- Speaker #0
Les Invisibles. Juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi. 7 jours sur 7. 24 heures sur 24. Et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Offrir un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui composent, bien souvent en silence, avec des maladies invisibles, et avec les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, deux réalités plus souvent subies que choisies. Aujourd'hui, loin de mes talons rouges et au plus proche de l'engagement, l'évidence s'étend. C'est à l'invisible au pluriel que je vous invite. Ceux qui dans la chair, l'esprit et les sociétés se vivent, sans pour autant faire de bruit. Si comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux, ici, on compte bien le faire entendre. Bonne écoute !
- Speaker #1
Comme dans une tragédie grecque, Marie vit avec trois fonctionnements cognitifs qu'elle appelle la trilogie de neuroatypie. TSA, TDAH, HPI. Tu as certainement déjà dû entendre ces anagrammes. Mais concrètement, chez Marie, ça donne quoi ? Par exemple, regarder le pommeau de douche pour ne pas être surprise que l'eau tombe. Bien vivre le confinement et son hypostimulation. Ressentir dans son dos l'empreinte d'une main depuis longtemps retirée. Sa neuroatypie, c'est tardivement que Marie l'a appris. Ne rentrant dans aucun des clichés des neuro-A, Combien de fois a-t-elle entendu Mais non, t'as pas l'air autiste En conséquence, il n'y avait pas de quoi investiguer. Jusqu'au jour où après avoir reçu de l'aide efficace pour se rétablir d'un trouble anxieux et d'un syndrome de stress post-traumatique, elle fait d'elle son propre rat de laboratoire pour comprendre pourquoi sa santé mentale semble toujours fragile. Portée par ses recherches et rencontres de professionnels, les diagnostics finissent par tomber. Et c'est la libération. La rencontre avec la vraie Marie ouvre une pléthore de perspectives qui lui permettent de s'épanouir en tant qu'écrivaine et père aidante en rétablissement de la santé mentale. Se suradapter, ressembler aux autres, faire ce qu'on attend de soi. Wouste ! Marie a fait un braining out et elle ne compte pas revenir en arrière. Avec sa voix pleine de douceur, Marie offre une panoplie de références pour les neuro-A. Et les personnes qui s'y intéressent, des outils concrets pour aménager le quotidien, et elles nous livrent ce qui fait qu'aujourd'hui, après des années de combat, elles se sentent réellement bien.
- Speaker #2
Hello Marie ! Salut Tamara !
- Speaker #3
Comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?
- Speaker #2
Je vais très bien aujourd'hui et toi ?
- Speaker #3
Eh ben c'est chouette ! Moi c'est un peu plus galère, je te le disais déjà. hors antenne en ce moment, c'est une nausée géante qui m'accompagne en permanence. Voilà, mais je suis très heureuse de te retrouver.
- Speaker #2
Je te souhaite que les choses s'apaisent vite. Merci.
- Speaker #3
Donc, toi, tu viens témoigner de la neuroatypie aujourd'hui. Donc, bien que ce soit un terme qui est fréquemment utilisé maintenant, certaines personnes ne sont pas encore à l'aise avec son sens. Toi, avec tes mots, comment est-ce que tu définis la neuroatypie ?
- Speaker #2
Alors c'est difficile de définir la neuroatypie quand on est neuroatypique parce que nous c'est notre normalité. Ce gros mot là que tout le monde utilise, la norme c'est de faire ci, c'est de faire ça. Et bien quand on est neuroatypique, c'est ce qu'on ressent, c'est ce qu'on vit, c'est comme on pense en fait aussi beaucoup. Neuro, on reconnaît la sphère du cerveau en fait dans le mot. Et donc en fait être neuroatypique... C'est avoir un fonctionnement cognitif différent de la majorité des personnes. Voilà, en gros. Et du coup, ça a plein de petites conséquences. Donc voilà, moi, personnellement, je suis diagnostiquée d'un trouble du spectre autistique, d'un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Et j'ai aussi une condition de haut potentiel intellectuel. Et donc voilà, j'ai le bingo, comme je dis, neurotypique. Il y en a d'autres, il y a tous les dix, notamment, qui sont aussi des neurotypiques. Enfin voilà, c'est un... C'est large en fait, je pense qu'on a toutes et tous des neurotypiques autour de nous, sans forcément le savoir, mais du coup ça change notre façon de nous relier au monde, de penser le monde, de nous relier aux autres, et même de nous relier à nous-mêmes en fait, j'ai l'impression, ce ne sont pas les mêmes connexions qui sont branchées, et voilà, ça peut causer des difficultés dans un monde qui va forcément adapter.
- Speaker #3
Et si, du coup, il y a des personnes neuro-atypiques, est-ce que ça veut dire qu'en opposition, il y a des personnes qui sont neuro-typiques ?
- Speaker #2
Alors, c'est un vocabulaire que nous, on utilise, les neuro-atypiques. Mais voilà, les personnes neuro-typiques ne disent pas bonjour, je suis neuro-typique elles n'ont pas besoin de le dire. Mais nous, effectivement, c'est un vocabulaire qu'on utilise. Et pour être tout à fait honnête, c'est souvent un vocabulaire qu'on utilise pour faire des blagues, parce que nous aussi, on a besoin de rigoler. Il y a un humour neuroatypique. Et donc, voilà, on aime bien aussi, nous, faire des blagues sur les neurotypiques. Moi, par exemple, je trouve les neurotypiques extrêmement compliqués, alors qu'en fait, ils trouvent l'inverse.
- Speaker #3
Et qu'est-ce qui fait que les neurotypiques n'ont pas besoin de se définir comme tels ?
- Speaker #2
Parce que tout est adapté à ce fonctionnement cérébral, cognitif. Donc, je pense que... Il n'y a pas besoin de se poser de questions en fait, quand on fonctionne comme tout le monde, on ne se pose pas de questions tout simplement. Donc forcément, c'est les personnes qui ont des difficultés qui en viennent à poser un mot dessus.
- Speaker #3
Donc vraiment de manière très grossière comme ça, les personnes neurotypiques sont des personnes qui fonctionnent comme la norme le demanderait, les normes sociales ?
- Speaker #2
Ah bah pas que les normes sociales, parce que tout n'est pas qu'une norme sociale, c'est aussi une façon de pensée, une façon de brancher ces neurones. Et c'est pour ça que c'est encore les normes sociales, on peut avoir une pensée dessus, on peut y réfléchir, mais la façon dont notre cerveau se branche pour accueillir les informations, les stimuli, etc. C'est difficile d'avoir un retour dessus. C'est hyper spontané en fait.
- Speaker #3
Est-ce que tu as des exemples concrets qui peuvent exprimer ce que c'est un comportement d'une personne neurotypique et une personne neuroatypique ?
- Speaker #2
Alors, je vais donner un exemple de quelque chose que j'ai réalisé il y a quelques temps en lisant un livre de Brigitte Harrison qui écrit sur l'autisme avec de très jolis mots parce qu'elle est aussi autiste en fait. Et elle parle de conditions autistiques, c'est des mots un peu plus jolis que trouble et tout ça. Et en fait, dans un de ses livres sur la confiance en soi, par l'estime de soi pour les autistes, elle raconte en fait que nous, par exemple, quand il y a un geste qui nous touche, si on ne l'a pas vu venir, on n'arrive pas à l'intégrer. C'est-à-dire que par exemple, moi si j'ai une main dans le dos, alors que je ne l'ai pas vue, si quelqu'un me touche, je ne vais pas réussir à traiter l'information. Et même quand la personne a sa main qui est retirée, je sens la marque. Tant que mon cerveau n'a pas intégré ou m'a touché le dos, en fait, il y a quelqu'un, voilà. Donc même si c'est quelqu'un que j'apprécie, que je n'ai pas de problème à être tactile avec cette personne, ça va me poser un problème cognitif. Là, ce n'est pas émotionnel, ce n'est pas autre chose en fait. Donc voilà, c'est un exemple et c'est quelque chose avec lequel les personnes neurotypiques n'ont pas de problème, ce traitement de l'information en fait. C'est comme quand on prend sa douche, c'est ce qu'elle nous raconte aussi, ou quand il pleut, je ne sais plus c'est quoi l'exemple dans le livre, mais il faut qu'on voit l'eau arriver en fait, sinon ça fait bizarre, on ne comprend pas. Et moi quand je prends ma douche, je regarde le pommeau quoi ! Je me suis rendue compte de ça en lisant son livre. Donc, on peut avoir l'impression que ce n'est pas grave, que c'est des toutes petites choses. Ça, c'est qu'un exemple parmi tout un large... Enfin voilà, plein de choses qui peuvent nous arriver dans la journée, il n'y a pas que ça évidemment. Mais en fait, ça demande un traitement de l'information qui est fatigant. Il y a beaucoup de choses, notre machine, il y a beaucoup d'autistes qui disent que c'est comme si les neurotypiques fonctionnaient avec une boîte automatique et nous avec une boîte manuelle. On est toujours en manuel. Donc, c'est comme si le pilote d'avion, il n'avait pas le mode automatique et qu'il fallait toujours être en manuel. Donc, tout surveiller, faire chaque geste, chaque vérification, et du coup, forcément, c'est fatigant.
- Speaker #3
Donc, par exemple, quand tu as une personne qui pourrait te mettre cette main dans le dos sans que tu aies eu le temps de traiter l'information, de l'appréhender, quelle peut être ta réaction ?
- Speaker #2
Moi, souvent, il y a une réaction de rejet, en fait. La première, c'est du rejet. Il peut y avoir de la colère aussi. Alors, on est doué pour ne pas le montrer. Donc, voilà, on s'est masqué, malheureusement. On s'adapte et tout. Parce que, voilà, quand on vieillit, on se rend bien compte que ces réactions-là n'ont pas de sens socialement, en fait. Parce qu'il n'y a rien de méchant contre nous, donc on ne le montre pas. Mais à l'intérieur... Il y a un rejet, il peut y avoir un dégoût même, rejet, dégoût, c'est ce genre d'émotion que je peux avoir. Il peut y avoir de la colère et souvent cette colère c'est plutôt je suis comme ça, c'est chiant C'est plutôt ça, plutôt que contre la personne en fait, parce que c'est des personnes qui ne sont pas au courant. Évidemment, si c'est des personnes proches qui savent ce que ça fait, la colère n'est pas dirigée dans le droit. Mais voilà. Tu vois un peu l'idée.
- Speaker #3
Toi, tu vis avec ce que tu appelles une trilogie de neurotypies. Tu parlais du trouble du spectre autistique, en abrégé, c'est TSA. Le trouble de l'attention et hyperactivité, donc le TDAH.
- Speaker #2
Déficit de l'attention.
- Speaker #3
Pardon ?
- Speaker #2
Trouble du déficit de l'attention.
- Speaker #3
Trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. et le haut potentiel intellectuel qu'on appelle souvent
- Speaker #0
HPI.
- Speaker #1
Bien juste.
- Speaker #3
Est-ce que tu pourrais nous expliquer comment cette trilogie se manifeste dans ta vie ? Évidemment, c'est très global. Tu peux toujours revenir sur des exemples hyper concrets. Et quelles sont un peu leurs particularités aussi à chacun ?
- Speaker #2
Ok. Alors, ce qu'il faut savoir, c'est que... Le HPI, c'est un peu plus simple parce que le consensus aujourd'hui dans les neurosciences, c'est en gros qu'il y a un QI élevé. Et ça, c'est facile à appréhender. Ça aide en fait, dans mon cas. C'est un soutien énorme pour pouvoir poser des réflexions et prendre du recul, et trouver des solutions, et être créatif. Enfin voilà, c'est vraiment... Pour moi, c'est une mine d'or et du coup, c'est que du plus. Je suis contente d'avoir cette trilogie qui est celui-là qui est présent aussi. Après, les deux autres, le TSA, le TDAH, c'est des spectres. Donc en fait, ce que je vais raconter, moi, me concerne, mais ça peut se manifester de manière bien différente chez d'autres personnes. C'est ça qui est aussi compliqué avec les neuroatypies, c'est que souvent, c'est des spectres et ça peut prendre plein de formes différentes. Moi, par exemple, le TDAH, j'avais vraiment pas pensé que je pouvais avoir un TDAH. Il faut savoir que j'ai été diagnostiquée TSA-TDAH à 36 ans, donc c'était assez tardif. Le HPI, j'étais au courant depuis mes 19 ans. Et comme beaucoup de monde, j'ai cru que c'était l'explication de tout, de mon hypersensibilité, tout ça. non, c'est juste un cuit qui est élevé. Et je regrette d'avoir cru à ces fautes, entre guillemets, scientifiques qui sont un peu répandues. Parce que si j'avais su que c'était que ça, entre guillemets, je serais allée creuser plus loin et j'aurais vu plus tôt qu'il y avait d'autres neuro-ADP associés et pas des moindres quand même. Et donc voilà, le TDAH, je ne pensais pas parce que je suis quelqu'un, on parle du déficit de l'attention, moi je n'oublie rien. Je suis quelqu'un qui fait attention, qui ne perd jamais ses affaires, qui n'oublie pas de rendez-vous. Enfin voilà, donc ayant des personnes TDAH autour de moi, je me disais, je ne ressemble pas en fait. C'est pas moi. Et en fait, finalement, j'ai quand même une hyperactivité et une appréhension de la concentration bien à moi. Ou au final, il faut que je me... Par exemple, mon métier, c'est d'écrire. En fait, j'écris des livres et du coup, j'ai besoin de passer une heure à trouver quelle musique va avec ce que je vais écrire, etc. Donc, il y a tout des rituels et des choses qui font que... Ma concentration est assez originale aussi. Ma psychiatre, celle qui m'a diagnostiquée, me regardait avec des gros yeux quand je lui disais moi, je travaille mieux si j'ai quelqu'un pour discuter avec moi en même temps
- Speaker #0
C'est quelque chose comme ça.
- Speaker #2
Et du coup, c'est assez particulier. Je me suis rendue compte que je n'étais pas si concentrée que je voulais bien le croire. Et puis c'est surtout cette hyperactivité qui chez moi est très mentale. Et des fois, en fait, ça tournait en rond et ça me causait des gros problèmes de sommeil. Je n'arrivais pas à dormir ou alors je dormais que sur... C'était un sommeil où je pouvais être facilement réveillée et tout ça. Et en fait, c'était dû à ce trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Voilà, donc moi, les points positifs, c'est que ça me donne de l'énergie, beaucoup de créativité. J'ai toujours l'élan de rebondir et ça, c'est quelque chose dans mon parcours qui m'a beaucoup aidée. Et je pense que c'est aussi dû au TDAH. Et puis après, au niveau du TSA, du trouble du spectre autistique, moi, je le vois vraiment comme une espèce d'identité. En fait, c'est très fort mon lien avec le TSA aujourd'hui. Et c'est une partie de moi et je ne sais pas comment le reste aussi, mais je ne sais pas. Je pense que c'est celui-là qui a besoin d'être le plus valorisé parce qu'il est le plus stigmatisé. Donc, j'essaye de tisser des liens d'amour avec cette partie-là, en fait. C'est l'hypersensorialité qui est la plus difficile à vivre, je pense, parce que c'est ça qui est très, très fatigant. d'être usée par des bruits, par des mouvements, par des lumières, par des odeurs, par plein de choses qui font que même si je vais passer un super moment quelque part et que je suis heureuse d'y être avec des gens chouettes et tout, je vais devoir prendre des congés après pour m'en mettre. Et voilà, après un besoin de s'organiser. de ritualiser les choses, enfin voilà, il y a plein de petites choses comme ça. Mes intérêts spécifiques en tant qu'autiste, ce qu'on appelle des intérêts spécifiques, on a des passions des fois qui sont très atypiques aussi, et qui nous... dans lesquelles on est complètement à fond quoi, et on peut passer des heures dedans, et du coup ça peut être un peu étrange aussi pour les autres. Et voilà, moi je trouve que la plus grosse difficulté que j'ai eu à appréhender en tant qu'autiste, c'est les relations en fait avec les autres, à cause d'une communication compliquée, parce que je n'intègre pas, comme la plupart des personnes qui m'intéressent à ça, les codes sociaux qui n'ont pour moi aucun sens. C'est-à-dire par exemple, je dirais concrètement que quelqu'un... essaye de me montrer ce que je devrais deviner sans me le dire, je ne vois pas l'intérêt d'aller, comment dire, voilà, mais non, mais ça, t'aurais pu le deviner, ou pourquoi tu ne l'as pas vu, ou tout ça. Il faut savoir qu'en tant qu'autiste, je ne suis pas capable de deviner le langage non-verbal, les sous-entendus, l'ironie, je vérifie que ça en est. J'ai des discussions avec les autres, j'arrive à en faire et tout, mais c'est un apprentissage. Donc il faut toujours que je vérifie quand on me dit quelque chose. Ma première réaction, c'est souvent Ah ouais ? Mais c'est vrai ? Et du coup, ça a pu me causer beaucoup de soucis, dans mes amitiés en particulier, parce que je n'avais pas l'attitude attendue, alors que... J'étais toujours en grand amour, grand cœur ouvert avec les autres, mais que ce n'était pas forcément ressenti comme tel parce que je n'avais pas les codes.
- Speaker #3
Moi, j'ai une question de curiosité presque un peu personnelle. Par rapport à l'ironie dont tu parles, typiquement, je remarque sur les réseaux sociaux, je vais souvent écrire des choses qui sont fausses avec de l'ironie, mais je suis persuadée que tout le monde le comprend. Mais en fait, pas du tout. Et je me demandais comment je pouvais rendre ça accessible, c'est-à-dire comment je peux faire comprendre que c'est de l'ironie et que ce n'est pas réel ce que j'écris à ce moment-là. Par exemple, je te donne un exemple très concret, je peux dire je suis ravie de voir à quel point l'État est hyper soutenant envers les personnes malades alors qu'en réalité, ce n'est pas du tout la vérité. Au contraire, je suis en train de critiquer l'État qui ne soutient pas les personnes malades. Donc qu'est-ce que... Comment je pourrais refléter ça pour qu'une personne qui ne saisit pas forcément cette ironie puisse saisir que c'en est ?
- Speaker #2
Alors, ce qui marche bien, c'est les émojis. Si tu en mets à côté, tu vois l'émoji avec la petite goutte qui tombe sur le côté ? Moi, je le comprends bien celui-là. Je vois bien qu'il y a quelque chose. Pas mal. Ou avec une amie qui est aussi autiste, quand on le met à côté de la plaque et qu'on fait exprès, on met celui qui a les fausses lunettes avec la moustache, tu vois ?
- Speaker #3
Oui, tout à fait.
- Speaker #2
Mais bon, après, ça les code de chacun. Mais oui, ou tout simplement l'émoji qui rigole, en fait. Enfin, ça, ça aide. Ça aide beaucoup à capter ça, quoi.
- Speaker #3
Je te remercie. Je voulais aussi te poser la question. Donc, c'est vrai que toi, tu n'as pas cette image qu'on s'est construite de la personne autiste. Franchement, on a encore tendance à imaginer qu'une personne autiste est une personne qui... qui est comme dans le film Rain Man, alors que je crois que ça représente seulement 1% des personnes autistes. Comment tu vis, toi, ce décalage entre la représentation qu'on a des personnes autistes et le fait que toi-même, tu es une personne autiste ?
- Speaker #2
C'est un peu complexe parce qu'au départ, moi, j'avais aussi cette représentation de l'autisme, donc je ne me sentais pas concernée. Ce n'était pas moi, en fait. Et puis après, il y a eu tous les discours sur l'autisme au féminin, avec le travail de Julie Dachez, notamment en France, qui a sorti une BD, etc., qui a parlé sur les réseaux sociaux. Et là, je me suis dit, ah, mais bon, autour de moi, on me disait, mais non, tu n'as pas l'air autiste. Cette fameuse phrase, voilà, ce n'est pas ça. Donc, j'ai mis des années à traîner comme ça, ces représentations-là, moi-même. Donc, je ne peux pas en vouloir aux gens de les avoir. Mais effectivement, elles sont complètement à côté de la plaque. Complètement à côté de la plaque. Et puis, je pense en fait qu'au lieu d'axer sur quelqu'un qui a un fonctionnement différent, on axe sur du côté qui met mal à l'aise, qui est chelou. Et c'est dommage. Mais bon, dans notre société, l'appréhension de la différence, c'est toujours compliqué. Mais ce n'est pas facile parce que c'est vrai que... Quand moi je dis que je suis autiste, les personnes autour, j'ai eu des réactions incroyables. Mais non, c'est pas possible que t'aies amoureuse ! J'ai eu ça comme réaction par exemple. Parce que les autistes n'ont pas de sentiments, voyons, évidemment ! Ou alors Non, j'ai vu telle personne dans une série, elle était pas comme toi ! C'est assez fou quoi ! Et du coup, oui, c'est un peu perturbant. Moi, avec les personnes avec qui je sens qu'il peut y avoir des réactions compliquées, je préfère dire que j'ai un trouble du neurodéveloppement, ce qui est le cas, vu que ça en est un, parce que le mot, il est encore galvaudé.
- Speaker #3
Du coup, tu as eu ces diagnostics relativement tard, parce que toi-même, tu ne t'assimilais pas.
- Speaker #2
fait quelque part à ces diagnostics là comment on est arrivé à être diagnostiqué alors faut savoir que le lien en fait de tout ce qui a pu m'arriver dans la vie et de et de cette bingo de la neurotypie que j'ai tous et un trouble anxieux et donc j'ai voulu évidemment comme toutes les personnes qui souffrent aller mieux du coup j'ai investigué par Comme j'avais aussi, et c'est le cas de beaucoup de personnes neuroatypiques, parce qu'on a ce qu'on appelle des comorbidités, ce mot ravissant, tu vois je fais de l'ironie. C'est la glousse sur le fond. Voilà, justement, ce mot ravissant, comorbidité, donc des troubles associés qui peuvent apparaître. Et donc moi j'avais un état de stress post-traumatique, parce que c'est aussi un classique de malheureusement vivre des traumas. Évidemment, quand on peut se séparer de ma grande crédulité, on peut vite se faire avoir aussi par les autres, etc. Enfin, voilà. Et donc moi, j'ai investigué ça et c'est vrai qu'en fait, je voyais une avancée phénoménale dans la guérison de mon état de stress post-traumatique et il y avait des choses qui restaient. Je me disais, c'est bizarre, quoi. Parce que j'ai vraiment plus l'impression de souffrir de ce qui m'est arrivé. J'ai plus tellement de choses résolues et de somatisation physique. Je me suis dit, c'est incroyable quand même. Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai qui cloche, en fait ? Je sentais qu'il y avait quelque chose. Et puis, il y a eu le confinement. Et là, pendant quelques mois, j'étais peinard dans ma bulle à écrire des livres. Mes deux premiers livres en plus. Donc, moi, c'était le bonheur absolu avec mon mari qui me faisait à manger et tout. Enfin, j'étais trop bien, quoi. Et quand on est sorti de confinement, j'étais épuisée, en fait. J'étais épuisée par le monde autour, par les bruits qui revenaient, par tout ça. Et je me suis dit, ok, là, il y a un truc, en fait. Et de fil en aiguille, j'ai réfléchi à cette histoire de neurotypie. Et je me suis lancée dans un parcours diagnostique qui a été long, parce que c'est long, les parcours diagnostiques, malheureusement, pour avoir des rendez-vous, etc. Et puis voilà comment j'en suis arrivée là, en fait, en gros. Et j'ai découvert pourquoi, effectivement, il restait des choses qui pouvaient m'embêter dans le rétablissement du trouble anxieux. Voilà.
- Speaker #3
Ça a été un soulagement pour toi de recevoir ces diagnostics ?
- Speaker #2
Alors, je suis passée par plusieurs phases. Parce que c'est vrai que je suis arrivée avec les personnes qui m'ont fait le parcours de soins avec cette question. C'est est-ce que je suis autiste ou est-ce que c'est juste ? le résidu de mes traumatismes, ce qui m'arrive. Et du coup, c'est vrai qu'il y a eu débat. Ça a été une investigation qu'on a dû pousser parce qu'on n'était pas sûrs. Il fallait aussi traverser les clichés sur l'autisme, à savoir que moi, j'aime être en lien, j'aime avoir des amis, c'est important pour moi. Du coup, on dirait que les autistes ne sont pas sociables. Donc voilà, il fallait traverser un peu tout ça, observer mon enfance aussi. Ma mère a dû répondre à un questionnaire, tout ça. Enfin voilà, il a fallu explorer tout ça. Et voilà, on est sur un exemple typique du TDAH. Je ne sais plus pourquoi je suis en train de parler de ça.
- Speaker #3
Je te demandais si tu avais été soulagée.
- Speaker #2
Ah, merci.
- Speaker #3
Ouais, de ces diagnostics.
- Speaker #2
Alors voilà, en fait, moi, je voulais juste... Mais vraiment, sincèrement, ce n'est pas de la langue de bois, je voulais juste aller bien. Donc peu importe tant qu'on m'expliquait ce qu'il y avait, je voulais juste aller bien. Donc j'étais soulagée de savoir pourquoi, parce que c'est important pour moi de comprendre les choses. Après, ça m'a foutu un coup parce que l'état de stress post-traumatique, on peut s'en débarrasser, l'autisme non. Donc ça, ça a été un petit peu difficile et puis en fait ça a été une refonte totale de mon identité. Mais au final elle s'est faite assez vite et maintenant elle se fait dans une immense joie en fait parce que ça fait beaucoup beaucoup beaucoup de bien de pouvoir comprendre qu'on a le morceau manquant. Enfin moi en tout cas, je sais pas si c'est le cas pour tout le monde mais moi c'est vraiment ce que ça m'a fait, d'avoir le morceau manquant. et de se dire, ok, en fait, ça, c'est mon identité. C'est pour ça que je suis à côté de mes pompes. Des fois, j'ai l'impression de ne pas être souveraine, de ne pas être le sujet de ma vie, de tout ça. Il me manquait le bout, quoi, le gros morceau. Et aujourd'hui, je vois toutes les choses, sincèrement, les choses que je préfère chez moi sont dues à ma notre typique, en fait. Moi, j'aime bien mon côté marginal, qui s'intéresse à des trucs un peu... Voilà, mon côté rat de bibliothèque, c'est ça. C'est... C'est moi, en fait, et je suis contente d'être comme ça.
- Speaker #3
C'est joli. Tu dis que vraiment, à la base, tu cherchais à aller bien. Est-ce que du coup, les diagnostics ont amené ensuite des outils ou des manières de comprendre certaines choses qui te permettent aujourd'hui d'avoir atteint cet objectif ?
- Speaker #0
Oui, pour moi, là, je suis, comment dire, en santé mentale rétablie. On ne peut pas guérir de l'autisme, vu que ce n'est pas une maladie. Donc, arrêter sur Internet avec ces histoires de il faut prendre de la vitamine C ou je sais pas quoi Ça suffit, en fait. Mais on parle de rétablissement. Donc, le rétablissement, c'est quand on est en équilibre, en fait, avec sa santé mentale. Et moi, c'est mon cas en ce moment. Et du coup, j'ai pu... faire plein d'aménagements dans ma vie pour me sentir dans cet état-là. Donc un bon accompagnement, ça c'est sûr que c'est important. Mais après, au quotidien, on peut faire plein de choses. Et on peut transformer son entourage en allié aussi. Ça c'est une force incroyable autour de nous, puisque moi des fois je ne me rends pas compte que je suis fatiguée. On me dit, tu ne veux pas te reposer un peu ? Tu me dis s'il y a trop de monde et que tu veux rentrer ou des choses comme ça. Et ça, c'est la nouveauté magique dans ma vie depuis qu'on n'est plus en parler.
- Speaker #1
Ces aménagements, ils t'ont été proposés par des thérapeutes ?
- Speaker #0
Alors, certains oui, et pas des moindres. On en parlerait après. Mais il y a quand même eu beaucoup de choses que j'ai apprises par moi-même. Parce que... Avant d'avoir le diagnostic, je me suis quand même beaucoup renseignée, j'ai beaucoup lu, j'ai lu beaucoup d'études, etc. Et puis, il y a le fameux HPI qui aide, comme je disais. Donc, ça mouline là-dedans et ça trouve des solutions aussi. Et moi, j'adore expérimenter. Je dis que je suis un rat de bibliothèque, mais je suis aussi mon propre rat de laboratoire. Et je teste des choses pour voir si je me sens bien ou pas en faisant ci ou en faisant ça. Donc, il y a eu les deux. Mais ce que m'ont apporté les professionnels de santé, ce n'était pas forcément une excellente nouvelle pour moi à la base. C'était qu'on m'a conseillé de faire du sport. Et ça, vraiment, ce n'était pas une bonne nouvelle. Moi, j'étais la grande dispensée des cours d'EPS. La feignasse, l'intello, qui n'aime pas les sports collectifs, tout ça. Donc, ce n'était pas trop mon kiff. Sauf que, en lisant des études, je me suis rendue compte qu'effectivement, ça pouvait me réguler. Ça pouvait réguler beaucoup de choses, mon système nerveux. Et du coup, j'ai rencontré un coach sportif qui aujourd'hui m'accompagne. Et c'est assez impressionnant de voir les bienfaits que ça me fait. C'est une vraie révélation. Je n'aime toujours pas faire de sport, je ne vais pas mentir. Mais par contre, ça me rend heureuse.
- Speaker #1
Et du coup, toujours pas en collectif, de manière individuelle pour toi ?
- Speaker #0
Ah oui, sinon ça va me créer du stress en fait. C'est-à-dire que plein de fois, j'essayais d'aller dans des cours de danse, d'aller dans des salles de yoga, tout ça. Et en fait, je ne ressortais pas bien à chaque fois. Et je ne comprenais pas pourquoi. Et c'est tout simplement parce que je n'étais pas en train de me dépenser ou de vider mon stress et tout. J'étais en train de me dire, les autres, il y a les autres. qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Là, je verbalise, mais je ne m'en rendais pas compte. Mais c'est vrai qu'en fait, j'étais aux aguets parce que c'était un contexte social. Et donc, moi, je ne pouvais pas me décharger, en fait, finalement.
- Speaker #1
Est-ce que ce coach, il est sensible outre mesure, enfin, aussi à ta condition mentale ou seulement physique ?
- Speaker #0
Alors, il l'est. puisque c'était une condition une collaboration je lui ai fait faire le fort boyard de la neuro-atypie de la bienveillance avant de travailler avec lui et il est super chouette, j'ai beaucoup de chance parce qu'il n'y a pas forcément tous les coachs qui sont comme ça il y en a beaucoup qui on voit des vidéos sur internet t'es en dépression, bouge ton cul oui Voilà, super. Merci, ça fait plaisir. On entend des choses assez horribles. Lui, en fait, il s'est bien rendu compte qu'il fallait qu'il m'aide. Et du coup, on a relevé ensemble mes points de blocage. Il a été assez à l'écoute et assez gentil pour que je me sente à l'aise pour lui dire même des trucs bêtes, des trucs qui peuvent paraître bêtes. Euh... Par exemple, je n'arrivais pas au début, maintenant ça va mieux, mais à faire mon sport si mon mari était à la maison. S'il passait derrière moi pendant que je faisais mon sport et qu'il me parlait de quelque chose, ou même si c'était un truc chouette en fait, je buguais complètement parce que j'étais en train d'essayer de comprendre, de ne pas me blesser avec mon haltère. J'étais dans mon mouvement et du coup, ça faisait une sur-sollicitation. Et j'étais très nerveuse. Donc voilà, il y a plein de petites choses comme ça où on en a parlé, on a trouvé des solutions et il est hyper à l'écoute et j'ai beaucoup de chance.
- Speaker #1
Et si j'ai bien compris, justement, tu disais avant que tu as besoin d'un environnement particulier pour te concentrer.
- Speaker #0
Oui, en plus, j'ai un bon exemple pour le sport parce que la plupart des personnes mettent de la musique qui incite au cardio pour faire du sport. Et donc moi, en bonne élève... Je faisais pareil. Et un jour, j'ai oublié. Merci le TDAH de lancer la musique. Et en fait, j'étais vachement mieux. Donc en fait, je me suis dit, OK, en fait, les basses, moi, ça ne me fait pas du bien. Ça me stresse. Et au final, là, par exemple, j'ai passé tout le mois de décembre à faire mon sport de fin des films de Noël. Ça m'allait très bien.
- Speaker #1
J'adore. Mais c'est intéressant parce que ça me pose la question suivante. Est-ce que tu as l'impression que... tu t'es souvent suradaptée, que tu as mis en place des actions parce que les autres font comme ça. Vraiment ce côté du sport qui est tout bête, genre on met de la musique cardio. Les gens ont l'air de faire ça, je vais faire ça. Mais au final, moi, je fais mon gainage devant les films de Noël, il n'y a rien de mieux. Est-ce que tu as eu l'impression de souvent vivre peut-être presque à côté de toi et de ta personnalité réelle pour faire et t'adapter à ce que font les autres ?
- Speaker #0
Exactement ça. C'est ce qui s'est passé pendant 36 ans. Vraiment. Du coup, je pense que c'est pour ça que j'étais aussi fatiguée, parce que c'est la suradaptation qui fatigue beaucoup et qui mène aux effondrements autistiques, aux burn-out autistiques, qui sont des formes d'épuisement particuliers, qui sont typiques à ce qu'on vit nous. Et tu as perdu le fil.
- Speaker #1
C'était la question de la suradaptation.
- Speaker #0
La suradaptation. Tout à fait. Et du coup, ouais, en fait, ça a vraiment été ça. Et c'est exactement ce que tu dis, j'en parlais tout à l'heure sur l'histoire de l'identité, de récupérer son identité. En fait, c'est ça, je ne me connaissais pas. Parce qu'en fait, je faisais comme les autres font, comme ce que les autres attendent de moi, ou ce que je lis ma ligne qu'ils attendent de moi. Donc en plus, des fois, c'était complètement que j'ai de la plaque. Moi, j'ai lu beaucoup de livres. ça. Donc voilà, je faisais un peu comme ce que j'imaginais, ce que je voyais. Et au final, ouais, au final, c'était pas moi, quoi. Parce que oui, je suis peut-être quelqu'un qui soulève des haltères devant des films de Noël, tout simplement.
- Speaker #1
Et comment ça a été de te réapprendre à l'âge de 36 ans ?
- Speaker #0
Un bonheur, ça. Franchement, parce qu'en fait... C'est triste de voir qu'on est passé à côté de plein de choses et tout ça. Mais en fait, il y a un point très positif à l'autisme, c'est d'être dans le temps présent. Parce qu'en fait, on est vraiment dans le temps présent, nous. On est, voilà. Des fois, on l'est trop, en fait. Parce que quand ça ne va pas, on n'arrive pas à s'en détacher. Il y a vraiment un rapport au temps présent qui est très fort. Et du coup, ben... Quand je me redécouvre et que je me sens moi-même, alignée, du coup, quand je fais des choses adaptées à moi, j'ai des récompenses. C'est-à-dire que j'ai tout mon circuit, dopamine, sérotonine, etc., qui se met en route. Donc, mon système nerveux est content, moi aussi. Et du coup, voilà, il y a tout ça qui se met en œuvre. Et ça, j'en profite vraiment pleinement. Donc, non, là-dessus, c'est hyper chouette, quoi.
- Speaker #1
Est-ce que du coup, tu as dû envoyer chier des contextes de vie, des relations, des choses que tu faisais qui n'avaient plus de sens à partir du moment où tu t'es rendu compte que ce n'était pas tout à fait toi ?
- Speaker #0
Alors, envoyer chier, je ne dirais pas parce que ça s'est fait dans la douleur. Ça n'a pas été allez, maintenant, je m'en fous et tout ça. Mais oui, notamment des relations en fait. Parce que quand j'ai fait mon braining out comme on dit chez nous. Un brain-ing out Brain-ing out comme coming out mais du cerveau, quoi, tu vois. Quand j'ai fait mon brain-ing out je suis revenue un peu discuter avec des personnes avec qui ça s'était pas bien passé au niveau de la communication, en disant, genre, mais vraiment la candeur absolue, ça y est, je sais pourquoi, tout va bien, en fait, je suis juste petite Et en fait, à ce moment-là, j'ai eu... Pire que des douches froides, quoi. Puisque des personnes ont dit, bah non, mais ça ne change rien, en fait. Ce n'est pas le problème. Bah si, dans une relation, l'autisme, on ne peut pas dire que ce n'est pas un problème. C'est absolument pas possible, quoi. Et du coup, ça, ça fait beaucoup de mal. Donc, effectivement, les personnes qui réagissent comme ça et qui ne sont pas capables d'être des alliés et de prendre ça en compte, vu que moi, je ne peux absolument pas changer ma condition. C'est-à-dire que comme tout un chacun, je peux... discuter, apprendre à pas faire mal à l'autre et voilà on peut tout à fait dialoguer et assainir la relation et tout ça, ça y a aucun souci mais je peux pas me changer en fait, je peux pas enlever mon autisme, ce n'est pas possible donc en fait là c'est des relations j'ai dû complètement effectivement les couper et il y avait des relations auxquelles je tenais beaucoup donc c'était... C'était dommage, c'était des deuils en fait.
- Speaker #1
Du coup, tu m'avais dit la dernière fois quand on s'était rencontré qu'il y a eu quand même passablement des fois des sortes de quiproquos au final relationnellement. Est-ce que tu serais d'accord de nous en raconter un ou deux ?
- Speaker #0
Alors là, tu vois, on est vraiment dans le problème du temps-présence, il faut que je m'en rappelle. C'est une chose que... des gens me disent ah là là mais t'es résiliente c'est génial et tout et non mais en fait c'est juste que là tous les trucs qui m'ont encombrée au fait du match je préfère vraiment les laisser derrière vu que j'ai cette possibilité d'être dans le temps présent je sais pas si j'ai des idées comme ça en fait c'est très compliqué à expliquer je pense que les personnes qui sont comme moi vont reconnaître ce que je veux dire J'anime un atelier de groupe de parole entre neuro-atypiques et hier soir on s'est retrouvés et il y a une personne, une nouvelle personne qui est arrivée et qui s'est mise à pleurer en nous disant ah là là avec les autres moi j'ai tout fait bien, enfin voilà j'ai tout fait bien et en face ça n'a pas du tout été perçu comme ça et je croyais que tout allait bien et tout d'un coup j'ai eu une liste de reproches et puis c'était fini quoi et j'ai pas compris. Et en fait tout ce que je peux dire c'est ça. Parce qu'en fait, je n'ai pas compris. Tu vois ? Tous les quiproquos que j'ai pu avoir, ceux qui ne se sont pas résolus, je n'ai toujours pas compris. Et les personnes avec qui ce n'était pas des problèmes parce que ça ne les dérange pas, le franc-parler. Parce qu'il y a ça aussi avec le TIFF, parce qu'il n'y a pas de filtre. Donc, on peut dire les choses un peu cash parfois. Même si moi, j'ai vraiment appris à mettre... Voilà, j'ai une amie qui a dit une fois que j'étais... Une main de fer dans un gant de velours, donc... Margaret Thatcher ! Ça, c'est pas sûr que ce soit très sympa ! Mais du coup, non, je pense que je mets beaucoup de douceur, parce que ça fait partie de ma personnalité quand je dis les choses, mais bon, apparemment, des fois... Enfin, je sais pas, moi, ce qui s'est mal passé, je comprendrai jamais, en fait.
- Speaker #1
Tu m'avais aussi confié que tu avais trouvé un moyen de communiquer ton affection à ton entourage. Est-ce que tu te souviens de ce que c'était ? Tu serais d'accord de nous partager ? Je peux te donner des petits indices ? Oui,
- Speaker #0
des indices parce que...
- Speaker #1
C'est une soirée que tu créais ?
- Speaker #0
Oui, effectivement. Oui, tout à fait. Oui, et puis c'était quelque chose que je faisais avant de savoir que j'étais autiste. Donc c'est ça qui est marrant aussi, comme quoi on trouve toujours des moyens. En fait, chaque année, j'organise un dîner de Friendsgiving. où j'invite des personnes qui ont marqué mon année, justement que j'ai considérées comme des alliés. À l'époque, je ne disais pas ça parce que je n'avais pas le diagnostic, mais c'était l'idée. Et mes invités ont chacun un petit mot qui les attend sur la table où je leur dis merci de manière spécifique. Et là, je lâche tout. Et du coup, il y a le petit moment où ils ouvrent leur papier et où ils en reviennent. Je tremble un peu et eux aussi. C'est le torrent d'amour qui arrive. Et je m'en écris un à moi aussi. C'est le plus difficile à écrire. Celui-là, il n'est pas facile.
- Speaker #1
Mais c'est joli. Est-ce que tu as l'impression que du coup, tu n'arrives pas forcément à communiquer de manière générale ton amour et ton affection ?
- Speaker #0
Eh bien, j'y arrive vachement mieux depuis que je suis diagnostiquée. Et je pense que c'est dû au fait que je suis beaucoup plus sujet de ma vie, tout simplement en fait. Quand on part de soi, c'est beaucoup plus facile de communiquer des choses, quand on se donne une légitimité à être là. c'est beaucoup plus facile de se dire je t'aime. C'est une évidence. Et moi, je ne suis pas du tout avare en mots doux et en affection. Pas du tout. Mais c'est vrai qu'en fait, maintenant, c'est plus fluide.
- Speaker #1
Je passe un peu du coq à l'âne, mais c'est une question qui me trotte dans la tête. Est-ce que tu as la sensation qu'on vit dans des systèmes qui sont adaptés aux personnes neuroatypiques ?
- Speaker #0
Non, c'est sûr que non. Ce n'est pas parce que certains supermarchés font des heures spéciales en baissant la lumière et en mettant moins de musique, en coupant la musique. On ne sait pas si c'est pour faire des économies d'énergie ou si c'est pour être gentil avec les neuroatypiques que le monde n'est adapté vraiment pas. Puisque déjà, c'est déjà... Juste dire j'ai un fonctionnement différent, tout le monde fait oh non Tu vois, c'est déjà rien que cette réaction, le monde n'est pas adapté. C'est évident que ce soit si difficile que ça d'accéder à des diagnostics, à des aides.
- Speaker #1
Du coup, j'imagine que c'est pareil pour le travail salarial.
- Speaker #0
Moi, je me suis émancipée de cette question en étant entrepreneur depuis mes premiers jours. Mais c'est aussi, sincèrement, ma psychiatre m'a dit que je n'irais pas si bien si je n'étais pas entrepreneur. Donc, c'est pour ça qu'elle a insisté sur le fait que c'était important de me diagnostiquer pour que je puisse avoir des aménagements si je devais retourner en travail salarial, parce que j'allais vite être épuisée.
- Speaker #1
Du coup, ce serait quoi les aménagements ? que tu pourrais imaginer avoir besoin si tu travaillais en tant que salarié ?
- Speaker #0
D'être toute seule dans mon coin, déjà. De pouvoir avoir de la musique dans les oreilles sans que les autres le prennent mal. Je ne sais pas. Ah si, il y a un truc qui serait super important, c'est d'avoir des consignes claires sur ce qu'il faut faire. J'ai besoin de clarté. Du coup, que je puisse poser n'importe quelle question. franco, même des plus bêtes, que je me sente accueillie pour ça. Mais même sans penser aux salariats, moi dans ma vie d'écrivaine, j'ai demandé un aménagement à ma maison d'édition une fois, parce que je suis allée faire une télé, et c'était très très stressant pour moi. Et du coup, je suis allée faire une télé à France 3 Grand Est, dans la ville de Reims, où j'habite à Strasbourg. Donc je suis partie et j'ai été très stressée et je leur ai dit Est-ce que vous pouvez envoyer quelqu'un à Reims pour être avec moi ? Parce que ça me rendrait ma vie tellement plus facile. Et cette personne m'a accueillie, m'a soutenue, alors que j'étais en grosse angoisse de faire cette télé. Et c'était incroyable. Et j'étais très contente. J'ai eu la chance d'avoir des bonnes expériences et un bon accueil. de tout ça. Je sais que c'est une chance.
- Speaker #1
Donc, tu es écrivaine, à ce que tu nous as dit, tu as écrit deux livres, voire un peu plus.
- Speaker #0
Ah, même plus, plus.
- Speaker #1
Est-ce que tu serais d'accord de nous parler un peu de ta vie d'écrivaine ?
- Speaker #0
Bien sûr ! Alors moi, l'écriture, c'est mon rêve de gamine. Donc, le fait qu'il soit réalisé, c'est hyper chouette. Et comme quoi, c'est pas parce que je suis neuro-atypique que je ne peux pas réaliser mes rêves. C'est un message que j'ai envie de donner. Moi, mon rêve, c'était d'écrire des romans. Et j'ai publié mon premier roman en 2020 qui s'appelle Le silence qui cache la forêt. Et je suis en train d'écrire mon second roman. Et comme l'écriture, c'est vraiment un gros kiff et que j'ai investigué les questions... de santé mentale, puisque j'ai quand même été thérapeute pendant de nombreuses années et que là, je reprends du service. J'ai aussi publié aux éditions Marabout trois livres de développement personnel. Le dernier qui s'appelle Des chaînes des mémoires et qui parle de comment faire quand on a justement le passé qui vient nous embêter dans notre présent. avec ma façon très atypique aussi d'aborder les choses, puisque j'ai une formation en bibliothérapie et que j'utilise les contes et les mythes pour appréhender n'importe quelle question de santé mentale. Je trouve toujours une histoire pour entrer là-dedans et trouver des solutions intrinsèques à l'histoire et devenir le héros. finalement retrouver encore cette notion de sujet qui importe tant dans le... Dans la santé en général, puisque toi tu fais le podcast Les Invisibles aussi sur les maladies invisibles, les maladies chroniques et tout ça. Et je crois que c'est vraiment ce qu'on perd, la notion de sujet, c'est le truc le plus important à retrouver pour se sortir des difficultés du parcours de soins et tout ça. Donc je suis très active sur ces sujets-là.
- Speaker #1
Tu as aussi fait un livre sur les rituels.
- Speaker #0
J'ai fait un livre sur ce qu'on peut appeler la psychomagie, parce que ça m'amusait beaucoup. J'ai recensé plein d'actions symboliques qu'on peut faire pour se vider les nerfs quand on est en colère, quand on est triste, quand on a des nœuds au cerveau, etc. J'ai inventé plein de petites actions symboliques qui aident justement à changer notre rapport à la mémoire. on a des choses qui nous ont embêtées pour être polies
- Speaker #1
La psychomagie ça me fait vraiment penser à Jodorowsky, je ne sais pas si tu as été inspirée de cette personne,
- Speaker #0
de ce personnage Alors j'en parle j'ai fait une petite, j'ai consacré un petit encart dans le livre à ça parce que je savais qu'on allait m'en parler alors moi Jodorowsky sincèrement il me fait peur donc en fait il m'en inspire moyennement puisqu'il me fait peur au sens où c'est de la projection au sens où moi quand je m'imagine donc Jodorowsky c'est un artiste et psychanalyste il mélange un peu les deux et il fait revivre des choses aux personnes qui l'accompagnent par exemple leur naissance ou des choses comme ça de manière hyper spectaculaire et théâtralisée...
- Speaker #1
Qui peut être très violente aussi, une personne qui se retrouve dans un cercueil, à devoir l'ouvrir sur la place Saint-Marc.
- Speaker #0
Exactement, voilà pourquoi il me fait peur. Donc, je ne m'inspire pas tellement de son travail. Parce que, ouais, moi, je ne suis pas... Ce n'est pas trop mon truc, ces grandes mises en scène. En plus, il y a beaucoup de nudité auprès de personnes inconnues. Si ça vous intéresse, c'est son film qui... qui s'appelle Un art pour guérir, je crois, qui est un film documentaire où on voit tout ça. Et c'est assez impressionnant. Moi, je ne suis pas du tout proche du courant psychanalytique que j'ai beaucoup, beaucoup remis en question. Et du coup, je ne me sens pas spécialement proche de Jodorowsky. Et moi, pour ma part, le fait de mettre à jour des mémoires inconscientes et que c'est bon, ça suffit, hop, après ça va mieux. Moi, ça n'a pas fonctionné, vu que ce n'était pas forcément le problème. Donc moi, je ne me sens pas proche du tout de ce courant-là, d'autant plus que la psychanalyse et l'autisme, c'est toute une histoire, étant donné que c'est à cause du courant psychanalytique qui considérait que l'autisme était dû à une mère traumatisante, qui a un non-sens absolu. Voilà, ça a causé beaucoup beaucoup beaucoup de soucis à la fois aux autistes et aux mères d'autistes. Donc je ne suis pas hyper fan de ce courant-là. Bruno Bettelheim qui a théorisé ça est carrément allé dire que si on était autiste, c'est parce que notre mère nous faisait vivre dans des conditions pires que celles des camps de concentration. Voilà, du coup bon. Ça explique aussi pourquoi je ne jette pas tout. Mais moi, ce n'est pas ma cam. Je ne me sens pas hyper en sécurité avec tout ça. Donc oui, je connais le travail de Jodorowsky. Mais là, justement, je me suis dit, il y a quand même une idée marrante derrière d'aller faire une action symbolique. pour aller vivre notre émotion, lui donner de la place. Et c'est pour ça que j'en ai inventé plein, qui sont beaucoup plus ludiques et safe pour tout un chacun dans mon livre.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux donner, par exemple, un exemple qui pourrait intéresser les auditeurs et auditrices d'actes de psychomagie quand on vit, par exemple, avec une maladie et qu'on se confronte à des personnes validistes ou... je ne sais pas.
- Speaker #0
Dans mon livre, je parle de jouer à Docteur Maboule aussi, en pensant que c'est nous-mêmes. Voilà, on peut s'amuser avec ça. Quand on a des douleurs et tout, il peut y avoir un côté symbolique. Puis en fait, dès qu'on met de l'absurde, en général, ça fait du bien aussi. Ça fait avoir un regard amusé sur la situation. Et on a besoin de dédramatiser, en fait, des fois. On a besoin de se défouler. Mais après, oui, par rapport aux commentaires validistes qu'on peut avoir et tout...... En fait, des fois, le problème de ces commentaires-là, c'est qu'ils nous touchent et qu'on doute. Par exemple, là, tu ne fais rien, tu es paresseux, je ne sais pas quoi, tu pourrais te bouger, des choses comme ça quand on n'est pas bien. Le problème, c'est qu'on peut, même si on ne veut pas, on peut se mettre à y croire. Ça peut nous coller un peu à la peau, comme un boulet au pied. Et donc moi, dans ce moment-là, je propose d'écrire cette phrase. Il nous a embêtés sur un petit papier. De l'accrocher à notre cheville avec un fil comme si c'était un boulet au pied. De marcher un petit peu dans son salon comme ça. Genre on visualise, ok c'est Yasta en fait qui m'embête et tout. Et puis après d'aller couper ce boulet, se désenchaîner. Et cette petite phrase-là, de la mettre dans un petit sac. de congélation avec ce que vous voulez, si vous voulez des petits gris-gris, des plantes, je sais pas quoi, et de le foutre au congélateur. Et comme ça, quand vous y pensez, vous dire non, non, il est congelé, il est dans le truc, il est pas avec moi, cette phrase n'est pas avec moi, je suis tranquille et tout. Et voilà, parce que je pense que c'est tellement lourd et sérieux, les parcours de soins, les maladies, les moments compliqués que vous remettez un peu de fun et d'âme d'enfant un peu au milieu de tout. tout ça. Et en plus, ce que je dis toujours avec la psychomagie, c'est qu'en fait, le moment où on se dit oh là là, je suis vraiment une grosse feignasse, je ne me bouge pas on se rappelle qu'on a fait ce truc un peu débile et ça nous fait rire. C'est ça qui fait des dramatisés, je trouve, aussi.
- Speaker #1
J'adore. J'ai quand même envie de souligner qu'en dehors de la qualité de tes textes, tu as des livres qui sont très esthétiques. Ils ont une texture aussi que moi j'adore tu sais c'est une texture où je pourrais presque me frotter la joue tellement ils sont lisses et doux et ça paraît peut-être tout bête pour la majorité des gens mais moi je suis très sensible au toucher et vraiment mais quand je touche tes livres il y a quelque chose de presque orgasmique.
- Speaker #0
Bon bah dis donc merci j'ai la chance d'être édite aux éditions Marabout qui font de très très beaux livres Et mon roman, figure-toi qu'il est hyper doux aussi. Il a une couverture un peu peau de pêche. Et mon éditrice de chez Gorge Bleu dit toujours, quand on est au salon, les gens disent Ah, ils sont beaux, vos livres ! Parce que vraiment, les couvertures sont magnifiques. Et elle fait toujours Et en plus, ils sont doux !
- Speaker #1
Génial. Bon, il va falloir que je cours l'acheter, celui-là aussi. Donc, en dehors d'être écrivaine, entrepreneuse, je crois qu'il y a des tout nouveaux projets qui s'inscrivent. pour toi professionnellement ?
- Speaker #0
Oui tout à fait, j'ai décidé du coup de devenir Pair aidante en rétablissement donc c'est un métier encore peu connu mais ce sont en fait des patients experts, des patients rétablis qui accompagnent, soutiennent des personnes qui sont en parcours de soins. Donc en fait on met à profit notre expérience, notre expertise. des patients qui en auraient besoin.
- Speaker #1
Et c'est quel type de formation, du coup ? J'imagine que c'est quand même quelque chose qui doit être bien protégé. N'importe qui ne peut pas non plus devenir père aidant, j'imagine.
- Speaker #0
Alors, en fait, c'est des formations qui sont chapeautées par des professionnels de santé. Et en général, ce sont des personnes qui sont suivies. qui sont considérés comme rétablies, qui se tournent vers ça. À l'heure actuelle, il y a des formations assez courtes pour apprendre la posture. de père aidant, qui sont proposés par des professionnels de santé, donc qui conviennent très bien aux personnes qui savent accompagner les autres d'une manière ou d'une autre. Moi, du coup, j'ai quand même été thérapeute très longtemps, comme je le disais. Et ça fait dix ans cette année, en fait, voilà. Donc ça fait quand même un bail. Du coup, c'est la posture qui change. Finalement, au lieu d'être en face, on est à côté. C'est une posture différente et il faut la prendre, en fait. Je suis un peu une terroriste de la posture thérapeutique, donc voilà, c'est important. J'ai connu quelqu'un aussi qui était infirmier avant, donc pareil, il a quand même une certaine connaissance de tout ça à la base. Et du coup, il s'est aussi lancé en tant que père aidant après une formation courte, mais sinon, il existe des diplômes universitaires qui commencent à se mettre en place et qui sont accessibles à niveau bac en France. Et il existe aussi une licence dans le sud de la France, je ne sais plus exactement son nom, mais voilà, il y a des formations qui s'ouvrent. Et je crois que c'est vraiment un métier hyper important parce qu'il peut combler un grand manque dans le milieu de la santé, étant donné qu'on ne fait que se plaindre du manque d'écoute. de temps consacré, de compassion, d'explication aussi, parce qu'évidemment, un père aidant, moi je pense, devrait pouvoir répondre aux questions aussi sur oui, mais là j'ai peur de prendre tel traitement, toi tu l'as pris, raconte-moi, tout ça C'est un peu le doctissimo super safe, quoi, tu vois. Au lieu d'aller sur Internet, on peut avoir quelqu'un qui a vécu cette expérience, qui nous aide et qui est en lien avec les professionnels de santé, qui peut servir de médiateur. avec les personnels de santé, avec l'entourage, avec l'employeur aussi. On peut faire plein de choses, en fait, pour aider les autres. Et c'est super.
- Speaker #1
En général, le père aidant, il est mandaté quand même par une institution, un hôpital, ou c'est une personne qui vit avec une maladie qui peut directement te contacter, par exemple ?
- Speaker #0
Alors, moi, on peut me contacter. Sans problème. Après, je compte aussi développer mes actifs, les proposer aux structures hospitalières là où je vis. Parce que j'ai envie de faire des ateliers, j'ai envie de proposer pas mal de choses. Mais là, à l'heure actuelle, c'est un peu comme le mot thérapeute, c'est pas réglementé. Donc il faut faire attention, comme d'habitude. Mais en général, si on a été suivi... formé par des professionnels de santé et rétabli, considéré comme rétabli, ça donne l'assurance d'avoir un bon accompagnement en paire aidant. Le paire aidant est censé connaître ses limites pour accompagner, être là en complément de ce que font les professionnels de santé et ne pas les remplacer.
- Speaker #1
J'imagine que le paire aidant, il est quand même... Il peut être appelé dans une situation qui a ressemblé à la sienne. Par exemple, quelqu'un qui aurait un trouble anxieux ou qui vivrait avec de l'autisme. On est d'accord, on ne peut pas te contacter pour un cancer, par exemple.
- Speaker #0
Alors, je pense en fait que j'ai une grande expertise dans le au secours, je suis malade et ça ne va pas Aussi, quand même, tu vois. Puisque moi, j'ai eu une tumeur à l'hypophyse. aussi dans le passé. Donc en fait, quand je me suis intéressée à Père Aidan, c'est que j'ai contacté des associations et tout ça, et qu'on a commencé à discuter et ils m'ont dit Waouh, mais tu peux faire plein de choses ! C'est un peu comme si finalement, c'est super drôle parce que c'est un peu comme si tous mes problèmes ça devenait mon CV. On peut vraiment renverser la vapeur. Et effectivement, le Père Aidan est là pour... Ben voilà, quand... il est effectivement plus efficace quand c'est quelque chose qui connaît. Mais c'est vrai que dans nos parcours de vie, on traverse tellement de choses qu'au final, on peut aider. Moi, personnellement, il y a le trop bien que je suis généralisée, il y a l'état de stress post-traumatique. J'ai déjà accompagné des femmes victimes de violences pendant sept ans, dans mon ancien cabinet. Donc en plus, j'ai de l'expérience vraiment concrète dans cet accompagnement-là. Tout autour de la neuroatypie, mon groupe de parole, ça se passe super bien. Ça s'appelle Tizane entre neuroas et on se retrouve un lundi par mois sur Zoom. Et c'est super chouette. Il y a vraiment de beaux échanges. C'est super. Et puis, j'ai malheureusement une grosse expertise dans l'errance médicale puisque j'y étais pendant très longtemps avant qu'on découvre la tumeur à l'hypophyse. Et il y a plein de personnes qui passent par là. Donc, en fait, c'est super large.
- Speaker #1
Je vois vraiment que tu touches à plein de métiers différents quelque part, même s'ils se rejoignent. Est-ce que tu as besoin, j'imagine, d'un cadre très particulier, de rituel dans ton quotidien pour arriver à mener de front toutes ces activités ?
- Speaker #0
Je ne l'ai pas encore trouvé, sincèrement. Je ne l'ai pas encore trouvé. Là, j'essaye plutôt de faire en sorte de réussir à avancer sur ces multiples projets en même temps. Ce n'est pas encore hyper bien rodé. Mais comme il y a un certain nombre de questions qui ne se posent plus, ça me donne beaucoup de temps, en fait. C'est-à-dire que d'arrêter de me prendre la tête, d'être vraiment entourée de personnes qui sont des alliés, et du coup, de ne plus avoir des confrontations relationnelles comme je pouvais avoir avant aussi, de ne pas être à l'aise et tout ça, de pouvoir dire Désolée, là, je suis fatiguée, je rentre. Dans mon quotidien, c'est beaucoup plus facile de mener tout ça. Et... Et voilà, moi, c'est vraiment des métiers passions, que ce soit d'écrire ou d'accompagner. Et voilà, après, avec mon TDAH, j'aime bien que ce soit varié. Donc, je suis ravie. Je ne pourrais pas faire qu'un seul truc, quoi. Ce serait difficile. Ce serait difficile à vivre pour moi. Donc là, voilà, c'est des fois difficile pour le côté autiste de passer du coca-l'âne et de... Voilà, mais l'agenda papier est mon meilleur ami. avec tous mes petits post-it dessus. J'ai une super astuce pour les gens comme moi. C'est pas quoi ? J'ai pas compris. J'ai dit j'ai une super astuce pour les gens comme moi. Dans mon agenda papier, maintenant, si vous êtes aussi plus team papier qu'ordinateur, parce que moi, j'ai besoin de voir et de sentir. Il y a quelque chose comme ça. C'est que maintenant, tu vois, par exemple, j'ai des mini post-it. C'est ce qu'on met comme marque-page dans les livres où je marque des choses. En fait, ils sont repositionnables. Je sais que j'ai ça à faire, mais je peux les changer de place dans mon agenda. C'est génial. Et ça, c'est ma nouveauté de cette année. C'est magique, surtout avec les posts sur les réseaux sociaux, ce genre de choses, où finalement, tu fais autrement, ça évite les ratures. Il y a un côté figé, flexible. Donc moi, avec Autiste TDAH, c'est parfait.
- Speaker #1
C'est magnifique. Moi, je suis totalement team papier. Je suis incapable d'imaginer avoir un agenda sur un ordinateur. ou un téléphone et ce qui m'a vraiment sauvée dans mon organisation et qui m'a énormément enlevée en charge mentale parce que je suis quelqu'un qui est tout le temps mis l'idée à la minute, et bien c'est le bullet journal. Tout simplement. Parce que sinon je pouvais tourner 100 fois avec le même truc de genre, faut faire ci, faut faire ça tous les 6 mois, faut penser à ci, ça, ça, et j'y arrivais pas et en fait le bullet journal m'a vraiment changé la vie à ce niveau-là.
- Speaker #0
T'as réussi à t'organiser, t'arrives toi à tracer tes petits traits, à faire ton truc nickel et tout. parce que moi j'en suis incapable, ça me lasse tout de suite. C'est pour ça que j'ai un agenda, c'est pas moi qui écris les trucs dessus à la base, mais où je me dis à l'intérieur.
- Speaker #1
C'est vrai que le premier bullet journal, je l'ai fait entièrement, ça m'a pris 10 heures parce que j'ai fait 5 soirées de 2 heures pour le faire. Mon mari avait fait le sien aussi, lui il ne l'a jamais utilisé, alors qu'il a passé 10 heures dessus aussi. Mais en fait, j'ai dernièrement gagné grâce à un concours sur Instagram de Vanessa Verneuillette. un bullet journal déjà fait.
- Speaker #0
Ah voilà.
- Speaker #1
Donc, en gros, il suffit ensuite de rentrer les petites informations, mettre les couleurs, mais la structure est faite. Donc, voilà, ça aide beaucoup comme petite astuce. J'ai pensé à toi l'autre jour en lisant un livre. C'est intéressant parce que tu citais tout à l'heure Brigitte Harrison ou Harrison, je ne sais pas. Elle dit Les besoins des autistes sont presque toujours interprétés à partir du cadre de références neurotypiques. Elle dit ça dans un livre qui s'appelle L'autisme expliqué aux non-autistes Et je voulais avoir ton avis sur cette citation-là.
- Speaker #0
C'est vrai, en fait, que du coup, les personnes vont interpréter nos besoins avec leur cerveau à elles. Et du coup, ils vont aussi dire tu devrais faire comme ça ou comme ci alors qu'en fait, ça ne répond pas à nos besoins. Donc, c'est vrai que... On parle souvent de conseils non sollicités quand on a des soucis, mais quand on est autiste, non seulement ils sont non sollicités, mais en plus ils sont la plupart du temps complètement à côté de la plaque. Donc je comprends cette phrase. Et Brigitte Harrison, c'est pour ça qu'elle l'écrit sur l'autisme alors qu'elle est concernée. Et que ça change beaucoup la lecture du livre, vraiment.
- Speaker #1
Est-ce que du coup, tu as des références un peu à nous donner ? qui ont été créés par des personnes autistes pour des personnes autistes. Je pense à des comptes Instagram, des livres, des films. Est-ce que tu as des références comme ça pour un peu s'y retrouver ?
- Speaker #0
Alors, moi, ça a vraiment été une grosse révélation, la littérature de Brigitte Harrison. Donc, je la conseille vraiment, surtout son livre sur l'estime de soi. Je ne me souviens plus du titre exact, mais il est facile à retrouver. Ce qui est super chouette aussi, on en parlait tout à l'heure, c'est le travail de Julie Dachez, qui a écrit la BD La différence invisible. En plus, c'est une BD, donc ça se lit bien. Elle, elle avait fait plein de contenus sur l'autisme au féminin. aussi en ligne. On est beaucoup à faire, à essayer de parler d'autisme sur les réseaux sociaux. Il y a beaucoup de comptes qui sont plus américains, parce qu'ils sont plus avancés que nous, vu qu'ils n'ont pas eu l'influence de la psychanalyse qui a fait reculer un peu les diagnostics et les prises en charge, comme on a eu nous en France. Il y a Claire qui a le compte La Vie en Pause sur Instagram qui propose aussi pas mal de contenu, notamment pour les gens qui se posent des questions. Et elle a créé ce qu'elle appelle la table de mixage du TSA et qu'on peut remplir pour montrer que c'est un spectre et que du coup, selon chacun, on n'aura pas les mêmes molettes levées au même endroit sur la table de mixage. Et elle propose pas mal de ressources aussi. Et il y a le conte de Leve, Rosen Leve, que j'adore, qui est aussi autiste et qui montre qu'on peut être... qui déstigmatise et qui fait de la pole dance et qui aide les personnes justement aussi à faire du sport, que je trouve très chouette. Il y a mon éditeur Marabou qui a sorti un livre aussi d'une... d'une athlète dont j'ai oublié le nom, je ne l'ai pas encore lu, mais apparemment, l'Ève a dit que c'était super, qui soulève des poids et tout, qui a gagné des prix et tout ça, et qui est autiste et qui démonte aussi un peu les clichés. Il y a plein de choses, en fait. Il y a plein de choses. Effectivement, dans les séries, on retrouve souvent des personnes autistes un peu clichées, le petit garçon qui s'intéresse à des trucs. clichés ou tout ça mais bon la série Atypical elle est quand même trop mignonne, moi j'ai beaucoup aimé. Il y a un... on retrouve aussi sur Netflix je crois une série qui s'appelle Love on the Spectrum je crois, je sais plus comment c'est le nom en français. Où on voit des personnes autistes qui ont des rendez-vous amoureux ensemble, du coup c'est aussi assez drôle. On comprend tout le stress que ça peut dégager aussi. Voilà, il y a plein de ressources, en fait, autour de tout ça.
- Speaker #1
Je te remercie du partage. Tu parlais de l'autisme au féminin. Est-ce que ça a une singularité propre ?
- Speaker #0
Alors, en fait, moi, j'ai plutôt l'impression que c'est le spectre qui s'élargit. Plutôt qu'une... Voilà, parce qu'au final, il y a des... Les symptômes sont un peu similaires, les difficultés peuvent être similaires, mais la manière dont c'est perçu, elle est différente, en particulier par les autres. Puisque l'exemple qu'on donne souvent, c'est quand on voit un petit garçon qui a un intérêt spécifique, où il apprend les horaires de train par cœur, quand il est petit, on se dit c'est bizarre, il est peut-être autiste Et il y a une petite fille qui fait la même chose, mais elle, elle aime le cheval. Du coup, c'est pas grave, c'est une petite fille normale Il y a des spécificités parce que les femmes s'adaptent beaucoup plus, parce que c'est ce qu'on leur demande, malheureusement, on les moule dans quelque chose. Et du coup, dès le plus jeune âge, les femmes autistes développent des capacités de masking, ce qu'on appelle le masking, un autisme beaucoup plus grand que celle des garçons, en fait. Et du coup, ça se voit beaucoup moins. C'est vraiment caché et du coup, d'autant plus fatigant puisqu'on fait semblant.
- Speaker #1
C'est ça, c'est la suradaptation quelque part.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Est-ce que... Moi, j'aimerais juste te demander quel est ton nom de compte Instagram aussi parce que c'est aussi une ressource pour que les personnes puissent la voir quand ils écoutent le podcast.
- Speaker #0
Tout à fait, c'est la Maison Célène, la.
- Speaker #1
maison.selen tout simple tout simple à retenir super il y a en tout cas du sacré bon contenu moi je vais arriver sur les deux dernières questions avant ça est-ce que toi t'as envie de rajouter quelque chose d'un sujet que t'aimerais aborder qu'on n'a pas abordé ensemble écoute non rien ne me vient en présent très bien ça peut encore bouger quel message veux-tu faire passer aux personnes neuroatypiques et à leur entourage
- Speaker #0
J'ai envie de dire aimez-vous comme vous êtes. Vraiment, je ne vais pas faire mon génie, mais j'avais envie de dire aimez-vous les uns les autres quand même. C'est vraiment ça que j'ai envie de dire. C'est tellement plus important que les conneries de communication. Ce n'est pas de la connerie la communication, je veux dire les tensions. Enfin, je ne sais pas, il y a le cœur ouvert et c'est tout ce qui compte. Voilà ce que j'ai envie de dire.
- Speaker #1
Quel super pouvoir t'a amené à la neuro... Pardon. Quel super pouvoir t'amène la neuro-atypie ? J'allais dire t'a amené à la neuro-atypie. Intéressant comme lapsus.
- Speaker #0
Quel super pouvoir ? Je pense quand même que c'est ma créativité. Parce que c'est un truc qui ne s'est jamais éteint en fait. Pourtant, on en est traversé de moments pas drôles. Mais je ne sais pas. il y a toujours une espèce de marmite j'ai l'impression d'avoir une marmite et l'énergie de l'utiliser et du coup c'est un peu comme si j'avais mon autisme marmite avec, je suis en train d'inventer un truc je n'ai jamais vu ta porte qui arrive donc voilà je fais un en direct je vous montre la créativité en direct mon autisme marmite avec Mon énergie TDAH avec les idées du HPI que je mettais à l'intérieur. Et après, ça fait des chocs épiques.
- Speaker #1
Waouh, trop beau. Je te remercie,
- Speaker #0
Marie. Merci à toi de m'avoir invitée.
- Speaker #1
Avec joie, c'était un chouette échange. Et je te dis à bientôt.
- Speaker #0
À bientôt. Voilà. T'es contente ?
- Speaker #1
Ouais, et toi ?
- Speaker #0
Oui, tu vois, par exemple, t'es contente ? Non, ça se dit pas en fait, je crois. Bah grave ! Ça va ! Il y a des gens qui... Tu vois, moi, après mon premier rendez-vous avec mon mari, on s'est rencontrés sur Tinder, et je savais qu'il avait eu aussi un rendez-vous avec une autre fille un peu avant, enfin les jours avant, les semaines avant, je sais pas, et je lui ai dit Alors, t'as préféré quel rendez-vous ? C'est l'autre,
- Speaker #1
c'est l'autre. La question que tout le monde se pose en réalité.
- Speaker #0
Moi, je le dis toujours. Tu peux peut-être le rajouter au montage.
- Speaker #1
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