant les conditions. à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne et fasse partie en fait de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Bonjour, je suis Anthony Baron et vous écoutez les After Deciders, un podcast à déconcilier qui accueille des leaders entreprenants, acteurs de l'économie réelle, portant au quotidien des mutations et des innovations dont les actions impactent notre société. Bonne écoute à tous. Nous nous immergeons aujourd'hui dans l'univers de l'industrie et nous avons l'honneur et le privilège d'accueillir Guillaume Degoïs, président du groupe Aluminium Dunkerque, un dirigeant industriel français, surtout un dirigeant industriel français engagé dans la décarbonation et l'économie circulaire. Bonjour Guillaume. Bonjour. Alors dans cet épisode, nous allons revenir sur les éléments de votre parcours, l'histoire et le positionnement actuel du groupe Aluminium Dunkerque, la stratégie et les transformations menées par le groupe, ainsi que le mode de management et de gouvernance associés, et puis les innovations que vous portez. au sein du groupe Aluminium Dunkerque. Alors Guillaume, sur votre parcours académique, vous êtes ingénieur ECAM, complété par un master à l'IAE de Lyon en gestion des entreprises et vous débutez votre carrière au sein du groupe Michelin avec notamment des responsabilités dans la construction d'usines en Thaïlande. Fort de cette expérience internationale, vous rejoignez le groupe Péchiné en 2002 qui sera repris un an plus tard par le groupe Alcan. Et vous prenez des responsabilités industrielles en environnement de production en Afrique ainsi qu'en France et ensuite vous prenez la direction du site de Carbon Savoie. en 2010, un site qui fait 500 personnes et 130 millions d'euros de chiffre d'affaires. Puis la direction générale d'Aluminium Dunkerque à partir de 2015, alors détenue par le groupe Rio Tinto. Et ensuite la présidence, 7 ans plus tard, après la reprise d'Aluminium Dunkerque, par AIP. Première question pour vous, Guillaume. Quelle est la situation du groupe Aluminium Dunkerque, un des principaux producteurs d'aluminium primaire en Europe, quand vous prenez la présidence en 2021 ?

  • Guillaume de Goys

    Aluminium Dunkerque va bien. Ça, c'est une bonne chose. En effet, nous avons fait une très bonne année 2024, portée par nos marchés, portée aussi par la baisse des prix sur l'énergie, par une stratégie qui nous a beaucoup aidé en 2024, de commencer et de vraiment viser la voie de la croissance à travers la diversification de notre portefeuille produit, à travers l'augmentation du recyclage et à travers l'engagement par l'Union Dunkerque de la voie de la décarbonation. Puisqu'en décembre 2023, nous avons signé notre contrat de transition écologique avec l'État, avec le ministre Lescure à ce moment-là.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et si on revient justement en 2021, quelle était la situation de la société à ce moment-là ?

  • Guillaume de Goys

    En 2021, donc, c'est au moment...

  • Anthony Baron

    Dans quel contexte vous arrivez, effectivement ?

  • Guillaume de Goys

    Tout à fait. Donc, en 2021, l'entreprise a été reprise par AIP, comme vous l'avez dit. AIP, c'est American Industrial Partners, donc ce sont nos actionnaires. C'est un fonds d'investissement qui est basé à New York. et qui détenait la dette d'Alunium Dunkerque. Dette qui était en défaut. Le précédent actionnaire n'a pas pu régler ces défauts-là. Et donc AIP a pris le contrôle d'Alunium Dunkerque en octobre 2021. Une prise de contrôle qui s'est plutôt bien passée, s'est même très bien passée, puisque aujourd'hui Alunium Dunkerque a eu plutôt de belles réussites avec ce fonds d'investissement, à travers les différents projets dont j'ai parlé. On a aussi traversé la crise. de l'énergie en 2022-2023 et ça aurait été difficile si on n'avait pas eu le support de notre actionnaire.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors je tiens à préciser également que vous êtes membre du conseil d'administration de l'aluminium Dufel, une usine de laminage située en Belgique. Vous êtes également président de l'association française des producteurs d'aluminium, Aluminium France. Vous êtes membre du conseil d'administration d'European Aluminium et Eurométho qui défend activement notamment les intérêts de la profession et promeut la décarbonisation et l'économie circulaire. Et vous êtes aussi trésorier de l'Uniden, qui est l'union des industries utilisatrices d'énergie. Alors en tant que président d'Aluminium Dunkerque et surtout d'Aluminium France et trésorier de l'Uniden, comment ces rôles influencent-ils votre vision pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Alors effectivement, ça peut paraître une longue liste de responsabilités. En fait, c'est assez organisé. Aluminium France, c'est la fédération professionnelle des producteurs d'aluminium. Les intérêts d'Aluminium Dunkerque et ceux d'Aluminium France sont très alignés. Le fait de pouvoir utiliser Aluminium France permet de faire entendre la voix d'Aluminium Dunkerque et de tous les autres producteurs et transformateurs d'aluminium en France pour faire entendre la voix de l'aluminium auprès de nos décideurs politiques, auprès des différentes politiques qui sont développées. C'est de même au niveau européen. C'est pour ça que j'interviens au sein d'European Aluminium ou Eurométho. donc c'est la la Fédération des non-ferreux à Bruxelles.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    L'UNIDEN, c'est un signe qui ne doit pas dire grand-chose, c'est l'Union des industries utilisatrices d'énergie. En gros, c'est tous les industriels qui consomment beaucoup d'électricité ou de gaz, pour lequel l'électricité ou le gaz est comme une matière première. C'est indispensable à la réalisation de notre activité. Donc l'Uniden a été particulièrement active en 2022-2023, mais bien au-delà de ça, puisque l'Uniden existe depuis plusieurs décennies, pour faire entendre la voix des industriels comme nous qui avons besoin d'électricité à prix compétitif. Et donc voilà, c'est vraiment pour défendre cette voix-là que je participe à ces différentes associations.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur la part de l'électricité dans la production d'aluminium, aujourd'hui, ça représente quel pourcentage des coûts ?

  • Guillaume de Goys

    C'est le deuxième. centre de coût pour Aluminium Dunkerque, juste derrière les matières premières. Les matières premières, au premier lieu, l'alumine, représentent à peu près 40% de nos coûts. Juste derrière, il y a l'électricité qui va représenter entre 25 et 30%.

  • Anthony Baron

    D'accord. Donc d'où effectivement les négociations dont vous parliez tout à l'heure qui étaient effectivement essentielles pour maintenir une compétitivité finalement sur ce marché. Alors, Aluminium Dunkerque a connu une succession d'actionnaires. depuis plus de 30 ans, Péchiné, Alcan, Rio Tinto, GFG, puis aujourd'hui AIP, un fonds d'investissement américain, vous l'avez très bien cité. Quelle est selon vous l'identité de la société et son héritage, notamment dans une région de France qui a aussi souffert finalement d'une forte désindustrialisation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est vrai, le Nord a été particulièrement touché par cette désindustrialisation, même si aujourd'hui c'est encore une terre d'industrie. Et on le voit aujourd'hui à travers un renouveau, avec les gigafactory de batterie, à travers... Plusieurs industries qui s'installent autour de l'usine. Revenons sur la naissance d'Alumium Dunkerque. En 1991, Alumium Dunkerque démarre sa production après avoir été le plus grand chantier industriel de France entre 1989 et 1991. C'est une décision d'implantation qui est là aussi due à l'énergie. Pourquoi ? Parce qu'il y a la centrale quasi immédiate de Gravelines, la centrale nucléaire de Gravelines, qui est à 2,5 kilomètres à vol d'oiseau de l'usine. Donc une proximité immédiate. Et dans la fin des années 80, début des années 90, il y a une production très importante d'électricité d'origine nucléaire. Et donc c'est tout naturel que deux grandes entreprises françaises, Péchinay d'un côté et EDF de l'autre, s'associent pour donner naissance à l'aluminium Dunkerque. Donc l'aluminium Dunkerque, de 1991 jusqu'à 2016, a grandi avec ce partenariat entre EDF et Péchinay, qui est devenu derrière Alcan puis Rio Tinto. et a permis de se développer avec cette visibilité qui était donnée par ce contrat d'électricité de 25 ans. Depuis, le contrat s'est terminé, nous avons changé à nouveau d'actionnaire parce qu'il n'y avait pas cette visibilité à moyen long terme qui permet d'avoir de la stabilité et d'investir dans les opérations. Et je suis très heureux qu'à travers cette reprise par AIP et puis la reprise des négociations avec EDF, nous soyons maintenant proches de la signature d'un contrat pour 10 ans. qui à nouveau donnera de la visibilité à l'Union Dunkerque et nous permettra de poursuivre nos investissements sur le recyclage et nos investissements dans la décarbonation.

  • Anthony Baron

    Et le fait que ce soit un actionnaire américain, en l'occurrence, est-ce que ça a une incidence ou une influence sur la négociation avec le partenaire EDF ?

  • Guillaume de Goys

    Je ne pense pas parce que, vous le disiez, Alimiam Dunkerque a une identité qui lui est propre. Nous sommes implantés depuis longtemps en France. Notre marché est essentiellement français et européen. Et donc, le fait que nous ayons un actionnaire américain, c'est un fonds d'investissement qui est là pour nous aider à mettre en œuvre notre stratégie, mais qui ne se substitue pas au ménagement. Et le ménagement, il est local, basé ici à Paris et à Dunkerque. pour vraiment présider au devenir d'Aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Alors, on va donner quelques chiffres aussi sur Aluminium Dunkerque. C'est 700 collaborateurs, 800 millions d'euros de chiffre d'affaires, 300 000 tonnes d'aluminium produits chaque année sur un site qui fait 65 hectares. Et donc, vous exportez dans 10 pays. Oui. C'est bien ça. Si on regarde un petit peu justement le processus de fabrication, comment on fabrique généralement de l'aluminium ? En fait, quels sont les produits finis que vous sortez de l'usine ?

  • Guillaume de Goys

    L'aluminium primaire vient d'un produit qu'on extrait du sol qui s'appelle l'aboxyte. L'aboxyte est une terre rouge qui contient beaucoup d'alumine, donc c'est l'oxyde d'aluminium. Cette bauxite est raffinée en alumine dans des usines chimiques. Et donc nous, les usines qui approvisionnent l'aluminium Dunkerque en alumine, elles sont en Irlande, en Allemagne. en Espagne pour une partie, et puis quelques fois aussi de la mine qui vient de plus loin. Cette alumine, il faut à peu près 2 tonnes d'alumine pour faire une tonne d'aluminium. On en importe donc à peu près 550 000 tonnes chaque année. Et ces 550 000 tonnes sont transformées en 285 000 tonnes d'aluminium chaque année, grâce au courant électrique, puisque c'est un processus d'électrolyse. Donc l'électrolyse, c'est un petit peu le centre de notre processus, qui permet de transformer à 960 degrés cette alumine. en aluminium. Donc l'aluminium est produit sous forme liquide dans la série d'électrolyse avec une très très grosse consommation d'électricité puisque pour produire une tonne d'aluminium il faut à peu près 13,5 MWh. Donc c'est un des métaux qui consomment le plus d'électricité pour sa fabrication. Cet aluminium qui est donc produit sous forme liquide, on utilise des anodes en carbone pour conduire l'électricité au sein des cuves puisque le carbone c'est un des matériaux qui, outre le fait qu'il est conducteur d'électricité, résiste aussi aux très fortes températures qu'il y a dans le bain électrolytique. Donc on a sur place un département qui fabrique les anodes. On consomme à peu près 150 000 tonnes. Donc nous produisons à peu près 150 000 tonnes d'anodes chaque année que nous recyclons quand elles sont usées pour pouvoir produire ces 300 000 tonnes d'aluminium. Ensuite, l'aluminium sous forme liquide, il est transporté vers la fonderie où il va être solidifié en deux types de produits. Tout d'abord, et ça représente à peu près 75 % de notre production, des plaques, des plaques de laminage. Donc il faut imaginer des grands rectangles. qui peuvent faire jusqu'à 8 mètres de long, jusqu'à 60 cm d'épaisseur et jusqu'à plus de 2 mètres de large. Ces grandes plaques sont envoyées chez nos clients pour être laminées. Donc on peut imaginer un laminoir, c'est un peu comme quand on fabrique des pâtes à la maison, on les fait passer entre deux cylindres pour écraser ces plaques qui font 60 cm d'épaisseur et on vient les réduire en épaisseur en plusieurs passages pour faire des tôles, pour faire jusqu'au papier d'aluminium, c'est-à-dire des choses qui peuvent être très fines. ou des carrosseries de voitures qui peuvent être un peu plus épaisses. Donc l'usage final de nos produits sous forme de plaques, c'est dans l'automobile, c'est dans l'emballage. On en trouve par exemple dans les canettes pour boire. On en trouve aussi dans les blisters de médicaments. On en trouve dans les capsules de Nespresso. On en trouve dans pas mal de produits du quotidien. Et puis on a aussi d'autres usages industriels divers qui vont du bâtiment jusqu'à... à l'aérospatiale.

  • Anthony Baron

    Vous disiez justement que l'alumine, globalement, c'est la moitié qui permet la production de l'aluminium. Qu'est-ce que vous faites de l'autre moitié ?

  • Guillaume de Goys

    On a deux tonnes d'alumine pour produire une tonne d'aluminium. Pourquoi ? Parce que l'alumine, c'est Al2O3. Et donc, en fait, notre processus d'électrolyse, ça vient enlever ce O3, donc cet oxygène, de l'alumine, ce qu'on appelle réduire de l'alumine en aluminium. D'accord. et le haut l'oxygène vient se combiner avec le carbone des anodes et c'est ça qui crée le CO2. C'est ça qui crée le CO2 surtout que malheureusement on émet dans l'atmosphère. D'où cette trajectoire de décarbonation que nous avons engagée qui vise à réduire ces émissions de CO2 dans l'atmosphère.

  • Anthony Baron

    On va effectivement en reparler. Comment vous définissez aujourd'hui la mission d'Aluminium Dunkerque dans le contexte actuel de l'industrie française et européenne ? Vous parliez beaucoup de décarbonation.

  • Guillaume de Goys

    Alors notre mission, c'est un petit peu notre raison d'être, c'est de produire en France de façon pérenne, donc on veut être là pendant longtemps, de l'aluminium responsable. Alors qu'est-ce que ça veut dire responsable ? Ça veut dire que c'est l'aluminium qui est produit le mieux possible, en émettant le moins de CO2, en utilisant le moins d'eau, en utilisant efficacement l'électricité, donc en étant les plus performants dans ces différents domaines. Et pourquoi est-ce qu'on fait cet aluminium-là ? C'est pour les usages de la transition écologique. Il faut savoir que l'aluminium est léger, il est conducteur, il résiste très bien aux intempéries, il protège aussi les emballages, etc. C'est pour ça qu'on l'utilise beaucoup dans l'industrie de l'emballage. Donc l'aluminium, on va le retrouver dans les batteries de véhicules électriques, on va le retrouver dans tous les moyens de transport pour les alléger, pour limiter les émissions de CO2 ou prolonger l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques. On va le retrouver aussi pour transporter de l'énergie, on va le retrouver dans les... panneaux solaires. Donc beaucoup d'usages où les propriétés de l'aluminium en font un matériau de choix et c'est un matériau de choix suffisamment important pour qu'il soit reconnu comme stratégique pour la transition écologique par l'Union Européenne.

  • Anthony Baron

    Et justement, sur l'implantation des Gigafactory dans le nord de la France, notamment à Dunkerque, est-ce que le fait qu'Aluminium Dunkerque soit présent et soit aujourd'hui le leader de la production et de la façon dont d'aluminium primaire en France et même en Europe, à jouer dans ce choix ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, je ne pense pas que c'est parce que l'aluminium Dunkerque était là que les Gigafactory se sont installés. Mais par contre, pour nous, c'est une très belle opportunité. C'est une opportunité parce qu'on trouve de l'aluminium dans les batteries et donc on peut produire de l'aluminium qui va être utilisé derrière dans les batteries. C'est ce que nous commençons à faire d'ailleurs. Et puis, on peut aussi être à l'autre bout de la chaîne, c'est-à-dire de récupérer l'aluminium qui est dans les batteries usagées. Donc, on noue des partenariats. nous discutons aujourd'hui avec les différents acteurs de cette chaîne, de cette chaîne de valeur, pour leur fournir de l'aluminium, qui est bas carbone, qui est efficace en termes d'électricité, qui bénéficie de l'électricité très décarbonée qu'on a en France, pour qu'ils puissent faire des batteries les plus durables possibles. Et derrière, on peut aussi leur proposer de récupérer l'aluminium en fin de vie, une fois que les batteries ont terminé leur vie, pour qu'on puisse, nous, les recycler et puis offrir une nouvelle vie à cet aluminium-là.

  • Anthony Baron

    Alors, je crois que l'automobile, part, en tout cas un secteur d'activité qui est très important pour vous,

  • Guillaume de Goys

    c'est près de 40%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris effectivement que l'aluminium était un élément clé dans les phases de transition énergétique. Et si on prend le cas par exemple de l'automobile, quelles sont justement les applications et les usages qu'on pourrait y voir ?

  • Guillaume de Goys

    Je vous parlais tout à l'heure des plaques, il y a un deuxième produit que nous faisons qui sont les lingots. Donc les plaques, je vous l'ai expliqué, des grands rectangles qui font jusqu'à 8 mètres de long. Les lingots, pour le coup, c'est 16 kilos. C'est un lingot comme vous pouvez l'imaginer, on les empile pour pouvoir les vendre et les envoyer chez nos clients. Ces lingots sont destinés à être refondus et là pour le coup c'est 100% pour le secteur de l'automobile. Donc pour les lingots, vous allez en retrouver dans les jantes en aluminium, c'est probablement l'application la plus connue dans l'automobile. Vous allez les retrouver aussi dans des pièces de suspension, dans les étriers de frein, dans différentes parties du bloc moteur, qu'il soit électrique ou qu'il soit thermique. On retrouve de l'aluminium pièces de fonderie pratiquement partout dans l'automobile. Sur la partie tôle de laminage, on va le retrouver essentiellement dans ce qu'on appelle la caisse en blanc, c'est-à-dire la carrosserie intérieure et extérieure des véhicules. Vous avez des véhicules plutôt haut de gamme qui vont être complètement en aluminium, et puis d'autres où c'est principalement une structure en acier, mais pour alléger ces véhicules-là, on va remplacer quelques pièces en acier par de l'aluminium. Par exemple les portes, le coffre. le capot, etc., qui sont des pièces qu'on peut remplacer. Et on gagne du poids, en fait, à chaque fois qu'on remplace les pièces en acier par des pièces en aluminium.

  • Anthony Baron

    Donc, d'où le fait, effectivement, d'accélérer l'usage de l'aluminium par rapport à l'acier pour diminuer, effectivement, le poids des véhicules et donc être moins consommateur d'énergie.

  • Guillaume de Goys

    C'est ça, moins consommateur d'énergie ou étendre la distance ou l'autonomie quand il s'agit de véhicules électriques et puis, in fine, émettre moins de CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. OK, très clair. Donc... On l'a compris, l'aluminium Dunkerque est un acteur incontournable aujourd'hui en France et en Europe. Comment vous réussissez aussi à répondre à la demande croissante d'aluminium bas carbone ? Parce que ça, c'est un vrai sujet, le bas carbone, justement dans ces secteurs que sont l'automobile ou les énergies renouvelables.

  • Guillaume de Goys

    De plusieurs façons. Déjà, je le disais tout à l'heure, l'aluminium Dunkerque bénéficie en France d'une électricité qui est très décarbonée par le mix que nous avons sur le réseau français, basé sur du nucléaire, de l'hydraulique et très peu finalement de... On a un des électricités les plus décarbonées d'Europe ou même du monde. Il n'y a guère que quelques pays qui sont sur base hydroélectrique qui peuvent avoir un mix un peu plus décarboné que le nôtre. Donc ça, c'est le premier atout très fort que nous avons en étant basé en France. Deuxième chose, je le citais aussi, c'est travailler sur l'efficacité énergétique. La moyenne en termes de consommation d'électricité pour produire une tonne d'aluminium primaire, c'est au-delà de 14, 14,5 MWh par tonne d'aluminium. Nous, l'année dernière, nous avons battu notre propre record, et on est parmi les meilleurs au monde, à moins de 13 MWh pour produire une tonne d'aluminium. Donc vraiment un progrès important qui permet de consommer moins d'électricité et de ce fait-là émettre moins de CO2. Et puis on augmente aussi la part d'aluminium recyclé. Donc à chaque fois qu'on recycle l'aluminium, on n'utilise pas d'anode, etc. Donc on a... Un bilan carbone qui est plus efficace que quand on est en train de le produire avec des anodes et de l'alumine. Et puis enfin, troisième point, nous travaillons aussi sur la décarbonation de notre activité. Alors pour le moment, on n'en voit pas encore les résultats puisqu'on est vraiment dans la phase de recherche et de développement puisqu'il n'existe pas aujourd'hui de système de capture du CO2 qui soit adapté à l'industrie de l'aluminium primaire. Donc on est en train de développer ce système de capture carbone avec des partenaires. des partenaires équipementiers, des partenaires du monde de l'aluminium, pour pouvoir développer une solution sur la capture du CO2.

  • Anthony Baron

    Quelle est l'importance de la souveraineté industrielle en France et en Europe pour Aluminium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    La souveraineté industrielle, on l'a touchée du doigt lors du Covid, quand on s'est rendu compte qu'on n'était plus capable de produire, qu'on ne produisait plus des biens de première nécessité, et qu'on était hyper dépendant de producteurs qui sont non-européens. Sur l'aluminium, la situation n'est pas très bonne. En Europe, on couvrait à peu près par la production européenne, la consommation européenne, il y a une trentaine d'années. Depuis 30 ans, avec la désindustrialisation, de l'Europe, nous ne produisons que 50%, même pas la moitié, de l'aluminium qui est utilisé en Europe. Tout le reste est importé. Et est importé depuis des pays qui en produisent beaucoup plus que ce qu'ils consomment. Les plus proches, c'est la Norvège et l'Islande, qui font partie de l'Europe d'une certaine façon. Et hors Europe, c'est le Moyen-Orient, c'est l'Inde, c'était la Russie, ça n'est plus maintenant. Et puis, c'est principalement sur l'aluminium primaire, les grands concurrents. Alors, ces grands concurrents, pour la plupart en tout cas, proposent de l'aluminium qui est plus carboné que celui qui est fabriqué en Europe. Donc ça, ce n'est quand même pas une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que ce qu'on n'est pas capable de produire en Europe, on l'importe et on l'importe plus carboné que ce qu'on produit nous-mêmes. Donc ça, c'est vraiment quelque chose qui ne va pas dans le bon sens en termes de réchauffement. Juste pour donner quelques chiffres, l'aluminium Dunkerque, c'est à peu près 4 000. tonnes, enfin c'est même 4 tonnes en 2024, c'est 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit sur l'ensemble des scopes, ce qu'on appelle le scope 1, 2, 3. Donc le 1 c'est le direct, le 2 c'est l'indirect, c'est lié aux sources d'énergie et le 3 c'est tout le reste, le transport, matières premières, etc. Et donc nous sommes à 4 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produit, ce qui fait de nous une des meilleures usines de production d'aluminium primaire au monde. On doit être dans les, je pense, 10% des plus efficaces. La moyenne de la production européenne, on va plutôt être à 6, 6,5. La moyenne des imports européens, c'est aux alentours de 9, 9, 10. Et quand vous importez d'Inde, l'Inde c'est essentiellement sur base charbon, eux vont être à... alors il y a le Scope 3 effectivement, plus de distance, mais il y a surtout l'électricité qu'ils utilisent, qui est sur base charbon. Et là on va monter à 16 tonnes de CO2. C'est 4 fois plus que ce qu'on produit nous.

  • Anthony Baron

    Est-ce que la solution serait justement d'étendre les activités industrielles d'Aliénium Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous ne faisons pas en augmentant beaucoup notre production d'Aliénium primaire, même si nous le faisons, puisque à sa création il y a 30 ans, Aliénium Dunkerque produisait à peu près 200 000 tonnes d'aliénine. Et c'est 300 000 tonnes ? Là aujourd'hui c'est 300 000. Donc vous voyez, 50% d'augmentation de production sur l'espace de 30 ans. Donc c'est une augmentation continue. Et ce qui est intéressant, c'est que c'est toujours dans le même périmètre. C'est-à-dire que quand l'usine a démarré, elle avait 264 cuves d'électrolyse. Aujourd'hui, on a toujours 264 cuves d'électrolyse, mais qui produisent quasiment 50% d'aluminium en plus.

  • Anthony Baron

    Donc, c'est améliorer la productivité.

  • Guillaume de Goys

    On a amélioré la productivité pour chacune des cuves. On va continuer à améliorer cette productivité, puis surtout essayer de la rendre la plus efficace possible en consommant moins d'alumine, moins de CO2, en émettant moins de CO2, en consommant moins de carbone, moins d'électricité. Là où nous avons augmenté plus récemment, mais aussi de façon plus significative, notre production, c'est en ajoutant un huitième four dédié au recyclage. Et donc là, c'est 20 000 tonnes qu'on a ajoutées cette année, en 2025, de production. Cette fois-ci, c'est de l'aluminium qui vient d'aluminium qu'on recycle. Donc, ce n'est pas de l'aluminium qui vient d'alumine, pas de l'aluminium primaire, mais c'est de l'aluminium recyclé, qui vient s'ajouter aux 285 000 tonnes pour produire les 300 000 tonnes dont on parle.

  • Anthony Baron

    c'est à dire que les clients aujourd'hui s'intéressent justement à En termes de choix, avoir plutôt de l'aluminium reconditionné ou la demande d'aluminium primaire est toujours aussi importante ? Est-ce que d'ailleurs le client choisit l'un ou l'autre ou peu importe la demande ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, bien évidemment, le client c'est lui qui choisit l'aluminium qu'il va utiliser puisqu'en fait il nous donne des spécifications qui permettent de savoir si on est sur de l'aluminium recyclé ou sur de l'aluminium primaire. Il faut savoir que tendanciellement, dans le monde entier, c'est un peu la même chose, la même tendance en tout cas en Europe et en France, c'est que progressivement, on consomme de plus en plus d'aluminium recyclé. Ce qui est normal, puisqu'en fait, il y a de plus en plus d'aluminium à recycler, puisque tout l'aluminium qui a été mis en production à un moment qui peut être plus ou moins long, va être sur le marché du recyclage. Et comme l'aluminium a beaucoup de valeur, il est quasiment toujours recyclé. Je vais prendre un exemple un peu...

  • Anthony Baron

    Sans perdre ses propriétés ?

  • Guillaume de Goys

    Sans perdre ses propriétés, moyennant le fait que ce soit dans la même utilisation. Donc je vais préciser un petit peu. Je parlais tout à l'heure de canettes en aluminium. La durée de vie d'une canette, c'est quelques semaines. Entre sa production et sa consommation, c'est quelques semaines. Et là, elle va pouvoir être très vite recyclée et elle peut faire une boucle, deux boucles, même dans l'année. Deuxième type de produit, si on prend un blister de médicaments. Alors là, ça va être un petit peu plus long, parce qu'avant que vous ayez complètement terminé vos médicaments, ça peut prendre peut-être quelques mois, ou peut-être même jusqu'à un an avant qu'ils soient vraiment mis à recycler. Un autre type de produit dans lequel il y a de l'aluminium, les véhicules. Les véhicules, il va falloir attendre 15 ans avant qu'ils soient mis à recycler. Pour l'aluminium qui est dans les maisons, ça va être encore plus long, puisque avant de changer les fenêtres, ça peut avoir une durée de vie de 25 ans, peut-être 30 ans, et c'est là où vous trouvez pas mal d'aluminium. Et puis, l'aluminium qu'on utilise pour transporter l'électricité dans les câbles à haute tension, là, ça va être 80 ans. Donc vous voyez, des durées de vie différentes, mais à la fin, l'aluminium, il revient toujours et il est recyclé. Si on est capable de le recycler dans la même application de canettes, on peut refabriquer des canettes, ça vous pouvez le faire indéfiniment.

  • Anthony Baron

    D'accord.

  • Guillaume de Goys

    Quand vous recyclez une jante automobile, vous refaites des jantes auto, il n'y a pas de problème non plus. Par contre, si jamais vous mélangez de l'aluminium qui vient de fenêtres et de l'aluminium qui vient de jantes en auto, là vous avez un mélange que vous ne pouvez pas utiliser pour faire des jantes auto ou pour faire des fenêtres. Vous allez dégrader en fait les propriétés de l'aluminium. Et là pour le coup, les usages sont plus restreints. Donc la réponse c'est que l'aluminium se recycle, il se recycle tout le temps, il y a toujours des usages qui permettent de le recycler. Mais plus on arrive à le faire en boucle fermée, c'est-à-dire du même produit dans le même produit, plus on va pouvoir le faire. de façon indéfinie.

  • Anthony Baron

    Il existe aujourd'hui des chaînes d'approvisionnement qui créent justement cette circularité du reconditionnement.

  • Guillaume de Goys

    C'est ce qu'on appelle le recyclage en boucle fermée. Il y en a. Malheureusement, la France, dans l'Europe, n'est pas le pays le plus avancé pour ces boucles fermées. Pourquoi ? Parce qu'on a perdu la consigne qu'on avait sur les bouteilles en verre, par exemple. On ne l'a plus. Et sur l'aluminium, même s'il est récupéré pour être recyclé, il n'est pas recyclé à part. Donc, par exemple, on parlait des canettes tout à l'heure, regardons cet exemple-là, il y a à peu près 60% des canettes en France qui sont récupérées et recyclées pour pouvoir à nouveau rentrer dans le cycle de vie des canettes, alors qu'il y a d'autres pays qui ont une consigne spécifique et qui trient à part les canettes, eux, ils arrivent à recycler plus de 90%. Donc, vous voyez, il y en a qui font mieux que nous. Il y a une organisation pour trier à la base et séparer à la base. les différents types, les différents alliages d'aluminium que nous avons.

  • Anthony Baron

    Absolument. Question également sur la partie recyclage. Quelle est selon vous la capacité que pourrait avoir aujourd'hui par exemple la France ou l'Europe sur l'aluminium recyclé ? Si on prenait tous les produits qui soient potentiellement recyclables. Vous parliez de 20 000 tonnes globalement pour Aluminium Dunkerque. Globalement le potentiel est bien plus élevé que ça,

  • Guillaume de Goys

    puisque en France on exporte à peu près chaque année 500 000 tonnes. de déchets. Donc il y a 500 000 tonnes de déchets qui sont récupérés en France, mais qui ne sont pas recyclés en France. Pourquoi ? Parce qu'ils partent à l'export, ils ne sont pas très bien triés, et donc ils partent à l'export, où on arrive à les trier mieux que nous, et donc ça va être recyclé, mais à l'export. Donc on a un vrai gisement pour recycler plus d'aluminium que nous produisons nous. Et ça c'est important, puisque l'aluminium qu'on recycle, il n'émet pas du tout de CO2, ou très peu, par rapport à l'aluminium qu'on va produire de façon primaire. Donc il y a tout un travail qui est fait par la filière, on parlait d'Aluminium France tout à l'heure. Les différents adhérents d'Aluminium France ont investi ces dernières années et ont mis, je pense, plus de 250 000 tonnes de nouvelles capacités de recyclage en service. Et donc il faut vraiment qu'en tant que filière, on se mobilise pour pouvoir garder les déchets d'aluminium qui sont en France et pour pouvoir les recycler le mieux possible.

  • Anthony Baron

    Il y a une grosse différence de coût, en tout cas de prix de vente, entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé ?

  • Guillaume de Goys

    Ce sont deux marchés qui ne réagissent pas tout à fait de la même façon. La plupart du temps, l'aluminium primaire, parce qu'il est un peu plus pur et qui convient à l'ensemble des usages, est plutôt un peu plus cher que l'aluminium recyclé. Mais parfois, ça se croise. Pourquoi ? Parce que s'il y a peu de déchets à recycler, l'aluminium secondaire devient plus rare et donc son prix monte. C'est pareil pour l'aluminium primaire. C'est vraiment directement... Alors, ils suivent quand même plus ou moins les mêmes... courbe quand l'aluminium primaire monte, l'aluminium secondaire monte aussi et inversement. Mais les courbes sont un peu décorrélées parfois.

  • Anthony Baron

    D'accord. Vous estimez aujourd'hui 20 000 tonnes de production d'aluminium recyclé.

  • Guillaume de Goys

    C'est l'investissement qu'on a fait sur aluminium Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Quel est globalement votre objectif de production entre l'aluminium primaire et l'aluminium recyclé à l'horizon 5 à

  • Guillaume de Goys

    10 ans ? Notre objectif à long terme, plutôt à 15-20 ans, ce serait de faire 75% d'aluminium primaire et 25% d'aluminium recyclé. On restera quand même principalement un acteur primaire, mais petit à petit, là on est à un peu moins de 10%, 8% aujourd'hui, et progressivement on veut monter jusqu'à 25%.

  • Anthony Baron

    Et on a bien compris l'importance également de la filière qui doit s'organiser pour pouvoir effectivement... Vous apportez la matière.

  • Guillaume de Goys

    La filière aluminium elle-même, mais aussi les filières de récupération, de collecte, de tri des métaux.

  • Anthony Baron

    Tout à fait. Face à la concurrence mondiale, notamment avec des pays où le coût de l'énergie est plus bas, on va dire que ceux de la France, comment Aluminium Dunkerque arrive à rester en tout cas compétitive sur un marché où ces prix sont fixés, notamment à la Bourse de Londres ?

  • Guillaume de Goys

    Le prix du métal est effectivement fixé à la Bourse de Londres, le London Metal Exchange, d'où le nom de LME. Et ce prix-là, il est à peu près le même pour tout le monde. Il y a des primes régionales, donc primes européennes, primes Midwest pour les États-Unis, ou la prime japonaise, ou même d'autres types de primes en Chine. Mais le prix de l'aluminium est globalement corrélé au niveau mondial, alors que le prix de l'électricité, qui compose une part très importante, L'importance du coût de production d'aluminium, lui, est très régionale. On ne paye pas du tout le même prix d'électricité en France, en Europe, au Moyen-Orient, ou en Russie, ou au Canada. Et donc là, ça induit un différentiel de compétitivité qui peut être assez important, qui est même très important, et qui fait que lors de la crise de 2022, l'Union européenne a perdu plus de 40% de sa production d'aluminium primaire, qui n'a pas encore complètement redémarré. Parce que les prix de l'électricité en Europe sont montés vraiment très très haut, alors que dans le reste du monde, ils n'ont pas monté tant que ça.

  • Anthony Baron

    Et c'est-à-dire quoi ? C'est-à-dire que les industriels européens sont allés chercher de l'aluminium en dehors du continent, plutôt que de continuer à se fournir avec des experts ?

  • Guillaume de Goys

    Parce qu'en fait, les industriels producteurs d'AUM primaires n'étaient plus compétitifs. En fait, ils étaient contraints même d'arrêter leurs usines, parce que tout l'aluminium qu'ils produisaient, le produitait à perte. Je vous le disais, pour faire une tonne d'aluminium, il faut à peu près 13 MWh, ou mettons en moyenne 14 MWh. Si on prend de l'électricité à 100 euros du MWh, vous voyez qu'il y a déjà 1400 euros par tonne d'aluminium qui est dédié pour la production, pour la consommation d'électricité. Vous rajoutez les matières premières, qui représentent en moyenne 40% du prix de l'aluminium, et là vous dépassez, c'est-à-dire juste avec l'électricité et les matières premières, vous n'avez pas payé les personnes, vous n'avez pas payé vos investissements, vous n'avez pas payé tout le reste. Eh bien, déjà, vous dépassez le prix de vente, donc vous êtes en perte. Donc là, vous n'avez pas d'autre choix que d'arrêter votre activité.

  • Anthony Baron

    Oui, tout à fait. Et ça a été le cas ?

  • Guillaume de Goys

    Ça a été le cas. C'était le cas. Aluminium Dunkerque, qui a réduit de 30% sa capacité de production pendant la crise en 2021 puis 2022.

  • Anthony Baron

    C'est pour le coup l'incidence directe. On imagine que ça a été quand même une perte de production au niveau européen et sans doute d'ailleurs au niveau mondial, puisque les producteurs mondiaux ont alimenté l'Europe. est-ce que ça a eu... peut-être aussi malgré tout une incidence sur le prix du cours ? Parce que peut-être ça a pris un phénomène de rareté.

  • Guillaume de Goys

    Pas tant que ça. Je vais vous expliquer pourquoi ça n'a pas eu tant d'influence que ça sur le prix de l'aluminium au niveau mondial. Aujourd'hui, la production mondiale d'aluminium, c'est à peu près 70 millions de tonnes. Sur ces 70 millions de tonnes, vous en avez 45 qui sont en Chine. Vous voyez la prépondérance forte. de la Chine sur la production mondiale des liens. Tout ça, c'est de la lienne primaire. Oui, tout à fait. Les autres grands pays exportateurs, c'est le Canada, le Moyen-Orient, la Russie, un petit peu l'Inde, l'Australie. Dans ces pays-là, le prix de l'électricité, il n'a pas du tout, du tout, du tout subi l'augmentation très forte qu'on a vu en Europe. Au Canada, par exemple, les prix de l'électricité sont bien, bien, bien inférieurs à ceux qu'on a en Europe. et sur des durées très longues. Ils ont une visibilité sur le prix de l'électricité de façon très très longue. Au Moyen-Orient, c'est en brûlant du gaz qu'ils extraient eux-mêmes, à des prix là aussi qui sont bien plus bas que ceux qu'on pouvait avoir en Europe. Donc ils n'ont pas cette problématique. En Chine, c'est encore un marché encore différent, et c'est pareil, ils n'ont pas vu cette augmentation des prix d'électricité aussi forte que celle qu'on a eue en Europe. Et donc finalement, la production mondiale d'aluminium n'a pas été directement influencée. Et donc, c'est les producteurs européens qui ont subi cet impact très fort.

  • Anthony Baron

    Oui, c'est effectivement... Enfin, on peut imaginer que c'est assez « unfair » , entre guillemets, puisque vous êtes victime, quelque part, de votre deuxième coup, qui impacte fortement.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est ce que nous disons, en fait, aux politiques, quand ils nous disent « Mais oui, mais quand même, en France, vous avez le prix d'électricité qui est probablement un des plus compétitifs en Europe » , ce qui est vrai. Le problème, c'est que nos concurrents, ils ne sont pas que en Europe. Exactement. Nos concurrents, c'est le monde entier.

  • Anthony Baron

    Et il n'y a pas de surcote ou en tout cas, je dirais, un prix un peu abondé pour justement l'aluminium primaire bas carbone, ce qui est votre cas ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est vrai. On arrive à avoir un petit premium, ce qu'on appelle le green premium, pour l'aluminium bas carbone. Par contre, ce green premium, il est très, très, très loin de couvrir les coûts, les surcoûts de l'électricité ou même les surcoûts qui sont liés à notre système. européens sur les émissions de gaz à effet de serre, etc. Pour donner un ordre de grandeur, le Green Premium, c'est à peu près 1% du prix de vente. Oui,

  • Anthony Baron

    ce qui n'est rien.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas grand-chose. Ça ne couvre pas un gros écart d'électricité.

  • Anthony Baron

    Absolument. C'est vraiment une volonté.

  • Guillaume de Goys

    Si vous avez juste 10 euros d'écart sur l'électricité, ça vous fait 130 ou 140 euros d'écart. C'est pas 1% du prix.

  • Anthony Baron

    Absolument, donc c'est une vraie bataille aussi que vous menez à ce niveau-là. J'aurais parlé de la déclaration d'Anvers, qui est une initiative de 57 entreprises, 15 fédérations industrielles européennes et un syndicat européen. Donc évidemment il y a une annonce, c'est ça, en février 2024, qui vise à construire un pacte industriel européen pour la prochaine mandature de la Commission européenne, donc 2024-2029. Et l'objectif est de rendre justement le pacte vert, le Green Deal, possible en conservant les capacités... de production en Europe et en veillant à la compétitivité de son industrie.

  • Guillaume de Goys

    C'est un appel qui a été fait effectivement et à laquelle j'ai participé.

  • Anthony Baron

    Absolument.

  • Guillaume de Goys

    Et à l'UIM Dakar qui était parmi ces entreprises. Pour vraiment appeler à la suite du rapport l'État, si vous vous souvenez, d'appeler ce qui est maintenant le Clean Industrial Deal. Donc ça a été repris par Ursula von der Leyen et par la nouvelle commission en disant effectivement on doit garder l'orientation qui a été faite à travers le Green Deal, c'est à dire de décarboner l'Europe, avec une cible de moins 55 en 2030 et puis une cible qui est en train de se discuter pour 2040. Donc garder cette orientation-là parce qu'on pense foncièrement tous, nous qui avons signé cet appel-là, qu'il faut garder cette trajectoire de décarbonation, c'est important pour limiter le réchauffement climatique, mais que ça ne peut pas se faire au coût de la désindustrialisation de l'Europe. Pourquoi ? Principalement parce qu'en fait, c'est valable pour l'Union, mais c'est valable aussi pour Plein d'autres produits, c'est que les produits qu'on fabrique en Europe dans des usines européennes sont moins carbonés que leurs homologues qui sont fabriqués ailleurs. Et donc quand on désindustrialise, c'est-à-dire quand on ferme une usine en Europe, oui ça a un impact direct, c'est-à-dire que cette usine n'émettra plus de gaz à effet de serre, mais le problème c'est que c'est remplacé directement par des imports, et ces imports sont plus carbonés que la production qui a disparu en Europe. Donc on a besoin de garder cette boussole vers la décarbonation. mais en donnant les conditions à l'industrie européenne pour qu'elle réussisse à rester compétitive, rester pérenne, et fasse partie de cette décarbonation plutôt que ce soit des imports.

  • Anthony Baron

    Et donc c'est quoi les mesures concrètes qui ont été demandées à l'Union Européenne pour maintenir cette industrie ?

  • Guillaume de Goys

    Il y en a plusieurs. Il y en a une qui est importante et qui nous concerne très directement, c'est d'avoir de l'électricité, enfin de l'énergie, de toute façon au-delà de l'électricité, c'est l'ensemble de l'énergie, parce que l'énergie c'est... indispensable pour l'industrie, quelle qu'elle soit, c'est d'avoir de l'énergie qui soit compétitive au niveau mondial. Et donc on a, dans un des pans du Clean Industrial Deal, c'est tout ce qui s'appelle le Affordable Energy Act, donc l'acte pour une énergie compétitive.

  • Anthony Baron

    Justement, sur la partie énergie et électricité, vous en avez beaucoup parlé. L'usine d'Alunium Dunkerque consomme globalement l'équivalent de la ville de Marseille. On en avait parlé ensemble en préparant cette interview. Comment vous gérez cette dépendance énergétique ? Et encore une fois, comment peut-être en sortir, s'il y a une possibilité ?

  • Guillaume de Goys

    En sortir, il y a une possibilité, c'est de recycler plus d'aluminium. Parce que nous le faisons petit à petit. Par contre, pour le moment, on n'a pas encore inventé, et puis même la physique fait qu'on n'arrivera pas à réduire l'alumine en aluminium sans utiliser d'électricité. La voie chimique est très très compliquée et nécessite des quantités d'énergie importantes elle aussi. Et surtout, elle est beaucoup beaucoup beaucoup plus luxueuse. Donc, on ne se passera pas d'électricité pour produire de l'aluminium. Ce qui est bien, c'est qu'on est déjà électrifié. Contrairement à d'autres industries qui utilisent du charbon pour réduire leurs minerais, l'intérêt de l'industrie de l'aluminium primaire, c'est que depuis déjà très longtemps, ça fait plus de 100 ans, cette industrie est électrifiée. Et en France, gros intérêt, c'est qu'on a de l'électricité qui est très décarbonée. Donc, on a déjà gagné, entre guillemets, cette partie-là. Maintenant pour... Pour réduire nos émissions, il y a plusieurs façons. C'est de continuer à utiliser de l'électricité la plus verte possible et petit à petit d'aller vers des investissements de décarbonation. Le stade ultime, c'est de ne pas émettre de CO2. C'est de remplacer nos anodes en carbone par des anodes inertes. Là, il y a de la recherche qui se produit, recherche et développement depuis déjà de nombreuses années. La France fait partie. Il y a des laboratoires de recherche français qui travaillent là-dessus sur les anodes inertes depuis déjà longtemps. Mais on n'est pas encore au stade industriel où on peut se dire, ça y est, allez hop, la technologie à note inerte, elle est prête, on peut aller l'installer. Il y a encore probablement une dizaine d'années, c'est mon estimation personnelle, mais peut-être une dizaine d'années avant que ce soit vraiment quelque chose de répandu. Et donc, le choix que nous avons fait à l'Union Dunkerque, c'est, en attendant que cette technologie soit disponible, de ne pas rien faire, de ne pas rester les bras croisés. et d'utiliser une technologie qui, elle, pour le coup, existe, qui est la technologie de la capture du CO2. Donc, on va continuer à émettre du CO2 de par notre procédé, mais on va le capter, ou on va capter en tout cas une grande partie dans les émissions du site pour pouvoir le stocker. Et ça, on fera ça tant qu'on aura des émissions de procédé.

  • Anthony Baron

    OK. Et vous ferez quoi de ce CO2 stocké ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il est stocké, c'est ce qu'on appelle le CCS, donc Carbon Capture and Storage. Donc on vient le stocker, alors pour nous, principalement dans les réservoirs de stockage de CO2 de la mer du Nord. Donc c'est soit des cavités salines, soit des anciens champs de pétrole ou de gaz qui sont vides. Et on vient remplacer en fait le pétrole bleu. ou le gaz qu'il y avait par du CO2.

  • Anthony Baron

    D'accord. Et quelles sont les vertus derrière ?

  • Guillaume de Goys

    L'objectif, c'est d'éviter de les émettre dans la nature.

  • Anthony Baron

    C'est ça.

  • Guillaume de Goys

    C'est d'éviter qu'ils soient émis à l'atmosphère. Et là, ils ont un pouvoir réchauffant important. Et donc, on les enterre pour qu'ils aient pas ce pouvoir réchauffant.

  • Anthony Baron

    Je connaissais pas du tout ce procédé. Et ensuite, il est stocké dans le sol et après,

  • Guillaume de Goys

    il y reste.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien. Il est amené à disparaître ou non ?

  • Guillaume de Goys

    Non, pas forcément, c'est comme le gaz, si vous voulez. Tant qu'on le laisse dans le sol et qu'on ne vient pas forer pour aller le chercher, il reste dans le sol.

  • Anthony Baron

    Oui, très bien, très clair. Alors les objectifs sont très ambitieux au niveau de la réduction des émissions de CO2. Je crois que c'était 30% d'ici 2030, 70% d'ici 2050. Les axes principaux justement de cette stratégie...

  • Guillaume de Goys

    2030, c'est vraiment la capture du CO2, c'est pour ça qu'on vise 30% de nos émissions, parce qu'on sait que ce n'est pas aussi efficace. que de ne pas les émettre. Bien sûr. Et puis, à horizon 2050, c'est cette nouvelle technologie anodinaire sur laquelle on compte.

  • Anthony Baron

    D'accord. Ok, très clair. Et quelle est la part, justement, de la R&D chez Union Acker en termes d'investissement ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, en termes d'investissement, c'est quelques pourcents de notre chiffre d'affaires. Quand nous étions dans les grands groupes, nous bénéficions de la R&D centrale de ces grands groupes. Depuis que nous sommes indépendants, on a un petit peu pris notre trésor, notre envol. Mais on commence par... Petit, entre guillemets. Mais on a déjà déposé quelques brevets et puis on va continuer à le faire pour développer ces nouvelles technologies.

  • Anthony Baron

    Et justement, en termes d'innovation, vous avez évoqué le lancement d'un nouveau four dédié au recyclage et donc justement les technologies de capture du carbone. Si on prend justement le cas de ce four recyclé, vous pouvez nous donner le montant de l'investissement que ça a pu représenter ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, c'est 13 millions d'euros. 13 millions d'euros, d'accord. 13 millions d'euros, donc ce nouveau four de recyclage.

  • Anthony Baron

    Ok. Et en l'occurrence, ce four est actif aujourd'hui, on l'a dit, c'est 20 000 tonnes d'objectifs de production.

  • Guillaume de Goys

    Oui, on l'a débarré en mai, on l'a inauguré officiellement le 15 mai. Et cette année, on ne fera pas 20 000 tonnes, mais dès l'année prochaine, on fera bien ces 20 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    Et vous prévoyez la construction d'autres fours ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, je vous le disais, le marché globalement de l'aluminium essaye d'intégrer de plus en plus d'aluminium recyclé. Donc on souhaite pouvoir offrir à nos clients de l'aluminium primaire avec du contenu recyclé. Et donc, on est appelé à investir dans de nouveaux fours. On va déjà réussir le démarrage, la mise en production complète de ce four-là avant de poursuivre ses investissements.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et vous nous avez également partagé tout à l'heure, Guillaume, depuis la création finalement d'Alunium Dunkerque en 1991, la production a doublé à date ?

  • Guillaume de Goys

    Non, augmenté de 50%.

  • Anthony Baron

    Oui, augmenté de 50%. Est-ce que vous prévoyez également une augmentation à nouveau de 50% sur les 25-30 prochaines années ?

  • Guillaume de Goys

    Sur les 25-30 prochaines années, on est même plus ambitieux que ça. Dans la feuille de route de transition écologique que nous avons présentée au gouvernement et qui est signée avec eux, on prévoit de monter la production d'aluminium Dunkerque à 700 000 tonnes. Donc avec une nouvelle technologie, les anodes inertes dont je parlais à l'instant, et de pouvoir installer une deuxième ligne de production qui soit basée sur cette technologie-là, plus les capacités additionnelles de recyclage. L'ensemble de ces projets fait qu'aluminium Dunkerque a horizon 2050. devrait être aux alentours de 700 000 tonnes.

  • Anthony Baron

    D'accord. Alors, on comprend bien effectivement la façon dont vous collaborez aujourd'hui avec vos équipes en interne. Malgré tout, est-ce que vous avez aussi des collaborations avec d'autres acteurs, publics, privés, pour mutualiser notamment les efforts dans la décarbonation et l'innovation à Dunkerque ?

  • Guillaume de Goys

    Oui, oui, oui, tout à fait. On a plusieurs types de partenariats. Il y en a un que j'ai déjà cité, c'est le partenariat sur la capture carbone. Donc là, nous sommes en partenariat avec des acteurs de l'industrie de l'aluminium, mais aussi des... des acteurs équipementiers. Donc c'est un premier partenariat que nous avons mis en œuvre. Il y en a un deuxième qui est plus local, sur le Dunkerquois. Il y a plusieurs industriels qui se décarbonent aujourd'hui, aciéries, cimentiers, usines chimiques, à l'Union Dunkerque. Nous travaillons ensemble pour la spécification et la construction d'un tuyau qui permettra de collecter le CO2 qui sera capté dans ces différentes usines et l'emmener vers les lieux de stockage. Donc ça, c'est un investissement qui est massif, qui ne peut pas être porté par un seul des acteurs. Et c'est pour ça que nous travaillons ensemble avec des acteurs dont c'est la spécialité. Natran, par exemple, anciennement le transport, le GRT Gaz, qui a des études pour créer ce pipe de CO2.

  • Anthony Baron

    Quelles sont également les relations avec les pouvoirs publics locaux, le tissu économique du Dindes-Caircois, en l'occurrence ? Parce qu'on imagine le poids économique que vous avez localement. peut-être l'intention aussi que porte le groupe. On va dire les citoyens sur les émissions de CO2, etc. Comment vous fonctionnez justement pour les rassurer, pour maintenir effectivement des relations efficientes avec cet écosystème ?

  • Guillaume de Goys

    Sur la partie les rassurer, je crois que ce qui est le plus important, c'est de donner de la visibilité sur la pérennité de notre activité. Et donc tous les... Le projet que nous faisons, c'est justement pour donner cette visibilité-là. Il y a un élément qui est important et sur lequel on collabore beaucoup entre les différents industriels du Dunkerquois, c'est l'attractivité. On a malheureusement aujourd'hui un déficit d'images, qui n'est pas spécifique à Dunkerque, mais qui est plus général que ça, sur l'industrie. Quand on discute avec des jeunes, filles ou garçons, et qu'on leur dit « qu'est-ce que tu as envie de faire comme métier plus tard ? » , ils sont rares ceux qui nous disent « ah, j'ai envie de travailler dans une usine » . Et c'est dommage. parce qu'en fait, l'industrie, ce sont des belles carrières, c'est de beaux projets, c'est fabriquer des choses utiles.

  • Anthony Baron

    C'est tangible, c'est tactile.

  • Guillaume de Goys

    Exactement. Et puis, le travail dans l'industrie est hyper varié. Donc, on a ce déficit d'images qui vient d'années et d'années de désindustrialisation. Et donc, nous collaborons beaucoup entre acteurs industriels du Dunkerquois et plus largement des Hauts-de-France et même de la France entière pour redonner envie d'industrie. redonner envie d'industrie pour les jeunes, pour qu'ils nous rejoignent, qu'ils puissent faire métier dans l'industrie, mais aussi par rapport aux politiques, leur dire, vous savez, l'industrie, ce n'est pas que des problèmes, c'est aussi beaucoup de solutions et on leur demande d'investir à nos côtés pour réindustrialiser. Je me souviens d'Olivier Luancy qui parle souvent des problématiques liées à la désindustrialisation et dans la cohésion des territoires, c'est un élément important. Un territoire où les usines qui font un peu le tissu économique local disparaît, et bien ce tissu il disparaît. Et derrière, on a du mal à avoir cette cohésion sociale parce que les jeunes partent, ne peuvent plus travailler localement et donc on a des territoires qui, petit à petit, dont l'attractivité baisse beaucoup à cause de ça.

  • Anthony Baron

    Quelles sont les spécificités que vous avez pu mettre en place pour justement faire face à ces défis de recrutement, de formation ? Parce que ça, on le sait, dans un marché du travail où la cité est tendue, sur les fonctions industrielles.

  • Guillaume de Goys

    Je vais donner quelques exemples. Il y en a un qui est récent qui s'appelle Viva Fabrica, qui est un partenariat de beaucoup d'industriels au niveau français. La dernière édition de Viva Fabrica était à la fois sur Lille et sur Dunkerque. C'est une exposition qui est itinérante. On a profité du fait que ce soit en Haute-France pour avoir un stand aux couleurs d'Avion Dunkerque, de mobiliser nos collaborateurs pour qu'ils parlent. rencontre les jeunes, collégiens, lycéens, même études supérieures, et leur expliquer tout ce qu'on peut faire chez l'Union d'Incaire, qui est plus largement dans l'industrie de l'aluminium. On a aussi créé, avec plusieurs acteurs locaux, ce que nous appelons Fabulous Factory, qui est de montrer qu'en fait nos usines, c'est très très loin de l'image qu'on peut s'en faire, c'est loin d'être un endroit poussiéreux, sale, bruyant, etc. dans lequel on fait tourner des machines un peu anciennes. Ce n'est pas du tout le cas. On utilise des choses modernes. On fait très attention à nos environnements de travail. L'époque germinale est terminée. L'époque germinale est très loin d'être terminée depuis longtemps parce que germinale, c'était les mines. On en est quand même assez loin.

  • Anthony Baron

    Je suis d'accord. Je souhaiterais aussi aborder la culture managériale, qui est la vôtre, et celle que vous déployez également dans la société.

  • Guillaume de Goys

    Alors personnellement, ce qui m'anime, me motive tous les jours, c'est de vraiment développer les personnes avec lesquelles je travaille, de donner l'opportunité à chacun de nos collaborateurs de donner le meilleur d'eux-mêmes. Donc c'est de leur donner l'opportunité de faire de nouvelles choses, de créer, de s'associer, d'innover. Donc ça, c'est vraiment des points importants qui font partie de notre... De nos valeurs, nos valeurs chez William Dunkerque, c'est une valeur de protéger. D'abord, protéger les gens, protéger l'environnement. Donc ça, c'est une première valeur. Deuxième valeur, c'est d'exceller. Et nous pensons qu'à travers l'excellence, en particulier l'excellence opérationnelle, l'excellence industrielle, que l'industrie pourra demeurer en France et en Europe. On ne peut pas être moyen, il faut qu'on soit les meilleurs. Troisième point, c'est d'innover. Parce que l'innovation, c'est aussi un de nos axes clés. Et puis enfin, c'est d'améliorer, d'améliorer en permanence nos processus.

  • Anthony Baron

    Très clair. Et entre justement la période à laquelle Alimian Dunkerque était rattaché à un grand groupe, notamment Rio Tinto, quand vous prenez la direction générale de la société, à aujourd'hui un fonds d'investissement américain et donc vous avez été nommé président à l'issue de cette opération. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé chez vous justement dans vos pratiques managériales ou peut-être votre niveau d'exigence par exemple ?

  • Guillaume de Goys

    Alors, il y a des choses qui n'ont pas changé, c'est qu'on fait toujours de l'aluminium à Dunkerque.

  • Anthony Baron

    Ça c'est sûr.

  • Guillaume de Goys

    Et c'est important. Ce qui a changé, principalement, c'est le fait que nous soyons passés d'un grand groupe, où on était une usine parmi d'autres, à une entreprise indépendante. Et ça, c'est un vrai changement dans l'état d'esprit, c'est un vrai changement aussi dans la responsabilité que nous avons. Yotinto, c'est un groupe qui est assez centralisé, et donc il y a beaucoup de... Les fonctions qui étaient faites de façon centrale, je parlais tout à l'heure de la R&D avec des centres de R&D dédiés qui n'étaient pas sur le site, mais c'est valable aussi pour beaucoup de fonctions sur la finance, sur la gestion de la trésorerie, sur les achats, sur le RH, etc. C'était tous des services partagés qui étaient faits ici ou là, même sur la stratégie de l'Union de Dakar qui n'était pas décidée à l'Union de Dakar, qui était décidée à Montréal ou à Londres. Le fait maintenant d'être avec un fonds d'investissement et géré comme une société indépendante, nous avons réinternalisé toutes ces fonctions et la stratégie d'Alumium Dunkerque et tout ce qui va avec cette stratégie, maintenant c'est exercé par Alumium Dunkerque et par les équipes d'Alumium Dunkerque. Donc ça fait qu'on est probablement moins spécialisé, mais par contre beaucoup plus multitâche, et ce qui est vrai pour l'équipe de direction, ça diffuse aussi dans l'ensemble de l'organisation.

  • Anthony Baron

    Et quelles sont justement les fonctions que vous avez réinternalisées chez Alunia Nakel ?

  • Guillaume de Goys

    C'est celle que je citais, donc on a réinternalisé des fonctions sur les achats, réinternalisé sur l'énergie, sur le changement climatique, sur la trésorerie, sur la comptabilité, sur la gestion RH...

  • Anthony Baron

    Et comment vous avez fait pour recruter ces personnes ? C'était des personnes en local que vous avez recrutées ?

  • Guillaume de Goys

    De tout. Il y en a qui sont en local, des gens en interne qui ont évolué, et puis il y en a d'autres qu'on est allé chercher à travers des cabinets de recrutement, à travers différentes missions.

  • Anthony Baron

    Et pour les collaborateurs, donc 700 collaborateurs, on le rappelle, est-ce qu'il y a eu un changement également d'appartenance, notamment à l'entreprise, chez eux, qui s'est fait, ou déjà avant ils avaient le sentiment d'être rattachés à l'Union Dunkerque ? On va dire l'attachement au groupe pouvait porter ? peut-être moins ?

  • Guillaume de Goys

    Alors je pense que les collaborateurs d'Alumium Dunkerque, depuis 30 ans qu'Alumium Dunkerque existe, ont un attachement à l'entreprise, à Alumium Dunkerque. Il y en a bien sûr qui viennent du groupe, j'en suis un bon exemple, et qui ont fait une partie de leur carrière chez Alumium Dunkerque et qui ont trouvé quand même une usine particulièrement attachante et qui reste d'ailleurs. Le fait maintenant que nous soyons pas simplement Alumium Dunkerque chez Péchiné, Alcan, Rio Tinto, mais Alumium Dunkerque. pour Alimian Dunkerque et que Alimian Dunkerque, fait que l'attachement, je pense, a beaucoup grandi. Et nous avons aussi la conviction qu'on est collectivement beaucoup plus performants quand on travaille pour une entreprise à taille humaine, une entreprise dont on connaît les contours et pas forcément un très grand groupe international.

  • Anthony Baron

    J'aimerais aussi aborder avec vous rapidement les sujets de féminisation dans l'industrie. On le sait, c'est un enjeu majeur. Aujourd'hui, quel est le niveau de parité femmes-hommes chez le Miamin d'Incair ? Alors,

  • Guillaume de Goys

    il n'est pas encore très bon, mais on vient de loin. Il faut savoir qu'il y a une dizaine d'années, on n'avait quasiment pas de femmes chez les opérateurs, chez les ouvriers. Nous en avons maintenant plus d'une vingtaine. Donc, ça commence petit à petit à avancer. Je crois qu'on n'a plus de secteur dans l'usine où il n'y a pas au moins une ou deux opératrices. Donc ça, c'est déjà un premier mouvement qui est initié et qu'on souhaite vraiment poursuivre. Alors, ce n'est pas forcément que par volonté d'avoir des hommes, mais souvent, quand on ouvre un poste, on a 80 candidats pour 20 candidates, voire même encore plus que ça, c'est-à-dire qu'il y a des postes où on n'arrive pas à avoir de candidates. D'où tout le travail qu'on fait sur l'attractivité de l'industrie et de dire aux jeunes hommes, mais aux jeunes femmes aussi, venez travailler chez nous, vous allez faire de belles choses. Au niveau de l'encadrement, technicien, gendre maîtrise et cadre, on a une proportion de femmes qui est plus importante. On vient aussi de moins loin. On n'était pas à zéro, on était déjà à peut-être 10-15%. Maintenant, ça commence à être plus. On a des ingénieurs, on a des cadres femmes. Je pense qu'on doit être à peu près entre 25 et 30% sur l'ensemble de l'encadrement.

  • Anthony Baron

    Et au niveau du comité de direction ?

  • Guillaume de Goys

    Au niveau du comité de direction, nous sommes 8 au comité exécutif d'Aminium Dunkerque, dont 2 femmes.

  • Anthony Baron

    D'accord, très bien.

  • Guillaume de Goys

    Donc il y a encore là aussi des efforts à faire.

  • Anthony Baron

    Effectivement. En tout cas, vous êtes sur la bonne voie puisqu'il y a déjà des progrès qui ont été initiés. Vous parliez des jeunes justement. Quel message souhaiteriez-vous leur adresser, pour ceux qui envisagent une carrière dans l'industrie, et en particulier dans un secteur aussi stratégique que l'Aminium ?

  • Guillaume de Goys

    Bien qu'ils nous rejoignent. Ça, c'est le message. Alors bien sûr, ce n'est pas juste en disant ça qu'ils vont venir. Il faut savoir qu'Allium Dunkerque est dans une phase très dynamique en ce moment. Nous avons à peu près 90 recrutements chaque année. Donc, il y a un vrai appel pour de nouvelles recrues qui nous rejoignent. On fait attention à tous ceux et celles que nous embauchons d'avoir un parcours d'intégration qui leur permette de découvrir l'ensemble de nos métiers. Et Dieu sait qu'ils sont divers. Rejoindre l'Union Dunkerque, c'est quand même l'assurance d'être au sein de là où l'Union se fait. On représente les deux tiers de l'Union en France. Et le choix aussi, enfin en tout cas la possibilité pour ceux qui le souhaiteraient, d'avoir des carrières très diversifiées. On ne rentre pas chez l'Union Dunkerque à un poste et puis on reste toute sa carrière à ce poste-là. Il y a la possibilité en interne de faire plein de choses différentes.

  • Anthony Baron

    Et justement, si on regarde un petit peu les prospectives ? Comment vous voyez l'évolution de l'industrie de l'aluminium d'ici 2030, peut-être à 20-30 ans, face encore une fois à ces enjeux et ces défis climatiques, et notamment géopolitiques ?

  • Guillaume de Goys

    Les défis géopolitiques sont forts pour notre industrie parce que l'aluminium est un bien qui s'échange très facilement d'une frontière à l'autre, d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre. Donc on est à la croisée de tous ces enjeux. On parlait juste avant de discuter ensemble en préparant cette interview de l'impact des droits de douane aux États-Unis. Donc ce sont des sujets qui sont indissociables de l'industrie de l'aluminium. Je pense que l'aluminium a vraiment son mot à dire. C'est un des rares métaux qui participent très directement à cette transition écologique. On va avoir besoin de plus en plus d'aluminium. Et donc, rejoindre la filière, c'est de s'assurer d'avoir un boulot d'avenir.

  • Anthony Baron

    Autre question qui n'a rien à voir avec les sujets qu'on a évoqués. Guillaume Demain, président de la République, quelles seraient vos premières mesures en faveur du climat ?

  • Guillaume de Goys

    Oula ! Donner un cap clair. je pense que c'est C'est dommage parce qu'il y a eu une volonté de donner un cap clair, déjà en ayant une base à travers le secrétariat général de la planification écologique, d'avoir une vraie comptabilité carbone qui prenne en compte pas simplement les émissions directes, mais aussi toutes les émissions importées, ce qu'on appelle l'empreinte.

  • Anthony Baron

    Avec la CSRD alors.

  • Guillaume de Goys

    Et de se dire, voilà où nous sommes de façon objective. Il y a tant de pourcents qui sont dus au transport, tant de pourcents qui sont dus à l'industrie, tant de pourcents qui sont dus... que sais-je, l'isolation des bâtiments, etc. Et de se dire, si on veut atteindre les moins 55% en 2030, et puis probablement moins 90% en 2040, eh bien, ce qui est faisable, c'est ça. Et donc, il faut, sur les transports, qui représentent aujourd'hui un part importante, significative des émissions nationales, on n'a pas fait énormément d'efforts. Il y en a beaucoup qui sont faits à travers le fait que les moteurs, règlement après règlement, émettent moins, mais on n'a pas vraiment fait de transition. Et il faut faire cette transition vers l'électrique. D'où tout le travail qui est fait, gigafactory, on en a parlé tout à l'heure, etc. Sur l'isolation des logements, pareil. Sur le changement, passer du gaz vers l'électrique, c'est la même chose, etc. Donc il y avait un cap qui était donné, qui était assez clair. Et il y avait donc des industriels qui pouvaient s'inscrire dans ce cap-là et des politiques qui s'inscrivaient dans ce cap-là. Malheureusement, depuis quelques... mois ou quelques trimestres on a un peu perdu cette boussole depuis un an depuis un an avec la dissolution mais même déjà en 2022 avec une majorité beaucoup plus courte au parlement c'est plus compliqué de garder ce cap en fait et l'énergie pour ne parler qu'elle est devenue un enjeu politique mais de politique politicienne un petit peu qui aujourd'hui est un nouveau marqueur droite gauche et c'est un peu étonnant parce que les débats sont beaucoup moins factuels que ce qu'ils étaient il ya deux ans

  • Anthony Baron

    Je pense qu'il y a un sujet économique. Et d'ailleurs, le cap qui a été annoncé, avec des enjeux par filière, était quand même axé aussi sur des subventions. Et en fait, la question typiquement qu'on peut se poser...

  • Guillaume de Goys

    Des subventions ou des taxes différentes. Effectivement.

  • Anthony Baron

    Mais en tout cas, il y avait une aide et une participation de l'État, donc des impôts français qui permettaient ça. En fait, la question à se poser, c'est est-ce qu'aujourd'hui, sans ces aides, les industriels sont en capacité ? malgré tout, de faire ces transitions, accélérer l'électrification, changer les modes de transport, être peut-être aussi dans le renoncement, participer encore un peu plus à la circularité des produits et effectivement favoriser le recyclage, etc.

  • Guillaume de Goys

    Ce n'est pas une question simple. Ce n'est pas une question simple parce que ce n'est pas que dans la main des industriels. C'est aussi dans la main des consommateurs, c'est dans la main des pouvoirs publics et c'est les trois qui doivent travailler ensemble. Tout à fait. On parlait tout à l'heure de Green Premium. Je vous disais que nos clients aujourd'hui sont prêts à mettre à peu près 1% d'amélioration, d'acheter un tout petit peu plus cher notre aluminium parce qu'il est bas carbone. C'est très très très loin de couvrir le coût de la décarbonation, très loin. Et donc aujourd'hui, si on n'a pas des incitations pour décarboner, eh bien la décarbonation ne se fera juste pas. Parce qu'un industriel, mais c'est comme tout entrepreneur, il peut prendre des risques, mais il ne peut pas durablement faire un choix d'être à perte. C'est pas possible, c'est pas pérenne. On est bien d'accord. Donc ça, c'est le premier point. Il y a toute une éducation à faire sur pourquoi est-ce qu'on doit se décarboner. Le changement climatique, il est tangible, mais on ne peut pas compter que là-dessus. Se dire, quand les gens se rendront compte qu'il fait chaud, ce sera déjà trop tard. Donc il y a de l'éducation, de la pédagogie à faire, et l'éducation nationale a son rôle à jouer, bien évidemment. Les politiques publiques, vous parliez tout à l'heure de subventions, mais il y a aussi des taxes. Quand on voit que les taxes sur l'électricité sont supérieures, pas tout le temps, mais peuvent être supérieurs au gaz, par exemple, on se dit, est-ce que c'est le bon signal qu'on est en train de donner ? C'est évident. Donc il y a plein d'outils. outils de politique publique, il ne faudrait pas ramener ça que aux subventions, même si elles sont nécessaires pour le développement des énergies renouvelables ou pour l'électrification, par exemple, des choses comme ça. Donc c'est un outil, ça n'est pas le seul, et l'objectif, vous me posiez la question, si j'étais au pouvoir, qu'est-ce que je ferais ? Ce n'est pas mon intention, mais ce que je ferais, c'est vraiment donner ce cap-là et d'utiliser l'ensemble des outils qu'on a en tant que politique pour pouvoir essayer de donner de la visibilité à chacun. aussi bien les citoyens consommateurs que les industriels producteurs que ceux qui sont plutôt dans les fonctions support, de se dire ok, voilà où est-ce qu'on veut aller, si on veut y aller ensemble, ce cap-là on n'en dérogera pas et on n'en bougera pas.

  • Anthony Baron

    C'est effectivement une bonne solution, en tout cas de nommer un peu plus de clarté. Peut-être dernière question pour vous Guillaume, quel conseil justement, dans la continuité de ce qu'on vient de se dire, quel conseil vous donneriez aux dirigeants qui nous écoutent sur la gestion de leurs enjeux industriels et notamment de décarbonation ?

  • Guillaume de Goys

    C'est une vaste question. Je pense que ce qui est important, c'est ce que je viens de dire. Donc ce que je demande à d'autres d'appliquer, il faut qu'on se l'applique à nous-mêmes, c'est de donner ce cap-là. Je vois des industriels qui sont tout feu, tout flamme quand le sujet est à la mode. Et puis, dès qu'il y a un peu moins de visibilité, quand les vents sont un peu mauvais, tout à coup, abandonnent. C'est sûr que ça ne va pas mobiliser les équipes. et donc je pense que Personnellement, ce qui est important, c'est que quand on choisit une stratégie, il faut s'y tenir. On ne peut pas changer de stratégie tous les ans. Sinon, ce n'est pas une stratégie, c'est juste de la tactique pour avancer pendant six mois, puis après, on verra bien ce qui se fera. Je pense que c'est à nous, en tant qu'équipe de direction, de fixer ce cap-là pour notre entreprise et de s'y tenir. Alors, bien sûr qu'il faut l'adapter. Bien sûr qu'on ne peut pas foncer dans un mur si on voit un mur. Il faut avoir de l'agilité. mais l'horizon qu'on... désigne et qu'on fixe, il faut savoir le garder parce que sinon, on ne peut pas mobiliser les gens.

  • Anthony Baron

    Un grand merci Guillaume en tout cas pour encore une fois cet échange qui était très instructif, on a senti beaucoup de motivation et encore une fois détermination également dans la volonté de favoriser le développement d'un aluminium décarboné très important et puis également avec le maintien aussi de cette souveraineté française et européenne dans la production d'aluminium. Un grand merci Guillaume encore une fois.

  • Guillaume de Goys

    Merci à vous.

  • Anthony Baron

    Merci d'avoir écouté les After Decider, un podcast produit par Adéquancy. Retrouvez l'intégralité de nos épisodes sur les plateformes de streaming. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode. A très bientôt.

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