Speaker #0Bonjour et bienvenue sur les détours d'Olivia. Aujourd'hui j'ai envie de parler de dépression, encore, et je lis des commentaires comme quoi la dépression c'est un truc de riche, comme quoi c'est un luxe, comme quoi c'est du chipotage, que ça n'existe pas vraiment et que c'est un pur produit des laboratoires pharmaceutiques pour se faire du pognon, etc. Le fait est, je me suis vraiment posé cette question, à un moment je me suis dit est-ce que... La dépression finalement n'est pas quelque chose de typiquement occidental et finalement le fruit d'une espèce de caprice d'enfant gâté est un prétexte pour rester dans une espèce de mal-être passif, de victimisation, pour empêcher la remise en question, pour empêcher le changement, parce que nous les humains, c'est bien connu, on n'aime pas trop le changement, pour empêcher la responsabilité. pour se priver de liberté quelque part. Parce que la liberté peut faire peur aussi chez nous, chez les Occidentaux. Il y a beaucoup de choses qui sont faites pour nous, pour subvenir à nos moindres besoins. On a assez bien connu, on a Uber Eats, Deliveroo, Tinder, Adopt-un-mec, Amazon. Je me suis servi de tout ça. Peut-être pas en même temps. Et puis périodiquement. Et quand on regarde effectivement dans les pays pauvres, on se dit qu'ils n'ont pas le temps de penser à ça. Et le fait est, c'est vrai que quand on est principalement occupé à subvenir à ses besoins les plus primaires, comme manger, subvenir à sa famille, travailler... On a peut-être autre chose à foutre que de penser à sa dépression. En revanche, quand on regarde les personnes qui sont sorties de la misère, et qui racontent qu'ils sortent de la pauvreté, c'est souvent là que les problèmes psychologiques apparaissent. Parce qu'on peut dire que les problèmes psychologiques comme la dépression sont relégués au second plan, effectivement, mais c'est quand même là. Le stress post-traumatique, par exemple, c'est quelque chose qui survient après, une fois qu'on est posé, mais c'est bien là. Et donc, du coup, j'ai envie de dire, au contraire, plus il y a de violence, plus il y a de coups d'État, plus il y a de famine, plus il y a de dépression. C'est juste qu'on ne la voit pas. Et aussi, il y a le sens de la collectivité et de la communauté en Afrique, par exemple, parce que c'est tellement la merde qu'on doit compter les uns sur les autres. Et donc, finalement, ça me fait penser aussi à l'importance du lien, l'importance de l'autre dans la dépression. Et nous, on est un petit peu absent. on a une espèce de... C'est complètement aseptisé, le lien est aseptisé par Adopt-un-mec et Tinder. Donc finalement, c'est top parce que tu peux tout faire de chez toi, mais à la fin de la journée, tu te dis, mais à qui j'ai parlé ? Qu'est-ce que j'ai fait ? Alors c'est top, tous les besoins à court terme sont purement satisfaits là-dessus, c'est vraiment fait avec brio. Mais le long terme, à savoir le lien, tisser la relation, tisser le respect des uns et des autres, ne pas se jeter à la poubelle les uns les autres. Ça, c'est quelque chose qu'on sait de moins en moins faire. Et finalement, c'est justement ça qui pourrait nous prémunir de la dépression. Donc du coup, je pense qu'il faut voir les choses avec un petit peu de nuance, à savoir, dans les pays en difficulté, c'est tellement la merde qu'ils ont la foi aussi. Parce que la foi, des fois, c'est le seul rempart, c'est le seul espoir à des conditions absolument déplorables. Et donc... Finalement, Boris Cyrulnik parle très bien de ça. Il parle de l'importance de la culture, de l'environnement pour soigner la dépression. Il raconte que dans les pays en guerre, par exemple dans les pays en difficulté, on vit dans la peur de la maladie, de la mort, de la famine. Mais que dans les pays comme nous, en France, on peut vivre dans l'angoisse. Dans la perte de sens. Bon, il le dit avec ses mots. D'ailleurs, je vous invite vivement à regarder, c'est super, à lire, à écouter. Donc voilà, je pense que de dire que la dépression est un truc de riche, c'est regarder le mauvais problème au mauvais endroit. La perte de sens, c'est quelque chose qui est typique chez nous et c'est quelque chose qui engendre la dépression. Et donc l'argent, c'est une chose, la dépression en est une autre. Il suffit de regarder dans les familles très bourgeoises. Les cas de dépression, ça explose, il y en a plein, parce qu'il peut y avoir de la thune, mais il n'y a pas de contenant, il n'y a pas de sens de la communauté, il n'y a pas d'entraide, il n'y a pas de respect, il n'y a pas de câlin, il n'y a pas de toucher. Donc, sans ces choses-là, sans l'amour... Sans ce lien qui fait qu'on est vivant, sans ce lien qui fait qu'on est humain, à quoi bon ? Où est-ce qu'on met du sens là-dedans ? Donc effectivement, en Afrique, par le manque de soins, le manque de ressources, d'une part la dépression est moins visible parce qu'on ne peut pas la soigner, mais aussi parce que socialement, on ne peut se permettre aussi, si on veut garder son emploi qui est si précaire dans certaines conditions. que finalement, on va reléguer ça au second plan pour pouvoir subvenir à ses besoins les plus primaires. Mais ça ne veut pas dire que ça n'existe pas. Je pense que si chez nous, on avait plus une conscience du lien, plus une conscience de la collectivité, je pense qu'il y aurait moins de dépression. C'est quelque chose de très complexe. Le télétravail, par exemple, c'est génial. Moi, j'adore. Mais il y a aussi un petit côté pervers, quoi. C'est qu'on ne sort pas. On reste en pyjama toute la journée. On parle à des gens à travers un écran. Donc finalement, se voir en chair et en os, le sens du toucher, la présence, l'énergie physique de l'autre, on en a besoin aussi. N'oublions pas cela. À bientôt. Ciao.